Gestion du risque environnemental : Responsabilité et assurance

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Gestion du risque environnemental : Responsabilité et assurance
Gestion du risque environnemental :
Responsabilité et assurance
Les catastrophes écologiques nous rappellent régulièrement que l’environnement est
extrêmement vulnérable face aux activités humaines. Les marées noires marquent
toujours les esprits car les conséquences sont spectaculaires et très visibles. Le naufrage de l’Erika a provoqué une pollution massive le long des côtes françaises et la mort
de plusieurs centaines de milliers d’oiseaux marins et d’autres animaux.
Il existe également des atteintes à l’environnement moins « visibles » mais non
moins dramatiques : l’activité industrielle peut être à l’origine d’une pollution graduelle et diffuse, mais qui, avec le temps, occasionnera des dommages environnementaux graves.
Avec l’aimable
participation de
Mr FRANCOIS
Agent général AXA
31 place de la République
57100 THIONVILLE
Tél.: 03 82 82 71 71
Courriel :
[email protected]
Citons un exemple récent qui a marqué les esprits par son
impact tant social qu’environnemental : Metaleurop Nord, filiale du groupe Metaleurop SA, exploitait la plus importante fonderie de plomb et de zinc d’Europe à Noyelles-Godault (Pas de
Calais).
En janvier 2003, les 830 salariés
apprennent que l’entreprise,
placée en redressement
judiciaire depuis novembre
2002, va être liquidée, qu’ils
seront licenciés sans préavis ni
plan social, et que le groupe ne
prendra pas en charge la
dépollution du site. En effet,
par un imbroglio juridique, la
maison-mère a réussi à ne pas
être tenue pour responsable de
la dépollution du site.
Tour à plomb de Metaleurop
L’actionnaire principal, le groupe
Nord
suisse de négoce de matières
premières Glencore, nie toute responsabilité, les actions de
Metaleurop Nord étant détenues en réalité par des filiales de
Glencore localisées aux Bermudes, célèbre paradis fiscal.
Peu avant sa mise en faillite, Metaleurop Nord assurait à partir
de minerais :
● Deux tiers de la production française de plomb (150 000 t),
● Un tiers de celle de zinc (100 000 t),
● La totalité de la production française de germanium (20 t) et
d’indium (50 à 70 t).
Selon l’observatoire régional de la santé (ORS) en octobre 2002,
13% des enfants dépistés dans les communes aux abords de
l’usine avaient un taux d’imprégnation élevé, et à Evin-Malmaison, située sous les vents dominants, ce taux atteignait 27%.
Sur le plan environnemental, suite à la liquidation de la société,
le Gouvernement a autorisé le préfet à prendre un arrêté préfectoral de travaux d'office chargeant l'ADEME de poursuivre les
actions engagées à l'extérieur du site. De plus, les liquidateurs
ont cédé l'emprise du site à la société SITA qui s'est engagée à
mettre en œuvre les obligations de remise en état imposées par
arrêté préfectoral aux liquidateurs. Le coût de cette dépollution
s'élève à 22 millions d'euros. Il sera financé par l'Etat, la Région
et la revente des équipements et matériaux du site.
Face à de tels évènements, on est en droit de se demander qui
doit assumer les coûts résultant du nettoyage des sites pollués
et de la réparation des dommages. Est-ce à la société civile toute
entière, autrement dit le contribuable, d’acquitter la facture ou
est-ce au pollueur, quand il peut être identifié, de payer ?
Vers une définition rigoureuse
du risque
Avant d’aborder la responsabilité environnementale et la réparation des dommages, il est utile de redéfinir la notion de risque.
En effet, ce qui prime est d’éviter que l’accident ne se produise
et ainsi gérer le risque. L’adage « mieux vaut prévenir que guérir » prend ici toute sa valeur.
Le risque, dans sa définition la plus simple, est une exposition à
un danger* potentiel, inhérent à une situation ou une activité.
* : le danger est la caractéristique d’une chose (outil, machine, produit, situation, activité…) qui peut affecter négativement l’intégrité (santé, sécurité…) d’un individu ou d’une
chose (installation, organisation, environnement…). Le danger est indépendant de la probabilité de survenue de l’événement, alors que le risque tient compte de cette probabilité.
Plus rigoureusement, le risque n’existe que lorsqu’un aléa entre
en relation avec la vulnérabilité d’une cible :
● L’aléa décrit la probabilité qu’un événement se produise ainsi
que l’intensité (gravité et cinétique) des effets physiques que
le phénomène produit.
● La vulnérabilité décrit les cibles qui pourraient être
exposées au danger* ainsi que leur degré de sensibilité à
celui-ci.
Ainsi, le risque se définit comme la combinaison de la probabilité
et de la (des) conséquence(s) de la survenue d’un événement
dangereux.
Aléa
Vulnérabilité
Risque
Usine de Metaleurop Nord peu de temps avant sa fermeture
Les différents risques pouvant être à l’origine de dommages
environnementaux dans une entreprise sont :
● Le risque thermique, plus communément appelé risque
d’incendie,
● Le risque de surpression, dit aussi risque d’explosion,
● Le risque chimique,
● Le risque sanitaire ou biologique.
CODLOR ENVIRONNEMENT LORRAINE N° 59 / 3
Conséquences écologiques des accidents technologiques déclarés en 2006 :
- Pollution des eaux de surface – 11%
- Pollution des eaux souterraines – 0,6%
- Contamination des sols – 5,8%
- Atteinte de la faune sauvage – 2,1%
- Atteinte de la flore sauvage – 0,7%
(source : inventaire 2007 des accidents technologiques, Bureau d’analyse des
risques et pollutions industriels, MEDAD)
Le risque d’atteinte à l’environnement est encore mal appréhendé par les entreprises car seules les entreprises compétitives peuvent s’engager dans une véritable politique de prévention. Alors
que les grands groupes ont un souci d’image de marque, les
petites entreprises ne prennent conscience du risque bien souvent qu’après un sinistre. De même, les entreprises qui ne rentrent pas dans le cadre de la réglementation installation classée
sous-estiment le risque de pollution.
600 000 installations sont susceptibles de causer des
atteintes à l’environnement…
● Entreprises à vocation industrielle ou commerciale qui
stockent ou exploitent des produits susceptibles d’impacts
environnementaux, quel que soit le régime de classement
(non classé, à déclaration ou à autorisation),
● Activités qui reposent principalement ou partiellement sur
l’exploitation d’une ressource naturelle vulnérable à tout
accident de pollution, ressource telle que les eaux de surface,
les eaux souterraines ou encore les gaz de l’atmosphère,
● Entreprises dont la pérennité serait directement menacée par
une dégradation de la qualité de l’environnement (industries
agro-alimentaires, établissements thermaux, salles
blanches…) ou qui serait dans l’obligation d’engager des frais
de dépollution ou de décontamination (gestion de parcs
immobiliers…).
… et pourtant seules 5% d’entre elles bénéficient d’une
couverture spécifique « atteintes à l’environnement ».
La gestion du risque environnemental, comme celle des autres
risques, se décompose en plusieurs étapes :
● identification des risques : quels dommages les activités
de l’entreprise peuvent-elles provoquer sur son propre site et
au-delà ?
● évaluation des risques : en termes de gravité, d’impact
financier pour l’entreprise,
● maîtrise des risques : par la mise en place de mesures
techniques de prévention et de protection, par la formation
du personnel de l’entreprise,
● traitement des risques résiduels : malgré toutes les
mesures et précautions visant à diminuer les risques, il faut
envisager les conséquences que pourrait avoir la réalisation
d’un risque, et les modalités visant à les réduire ;
✔ préparation à la gestion du sinistre potentiel,
✔ couverture financière de l’entreprise, notamment par le
recours à l’assurance pour les risques résiduels.
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La responsabilité
environnementale
Attardons nous maintenant aux conséquences de la survenue
d’un incident ou accident causant des dommages environnementaux. Quelles sont les conséquences juridiques pour le chef
d’entreprise ? Comment sa responsabilité est-elle engagée ?
En terme juridique, il existe deux sortes de responsabilité : la
responsabilité civile et la responsabilité pénale.
■ 1. LA RESPONSABILITÉ CIVILE
Elle est engagée si les éléments suivants sont réunis :
● Un dommage certain et direct, corporel ou matériel,
● Un fait générateur de responsabilité,
● Un lien de causalité entre le fait générateur et le dommage ;
c’est à la victime de le prouver.
Il existe plusieurs typologies de responsabilité civile, définies aux
articles 1382 à 1386 du Code Civil :
● Responsabilité pour faute : elle pèse sur toute personne
qui a un comportement pouvant être qualifié de faute. En
droit de l’environnement, celle-ci résulte souvent du nonrespect d’obligations réglementaires,
● Responsabilité pour négligence : celle-ci concerne des
faits relevant de l’imprudence ou de la négligence, et ceci
malgré le respect des obligations réglementaires,
● Responsabilité du fait de la chose dont on a la
garde : le gardien d’une chose est responsable du
dommage que celle-ci peut causer. Est considéré comme
gardien, la personne qui en a la direction, le contrôle et
l’usage ; ainsi ce sont généralement les exploitants d’ICPE,
comme utilisateurs de produits dangereux ou comme
producteurs de déchets qui en sont déclarés responsables,
● Troubles anormaux du voisinage : existence d’une
nuisance excédant la normale concernant la sécurité, la
salubrité ou le confort.
Les nuisances subies par les occupants d’un bâtiment n’entraînent pas droit à réparation lorsque le permis de construire afférent au bâtiment exposé aux nuisances a été demandé postérieurement à l’existence des activités.
(art. L.112-16 du Code de la Construction et de l’Habitation)
■ 2. LA RESPONSABILITÉ PÉNALE
Au-delà de la responsabilité civile, il existe en matière d’environnement des infractions pénales. Tout exploitant ou toute société
peut voir sa responsabilité pénale engagée pour non respect de
la réglementation. Pour l’environnement, il y a des infractions
très générales définies dans le Code Pénal, mais aussi des infractions spécifiques à la législation environnementale.
Infractions de droit
commun
Infractions spécifiques à
l’environnement
- Homicides, coups et blessures involontaires,
- Mise en danger de la vie
d’autrui,
- Terrorisme écologique,
- Délit concernant l’assistance et le secours,
- Destructions, détériorations
et dégradations de biens,
- Non-respect des interdictions et des obligations.
- Défaut d’autorisation ou
de déclaration,
- Inobservation des prescriptions techniques,
- Inobservation des décisions de suspension, de
fermeture ou d’interdiction,
- Inobservation des prescriptions techniques en cas de
cessation d’exploitation.
Les éléments constitutifs d’une infraction pénale sont :
● L’élément matériel qui correspond au comportement
prohibé, par exemple :
✔ Ne pas respecter la réglementation préalablement définie
par l’administration ; le non-respect est alors sanctionné,
même s’il n’occasionne pas de dommage à
l’environnement,
✔ Dégradation ou destruction portant atteinte à
l’environnement.
● L’élément moral qui correspond à l’état d’esprit dans
lequel l’acte a été commis.
Ces deux éléments doivent être nécessairement réunis pour qualifier une infraction de pénale. Les délits sont donc considérés
comme des infractions intentionnelles. Les délits non intentionnels relèvent de la responsabilité pénale s’il y a la preuve
d’une imprudence, d’une négligence ou d’une mise en danger
délibérée d’autrui, tant que le lien entre la faute et le dommage
est direct.
L’auteur de l’infraction, qu’il soit une personne physique ou
morale, peut alors être condamné à exécuter certaines peines.
Il existe deux catégories d’infractions :
● Les contraventions, prévues par décret (articles R du Code
de l’Environnement), aboutissent à des peines d’amende
inférieures à 3 000 €.
● Les délits ne peuvent être prévus que par une loi (articles L
du Code de l’Environnement).
Infractions
Nature de
l’infraction
Peines encourues
Mise en service d’une instal- Délit (L.514-9 du Code 75 000 € d’amende et 1 an
lation sans l’autorisation de l’Environnement)
de prison au plus (en cas de
requise
récidive, les peines sont doublées)
Mise en service d’une instal- Contravention de 5 ème 1 500 € d’amende au plus
lation sans procéder à sa classe (R.514-4 1° du
déclaration, le cas échéant Code de l’Environnement)
Inobservation des prescrip- Contravention de 5 ème 1 500 € d’amende au plus
tions techniques
classe (R.514-4 3° du
Code de l’Environnement)
Résistance à un arrêté de Délit (L. 514-11 II et III 75 000 € d’amende et 6
mise en demeure
du Code de l’Environne- mois d’emprisonnement
ment)
Inobservation des décisions Délit (L. 514-11 I du 150 000 € d’amende et 2
de suspension, de fermeture Code de l’Environne- ans d’emprisonnement
ou d’interdiction
ment)
Inobservation des prescrip- Contravention de 5 ème 1 500 € d’amende au plus
tions techniques en cas de classe (R.514-4 7° du
cessation d’exploitation
Code de l’Environnement)
La responsabilité pénale ne peut faire l’objet
d’aucune police d’assurance.
D’une manière générale, la responsabilité environnementale
est encore mal appréhendée par les chefs d’entreprise. Ces derniers se préoccupent davantage des poursuites pour infractions
liées au Code du Travail. D’un point de vue purement statistique, on constate effectivement que les condamnations sont, à
ce jour, rares et qu’elles concernent :
● Soit des exploitants ayant manifesté une volonté de
récidive,
Soit des exploitants ayant concouru à un grave dommage
environnemental.
Mais le conseil que l’on se doit pourtant d’apporter au chef
d’entreprise est de ne pas négliger les risques de responsabilité
qu’il encourt, d’autant que la société accepte de moins en
moins les atteintes à l’environnement et que la législation vient
d’évoluer en la matière.
●
■ LA NOUVELLE LOI
Avec plus d’un an de retard, la France a enfin transposé la Directive 2004/35/CE du 21 avril 2004, sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des
dommages environnementaux.
La loi n°2008-757 du 1er août 2008 (JO du 2 août 2008), relative à la responsabilité environnementale et à diverses dispositions
d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de l’environnement, (dite « LRE ») oblige désormais les exploitants à
restaurer les atteintes causées à l’environnement, au nom du
principe « pollueur-payeur ».
● Définitions
Sont considérées comme « dommages environnementaux »,
les détériorations « graves » de l’environnement suivantes,
qu’elles soient directes ou indirectes (article L.161-1-I du Code de
l’environnement) :
- Les contaminations des sols susceptibles de créer une atteinte
grave à la santé humaine,
- Les dégradations de l’état écologique, chimique ou quantitatif
des eaux (directive cadre sur l’eau 2000/60/CE),
- Les atteintes aux espèces protégées et aux habitats naturels,
- Les atteintes aux services écologiques, c’est-à-dire aux
fonctions assurées par les sols, les eaux, les espèces et les
habitats au bénéfice des ressources naturelles ou du public.
La notion de dommage « grave » visée par la LRE apparaît
subjective et risque de le demeurer, en dépit du décret d’application. La commission européenne n’a pas apporté
d’exemple précis de dommage « grave ».
L’exploitant est toute personne physique ou morale, publique
ou privée, qui exerce ou contrôle une activité économique lucrative ou non.
La loi actuelle ne prévoit pas d’élargir la responsabilité environnementale des filières à leurs sociétés mères. Cependant,
en août dernier, un groupe de députés a déposé un projet de
loi mettant en jeu la responsabilité de personnes morales
détenant des parts sociales ou des actions d’une société pour
les dommages que cette dernière aurait causés à l’environnement. Cette garantie ne pourrait être mise en œuvre
qu’en cas de défaillance de l’exploitant de l’activité et ne
concernerait pas les personnes physiques actionnaires ou
détentrices de parts.
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● Champ d’application
Le principe de responsabilité s’applique aux dommages environnementaux qui résultent d’activités professionnelles, dès lors qu’il
est possible d’établir un lien de causalité entre les dommages et
l’activité en question.
La LRE n’est pas applicable aux dommages causés aux biens
et aux personnes : une personne victime d’un préjudice
résultant d’un dommage environnemental ne peut en
demander réparation sur la base de ce texte.
Cette loi s’applique pour toute activité professionnelle, en cas de
faute ou de négligence de l’exploitant, mais aussi en l’absence de
faute ou de négligence pour certaines activités.
Cette loi ne s’applique pas dans certains cas, notamment en cas
de dommages causés par :
- un conflit armé,
- des activités menées dans l’intérêt de la défense nationale ou
de la sécurité internationale,
- des activités du secteur nucléaire,
- des activités, émissions ou utilisations de produit dont l’état des
connaissances scientifiques et techniques ne permet pas de prévoir les dommages (cas de la R&D) sont également exclus du
champ d’application de la loi, à condition que l’exploitant n’ait
pas commis de faute ou de négligence (article L.162-23 du
Code de l’environnement),
- une catastrophe naturelle,
- des activités dont l’unique objet est la protection contre les
risques naturels majeurs ou les catastrophes naturelles.
De même, cette loi limite la responsabilité de l’exploitant dans le
temps si :
- Le fait générateur du dommage s’est produit il y a plus de
trente ans (art. L.161-2 à 4 du Code de l’Environnement),
- Le dommage est survenu avant le 30 avril 2007, date à
laquelle la Directive aurait dû être transposée en droit français
(art. L.161-5 du Code de l’Environnement)
- Le dommage résulte d’une activité qui a cessé définitivement
de fonctionner avant le 30 avril 2007.
Un décret d’application sera publié prochainement ; il précisera
le cadre de la loi :
- Désignation de l’autorité compétente. Il s’agirait d’une nouvelle
police administrative, distincte de celles des installations classées et de l’eau,
- Liste des activités qui pourront être tenues pour responsable du
dommage environnemental causé, même en l’absence de
faute ou de négligence.
D’après la Directive, il s’agirait :
✔ des activités agricoles et industrielles visées par la Directive
IPPC (prévention et réduction intégrée de la pollution),
✔ d’activités rejetant des métaux lourds dans l’eau ou dans
l’air,
✔ d’installations produisant des substances chimiques
dangereuses,
✔ d’activités de gestion des déchets (notamment les
décharges et les installations d’incinération),
✔ d’activités concernant les OGM.
Deux types de mesures, dont le contenu sera précisé par décret,
doivent être pris en compte par l’exploitant : des mesures de
prévention et de réparation.
Mesures de prévention
Les articles L.162-3 à 5 du Code de l’Environnement prévoit des
mesures de prévention dans le cas où une menace de dommage
existerait. Les frais résultant de ces mesures sont à la charge de
●
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l’exploitant. Ces mesures doivent empêcher le dommage de se
produire ou d’en limiter les effets. Elles doivent être prises sans
délais et sans que l’autorité compétente le lui demande.
Si la menace persiste, l’exploitant informe l’autorité compétente
de la nature des menaces, des mesures de prévention prises et
de leurs résultats.
La mise en œuvre des mesures de prévention sur des propriétés
privées nécessite un accord préalable écrit du propriétaire. Celuici peut le cas échéant prétendre à des indemnités.
Mesures de réparation
Les mesures de réparation sont définies aux articles L.162-6 à
12 du Code de l’Environnement.
La réalisation des mesures de réparation obéit au schéma suivant :
●
Evaluation du dommage et proposition des mesures
L’autorité compétente évalue la nature et les conséquences
du dommage, au frais de l’exploitant ; elle précise, notamment, l’état des ressources naturelles et des services écologiques au moment du dommage.
L’exploitant propose à l’autorité les mesures appropriées.
Contenu des mesures
Les mesures de réparation ont pour but de :
✔ rétablir les ressources naturelles et leurs services
écologiques dans leur état initial,
✔ éliminer tout risque d’atteinte grave à la santé humaine, en
tenant compte de l’usage existant ou prévu du site
endommagé (notamment à partir des documents
d’urbanisme).
La loi prévoit trois types de réparation :
1. La réparation primaire permet le retour à l’état initial
ou à un état proche. Dans ce cas, la régénération naturelle est une des solutions à envisager.
2. La réparation complémentaire est un ensemble de
mesures à mettre en œuvre lorsque la réparation primaire
n’a pas abouti à un retour à l’état initial. Elles fournissent
un niveau de ressources naturelles ou de service écologique comparable. Elles peuvent être mises en œuvre sur
un autre site, choisi après concertation avec les populations ayant subi le dommage.
3. La réparation compensatoire compense les pertes
intermédiaires de ressources naturelles ou de services écologiques survenant entre le dommage et les effets bénéfiques des réparations primaire ou complémentaire. Ces
mesures peuvent être mises en œuvre sur un autre site,
mais ne peuvent se traduire par une compensation financière.
Soumission de l’évaluation aux acteurs concernés
L’autorité soumet l’évaluation pour avis aux collectivités territoriales, aux associations de protection de l’environnement
et au public concerné par le dommage.
Approbation des mesures de réparation
L’autorité administrative décide, par une décision motivée,
des mesures de réparation appropriées.
Les terrains appartenant à des personnes privées peuvent
être utilisés pour l’accomplissement des travaux de réparation dans les mêmes conditions que celles concernant les
mesures de prévention.
L’esprit du texte est bien d’obliger les exploitants à réparer les
dommages environnementaux causés, indépendamment de
leurs répercussions sur les personnes et sur les biens.
En cas d’urgence, et si l’exploitant ne peut être immédiatement
identifié, les acteurs locaux (syndicats professionnels, collectivités territoriales…) peuvent demander à l’administration de réaliser les mesures de prévention ou de réparation, au frais de l’exploitant.
La grande avancée de cette législation est la reconnaissance du
préjudice écologique avec une réparation en nature, et non
pécuniaire. La LRE permettra également d’exiger plus facilement
la réparation des pollutions à l’extérieur des sites industriels.
La directive européenne fixe les principes « pollueur-payeur »
et de réparation des dommages environnementaux mais n’impose pas de moyens pour répondre à ces principes.
Ainsi, alors que certains Etats membres exigent la constitution de
garanties financières par les entreprises de manière à couvrir leur
potentielle insolvabilité, la France n’impose ni garanties financières, ni assurance car cela pourrait déresponsabiliser les entreprises.
L’assurance du risque environnemental n’est pas le seul moyen
de résoudre l’insolvabilité et de financer la réparation des dommages environnementaux ; la constitution de garanties financières peut également être envisagée par les exploitants.
Une garantie financière est un engagement écrit d’un établissement de crédit ou d’une société d’assurance capable de mobiliser, si nécessaire, les fonds permettant de faire face à la
défaillance de l’exploitant.
Ces garanties financières peuvent avoir différentes formes :
- caution bancaire,
- caution personnelle (cas des grands groupes disposant de
fonds suffisants),
- « épargne pollution » (dépôt sur un compte).
Par exemple, en Espagne, la constitution de garanties financières a été privilégiée. Le texte de transposition espagnol est
relativement développé sur la question des garanties financières : l’octroi d’une autorisation environnementale d’exploiter (pour certaines activités) est conditionné à la présentation d’une garantie financière. Les activités déjà en activité
et disposant d’une autorisation antérieure, bénéficieront
d’un délai pour constituer des garanties financières.
Bien que la nature des garanties reste libre (souscription à
une police d’assurance, obtention d’une caution…), le texte
fixe des montants minimum à garantir, en fonction du degré
de risque de l’activité.
L’assurance du risque
environnemental
■ TERMINOLOGIE
Atteinte à l’environnement : l’émission, la dispersion, le rejet ou
le dépôt de toute substance solide, liquide ou gazeuse diffusée
par l’atmosphère, le sol ou les eaux, la production d’odeurs,
bruits, vibrations, variations de température, ondes, radiations,
rayonnements, excédant la mesure des obligations ordinaires de
voisinage.
En termes d’assurance, l’atteinte à l’environnement n’est pas un
concept absolu, détaché des autres éléments du contrat :
● elle se rattache à un auteur (l’assuré),
● se situe à un moment donné (garantie dans le temps),
● se produit dans des circonstances précises (caractère de
l’atteinte),
● s’appréhende dans ses impacts néfastes pour l’homme
(préjudices couverts).
CODLOR ENVIRONNEMENT LORRAINE N° 59 / 7
On distingue deux sortes de pollution, accidentelle ou
graduelle :
● Une atteinte à l’environnement dite accidentelle résulte
d’un événement soudain et imprévu. Cela signifie qu’elle se
manifeste quasiment sans délai par rapport à l’événement
générateur qui est soudain.
Exemple : rupture brutale d’une cuve ou d’une canalisation
contenant des produits dangereux qui atteint immédiatement
les eaux de la nappe phréatique ou qui se déverse dans la
rivière mitoyenne.
●
ASSURPOL
(source : http://www.assurpol.fr)
Qu’est ce qu’ASSURPOL ?
ASSURPOL est un GIE (Groupement d’Intérêt Economique)
dont les adhérents sont des sociétés d’assurance et des
sociétés de réassurance les plus représentatives du marché
français.
●
Quelle est son activité ?
ASSURPOL réassure les risques d’atteintes à l’environnement assurés par les sociétés d’assurance adhérentes au
groupement.
●
Une pollution est dite graduelle s’il existe un délai entre
l’événement générateur et la manifestation de l’atteinte.
L’environnement va être progressivement pollué, ce
phénomène demeurant bien entendu inconnu de l’assuré.
Les critères de progressivité sont ici déterminants pour
caractériser une atteinte graduelle.
Exemple : fuites très fines, infiltrations résultant d’un défaut
d’étanchéité, phénomène de goutte à goutte…
Une atteinte à l’environnement est dite assurable si elle est
consécutive à un fait fortuit, c’est-à-dire à un événement matériel (fait de la personne ou de la chose) qui est aléatoire, incertain, conformément aux règles de l’assurance. A l’inverse, les
pollutions dites chroniques (pollutions inéluctables de l’époque
contemporaine comme celle liée à la circulation automobile) ou
historiques (pollutions du passé) ne sont pas assurables car elles
résultent de situations ou comportements considérés comme
normaux, dans le contexte sociologique et technologique qui
caractérise l’industrie humaine à un moment donné de son histoire.
■ CONTEXTE
La notion de dommages causés par les atteintes à l’environnement est apparue au travers des pratiques du marché de l’assurance au début des années 70. Auparavant, ce risque n’était pas
identifié en tant que tel, il était donc couvert par défaut dans les
contrats Responsabilité Civile Générale.
Dès 1977, le marché français de l’assurance a mis en place une
structure de réflexion et de co-réassurance, le GARPOL, qui a
été chargée d’étudier l’assurabilité des risques. Au début des
années 90, les risques d’atteintes à l’environnement ont été progressivement exclus des contrats Responsabilité Civile Générale
pour les installations classées. C’est alors que des contrats spécifiques Responsabilité Civile Atteinte à l’Environnement (RCAE)
ont été mis en place par l’intermédiaire d’ASSURPOL, créé au
1er janvier 1989.
Ainsi avant la Directive 2004/35/CE, seuls les dommages
causés à des tiers étaient couverts par les assurances via les
responsabilités civiles « Générale » et « Atteintes à
l’Environnement »
Ces polices d’assurance responsabilité civile n’offrent qu’une
couverture limitée des risques de pollution accidentelle, sans
garantir les frais de décontamination :
● Garantie en cas de pollution accidentelle uniquement,
● Montant de garantie n’excédant pas 300 000 €,
● Exclusion des dommages matériels aux tiers résultant
d’incendie ou d’explosion, ceux-ci étant couverts par
l’assurance incendie.
La plupart des produits proposés fonctionne sur la même base
car la majorité des compagnies d’assurance françaises fait partie
du groupement de réassurance ASSURPOL.
8 / CODLOR ENVIRONNEMENT LORRAINE N° 59
● Depuis quand ASSURPOL exerce-t-il son activité ?
Le 1er janvier 1989.
Pourquoi ASSURPOL a-t-il été créé ?
Les compagnies d’assurance se réassurent habituellement
auprès des compagnies de réassurance pour tout ou partie
de leurs risques. Néanmoins, ces dernières ont progressivement exclu de leur portefeuille les risques de pollution
comme d’autres types de risques spécifiques mal connus et
difficiles à gérer (risques nucléaires, terrorisme, risques médicaux…)
La création d’un GIE a permis aux compagnies d’assurance
adhérentes de se réassurer pour un risque exclu chez les
réassureurs traditionnels.
●
●
Quels sont les avantages de la mutualisation des
risques pour les adhérents d’ASSURPOL ?
Les adhérents d’ASSURPOL bénéficient :
✔ D’une meilleure connaissance technique du risque
d’atteinte à l’environnement : ASSURPOL étudie les
dossiers et les sinistres de l’ensemble des contrats qu’elle
réassure pour ses adhérents, ce qui permet un retour
d’expérience plus riche que pour une société d’assurance
isolée.
✔ De garanties plus larges dans leur définition, qui figurent
parmi les plus étendues du marché mondial (avec
notamment le risque d’atteinte à l’environnement
graduel).
✔ D’une capacité élevée de couverture : 50 millions d’euros
en 2005 (c’est le montant annuel maximal de garantie qui
peut être attribué à un contrat réassuré par ASSURPOL.
Cette capacité résulte de l’apport de chaque adhérent
pour chaque année.)
■ LES POLICES D’ASSURANCE
Le but de la souscription d’une police d’assurance par une
entreprise est de transférer les conséquences financières
du risque sur l’assureur.
Les différents produits existants en termes d’assurance du risque
environnemental sont :
● la
Responsabilité Civile « Générale» couvre
uniquement les atteintes environnementales accidentelles
des établissements industriels non classés ou des installations
classées pour la protection de l’environnement (ICPE)
soumise au régime de la déclaration.
● La
Responsabilité
Civile
« Atteintes
à
l’environnement » (RCAE) est une police d’assurance
spécifique couvrant les atteintes environnementales causées
à un tiers par des sites industriels présentant des risques et
notamment les ICPE soumises au régime de l’autorisation.
Sont inclus les dommages immatériels (évacuations, rupture
d’activité…), matériels ou corporels (couverts jusqu’à
50 M€).
Risques standards
Entreprises non classées ou ICPE
à Déclaration
Pollution accidentelle
RC
Générale
Risques lourds
ICPE à Autorisation
Pollution graduelle
Pollution accidentelle
RC
Atteintes à l’environnement
●
La garantie « Frais de prévention » peut s’appliquer indépendamment de la mise en œuvre de la garantie de la Responsabilité Civile ; l’intérêt est alors de limiter le sinistre
avant sa propagation hors du site et ainsi d’éviter la survenance de dommages à des tiers.
La garantie spécifique « Frais de prévention »,
applicable aux sites industriels, couvre, en cas de menace
réelle et imminente de dommages garantis, les dépenses
engagées par l’assuré pour prévenir des dommages aux tiers
(par exemple, neutralisation ou élimination de substances
propagées dans l’environnement par décapage des sols,
nettoyage des nappes phréatiques…).
Avec l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, les compagnies
d’assurance ont fait évoluer leur offre RCAE car cette dernière
ne couvre pas les nouvelles obligations des exploitants, telles
que les mesures de prévention et de réparation des dommages
environnementaux.
Les nouveaux produits couvrent désormais les atteintes aux sols,
aux eaux, aux habitats et aux espèces naturelles protégées. Le
montant assuré est plafonné à 20% du montant assuré dans la
RCAE (les atteintes aux habitats et espèces naturelles protégées
sont plafonnées davantage, à hauteur de 30% du plafond précédent).
D’après les compagnies d’assurance, le surcoût par rapport à
un contrat RCAE serait de l’ordre de 20 à 25% pour les
entreprises.
Certaines compagnies proposent également de nouveaux services tels qu’un accompagnement en cas de crise (gestion de
crise médiatique), des garanties en cas de perte d’exploitation,
une protection juridique.
UN EXEMPLE DE PRODUIT D’ASSURANCE SPÉCIFIQUE : LE CONTRAT G.R.E.EN D’AXA
Jusqu’alors complément de garantie, l’offre atteinte à l’environnement AXA est désormais un produit
à part entière, allant même au-delà
des dernières dispositions juridique
et de la seule garantie « Responsabilité Civile Atteintes à l’Environnement » : le contrat « Garantie
des Risques Environnement de
l’Entreprise » (G.R.E.EN).
Ce produit est parfaitement adapté aux besoins des PME-PMI,
soit susceptibles de causer des dommages environnementaux,
soit vulnérables à une pollution d’origine extérieure.
Le contrat G.R.E.EN comprend les garanties suivantes :
● La garantie classique responsabilité civile « Atteinte à
l’Environnement » (RCAE),
● Les frais de sauvegarde de l’environnement (FSE)*,
● La perte d’exploitation (perte de marge brute, frais
supplémentaires
d’exploitation
après
décision
administrative d’arrêt total ou partiel du site),
● La protection juridique (information juridique par
téléphone, accompagnement par un avocat en cas de
conflit),
La prise de conscience des populations riveraines d’installations
industrielles réduit fortement l’acceptabilité du risque et rend
désormais incontournable la gestion du risque. A ce titre, l’assureur
doit s’adapter et proposer à ses clients une démarche globale de
maîtrise du risque dans le seul but d’éviter son occurrence :
- réalisation d’audit,
- mise en place de plan d’actions d’amélioration,
- veille réglementaire.
Le programme d’accompagnement en cas de crise
environnementale**
* La garantie FSE couvre :
✔ les frais de dépollution des sols et des eaux après une
atteinte à l’environnement que la pollution soit subie ou
générée par l’assuré,
✔ les frais de décontamination des biens mobiliers et
immobiliers après une atteinte à l’environnement que la
pollution soit subie ou générée par l’assuré,
✔ les frais de prévention et de réparation des dommages
environnementaux prévus dans la nouvelle loi LRE.
** Le programme d’accompagnement en cas de crise environnementale comprend :
✔ à la souscription du contrat, la remise d’un guide de
gestion de crise qui permet au chef d’entreprise de se
préparer à gérer les conséquences d’une crise (au plan
médiatique, financier, organisationnel…),
✔ en cas de crise environnementale majeure (aux retombées
médiatiques régionale ou nationale), du conseil en
communication, une assistance téléphonique, une
information juridique.
●
Le site du MEDDAT propose un répertoire des accidents
technologiques avec des fiches techniques détaillées, des
analyses par thème ou secteur industriel et les enseignements
à en tirer :
www.aria.developpement-durable.gouv.fr.
Dans cette démarche, l’assureur se positionne en partenaire et
conseiller, notamment grâce au retour d’expérience des sinistres
dont il bénéficie. Le risque de dommage environnemental est
encore peu connu ; il est donc important de mutualiser les expertises en la matière afin de mieux appréhender les différentes situations.
CODLOR ENVIRONNEMENT LORRAINE N° 59 / 9