Appels à projet - Guide de l`employeur

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Appels à projet - Guide de l`employeur
Appels à projet : incidences en droit du travail et sur
les statuts de l’association
La procédure d’appel à projet est elle soluble dans le droit du travail et le droit associatif ?
C’est à cette question complexe que les règles introduites par la loi Hôpital, Patients, Santé et
Territoire imposent de répondre.
En effet, la loi HPST du 21 juillet 2009 a introduit une nouvelle modalité de régulation de l’offre de
services sociaux et médico-sociaux. Ainsi, tous projets, y compris expérimentaux, de création, de
transformation et d'extension d'établissements ou de services sociaux et médico-sociaux sont
soumis à une procédure d’appel à projet.
Le décret n° 2010-870 du 26 juillet 2010 précise notamment la procédure d’appel à projet. Il est
ainsi prévu par le nouvel article R313-4-1 du CASF que les opérateurs disposeront d’un délai
minimum de 60 jours et maximum de 90 jours après publication de l’appel à projet pour y
répondre.
Au-delà du caractère « peu raisonnable » de ces délais pour produire un projet muri, élaboré dans
une démarche associant le maximum de parties prenantes, il faut souligner que l’organisme qui
envisage de répondre à un appel à projet est soumis à des obligations, notamment en matière de
droit du travail ou de droit associatif qui seront chronophages.
On peut ainsi distinguer deux questions principales ; la réponse d’un organisme gestionnaire doitelle être soumise aux institutions représentatives du personnel et si oui quand ; la réponse à un
appel à projet par une association doit-elle s’accompagner de précautions particulières au regard
des statuts associatifs ?
1. De la compatibilité de la procédure d’appel à projet avec le droit du travail
1.1.L’obligation de consultation des IRP
1.1.1. Le CE
1.1.1.1.
De la compétence du CE
L’article L2323-6 du code du travail dispose que « Le comité d'entreprise est informé et consulté sur
les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise et,
notamment, sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du
travail, les conditions d'emploi, de travail et de formation professionnelle ».
L’article L. 2323-19 précise par ailleurs que « Le comité d'entreprise est informé et consulté sur les
modifications de l'organisation économique ou juridique de l'entreprise, notamment en cas de fusion,
de cession, de modification importante des structures de production de l'entreprise ainsi que lors de
l'acquisition ou de la cession de filiales au sens de l'article L. 233-1 du code de commerce .
L'employeur indique les motifs des modifications projetées et consulte le comité d'entreprise sur les
mesures envisagées à l'égard des salariés lorsque ces modifications comportent des conséquences
pour ceux-ci ».
Cette compétence générale du CE suppose t elle que tout projet de réponse à appel à projet
nécessite sa consultation ?
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Appels à projet : incidences en droit du travail et sur
les statuts de l’association
Pour la cour de cassation, seules les mesures d’une certaine importance doivent faire l’objet d’une
consultation préalable du CE.
On entend notamment la création, la transformation, la fermeture d'un département, d'un service,
d'une agence ou d'un établissement ; il peut s'agir également d'une modification importante dans
l'organisation interne des différents départements ou services de l'entreprise ; sont aussi visés les
projets de recourir à la sous-traitance ou de constituer un groupement d'intérêt économique1.
Les projets relevant de la procédure d’appel à projet peuvent être de natures différentes ;
• De « simples » extensions de la capacité, ce qui se traduira par des créations d’emplois,
• La création d’un nouveau service ou établissement, ce qui générera des créations d’emplois,
éventuellement le recours à la mobilité géographique des salariés en poste, voir l’évolution
des métiers,
• La reconversion des activités, par exemple en transformant un établissement de santé en
structure médico-sociale), ce qui entrainera une évolution des emplois, l’introduction de
nouvelles qualifications.
Dans la mesure où sont soumis à appel à projet les extensions de plus de 14 places ou 30% de la
capacité ou la modification de l’autorisation, on peut considérer qu’ils ont impact important
notamment sur l’emploi et qu’ils doivent faire l’objet d’une consultation du CE.
1.1.1.2.
Quand faut-il consulter le CE ?
La consultation du CE doit être préalable à la décision définitive de la direction.
On peut alors se poser la question de savoir si c’est au moment de répondre à l’appel à projet qu’il
faut consulter le CE ou, si la proposition est retenue avant la décision définitive de mettre en œuvre le
projet.
Dans la mesure où la réponse à l’appel à projet lie l’opérateur, notamment quant aux moyens
humains affectés au projet, il semble nécessaire de consulter le CE dès la phase de réponse à l’appel
à projet.
Faut-il attendre la publication de l’avis d’appel à projet pour consulter le CE ?
Cela pose une véritable difficulté car les délais de réponse sont très courts (de 60 à 90 jours).
Peut-on consulter le CE dès connaissance des priorités ?
Il est prévu un mécanisme de planification des appels à projet - Publication des priorités retenues
dans les schémas (R313-4 du CASF) mais il n’y a pas de « cahier des charges » à ce stade. Donc
l’organisme ne dispose pas des éléments suffisants pour assurer une information – consultation
précise du CE notamment sur les incidences du projet en matière d’emploi.
Il sera toujours possible à ce stade d’informer le CE (mais pas de le consulter)
Cette information nous exonère t- elle de la consultation du CE dès publication de l’appel à projet ?
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Circ. DRT 12 du 30 novembre 1984, n° 1-4 : BOMT n° 84/8 bis p. 143.
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Appels à projet : incidences en droit du travail et sur
les statuts de l’association
Le code du travail oblige à consulter le CE sur la base d’un projet précis. En conséquence, si cette
information peut être utile en terme de communication, elle ne saurait remplacer la phase de
consultation.
1.1.1.3.
Les modalités de consultation du CE
1.1.1.3.1. La compression du temps
La consultation du CE suppose :
- La convocation avec à l’ordre du jour le projet de réponse à l’appel à projet et la
communication d’une note d’information au plus tard 3 jours avant la réunio du CE
- La présentation par l’employeur du projet et de ses impacts sur la situation économique,
l’emploi, les conditions de travail, … et répondre aux questions complémentaires des
membres du CE,
Le CE pourra recourir à un expert pour l’éclairer dans sa réflexion
Il dispose d’un délai non réglementé qui doit être suffisant et raisonnable pour émettre un avis.
C’est seulement après l’avis donné par le CE que l’organisme pourra décider de répondre ou non à
l’appel à projet.
1.1.1.3.2. Les informations à communiquer au CE lors de la phase de consultation
La consultation du CE oblige l’organisme à avoir déjà réfléchi de manière très poussée au projet et à
ses conséquences, notamment en matière d’emploi et de conditions de travail.
Une note d’information sera remise avec la convocation du CE et détaillera :
- Les raisons qui conduisent à répondre à l’appel à projet
- Les conséquences envisageables au niveau économique, en termes d’emploi au niveau
quantitatif et qualitatif, concernant les conditions de travail (mobilité géographique,
changement de site, évolution du bâti, …)
1.1.2. Le CHSCT
1.1.2.1.
De la compétence du CHSCT
L’article L4612-8 du code du travail dispose que « Le comité d'hygiène, de sécurité et des
conditions de travail est consulté avant toute décision d'aménagement important modifiant les
conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail et, notamment, avant toute
transformation importante des postes de travail découlant de la modification de l'outillage, d'un
changement de produit ou de l'organisation du travail, avant toute modification des cadences et
des normes de productivité liées ou non à la rémunération du travail ».
Le projet soumis à appel pourra, selon les cas, induire une modification importante en matière de
conditions de travail ou d’emplois.
Il sera alors, comme pour le CE, impératif de consulter le CHSCT avant toute prise de décision !
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Appels à projet : incidences en droit du travail et sur
les statuts de l’association
En conclusion, le temps est donc compté car il faudra :
- attendre l’appel à projet pour avoir connaissance dans le détail du projet, du budget alloué,
des prestations attendues, …
- préparer un projet de réponse
- le soumette au CE
- éventuellement consulter le CHSCT
- attendre l’avis du CE et du CHSCT si besoin
- décider de répondre
- …/…
tout cela dans un délai de 60 à 90 jours !!!
1.2.Quid en cas de non consultation des IRP ?
1.2.1. Les IRP peuvent-ils contester la réponse à l’appel à projet ?
Dans la mesure où la consultation est obligatoire, en cas de carence de l’employeur, l’infraction de
délit d’entrave est constituée.
Par ailleurs, le juge pourra décider la suspension du projet tant que les consultations n’auront pas été
menées à bien.
1.2.2. Les « concurrence » malheureux peuvent ils contester la réponse à l’appel à projet ?
Le défaut de consultation des IRP ne pourra t-il être argué par des concurrents à l’organisme
bénéficiaire de l’attribution ?
Dans la mesure où la consultation a pour objet de permettre l’expression collective des salariés,
seuls les IRP pourront saisir le juge et demander la suspension de la décision.
Si la procédure d’appel à projet doit intégrer les obligations découlant du droit du travail, il en va de
même en matière de droit associatif.
2. L’articulation des appels à projet avec le droit associatif
2.1.De la capacité juridique de l’association
Le principe de « spécialité » veut que la capacité juridique d’une personne morale est relative et
limitée aux actes nécessaires à la réalisation de son objet social.
Les décisions adoptées qui ne relèvent pas de la capacité juridique de l’association sont alors nulles.
Si l’appel à projet couvre un domaine d’activité non visé dans l’objet de l’association (exemple d’une
association qui intervient dans le champ de la santé et qui souhaite développer des actions dans le
champ médico-social).
Dans cette hypothèse, il faudra impérativement modifier les statuts, étendre l’objet social de
l’association afin de pouvoir répondre à l’appel à projet.
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Appels à projet : incidences en droit du travail et sur
les statuts de l’association
A défaut, un concurrent pourra soulever l’incapacité de l’association pour demander au juge
administratif l’annulation de la décision de répondre à l’appel à projet.
2.2.De la décision par l’organe compétent de répondre à un appel à projet
2.2.1. L’organe compétent
Les statuts déterminent les mandats des différents organes dirigeants de l’association.
Il faudra bien entendu respecter les compétences propres à chaque organe (que le bureau ne décide
pas alors que c’est le Conseil d'administration qui est compétent).
En pratique, les statuts des associations n’ont pas encore intégré cette nouvelle procédure et ne
prévoient pas qui est compétent pour décider de répondre à un appel à projet. Dans le silence des
statuts, ce sera donc l’organe qui dispose des attributions les plus larges qui sera saisi, soit
l’assemblée générale !
2.2.2. La prise de décision
Les statuts prévoient souvent des conditions de quorum, de majorité qualifiée pour qu’une
délibération soit adoptée.
Il faudra, là encore, respecter très scrupuleusement les modalités de délibération.
2.2.3. Sanction
Toute personne qui justifie d’un intérêt à agir pourra saisir le juge et demander l’annulation de la
délibération. Les concurrents dans l’appel à projet pourront ainsi demander l’annulation de la
décision de l’association de répondre à l’appel à projet.
Les délais de répondre sont très courts.
Les dirigeants pourront ainsi être tentés d’aller vite et de faire l’économie de la consultation
des IRP ou d’être peu regardant au sujet des décisions des organes associatifs compétents.
Mais comme nous l’avons vu, l’absence de consultation des IRP, le non respect des statuts
associatifs peuvent remettre en cause l’ensemble de la réponse à l’appel à projet.
La procédure d’appel à projet est potentiellement « contentiogène » avec une mise en
concurrence des différents acteurs.
Il faudra donc aller très vite dans le traitement de l’appel à projet tout en prenant le temps
de consulter les IRP et en s’assurant de la licéité de la décision de l’association de répondre à
l’appel à projet !!!
Gageure, vous avez dit gageure ?
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