Histoire du synthétiseur

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Histoire du synthétiseur
Histoire du synthétiseur
par Hervé Noury
Compositeur et Programmeur
Cette brève histoire du synthétiseur présente de façon synthétique l'instrument, ou
plutôt cette galaxie d'instruments. En effet, il y a différents types de synthétiseurs.
Toutefois, en plus de permettre chacun une création de timbres musicaux qui n'a pas de
limite, tous fonctionnent suivant un petit nombre de principes de fonctionnement de base
qui sont apparus dès les origines de l'instrument, aux Etats-Unis d'Amérique.
I : le synthétiseur analogique:
On doit à l'américain Robert Moog l'invention du synthétiseur moderne. Bien que
son nom ne puisse être associé qu'à l'invention du synthétiseur analogique, ses idées et ses
innovations sont demeurées dans tous les types de synthétiseurs, y compris ceux digitaux.
On lui doit notamment:
– l'utilisation systématique de tensions de commande pour contrôler les
paramètres de l'instrument.
– l'invention des systèmes modulaires.
– des modules importants comme les générateurs d'enveloppe, les oscillateurs et
oscillateurs basse fréquence, l'intégration de modulateurs en anneaux, ou de
générateurs de bruit dans l'instrument.
– le séquenceur.
– le filtre à 24dB/oct., base de la synthèse soustractive, toujours utilisée de nos
jours, les autres types de filtres.
– le vocodeur.
Auparavant, d'autres instruments électroniques avaient vu le jour : les ondes
Martenot, le Theremin, le Trautonium, l'orgue Hammond, le piano Rhodes, le Mellotron
pour ne citer que les plus importants et les plus joués d'entre eux.
La tension de commande est une notion qu'il faut bien comprendre lorsqu'on
programme un synthétiseur. En effet, tout contrôle, que ce soit de la hauteur, du timbre ou
de la dynamique de l'instrument dépend d'une tension de commande.
Un générateur de sons comme un oscillateur émettra une note aiguë si la tension
qui le commande est élevée, ou une note grave si cette tension est basse.
Un filtre passe-bas, c'est à dire laissant passer les harmoniques graves (filtre le plus
courant sur les synthétiseurs, car reflétant le mieux l'expérience commune des timbres)
filtrera d'avantage le timbre en entrée si sa fréquence de coupure est basse, et laissera
passer d'avantage d'harmoniques si la fréquence de coupure est élevée. Par conséquent,
plus la tension de commande est élevée, plus le timbre sera clair, plus elle est basse, plus il
sera sourd.
forte.
Un amplificateur amplifiera d'autant le son que la tension qui le commande est
Comme on le comprend à travers ces quelques exemples, la notion de tension de
commande est fondamentale. Mieux, elle préside toujours au fonctionnement des
instruments d'aujourd'hui, fussent-ils digitaux, voire logiciels. Des modules importants
comme le générateur d'enveloppe, ou l'oscillateur basse-fréquence (Low Frequency
Oscillator) fournissent par exemple des tensions de commande. En dirigeant cette tension
vers un oscillateur, un filtre ou un amplificateur, on modulera la hauteur, le timbre ou le
volume de l'instrument.
- les générateurs de tension de commande :
Les types les plus fréquents de générateurs de tension de commande sont les
enveloppes et les LFO (oscillateurs basse fréquence), auxquels on ajoutera les molettes et
pads de contrôles, les claviers musicaux, les séquenceurs, etc. Un générateur d'enveloppe
permet de programmer une tension de commande suivant une courbe. Par exemple, les
enveloppes « ADSR » permettent de programmer une durée d'attaque pour le début du
son, un niveau de maintien, et un temps de décroissance entre le sommet de l'attaque et le
niveau de maintien, puis un autre entre ce niveau et le niveau nul pour la fin du son.
Les synthétiseurs digitaux proposeront d'autres types d'enveloppes, dites « multisegments » : on programme avec elles des courbes complexes, et on peut parfois boucler
une partie de l'enveloppe, c'est à dire obtenir la répétition d'une partie de l'enveloppe
durant le jeu. Ces enveloppes nécessitent un signal de déclenchement, en général fourni
par la touche du clavier musical, mais pas toujours. Ensuite, suivant le module auquel elles
sont connectées, elles produiront différents effets de modulation. Par exemple, connectés
au VCA (amplificateur), elles produiront des effets de changement de volume. Dans ce cas,
en programmant un temps d'attaque bref, et un niveau de maintien faible, on produira un
effet de percussion, tandis qu'en programmant une attaque plus lente et un niveau de
maintien élevé, on produira un effet de son entretenu, tel que archet ou vent.
Les oscillateurs basse fréquence proposent des modulations cycliques de la tension.
Par exemple, connectés aux oscillateurs, ils produiront des effets de vibrato, car la hauteur
du son oscillera de façon cyclique autour de sa note initiale.
Les molettes ou les pads permettent de produire librement des tensions de
commande durant le jeu, on peut généralement les assigner aux modules de son choix.
Les claviers musicaux sont eux-même des générateurs de tensions de commande :
plus les notes sont aiguës, plus la tension est élevée. De plus, les claviers modernes, soit
ceux sortis après 1980, sont sensibles à la vélocité d'attaque qui est une autre tension de
commande, voire à « l'after-touch », qui consiste à générer une troisième tension de
commande en appuyant plus ou moins fortement sur les touches du clavier une fois cellesci enfoncées. Enfin, les synthétiseurs Moog ont introduit le séquenceur, qui permet de
programmer une séquence de tensions de commandes et de signaux de déclenchement
pour, le plus souvent, égrener sans fin une série de notes.
- les systèmes modulaires :
L'intérêt d'un synthétiseur est donc de pouvoir moduler le son grâce à ces tensions,
aussi est-il en général nécessaire de pouvoir les faire interagir entre elles. Voilà pourquoi,
bien souvent, ces tensions passent par un amplificateur commandé en tension pour que
l'on puisse moduler leur intensité durant le jeu. Par exemple, on cherchera à moduler
l'intensité des enveloppes grâce à la vélocité, ou la profondeur du LFO grâce à une
molette, etc. Les synthétiseurs les plus intéressants sont justement ceux qui offrent, non
seulement les générateurs de sons ou de tension les plus intéressants, mais aussi et surtout
les possibilité de modulation et d'inter modulation des commandes les plus étendues.
Bon nombre de synthétiseurs proposent des pré connexions entre les modules, et ne
permettent au musicien que de contrôler ceux-ci, mais un certain nombre d'entre eux
proposent de connecter librement les générateurs de tension aux modules générateurs ou
modulateur de sons. Ils sont d'un plus grand intérêt et d'une plus grande complexité à la
fois. Ces systèmes dits « modulaires » permettent d'organiser ces connexions, soit
physiquement à l'aide de cordons électriques, soit sur les instruments digitaux à l'aide de
menus déroulant proposant la liste des générateurs sources de tension d'une part, et celle
des modules de destination d'autre part.
Bien que donnant des informations numériques, la norme MIDI est issue de cette
notion de tension de commande, et chaque contrôle continu notamment peut être
considéré comme un générateur de tension de commande. Plus la valeur MIDI est élevée,
plus la « tension de commande » est élevée. Cette variation des tensions de commande
durant le jeu permet de rendre l'instrument plus expressif, puisque le son change en
fonction du jeu de l'instrumentiste.
- les filtres :
A l'exception notable de quelques synthétiseurs digitaux du début des années 80,
tous les synthétiseurs et échantillonneurs proposent des filtres. Ceux-ci sont la seconde
invention majeure de Robert Moog. L'idée du synthétiseur moderne est de proposer des
générateurs de sons riches en harmoniques, et de filtrer ces sons pour les adoucir. Le filtre
le plus courant est le filtre passe-bas (LPF) qui laisse passer les harmoniques graves, mais
coupe celles aiguës. Par exemple, un son de percussions fait entendre plus d'harmoniques
à l'attaque que lors de la résonance. Aussi on connectera une enveloppe similaire à celle du
volume au filtre : celui-ci sera ouvert et laissera passer les harmoniques à l'attaque du son,
puis se fermera ensuite. D'autres types de filtres existent : les filtres passe-haut (HPF) ne
laissent passer que les harmoniques aiguës, les filtres passe-bande (BPF) qu'une bande de
fréquence, etc. Tous sont intéressants, mais produisent le plus souvent des effets plus
« artificiels » que le passe-bas. On distingue aussi les filtres suivant leur intensité de
filtrage, les filtres Moog par exemple sont des filtres à 24dB par octave (appelés aussi « 4
pôles ») tandis que d'autres tels les Oberheim sont des filtres à 12 dB par octave (appelés
aussi « 2 pôles »).
- les générateurs de son :
Les oscillateurs des synthétiseurs analogiques proposaient des timbres de base
générés électroniquement. Les signaux sinus, dent de scie, triangle et carrés sont donc
devenus synonymes de timbres pour les musiciens utilisateurs d'instruments
électroniques: le signal dent de scie est par exemple à la base des sons de cuivres ou de
cordes, l'onde carré est à la base des sons de clarinette. A ces oscillateurs, il convient
d'ajouter les générateurs de bruit, qui produisent un souffle que l'on transformera ensuite
en bruit de vent, de vagues, d'explosion, etc. Le bruit a toujours fait partie de l'instrument
synthétiseur.
Ces générateurs sont parfois employés pour moduler les tensions de commande,
produisant alors des cycles de modulation à fréquence audible.
- autres modules :
D'autres modules datent de l'époque du synthétiseur analogique.
Les « sample and hold », ou échantillonneurs-bloqueurs, maintiennent constante
une tension de commande si ils sont déclenchés par un signal. On s'en sert le plus souvent
pour fournir des tensions de commande aléatoires à partir d'un générateur de bruit.
Les suiveurs d'enveloppe permettent de générer des tensions de commande en
fonction d'un signal audio en entrée : plus le son fourni au module est fort, plus la tension
de sortie est élevée. Les vocodeurs sont ainsi un montage électronique de différents filtres
passe-bande connectés à des suiveurs d'enveloppe, permettant de moduler un timbre par
un autre.
Les modulateurs en anneau multiplient entre elles les fréquences de deux signaux
entrant. Si les deux signaux ne sont pas accordés, ce module produit des effets de sons
« cannelés », et permettent de réaliser des sons de cloche par exemple.
II : les synthétiseurs digitaux:
Les synthétiseurs analogiques ont été supplantés par les synthétiseurs digitaux
durant les années 80. Ce n'est qu'à la fin des années 90 que l'on a rencontré un regain
d'intérêt pour ces anciens instruments, qui doivent leur retour en grâce à la sonorité plus
pleine, plus « ronde » ou plus « chaude » de l'électronique.
Les synthétiseurs digitaux ont permis de populariser le synthétiseur polyphonique,
et ont surtout apporté de nouveaux types de synthèse. On peut considérer aujourd'hui ces
nouveaux types de synthèse comme l'apport de nouveaux modules à l'ensemble initial,
surtout si on considère les plus récents synthétiseurs modulaires sur plate forme
informatique, qui proposent indistinctement ces nouveaux oscillateurs et les plus anciens
en un seul ensemble.
–
la synthèse additive.
Les oscillateurs de synthèse additive proposent de contrôler séparément chacune
des harmoniques du son. Suivant les instrument, les oscillateurs proposeront de contrôler
de 16 harmoniques pour les plus modestes à plus de 100. Ensuite, des entrées de tension
de commande permettent de moduler le niveau des harmoniques, le plus souvent par
groupe d'harmoniques.
Par extension on appellera synthèse additive le mixage de multiples générateurs
donnant des timbres ou des accords différents.
–
la synthèse à modulation de fréquence.
Cette synthèse a popularisé le synthétiseur digital « DX7 » de la firme Yamaha
durant les années 80. Un oscillateur « porteur » voit sa fréquence modulée par celle d'un
oscillateur « modulateur » : les fréquences des deux oscillateurs sont multipliées l'une par
l'autre. L'effet est similaire à celui des modulateurs en anneau d'un certain point de vue.
Ce type de synthèse permet facilement aussi de créer des sons très riches en harmoniques,
elle est connue pour les sons de piano digital ou de cloches qu'elle a fait entendre d'une
façon neuve. L'intensité de la modulation est commandée par une tension, en général celle
d'un générateur d'enveloppe.
–
la synthèse par modulation de phase.
Rare, elle est fondée sur la variation cyclique de la lecture d'une onde digitale : sans
modulation, cette lecture est normale, mais modulée, cette lecture est plus rapide en début
de cycle, puis plus lente en fin de cycle, la longueur totale du cycle demeurant constante.
De ce fait, la forme d'onde générée par l'oscillateur change, et le timbre est donc modifié.
L'intensité de cette modulation peut être modulée par une tension de commande.
–
la synthèse par filtres à formants.
Ce type de synthèse est connu pour être à la base de la synthèse de la voix articulée
(ou « qui parle »). Chaque voyelle propose des harmoniques différentes. On peut dire que
la bouche et la langue filtrent différemment le son brut émis par les cordes vocales suivant
les voyelles. On reproduit ceci par un jeu de filtres passe-bande qui vont amplifier ou au
contraire atténuer telle partie du spectre sonore en fonction de la voyelle à reproduire.
Souvent, les filtres disposent d'entrées de modulation.
–
la synthèse par table d'ondes.
Popularisés par les célèbres synthétiseurs PPG et Waldorf, les oscillateurs « à table
d'onde » proposent des séries de timbres : chaque table permet ainsi de faire entendre une
suite de timbres qui sont, soit proches les uns des autres, soit au contraire disparates. Par
exemple, des tables feront entendre les différents timbres que produit la résonance d'un
son de piano, d'autres proposeront différents effets d'harmoniques, d'autres des sons typés
d'orgue, etc. Des entrées de tension de commande permettent de modifier durant le jeu le
timbre lu. Par exemple, une enveloppe à un seul segment « lira» la table d'un bout à
l'autre, et fera entendre les timbres les uns après les autres, tandis qu'un LFO la « lira » de
façon cyclique.
–
la synthèse vectorielle.
Ces synthétiseurs proposent de mixer deux ou quatre timbres de façon dynamique.
Ce mixage obéit à des tensions de commande, générées soit par un pad, soit par des
enveloppes, des LFO, le suivi de clavier, etc.
–
la modélisation physique :
Consiste à exciter un résonateur, à l'image d'une corde excitant une caisse de
résonance, ou d'une anche excitant un tuyau.
–
première forme : utilisation d'un délai accordé.
De notre point de vue, cette méthode de modélisation physique est la plus efficace,
et ce malgré les immenses efforts fournis par les tenants de la seconde. Le résonateur est
un délai accordé, c'est à dire un délai utilisé, non pas pour générer des effets d'écho ou de
choeur (voir plus bas), mais dont la durée de retard est si brève que l'on entre dans les
fréquences audibles. Cette fréquence de résonance est alors contrôlée par le clavier
musical.
Suivant l'intensité du « feedback » (du nombre de répétition), l'effet de résonance
est plus ou moins prononcé. Si elle est forte, il conviendra d'exciter le résonateur par une
impulsion, et non par un son continu.
Ce résonateur est excité par des générateurs de son électroniques, des oscillateurs
ou des générateurs de bruit. Il est souvent intéressant d'employer différents générateurs
mixés en synthèse additive pour rendre plus efficace cette synthèse. Elle permet de
produire efficacement des effets de cordes pincées, de bois ou d'orgues, de percussions,
voire en utilisant plusieurs résonateurs en chaîne, des effets de cuivre.
–
deuxième forme : calcul du comportement des corps sonores.
Ce type de synthèse échappe en soi à la synthèse classique évoquée dans ces lignes,
bien que certains instruments logiciels tels le « Tassman » proposent des modules de ce
type de synthèse dans un ensemble modulaire « classique ». Ce type de synthèse propose
de calculer les fréquences que produisent différents corps sonores en fonction de leur
excitation. L'institut français « IRCAM » a beaucoup contribué aux travaux ayant conduit à
ce type de synthétiseurs. Outre le « VL 1 » Yamaha, cette forme de synthèse est proposée
aussi par des synthétiseurs logiciel. En particulier, la société Modartt a sorti une
remarquable émulation logicielle de piano avec son « Pianoteq ».
–
L'échantillonneur.
Associer l'échantillonneur à l'histoire du synthétiseur pourrait paraître incongru à
certains, tant il s'agit d'un instrument en soit. Toutefois, dans les systèmes modulaires
logiciels les plus récents, l'échantillonneur devient un module de génération sonore parmi
d'autres, d'où sa place ici.
L'échantillonneur est un magnétophone digital qui conserve dans sa mémoire des
enregistrements sonores. Ceux-ci sont souvent ceux d'instruments enregistrés note à note.
Lorsqu'on joue sur le clavier musical, l'échantillonneur lie l'enregistrement de l'instrument
désiré à la note correspondante. Pour des raisons d'économie de mémoire, ces
enregistrements sont souvent « bouclés », c'est à dire qu'une partie de l'enregistrement est
lu en boucle de façon à ce que la lecture puisse durer indéfiniment.
Parce que le timbre d'un instrument n'est pas constant sur toute sa tessiture, ou
suivant les intensités de jeu, ces instruments proposent des menus d'assignation des
enregistrements en fonction de la note jouée sur le clavier, mais aussi en fonction de la
vélocité d'attaque : on aura enregistré telle note jouée doucement, puis plus fort, et la
vélocité d'attaque déterminera lequel des deux enregistrements sera lu. Le musicien achète
ainsi des « banques de son », qui contiennent les enregistrements et les assignations de
divers instruments.
On peut aussi enregistrer tout autre type de signal. Par exemple, bon nombre de
musiciens rap, de techno ou autre ont enregistré de courts extraits d'oeuvres préexistantes
et les ont transformées pour servir de base à leurs composition.
Les échantillonneurs logiciels les plus récents permettent d'accéder à de telles
quantité de mémoire immédiatement que les instruments de l'orchestre sont enregistrés
avec toutes leurs nuances et leurs variété de timbres, et permettent donc un rendu
exceptionnel des instruments imités. La « Vienna Sample Library » est devenue ainsi une
référence dans le domaine des banques de son d'orchestre.
–
synthèse additive par rééchantillonnage.
Certains synthétiseurs permettent d'analyser le contenu harmonique de sons pré
enregistrés et son évolution, pour recréer ensuite ce timbre par synthèse additive. Suivant
l'instrument, le « rendu » est plus ou moins fidèle à l'original. Ce type de synthèse est
intéressant comme complément à la synthèse additive.
III : les effets:
On sort ici du cadre strict de la synthèse sonore : les effets dont il va être question ici
sont utilisés par les ingénieurs du son pour rehausser leurs enregistrements, y compris
ceux de musique acoustique. Toutefois, il est commun de les trouver dans les
synthétiseurs.
–
le delay.
Le délai génère une répétition cyclique du signal entrant, et produit un effet d'écho.
On peut généralement en contrôler la vitesse, et le nombre de répétitions. Certains
modèles proposent des délais multiples, ou « ping-pong », c'est à dire dont le
panoramique bascule de part et d'autre du système d'écoute.
–
le chorus.
Cet effet est généré par un délai court dont la vitesse de répétition est modulée par
un LFO. Utilisé seul, on entend un effet de vibrato, mais mixé au signal d'origine, on
entend un effet de choeur. Cet effet connaît des variantes (flanger, symphonique, ...),
suivant le nombre de modulations employées, de répétitions du délai, etc.
On peut aussi produire des effets de choeur en synthèse en désaccordant
légèrement les oscillateurs du synthétiseur.
–
le phaser.
Les filtres « All Pass » ne coupent pas d'harmoniques, mais comme tout filtre, ont
tendance à déphaser le signal. Ce déphasage est audible si il est cyclique. Aussi on module
la fréquence de coupure de ce filtre avec un LFO pour produire un effet de « phasing ».
–
la distorsion.
Tout système électronique sature à partir d'un certain niveau de modulation, et
génère des harmoniques non présentes dans le signal d'origine. Bien que la saturation soit
tenue en horreur par les ingénieurs du son, certains musiciens aiment cet effet de
grésillement, voire de saturation de l'espace sonore. Suivant le type de circuit utilisé, le
timbre produit par la saturation est différent, toujours à base de génération d'harmoniques
impaires du signal entrant.
–
la compression.
Un suiveur d'enveloppe contrôle le niveau de sortie en fonction du niveau d'entrée
de façon à maintenir le signal dans une bande dynamique réduite. Les ingénieurs du son
s'en servent de façon à ne pas saturer les émetteurs radio, ou à rendre intelligible un
enregistrement sur tout système de lecture. Les musiciens s'en servent pour rendre des
effets dynamiques particuliers, ou pour rendre le son « plus présent ».
–
la réverbération.
Indispensable depuis toujours à tout enregistrement, cet effet permet de recréer
artificiellement la réverbération d'un espace acoustique.
Les réverbérations analogiques étaient des plaques de métal ou des ressorts dans
lesquels on envoyait le signal à traiter. Celui-ci connaissait de multiples échos que l'on
récupérait en sortie.
Les réverbérations digitales sont fondées sur des chaînages de délais produisant de
multiples échos. Elles proposent généralement différents algorithmes de base.
Les réverbérations à convolution utilisent l'enregistrement de salles réverbérant un
bruit de pistolet : cet enregistrement est ensuite analysé de façon à ce que le logiciel calcule
la modulation à apporter à tout signal pour reproduire la réverbération qu'il aurait dans
cette salle.
IV : les instruments :
Il n'est pas question ici de faire un historique détaillé de tous les synthétiseurs
existant, mais seulement à travers quelques exemples de montrer les différentes tendances
successives de cet instrument aujourd'hui encore en pleine évolution.
Les premiers synthétiseurs modernes ont donc été les systèmes modulaires Moog,
apparus en 1964. Ceux-ci proposaient une large gamme de modules, tous de type
électronique. Ces modules devaient être inter-connectés à l'aide de cordons électriques
pour pouvoir produire le moindre son.
Des musiciens ont demandé à Robert Moog de produire un synthétiseur plus
simple utilisable sur scène. Ainsi naquit en 1970 le « Minimoog », instrument pré-connecté
à trois oscillateurs et un filtre. Le succès de cet instrument monophonique fût considérable.
D'autres luthiers sont alors apparus, américains, puis européens et japonais. Citons
ARP, Oberheim, Sequential Circuit pour les américains, EMS, PPG, et plus tard RSF pour
les européens, et Roland, Korg, Yamaha pour les japonais. Tous proposent des
instruments électroniques fonctionnant pour l'essentiel sur les mêmes principes, chacun
devant sa personnalité à la qualité des circuits électroniques employés, ou à un choix plus
personnel des modules ou de leurs fonctions. La qualité des filtres en particulier est
discriminante.
Beaucoup de ces constructeurs ont débuté en réalisant des systèmes modulaires qui
sont souvent réputés (« Synthi AKS » EMS, « ARP 2600 », « System 700 » Roland,
« Modules SEM » Oberheim, « Kobol » RSF, etc.). Puis ils ont ensuite décliné leur savoir
faire en des synthétiseurs monophoniques de scène, qui proposent un choix de modules
pré connectés plus faciles à programmer (« OB-1 » Oberheim, « SH 101 » Roland,
« Odyssey » ARP, voire le semi-modulaire « MS 20 » Korg).
Ce n'est qu'après 1978 que les instruments deviennent polyphoniques en
multipliant en leur sein les voix de synthèse, et qu'ils incluent la possibilité de mémoriser
sur une puce informatique les réglages de l'instrument. Le premier instrument de ce type
est le « Prophet 5 » de Sequencial Circuit. Citons aussi le « Memorymoog », le « CS 80 »
Yamaha, les « Jupiter » et « Juno » Roland, le « Polisix » Korg, le « Polykobol » RSF. Le
« Xpander » Oberheim propose en 1984 un système modulaire dont les générateurs de
tension de commande sont digitaux, seuls les oscillateurs, filtres et amplificateurs
demeurant analogiques.
Les synthétiseurs analogiques proposent tous de contrôler l'instrument via des
panneaux de potentiomètres et de sélecteurs regroupés par module : cette possibilité
offerte de pouvoir programmer l'instrument immédiatement, « par bouton », sans devoir
passer par des pages de menus informatiques sera une des raisons du regain d'intérêt en
leur faveur durant les années 1990.
Dans les années 80, les progrès de l'informatique permettent la création de
synthétiseurs digitaux. Les premiers tels les PPG, le Synclavier ou le Fairlight (1979) sont
très chers, mais l'industrie japonaise parvient rapidement à mettre au point des
instruments bon marché : en 1983, Yamaha produit le « DX 7 » et Akaï des
échantillonneurs demeurés des références. Apparaissent aussi la norme MIDI et les
premiers logiciels l'utilisant : l'ordinateur permet de stocker les tensions de commande
numérisées en MIDI et d'enregistrer ainsi le musicien durant son jeu. C'est durant les
années 80 qu'apparaissent de nouveaux types de synthèse : Kawaï propose en 1987 des
instruments à synthèse additive, Casio des instruments à synthèse par modulation de
phase, etc.
L'échantillonnage devient toutefois la base de l'essentiel des instruments à ce
moment là, les instruments couplant des banques de sons échantillonnés à des filtres et
amplificateurs digitaux (« D-50 » ou « D-70 » Roland, « M1 » Korg, « K 2000 » Kurzweil,
etc.). L'échantillonneur connaît durant la fin des années 80 et les années 90 un grand essor,
via des échantillonneurs permettant d'enregistrer ses propres sources (S 1000 ou série S
3000 Akaï, série S 700 Roland), ou via des instruments proposant des banques de sons préenregistrées en mémoire vive (« Sound Canvas » Roland (1991), série « « Proteus » Emu).
Par ailleurs, les premiers synthétiseurs digitaux ont vu disparaître les boutons et
autres sélecteurs, pour ne laisser voir que des écrans de contrôles LCD et un unique
potentiomètre servant à régler tous les paramètres de l'instrument via des pages de menus
déroulant. Ce ne sera qu'avec la génération d'instruments suivante que l'on cherchera à
retrouver une certaine immédiateté de programmation comme le permettaient les
potentiomètres des instruments analogiques.
Les instruments analogiques apparaissent alors démodés, trop coûteux pour une
puissance moindre. Ils vont connaître un retours en grâce durant les années 90, grâce à
leurs qualités sonores particulières. Des instruments hybrides, mi-digitaux, mi-analogiques
apparaissent alors tels le « Microwave » de Waldorf (1990). Ou bien on tente de retrouver
certains aspects des instruments analogiques dans des instruments digitaux comme
Roland avec son « JD 800 », qui propose de programmer l'instrument via un large panneau
de potentiomètres, comme sur les anciens instruments analogiques.
Cette tendance va se confirmer avec la nouvelle génération d'instruments qui
modélisent de façon numérique le comportement des instruments analogiques. Par
exemple, les « Novation », les « Clavia » (1995) ou le « Virus » sont des instruments
digitaux proposant les contrôles et le son des instruments plus anciens. Roland introduira
dans les instruments de cette époque les oscillateurs « Superwave », c'est à dire simulant
l'effet de choeur que produisent de nombreux oscillateurs légèrement désaccordés. A cette
époque aussi, certains luthiers proposent des synthétiseurs analogiques contrôlables par
MIDI, qui, bien que fabriqués artisanalement, connaîtront un réel succès (« SE-1 » et « ATC
1 » Studio Electronic, système modulaire Doepfer, « Minimoog Voyager », etc.)
Il nous semble que depuis que les ordinateurs personnels le permettent, c'est en tant
qu'instruments logiciels que les synthétiseurs poursuivent leur évolution. Par exemple,
Steinberg, développeur de logiciels de musique connu pour son séquenceur MIDI
« Cubase » a inventé une norme, appelée « VST », qui permet d'intégrer des synthétiseurs
logiciels à l'utilisation du séquenceur. On voit s'afficher alors à l'écran le panneau de
contrôle d'un synthétiseur, et on utilise la souris pour le programmer. Ceci permet de
développer à moindre coût des instruments très diversifiés.
Des innovations importantes (synthèse « granulaire », qui séquence le signal entrant
en brefs échantillons sonores), ou des améliorations de synthèses existantes voient le jour.
Par exemple, le « Synfull » développe de façon approfondie la resynthèse d'instruments
classiques, le « Moog Modulaire Virtuel » d'Arturia propose une version logicielle et
polyphonique du Moog modulaire des origines, des instruments tels le « Terra » de Virsyn
ou « Absynth » de Native Instruments proposent en un seul instrument logiciel tous les
types de synthèse. Des échantillonneurs logiciels tels « Gigastudio » utilisent le disque dur
de l'ordinateur comme base de données, offrant la possibilité d'utiliser des banques de
sons gigantesques. Des synthétiseurs de voix articulée apparaissent.
Les synthétiseurs logiciels les plus intéressants sont des logiciels proposant un très
grand nombre de modules que l'on peut connecter très librement de façon à créer toutes
sortes d'instruments électroniques : synthétiseurs, échantillonneurs, boite à rythme, etc.
Citons par exemple les logiciels « Synth Edit », « Reaktor » de Native instruments, ou
« Max ». Ces logiciels font l'objet de communautés sur Internet, dont les membres
échangent réalisations, informations et idées via le réseau.
Hervé Noury – 2006. Tous droits réservés.