Histoire du synthétiseur
Transcription
Histoire du synthétiseur
Histoire du synthétiseur par Hervé Noury Compositeur et Programmeur Cette brève histoire du synthétiseur présente de façon synthétique l'instrument, ou plutôt cette galaxie d'instruments. En effet, il y a différents types de synthétiseurs. Toutefois, en plus de permettre chacun une création de timbres musicaux qui n'a pas de limite, tous fonctionnent suivant un petit nombre de principes de fonctionnement de base qui sont apparus dès les origines de l'instrument, aux Etats-Unis d'Amérique. I : le synthétiseur analogique: On doit à l'américain Robert Moog l'invention du synthétiseur moderne. Bien que son nom ne puisse être associé qu'à l'invention du synthétiseur analogique, ses idées et ses innovations sont demeurées dans tous les types de synthétiseurs, y compris ceux digitaux. On lui doit notamment: – l'utilisation systématique de tensions de commande pour contrôler les paramètres de l'instrument. – l'invention des systèmes modulaires. – des modules importants comme les générateurs d'enveloppe, les oscillateurs et oscillateurs basse fréquence, l'intégration de modulateurs en anneaux, ou de générateurs de bruit dans l'instrument. – le séquenceur. – le filtre à 24dB/oct., base de la synthèse soustractive, toujours utilisée de nos jours, les autres types de filtres. – le vocodeur. Auparavant, d'autres instruments électroniques avaient vu le jour : les ondes Martenot, le Theremin, le Trautonium, l'orgue Hammond, le piano Rhodes, le Mellotron pour ne citer que les plus importants et les plus joués d'entre eux. La tension de commande est une notion qu'il faut bien comprendre lorsqu'on programme un synthétiseur. En effet, tout contrôle, que ce soit de la hauteur, du timbre ou de la dynamique de l'instrument dépend d'une tension de commande. Un générateur de sons comme un oscillateur émettra une note aiguë si la tension qui le commande est élevée, ou une note grave si cette tension est basse. Un filtre passe-bas, c'est à dire laissant passer les harmoniques graves (filtre le plus courant sur les synthétiseurs, car reflétant le mieux l'expérience commune des timbres) filtrera d'avantage le timbre en entrée si sa fréquence de coupure est basse, et laissera passer d'avantage d'harmoniques si la fréquence de coupure est élevée. Par conséquent, plus la tension de commande est élevée, plus le timbre sera clair, plus elle est basse, plus il sera sourd. forte. Un amplificateur amplifiera d'autant le son que la tension qui le commande est Comme on le comprend à travers ces quelques exemples, la notion de tension de commande est fondamentale. Mieux, elle préside toujours au fonctionnement des instruments d'aujourd'hui, fussent-ils digitaux, voire logiciels. Des modules importants comme le générateur d'enveloppe, ou l'oscillateur basse-fréquence (Low Frequency Oscillator) fournissent par exemple des tensions de commande. En dirigeant cette tension vers un oscillateur, un filtre ou un amplificateur, on modulera la hauteur, le timbre ou le volume de l'instrument. - les générateurs de tension de commande : Les types les plus fréquents de générateurs de tension de commande sont les enveloppes et les LFO (oscillateurs basse fréquence), auxquels on ajoutera les molettes et pads de contrôles, les claviers musicaux, les séquenceurs, etc. Un générateur d'enveloppe permet de programmer une tension de commande suivant une courbe. Par exemple, les enveloppes « ADSR » permettent de programmer une durée d'attaque pour le début du son, un niveau de maintien, et un temps de décroissance entre le sommet de l'attaque et le niveau de maintien, puis un autre entre ce niveau et le niveau nul pour la fin du son. Les synthétiseurs digitaux proposeront d'autres types d'enveloppes, dites « multisegments » : on programme avec elles des courbes complexes, et on peut parfois boucler une partie de l'enveloppe, c'est à dire obtenir la répétition d'une partie de l'enveloppe durant le jeu. Ces enveloppes nécessitent un signal de déclenchement, en général fourni par la touche du clavier musical, mais pas toujours. Ensuite, suivant le module auquel elles sont connectées, elles produiront différents effets de modulation. Par exemple, connectés au VCA (amplificateur), elles produiront des effets de changement de volume. Dans ce cas, en programmant un temps d'attaque bref, et un niveau de maintien faible, on produira un effet de percussion, tandis qu'en programmant une attaque plus lente et un niveau de maintien élevé, on produira un effet de son entretenu, tel que archet ou vent. Les oscillateurs basse fréquence proposent des modulations cycliques de la tension. Par exemple, connectés aux oscillateurs, ils produiront des effets de vibrato, car la hauteur du son oscillera de façon cyclique autour de sa note initiale. Les molettes ou les pads permettent de produire librement des tensions de commande durant le jeu, on peut généralement les assigner aux modules de son choix. Les claviers musicaux sont eux-même des générateurs de tensions de commande : plus les notes sont aiguës, plus la tension est élevée. De plus, les claviers modernes, soit ceux sortis après 1980, sont sensibles à la vélocité d'attaque qui est une autre tension de commande, voire à « l'after-touch », qui consiste à générer une troisième tension de commande en appuyant plus ou moins fortement sur les touches du clavier une fois cellesci enfoncées. Enfin, les synthétiseurs Moog ont introduit le séquenceur, qui permet de programmer une séquence de tensions de commandes et de signaux de déclenchement pour, le plus souvent, égrener sans fin une série de notes. - les systèmes modulaires : L'intérêt d'un synthétiseur est donc de pouvoir moduler le son grâce à ces tensions, aussi est-il en général nécessaire de pouvoir les faire interagir entre elles. Voilà pourquoi, bien souvent, ces tensions passent par un amplificateur commandé en tension pour que l'on puisse moduler leur intensité durant le jeu. Par exemple, on cherchera à moduler l'intensité des enveloppes grâce à la vélocité, ou la profondeur du LFO grâce à une molette, etc. Les synthétiseurs les plus intéressants sont justement ceux qui offrent, non seulement les générateurs de sons ou de tension les plus intéressants, mais aussi et surtout les possibilité de modulation et d'inter modulation des commandes les plus étendues. Bon nombre de synthétiseurs proposent des pré connexions entre les modules, et ne permettent au musicien que de contrôler ceux-ci, mais un certain nombre d'entre eux proposent de connecter librement les générateurs de tension aux modules générateurs ou modulateur de sons. Ils sont d'un plus grand intérêt et d'une plus grande complexité à la fois. Ces systèmes dits « modulaires » permettent d'organiser ces connexions, soit physiquement à l'aide de cordons électriques, soit sur les instruments digitaux à l'aide de menus déroulant proposant la liste des générateurs sources de tension d'une part, et celle des modules de destination d'autre part. Bien que donnant des informations numériques, la norme MIDI est issue de cette notion de tension de commande, et chaque contrôle continu notamment peut être considéré comme un générateur de tension de commande. Plus la valeur MIDI est élevée, plus la « tension de commande » est élevée. Cette variation des tensions de commande durant le jeu permet de rendre l'instrument plus expressif, puisque le son change en fonction du jeu de l'instrumentiste. - les filtres : A l'exception notable de quelques synthétiseurs digitaux du début des années 80, tous les synthétiseurs et échantillonneurs proposent des filtres. Ceux-ci sont la seconde invention majeure de Robert Moog. L'idée du synthétiseur moderne est de proposer des générateurs de sons riches en harmoniques, et de filtrer ces sons pour les adoucir. Le filtre le plus courant est le filtre passe-bas (LPF) qui laisse passer les harmoniques graves, mais coupe celles aiguës. Par exemple, un son de percussions fait entendre plus d'harmoniques à l'attaque que lors de la résonance. Aussi on connectera une enveloppe similaire à celle du volume au filtre : celui-ci sera ouvert et laissera passer les harmoniques à l'attaque du son, puis se fermera ensuite. D'autres types de filtres existent : les filtres passe-haut (HPF) ne laissent passer que les harmoniques aiguës, les filtres passe-bande (BPF) qu'une bande de fréquence, etc. Tous sont intéressants, mais produisent le plus souvent des effets plus « artificiels » que le passe-bas. On distingue aussi les filtres suivant leur intensité de filtrage, les filtres Moog par exemple sont des filtres à 24dB par octave (appelés aussi « 4 pôles ») tandis que d'autres tels les Oberheim sont des filtres à 12 dB par octave (appelés aussi « 2 pôles »). - les générateurs de son : Les oscillateurs des synthétiseurs analogiques proposaient des timbres de base générés électroniquement. Les signaux sinus, dent de scie, triangle et carrés sont donc devenus synonymes de timbres pour les musiciens utilisateurs d'instruments électroniques: le signal dent de scie est par exemple à la base des sons de cuivres ou de cordes, l'onde carré est à la base des sons de clarinette. A ces oscillateurs, il convient d'ajouter les générateurs de bruit, qui produisent un souffle que l'on transformera ensuite en bruit de vent, de vagues, d'explosion, etc. Le bruit a toujours fait partie de l'instrument synthétiseur. Ces générateurs sont parfois employés pour moduler les tensions de commande, produisant alors des cycles de modulation à fréquence audible. - autres modules : D'autres modules datent de l'époque du synthétiseur analogique. Les « sample and hold », ou échantillonneurs-bloqueurs, maintiennent constante une tension de commande si ils sont déclenchés par un signal. On s'en sert le plus souvent pour fournir des tensions de commande aléatoires à partir d'un générateur de bruit. Les suiveurs d'enveloppe permettent de générer des tensions de commande en fonction d'un signal audio en entrée : plus le son fourni au module est fort, plus la tension de sortie est élevée. Les vocodeurs sont ainsi un montage électronique de différents filtres passe-bande connectés à des suiveurs d'enveloppe, permettant de moduler un timbre par un autre. Les modulateurs en anneau multiplient entre elles les fréquences de deux signaux entrant. Si les deux signaux ne sont pas accordés, ce module produit des effets de sons « cannelés », et permettent de réaliser des sons de cloche par exemple. II : les synthétiseurs digitaux: Les synthétiseurs analogiques ont été supplantés par les synthétiseurs digitaux durant les années 80. Ce n'est qu'à la fin des années 90 que l'on a rencontré un regain d'intérêt pour ces anciens instruments, qui doivent leur retour en grâce à la sonorité plus pleine, plus « ronde » ou plus « chaude » de l'électronique. Les synthétiseurs digitaux ont permis de populariser le synthétiseur polyphonique, et ont surtout apporté de nouveaux types de synthèse. On peut considérer aujourd'hui ces nouveaux types de synthèse comme l'apport de nouveaux modules à l'ensemble initial, surtout si on considère les plus récents synthétiseurs modulaires sur plate forme informatique, qui proposent indistinctement ces nouveaux oscillateurs et les plus anciens en un seul ensemble. – la synthèse additive. Les oscillateurs de synthèse additive proposent de contrôler séparément chacune des harmoniques du son. Suivant les instrument, les oscillateurs proposeront de contrôler de 16 harmoniques pour les plus modestes à plus de 100. Ensuite, des entrées de tension de commande permettent de moduler le niveau des harmoniques, le plus souvent par groupe d'harmoniques. Par extension on appellera synthèse additive le mixage de multiples générateurs donnant des timbres ou des accords différents. – la synthèse à modulation de fréquence. Cette synthèse a popularisé le synthétiseur digital « DX7 » de la firme Yamaha durant les années 80. Un oscillateur « porteur » voit sa fréquence modulée par celle d'un oscillateur « modulateur » : les fréquences des deux oscillateurs sont multipliées l'une par l'autre. L'effet est similaire à celui des modulateurs en anneau d'un certain point de vue. Ce type de synthèse permet facilement aussi de créer des sons très riches en harmoniques, elle est connue pour les sons de piano digital ou de cloches qu'elle a fait entendre d'une façon neuve. L'intensité de la modulation est commandée par une tension, en général celle d'un générateur d'enveloppe. – la synthèse par modulation de phase. Rare, elle est fondée sur la variation cyclique de la lecture d'une onde digitale : sans modulation, cette lecture est normale, mais modulée, cette lecture est plus rapide en début de cycle, puis plus lente en fin de cycle, la longueur totale du cycle demeurant constante. De ce fait, la forme d'onde générée par l'oscillateur change, et le timbre est donc modifié. L'intensité de cette modulation peut être modulée par une tension de commande. – la synthèse par filtres à formants. Ce type de synthèse est connu pour être à la base de la synthèse de la voix articulée (ou « qui parle »). Chaque voyelle propose des harmoniques différentes. On peut dire que la bouche et la langue filtrent différemment le son brut émis par les cordes vocales suivant les voyelles. On reproduit ceci par un jeu de filtres passe-bande qui vont amplifier ou au contraire atténuer telle partie du spectre sonore en fonction de la voyelle à reproduire. Souvent, les filtres disposent d'entrées de modulation. – la synthèse par table d'ondes. Popularisés par les célèbres synthétiseurs PPG et Waldorf, les oscillateurs « à table d'onde » proposent des séries de timbres : chaque table permet ainsi de faire entendre une suite de timbres qui sont, soit proches les uns des autres, soit au contraire disparates. Par exemple, des tables feront entendre les différents timbres que produit la résonance d'un son de piano, d'autres proposeront différents effets d'harmoniques, d'autres des sons typés d'orgue, etc. Des entrées de tension de commande permettent de modifier durant le jeu le timbre lu. Par exemple, une enveloppe à un seul segment « lira» la table d'un bout à l'autre, et fera entendre les timbres les uns après les autres, tandis qu'un LFO la « lira » de façon cyclique. – la synthèse vectorielle. Ces synthétiseurs proposent de mixer deux ou quatre timbres de façon dynamique. Ce mixage obéit à des tensions de commande, générées soit par un pad, soit par des enveloppes, des LFO, le suivi de clavier, etc. – la modélisation physique : Consiste à exciter un résonateur, à l'image d'une corde excitant une caisse de résonance, ou d'une anche excitant un tuyau. – première forme : utilisation d'un délai accordé. De notre point de vue, cette méthode de modélisation physique est la plus efficace, et ce malgré les immenses efforts fournis par les tenants de la seconde. Le résonateur est un délai accordé, c'est à dire un délai utilisé, non pas pour générer des effets d'écho ou de choeur (voir plus bas), mais dont la durée de retard est si brève que l'on entre dans les fréquences audibles. Cette fréquence de résonance est alors contrôlée par le clavier musical. Suivant l'intensité du « feedback » (du nombre de répétition), l'effet de résonance est plus ou moins prononcé. Si elle est forte, il conviendra d'exciter le résonateur par une impulsion, et non par un son continu. Ce résonateur est excité par des générateurs de son électroniques, des oscillateurs ou des générateurs de bruit. Il est souvent intéressant d'employer différents générateurs mixés en synthèse additive pour rendre plus efficace cette synthèse. Elle permet de produire efficacement des effets de cordes pincées, de bois ou d'orgues, de percussions, voire en utilisant plusieurs résonateurs en chaîne, des effets de cuivre. – deuxième forme : calcul du comportement des corps sonores. Ce type de synthèse échappe en soi à la synthèse classique évoquée dans ces lignes, bien que certains instruments logiciels tels le « Tassman » proposent des modules de ce type de synthèse dans un ensemble modulaire « classique ». Ce type de synthèse propose de calculer les fréquences que produisent différents corps sonores en fonction de leur excitation. L'institut français « IRCAM » a beaucoup contribué aux travaux ayant conduit à ce type de synthétiseurs. Outre le « VL 1 » Yamaha, cette forme de synthèse est proposée aussi par des synthétiseurs logiciel. En particulier, la société Modartt a sorti une remarquable émulation logicielle de piano avec son « Pianoteq ». – L'échantillonneur. Associer l'échantillonneur à l'histoire du synthétiseur pourrait paraître incongru à certains, tant il s'agit d'un instrument en soit. Toutefois, dans les systèmes modulaires logiciels les plus récents, l'échantillonneur devient un module de génération sonore parmi d'autres, d'où sa place ici. L'échantillonneur est un magnétophone digital qui conserve dans sa mémoire des enregistrements sonores. Ceux-ci sont souvent ceux d'instruments enregistrés note à note. Lorsqu'on joue sur le clavier musical, l'échantillonneur lie l'enregistrement de l'instrument désiré à la note correspondante. Pour des raisons d'économie de mémoire, ces enregistrements sont souvent « bouclés », c'est à dire qu'une partie de l'enregistrement est lu en boucle de façon à ce que la lecture puisse durer indéfiniment. Parce que le timbre d'un instrument n'est pas constant sur toute sa tessiture, ou suivant les intensités de jeu, ces instruments proposent des menus d'assignation des enregistrements en fonction de la note jouée sur le clavier, mais aussi en fonction de la vélocité d'attaque : on aura enregistré telle note jouée doucement, puis plus fort, et la vélocité d'attaque déterminera lequel des deux enregistrements sera lu. Le musicien achète ainsi des « banques de son », qui contiennent les enregistrements et les assignations de divers instruments. On peut aussi enregistrer tout autre type de signal. Par exemple, bon nombre de musiciens rap, de techno ou autre ont enregistré de courts extraits d'oeuvres préexistantes et les ont transformées pour servir de base à leurs composition. Les échantillonneurs logiciels les plus récents permettent d'accéder à de telles quantité de mémoire immédiatement que les instruments de l'orchestre sont enregistrés avec toutes leurs nuances et leurs variété de timbres, et permettent donc un rendu exceptionnel des instruments imités. La « Vienna Sample Library » est devenue ainsi une référence dans le domaine des banques de son d'orchestre. – synthèse additive par rééchantillonnage. Certains synthétiseurs permettent d'analyser le contenu harmonique de sons pré enregistrés et son évolution, pour recréer ensuite ce timbre par synthèse additive. Suivant l'instrument, le « rendu » est plus ou moins fidèle à l'original. Ce type de synthèse est intéressant comme complément à la synthèse additive. III : les effets: On sort ici du cadre strict de la synthèse sonore : les effets dont il va être question ici sont utilisés par les ingénieurs du son pour rehausser leurs enregistrements, y compris ceux de musique acoustique. Toutefois, il est commun de les trouver dans les synthétiseurs. – le delay. Le délai génère une répétition cyclique du signal entrant, et produit un effet d'écho. On peut généralement en contrôler la vitesse, et le nombre de répétitions. Certains modèles proposent des délais multiples, ou « ping-pong », c'est à dire dont le panoramique bascule de part et d'autre du système d'écoute. – le chorus. Cet effet est généré par un délai court dont la vitesse de répétition est modulée par un LFO. Utilisé seul, on entend un effet de vibrato, mais mixé au signal d'origine, on entend un effet de choeur. Cet effet connaît des variantes (flanger, symphonique, ...), suivant le nombre de modulations employées, de répétitions du délai, etc. On peut aussi produire des effets de choeur en synthèse en désaccordant légèrement les oscillateurs du synthétiseur. – le phaser. Les filtres « All Pass » ne coupent pas d'harmoniques, mais comme tout filtre, ont tendance à déphaser le signal. Ce déphasage est audible si il est cyclique. Aussi on module la fréquence de coupure de ce filtre avec un LFO pour produire un effet de « phasing ». – la distorsion. Tout système électronique sature à partir d'un certain niveau de modulation, et génère des harmoniques non présentes dans le signal d'origine. Bien que la saturation soit tenue en horreur par les ingénieurs du son, certains musiciens aiment cet effet de grésillement, voire de saturation de l'espace sonore. Suivant le type de circuit utilisé, le timbre produit par la saturation est différent, toujours à base de génération d'harmoniques impaires du signal entrant. – la compression. Un suiveur d'enveloppe contrôle le niveau de sortie en fonction du niveau d'entrée de façon à maintenir le signal dans une bande dynamique réduite. Les ingénieurs du son s'en servent de façon à ne pas saturer les émetteurs radio, ou à rendre intelligible un enregistrement sur tout système de lecture. Les musiciens s'en servent pour rendre des effets dynamiques particuliers, ou pour rendre le son « plus présent ». – la réverbération. Indispensable depuis toujours à tout enregistrement, cet effet permet de recréer artificiellement la réverbération d'un espace acoustique. Les réverbérations analogiques étaient des plaques de métal ou des ressorts dans lesquels on envoyait le signal à traiter. Celui-ci connaissait de multiples échos que l'on récupérait en sortie. Les réverbérations digitales sont fondées sur des chaînages de délais produisant de multiples échos. Elles proposent généralement différents algorithmes de base. Les réverbérations à convolution utilisent l'enregistrement de salles réverbérant un bruit de pistolet : cet enregistrement est ensuite analysé de façon à ce que le logiciel calcule la modulation à apporter à tout signal pour reproduire la réverbération qu'il aurait dans cette salle. IV : les instruments : Il n'est pas question ici de faire un historique détaillé de tous les synthétiseurs existant, mais seulement à travers quelques exemples de montrer les différentes tendances successives de cet instrument aujourd'hui encore en pleine évolution. Les premiers synthétiseurs modernes ont donc été les systèmes modulaires Moog, apparus en 1964. Ceux-ci proposaient une large gamme de modules, tous de type électronique. Ces modules devaient être inter-connectés à l'aide de cordons électriques pour pouvoir produire le moindre son. Des musiciens ont demandé à Robert Moog de produire un synthétiseur plus simple utilisable sur scène. Ainsi naquit en 1970 le « Minimoog », instrument pré-connecté à trois oscillateurs et un filtre. Le succès de cet instrument monophonique fût considérable. D'autres luthiers sont alors apparus, américains, puis européens et japonais. Citons ARP, Oberheim, Sequential Circuit pour les américains, EMS, PPG, et plus tard RSF pour les européens, et Roland, Korg, Yamaha pour les japonais. Tous proposent des instruments électroniques fonctionnant pour l'essentiel sur les mêmes principes, chacun devant sa personnalité à la qualité des circuits électroniques employés, ou à un choix plus personnel des modules ou de leurs fonctions. La qualité des filtres en particulier est discriminante. Beaucoup de ces constructeurs ont débuté en réalisant des systèmes modulaires qui sont souvent réputés (« Synthi AKS » EMS, « ARP 2600 », « System 700 » Roland, « Modules SEM » Oberheim, « Kobol » RSF, etc.). Puis ils ont ensuite décliné leur savoir faire en des synthétiseurs monophoniques de scène, qui proposent un choix de modules pré connectés plus faciles à programmer (« OB-1 » Oberheim, « SH 101 » Roland, « Odyssey » ARP, voire le semi-modulaire « MS 20 » Korg). Ce n'est qu'après 1978 que les instruments deviennent polyphoniques en multipliant en leur sein les voix de synthèse, et qu'ils incluent la possibilité de mémoriser sur une puce informatique les réglages de l'instrument. Le premier instrument de ce type est le « Prophet 5 » de Sequencial Circuit. Citons aussi le « Memorymoog », le « CS 80 » Yamaha, les « Jupiter » et « Juno » Roland, le « Polisix » Korg, le « Polykobol » RSF. Le « Xpander » Oberheim propose en 1984 un système modulaire dont les générateurs de tension de commande sont digitaux, seuls les oscillateurs, filtres et amplificateurs demeurant analogiques. Les synthétiseurs analogiques proposent tous de contrôler l'instrument via des panneaux de potentiomètres et de sélecteurs regroupés par module : cette possibilité offerte de pouvoir programmer l'instrument immédiatement, « par bouton », sans devoir passer par des pages de menus informatiques sera une des raisons du regain d'intérêt en leur faveur durant les années 1990. Dans les années 80, les progrès de l'informatique permettent la création de synthétiseurs digitaux. Les premiers tels les PPG, le Synclavier ou le Fairlight (1979) sont très chers, mais l'industrie japonaise parvient rapidement à mettre au point des instruments bon marché : en 1983, Yamaha produit le « DX 7 » et Akaï des échantillonneurs demeurés des références. Apparaissent aussi la norme MIDI et les premiers logiciels l'utilisant : l'ordinateur permet de stocker les tensions de commande numérisées en MIDI et d'enregistrer ainsi le musicien durant son jeu. C'est durant les années 80 qu'apparaissent de nouveaux types de synthèse : Kawaï propose en 1987 des instruments à synthèse additive, Casio des instruments à synthèse par modulation de phase, etc. L'échantillonnage devient toutefois la base de l'essentiel des instruments à ce moment là, les instruments couplant des banques de sons échantillonnés à des filtres et amplificateurs digitaux (« D-50 » ou « D-70 » Roland, « M1 » Korg, « K 2000 » Kurzweil, etc.). L'échantillonneur connaît durant la fin des années 80 et les années 90 un grand essor, via des échantillonneurs permettant d'enregistrer ses propres sources (S 1000 ou série S 3000 Akaï, série S 700 Roland), ou via des instruments proposant des banques de sons préenregistrées en mémoire vive (« Sound Canvas » Roland (1991), série « « Proteus » Emu). Par ailleurs, les premiers synthétiseurs digitaux ont vu disparaître les boutons et autres sélecteurs, pour ne laisser voir que des écrans de contrôles LCD et un unique potentiomètre servant à régler tous les paramètres de l'instrument via des pages de menus déroulant. Ce ne sera qu'avec la génération d'instruments suivante que l'on cherchera à retrouver une certaine immédiateté de programmation comme le permettaient les potentiomètres des instruments analogiques. Les instruments analogiques apparaissent alors démodés, trop coûteux pour une puissance moindre. Ils vont connaître un retours en grâce durant les années 90, grâce à leurs qualités sonores particulières. Des instruments hybrides, mi-digitaux, mi-analogiques apparaissent alors tels le « Microwave » de Waldorf (1990). Ou bien on tente de retrouver certains aspects des instruments analogiques dans des instruments digitaux comme Roland avec son « JD 800 », qui propose de programmer l'instrument via un large panneau de potentiomètres, comme sur les anciens instruments analogiques. Cette tendance va se confirmer avec la nouvelle génération d'instruments qui modélisent de façon numérique le comportement des instruments analogiques. Par exemple, les « Novation », les « Clavia » (1995) ou le « Virus » sont des instruments digitaux proposant les contrôles et le son des instruments plus anciens. Roland introduira dans les instruments de cette époque les oscillateurs « Superwave », c'est à dire simulant l'effet de choeur que produisent de nombreux oscillateurs légèrement désaccordés. A cette époque aussi, certains luthiers proposent des synthétiseurs analogiques contrôlables par MIDI, qui, bien que fabriqués artisanalement, connaîtront un réel succès (« SE-1 » et « ATC 1 » Studio Electronic, système modulaire Doepfer, « Minimoog Voyager », etc.) Il nous semble que depuis que les ordinateurs personnels le permettent, c'est en tant qu'instruments logiciels que les synthétiseurs poursuivent leur évolution. Par exemple, Steinberg, développeur de logiciels de musique connu pour son séquenceur MIDI « Cubase » a inventé une norme, appelée « VST », qui permet d'intégrer des synthétiseurs logiciels à l'utilisation du séquenceur. On voit s'afficher alors à l'écran le panneau de contrôle d'un synthétiseur, et on utilise la souris pour le programmer. Ceci permet de développer à moindre coût des instruments très diversifiés. Des innovations importantes (synthèse « granulaire », qui séquence le signal entrant en brefs échantillons sonores), ou des améliorations de synthèses existantes voient le jour. Par exemple, le « Synfull » développe de façon approfondie la resynthèse d'instruments classiques, le « Moog Modulaire Virtuel » d'Arturia propose une version logicielle et polyphonique du Moog modulaire des origines, des instruments tels le « Terra » de Virsyn ou « Absynth » de Native Instruments proposent en un seul instrument logiciel tous les types de synthèse. Des échantillonneurs logiciels tels « Gigastudio » utilisent le disque dur de l'ordinateur comme base de données, offrant la possibilité d'utiliser des banques de sons gigantesques. Des synthétiseurs de voix articulée apparaissent. Les synthétiseurs logiciels les plus intéressants sont des logiciels proposant un très grand nombre de modules que l'on peut connecter très librement de façon à créer toutes sortes d'instruments électroniques : synthétiseurs, échantillonneurs, boite à rythme, etc. Citons par exemple les logiciels « Synth Edit », « Reaktor » de Native instruments, ou « Max ». Ces logiciels font l'objet de communautés sur Internet, dont les membres échangent réalisations, informations et idées via le réseau. Hervé Noury – 2006. Tous droits réservés.