08-Le_principe_de_neutralite mis à jour
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Fiche à jour au 18 janvier 2010 FIICCHHEE PEEDDAAG GO OG GIIQ QU UE E VIIR RT TU UE EL LL LE E Diplôme : Licence en droit, 3ème semestre Matière : Droit administratif Web-tuteur : Augustine MPESSA, Mise à jour : Elise UNTERMAIER, Aurélie WATTECAMPS L LE EP PR RIIN NC CIIP PE ED D’E EG GA AL LIIT TE ED DE EV VA AN NT TL LE ES SE ER RV VIIC CE E P PU UB BL LIIC C (2 ) : L LA AN NE EU UT TR RA AL LIIT TE ED DA AN NS S L L’E EN NS SE EIIG GN NE EM ME EN NT TP PU UB BL LIIC C SO OM MM MA AIIR RE E I. L’ETENDUE DU PRINCIPE DE NEUTRALITE ................................... 3 A. LE CONTENU DU PRINCIPE ____________________________________________ 3 Cons.Cons., 18 septembre 1986, Loi relative à la liberté de communication ................... 3 C.E., 6 et 16 octobre 2000, Association Promouvoir ......................................................... 3 Circulaire du 28 mars 2001 ............................................................................................... 5 C.E., 2 novembre 1992, Kherouaa et autres ...................................................................... 6 B. L’APPLICATION DU PRINCIPE AU PERSONNEL DU SERVICE PUBLIC _____________ 6 Circulaire du 12 décembre 1989 (circulaire Jospin) ......................................................... 7 C.E., Avis 3 mai 2000 ......................................................................................................... 7 II. L’APPLICATION DU PRINCIPE DE NEUTRALITE ....................... 8 A. LE PORT DE SIGNES RELIGIEUX DANS LES ETABLISSEMENTS SCOLAIRES ET LA LIBERTE DE CONSCIENCE_______________________________________________ 8 C.E. ass., Avis, 27 novembre 1989 ..................................................................................... 8 Loi n° 2004-228 du 15 mars 2004..................................................................................... 9 C.E., 8 octobre 2004, Union française pour la cohésion nationale................................. 10 B. LA DISPENSE D’ASSIDUITE AUX COURS ET ENSEIGNEMENTS POUR MOTIFS DE RELIGION _____________________________________________________________ 11 C.E., 14 avril 1995, Consistoire central des israélites de France ................................... 11 C.E., 14 avril 1995, Koen ................................................................................................. 12 Le Conseil constitutionnel présente le principe de neutralité comme le corollaire du principe d’égalité (CC, 18 septembre 1986) et selon la formule, la laïcité est un « élément » de la neutralité des services publics. Il impose que le service public ne puisse être assuré selon des modalités qui varient en fonction des opinions politiques ou des croyances religieuses de ses agents ou de ses usagers. Dans l’enseignement public, le principe de neutralité s’illustre, notamment, par la laïcité qui est un de ses éléments. I. L’étendue du principe de neutralité A. Le contenu du principe 1. La neutralité Le Conseil Constitutionnel qualifie le principe de neutralité de corollaire du principe d’égalité : Cons.Cons., 18 septembre 1986, Loi relative à la liberté de communication « 15. Considérant enfin, que les obligations imposées aux sociétés et à l'établissement public composant le secteur public de la communication audiovisuelle sont précisées dans des cahiers des charges fixés par décret, qui doivent être préalablement soumis à la Commission nationale de la communication et des libertés, dont l'avis motivé est rendu public ; que ces cahiers des charges doivent nécessairement se conformer aux principes fondamentaux du service public et notamment au principe d'égalité et à son corollaire le principe de neutralité du service ; […] » http://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/1986/86217dc.htm En vertu du principe d’égalité des usagers, la neutralité interdit que le service public soit assuré selon des modalités qui varient en fonction des opinions politiques ou des croyances religieuses de ses agents ou de ses usagers. Le principe de neutralité trouve ainsi une application en matière d’enseignement public et plus particulièrement en ce qui concerne les programmes scolaires : C.E., 6 et 16 octobre 2000, Association Promouvoir Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête n° 217801 ; Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment des termes d'une lettre du ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire en date du 29 décembre 1999 que ce ministre a décidé, dans le cadre d'une campagne nationale d'information sur la contraception, de faire distribuer dans les établissements publics locaux d'enseignement un dépliant aux élèves des lycées et des classes de troisième des collèges et d'organiser, à l'occasion de cette distribution, des actions d'information par la communauté éducative ; Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1973 portant création d'un conseil supérieur de l'information sexuelle, de la régulation des naissances et de l'éducation familiale : "L'information de la population sur les problèmes de la vie est une responsabilité nationale" , que, d'autre part, aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1975 relative à l'éducation, l'école "favorise l'épanouissement de l'enfant, lui permet d'acquérir une culture, le prépare à la vie professionnelle et à l'exercice de ses responsabilités de citoyen" ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'information sur la contraception relèverait exclusivement de la vie privée et ne pourrait par conséquent faire l'objet d'une campagne organisée par les pouvoirs publics ou être abordée à l'école ; Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la Constitution du 4 octobre 1958 : "La France est une république indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances" , qu'aux termes de l'article 10 de la loi du 10 Juillet 1989 susvisée : "Dans les collèges et lycées, les élèves disposent, dans le respect du pluralisme et du principe de neutralité, de la liberté d'information et de la liberté d'expression" ; que le principe de la laïcité dé l'enseignement public, qui résulte notamment des dispositions précitées et qui est l'un des éléments de la laïcité de l'Etat et de la neutralité de l'ensemble des services publics, impose que l'enseignement soit dispensé, dans le respect, d'une part, de cette neutralité par les programmes, les enseignants et les personnels qui interviennent auprès des élèves et, d'autre part, de la liberté de conscience des élèves ; qu'il ne saurait faire obstacle à ce que soit apportée aux élèves des lycées et aux collégiens de classe de troisième, notamment dans un but de santé publique, une information sur la contraception ; que le dépliant, distribué aux lycéens et collégiens de classe de troisième de l'enseignement public à l'occasion de la campagne d'information susmentionnée, se borne à donner des informations sur les différents modes de contraception et sur les possibilités offertes, en particulier aux mineures, par la loi du 28 décembre 1967, sans inciter à adopter un comportement sexuel particulier ni comporter de mentions susceptibles de porter atteinte à la liberté de conscience des élèves ou de méconnaître la liberté des parents d'élever leurs enfants mineurs dans un sens conforme à leurs convictions ; qu'il n'appartenait pas au ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire de porter à la connaissance des élèves les positions liées en matière de contraception, aux différentes convictions philosophiques et religieuses ; que, par suite, les moyens tirés de ce que la campagne porterait atteinte au principe de neutralité de l'enseignement public ou à l'autorité parentale ne peut qu'être écarté ; Considérant que la seule annonce de l'organisation d'actions d'information par la communauté éducative, à l'occasion de la diffusion du dépliant susmentionné, ne saurait, en tout état de cause, porter atteinte à la liberté de conscience des enseignants ; Considérant que les requérants ne peuvent utilement se prévaloir à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir des stipulations des articles 3-2 et 5 de la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 2 janvier 1990 qui sont dépourvues d'effet direct ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les auteurs des requêtes susvisées ne sont pas fondés à demander l'annulation de la décision qu'ils contestent; Décide : [rejet] Le principe de neutralité trouve une extension dans le principe de neutralité commerciale : Circulaire du 28 mars 2001 « Prolongement du principe d'égalité, la neutralité du service public impose aux autorités administratives et à leurs agents de n'agir qu'en tenant compte des exigences de l'intérêt général. Le principe de neutralité du service public de l'éducation nationale, rappelé notamment par l'article L. 511-2 du code de l'éducation, s'entend aussi de la neutralité commerciale comme le souligne un jugement, aux termes duquel l'organisation d'un concours d'orthographe dans une école par un établissement bancaire contrevenait au principe de neutralité scolaire (Tribunal administratif de Caen, 30 novembre 1993, Jean-Pierre Ponthus). Les établissements scolaires, qui sont des lieux spécifiques de diffusion du savoir, doivent respecter le principe de la neutralité commerciale du service public de l'éducation et y soumettre leurs relations avec les entreprises. » Le principe de neutralité des services publics s'oppose à ce que soient apposés sur les édifices publics, et notamment sur les mairies, des signes symbolisant la revendication d'opinions politiques, religieuses ou philosophiques. CE, 27 juillet 2005, Commune de Sainte-Anne Considérant qu'en se fondant, pour apprécier la légalité de la délibération du 6 octobre 1995 par laquelle le conseil municipal de la commune de SainteAnne a approuvé la pose d'un drapeau rouge, vert, noir sur le fronton de la mairie, sur la circonstance que le principe de neutralité des services publics s'oppose à ce que soient apposés sur les édifices publics des signes symbolisant la revendication d'opinions politiques, religieuses ou philosophiques, la cour administrative d'appel de Bordeaux n'a commis aucune erreur de droit ; Considérant que la cour, en estimant que le drapeau rouge, vert et noir, s'il n'est pas l'emblème d'un parti politique déterminé, est le symbole d'une revendication politique exprimée par certains mouvements présents en Martinique, a porté sur les faits qui lui étaient soumis une appréciation exempte de dénaturation ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Sainte-Anne n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué, qui est suffisamment motivé ; Décide : [rejet] 2. La laïcité La laïcité, « élément » de la neutralité des services publics, est consacré à l’article 1er de la Constitution : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances (…)». La laïcité « à la française » se traduit donc à la fois par l’impossibilité de privilégier une religion (absence de religion d’Etat), mais aussi par l’impossibilité d’en interdire l’exercice. Le juge administratif en a donné une définition précise dans le cadre de l’enseignement public : C.E., 2 novembre 1992, Kherouaa et autres « […]Considérant que le principe de la laïcité de l'enseignement public qui résulte notamment des dispositions précitées et qui est l'un des éléments de la laïcité de l'État et de la neutralité de l'ensemble des services publics, impose que l'enseignement soit dispensé dans le respect, d'une part, de cette neutralité par les programmes et par les enseignants et, d'autre part, de la liberté de conscience des élèves ; qu'il interdit conformément aux principes rappelés par les mêmes textes et les engagements internationaux de la France toute discrimination dans l'accès à l'enseignement qui serait fondée sur les convictions ou croyances religieuses des élèves que la liberté ainsi reconnue aux élèves comporte pour eux le droit d'exprimer et de manifester leurs croyances religieuses à l'intérieur des établissements scolaires, dans le respect du pluralisme et de la liberté d'autrui, et sans qu'il soit porté atteinte aux activités d'enseignement, au contenu des programmes et à l'obligation d'assiduité ; que, dans les établissements scolaires le port par les élèves de signes par lesquels ils entendent manifester leur appartenance à une religion n'est pas par lui-même incompatible avec le principe de laïcité, dans la mesure où il constitue l'exercice de la liberté d'expression et de manifestation de croyances religieuses, mais que cette liberté ne saurait permettre aux élèves d'arborer des signes d'appartenance religieuse qui, par leur nature, par les conditions dans lesquelles ils seraient portés individuellement ou collectivement, ou par leur caractère ostentatoire ou revendicatif, constitueraient un acte de pression, de provocation, de prosélytisme ou de propagande, porteraient atteinte à la dignité ou à la liberté de l'élève ou d'autres membres de la communauté éducative, compromettraient leur santé ou leur sécurité, perturberaient le déroulement des activités d'enseignement et le rôle éducatif des enseignants, enfin troubleraient l'ordre dans l'établissement ou le fonctionnement normal du service public ; […] » http://www.rajf.org/article.php3?id_article=136&var_recherche=neutrali t%E9 Commentaire : http://www.conseil-etat.fr/ce/jurispa/index_ju_aj9209.shtml B. L’application du principe au personnel du service public L’obligation de neutralité s’impose aux agents du service public. Dans l’exercice de leurs fonctions, les agents publics ne doivent pas manquer « au devoir de stricte neutralité qui s’impose à tout agent ». Les enseignants ont une obligation renforcée par rapport aux autres agents publics car « rien n’est plus vulnérable qu’une conscience d’enfant » : Circulaire du 12 décembre 1989 (circulaire Jospin) « III. Les obligations de laïcité des enseignants Le service public de l'enseignement est laïc. Ce principe de laïcité est l'un des aspects du principe plus général de la laïcité de la République. Ce principe doit s'imposer à l'Ecole avec une force particulière. Rien n'est plus vulnérable qu'une conscience d'enfant. Les scrupules à l'égard de la conscience des élèves doivent amplifier, s'agissant des enseignants, les exigences ordinaires de la neutralité du service public et du devoir de réserve de ses agents. L'Ecole publique ne privilégie aucune doctrine. Elle ne s'interdit l'étude d'aucun champ du savoir. Guidée par l'esprit de libre examen, elle a pour devoir de transmettre à l'élève les connaissances et les méthodes lui permettant d'exercer librement ses choix. L'Ecole publique respecte de façon absolue la liberté de conscience des élèves. Ces rappels comportent des conséquences directes sur les contenus et les méthodes d'enseignement ; ils définissent l'exercice même de la fonction enseignante. En conséquence, dans l'exercice de leurs fonctions, les enseignants, du fait de l'exemple qu'ils donnent explicitement ou implicitement à leurs élèves, doivent impérativement éviter toute marque distinctive de nature philosophique, religieuse ou politique qui porte atteinte à la liberté de conscience des enfants ainsi qu'au rôle éducatif reconnu aux familles. L'enseignant qui contreviendrait à cette règle commettrait une faute grave. A raison du trouble apporté au fonctionnement de l'établissement, il serait susceptible d'être immédiatement suspendu dans l'attente d'une action disciplinaire. » http://www.ac-creteil.fr/eps/TextesOfficiels/citoyennete/121289c.html C.E., Avis 3 mai 2000 « […] 2°) Si les agents du service de l’enseignement public bénéficient comme tous les autres agents publics de la liberté de conscience qui interdit toute discrimination dans l’accès aux fonctions comme dans le déroulement de la carrière qui serait fondée sur la religion, le principe de laïcité fait obstacle à ce qu’ils disposent, dans le cadre du service public, du droit de manifester leurs croyances religieuses ; Il n’y a pas lieu d’établir une distinction entre les agents de ce service public selon qu’ils sont ou non chargés de fonctions d’enseignement ; 3°) Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le fait pour un agent du service de l’enseignement public de manifester dans l’exercice de ses fonctions ses croyances religieuses, notamment en portant un signe destiné à marquer son appartenance à une religion, constitue un manquement à ses obligations ; […] ». II. L’application du principe de neutralité Quant à l’application du principe de neutralité, deux domaines retiennent particulièrement l’attention : le port de signes religieux dans les établissements scolaires par leurs usagers (A) et la dispense d’assiduité aux cours et enseignements pour motifs de religion (B). A. Le port de signes religieux dans les établissements scolaires et la liberté de conscience 1- Le port du foulard : une tolérance C’est l’affaire dite « du foulard » qui a nécessité des éclaircissements quant à l’application du principe de la laïcité aux élèves des établissements scolaires, d’abord dans un avis du Conseil d’Etat : C.E. ass., Avis, 27 novembre 1989 « Il résulte des textes constitutionnels et législatifs et des engagements internationaux de la France sus-rappelés que le principe de la laïcité de l'enseignement public, qui est l'un des éléments de la laïcité de l'Etat et de la neutralité de l'ensemble des services publics, impose que l'enseignement soit dispensé dans le respect d'une part de cette neutralité par les programmes et par les enseignants et d'autre part de la liberté de conscience des élèves. Il interdit conformément aux principes rappelés par les mêmes textes et les engagements internationaux de la France toute discrimination dans l'accès à l'enseignement qui serait fondée sur les convictions ou croyances religieuses des élèves. La liberté ainsi reconnue aux élèves comporte pour eux le droit d'exprimer et de manifester leurs croyances religieuses à l'intérieur des établissements scolaires, dans le respect du pluralisme et de la liberté d'autrui, et sans qu'il soit porté atteinte aux activités d'enseignement, au contenu des programmes et à l'obligation d'assiduité. Son exercice peut -être limité, dans la mesure où il ferait obstacle à l'accomplissement des missions dévolues par le législateur au service public de l'éducation, lequel doit notamment, outre permettre l'acquisition par l'enfant d'une culture et sa préparation à la vie professionnelle et à ses responsabilités d'homme et de citoyen, contribuer au développement de sa personnalité, lui inculquer le respect de l'individu, de ses origines et de ses différences, garantir et favoriser l'égalité entre les hommes et les femmes. Il résulte de ce qui vient d'être dit que, dans les établissements scolaires, le port par les élèves de signes par lesquels il entendent manifester leur appartenance à une religion n'est pas par lui-même incompatible avec le principe de laïcité, dans la mesure où il constitue l'exercice de la liberté d'expression et de manifestation de croyances religieuses, mais que cette liberté ne saurait permettre aux élèves d'arborer des signes d'appartenance religieuse qui, par leur nature, par les conditions dans lesquelles ils seraient portés individuellement ou collectivement, ou par leur caractère ostentatoire ou revendicatif, constitueraient un acte de pression, de provocation, de prosélytisme ou de propagande, porteraient atteinte à la dignité ou à la liberté de l'élève ou d'autres membres de la communauté éducative, compromettraient leur santé ou leur sécurité, perturberaient le déroulement des activités d'enseignement et le rôle éducatif des enseignants, enfin troubleraient l'ordre dans l'établissement ou le fonctionnement normal du service public. » http://www.conseil-etat.fr/ce/missio/index_mi_cg03_01.shtml Dans la ligne de cet avis, le Conseil d’Etat confirme sa position dans un premier arrêt du 2 novembre 1992 (Kherouaa) (cf. supra). Alors qu’il devait se prononcer sur la légalité de l’exclusion de trois jeunes filles d’un collège prise sur le fondement du règlement intérieur de l’établissement, le juge a tout d’abord rappelé que la laïcité implique la neutralité mais aussi le respect de la liberté de conscience des élèves, celle-ci s’illustrant par le droit de manifester leur croyance dans l’établissement scolaire : « le port par les élèves de signes par lesquels ils entendent manifester leur appartenance à une religion n’est pas par lui-même incompatible avec le principe de laïcité ». Ce droit de manifestation d’appartenance religieuse ne saurait porter atteinte à la santé, la sécurité, la dignité de l’élève ou des personnes de la communauté scolaire, à l’obligation d’assiduité scolaire, à l’interdiction de perturber les enseignements, de troubler l’ordre public, de faire de la propagande ou du prosélytisme. En conséquence de cette jurisprudence, le règlement intérieur d’un établissement scolaire ne peut contenir d’interdiction générale et absolue concernant le port de signes religieux. La circulaire Bayrou, en date du 20 septembre 1994, propose un modèle de règlement intérieur basé sur la distinction entre les signes discrets (admis) et les signes ostentatoires (interdits). 2-L’encadrement législatif du port du foulard : la loi du 15 mars 2004 La loi du 15 mars 2004 tente d’encadrer « en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics » : Loi n° 2004-228 du 15 mars 2004 Article 1: « Art. L. 141-5-1. - Dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit. Le règlement intérieur rappelle que la mise en oeuvre d'une procédure disciplinaire est précédée d'un dialogue avec l'élève. » Le Conseil d’Etat a tenu compte de cette évolution législative : C.E., 8 octobre 2004, Union française pour la cohésion nationale Considérant que les requêtes n° 269077 et 269704 sont dirigées contre la même circulaire ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ; Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche : Considérant qu'aux termes de l'article L. 141-5-1 du code de l'éducation issu de l'article 1er de la loi du 15 mars 2004 : "Dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit. /Le règlement intérieur rappelle que la mise en œuvre d'une procédure disciplinaire est précédée d'un dialogue avec l'élève." ; Considérant qu'en rappelant que la loi du 15 mars 2004 interdit, dans les écoles, collèges et lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse, et en donnant comme exemples de tels signes ou tenues, le voile islamique, la kippa ou une croix de dimension manifestement excessive, reprenant ainsi ceux cités lors des travaux préparatoires de cette loi, le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a précisé l'interprétation de ce texte qu'il prescrit à ses services d'adopter ; que le ministre n'a ainsi ni excédé ses compétences, ni méconnu le sens ou la portée des dispositions de la loi du 15 mars 2004 ; qu'il n'a pas davantage méconnu les dispositions de l'article 16 du code civil interdisant toute atteinte à la dignité de la personne ; Considérant que la circulaire attaquée a été prise en application de la loi du 15 mars 2004 dont, ainsi qu'il vient d'être dit, elle s'est bornée à rappeler et expliciter les termes ; que, par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, des articles 5 et 13 du préambule de la Constitution de 1946 et de l'article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 sont inopérants ; Considérant que les dispositions de la circulaire attaquée ne méconnaissent ni les stipulations de l'article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles de l'article 18 du pacte international des droits civils et politiques, relatives à la liberté de pensée, de conscience et de religion, dès lors que l'interdiction édictée par la loi et rappelée par la circulaire attaquée ne porte pas à cette liberté une atteinte excessive, au regard de l'objectif d'intérêt général poursuivi visant à assurer le respect du principe de laïcité dans les établissements scolaires publics ; Considérant que les moyens tirés de ce que la circulaire attaquée méconnaîtrait les stipulations des articles 10 et 11 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, relatifs à la liberté d'expression, de réunion et d'association ne sont assortis d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé et ne peuvent donc, en tout état de cause, qu'être écartés ; Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ; Décide : [rejet] B. La dispense d’assiduité aux cours et enseignements pour motifs de religion Le libre exercice du culte est garanti par la liberté d’expression. Il doit néanmoins se concilier avec l’obligation d’assiduité aux cours et enseignements telle qu’énoncée par la loi du 10 juillet 1989 : « Les obligations des élèves consistent dans l’accomplissement des tâches inhérentes à leurs études ; elles incluent l’assiduité et le respect des règles de fonctionnement et de la vie collective des établissements ». Le problème s’est concrétisé par la demande d’élèves israélites de dispense d’assiduité pour le samedi : C.E., 14 avril 1995, Consistoire central des israélites de France « […] Sur la légalité du décret attaqué : Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 : "Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi" ; qu'aux termes de l'article 9 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 : "Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique ( ...) la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites" ; qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 9 décembre 1905 : "La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ciaprès dans l'intérêt de l'ordre public" ; Considérant, en second lieu, qu'aux termes du préambule de la Constitution du 7 octobre 1946 : "La Nation garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte ... à l'instruction. L'organisation de l'enseignement laïque et gratuit à tous les degrés est un devoir de l'Etat" et qu'aux termes de l'article 2 du protocole additionnel n° 1 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "Nul ne peut se voir refuser le droit à l'instruction. L'Etat, dans l'exercice des fonctions qu'il assumera dans le domaine de l'éducation et de l'enseignement, respectera le droit des parents d'assurer cette éducation et cet enseignement conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques" ; Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 10 de la loi du 10 juillet 1989 susvisée : "Les obligations des élèves consistent dans l'accomplissement des tâches inhérentes à leurs études ; elles incluent l'assiduité et le respect des règles de fonctionnement et de la vie collective des établissements" ; qu'aux termes de l'article 3-5 ajouté au décret du 30 août 1985 par l'article 8 du décret attaqué du 18 février 1991 : "L'obligation d'assiduité mentionnée à l'article 10 de la loi du 10 juillet 1989 susvisée consiste, pour les élèves, à se soumettre aux horaires d'enseignement définis par l'emploi du temps de l'établissement ; elle s'impose pour les enseignements obligatoires et pour les enseignements facultatifs dès lors que les élèves se sont inscrits à ces derniers. - Les élèves doivent accomplir les travaux écrits et oraux qui leur sont demandés par les enseignants, respecter le contenu des programmes et se soumettre aux modalités de contrôle des connaissances qui leur sont imposées ..... - Le règlement intérieur de l'établissement détermine les modalités d'application du présent article" ; que si les requérants soutiennent que ces dispositions réglementaires portent atteinte à la liberté religieuse garantie aux élèves par les dispositions précitées, en donnant à l'obligation de respecter les horaires définis par l'emploi du temps de l'établissement un caractère général et absolu, sans prévoir la possibilité de dérogations fondées sur la pratique religieuse, lesdites dispositions n'ont pas eu pour objet et ne sauraient avoir légalement pour effet d'interdire aux élèves qui en font la demande de bénéficier individuellement des autorisations d'absence nécessaires à l'exercice d'un culte ou à la célébration d'une fête religieuse, dans le cas où ces absences sont compatibles avec l'accomplissement des tâches inhérentes à leurs études et avec le respect de l'ordre public dans l'établissement ; que par suite, l'article 8 du décret attaqué ne méconnaît aucun des principes ni aucune des dispositions invoqués par les requérants ;[…] ». Ainsi est-il reconnu aux élèves le droit de bénéficier de dispenses d’assiduité individuellement quand elles sont nécessaires à l’exercice d’un culte et si elles sont compatibles avec l’organisation des études et le respect de l’ordre public. En application de cette règle, le Conseil d’Etat jugea le même jour qu’un chef d’établissement avait pu légalement refuser d’inscrire un élève en classe préparatoire alors qu’il demandait une autorisation d’absence tous les samedis matin pour l’exercice du culte, incompatible avec l’organisation du travail dans les classes préparatoires : C.E., 14 avril 1995, Koen « […]Considérant toutefois que les contraintes inhérentes au travail des élèves en classe de mathématiques supérieures font obstacle à ce qu'une scolarité normale s'accompagne d'une dérogation systématique à l'obligation de présence le samedi, dès lors que l'emploi du temps comporte un nombre important de cours et de contrôles de connaissances organisés le samedi matin ; qu'ainsi le motif tiré de ce que M. Koen ne pourrait bénéficier d'une telle dérogation systématique aux prescriptions de l'article 7 du règlement intérieur du lycée Masséna pouvait légalement être opposé à sa demande d'inscription ;[…] ». Commentaire : http://www.conseil-etat.fr/ce/jurispa/index_ju_aj9507.shtml Cette création est mise à disposition sous un contrat Creative Commons. Paternité - Pas d'Utilisation Commerciale 2.0 France Vous êtes libres : • de reproduire, distribuer et communiquer cette création au public • de modifier cette création Selon les conditions suivantes : Paternité. Vous devez citer le nom de l'auteur original de la manière indiquée par l'auteur de l'oeuvre ou le titulaire des droits qui vous confère cette autorisation (mais pas d'une manière qui suggérerait qu'ils vous soutiennent ou approuvent votre utilisation de l'oeuvre). Pas d'Utilisation Commerciale. Vous n'avez pas le droit d'utiliser cette création à des fins commerciales. • A chaque réutilisation ou distribution de cette création, vous devez faire apparaître clairement au public les conditions contractuelles de sa mise à disposition. 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