La méditation comme remède - Le 15e jour du mois

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La méditation comme remède - Le 15e jour du mois
Le 15e jour du mois, mensuel de l'Université de Liège
Mars 2011 /202
La méditation comme remède
Au cœur de la tourmente, la pleine conscience
En 2002, j'ai intégré le laboratoire du Pr Vincent Bours en génétique
humaine et entrepris une thèse de doctorat destinée à investiguer les mécanismes moléculaires
inflammatoires associés à la mucoviscidose. En 2007, je suis partie à l'université de San Francisco (UCSF)
pour y entamer un post-doctorat.
C'est au sein de cette prestigieuse université que j'ai fait la découverte de la "pleine conscience".
Convaincue que le bien-être des gens passe par une prise en charge globale, l'UCSF a fondé en 1997 le
centre Osher de médecine intégrative. Ce centre propose des séances de "pleine conscience" pour aider
les personnes à gérer au mieux leur stress, qu'il soit lié au travail, à la famille ou à la maladie. Il est devenu
un centre d'excellence mondialement connu où sont menées des recherches scientifiques de haute qualité.
Il a reçu à deux reprises (2004 et 2008) une bourse du National Institutes of Health (NIH) afin d'étudier les
effets de la pleine conscience dans le cadre du virus HIV et de l'obésité. La méthode de "pleine conscience"
utilisée dans les études menées à San Francisco est basée sur le programme de gestion du stress créé par
Jon Kabat-Zinn, auteur du désormais célèbre Full catastrophe living (en français Au cœur de la tourmente,
la pleine conscience).
Biologiste moléculaire de formation, ce chercheur a consacré sa carrière aux interactions entre le corps et
l'esprit. Initié à la "pleine conscience" (Mindfulness) par le biais du bouddhisme zen, de la méditation et du
yoga, il comprit très vite l'intérêt de recourir à des techniques méditatives pour améliorer la vie des patients.
En 1979, Jon Kabat-Zinn créa le Centre de réduction du stress au sein du département de médecine de
l'université du Massachusetts où il développe le programme Mindfulness-Based Stress Reduction (MBSR),
soit une méthode de "réduction du stress par la pleine conscience". Son objectif ? Donner aux patients de
nouveaux outils pour soulager les souffrances générées par le corps (et l'esprit) en complément de leurs
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Le 15e jour du mois, mensuel de l'Université de Liège
traitements traditionnels. La "pleine conscience" se définit comme l'action de porter son attention sur le
moment présent, avec intention et sans jugement de valeur.
Bien que les mécanismes moléculaires ne soient pas encore élucidés, les bénéfices du programme
MBSR ne sont plus à démontrer. Les premières études scientifiques publiées sur le programme remontent
aux années 1980 et ont été menées par Jon Kabat-Zinn lui-même. Depuis, plus de 200 publications ont
vu le jour avec un boom au début des années 2000. Durant les premières années, les participants au
programme étaient des patients, envoyés par leur médecin, qui ne répondaient pas ou peu aux traitements
conventionnels. A présent, tous les ans, des centaines de personnes souhaitent participer au programme.
Elles souffrent de maladies très variées : douleurs chroniques, psoriasis, anxiété, trouble du sommeil,
désordre nutritionnel, diabète de type 2, fibromyalgie, dépression, sclérose multiple, cancer, HIV, etc.
Les bénéfices sont d'ordre psychologique et biologique (amélioration de la qualité de vie, du sommeil,
stimulation du système immunitaire et diminution de la tension artérielle, réduction du niveau de stress, des
ruminations et du niveau d'anxiété).
"Des études menées en neurosciences à l'université de San Francisco,
corroborent l'efficacité de la méthode"
L'efficacité de la méthode a été corroborée par les études menées en neurosciences sur le cerveau des
méditants. Ces travaux ont démontré que les méditants expérimentés ont la faculté d'engendrer des états
mentaux précis, ciblés, puissants et durables.
A ce jour, plus de 17 000 personnes ont suivi le programme MBSR et plus de 250 centres dispensent la
méthode à travers le monde. Depuis 2001, l'université anglaise de Bangor a créé au sein du département
de psychologie un centre de recherche sur la "pleine conscience". D'autres initiatives ciblant une pathologie
précise se sont développées sur base du MBSR : le Mindfulness-based cognitive Therapy pour traiter la
dépression et les rechutes dépressives, le Mindfulness-based Eating Awarness Training pour contrer les
troubles du comportement alimentaire, le Mindfulness-Based Chronic Pain Management pour aider les
personnes souffrant de douleurs chroniques.
En Belgique, la "pleine conscience" a également fait son apparition. Le programme MBSR a été mis
en place en Flandre depuis une quinzaine d'années par le psychiatre Edel Maex. En Wallonie, c'est le
programme MBCT qui s'est très fort imposé, notamment en faculté de Psychologie à l'UCL et à l'ULg. Enfin,
il y a deux ans, l'Association pour le développement de la Mindfulness a vu le jour.
A mon retour en Belgique, j'ai réintégré le laboratoire du
Pr Vincent Bours où je développe actuellement des tests biologiques qui seront utilisés en diagnostic
néonatal. Mais, forte de mes formations à l'université de San Francisco et en Suède, j'ai proposé au RCAE
de créer une nouvelle section de relaxation et de méditation de "pleine conscience". C'est dans ce cadre
que j'ai organisé, le 12 mars dernier, en partenariat avec les Prs Vincent Bours et Michel Moutschen, une
journée d'étude sur "Gérer le stress, les douleurs et la maladie par la pleine conscience", laquelle a permis
aux orateurs d'exposer les dernières découvertes sur les applications cliniques de la méthode en Europe.
Catherine Verhaeghe, PhD
laboratoire de biochimie génétique
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