Un Président doit le dire ! Un livre a fait le « buzz » dans tous les

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Un Président doit le dire ! Un livre a fait le « buzz » dans tous les
Un Président doit le dire !
Un livre a fait le « buzz » dans tous les journaux, les télévisions, sur tous les réseaux sociaux,
dans tous les commentaires, celui que deux journalistes du Monde ont écrit à partir de
conversations avec François Hollande. Il paraît, tout le monde l'a dit, écrit, que c'était une horreur,
une honte, une ignominie. Un « suicide politique » ! Rien que ça. Poussé par la curiosité -et
l'étonnement quand même- je l'ai lu. Passé le titre, irresponsable et racoleur, je ne l'ai plus lâché. Il
est passionnant. Y est racontée en long en large et en travers, et c'est ce qui en fait le prix, une
utopie : celle de la social-démocratie. Je suis « enfant » d'une autre : la révolutionnaire. J'ai
longtemps, obstinément, soutenu Ligue communiste, NPA, PC et Jean-Luc Mélenchon. Et même
longtemps après ce 21 avril 2002 où, comme des millions de Français, j'ai senti avec effroi que
quelque chose craquait, basculait et nous faisait entrer dans un autre monde que celui que je
connaissais depuis ma jeunesse soixante-huitarde. Je n'ai jamais été un « fan » des socialistes,
même s'il m'est souvent arrivé, par raison, de voter pour eux. Mais là, lisant ce livre, je n'ai plus
rien compris. Où se nichaient le crime, l'indignité, la honte dont tous les échotiers, à longueur de
journées, parlaient ? J'y lisais au contraire, au jour le jour, le quotidien peu enviable, effroyable,
d'un homme essayant de concilier l'inconciliable : les lois de l'économie et celles de la société. Les
contraintes horribles du marché avec celles, toutes aussi horribles finalement, du niveau de vie des
gens. Comment il échoue bien souvent, mais aussi, parfois, comment il y parvient, -et finalement
assez souvent. J'y voyais comment cet homme s'emploie, 24 heures sur 24, à assurer le « rang de la
France » face aux pires conflits du monde, comment il s'y engage ou pas, plutôt souvent, mais de
façon réfléchie et surtout réussie. Ce qui, tout de même, à notre époque de haine de la guerre, est
une sorte d'exploit. Je le voyais, d'ailleurs, aussi, se faire lâcher au dernier moment par un
Président des États-Unis d'Amérique, Barak Obama pour ne pas le nommer, à cause de qui, un
peu, quand même, nous nous retrouvons aujourd'hui en plein cauchemar mondial ! Quels que
soient l'admiration et même l'adoration que nous lui avons portées. Eh bien, l'on voit cet homme
ici, le nôtre, soi-disant moins « brillant », moins « charismatique », plus petit, oui, mais plus serré
peut-être et plus concentré, s'interroger sur tout, écouter, réagir, ne faire l'impasse sur rien, être
partout et partout à la fois, dans toutes les circonstances. Et tout d'abord les pires, celles dans
lesquelles s'est retrouvé, à deux reprises au moins, le pays tout entier. Alors, que lui reproche-t-on
? Des phrases sorties de leur contexte qui, comme toute formule isolée, peut être si facilement
exagérée et détournée. De trop parler aussi. C'est vrai, ils le font s'expliquer, commenter. Le
pourquoi et le comment. Alors, pour le confondre et l'accabler, « on » est allé chercher sur Google
son petit De Gaulle illustré. « Rien ne rehausse l'autorité mieux que le silence » ou « L'autorité ne
va pas sans le prestige, ni le prestige sans l'éloignement ». Sauf qu'en passant, j'y lis aussi : « Il n'y a
de réussite qu'à partir de la vérité » et « Toujours le chef est seul en face du mauvais destin » ? Ce
qui, dans le livre, crève les yeux. Mais de celui qui le lit. Qui ne se contente pas d'écouter et répéter
comme un perroquet ce qu'en disent les autres, qui ne l'ont pas lu non plus. Quant à ce « silence »
gaullien que chroniqueurs ou opposants lui reprochent à grands cris indignés de ne pas respecter,
comment oublier qu'il fut aussi celui des Papon, Pasqua, Foccart et autres illustres figures,
protégeant leur affairisme et leurs malversations ? Cette injonction me fait penser à cette blouse
grise que tel leader de droite veut infliger à nouveau aux adolescents, ou au retour de ce service
militaire, auquel j'ai pu jadis heureusement échapper, et qu'on ne cesse de réclamer comme
solution miracle à tous les problèmes. Comment comparer ces époques ? Le pouvoir s'exerce
aujourd'hui sur la place publique, c'est ce qui en fait la difficulté, mais aussi, peut-être, la noblesse
et la grandeur. Qu'un Président de la République, -celui-ci, d'ailleurs, comme le précédent, à qui le
même reproche exactement fut adressé- parle, s'exprime, dévoile en tout ou partie ses projets, ses
motivations, parfois ses calculs, ou même des éléments de sa vie privée, ne me choque pas. Cela
me semble inhérent à l'époque qui veut, qui exige la transparence et qui, de toute façon, l'impose.
Aller au-devant d'elle, comme le fait dans ce livre François Hollande, en parlant le plus librement
possible à ces deux journalistes, me paraît naturel, intelligent et nécessaire. Que lui reproche-ton encore ? Sa crédulité. Ah oui, il fait confiance. En quoi cette sincérité, -quelque part cette puretéseraient-elles signe de faiblesse ? Bien au contraire. Il faut plus de force pour encaisser les
déceptions, les trahisons, ou les erreurs tout simplement, à l'homme sincère, sensible, voire
crédule, qu'au cynique revenu de tout. Savoir souffrir ne veut pas dire faiblir ou démériter. On
vante beaucoup le « cuir » épais des politiques. Je respecte plus encore ceux qui n'ont pas perdu
leur peau d'homme ou de femme et qui ne craignent pas les douleurs que flèches et brûlures leur
infligent, comme aux chevaliers du Moyen-Âge, qui savaient serrer les dents. Et puis, enfin,
François Hollande, les imitateurs nous le font remarquer, est plutôt du genre canard sur les plumes
duquel doivent glisser bien des avanies ! Être dépourvu de malice, de ruse grossière, de
roublardise ou de férocité ne me semble pas abîmer, ni déconsidérer la fonction. Je n'aimais pas
beaucoup François Mitterrand, même si je respecte l'homme d'État et ses divers talents. Je détestais
le mépris qui suintait de son regard et de ses lèvres lorsqu'il parlait de ses adversaires ou de ce qui
ne lui plaisait ou ne lui agréait pas. J'aime que, dans le livre, François Hollande épargne son ancien
adversaire. Que, par courtoisie et par respect pour lui, il n'ait pas voulu répéter aux deux
journalistes les confidences que lui en aurait faites Chirac. Qui, lui aussi, semble bien préféré des
Français depuis le silence que lui a imposé son état de santé, après « ceux » de la Mairie de Paris ou
de l'Élysée. Au fond, ce qu'on lui reproche, c'est sa vertu. Oui, c'est un président vertueux. Là
encore : en quoi serait-ce synonyme de faiblesse ou d'incapacité ? La vertu empêcherait-elle la
lucidité, le caractère (De Gaulle encore : « Le caractère, vertu des temps difficiles »), le sang-froid,
l'esprit de synthèse, la rapidité de réaction ou le sens du combat ? On a tellement reproché à son
prédécesseur sa corruption, ses « affaires », son esprit et allures de truand (qui, moi, en revanche,
je l'avoue, m'ont toujours beaucoup amusé…), bref sa « vulgarité », -ah, la vulgarité !… Vaste
question !… Pourquoi lui reprocher à lui, de façon presque pire, l'inverse ? J'adore Bonaparte et
j'aime assez Napoléon. Ils me font rêver et réfléchir. Ce qui fait que je n'ai jamais pu haïr ou
mépriser, comme c'était pratiquement obligatoire dans mon milieu professionnel, ce précédent
président. Je lui trouvais, en plus, pas mal de qualités. En dépit de tout ce qui pouvait, c'est le
moins que l'on puisse dire, m'éloigner de lui. Ces comptes, en particulier, qu'il répètait
compulsivement vouloir régler avec « la pensée 68 », alors qu'il en était, qu'il le voulut ou non,
dans son langage et sa vie personnelle, ses goûts musicaux par exemple, une espèce d'enfant. Un
avatar, au moins. Toutes proportions gardées, Sarkozy m'a toujours paru être un peu à 68 ce que
Napoléon fut à la Révolution. Son descendant paradoxal, si mal à l'aise avec cet héritage. Mais bon,
voilà : Napoléon a causé trop de malheurs. Et vraiment trop de morts. Je lui préfère sans hésitation,
qui ?… Louis XVI ? Non. Désolé. XVIII ? Non plus. Mais Blum, Jaurès et Clemenceau. Au fond,
j'aurais bien aimé assister au « match retour ». Je n'ai aucune confiance dans cette vieille baderne
d'Alain Juppé (ah, que voilà une fausse valeur, un tue-l'amour, une catastrophe ambulante
annoncée : le grand blocage de 95, les « silences » de la Mairie de Paris, cent autres calamités !…)
Non : François Hollande, notre champion, contre Sarkozy, le leur. Car ç'eût été, j'en suis certain, le
nôtre encore une fois qui l'aurait emporté. Hélas, ce n'est pas vraiment ce qui se profile. Déjà
Napoléon est éliminé au profit de la blouse grise, de la mort du syndicalisme et du retour des
années 50. Et le match final a toutes les chances de plutôt vouloir se dérouler entre un homme et
une femme (quel amer triomphe d'un certain « féminisme »!). L'on peut juste espérer que, face à la
dame, il y en ait un qui soit bon. C'est que la « révolution » qu'elle incarne et qui semble peu à peu
menacer le monde entier n'est pas vraiment du genre de celle qui nous faisait rêver. Je ne sais pas
encore pour qui je vais voter. Si, pour rester fidèle à ma vieille jeunesse, ce sera une fois de plus
pour Jean-Luc Mélenchon. Ou si, cette fois, -et décidément après lecture de ce livre- pour l'actuel
Président. Mais je crois bien que plus ça va, plus je penche pour celui-là. À qui, une dernière fois,
l'on reproche quoi ? Ah oui : ses sondages !… Après ce qui vient de se passer aux États-Unis,
comment continuer d'accorder à ça le moindre crédit ? Non, ce que je ne comprends pas dans cette
histoire, c'est la gauche. Que les adversaires ou les ennemis de François Hollande se roulent dans
ce qu'ils estiment être -quelle mauvaise foi !- la fange de ce livre, passe. Qu'ils appellent à sa
destitution ou à sa pendaison, c'est la loi de la guerre. Mais la gauche ! Les députés de gauche ! Les
socialistes ou apparentés ! Que font-ils dans cette galère ? Qu'ont-ils à s'indigner, l'injurier, le
lâcher, parler de « dégoût », de « honte », d' « indignité »… Et de passer, sans barguigner, la gueule
enfarinée, du « Tout sauf Sarkozy » au « Tout sauf Hollande » ! Au secours !… De deux choses
l'une : ou ils sont cons. Mais très cons. Ou pourris : c'est juste qu'ils veulent la place. Ce qui veut
dire qu'ils sont les deux, parce qu'ils vont la livrer à la facho ou au triomphateur de la soirée
électorale d'hier soir. Vite, François Hollande, par amour ou par pitié : sonnez la fin de la récré !
Rajoutez un mot, un seul qui manque au livre : « J'y vais. » Pour finir sur notre petit De
Gaulle illustré, un rappel : « Délibérer est le fait de plusieurs, agir est le fait d'un seul ». Et un
encouragement : « Le vent redresse l'arbre après l'avoir penché » !
Philippe Caubère,
Dimanche 13 novembre 2016,
mis à jour le 21 novembre.