Télécharger - Le Beaufortain

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Télécharger - Le Beaufortain
Le Beaufortain…
Au-delà
des images
l e M a g a z i n e d u b e a u f o rta i n
N°3 ~ Offert
MéMoire des
temps passés
COLETTE VIBERT- GUIGUE,
JOSEPH PICHOL
ET HENRI MOLLIEX p.6, 22, 44
m
les saisies
UNE CINQUANTENAIRE
EN PLEINE FORME p.39
m
Les Chapieux,
UNE VALLÉE
AUX CONFINS
DU MONDE p.46-47
m
www.lebeaufortain.com
Magazine édité
par la Communauté de Communes
du Beaufortain
Sommaire
Carnet d'adresses
Directeur de publication :
Annick CRESSENS
Rédacteur en chef :
Gaëlle GACHET
UNE NATURE EN
MOUVEMENT
PORTRAIT : Colette VIBERT-GUIGUE,
La mémoire de la vie paysanne aux Prés
Les bêtes à cornes du Beaufortain
Le bon goût des alpages
Mise au vert
Beaufort-Paris, un aller simple
pour le plaisir des papilles
La fête des alpages
Des vies à trois temps
04 30 JEUX D’HIVER
32 PORTRAIT : Simon BRAISAZ,
Les coulisses de l’exploit
33 Pratiquez l’art de la génuflexion sans souffrir
34 La fête de la Pierra menta, ça se passe la-haut !
36 Ma première randonnée à skis
38 Le Beaufortain fait la fête à ses champions
39 Les Saisies, une cinquantenaire en pleine forme
40 Portfolio : Blanche neige
06
07
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09
10
11
11
42 UNE MONTAGNE
D’ACTIVITÉS
UNE NATURE 12
44 PORTRAIT : Henri MOLLIEX,
Le poète aux plusieurs vies
45 Les funambules des barrages
46 Les Chapieux, une vallée aux confins du monde
48 La bonne cuisine à toutes les altitudes
PRÉSERVÉE
PORTRAIT : François DRILLAT,
La nature ne supporte pas les compromis Les elfes des tourbières
Namaste
Courir et découvrir
La vie d’avant, comme si vous y étiez
Art et nature aux Saisies
UNE NATURE
PARTAGÉE
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50 VERSANTS LIVRES
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PORTRAIT : Joseph PICHOL,
L’humanité en héritage
Une fontaine de jouvence sous le Joly
Écrire le baroque d’aujourd’hui
Nous avons définitivement
planté nos racines ici
Le fond et la forme
Portfolio : un patrimoine bien inspiré
22
Le massif du Beaufortain
Mont Blanc
Mont Pourri
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Conception, coordination et rédaction :
AXIUBA Communication Catherine CLAUDE
Correctrice :
Pascale DEBRUÈRES
Design graphique
et réalisation :
Studio TOUCAN •TOUCAN
Impression :
Groupe Deux-Ponts
Dépôt légal :
Juin 2014
ISSN : n° 2264-587X
©VERSANTS Le magazine
du Beaufortain 2014
Le contenu des articles
n’engage que leurs auteurs.
Les manuscrits et documents
publiés ne sont pas renvoyés.
Pointe de
la Terrasse
Les Contamines
Aiguilles Croches
Lac de la Gittaz
Lac de Roselend
Lac de la Girotte
Pierra
Menta
Massif de
la Vanoise
Lac de St-Guérin
Arêches
Hauteluce
Grand Mont
Pointe de la
Grande Journée
Beaufort
Crédits photos :
AGENCE PHOTO UROPE /
Eric AVOCAT /
Jocelyn CHAVY /
Axiuba Communication Catherine CLAUDE /
Beaufortain Tourisme /
Baptiste BERNAERT OT ARÊCHES-BEAUFORT /
Stéphane CEVOZ /
Stéphane CERVOS /
Céline CLANET /
Monica DALMASSO OT LES SAISIES /
Julien DOROL /
Hélène DURAND /
Jean-Louis FOURTANIER /
Patrick JAGOU /
Gilles LANSARD /
Bertrand LEBERT /
Patrice MARIN /
Christian MARTELET /
Communauté
de Communes
Lionel MARTINETTO
/
%HDXIRUW+DXWHOXFH4XHLJH9LOODUGVXU'RURQ
Maurice PANTALONI
/
Gilles PLACE /
Pierre RAPHOZ /
Bérangère ROCHAIX /
SAVOIE MONT BLANC /
Christelle TARDY /
Olive WHITE /
Cartographie :
Philippe RENCK /
Les Saisies
Bisanne 1500 Villard/Doron
La Roche Pourrie
La Bathie
Rêveurs courageux
J’ai appris à skier dans les Vosges au début des années
soixante. « Montagne à vaches , disaient mes amis, neige verte
à gogo une année sur deux ». Pas de remontées mécaniques et
autres tire-fesses, là-bas. Trente secondes de glissade faisaient
oublier les mortelles minutes d’une ascension en canard, la sueur
aux tempes. Mes frères et sœur skiaient, ma mère skiait, mon
père non. Mon père marchait. Mon père voguait sur ses pieds. Cet
homme océanique, natif de « Brest-même », allait vers la montagne
au pas, le béret sur l’oreille. Chemin faisant, il interpellait Mère
Nature, oiseaux, lièvres, sapins et coupeurs de sapins. Il pensait à
l’océan, le débusquait sous le moindre flocon, la moindre pousse
de tussilage, il le prenait dans sa main. Même à la montagne, il
restait un fils de l’Ouest, un marin, et nos descentes à skis le
Yann Queffélec, d’Ouest en Est. faisaient sourire.
En 64, nous mettons le cap sur le Mont-Blanc. De la vraie
Pour ce marin qui rêvait de montagne, enfin ! Les cimes, les fiers sommets pyramidaux. Avec
bout du monde, amoureux ce premier Noël dans les Alpes françaises, j’ai l’impression de
inconditionnel de la Bretagne de m’élever dans la hiérarchie des reliefs dominants, passez-moi
son enfance, l’Armorique la vraie, l’expression. Je vais là où les vaches n’iront jamais, je suis guéri
celle de Tabarly ou de Surcouf, du
du complexe bovin.
pâté Hénaff, des grandes marées
En fait de Mont-Blanc, nous sommes à Vallorcine, modeste
et des grèves aux odeurs salines,
station à l’époque – ravissante-, pas très loin du prestigieux
mettre le cap à l’Est n’avait
Chamonix, du non moins prestigieux Mont-Blanc. Impossible à voir,
rien de logique. Et pourtant, ici
le plus haut sommet d’Europe, le Roi couronné d’azur, depuis notre
comme là-bas, on peut avoir
hôtel. Il fuit dans les nuages, les brouillards, les rêves. Chaque
le cœur à marée haute, passer
des heures à regarder l’horizon, fois qu’une montagne un peu haute apparaît au loin, maman dit :
décider de mettre les voiles vers c’est lui... Faux. Ce n’est jamais lui. Et quand c’est lui, tout là-bas,
les sommets...Autant de sujets entre deux grisailles, il me fait l’effet d’une montagne à vaches,
qui animent les magnifiques intermédiaire entre Vosges et Monts d’Arrée. Je suis déçu. J’ai
textes de cet écrivain aujourd’hui besoin d’un Mont-Blanc escarpé comme la tour Eiffel, d’un Montreconnu comme un grand parmi Blanc pointu, aiguisé par le vent glacial des tourmentes.
de Communes
Mairie
En septembre
2013, j’ai survolé mon
idole de
en Beaufort
hélicoptère.
les siens. Il nous fait ici unCommunauté
joli
du Beaufortain
Tél.sifflait,
04 79 l’habitacle
38 33 15
cadeau en jetant un pont entre La neige éternelle
volait dans l’azur, le vent
mer et montagne, deux univers vibrait sous Tél.
04 79 du
38 rotor.
31 69Le Chamoniard Pascal Brun pilotait,
les pales
aux résonances jumelles. c’était
sa vie, sa machine, il nous faisait les
honneurs
de son [email protected]
Mairie
d'Hauteluce
lui natal
entre ciel et terre. Aiguille du Midi,Tél.
Jorasses,
www.lebeaufortain.com
04 79 38Bossons,
80 31
Quelques livres… glacier d’Argentière, et là-bas, dans l’Ouest, la boucle épanouie
1985 – Les Noces barbares du Beaufortain
– Aiguille
des Glaciers, Grand Mont, il me semblait
Office de
tourisme
Mairie de Queige
(Gallimard) - Prix Goncourt suivre au plus serré les chenaux labyrinthiques
d’un archipel, à
d'Arêches-Beaufort
Tél. 04 79 38 00 91
2004 – Les Affamés (Fayard) côté d’un loup de mer.
Tél. 04 79 38 15 33
2008 – Tabarly (L’Archipel)
Aujourd’hui, tel père tel fils, je suis moi-même un homme
www.areches-beaufort.com
Mairie de Villard
2009 – Adieu Bugaled Breizh atlantique amoureux des montagnes, capable de m’imaginer
Tél. 04
38 38
96
(Le Rocher) sur l’eau même en plein ciel, et sur un navire
au 79
large
à bord
Office de tourisme
2010 – Les Sables du Jubaland d’un hélicoptère louvoyant d’un pic à l’autre. Et j’admire autant
(Plon) les montagnardsdes
que Saisies
les marins, rêveurs courageux, mangeurs
2013 – Dictionnaire Amoureux de d’horizons. Tél. 04 79 38 90 30
la Bretagne (Plon-Fayard)
Queige
Ugine
2014 – Désirable (Cherche Midi)
Tours en Savoie
Albertville
Couverture :
Photo : Christian Martelet
www.lessaisies.com
Yann Queffélec
Au-delà des images
Une nature en mouvement
INSPIRATIONS
Il y a de la poésie dans les
gestes et les déplacements
de ceux qui travaillent la
terre. Il y a de la création
artistique dans les lumières
et les lignes du paysage,
dessinées par les déplacements des troupeaux et
des hommes. On approche
la sculpture à la vision d’un
vieil arbre torturé par la
production de ses derniers
fruits. Et forcément se pose
alors un regard plus doux,
plus tendre, presque apaisé sur ce monde du labeur
quotidien. Ce qui fascine
dans cette contemplation
distante, c’est qu’elle n’est
VERSANTS ~ n°3
4
pas nécessairement le fait
d’intellectuels ou de créateurs extérieurs à la montagne. L’artisan tournant la
pièce de bois blond, le berger touché par la lumière
rasante sur les sommets,
l’alpagiste ébloui par les
ombres des nuages poussés
par le vent au dessus de la
prairie, tous portent en eux
une fascination pour les trésors de la nature. Ils créent,
recréent et même transforment. Mais jamais ils ne se
lassent et prennent toujours le temps de regarder.
Tout simplement.
5
Au-delà des images
Une nature en mouvement
Portrait
COLETTE
VIBERTGUIGUE
La mémoire de la vie
paysanne aux Prés
LES BETES
A CORNES DU BEAUFORTAIN
Colette Vibert-Guigue a cultivé son jardin secret
pendant plus de vingt ans sans jamais transiger sur
l’esprit qui l’animait. En décidant, à partir de 1969, de filmer
la vie quotidienne de sa famille dans le Hameau des Prés audessus de Beaufort, cette agricultrice modeste et attentive n’a
jamais eu l’intention de réaliser autre chose qu’un film de
famille. Comme une marque d’admiration et d’amour pour ceux
qu’elle aimait et pour son environnement naturel.
Pourtant, 30 ans après, ces petits films, montés et commentés par ses soins
en une heure et demie de projection, représentent un véritable trésor et un
témoignage poignant de la vie d’une famille d’agriculteurs de montagne dans
les années 70. Parce que la plupart des gens, des gestes ont disparu, parce
que l’agriculture a changé et que l’environnement montagnard ne répond plus
du tout aux mêmes exigences.
Il faut monter tout en haut du hameau des Prés pour rencontrer Colette VibertGuigue. Là, dans l’élégante ferme familiale aux bois patinés par les saisons,
Colette nous reçoit avec son doux sourire qui ne la quitte jamais quand elle
parle des siens. Presque étonnée qu’on s’intéresse encore à son aventure…
Car il s’agit bien d’une aventure. En 1969, pour acheter sa première caméra,
elle entretient pour la commune, en plus des durs travaux de la ferme, la
route des Curtillets aux Prés. « Nous n’avions que 8 vaches, pas d’alpage et il
a fallu attendre l’arrivée de la coopérative et la vente de notre lait pour que
nous sortions du régime d’auto-subsistance. Nous n’avions donc pas beaucoup
d’argent et mon idée de filmer la vie quotidienne aux Prés ne pouvait être
acceptable qu’à la condition que je continue à prendre ma part du travail
quotidien. »
Ses débuts à la caméra
Quand elle achète sa première caméra, une Bauer D3 Super 8, toute la famille
se prend au jeu de cet exercice étonnant, passant sans complexe du travail
de la ferme à la contemplation de leur univers. En regardant ces images, on
est d’abord touché par une sorte de grâce émanant des personnes filmées,
les parents de Colette, sa sœur, son frère et ses neveux. Même les voisins
acceptent de faire partie de l’aventure lors de la sortie des vaches de l’étable au
printemps, amusés par la folie qui s’empare du troupeau devant l’herbe fraîche.
En opposition à la rudesse de la vie en montagne, les sourires, l’humour et
beaucoup d’amour envahissent l’écran. La plantation des pommes de terre,
la remontée de la terre en haut des champs, l’épandage à la main du fumier
sur les pentes des Prés, les foins, la fabrication des matelas ou des balais
VERSANTS ~ n°3
6
en bouleau… rien n’échappe à l’œil
attentif de Colette. Elle instille une
poésie infinie en ajoutant des images
de fleurs, abeilles, insectes..., comme
autant de ponctuations artistiques.
Une manière subtile de montrer que
la vie aux Prés était aussi empreinte
de douceur et de légèreté.
Petit à petit, Colette se forme aux
mystères du montage. Elle achète
une colleuse et une visionneuse. Et
pendant 10 ans, elle filme les siens,
passant parfois de l’autre côté de la
caméra et laissant sa mère ou sa sœur
capter ces instants éphémères.
Une vie sur pellicule
Pendant 10 ans, toute la famille regarde
sa vie défiler sur l’écran sans jamais
imaginer à quel point elle allait changer.
« Pendant les soirées, nous regardions
ces petits films en nous amusant
beaucoup. Le plus drôle fut le jour où
mon père me demanda de repasser une
séquence où la neige tombait du toit.
Je finis par trouver la marche arrière et
là, à notre grande surprise, nous vîmes
la neige remonter du sol vers le toit. Ce
fut une belle partie de fou-rire. » Et puis
le père de Colette meurt en 1980 et elle
ne peut plus regarder ces images d’un
bonheur perdu. « Pour moi, la magie
n’était plus la même. » Seule sa mère,
qui mourra à plus de cent ans, fera de la
cassette VHS son livre de chevet.
Il faudra attendre 2005 pour que la
Cinémathèque des Pays de Savoie et de
l’Ain propose à Colette Vibert-Guigue de
protéger ce précieux patrimoine. Marc
Rougerie devra déployer des trésors
de diplomatie pour qu’elle accepte de
laisser son œuvre à d’autres mains.
En 2006, la Cinémathèque réalise un
documentaire intitulé « La route des
Prés » sur Colette et ses films. Il fait
partie d’une collection « Feuilleton
d’une mémoire heureuse ». Quant au
film original, il est toujours aux Prés.
Colette y a ajouté un commentaire en
2013 et par deux fois, elle a accepté
de le montrer aux habitants du
Beaufortain. Toujours aussi étonnée
par l'intérêt et l'émotion suscités, elle
sait, au plus profond d'elle-même que
c'est l'amour de la nature et de son
pays qui rend ses images si belles
et troublantes. C’est un témoignage
précieux du courage de ces paysans de
montagne qui prirent soin, avec amour,
des terres les plus hostiles pour les
faire vivre et les entretenir. Et léguer
aux agriculteurs d’aujourd’hui un
paysage beaufortain unique et fertile.
Savez-vous ce qu’est l’héliciculture ?
Une piste : cette culture concerne
le petit gris, le gros gris. Il peut être
des Flandres ou de Bourgogne et les
enfants l’adorent en raison de la petite
maison qu’il transporte sur son dos.
Vous avez deviné, il s’agit de l’élevage
d’escargots.
A Villard sur Doron, Françoise Bochet
s’est lancée dans l’aventure, histoire
de ne pas rester les bras croisés une
fois que son gîte de Plan Mya, installé dans un vieux chalet d’alpage
familial, ferme ses portes à l’automne.
« Et aussi parce que c’est un élevage
qu’une femme peut maitriser toute
seule de la production à la commercialisation en passant par la transformation ! D’autant que c’est un petit
élevage. J’ai commencé avec 10 000
escargots et j’en élève aujourd’hui
50 000 sur les 300 m2 de parcs extérieurs où je les installe. »
Nurserie en plein air
Tout commence en avril avec l’ensemencement des parcs avec du radis
et du colza, deux des végétaux préférés des escargots. « Dès que cette
couverture végétale est bien verte et
tendre, j’y installe les « naissains »,
de minuscules escargots qui sont en
fait les œufs éclos. La suite est assez
simple. Les escargots aiment l’humidité : il faut donc arroser tous les jours
les parcs et compléter l’alimentation
végétale avec des céréales et du calcaire qui solidifie la coquille et assurer
une protection rapprochée de manière
à ce que les prédateurs, oiseaux et rongeurs, n’en fassent pas leur goûter. »
Car ces escargots élevés en plein air et
nourris de végétaux de premier choix
sont excellents ! Charnus et tendres,
avec une chair nacrée et brillante, ils
sont recherchés par les gastronomes
qui les préfèrent aux escargots élevés
et travaillés de manière intensive.
L’art de la transformation
Ce produit de qualité ne peut qu’être
transformé dans les règles de l’art.
Cette étape se déroule au Lycée de La
Motte-Servolex qui met son laboratoire
à disposition des professionnels. Pour
que la bête ne se replie pas sur ellemême et reste tendre, Françoise a
choisi une technique éprouvée. « Nous
les faisons jeûner dans un endroit froid
et aéré. L’escargot s’endort au fond
de sa coquille. » Cette étape appelée
« l’estivation » dure entre 15 jours et
3 semaines. Ils sont ensuite plongés
10 minutes dans l’eau bouillante
pour pouvoir les débarrasser de leur
appareil digestif. Frottés au gros sel
et blanchis au vinaigre, ils mijotent
une heure et demie dans un court
bouillon « maison » avant d’être
enrobés dans un beurre au persil et
à l’ail et remis dans leurs coquilles.
Françoise Bochet propose aussi ses
escargots à déguster dans une sorte
de gaufrette moulée à la forme de
l’animal. Un passage rapide au four
et voilà les gastéropodes transformés
en plat gastronomique. Et si vous
avez maintenant les papilles en émoi,
sachez que vous pouvez trouver ces
produits sur les marchés de novembre
à décembre ou les déguster sur place
au gîte de Plan Mya.
7
Au-delà des images
Une nature en mouvement
Et pour les bêtes qui se régalent
en admirant le Mont-blanc.
LE BON GOUT DES
Depuis tout petit, Jean adore faire les foins avec
ses copains et passer le plus clair de son temps
libre dans la nature. Il faut dire qu’il a grandi
à Arith et que ce beau plateau des Bauges a
quelque chose de préservé qui incite
à l’exploration.
ALPAGES
« Qu’elle était jolie
la petite chèvre
de M. Seguin ! Qu’elle
était jolie avec ses
yeux doux, sa barbiche
de sous-officier,
ses sabots noirs et
luisants, ses cornes
zébrées et ses
longs poils blancs
qui lui faisaient
une houppelande ! »
Résultat : un goût incomparable
Cette Blanquette-là ne s’est
jamais fait croquer par le loup
Au cœur du silence de la nuit
Un paradis pour les hommes…
La montée se fait sur le dos du cheval pour les enfants.
C’est un moment qu’ils ne rateraient pour rien au monde.
En écrivant cette histoire connue de
tous les enfants, Alphonse Daudet
savait-il qu’un jour, il inspirerait des
éleveurs du Beaufortain, Jean-Yves et
Bérangère Rochaix, Thierry Bochet et
Gisèle Molliet, à nommer leur élevage
du patronyme du brave propriétaire de
Blanquette ?
Si vous passez par La Chavonnerie en
montant vers Arêches, faites un détour
par la Ferme de Monsieur Seguin qui
ouvre ses portes pendant les vacances
scolaires d’hiver. Vous y rencontrerez
Fripouille, Gazelle, Iroquoise et même
Iphone ! Et du côté des mâles, Ibrahimovic ou Gourcuff en imposent. Il faut,
vous le voyez, beaucoup d’imagination
pour leur trouver un nom !
VERSANTS ~ n°3
8
Et parmi les 150 chèvres alpines
chamoisées aux robes brunes et
noires, les enfants vont adorer une
jolie chèvre blanche. « Il y en a
toujours une pour pouvoir repérer
facilement le troupeau quand il est
dans les alpages. » Ah les alpages !
C’était le rêve de Blanquette, la
chèvre de Monsieur Seguin. C’est
là que les chèvres batifolent dès le
mois de mai. Comme leurs voisines
les vaches, les biquettes montent
progressivement pour arriver en
juillet, août et septembre au Chalet du
Lac sous le Mirantin. Un vrai paradis
de 200 hectares pour les belles qui
se nourrissent d’herbes tendres et
de fleurs sauvages. Et pour toute la
famille qui prend ses quartiers d’été.
Jean-Yves et Bérangère Rochaix le
savent bien « le travail est parfois
difficile mais nous avons une très
grande chance de pouvoir vivre ces
étés en altitude tous ensemble.»
Vous comprenez mieux pourquoi les
fromages de la ferme sont si bons. On
y trouve le célèbre Grataron d’Arêches
bien sûr mais aussi Tomme de chèvre,
Sérac et une spécialité locale, la
raclette produite au lait de chèvre.
Les connaisseurs apprécient et les
fromages de la Ferme de Monsieur
Seguin sont prisés des meilleures
adresses et des meilleures tables bien
au-delà du Beaufortain !
MISE AU VERT
Il a suffi d’une rencontre avec
les agriculteurs du groupement
pastoral de Treicol, pour que Jean
franchisse le pas et traverse la
Combe de Savoie pour passer une
partie de son été sur leur alpage,
au-dessus du lac de Roselend. Une
aventure vécue comme un cadeau
et qui, du haut de ses 15 ans, lui
a permis de porter un regard neuf
sur ses envies.
« Il a d’abord fallu que je demande
une carte pour savoir où c’était.
C’est sans inquiétude que je suis
monté là-haut mais bon, j’aime
bien savoir où je vais. » Jean sourit
et annonce que son expérience
« ça ne se raconte pas, ça se vit ! »
Ce qu’il retient de cette parenthèse
en altitude où sa mission était
d’entretenir l’alpage et d’aider
au déplacement des parcs, c’est
d’abord la difficulté d’adaptation
de la première semaine avec le
lever à 6h30 pour partager le premier repas de la journée, « un peu
plus tard que les autres, debout
depuis longtemps pour les premières traites ». L’envie de rester
caché au fond de son lit n’a duré
qu’un temps, jusqu’à l’éblouissement d’un lever du jour. « Appelé
en renfort un matin très tôt, j’ai
découvert la beauté de cet instant
qui est désormais pour moi le plus
beau de la journée : le Mont-blanc
éclairé par la lune, les montagnes
qui se bordent de lumière, le ciel
qui vire au bleu, les lumières des
autres alpagistes dans la montagne
qui s’éteignent une à une… Sympa
le bureau ! »
des choses qu’on ne voit jamais
dans la vie en bas. J’ai vite oublié
mon téléphone portable. De toute
façon, il fallait grimper pour capter
un bout de réseau et très vite je me
suis rendu compte que ça n’avait
plus d’importance. Parfois ils me
demandaient si je voulais profiter
d’un voyage pour redescendre mais
je n’en ai pas eu envie. »
Apprenti mécanicien, Jean compte
les jours qui le séparent des vacances d’été avec une seule envie :
remonter à Treicol pour savourer
la plénitude de ces instants loin
de tout, « isolé du monde mais
moins isolé qu’en ville où les gens
ne se regardent même pas en se
croisant. » Et pourquoi pas, son
bac pro en poche, poursuivre sa
formation pour un jour travailler
aux côtés de ceux dont il a appris
à aimer le mode de vie. Sans angélisme et conscient que le prix à
payer « c'est souvent 35 heures
en 2 jours », il envisage cette vie
proche de la nature comme une
belle aventure où rien n'est à
vendre et tout est donné.
Un voyage initiatique
De cet apprentissage progressif,
Jean retient une foule de détails
qui, plusieurs mois après, le nourrissent encore et lui donnent envie
de recommencer. « J’ai appris à
regarder, à écouter et à entendre.
Les premiers jours quand Adrien
Gachet me montrait un oiseau,
un chamois dans la montagne,
je ne voyais rien. Il entendait des
bruits que je ne captais pas. Et
progressivement je me suis rendu
compte que je commençais à saisir
9
Au-delà des images
Une nature en mouvement
LA FETE
DES ALPAGES
Vous pensez connaitre tous les sports de montagne ?
Mais savez-vous ce que sont les courses à la brouette,
le portage d’un « yaze » de foin ou le tir à la corde ?
BEAUFORT-PARIS
UN ALLER SIMPLE POUR LE PLAISIR DES PAPILLES
Ce matin, il neige à Vincennes.
J’aime profiter de cette douceur
hivernale qui enveloppe la capitale.
Dans la famille, nous sommes tous
des amoureux de la montagne et bien
souvent, dans nos refuges parisiens,
nous nous plaisons à reconstituer, le
temps d’une soirée et à grand renfort
de fromages, fondues et charcuteries
de terroir, l’ambiance familiale de notre
vieux chalet d’Arêches. Aujourd’hui, je
choisis de déambuler dans les rues de
la capitale, aux bruits assourdis par la
neige. Les flocons dansent mais, même
avec mon imagination fertile, il me
manque l’odeur de l’hiver beaufortain,
les paysages du Grand-Mont ou de la
Roche Parstire plâtrés par la neige. Je
tourne en rond à la recherche de la
petite étincelle qui pourrait m'apporter
la montagne à Paris.
On dit toujours que pour bien connaitre
une ville et se laisser surprendre par
des découvertes inattendues, il faut
s’y perdre. J’applique ce principe à la
lettre. Et soudain… Un lutin montagnard
se serait-il glissé subrepticement dans
mon cerveau pour guider mes pas ? Là,
devant moi, un véritable trésor expose
sa couleur dorée dans une vitrine : une
VERSANTS ~ n°3
10
meule de beaufort. Je n’en crois pas
mes yeux. La tête dans les nuages et
l’esprit vagabond, je suis arrivé dans le
6ème arrondissement, rue Corneille où
la Coopérative Laitière du Beaufortain
a ouvert un bar à fromages complété
par un magasin de vente de produits
du terroir.
Des images de montagne défilent
devant mes yeux. Des odeurs florales
me reviennent en mémoire et je suis
littéralement transporté dans les
alpages beaufortains. Ca y est, je la
tiens mon échappée belle au cœur
de Paris ! Il suffit de pousser la porte
de cette belle et étonnante boutique
moderne et chaleureuse pour avoir
l’impression de fouler l’herbe grasse
des pentes savoyardes. Au pied de
l’escalier, derrière une paroi de verre, la
vue sur la cave m’offre un spectacle qui
réjouit le coeur de l’épicurien que je
suis : des meules de beaufort empilées
et prêtes à être dégustées. Je m’installe
dans une très belle cave voûtée en
pierre de taille pour une dégustation
avec à la clé une belle tranche de
beaufort d’été, un morceau de tomme
de chèvre, le tout assorti de quelques
tranches de jambon de montagne biens
parfumées.
Paris s'éloigne et se transforme au
fil de cette escapade inattendue. La
coupole du Panthéon se découpe sur
l’horizon, telle une cime enneigée. Plus
loin, au fond de la vallée, la cloche de
l’horloge du Sénat égrène ses heures
et me rappelle les carons des vaches
tarines et abondances broutant paisiblement sur les côteaux de l’alpage de
Roselend. Et mon esprit s’enrichit de
notes fleuries et de grands espaces !
Et le Parisien que je suis ne pense
plus qu’à une chose… vite organiser le
prochain déplacement familial dans le
Beaufortain !
Pour découvrir ces disciplines pas
vraiment olympiques, rendez-vous
en août au Col du Joly où, chaque
année, se retrouvent les alpagistes
de Hauteluce et des Contamines.
Depuis longtemps, les habitants
ont trouvé une façon festive de
s’affranchir des montagnes et de jeter
aux orties les frontières virtuelles
entre leurs pays de montagne.
Autrefois ce grand rassemblement
donnait lieu à la bénédiction des
troupeaux et permettait de faire la
fête avant de redescendre dans les
vallées. Aujourd’hui, pendant que les
troupeaux se reposent, les hommes
chantent et dansent au son de la
musique traditionnelle et s’affrontent
dans des joutes autant amicales que
ludiques. Avec toujours cette nostalgie
joyeuse qui fait référence aux travaux
des champs d’autrefois. A l’image du
concours de portage d’un « yaze » de foin, pratique que les anciens ne
voyaient pas forcément comme un jeu. Les Accordailles, c’est une vraie fête
populaire, patrimoniale et solidaire.
DES VIES
A TROIS TEMPS
Avec plus d’une cinquantaine d’agriculteurs
en activité, Hauteluce fait partie des communes
de montagne encore préservées de la déprise
agricole. Un privilège qu’elle partage avec
l’ensemble du Beaufortain.
Tout en reposant sur des valeurs
communes, progressivement
l’agriculture traditionnelle s’efface
au profit d’une agriculture moderne
et bien ancrée dans son temps.
Témoigner sur ce lent et inexorable
déplacement vers le futur est donc
apparu essentiel à la commune de
Hauteluce. C’est la raison d’être
du film documentaire tourné en
2013 dans trois exploitations aux
pratiques de traite différentes. JeanLuc Antoni, le réalisateur, a travaillé
pendant les quatre saisons pour
recueillir les témoignages de ces
paysans passionnés. « La traite à
la main pratiquée chez Jean-Pierre
et Christian Bonnet-Ligeon, la traite
mécanisée chez Stéphan, Serge
et Evelyne Provinsial et la traite
automatique y compris dans les
alpages de Joël et Gladye Braisaz
représentent 3 mondes qui se
côtoient encore aujourd’hui mais qui
vont progressivement fusionner. C’est
aujourd’hui un devoir de conserver
une trace de cette agriculture
traditionnelle qui a façonné nos
paysages et de protéger nos alpages.
Et ainsi de pouvoir le partager avec
les nouvelles générations ou avec
ceux qui souhaitent découvrir notre
patrimoine. »
Pour voir le film Agriculteurs
à Hauteluce, rendez-vous sur :
www.hauteluce.com/terroir/
agriculture ou commandez-le
à la Mairie de Hauteluce.
11
Au-delà des images
Une nature préservée
UN TRESOR
DE BIODIVERSITE
Le botaniste est un homme
heureux quand il parcourt les
alpages du Beaufortain. Dès
la fonte des neiges, les premières fleurs apparaissent et
le miracle recommence. Les
pelouses d’altitude, entretenues par les troupeaux en été,
se parent des couleurs vives
des gentianes bleues, asters,
lys des Alpes, anémones…
Les joubarbes égrènent leurs
bulles roses au creux des
rochers. Un peu plus bas, les
agriculteurs fauchent régulièrement les gentianes, chardons et autres plantes peu
appréciés des vaches. En tra-
VERSANTS ~ n°3
12
vaillant le sol sans le détruire,
ils participent à l’entretien
d’un paysage de qualité et à
la production d’un fourrage
indispensable à la fabrication
du beaufort, le prince des
fromages. Cette agriculture
intelligente protège la biodiversité, ce ne sont pas les
abeilles qui diront le contraire.
Signes de ce lien indéfectible
entre le travail de l’homme et
les richesses de la nature, les
alignements colorés de ruches
posées ici et là, dans les alpages, les champs ou devant
les chalets annoncent des
récoltes douces et sucrées.
13
Au-delà des images
Une nature préservée
Portrait
FRANÇOIS
DRILLAT
La nature ne supporte pas
les compromis « Ce lieu m’a fait changer. J’étais productiviste,
concentré sur la production de bois. Je suis devenu
naturaliste, passionné par l’infiniment petit, la richesse
de la faune, de la flore et par ces paysages nordiques dont je
ne me lasse jamais. »
DES TOURBIERES
Depuis 26 ans qu’il écume la zone qui est la sienne (des Saisies à Crest-Voland
Cohennoz, en passant par Notre-Dame de Bellecombe, Hauteluce et la zone de la
tourbière de Queige), François Drillat, agent patrimonial à l’ONF (Office National
des Forêts) a eu le temps de puiser dans les richesses de ces zones naturelles
toute l’énergie qu’il met aujourd’hui à profit pour les protéger.
En ce début d’après-midi d’avril, le soleil de printemps tape déjà bien fort.
La neige recouvre encore la tourbière des Saisies et ça et là quelques gouilles
laissent apparaître la mousse et les sphaignes. « Mon travail aujourd’hui est
de vérifier si les grenouilles commencent à sortir. En fait pour savoir ce qui se
passe au sol, il faut regarder le ciel. L’arrivée des grands corbeaux tournant sur la
tourbière est le signe que la pêche va commencer ! Nos observations permettent
de mesurer la population des batraciens, leurs habitudes et surtout de voir si
tout va bien. » Cette promenade est ponctuée d’observations personnelles qui
dénotent un vrai regard d’artiste sur ces lieux. « A cet endroit, en été, toutes
les couleurs explosent avec toutes les nuances de jaune, vert, rouge, violet,
bleu et marron. »
VERSANTS ~ n°3
14
signe que les oiseaux sont de nouveau
en activité. « Sur les places de chants,
ils sont parfois très nombreux à se
battre. J’en ai même vu sur la piste de
ski de fond. Nous faisons des relevés
GPS de leurs zones d’hivernage et les
résultats nous permettent de suivre
l’évolution des populations. Ici, ils
ne risquent rien et se reproduisent
facilement. Notre travail est de vérifier
qu’aucun événement ne vient perturber
leur équilibre. Si c’est le cas, comme
pour la flore, nous signalons nos
observations pour intervenir le plus
rapidement possible. »
La tournée se poursuit dans la neige
de plus en plus molle. La discussion
tourne autour du paradoxe entre
protection et ouverture au public. Car
c’est bien là l’exercice le plus difficile
à maitriser pour ces professionnels.
« C’est certain que pour que le public
ait conscience des trésors de ces
milieux, il faut lui permettre de les
approcher. Mais le compromis est
souvent dangereux car ces espaces
sont fragiles. »
Pour preuve la présence d’une minuscule mousse, la buxbaumie verte (Buxbaumia Veridis) qui s’installe sur les
bois morts et les souches. « Ce qui
m’amuse, c’est que, bien qu’elle soit
minuscule sa présence donne un coup
d’arrêt à tous les projets même les
plus gigantesques. C’est la force de la
nature qui peut opposer la richesse
de l’infiniment petit à la soi-disant
puissance de l’homme ! »
« Mon père était passionné par
la nature. Grand chasseur de
chamois, il m’emmenait avec lui
dans d’incroyables expéditions qui
s’apparentaient souvent plus à de
l’alpinisme. Très vite, j’ai préféré
observer, jouir de ces instants
magiques où l’animal vous regarde et
s’enfuit. J’ai donc appris à regarder et
je suis devenu chasseur d’images. Et
au fil de mes découvertes, je me suis
intéressé entre autres aux libellules. »
Maurice Pantaloni, professeur à la
retraite, a donc fait sienne la passion
des plus grands naturalistes, pour
l’entomologie et en est devenu l’un
des spécialistes savoyards.
Venue au départ pour découvrir avec
lui une petite et rare libellule installée
sur la tourbière de Queige, l’Agrion
Hasté, je me suis vite retrouvée
plongée dans un monde magique
et plein de surprises, peuplé de
libellules aussi diverses qu’originales.
Avec environ 13 espèces présentes
sur un territoire accueillant avec
ses tourbières, lacs et mares, le
Beaufortain est un eldorado pour cet
insecte qui fascine par ses couleurs et
son vol caractéristique. « Ses quatre
ailes sont portées par de petits
moteurs indépendants, les pales
sont en torsion et la libellule peut
changer de vitesse comme elle veut. »
Fascinant tout comme la naissance de
l’insecte. « Quand elle nait, c’est un
imago. Elle sort de son sarcophage,
qu’elle déchire pour se déplier tête en
bas. Les ailes sont froissées et pliées
dans de petits « sacs à voile ». Elles
se déplient et sèchent au soleil. Cette
métamorphose à l’air libre s’appelle
l’éclosion et c’est vraiment un instant
d’une grande beauté.»
Un peu d'histoire…
Agrion Hasté
[Coenagrion hastulatum]
(Von Charpentier 1825)
Je parcours les tourbières du
Beaufortain depuis que je suis tout
petit. Lecteur assidu de Jack London,
j’avais fait de celle des Saisies mon
petit « coin canadien », ainsi
se présente Maurice Pantaloni.
Un vrai polar
paléo-géologique
Ici, un pin sylvestre émerge devant
un bosquet de petits bouleaux
blancs et tordus. « C’est le seul pin
sylvestre sur les 300 hectares de la
tourbière. C’est sans aucun doute le
survivant d’une forêt de plus de 4000
ans, puisqu’en analysant les pollens
en profondeur, on en a retrouvé
les traces. » Soudain, on entend le
roucoulement d’un tétras. François
a déjà repéré quelques « crottiers »,
LES ELFES
La zone Natura 2000
de la Tourbière des Saisies a été
classée Réserve Naturelle Régionale
en juillet 2013
A partir de là, elle prend son envol
et peut être fécondée par le mâle.
L’accouplement en forme de cœur
fascine les poètes. Mais la réalité
est moins tendre. Le mâle va ensuite
transporter la femelle en la tenant
par la tête jusqu'à l'endroit qu'il
aura choisi et où seront déposés
les oeufs. La femelle prend alors un
bon bouillon, maintenue immergée
sous l’eau par le mâle. Romantiques
s’abstenir ! Cet insecte pacifique a des
moeurs de hussard !
Maurice a des centaines d’histoires de
ce genre qu’il raconte avec passion.
Elles diffèrent selon les espèces
mais parlent toute d’un insecte
étonnant, marqueur biologique de
la qualité environnementale d’un
site. Sa préférée ? « La Somatochlora
artica, car c’est une pure relique
boréale, qui fait penser aux insectes
géants qui peuplaient la Terre durant
le carbonifère, il y a 300 millions
d’années. »
Cette libellule, classée vulnérable en
2006, fait partie des petits trésors des
tourbières de Queige et des Saisies.
En juin dernier, on en comptait plus
de 30 spécimens. Appelée aussi
Agrion porte-hache, Agrion à hachette
ou à fer de lance, cette libellule se
reconnait à son tatouage en forme
de hallebarde situé sur le dos. Le
mâle a une belle couleur turquoise
tandis que le femelle se reconnait
à sa couleur verte. L’Agrion Hasté
apprécie la végétation abondante et
particulièrement les grandes Laîches
présentes sur les tourbières.
15
Au-delà des images
Une nature préservée
Un peu plus haut, au Chalet du
Darbelay, la vue se dégage sur Le
Riondet. La mécanique de la marche est
en route et nous avalons le dénivelé
avec ardeur. Plus bas, le petit lac des
Fées nous fait un joli clin d’œil, histoire
de nous rappeler que de ce côté-ci
de la montagne, les elfes sont bien là
pour nous donner du courage avant la
montée vers le Cormet d’Arêches. La
route serpente au milieu des alpages et
les dernières fleurs de l’été parsèment
encore ici et là l’herbe tendre. A 2102
NAMASTE !
Ca y est ! L’été largue les amarres et déjà les
premières taches safran apparaissent sur les alpages
d’en haut. C’est le meilleur moment pour profiter
de la montagne. Le soleil est plus haut, l’air plus
frais et le corps, déverrouillé par les balades et
les baignades estivales, n’a plus peur de l’effort.
Même mieux, il en redemande avant l’hiver !
En ce beau matin de septembre, notre
accompagnateur nous propose une
balade facile. Le but est de rejoindre
le refuge de la Coire à 2059 mètres
d’altitude sur le versant Tarentaise
du Beaufortain, le fameux Versant du
soleil ! Rendez-vous au belvédère du
lac de Saint-Guérin où une première
surprise nous attend. Les alpagistes
débutent la « remue » et redescendent
VERSANTS ~ n°3
16
les troupeaux un peu plus bas. Cette
rencontre inattendue a un parfum
d’automne qui nous invite à profiter
pleinement des dernières journées
de l’été. Les eaux du lac sont d’une
belle couleur turquoise. Et c’est
justement au-dessus de ce tableau
idyllique que, tels des funambules,
nous allons devoir progresser. Car la
seconde surprise c’est le passage sur
mètres, les plus courageux s’offrent une
variante en prenant un sentier qui joue
à saute-mouton avec les bosses et les
mènent vers la Croix du Berger. Pour
ceux qui voudraient tenter l’expérience,
sachez qu’il vous faudra quand même
affronter une petite grimpette, un
raidillon et un passage d’escalade avec
les mains mais que la récompense sera
à la hauteur de leurs efforts avec une
vue magnifique depuis la croix.
Pendant cette petite ascension, les
moins courageux profitent de la
curiosité des marmottes qui hésitent
entre une bonne sieste sur les rochers
chauffés par le soleil et les tentatives
d’approche de ces visiteurs couchés
dans l’herbe ! C’est d’ailleurs par-là que
de petites mares portent le joli nom de
lac des marmottes ! La descente sur le
refuge de la Coire est une vraie partie
de plaisir : 50 mètres de dénivelé pour
se retrouver fatigués mais heureux pour
dévorer les bons petits plats d’Annie
après s’être désaltérés à la fontaine. Et
profiter des grands espaces avec la vue
sur les dentelles du Crey du Rey et le col
de la Grande Combe.
une passerelle himalayenne. Quatrevingts mètres d’une marche aérienne
au-dessus des eaux. Un grand silence
plombe l’ambiance. Qui osera se
lancer le premier ?
Namaste, un bonjour
tibétain de rigueur
Pour nous rassurer, nous pensons
aux ponts népalais tressés en
cordes usées et surplombant des
rapides tumultueux beaucoup plus
impressionnants et instables que les
eaux calmes du lac de Saint-Guérin.
Un saint que nous implorons bien
qu’il soit plutôt celui des troupeaux
d’alpage que des équilibristes ! En
lançant un « namaste » dans l’air
cristallin, nous faisons nos premiers
pas au-dessus du vide. Et devant la
stabilité de l’ouvrage, nous oublions
très vite cette confrontation avec le
vide, n’en conservant que le côté
ludique !
Refuge de Presset, L’esprit d’en haut
C’est le refuge fétiche des montagnards, des grimpeurs et
des randonneurs du Tour du Beaufortain. Perché sur son promontoire
au-dessus du lac de Presset, face à la Pierra Menta avec l’Aiguille
de la Nova en ligne de mire, le petit refuge est bien plus qu’un abri.
Ici on cultive l’art de la récupération et de la contemplation tout en
profitant d’un isolement qui n’a rien de désespéré ! Et ce n’est pas
la récente extension qui lui a fait perdre son âme ! Au contraire.
De la terrasse, on peut observer bouquetins, marmottes et lagopèdes.
Même le grand gypaète a fait de l’endroit son terrain d’observation.
Du beau spectacle à toutes les heures de la journée
et de la nuit et la garantie de tutoyer les anges !
COURIR
ET DECOUVRIR…
La pente est un élément constitutif
de la géographie du Beaufortain. Et pour tous,
agriculteurs, randonneurs, professionnels de
la montagne, elle représente un terrain d’action
qu’il faut approcher avec lenteur et modestie.
L’Ultra Tour du Beaufortain
Parmi les amoureux de cette
inclinaison naturelle, certains
ont développé un penchant très
particulier en adoptant la manière
forte pour venir à bout des
degrés. Ce sont les « trailers »,
des hommes et des femmes qui
ont pris l’habitude d’apprivoiser
le dénivelé.
Vu d’en bas, cette inclinaison à
la souffrance ne fait pas rêver.
Mais en bavardant avec certains
« trailers », on se rend vite compte
que ces adeptes de l’effort y
prennent beaucoup de plaisir. Et
qu’ils sont tous victimes d’une
forte accoutumance à la production
d’endorphines ou d’un plaisir
fusionnel avec l’environnement
qui les entoure !
C’est le cas de Sébastien Gérard,
Breton passionné de montagne,
installé depuis 20 ans dans les
vallées alpines, dont 10 dans le
Beaufortain. Sébastien est un
cas particulier qui réconcilie avec
le monde du trail tant sa vision
de la course en montagne est
pleine de sagesse. Fasciné par le
milieu et la nature, il a découvert
progressivement les sports de
montagne et multiplié le plaisir de
parcourir des endroits sauvages,
vierges de toute trace. Aujourd’hui,
pisteur-secouriste-artificier aux
Saisies, cet accompagnateur en
montagne vagabonde l'été venu au
coeur des montagnes de France,
du Maroc, de Madère, d’Italie et
d’ailleurs. Une bi-activité vécue
comme un cadeau, qui lui laisse
le temps de courir dès qu’une
occasion se présente. « En guise
d’entrainement, il y a le skialpinisme avec souvent, la Pierra
Menta comme objectif. Je monte
aussi à pied au travail quand les
conditions le permettent. Très
attentif à l’équilibre de ma vie de
famille (3 enfants), je m’entraîne
souvent en fin de nuit et j’essaie
d’être raisonnable sur la durée
de mes entraînements. Le trail
peut devenir très envahissant si
on n’y prête pas attention. » Ce
programme lui permet d’enchaîner
les courses sans jamais se départir
de sa bonne humeur et de sa
soif de découverte. Sur les ultratrails techniques (+ de 80 km),
les résultats sont à la hauteur de
l’engagement. Sébastien a terminé
3 fois en tête de L’Ultra Tour du
Beaufortain (dont 2012 et 2013).
Malgré son faible pour son pays
d’adoption, il enchaîne les trails
avec L’Echappée Belle en 2013, le
Grand Raid Occitan ou La Diagonale
des Fous en 2014. Il participe
également à l’organisation du
Garmin Festival de l’endurance aux
Saisies et court avec ses copains
sur des Raids Multisports quand il
lui reste du temps.
A chaque fois, il se place dans
le peloton de tête avec, toujours
au fond des yeux, la beauté des
paysages traversés, les sourires
de ses compagnons de course
et des bénévoles. Et une pensée
pour ses proches, toujours
étonnés par tant de ténacité !
Chez ce « têtu de Breton », il y a
une idée bien ancrée : conserver
une part d’humanité pour courir
sans perdre son âme !
17
Au-delà des images
Une nature préservée
ART
ET NATURE
LA VIE
D’AVANT,
AUX SAISIES
C’est un peu l’histoire du Petit Poucet
revisitée. Quand Helène Durand,
accompagnatrice en montagne ,
emmène les enfants sur les sentiers
des Saisies, ils en reviennent les
poches gonflées de cailloux, les sacs
à dos hérissés de branches et la tête
pleine de rêves.
COMME
SI VOUS Y ETIEZ
La réalité augmentée, c’est la
superposition de la perception
que nous avons naturellement
de la réalité et d’images virtuelles
liées à cette réalité. C’est comme
si l’imagination s’invitait dans
le réel et que visuellement vous
puissiez intégrer tous les souvenirs
d’autrefois dans l’univers qui
vous entoure.
Ce jour-là, Marco est assis devant le
magnifique paysage du barrage de
Roselend. Le lac scintille et il essaye
de se replonger dans les images
d’autrefois. Il cherche à reconstituer
le tableau. Où se situait l’hôtel, le
hameau. Et les travaux de construction
du barrage, les grandes arches en
construction, la mise en eau. Avant,
quand les alpages résonnaient des
tintinnabulements des carons et des
voix des bergers, c’était comment ?
Il sort sa tablette et cale le paysage
sur l’écran. Il a téléchargé récemment
l’application « Empreinte des Grandes
Alpes » et découvre progressivement
toutes les modifications du paysage.
VERSANTS ~ n°3
18
Grâce à la réalité augmentée, il fait un
bond en arrière dans le temps. Marco
se prend à rêver qu’il est quelqu’un
d’autre. Il y a longtemps…
La Route des Grandes
Alpes, une mine d’or
pleine de surprises.
Ce miracle technologique est la preuve
que ce pays de tradition et d’authenticité n’en a pas fini avec le progrès
et que la jeune génération est bien
décidée à utiliser toutes les innovations pour rendre ce territoire encore
plus attachant. Et les découvertes ne
s’arrêtent pas là ! Grâce à la géolocalisation, le promeneur peut être informé,
en temps réel, des points d’intérêt
situés sur son chemin.Sur la base de
5 thématiques (Histoires d’hommes,
Saveurs d’ici, Sacré et culture, Histoire
naturelle, et L’eau domestiquée), chacun peut plonger dans l’histoire de la
vie des gens, qu’ils soient alpagistes,
résistants, ou fromagers… Plus d’une
dizaine d’itinéraires sont déclinés
selon le niveau d’intérêt du lecteur :
approche ludique pour les familles,
approche tout public et une version
destinée aux passionnés d’histoire
et de géologie. Textes, sons, vidéos,
modélisations 3D, photos et réalité augmentée, la dynamique de la découverte
est lancée.
Un peu d'histoire…
Écoutez
le Beaufortain
Retrouver les voix d’Edmond DucPlachettaz parlant des alpages ou
de Germaine Tassion racontant la
vie des jeunes bergers procure un
sentiment étrange. A l’absence
de ces personnages se substitue
une vision précise des lieux dont
ils racontent l’histoire. C’est toute
la richesse de ce patrimoine oral
qui, encore plus que les images,
donne corps à une réalité disparue.
C’est dans les années 60 qu’Hubert
Favre et Claude Viard, ethnologue,
ont commencé à enregistrer plus
d’une centaine de Beaufortains.
Ces quatre heures de témoignages
regroupés sous le titre « Les Lettres
d’Emilie » sont un inestimable
trésor. Certains de ces sons issus
du Fonds Hubert Favre prolongent la
découverte virtuelle de l’Application
« L’Empreinte des Grandes Alpes »
de témoignages émouvants.
La créativité des enfants est sans limite
Pour une fois, on leur demande
d’oublier le paysage et de regarder
leurs pieds. Car c’est sûr, le sol recèle
de trésors insoupçonnés !
Manon a cinq ans et adore ces sorties
qu’elle ne raterait pour rien au monde.
Personne ne la gronde quand elle
traîne un peu pour ramasser ce qui lui
plaît. Ici un joli caillou et une branche
de lichen, là une feuille mordorée et
un peu plus loin cet étrange morceau
de bois qui ressemble à une grosse
marmotte... Au fil de la balade sous le
Char du Beurre au-dessus des Saisies,
Manon, Léna et leurs petits copains
remplissent avec entrain leur sac
sous le regard amusé d’Hélène. « J’ai
baptisé cet atelier Graines d’Artistes
Petit bonhomme deviendra grand ?
car je suis toujours émerveillée par
la créativité débordante des enfants.
Là où l’adulte ne voit qu’un matériau
naturel composant un paysage, les
petits inventent des personnages, des
histoires et ça les amuse beaucoup. »
Un peu plus loin, Lucas joue les gros
bras en tentant de soulever une
énorme branche. « Un peu trop lourde
pour toi,» dit Hélène amusée, « mais
si tu la regardes bien, tu pourras la
dessiner plus tard. » Car c’est là tout
l’intérêt de cet atelier : ouvrir le regard,
susciter la curiosité, reconnaitre les
couleurs, les formes, les textures.
Apprendre à exprimer les sensations,
dire quand c’est luisant, brillant, poilu
ou piquant. Et du coup… marcher en
montagne sans rouspéter. Tous les
parents apprécieront l’exploit ! La
seconde partie de l’atelier se passe
à composer sa propre construction du
paysage de montagne en y ajoutant
ses rêves. Une belle leçon de land art
avec le Mont-Blanc en toile de fond !
« Quand je serai grand, j’irai tout en
haut » dit Colin pour épater la galerie.
Pendant ce temps, Margot a composé
une vraie couronne de princesse et
découvre le mot « éphémère ».
Plus loin, l’équipe s’amuse à coller sur
du papier pétales, feuilles et écorces
pour construire un mobile très léger
qui vole dans la brise de cette fin de
matinée.
Et quand les enfants retrouvent
leurs parents, ils ont les yeux qui
pétillent, mille histoires à raconter
et sont impatients de les guider sur
des chemins pleins de surprises. Une
belle façon de grandir et d’aimer se
promener en montagne.
19
Au-delà des images
Une nature partagée
LE BEAUFORTAIN
EN CADEAU
Partager est un mot étrange.
Si on considère que partager, c’est découper en un
nombre de parts égales, un
gâteau par exemple, que
dire alors de la communauté d’intérêts, de goûts
que révèle cet acte. Ici, dans
le Beaufortain, les montagnards ont bien compris
que le partage n’avait pas
grand-chose à voir avec la
division et qu’il valait mieux
prendre le chemin de l’unité pour être plus forts. Et
que le « vivre ensemble »
est une source de créativité sans fin. « C’est beau,
VERSANTS ~ n°3
20
c’est bon, c’est juste, c’est
utile… » Il y a mille et une
bonnes raisons de partager les plaisirs de la vie,
de mettre en commun le
meilleur et d’échanger sur
ce qui nous réunit. Ce n’est
pas toujours le chemin le
plus facile. Cela nécessite
même parfois de s'isoler
pour mieux s'imprégner...
Pour mieux s’imprégner du
monde qui nous entoure et
pour retrouver toute l’énergie du partage. CQFD !
21
Au-delà des images
Une nature partagée
Portrait
JOSEPH
PICHOL
L’humanité en héritage
Le vieil Hôtel du Mont-Blanc marque l’entrée du
village de Hauteluce du haut de ses 100 ans. Cet
établissement, longtemps fermé, est aujourd’hui
en cours de rénovation. Un nouveau souffle pour le
tourisme à Hauteluce et une joie sincère pour Joseph
Pichol, aujourd’hui âgé de 95 ans. Il faut dire qu’il a passé
15 ans de sa vie dans cette maison, y a vu grandir ses deux
enfants aux côtés de sa femme, Yvonne Palluel-Blanc, la fille
de l’ancien maire de Hauteluce, propriétaire de l’établissement,
classé 1 étoile à l’époque.
« C’était un hôtel très prisé des Parisiens. La vue sur le Mont-Blanc et l’esprit
montagnard de Hauteluce attiraient les touristes été comme hiver. A l’époque,
les gens venaient passer trois semaines complètes en vacances et il y avait une
vraie vie autour de notre activité et dans le village. » Et bien plus qu’un simple
lieu de villégiature, l’Hôtel du Mont-Blanc, fut, pendant les terribles années de
la guerre, un refuge pour deux familles juives. Joseph Pichol est aujourd’hui le
dernier témoin de cette belle aventure humaine.
Rien ne le prédestinait à ce choix. Le petit Joseph grandit en montagne. Il
passe son temps aux côtés de ses parents dans les alpages de Bellastat, Le
Plan ou Véry. Il souffre de ne pas aller à l’école autant qu’il le souhaiterait.
« Nous arrivions toujours après la rentrée et repartions en alpage 15 jours
avant les vacances, ce qui ne nous permettait pas d’apprendre aussi bien que
les autres. » Il a gardé de cette époque un goût prononcé pour la lecture. Quand
il atteint ses 17 ans, ses parents décident de changer de vie. Ils s’endettent
pour acheter une scierie à Entre-Deux-Nants. Joseph y travaillera jusqu’à sa
mobilisation militaire en 1940. Envoyé en Afrique du Nord, il tombe malade,
victime du paludisme. Fin 1941, il revient en France et après six mois à l’hôpital
de Chambéry, il rejoint Hauteluce et sa jolie fiancée. « Ma chance était d’être
montagnard. Je pense que j’ai guéri plus vite que les autres grâce à mes
escapades en montagne et à l’air pur de Hauteluce. »
Le courage
en bandoulière
Son humanité, Joseph ne se l’est pas forgée en faisant la guerre mais aux
côtés de ceux qui, dès l’été 42, lorsque commencent les grandes rafles, les
arrestations et les déportations, décident de résister. Et parmi ces courageux,
ses beaux-parents, Jean-Baptiste et Marie-Louise Palluel-Blanc. Les souvenirs
affluent et le vieil homme se souvient du jeune homme qu’il était. Il se
rappelle très précisément l’arrivée de ces deux familles juives, les Kramer
et les Mandel, deux sœurs, deux enfants et un seul mari, l’autre ayant été
envoyé vers un camp de concentration dont il ne reviendra jamais. « Ils
sont arrivés, apeurés. Ils nous ressemblaient, ils étaient pauvres loin des
clichés distillés par la propagande nazie. Je me souviens surtout de la petite
Lina. Elle avait six ou sept ans à l’époque et elle est tombée malade. Nous
VERSANTS ~ n°3
22
UNE FONTAINE DE
Le 6 mai 2013, la médaille de «Juste parmi les Nations» a été décernée à titre posthume
à Jean-Baptiste et Marie-Louise PALLUEL-BLANC. La cérémonie s’est déroulée au Musée
de la résistance et de la déportation de Grenoble. C’est Lina Mandel qui est à l’origine
de cette reconnaissance, en souvenir du courage de ceux qui « à la moindre alerte
envoyaient les adultes se cacher dans le grenier tandis que Marie-Louise recueillait
chez elle les deux enfants qu’elle considérait comme les siens. »
avons installé un matelas sur la luge
et caché la petite dessous pour la
descendre chez le docteur Lambert
à Beaufort. Il neigeait et sans cette
expédition risquée, elle serait sans
doute morte. Mais à cette époque,
personne ne « vendait » personne. Il
y avait une vraie solidarité pour faire
front face à ceux qui avaient choisi
de collaborer avec les Allemands.
Cette famille juive est restée cachée
cinq ans à Hauteluce jusqu’à la
Libération. Le mari travaillait à la
construction du barrage de la Girotte
pour gagner un peu d‘argent. Avec
l’aide des maquisards installés làhaut, il n’a jamais été dénoncé. Nous
n’étions pas des héros. Chacun y
allait de sa contribution. Mon père,
scieur, fournissait le bois au maquis
du lac de la Girotte, je montais le
pain et la viande avec l’aide de notre
jument. Ma femme et mon beau-père
surveillaient les allées et venues des
Allemands et nous prévenaient dès
qu’une patrouille montait. C’est
cette belle solidarité qui a sauvé
nos amis. » La famille Mandel est
revenue à Hauteluce après la guerre
pour remercier les villageois qui leur
ont permis de survivre. Joseph Pichol
est fier de son village de l’époque.
« Je suis le dernier témoin de cette
aventure. Bien sûr, nous avons
souffert, nos vies ont été rudes mais
nous nous sommes beaucoup aimés. »
JOUVENCE
SOUS LE JOLY
Lovée sous le col du Joly face au
Mont-Blanc, la ferme des Liaudes
reflète l’esprit des maîtres des lieux.
Un esprit nourri de créativité, de
nature et d’ouverture. Et au cœur de
cette exploitation agricole dédiée à
la production de fromages, Marine
Prévoteaux a développé une activité
atypique mais finalement pas si
éloignée que ça de l’univers de ces
éleveurs beaufortains.
Avec ses compagnons de route Câlin,
Caribou, Cacao, Agathe, Thaïs, Sissi,
Stella et Verrine, Marine produit des
savons et des cosmétiques à base de
lait d’ânesse. Un savoir-faire acquis
depuis deux ans et qui lui permet
aujourd’hui de vivre et de travailler
dans son eldorado montagnard.
Rien ne prédestinait cette Champenoise
à se lancer dans cette aventure jusqu'au
jour où, saisonnière à la station du
Joly, Marine fait la rencontre qui allait
changer sa vie, celle de Manu Mollard
son compagnon, agriculteur à la ferme
des Liaudes. En 2013, elle décide de
développer sa propre activité, se forme
à Die dans l’art de produire des savons,
et achète ses premiers ânes. « Avec
un énorme avantage, celui de pouvoir
bénéficier de tout le savoir-faire de la
ferme en matière d’élevage animal et
d’un emplacement de premier choix
pour élever mes ânes. »
Curieuse, Marine s’intéresse aux propriétés du lait d’ânesse et découvre
ses vertus de réhydratation et de régénération des cellules. Sans oublier sa
richesse en vitamine E, indispensable
à la souplesse de la peau. Elle y ajoute
par conviction personnelle les bienfaits des plantes et utilise des huiles
vierges et biologiques. Menthe, spiruline, lavande, romarin sont mélangés
avec des beurres de karité, de coco ou
d’olive. La recette, aux proportions jalousement tenues secrètes, donne des
savons doux et légers. Avec le temps,
Marine étend la gamme des produits et
crée des sticks à lèvres « spécial grand
froid » à la cire d'abeille des ruches de
la ferme, au cupuàçu, arbre proche du
cacaoyer, ou au beurre de karité. La
jeune femme avance grâce aux retours
de ses clients, teste ses nouveautés sur
sa famille, son meilleur ambassadeur,
et invente des gammes très « beaufortaines » au lait de vache ou de chèvre.
Mais attention, derrière la carte postale se cache un travail quotidien qui
s’apparente à un tour de force. Pas
seulement à cause du caractère bien
trempé de ces animaux mais surtout en
raison de l’engagement permanent que
requiert l’activité. Pour obtenir le lait
d’ânesse, il est nécessaire de garder
les ânons sous leur mère car ce sont
eux qui vont stimuler la lactation. Ils
sont séparés en fin de matinée afin de
traire les mères 3 fois dans la journée à
3 heures d’intervalle. Marine ne prélève
qu’un litre de lait sur les sept produits
en moyenne quotidiennement par
chaque mère. « C’est pour cette raison
que Cléopâtre aurait eu un troupeau de
plus de 600 ânesses pour assurer son
bain quotidien ! »
Mythe ou réalité, en tout cas, si vous
passez par les marchés de Beaufort,
des Saisies, de Saint-Gervais ou des
Contamines, laissez-vous tenter
par les produits de la Savonnerie de
la Ferme. Ou mieux encore, offrezvous une balade au fond de la vallée
de Belleville, partez à la rencontre
des ânes de Marine et profitez des
somptueux goûters à la ferme des
Liaudes. Une invitation au bien-être qui
se résume en quelques mots : douceur
et art de vivre !
23
Au-delà des images
Une nature partagée
ECRIRE
LE BAROQUE
D’AUJOURD’HUI
Quand l’aventure commence
en 2006, personne ne se doute
que six ans plus tard, cette
chapelle dont les bases dateraient
du 14e siècle, deviendrait pour
beaucoup le premier exemple
d’une restauration réussie.
C’est la rencontre avec l’artiste Christiane Wyss-Blin, en 2007, qui fonde le
projet et impose la création artistique
comme une évidence. Fruit d’un travail
collectif intégrant à la fois le religieux, le
patrimoine et l’ancrage dans le présent,
la chapelle des Curtillets, l’une des plus
anciennes chapelles du Beaufortain,
avec celles de Belleville et Roselend,
est reconnue aujourd’hui par ses nombreux visiteurs comme un bel exemple
d’harmonie et de simplicité.
On doit à la ténacité de l’Amicale de la
Chapelle des Curtillets, regroupant une
cinquantaine de familles des hameaux
des Curtillets, des Prés, du Biollay et
des Traverses, l’idée de restaurer ce
lieu sacré en s’adaptant au monde
contemporain. Gilles De Broucker,
le Président de l’amicale, explique
que « le choix était double ; entre
restaurer en reprenant exactement ce
qui avait été fait lors de la rénovation
précédente, ou oser faire bouger les
lignes en puisant dans l‘inspiration de
notre époque. Lorsqu’ils décidèrent de
peindre l’intérieur de la chapelle en bleu
« Vierge Marie », les anciens avaient
sans doute été très audacieux pour leur
temps. »
Bien avant de démarrer les travaux,
une longue concertation avec les
habitants "du quartier" et le curé
permet d'aboutir au choix de l'option
contemporaine. L’ancien chemin
de croix composé d’images d’Epinal
très abimées sera donc remplacé par
l’œuvre d’une artiste d’aujourd’hui
et pour rester en lien avec le passé,
quatre des images d’Epinal seront
restaurées et replacées dans la
chapelle.
à la Commission d’Art sacré de Savoie.
En 2010, elle propose la première
maquette de son « Chemin de vie » en
onze tableaux, sur la base d’une parole
de l’Evangile, « Je suis le chemin, la
vérité et la vie. ». La suite est un
long travail de mise en commun des
volontés et des moyens : la commune
de Beaufort, le Conseil général de
Savoie, l’Amicale de la Chapelle
des Curtillets et la paroisse avec le
soutien indéfectible du Père Etienne
Melquiot, puis du Père Stéphane Raux,
convaincus de la nécessité de réaliser
une œuvre d’art du 21e siècle dans un
lieu ancré dans son passé. Inaugurée
à l’été 2012, la Chapelle des Curtillets
étonne, ravit et représente à la fois un
patrimoine hérité de la passion des
anciens pour la tradition et un souffle
nouveau, un hommage à la sensibilité
contemporaine.
Carte blanche à l’artiste
Installée en Provence, Christiane
Wyss-Blin est une artiste discrète,
curieuse et attentive. L'idée qu'un
artiste doive imposer sa vision du
monde n'est pas sa philosophie. Elle
prendra donc tout le temps nécessaire
pour comprendre les lieux avant
d'accepter la mission qu'on souhaite
lui confier. Il lui faut alors apprendre à
travailler en concertation, prendre en
considération les attentes des uns et
des autres, proposer des maquettes
pour que, progressivement, l'idée
de "carte blanche à l'artiste" fasse
son chemin, grâce en particulier
au soutien d’Hubert Favre et de
Martine Viallet-Détraz, membre de la
Commission diocésaine d’art sacré de
Savoie. Christiane Wyss-Blin prendra
deux ans pour réaliser son oeuvre.
Ce mûrissement personnel et collectif
empreint de respect et de "lâcherprise" lui permet, en 2012, de livrer
11 toiles inspirées de l’ombre et de la
lumière sur les principes d’orientation
architecturale des édifices religieux.
Une belle aventure humaine retracée
dans le film réalisé par Claude
Marcellin.
Un long travail
de maturation
Juchée sur son promontoire, la chapelle
des Curtillets est un lieu très visité,
considéré à la fois comme un lieu
sacré et un site touristique. Le principe
affiché dès le début du projet par
l’Amicale de la Chapelle est donc que
chacun s’y sente accueilli, quelles que
soient sa religion, sa philosophie de
vie ou les raisons de sa présence sur
les lieux. L'artiste Christiane Wyss-Blin,
après « avoir été éblouie par le lieu
et par son environnement », mettra
trois ans à s’imprégner de l’endroit
pour clarifier le projet et le présenter
VERSANTS ~ n°3
24
L’artiste (ici dans son atelier) a déjà participé à de nombreuses expositions en France
et en Suisse. On lui doit « Le chemin de la Passion » à l’Eglise Ste-Colombe de Villejuif
à Paris, « la Paix » à l’espace œcuménique du nouvel hôpital de Manosque et d’autres
œuvres exposées entre autres à Arêches…
Sur le mur opposé, ses toiles montrent
la pauvreté, la vie en cage, la guerre,
la misère et la marche : six toiles
accrochées dans un chaos de lignes
cassées. En face, au sud, après un
regard qui traverse le chœur de la
chapelle, cinq toiles dédiées à la
rencontre, à la vie et à la lumière
sont accrochées avec subtilité dans
une douce vague qui s’élève vers
la dernière toile, celle de l’infini.
Des peintures à l’huile aux couleurs
subtiles et douces et un style très
personnel que tous les visiteurs
apprécient depuis la réouverture de
la chapelle au public. D’autant que la
commune de Beaufort, en charge de
la restauration du bâtiment, a eu la
bonne idée de demander à l’artiste
de participer au choix des couleurs,
des murs au plafond. Le résultat est
une harmonie propre à la méditation
et au calme, dans des tons rappelant
subtilement ceux du « Chemin de
vie ».
Aujourd’hui, chacun, croyant ou non
croyant, peut s’arrêter aux Curtillets.
La chapelle est ouverte tout l’été et
lors des vacances scolaires et chacun
peut y ressentir une sérénité absolue,
en cohérence avec la beauté de
l’édifice et des lieux qui s’ouvrent sur
des paysages à couper le souffle.
25
Au-delà des images
Une nature partagée
NOUS AVONS DEFINITIVEMENT PLANTE
LE FOND ET
NOS RACINES ICI
LA FORME
Cyril et Virginie Suet sont de doux rêveurs.
Et dès leur première rencontre, ces bourguignons
de souche n’ont eu qu’une idée en tête : créer une grande
et belle famille et vivre dans une ferme à la montagne…
A fromage d’exception, écrin
de qualité ! Avec les cercles de
beaufort fabriqués au Bersend
par Eric Avocat, il ne s’agit pas
seulement d’une coquetterie
du « prince des fromages ».
C’est bien tout l’art du fromager
qui se poursuit par le travail
d’affinage dans ces magnifiques
cercles en frêne de pays !
…entourés de lapins farceurs, d’ânes
têtus, de chèvres espiègles, de chiens
joyeux et de chevaux doux comme des
agneaux. Sans oublier une tribu d’enfants turbulents ! Une sorte de communauté familiale où la bonne humeur et
l’amour régneraient en maîtres absolus.
Neuf ans après leur arrivée dans le
Beaufortain et quelques galères plus
tard, le pari est pratiquement tenu à
quelques détails près.
« Avoir planté
nos racines ici nous a donné
toute l’énergie
pour continuer à
construire comme
nous l’avions
imaginé. »
VERSANTS ~ n°3
26
C'est Virginie qui, la première, découvre
le Beaufortain grâce à sa maman qui
a un vrai coup de cœur pour ce coin
de montagne au point de venir travailler à Hauteluce. Cyril, passionné par
son métier de cuisinier, s’installe aux
fourneaux de la Ferme de Chozal où il
fait des merveilles. Les passionnés de
gastronomie se souviennent encore de
la créativité de ce tout jeune chef qui a
fait ses armes dans de grandes maisons.
A l’époque, la famille qui commence à
s’agrandir, passe de gites en gites en
rêvant à son inaccessible étoile. Elisa,
Capucine, Pierre illuminent, de leurs
rires d'enfants heureux, la vie du jeune
couple. Armé de courage, Cyril s’installe
en 2010 aux fourneaux de La Roche au
cœur même de Beaufort. Là encore, son
talent et sa créativité dynamisent l’offre
locale et le jeune chef redore le blason
de cet établissement stratégiquement
situé au cœur de la cité. Virginie met
toute son énergie à garder le cap pendant que Cyril s’investit corps et âme
dans son projet. L’aventure durera un
an et demi et leur donnera la certitude
qu’autour d’eux, des gens francs et
sincères, « deux qualités qui caractérisent les gens d’ici » les soutiennent.
Une période pendant laquelle la famille
Suet, agrandie avec l’arrivée de la petite
Louison, caresse le rêve de relancer une
véritable hôtellerie de qualité, dans la
droite ligne de l’accessibilité pour tous.
Le courage ne manque pas et marque
la puissance de travail de ce jeune cuisinier qui ne se départit jamais de sa
gentillesse et de sa douceur. Mais cela
ne suffira pas et une fois de plus Cyril
remet sur le métier son ouvrage.
La frustration et le découragement
pointent leur nez mais la force de
la tribu fait une fois de plus des
miracles. Il suffit de les voir vivre,
s’écouter, échanger et se soutenir pour
comprendre que ces deux-là sont de
véritables mines d’or de patience et
de persévérance. « Avoir planté nos
racines ici nous a donné toute l’énergie
pour continuer à construire comme nous
l’avions imaginé. »
Aujourd’hui, Cyril dirige, avec son
équipe, deux boulangeries à Arêches
et à Beaufort. La boulangerie des Croés
produit pains et pâtisseries dans la
droite ligne des plats concoctés par
le chef Cyril Suet. Qualité, inventivité
et créativité ont vite construit la
réputation des produits de ce boulanger
pas comme les autres. Virginie a lancé
son entreprise et crée des habits pour
les enfants et « de jolies poupées en
matériaux bios tout doux avec un petit
cœur dedans ». Les enfants adorent leur
école, leur collège et leurs copains et
sont définitivement Beaufortains. Après
avoir démontré une incroyable capacité
d’adaptation et de patience, la famille
a enfin son rêve à portée de main.
La dernière marche du paradis sera
celle de la maison de famille. « Nous
travaillons beaucoup mais nous
n’avons pas oublié notre « Arche de
Noé ». Nous espérons pouvoir trouver
une vieille bâtisse à notre mesure
avant que les enfants ne quittent la
maison ». Cyril et Virginie, en rêveurs
impénitents, y mettront tout leur cœur,
des images d‘enfance, de l’amitié,
des rires et des sourires et beaucoup
d’amour, enracinant l’histoire de la
famille Suet en Beaufortain, larmes
et bagages trop lourds définitivement
oubliés. Une merveilleuse aventure
dont nous connaissons le début mais
dont la fin reste encore à écrire.
Depuis plus de 5 ans, cet artisan, fabricant du système de rangement de
ski Skiblok, crée dans son atelier des
cercles de beaufort de manière traditionnelle. Baptisé « L’Original », ce
cercle serait d’ailleurs originaire du hameau du Bersend où, dès la fin du 19ème
siècle, la famille Avocat fabriquait des
cercles concaves destinés à « resserrer
le talon de la meule en sa partie centrale, dès son premier moulage ». Autant dire qu’il s’agit là d’une technique
imaginée en étroite collaboration avec
les fromagers. Car à quoi bon tirer le
meilleur des alpages, des techniques
de fabrication, des caves et des savoirfaire des fromagers si c’était pour se
retrouver avec des meules écrasées ou
aplaties !
Aujourd’hui, dans son atelier, Eric Avocat travaille son art de la façon la plus
naturelle qui soit ; le frêne de premier
choix provient du pays et est acheté
directement au scieur. Raboté, usiné, il
subit une immersion en milieu humide
et à très haute température. Cette
étape appelée « la plastification du
bois » est indispensable pour effectuer
le cintrage du bois devenu flexible.
« Une fois cintré, le bois est déshumidifié
afin qu’il garde sa forme parfaitement
ronde et concave, imposée par le cahier
des charges de l’AOC. Il faut ensuite
usiner « les taquets » et les coller
sur l’extérieur du cercle. Ces taquets
tiennent la corde qui permet de serrer
Une exigence ancienne
le cercle et de faire pression sur la
pâte. » Livrés dans la zone Beaufort,
les cercles « L’Original » font partie du
produit, en signent l’authenticité et
renforcent l’image de grande qualité
du beaufort. Dans l’atelier du Bersend
sont aussi fabriqués des tablards
pour les caves des coopératives, ces
planches de bois qui supportent les
beauforts pour l’affinage. C’est toute
l’histoire de la réédition d’un savoirfaire ancestral et une belle réussite
artisanale dans le plus pur esprit
beaufortain.
Cette exigence de
perfection ne date pas
d’aujourd’hui.
Les recherches effectuées ont permis de
retrouver des témoignages, dont celui
d’un alpagiste, Florimond Avocat, neveu
des inventeurs du cercle concave.
Déjà avant 1914, les cercles concaves
étaient livrés au-delà des limites du
Beaufortain jusqu’en Tarentaise. « La
forme spéciale nouvelle qu’il donnait
aux meules permettait de reconnaître
immédiatement le « gruyère » de
Beaufort, ce qui le distinguait à
l’époque des autres gruyères. Et les
courtiers du moment s’empressèrent
d’en tirer partie. Les alpagistes s’en
servaient également pour essayer de
« valoriser » leur produit au moment
des transactions commerciales avec les
acheteurs ou courtiers en fromage. » 27
Portfolio
Un patrimoine bien inspiré
On les voit de loin, accrochés
à la pente, faisant face aux
lacs, posés dans de jolis coins
secrets à l’ombre des forêts ou
au cœur des hameaux et des
villages. Signes d’un respect pour
la nature et la montagne qui
les entourent, témoins discrets
d’une foi profonde, les églises,
chapelles, oratoires et chemins
de croix du Beaufortain sont
des trésors qui méritent qu’on
s’y arrête, le temps de retrouver
calme et sérénité.
VERSANTS ~ n°3
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29
Au-delà des images
Jeux d'hiver
UN HIVER
DE CRISTAL
Qui n’a jamais, enfant,
observé avec étonnement
la composition des cristaux
de neige ? La géométrie
parfaite de ce minuscule
hexagone a imprimé dans
nos esprits une question
fondamentale sur la capacité
de la nature à créer des
objets parfaits. La neige
fait partie des questions
de l'enfance. Comment
se forment les flocons,
pourquoi se transformentils parfois en pluie alors
qu’à d’autres moments, ils
tombent en formes aussi
variées qu’originales. On
en trouve des plats, des
ronds, des allongés, en
boutons de manchettes ou
VERSANTS ~ n°3
30
en perles de lait, en petits
morceaux de papier ou en
grains ronds et glacés. Et
passé le temps patient de
l’observation de ces étoiles
aux branches fantastiques
vient le temps du jeu. La
neige et ses milliards de
cristaux deviennent un
manteau blanc, protecteur
et attirant. On peut alors
glisser, construire des igloos
et des bonhommes de neige,
marcher, danser et même
attendre les jours meilleurs
comme les animaux qui s’y
protègent des grands froids.
Un éternel recommencement
et une énergie du bonheur
renouvelable à l’infini !
31
Au-delà des images
Jeux d'hiver
PRATIQUEZ
L’ART
Portrait
SIMON
BRAISAZ
DE LA GENUFLEXION
SANS SOUFFRIR
Les coulisses de l’exploit
Contre toute idée reçue, il n’est pas
nécessaire d’être un excellent skieur
pour adopter le télémark. Et l’essayer,
c’est l’adopter à coup sûr ! L’ancêtre du
ski moderne est né en Norvège mais
c’est bien chez nous, dans les Alpes
qu’il a trouvé son eldorado.
Simon Braisaz peut être fier de participer
à l’élan du ski alpin de compétition. D’une manière
détournée mais incontournable car c’est dans les
coulisses des grandes courses qu’il exerce son art
en toute discrétion. A 23 ans, il passe très peu
de temps dans son village de Hauteluce, entièrement
dévoué à ses « championnes » qu’il suit,
ou plutôt précède, aux quatre coins de la planète.
Simon est technicien pour la Fédération Française de Ski : il suit les athlètes et
prépare le matériel aussi bien pendant les périodes d’entraînement que pendant
les compétitions. Il n’a pas choisi ce métier par hasard car « on apprend à gérer
son matériel dès qu‘on met le pied en compétition », ce que Simon a pratiqué
pendant 5 ans au sein du Comité de Savoie. Ce spécialiste du géant et de la
vitesse est aujourd’hui le préparateur de quatre championnes qui tournent
en Coupe d’Europe et Coupe du Monde et dont les noms sont déjà inscrits au
tableau d’honneur des espoirs français : Estelle Alphand, Romane Miradoli, Clara
Direz et Marie Massios. Pour elles, grâce à ses compétences pour l’affutage, le
fartage et le calibrage des skis, Simon est un des artisans de la victoire comme
ce fut le cas aux Jeux Olympiques de la Jeunesse à Innsbruck en 2012.
« J’ai appris en regardant les anciens et en faisant confiance à mon expérience
et à ma pratique du ski. Sur les courses, on observe les autres, on cherche à
comprendre jusqu’à l’instant magique où la skieuse s’élance. L’avis des athlètes
reste évidemment le cœur du réglage. Leur confiance nous donne une grande
responsabilité. » Simon aime cette pression, qui ressemble au trac de l’athlète.
Et quand c’est le top départ, il retient son souffle. Comme s’il était lui-même
sur la piste. « Plus l’athlète est performant, plus le stress est important. »
Même si lui-même, avec la modestie qui le caractérise, sait « qu’à lui seul,
il ne peut pas faire gagner la course ». Et qu’en revanche, il a conscience de
pouvoir la faire perdre.
Il aime ce travail même si « la plupart
du temps, on dort peu et tout se passe
dans les garages. » A la période de
préparation des skis suit l’envol pour
les terres du Grand Sud à Ushuaïa et
El Colorado, près de Santiago du Chili
où les athlètes s’entrainent pendant
l’hiver austral. « A notre retour en
Europe, quand la saison commence,
les skis sont prêts et adaptés à
chacune. Il ne reste plus qu’à caler
les mises au point sur les conditions
météo au moment de la course, avec le
VERSANTS ~ n°3
32
fartage et l’affutage appropriés. » En
parallèle à son métier, Simon prépare
le monitorat de ski et a obtenu un BEP
de maçonnerie. Histoire d’être prêt à
effectuer un virage professionnel quand
cette vie de nomade lui conviendra
moins. Une façon de rester là où il
se sent bien, dans ses montagnes du
Beaufortain. Pour l’instant, il suffit de
voir ses yeux et son sourire quand il
parle de son métier et de ses voyages
pour imaginer que ce n’est pas pour
demain !
« L’image de sport
de « vieux » ne
colle plus du tout à
cette pratique qui
s’est même offert un
relooking du matériel
et une entrée
fracassante dans
l’univers du freeride
et du freestyle. »
Les Saisies sont une des stations
d’accueil de ce sport très élégant
qui associe jolies courbes et vitesse
maitrisée. Aujourd’hui, l’Ecole de
Ski Français compte parmi ses rangs
environ une dizaine de moniteurs
et monitrices de télémark. Quant au
matériel de location, y compris pour
les enfants, on le trouve facilement sur
la station.
La Cuberote
Chaque année en avril se tient
aux Saisies la mythique course,
la Cuberote. Rendez-vous
indispensable si vous voulez
tout savoir sur le télémark
et l’esprit qui l’anime.
Un peu d'histoire…
Le télémark est né dans
la province norvégienne
éponyme en 1860.
Hughette Lacreuse, monitrice à l’ESF
des Saisies, pratique le télémark depuis
longtemps. Cette ancienne championne
de France, 2ème au classement général
de la Coupe du monde en 2007, est
une ambassadrice très convaincante
des bienfaits du télémark en particulier
dans l’apprentissage de la glisse chez
les plus jeunes. « Le télémark est avant
tout un style de virage. En avançant
un pied et en pliant le genou, le
télémarkeur, dont les talons ne sont
pas attachés aux skis, se retrouve
dans une position de génuflexion qui
lui permet de réaliser un angle avec
ses skis et ainsi de déclencher le virage.
Ensuite tout est dans l’alternance et le
rythme des génuflexions. La sensation
de glisse est extrêmement agréable
et permet aux enfants d’apprendre
en douceur à gérer le transfert du
poids du corps, à positionner le
buste et travailler la flexion, trois des
fondamentaux du ski. »
Au passage d’un télémarkeur sur
les pistes, chacun y va de son
commentaire admiratif ou dubitatif.
« On dirait qu’il danse… Ça doit
faire mal aux genoux ! Il faut des
cuisses en béton.… D’où ça vient ? ».
Effectivement, bien que « décapé » par
la glisse moderne, le télémark a gardé
son ADN d’origine nordique, celui d’un
ski qui s’attaque à tous les types de
neige et qui nécessite quand même
quelques réserves musculaires pour y
trouver du plaisir.
En construisant ses premiers skis, Sondre
Norheim imagine de plier le genou pour
tourner dans la neige poudreuse et ainsi
déclencher un pivotement complet. Il
vient d’inventer le premier virage de
l’histoire du ski ! Comme l’homme est
inventif et charpentier de surcroit, il
découpe ses planches en « taille de
guêpe » pour faciliter les virages et
la fixation des lanières de cuir. Le 8
février 1868, il participe au concours
d’Iverslokken et gagne la première place !
La nouvelle de ce ski révolutionnaire
atteint vite l’Europe et il faudra attendre
l’imagination d’un Emile Allais qui invente
le virage « Christiana pur aval » pour
que le télémark soit oublié. Jusqu’à son
retour dans les années 80 grâce à une
bande de yankees du Colorado qui le
propulse sur le devant de la scène des
glisses alternatives et sauvages. Car les
puristes le pratiquent essentiellement
en poudreuse.
L’image de sport de « vieux » ne colle
plus du tout à cette pratique qui s’est
même offert un relooking du matériel et
une entrée fracassante dans l’univers
du freeride et du freestyle. Le télémark
rêve même d’olympisme. Voilà une
nouvelle qui aurait certainement fait
sourire Sondre Norheim, ce charpentier
norvégien qui, en 1860, se construisit
des lames en bois pour descendre de
son chalet de Morgedal.
33
Au-delà des images
Jeux d'hiver
1986
La Pierra Menta à travers le temps
Depuis la première Pierra
Menta en 1986, un soin
particulier a été apporté
chaque année à l’affiche de
l’événement. Du graphisme
très illustratif des débuts
a succédé un traitement
contemporain. Aujourd’hui,
place aux images des skieurs-alpinistes en plein effort. A chaque
époque son style !
1989
L'arête mythique du Grand-Mont
Une grande fête populaire au sommet
LA FETE DE LA
PIERRA MENTA
ÇA SE PASSE LA-HAUT !
En marge de la plus célèbre
course de ski-alpinisme, la
Pierra Menta, cernés par
les montagnes, l’esprit libre
et la bonne humeur chevillée
au corps, ils sont chaque année
des centaines à venir signer
la fête de la montagne.
Les supporters de la Pierra Menta ne
sont pas des frileux ! Ils se lèvent tôt
et franchissent les 1000 mètres de
dénivelé qui les propulsent au sommet
du Grand-Mont quand les coureurs
pointent le bout de leurs spatules.
Cette fête, ils en ont rêvé toute
l’année, ils l’ont préparée et pour
rien au monde ils ne manqueraient ce
rendez-vous de l’amitié et du sport.
Télésiège du Grand-Mont
5h00 du matin
Ce 23 mars 2013, ils sont déjà
nombreux, dans le froid bleuté du
petit matin, à attendre l’ouverture
du télésiège du Grand-Mont. Objectif,
VERSANTS ~ n°3
34
le Col de la Forclaz à 2300 mètres,
soit 600 mètres de dénivelé depuis
le plateau de Cuvy à l’arrivée du
télésiège… Les conditions météo et les
risques d’avalanche ne permettront
pas cette année aux supporters
d’atteindre le sommet du Grand-Mont.
Peu importe le lieu, cette randonnée
n’a qu’un but : apporter chaleur, et
sourires aux coureurs. Ils sont tous
là… habitants du Beaufortain, amis,
familles des coureurs, anciens et plus
jeunes, Français, Espagnols, Italiens,
tous réunis pour une jolie grimpette.
Skis de rando ou raquettes, chacun a
le choix des armes. Les carons tintent
et l’ambiance est plus que joyeuse.
Après une bonne nuit à Boudin, me
voici prête à enchainer les zigzags de
la montée vers le Col de la Forclaz.
Mes hôtes, Elisabeth et Henri, sont des
fervents supporters de la Pierra Menta.
Ils hébergent chaque année des
équipes et cette année, les Basques
ont élu domicile dans le vieux chalet
accroché à la pente. Avant de partir,
Elisabeth a glissé dans mon sac un
« en-cas » typiquement beaufortain :
sandwich aux diots maison et beaufort
d’alpage ! La montée devrait être une
partie de plaisir !
Le ciel étoilé change de couleur et passe
progressivement du bleu marine au bleu
clair. Le froid n’aura pas raison de nous.
Tout le monde s’élance dans la pente
et l’effort est soutenu. Le spectacle
est impressionnant et le jour qui se
lève ajoute quelques traces orangées
au tableau. On trouve des « experts »
qui filent déjà vers les sommets, des
familles qui prennent leur temps et
apprennent aux plus jeunes à gérer
l’effort, des bandes de copains bien
décidés à faire la fête au sommet. Et
des parents de coureurs comme ces
Catalans venus soutenir leur fille.
La montée se fait dans la bonne
humeur et la joie du partage. Là où
d’habitude le silence est de rigueur,
ce sont les rires et les bavardages qui
remplissent l’air. Premier virage et
première rencontre avec les coureurs
qui tracent à la vitesse de l’éclair,
encouragés par ce public entièrement
acquis à l’effort ! Vite, il faut accélérer
pour ne pas rater le passage au col et
l’incroyable spectacle de la montée
sur l’arête du Grand-Mont.
Soudain des sons de cloches et des
clameurs déchirent le silence. Plus
haut, dans l’échancrure du col de la
Forclaz se dessine une ligne sombre :
ce sont les centaines de spectateurs
déjà arrivés qui se préparent au
passage des équipes. Surréaliste
et chaleureux, le tableau se colore
et s’anime au fur et à mesure que
nous approchons. Et enfin nous y
sommes. Accordéon, cloches, rires et
chansons, l’ambiance est à la fête.
Personnalités, anonymes, habitants du
pays, étrangers, tous sont réunis pour
célébrer l’incroyable engagement des
sportifs mais aussi de tout un pays
réuni autour de ses champions. Le
succès populaire de la Pierra Menta
tient à cette alchimie entre partage et
fête, entre ferveur populaire et course
technique.
Et s’il fallait trouver deux mots pour
définir cet événement et les inscrire
au grand dictionnaire des amoureux
de la montagne, ce serait sans nul
doute « admiration et respect ». Les
fondements indispensables de la
passion qui anime cette grande fête
des supporters !
1996
2014
Séquence émotion au milieu des spectateurs
35
Au-delà des images
Jeux d'hiver
Le charme du Chalet de La Tourne à Plan Villard
Accessible, sans danger et plein de surprises,
l’itinéraire Plan Villard-Côte 2000 est sans doute
le meilleur plan pour s’initier au ski de randonnée.
Une halte au chalet
de La Tourne à 1557 m.
MA PREMIERE
RANDONNEE
A SKIS
Côte 2000, sous la Légette du Mirantin
On y croise des débutants galérant
dans la technique du virage dans la
pente, des anciens à la queue leu
leu, les raquettes aux pieds, joyeux
et plein d’envie, des amoureux des
grands espaces et des experts à
l’entrainement. Cette randonnée est un
concentré de Beaufortain : des pentes
douces, des panoramas splendides, des
milieux variés, des forêts d’épicéas et
de jolis chalets d’alpage posés dans
la pente comme les cailloux du petit
Poucet.
Ce beau matin de février, pour ma
première rando à skis, le guide qui
m’accompagne m’a gâtée. Départ à
9h00 et soleil au rendez-vous ! Et même
s’il m’annonce 800 mètres de dénivelé,
je me sens prête à en découdre avec
la pente. Nous partons du joli hameau
de Ladray au-dessus du Planay à
1200 mètres. Bon signe, le nom de
« Ladray » évoque l’adret, le bon côté,
celui qui est bien exposé au soleil.
L’itinéraire consiste d’abord à gagner
Plan Villard, puis, après une traversée
en forêt, tracer par de larges croupes
vers la bosse Côte 2000.
Ce matin, la neige est douce, froide,
très blanche. Le guide m’explique
comment glisser avec les « peaux
de phoque », ces bandes en peluche
synthétique collées sous les skis
qui accrochent la neige et nous
permettent de monter droit dans la
VERSANTS ~ n°3
36
pente. Je trouve une trace et je me
mets progressivement au rythme du
glissement des skis. J'avance tout en
songeant, dubitative, que les premières
peaux étaient bel et bien des peaux de
vrais phoques...
Il faut peu à peu sortir de sa « coquille »
et se mettre en lien avec la montagne.
Je dois garder l’esprit disponible pour
profiter de ce qui m’entoure tout en
gérant un effort inhabituel pour la
citadine que je suis. Il me l’a promis :
« quand tu sentiras que tu n’es plus
une intruse de passage mais que tu
fais partie d’un tout, que tu es une
promeneuse attentive, alors tu pourras
jouir de ces instants magiques. » La
promesse est à la hauteur du paysage
et de l’intensité du partage !
Je me mets au rythme régulier de
mon compagnon. Les traces de nos
skis se mêlent, je me laisse entraîner
par une drôle de mécanique qui,
progressivement, m’attache à celui qui
est devant par un lien invisible et me
donne une force que je ne soupçonnais
pas. Je me glisse dans le monde qui
m’entoure. Montagnes blanches et
forêts gris de payne, rubans de neige
parsemés de chalets d’alpage, sapins
croulant sous la neige et ciel d’azur.
Plus loin sur une pente raide, des
coupes de bois me font penser à des
mikados géants lancés sur la neige.
Cette première montée se fait aux sons
échappés de la station en contrebas.
Je me sens prise d'une grande envie
de contemplation. Patience ! Après
300 mètres de dénivelé, derrière une
croupe neigeuse, nous basculons dans
le silence. Seul le glissement des skis
sur la neige froisse l’air ambiant. Le
rythme est désormais régulier. Nous
dessinons des zigs et des zags avec
application, comme si ces traces se
devaient d’être belles et régulières,
histoire de ne pas abimer le paysage.
Assis au soleil contre le mur du chalet
nous savourons une petite pause avec
un morceau de beaufort, un peu d’eau
et de sucre, et nous repartons. Nous
entrons alors à pas de loup dans le
royaume du tétras-lyre dont l’habitat
est ici protégé. La trace serpente sous
les sapins. Le souffle se fait court,
les muscles commencent à durcir
et dans cet univers de bosses et de
creux, l’esprit vagabonde. Soudain un
croassement. Le grand corbeau fait un
tour d’honneur au-dessus de nos têtes
en jouant les transformistes, histoire de
Apprendre l’art de la glisse
contemplative…
montrer qu’il peut passer de la version
« boulet de canon », les ailes repliées
sous le ventre, à celle d’un élégant
planeur. Trois froissements d’ailes
plus loin, il a déjà disparu. Dans un
piaillement aigu, une armada de becscroisés s’envolent d’un bosquet dans
un jaillissement de plumes rouges.
Encore quelques centaines de mètres
et nous voilà en haut de la dernière
bosse avant le sommet de Côte 2000.
C’est somptueux. L’effort physique est
vite oublié et la nature prend toute sa
place, avec un sentiment de liberté
indescriptible. Je suis éblouie par la
beauté du panorama.
Le Mont-blanc enfoui dans un
nuage a du mal à sortir le bout de
son nez mais partout autour, c’est
du grand spectacle. Le vent met les
voiles au-dessus du Grand-Mont, la
Légette du Mirantin, scarifiée par des
ondulations des skieurs hors-piste,
fait la fière en offrant sa croupe au
ciel azur. De l’autre côté, la Pierra
Menta pointe vers le ciel son doigt de
granit, histoire de rappeler que de ce
côté-ci de la montagne, c’est encore
elle la reine. Nous trainons quelques
minutes, avec un grand sentiment
de plénitude. Et trop vite, il faut se
préparer à la descente : décoller les
peaux de phoque, bloquer les fixations
et se lancer dans la poudreuse. Peu
pentus, les premiers champs de neige
permettent de trouver les bonnes
sensations. Les skis se laissent guider
sans peine dans cette neige légère. Je
dessine de larges virages, puis, prenant
confiance, je glisse face à la pente et
esquisse des virages plus fluides et
serrés. Une chute dans cette neige
légère n’attaque pas ma détermination.
Je me remets aussitôt sur pied, toute à
la joie de cette glisse agréable.
Je traîne un peu sur les derniers
virages, histoire de ne pas sortir de
ce rêve éveillé et de laisser s'épanouir
en moi la certitude que cette première
randonnée n'est pas la dernière ! Cette
belle façon d’échapper à l’agitation du
monde, de se promener libre et sans
entrave au cœur de la nature la plus
sauvage a un parfum vraiment unique.
Le bec-croisé,
un oiseau gourmand et acrobate
Si vous passez à proximité d’une forêt de conifères, vous avez de bonnes
chances de pouvoir observer cet oiseau, juché sur la cime d’un sapin. C’est
que ce passereau est très gourmand et adore les graines de résineux qu’il
extrait des cônes à l’aide de son bec aux mandibules croisées. Il aime aussi
les bourgeons et les insectes, les pépins et la pulpe des fruits. Bref, le beccroisé meurt rarement de faim ! Il peut parfois se suspendre la tête en bas,
grimper le long des troncs à l’aide de son bec, et ne descend à terre que pour
boire ou se baigner. Les mâles sont reconnaissables à leurs belles plumes
rouges et orangées.
37
Au-delà des images
Jeux d'hiver
LES SAISIES
LE BEAUFORTAIN
FAIT LA FETE A SES
UNE CINQUANTENAIRE EN PLEINE FORME
CHAMPIONS
La belle cinquantenaire se porte bien et a encore de beaux jours
devant elle. La station des Saisies est avant tout une aventure humaine.
À quoi tient l’incroyable énergie de Marie Bochet
et d’Arnaud Bovolenta ? À leur volonté et à leur travail bien
sûr mais aussi à l’esprit collectif qui règne dans ce pays.
Le bonheur partagé avec
les enfants du Ski-club
d'Arêches-Beaufort
Retour aux
sources à
Arêches pour
savourer la
victoire avec
les siens Pour preuve, les fêtes organisées en
l’honneur des champions olympiques
et réunissant tout le pays derrière le
flambeau de l’olympisme. Nul doute
que cette force collective est un dopage à la mesure de leur talent !
Ce 20 février 2014 quand Arnaud,
« Bovo » comme ils le nomment ici,
remporte la médaille d’argent de Ski
Cross, les habitants d’Arêches-Beaufort
entrent en fusion, à commencer par les
plus jeunes. Une semaine plus tard,
c’est la fête au village et sur les pistes.
Malgré la neige, ils sont des centaines
à honorer de leur présence le jeune
athlète qui garde la tête froide et dont
la légendaire modestie doit s’accommoder d’interminables séances de
dédicaces.
« C’est impressionnant de voir tout ce
monde. Je suis fier
de ramener cette
médaille ici. Je pense
surtout aux jeunes
du ski-club et à mes
entraineurs. Devenir
vice-champion
olympique, c’est
énorme Je savais
VERSANTS ~ n°3
38
que j’avais les capacités de le faire. Il
a fallu saisir la chance quand elle est
passée. Avec ce triplé français historique (Jean-Frédéric Chapuis - or et
Jonathan Midol - bronze), c’est une
belle victoire. »
A cet instant de la fête, tout le Beaufortain pense aussi à Marie Bochet qui
va participer quelques semaines plus
tard aux épreuves paralympiques de
ski alpin. Sotchi n’en a pas fini avec
les sportifs de ce pays. Marie est en
pleine forme avec déjà au compteur
cinq médailles d’or aux championnats du monde 2013 à La Molina, en
Espagne. Personne ne doute de la jeune
savoyarde de 20 ans sans imaginer
qu’elle va faire la plus belle moisson de
ces jeux de Sotchi avec quatre médailles
d’or en descente, super combiné, super
G et slalom géant dans la catégorie
« debout ».
Pour comprendre l’esprit qui anime
cette belle championne, il suffisait de
la suivre en avril dernier lors de sa
rencontre avec les jeunes du ski-club
d’Arêches-Beaufort à la Coopérative
de Beaufort. « Travaillez bien sûr mais
surtout prenez du plaisir dans votre
sport. C’est la clé ! Et avant de penser
aux médailles, pensez au ski ! »
Les yeux émerveillés des enfants du
ski-club devant l’énergie de la jolie brunette remplacent tous les discours. Le
handicap n’existe pas devant le talent
de la skieuse d’autant que Marie a
longtemps skié avec les valides sans
faire de différence. Leurs questions
valent bien celles des journalistes.
« Ça pèse lourd quatre médailles ? Estce qu’il y avait du beaufort au village
olympique ? Est-ce que c’est vraiment
de l’or ? Est-ce qu’ils ont beaucoup
abimé la montagne ? Stressais-tu beaucoup avant le départ ? »
Marie n’occulte aucune question. Au
contraire, elle s’amuse des interrogations des enfants parmi lesquels
Les yeux émerveillés des
enfants du ski club devant
l’énergie de la jolie brunette
remplacent tous les
discours.
C’est pour éviter la mort lente du
beau pays des alpages, se vidant
inexorablement de ses forces vives
et victime d’un exode rural brutal
que des hommes et des femmes
visionnaires décident, dans les années
60, de développer un tourisme à taille
humaine, loin de l’urbanisation folle
que connaissent certaines stations
alpines de l’époque. Le Syndicat
Intercommunal à Vocations Multiples
(SIVOM) crée ainsi le cadre économique
et juridique pour permettre le
développement des initiatives privées.
Et si aujourd’hui, en dévalant les
pistes, vous prenez le temps de
regarder autour de vous, vous pourrez
retrouver ici et là les signes de cette
histoire. Aujourd’hui Les Saisies,
c’est une station familiale, appréciée
pour la beauté de ses paysages, ses
panoramas et son hospitalité et dont
il faut prendre soin.
1963, les débuts
de la saga
En 1963, le premier téléski est installé
à Bisanne. Cet élan fait suite au
développement du site par Erwin
Eckl, un moniteur autrichien qui
ouvre un chalet refuge dès 1936.
Progressivement, en complément de
l’activité ski, les commerces s’installent,
les hébergements touristiques
se développent et les remontées
mécaniques se multiplient. Les grandes
étapes se succèdent jusqu’en 1985 où
est inauguré l’Espace Cristal qui relie
Les Saisies à Crest-Voland. Une liaison
qui préfigure la naissance de l’Espace
Diamant en 2006.
Les médailles olympiques de Franck
Piccard et l’organisation des épreuves
nordiques des Jeux olympiques
d’Albertville en 1992 mettent un
coup de projecteur phénoménal sur
la station savoyarde et les étrangers
découvrent tous les atouts d’un site
moins médiatique que les grandes
stations renommées mais doté
d’atouts naturels. Les années passent
et en cinquante ans, Les Saisies ont su
s’adapter aux attentes d’une clientèle
familiale fidèle et soucieuse de la
qualité des relations humaines. Car
c’est bien là que se trouve l’ADN des
Saisies.
Pascal Meunier, l’auteur de « La saga
des Saisies » (Edition la Fontaine de
Siloé) connait bien la station. Pour lui
aujourd’hui, « c’est une belle réussite
aussi bien l’hiver que l’été. Elle est
surtout restée conforme aux valeurs
humaines portée par ses créateurs. »
Photos tirées de La saga des Saisies
de Pascal Meunier
Édition La Fontaine de Siloe
Dis, elle est
en chocolat
ta médaille ? se trouvent peut être les champions
de demain. Elle les connait bien pour
participer de temps en temps à leur
entrainement. Elle sait que son énergie leur donne des ailes et n’oublie
jamais de revenir aux fondamentaux :
le plaisir et l’envie.
39
Portfolio
Blanche neige
Ce matin, le bonhomme de neige a perdu son nez. Il ne reste plus qu’à préparer une grande bataille
de boules de neige ! A moins que nous allions nous amuser dans la poudreuse douce et profonde.
Attention à la petite Margot… Haute comme trois pommes, mieux vaut la chausser de raquettes
pour marcher sur la neige. Nos traces croisent celles d’un renard malin et nos rires d’enfants
résonnent comme des clarines sur ces grands alpages tout blancs !
VERSANTS ~ n°3
40
41
Au-delà des images
Une montagne d'activités
UN PAYSAGE
« COL ET MONTEE »
On dit le Beaufortain, terre à
part, calée entre le pays du
Mont-Blanc et la Tarentaise.
C’est oublier que c’est aussi
une terre de passage. Bien
avant les grandes transhumances touristiques, les
montagnards savaient traverser ces drôles de fenêtres
haut-perchées que l’on
nomme des cols. Et le pays
n’en manque pas ! Col des
Saisies, Col du Joly, Col du
Pré, Cormet de Roselend…
Ces cambrures du paysage
où le marcheur bascule vers
l’inconnu marquent une
VERSANTS ~ n°3
42
frontière invisible. Bergers,
voyageurs et aujourd’hui
sportifs s’y glissent en file
indienne. Comme si pour
avancer vers l’inconnu
mieux valait rester groupés !
Pendant ce temps, en soussol, se trament désormais
de drôles d'intrigues tout
en courbes et en galeries.
L'eau s'y glisse comme dans
un labyrinthe et parcourt les
chemins créés pour la domestiquer. A ce jeu du "haut
en bas", le Beaufortain est le
grand physicien !
43
Au-delà des images
Une montagne d'activités
LES FUNAMBULES
DES BARRAGES
Portrait
HENRI
MOLLIEX
Le poète aux plusieurs vies
Pour rencontrer Henri Molliex aux Pointières, il
faut emprunter la petite route qui serpente audessus de Queige, à travers la forêt. Et prendre
le temps de humer l’air ambiant. Là une belle
cascade dévale la pente et joue à saute-mouton sur
les rochers avant de s’engouffrer sous la route. Un peu plus
loin, la forêt élance sa frondaison de printemps vers le ciel et
invite le curieux à s’y enfoncer. On arrive sur le hameau des
Pointières, quelques fermes bien accrochées dans ce creux de
montagne où tout parait simple.
C’est là que nous attend Henri
Molliex. A 77 ans, cet homme
doux et discret vit là où il est
né, un jour « où il y avait un
paquet de neige » ! Devenu
poète « sans se poser de
question », alors que la vie
le destinait à poursuivre le
métier d’agriculteur dans la
petite exploitation familiale, il
est aussi le créateur du Sentier
des Pointières, un sentier qui
explique de manière simple
et poétique l’exode rural, « le
seul livre d’histoire qui se lit
en marchant ». Mais comment
en est-il arrivé là ?
Il n’y a aucun mystère dans la
vie d’Henri Molliex. Simplement
la succession et la juxtaposition
de plusieurs vies qui ont fini par marquer de leurs empreintes diverses celle de
cet homme qui a eu très tôt le goût des mots. Son certificat d’études en poche,
il reprend d’abord naturellement sa place à la ferme. Et écrit déjà un peu. C’est
le syndicalisme agricole qui lui permet de livrer ses premiers articles dans le
journal de la Jeunesse agricole catholique (JAC). Il aime ça et sa plume est
alerte. Car Henri Molliex est avant tout un homme engagé, brillant et intéressé
par tout ce qui touche à la vie quotidienne des siens et des gens de son pays.
Habité par un humanisme généreux, il observe, se révolte, soutient, gronde,
participe, admire et aime par-dessus tout raconter.
Raconter pour mieux partager.
La poésie vient naturellement « parce qu’elle colle à la vie » et c’est quand il décide
de créer le sentier des Pointières dont le départ se situe au-dessus de sa maison à
la Chapelle des Pointières (1597), que tout s’accélère. Entre temps, en faisant vivre
VERSANTS ~ n°3
44
sa famille, il crée des gites
ruraux, descend travailler
à l’usine pour arrondir les
fins de mois, « j’étais une
bête sauvage enfermée
dans un parc », découvre
l’engagement municipal et
participe de près ou de loin
à beaucoup d’événements
du pays. Alliant sans cesse,
la curiosité et la générosité,
il raconte une époque qui
n’existe plus. « Là où les
familles habitaient, il n’y a
plus aujourd’hui que la forêt.
Certains métiers ont changé, d’autres
ont disparu. Il faut parler de tout ça
aux jeunes générations avant que tout
ne s’efface. » A travers ses livres de
poésie et surtout avec le Sentier des
Pointières, une promenade littéraire
« à la recherche du temps perdu » qui
fait découvrir au marcheur les vestiges
de l’agropastoralisme d’avant 1950.
On y apprend à décoder les signes
enfouis dans la végétation, ici un four à
charbon, là le moulin de Joseph Bartéfy,
plus loin les restes de la ferme des
Cruets ou la grange à Pauline. Avec
les poèmes d’Henri Molliex comme fil
conducteur, le promeneur retrouve la
vie d’avant « quand la montagne était
cultivée comme un jardin. Les gens
étaient pauvres mais pas malheureux.
La vie était dure mais c’était la vie. »
Henri a aussi pris des quantités de
photos des gens, des lieux et des
événements, archivant ainsi patiemment
toute l’âme de ces époques révolues.
Tout en précisant que « s’il regrettait
cette époque, il savourait avec bonheur
celle d’aujourd’hui qui permet de
« La première fois que je suis entré
sous le barrage, j’étais complétement perdu.
Je ne retrouvais plus l’amont de l’aval. Imaginez,
3 kilomètres de galeries et 3000 marches sur une tournée !
À l’époque on faisait ça tous les jours. Il fallait être sportif !
Surtout qu’en hiver, on rejoignait les barrages et les prises
d’eau à skis de randonnée ! »
Barrage de la Girotte – © Céline Clanet – Fondation Facim
communiquer et de se déplacer
beaucoup plus vite. »
Pour comprendre à quel point Henri
Molliex a marqué du sceau de son
humanisme indélébile toute l’histoire
de ce coin du Beaufortain, il faut
juste se plonger dans ses livres de
poésie. Le Grand Virage, témoignage
de la vie d’un ouvrier-paysan resté
fidèle à ses racines ou Regards, des
portraits touchants sur la vie des gens
du pays. Et bien sûr Sentier de mémoire
qui vient d’être réédité aux Editions
Kahunavision. « Un recueil de poèmes
n’est pas un ouvrage ordinaire que l’on
lit puis que l’on oublie dans les rayons
d’une bibliothèque. Il appartient au
genre de ceux, rares, que l’on laisse
sur une table de chevet et dont on
tourne les pages pour le seul plaisir
de les tourner, que l’on aime toucher
et lire avec gourmandise à petites
goulées… » conclut Patrick Jagou qui
est aussi l’auteur-éditeur de « Henri
des Pointières, promenade littéraire
sur le sentier de vie d’Henri Molliex,
paysan, ouvrier et poète savoyard ».
Patrick Carrera a travaillé près de 30
ans sur les barrages du Beaufortain
pour pratiquer un métier étonnant :
barragiste.
En 1976, ce moniteur de ski-électricien
fut recruté par EDF pour participer à
l’auscultation du barrage de Roselend.
Car ces monstres de béton à l’aspect
immuable sont en fait de véritables
systèmes vivant au rythme de la terre,
à l’élasticité stupéfiante. Autant dire
que le moindre mouvement anormal
est pris très au sérieux ! Aujourd’hui,
tout est automatisé, mesuré avec des
caméras et les barragistes travaillent
en surface dans des salles dont les
équipements font plus penser au
lancement de la fusée Ariane qu’à
ces géants des lacs. Patrick Carrera
a vécu ces transformations mais
garde au fond de lui la nostalgie des
années « artisanales ». Il a appris
son métier au fur et à mesure des
tournées, pratiquant l’art du pendule
avec passion et détermination. Car
incroyable mais vrai, c’est au fil à
plomb qu’étaient mesurés les endroits
les plus sensibles. 600 mesures par
jour pour vérifier l’étanchéité, les
fuites, la pression. « J’ai tout de suite
été passionné par l’ampleur de la
tâche. On connaissait par cœur les
valeurs des mesures. Cette mémoire
humaine s’est vite perdue avec la
télémesure. On était un peu comme les
gardiens de phare. On partait pour la
semaine : lundi à Roselend, mardi à La
Gittaz, mercredi à Saint-Guérin, Jeudi
à Roselend. Le vendredi était consacré
aux prises d’eau. On parcourait les
35 km de galeries recevant les prises
d’eau disséminées autour de Roselend.
C’était très physique. Il fallait aussi
crapahuter dans la montagne,
nettoyer les grilles des décanteurs,
procéder à des vidages. Ca prenait
bien une à deux journées ! Et rien ne
devait nous échapper.»
Ces hommes déterminés, acrobates,
funambules ou spéléologues selon
les jours, exploraient les barrages
dans leurs coins les plus secrets,
autorisés à braver l’interdit dans ces
« forteresses tranquilles. »
« Il y avait aussi la surveillance des
témoins sonores, un ingénieux système composé d’un tube en laiton, de
masses métalliques et d’une corde à
piano tendue. » Installés dans le béton,
ces 200 témoins sonores renvoyaient
grâce à un système électrique les sons
dans une salle de contrôle. « Tout l’art
consistait à écouter les fréquences de
vibrations de la corde pour déceler
d’éventuelles anomalies. On ressortait
avec la tête comme un seau ! »
Aujourd’hui, partout où il voyage, Patrick Carrera s’arrête sur les barrages,
fier de son expérience et de tout ce
qu’il a appris au fil de ces 28 ans passés sur ces monumentaux ouvrages.
« Un barrage c’est une multitude d’informations et d’événements dont la dimen-
sion nous dépasse. De l’infiniment petit
au gigantesque. Par exemple savezvous que la mise en eau du barrage de
Roselend a pris 17 ans pour atteindre
le niveau maximum ? » Aujourd’hui le
barragiste ne descend plus sous terre
mais sa passion pour l’hydraulique est
restée intacte. La preuve, il rénove un
moulin à farine qui fonctionne grâce à…
l’énergie hydraulique !
Images extraites du livre
Du torrent au courant,
des barrages et des hommes
en Savoie
Monographie de Céline Clanet
Textes de Thierry Salomon,
Pierre Blancher, Hervé Gaymard
ACTES SUD 2011
Coédition Fondation FACIM
www.fondation-facim.fr
Barrage de la Gittaz, galerie de visite
© Céline Clanet – Fondation Facim
45
Une montagne d'activités
LES CHAPIEUX
UNE VALLEE AUX CONFINS
DU MONDE
Il y a un merveilleux paradoxe dans
le fait que, pour se rendre depuis
la Tarentaise vers les riants alpages
du Beaufortain, il faille passer par
une vallée rude et secrète.
VERSANTS ~ n°3
46
Une vallée de haute-montagne aux
pentes vertigineuses, aux défilés
étroits et aux gorges profondes, qui
plus est totalement inaccessible en
hiver. La vallée des Chapieux se mérite
et ceux qui prennent le temps de s’y
arrêter le savent bien. Avec le vent
pour seul guide pour ne pas se perdre
sur les chemins escarpés, alpagistes,
bergers, chasseurs et alpinistes ont
tous un attachement particulier pour
cette vallée glaciaire dominée par
l’Aiguille des Glaciers à 3816 mètres.
Cette passe perdue au bout du monde,
déjà utilisée au temps des Romains, a
inspiré des écrivains et des voyageurs,
à commencer par le savant naturaliste
Horace Benedict de Saussure qui, en
1767, fait une description dramatique
du passage de sa caravane par ce lieu
situé « dans le fond d’un entonnoir
entouré de hautes montagnes nues
et sauvages, au confluent de deux
torrents qui dévastent tous les
alentours. » Plus tard Mario Rigoni
Stern et Samivel en décrivent avec
talent toute l’intensité dramatique.
Tout comme Curzio Malaparte dans
« Le soleil est aveugle » où il raconte
l’absurde combat de juin 1940 entre
chasseurs alpins français et italiens
sous le col de la Seigne, là où « l’air
limpide et immobile a une cruauté
vierge. »
ciers, les dalles de Séloge nous avaient
offert leur schiste cristallin à l’adhérence parfaite, « Même pas peur », une
belle voie lisse parsemée de fissures,
s’ouvrant sur le cadre magnifique de
l’Aiguille des Glaciers! Nous l’avions
parcourue en écoutant les sons jazzy
d’un saxophoniste inspiré par les lieux.
Parenthèse magique rendue possible
par la solitude et l’esprit des lieux!
Les enfants du pays ont, quant à eux,
passé beaucoup de temps à parcourir
les vestiges d’une occupation
touristique datant de la mise en
place du Tour du Mont-Blanc à la fin
du 19 ème siècle. Cette fréquentation
motiva la construction de deux hôtels
aux Chapieux dès les années 1850.
A Bonneval, on trouve les ruines de
l’ancien hôtel des Thermes et de sa
piscine à l’abandon. Sans oublier les
restes des chalets d’alpage, terrains
de jeux au goût prononcé d’interdit !
Car dans cette vallée à la nature
puissante et rebelle, il semble que
rien ne soit destiné à durer.
Il y aurait aussi beaucoup à dire sur
ce territoire frontière qui fit l’objet
d’une surveillance attentive et de
mouvements de troupes pendant les
conflits. Soldats, résistants en furent
les visiteurs furtifs.
La beauté du diable
Aujourd’hui encore, ce sont surtout les
paysages qui impressionnent ! Lieux
de passage hérités du pastoralisme,
ils sont composés d’immenses
alpages tatoués par les taches des
chalets qui couvrent les flancs de
cette vallée glaciaire. Des alpages
traversés, dominés, scarifiés par des
parois abruptes et minérales. Ce qui
confère à l’ensemble un air de bout
du monde totalement étranger à la
montagne habitée qui est devenue la
règle. Habitée, la vallée des Chapieux
l’est pourtant avec les bergers et
les alpagistes qui s’y installent l’été
venu. Ce sont plus de 5000 moutons,
venus des vallées voisines et même
de Provence, des chèvres et un
grand nombre de vaches tarines et
abondances qui passent l’été dans la
vallée.
Et puis, il y a tous ceux qui ne font que
passer, à l’image des randonneurs du
Tour du Mont-Blanc arrivant depuis le
Val Montjoie par le col de la Croix du
Bonhomme pour gagner les Chapieux
avant de remonter vers le col de la
Seigne (2515 m) et de redescendre
vers le Val Vény en Italie. Ou encore
les « hommes-fusées » de l’UltraTrail du Mont-Blanc qui empruntent
cet itinéraire de nuit sans imaginer la
sauvagerie qui les entoure. D’autres
prennent le temps de savourer et
de se laisser gagner par la douce
nostalgie que déclenchent les lieux.
Ils font étape à l’auberge de la Nova ou
bien au chalet des Mottets. Ou, comme
les alpinistes, profitent, à 2750 m, du
cocon régénérant du refuge Robert
Blanc avant d’accéder à la haute
montagne.
Tous vivent cette curieuse expérience
de ressentir toute l’énergie qu’il a
fallu déployer pour que cette terre
de confins ne disparaisse pas sous
Ici le sauvage
prend le pas
sur l’homme
les coups de butoir de la nature. Et
chaque année, avec l’arrivée de l’hiver
et des grandes avalanches, chacun
sait qu’avec la solitude et l’isolement
la montagne reprend des forces pour
la prochaine métamorphose. C’est tout
l’esprit des Chapieux !
Quand Céline Clanet,
photographe connue
pour ses travaux
sur les mondes
reculés, accepte cette
commande d’Actes
Sud et de la fondation
Facim sur la vallée
des Chapieux, elle
ne sait pas encore
qu’elle part pour
un voyage au cœur
d’une montagne
primitive et originelle.
Son intuition lui dicte
juste une certitude :
« ce n’est pas là qu’elle produira des
cartes postales touristiques » !
Elle découvre des paysages âpres
et rudes mais aussi des gens vivant
dans des conditions extrêmes dotés
d’une grande humanité, respectueux
de la nature qui les entoure. Elle
s’installe avec les alpagistes qu’elle
compare volontiers à « des moines
des alpages », vivant au rythme de
la nature et du labeur. Sans répit
mais avec toujours la conscience
aigüe d’être les gardiens d’un monde
rare et précieux. Le résultat est un
livre d’images d’une grande force.
Les clichés sont ciselés comme les
dentelles des montagnes. Chaque
détail renvoie à la réalité du terrain
avec précision, tout en conservant
cette note de poésie héritée de son
regard d’artiste. Hervé Gaymard signe
l’entrée en matière avec un texte
d’une grande tendresse sur « cette
vallée magique » qui fut celle de son
enfance. Et l’historien du patrimoine
alpin Bruno Berthier donne au lecteur
toutes les clés pour comprendre
cette vallée insolite, « un sanctuaire
alpin de démesure ».
Une terre de mémoire
Ce qui frappe au premier abord, c’est
l’isolement de ces montagnes, restées
vierges des grandes infrastructures
routières, protégées de la sur-fréquentation par leur exposition permanente
aux avalanches l’hiver venu. Mais
pour qui prend le temps de s’y arrêter
se dévoilent des trésors insoupçonnés. Ce jour-là, dans la vallée des Gla-
Les Chapieux, géographie d’un secret
Fondation Facim/Actes Sud
Avril 2014
47
Au-delà des images
Une montagne d'activités
Manger sain et retrouver des forces après l’effort,
c’est possible à toutes les altitudes. Sans oublier que
pour se fabriquer des souvenirs, l’amitié et le partage sont
d’excellents carburants. A consommer sans modération !
LA BONNE
CUISINE
A TOUTES LES ALTITUDES
Sur les hauteurs
d'ArêchesBeaufort
Pour atteindre l’Alpage,
il faut de bonnes
chaussures, des raquettes
ou des skis. Tout commence
par une agréable balade par
le sentier piétonnier qui longe
la Sarrazine sur les pistes d’ArêchesBeaufort. La montée permet d’embrasser
un des plus beaux points de vue du
Beaufortain. On peut aussi jouer à
saute-mouton depuis les télésièges du
Grand-Mont et des Bonnets Rouges. Et
se préparer mentalement au lâcherprise indispensable devant une bonne
table. Car là-haut, face aux splendides
panoramas des massifs de la Pierra
Menta et du Mont-Blanc, les plaisirs
de la table se méritent. Nicolas Duc-
VERSANTS ~ n°3
48
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Goninaz aux fourneaux depuis 2002, fait
des merveilles pendant que sa femme
Patricia s’occupe des invités avec bonne
humeur et joie de vivre. Difficile de
décoller après les rognons-frites maison
ou les tartes framboises et myrtilles. Le
plus stupéfiant à cette altitude, c’est
que tout est frais, de saison. Même
le jambon est cuit sur place. Autant
dire que c’est le genre d’adresse plutôt
rare sur les pistes. L’Alpage porte bien
son nom avec du mobilier de famille,
des clins d’oeil originaux et décalés au
monde authentique des terres d’en
haut. Sans en faire trop, avec juste
ce qu’il faut de bon goût. Et s’il fallait
encore vous convaincre, sachez que làhaut vous y retrouverez les randonneurs
qui font une halte au refuge sur le tour
du Beaufortain mais aussi les gens du
pays qui n’hésitent pas à braver le
dénivelé pour s’y délecter en famille ou
entre amis. Un vrai gage d‘authenticité
dans un pays qui ne rigole pas sur la
qualité des produits du terroir !
Dans la station
des Saisies
Au coeur du village
de Villard sur Doron
S’il fallait définir en quelques mots
ce lieu ouvert sur les pistes situé
sous la Chapelle des Saisies, ce serait
générosité, humour et simplicité.
Depuis 8 ans, Magali et Christophe
sont les chefs d’orchestre du Chalet
des Marmottes, un lieu « culte » aux
Saisies. Les habitués y reviennent
chaque année et la clientèle belge
en a fait son repaire, preuve de la
convivialité du lieu. On y trouve les
fondamentaux de la cuisine savoyarde
mais aussi quelques notes travaillées
sur mesure pour les épicuriens qui
fréquentent le lieu à l’image du ris de
veau ou du café « très gourmand »,
agrémenté de 8 desserts maison. Sans
oublier la célèbre « potence de bœuf »,
de généreux morceaux issus de la poire
de bœuf grillant sur un cylindre rempli
de pierre volcanique, le tout flambé au
cognac. Le jus goûteux de cette cuisson
particulière retombe sur un gratin
savoyard maison. Après ce copieux
plat, vous profiterez de la terrasse
ensoleillée surplombant les pistes en
oubliant que vous êtes là pour skier.
Mais après tout, les vacances, c’est
aussi l’art de ne rien faire !
La recette est simple mais nécessite
des ingrédients de qualité. Prenez
plusieurs coeurs généreux, un zeste
de bonne humeur, une pincée
d’amour des autres et une belle dose
de solidarité. Vous obtenez un lieu
où tout le monde aime se retrouver
et où la créativité et l’inspiration
donnent des ailes à toutes les idées.
Surtout si elles permettent de créer
des liens et d’échanger. C’est sur la
place du village à Villard sur Doron
que s’est ouvert fin 2013 le premier
café associatif du Beaufortain. Ce jourlà, sur la petite terrasse ensoleillée
Elisabeth, Hélène, Laure, et Jacques
commentent les exploits des jeunes
skieurs beaufortains. Catherine
arrive et leur parle de broderie. Cette
parisienne, récemment installée
à Villard, en est une spécialiste
et aimerait en savoir plus sur les
châles que portaient les femmes du
Beaufortain. « Pas de problème, dit
Elisabeth, je vais te montrer ceux
de ma famille. » C’est certain, cette
rencontre va inspirer la créatrice. «
C’est exactement ce que nous voulons
développer avec ce lieu associatif.
Pour que les gens se rencontrent, il
fallait un lieu ouvert et facile d’accès.
Nous proposons des adhésions à
l’année mais les visiteurs peuvent
venir et consommer à des prix
dérisoires. Nous organisons des repas,
des soirées à thème, des expositions,
des rencontres créatives en nous
inspirant de ce que nos anciens ont su
développer à Villard. » dit Laure, une
des initiatrices du lieu aux côtés de
Xavier, Lysette, Dominique, Françoise
et Cathy. Les anciens n’hésitent pas à
mettre la main à la pâte démontrant
ainsi qu’une telle initiative, en plus
de rapprocher les gens, crée une belle
passerelle intergénérationnelle. Les
tables du vieux bistrot ont retrouvé
plus qu'une seconde jeunesse au
Villard café, elles sont devenues
le symbole du renouveau de la vie
sociale au cœur du village.
49
Versants
livres
Sommaire
Carnet d'adresses
ENTRE LES LIGNES
UNE NATURE EN
04 30 JEUX D’HIVER
La Médiathèque de Beaufort
et les
bibliothèques
d’Arêches, Hauteluce,
MOUVEMENT
32 PORTRAIT
: Simon
BRAISAZ,
Les coulisses mines
de l’exploit
Villard
et Queige06sont de véritables
d’or au service d’une autre
PORTRAIT : Colette
VIBERT-GUIGUE,
33 Pratiquez l’art de la génuflexion sans souffrir
La mémoire de la vie
paysanne
Prés
façon
de aux
comprendre
le34Beaufortain.
Compléments indispensables aux
La fête de la Pierra menta, ça se passe la-haut !
Les bêtes à cornes du Beaufortain 07
balades et sorties par monts
et par vaux,
récits,
36 Ma première
randonnée
à skis romans, livres d’art,
Le bon goût des alpages 08
38
Le
Beaufortain
fait
la
fête
à ses champions
films et
audio permettent
de découvrir l’histoire
Misemême
au vert enregistrements
09
39 Les Saisies, une cinquantenaire en pleine forme
Beaufort-Paris,
allerde
simple
10
et launvie
ce pays
de montagne.
40 Portfolio : Blanche neige
pour le plaisir des papilles
La fête des alpages 11
Des vies à trois temps 11
4201~UNE
MONTAGNE
La montagne
aux sept bergers
D’ACTIVITÉS
Film d’Anne et Erik Lapied
DVD - 2005
UNE NATURE 12
44 PORTRAIT : Henri MOLLIEX,
Ce Le
filmpoète
tourné
dans
l’alpage vies
de Plan Pichu montre de jeunes alpagistes
aux
plusieurs
tout
en poursuivant
de générations dévouées au pastoralisme,
45qui,Les
funambules
desl’œuvre
barrages
apportent une nouvelle énergie à leur métier. 110 jours d’alpage, trois
46 Les Chapieux, une vallée aux confins du monde
générations et la même passion pour leur métier. Même si le film date un
48 La bonne cuisine à toutes les altitudes
PRÉSERVÉE
02
PORTRAIT : François DRILLAT,
La nature ne supporte pas les compromis Les elfes des tourbières
Namaste
Courir 01et découvrir
La vie d’avant, comme si vous y étiez
Art et nature aux Saisies
14
15
16
17
18
19
peu, il reste intéressant.
50 VERSANTS LIVRES
02~Journalisme et Beaufortain
Les Cahiers de la Facim n°5
Editions Comp’Act – Octobre 2006
UNE NATURE
PARTAGÉE
20
04~Beaufortain Panoramas
Patrice Labarbe
La Fontaine de Siloé
Le massif du
05~Quand
les sources
chantaient dans la vallée
des Rhododendrons
Beaufortain
Claudette Martin-Heitzmann
C’est autour des vies de Roger
Un livre de photos qui se feuillette
03
Editions Gap
Frison-Roche, d’Hubert Beuvecomme un album et permet de
Mery, de Pierre Fournier et de
découvrir les grands panoramas
Mont
Blanc
Pourriet gravures
Ce beau livre deMont
photos
PORTRAIT : Joseph PICHOL, 22
Philippe Revil que la Facim avait
mais aussi les vallons plus secrets
est avant tout le récit de la vie
L’humanité en héritage
organisé en 2005 une rencontre
du Beaufortain. Son originalité vient
d’une famille profondément
Une fontaine de jouvence sous lelittéraire,
Joly 23une journée mémoire en
de la sélection de textes d’écrivains,
Pointe de
attachée à ses alpages de Roselend.
Écrire le baroque d’aujourd’hui
24
la
Terrasse
l’honneur du journalisme. Et de ses
morceaux choisis sur la montagne,
Adolescente à l’époque, Claudette
Nous avons définitivement
maîtres 26
disparus, tous passionnés
de Frison-Roche à Joseph Dessaix en
Martin-Heitzmann
a vécu la mise
Pierra
Massif de
planté nos racines
de ici
montagne et familiers du
passant par Jean-Jacques Rousseau,
en eau du barrage,
Les Contamines
Menta la disparition
la Vanoise
Lac
de
la
Gittaz
04
Beaufortain.
Nietzsche ou Théophile Gautier.
Le fond et la forme
27 Le résultat est un livredu village et la transformation de
Lac de Roselend
Lac de la Girotte
mémoire28d’une grande poésie.
Portfolio : un patrimoine bien inspiré
la vie quotidienne et agricole des
Aiguilles Croches
Lac de St-Guérin
habitants du Beaufortain. Illustré de
nombreuses photos d’archives, ce
03~Un matin calme
Arêches retour sur le passé est
Hauteluce
décidément
Grand
Mont
dans le Beaufortain
très passionnant !
Poésie de Sang-Tai Kim
Pointe de la
Beaufort
Ce petit livre propose des « miettes
de découverte » entre haïku et
poème. Ce Coréen installé à Queige
a réussi à mêler harmonieusement
sa culture d’origine à la
beauté des lieux de son
pays d’accueil, Lac des
fées, Col du Pré, Pierra
Menta…Chaque poème
est illustré par des
calligraphies de l’artiste
In-Gang. Un regard différent
sur la montagne.
05
06
VERSANTS ~ n°3
50
Grande Journée
06~Beaufort – Haut
Hachette
Pratique
La Roche Pourrie
Les Saisies
Bisanne 1500 Villard/Doron
Queige
Ugine
en saveurs
Velouté de potimarron au beaufort
Laau
Bathie
et à la vanille, soufflé
beaufort
et à la muscade, brochette
kefta au beaufort et Tours
coriandre...
en Savoie
L’incomparable douceur du prince
Albertville
des fromages se mêle aux épices et
apporte une touche subtile aux 30
recettes présentées dans ce petit
livre, ami indispensable de la cuisine
de vos vacances en Beaufortain !
Communauté de Communes
%HDXIRUW+DXWHOXFH4XHLJH9LOODUGVXU'RURQ
Communauté de Communes
du Beaufortain
Mairie de Beaufort
Tél. 04 79 38 33 15
Tél. 04 79 38 31 69
[email protected]
www.lebeaufortain.com
Mairie d'Hauteluce
Office de tourisme
d'Arêches-Beaufort
Mairie de Queige
Tél. 04 79 38 15 33
www.areches-beaufort.com
Office de tourisme
des Saisies
Tél. 04 79 38 90 30
www.lessaisies.com
Tél. 04 79 38 80 31
Tél. 04 79 38 00 91
Mairie de Villard
Tél. 04 79 38 38 96
Le Beaufortain…
Au-delà
des images
l e M a g a z i n e d u b e a u f o rta i n
N°3 ~ Offert
MéMoire des
temps passés
COLETTE VIBERT- GUIGUE,
JOSEPH PICHOL
ET HENRI MOLLIEX p.6, 22, 44
m
les saisies
UNE CINQUANTENAIRE
EN PLEINE FORME p.39
m
Les Chapieux,
UNE VALLÉE
AUX CONFINS
DU MONDE p.46-47
m
www.lebeaufortain.com

Documents pareils