Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (4,21

Transcription

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (4,21
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (4,21-30)
Dans la synagogue de Nazareth, après la lecture du livre d"Isaïe, Jésus déclara : « Cette parole
de l'Écriture que vous venez d'entendre, c'est aujourd'hui qu'elle s'accomplit. »
Tous lui rendaient témoignage ; et ils s'étonnaient du message de grâce qui sortait de sa
bouche. Ils se demandaient : « N'est-ce pas là le fils de Joseph ? »
Mais il leur dit : « Sûrement vous allez me citer le dicton :
"Médecin, guéris-toi toi-même. Nous avons appris tout ce qui s'est passé à Capharnaüm : fais
donc de même ici dans ton pays !' »
Puis il ajouta : « Amen, je vous le dis : aucun prophète n'est bien accueilli dans son pays.
En toute vérité, je vous le déclare : Au temps du prophète Élie, lorsque la sécheresse et la
famine ont sévi pendant trois ans et demi, il y avait beaucoup de veuves en Israël ; pourtant
Élie n'a été envoyé vers aucune d'entre elles, mais bien à une veuve étrangère, de la ville de
Sarepta, dans le pays de Sidon.
Au temps du prophète Élisée, il y avait beaucoup de lépreux en Israël ; pourtant aucun d'eux
n'a été purifié, mais bien Naaman, un Syrien. »
À ces mots, dans la synagogue, tous devinrent furieux.
Ils se levèrent, poussèrent Jésus hors de la ville, et le menèrent jusqu'à un escarpement de la
colline où la ville est construite, pour le précipiter en bas.
Mais lui, passant au milieu d'eux, allait son chemin.
Homélie
Quand Jésus enfant avait été présenté au Temple de Jérusalem, le vieillard Syméon
avait prophétisé à son sujet: "Il sera un signe de division" , et même, avait-il ajouté:
"Ainsi seront dévoilées les pensées secrètes d'un grand nombre"1.
Et c'est précisément ce qui est en train de se passer dans la synagogue de Nazareth.
Jésus est rejeté et menacé de mort.
C'est le début de son procès, un procès qui trouvera son épilogue devant Pilate, à
moins qu'il ne continue aujourd'hui encore.
Mais pourquoi, pourquoi ce procès, pourquoi ce rejet?
Jésus est chez les siens, avec ses proches, dans le village même où il a grandi…
Mais précisément, ce qui choque, c'est qu'il parle des autres, de ceux qui sont loin,
des étrangers: la veuve de Sarepta, dans le pays de Sidon, et Naaman, le Syrien.
Curieux paradoxe: les étrangers deviennent des proches, proches du cœur de Dieu,
alors que les proches deviennent des étrangers, étrangers à Dieu, prêts à tuer celui
qui ne pense pas comme eux.
Curieux paradoxe? Pas tant que cela: j'ai l'impression qu'il en est ainsi de toutes nos
relations humaines.
1 Luc2,34-35
Nos proches: est-ce que nous n'avons pas la tentation parfois d'en faire des "commenous"?
C'est vrai: ce serait tellement mieux si tout le monde pensait pareil, pareil que nous
bien sûr, si tout le monde agissait pareil que nous bien sûr…
Que surgisse la différence, la divergence et là, plus rien ne va.
Mon proche me devient étrange, autre, ailleurs.
Je ne le supporte plus, puisque ce n'est plus un "comme-moi".
Cela peut être vrai d'une vie de couple, d'une vie de famille, d'une amitié, comme
cela a été vrai à Nazareth entre les habitants du village et Jésus le Christ.
Et cela est parfois vrai hélas dans la vie de l'Eglise.
On devrait tous penser pareil, croire pareil, prier pareil, avoir une vue identique sur
des questions de société ou des questions de morale.
Et dans le fond, pourquoi pas, voter tous pareil?
Tiens, il faudrait y réfléchir pour la prochaine présidentielle: je connais des candidats
que ça pourrait intéresser!
Mais non!
St Paul nous rappelle que les dons de Dieu sont variés,
et c'est tant mieux !
Mais attention, il ajoute aussitôt: "
Si je n'ai pas la charité, s'il me manque l'amour,
je ne suis qu'un cuivre qui résonne, une cymbale retentissante".
Aimer, vivre la charité, c'est peut-être d'abord accepter de voir en l'autre un étranger.
Un étranger, à commencer par mes plus proches: ma femme, mon mari, mes gosses,
mon meilleur copain.
Un étranger, donc quelqu'un qui ne parle pas comme moi, qui ne pense pas comme
moi, qui n'agit pas comme moi, qui ne croit pas comme moi.
Etranger: je ne peux aimer que ceux qui sont autres que moi.
Je peux recevoir d'eux, et je peux me donner à eux.
Et c'est ainsi, ainsi seulement que nous pouvons aimer Dieu, Dieu lui-même.
D'ailleurs, je ne sais pas si vous l'avez remarqué, mais nous le proclamons chaque
fois que nous célébrons l'Eucharistie.
Vous connaissez la signification du mot "saint"?
Littéralement, il signifie "autre", "étranger".
Alors, de temps en temps, plutôt que de dire:
"Saint, saint, saint, le Seigneur Dieu de l'univers…"
Nous pourrions dire:
"Etranger, étranger, étranger, le Seigneur Dieu de l'univers…"
Parce que Dieu est autre, saint, étranger, parce qu'il n'est pas un "comme-moi", alors
oui, je peux l'aimer, comme lui me donne son amour.
Et dans notre vie de tous les jours, soyons des étrangers les uns pour les autres.
Alors, nous pourrons nous aimer, nous pourrons être proches.
L'amour ne passera jamais.