1 Corinthiens 13 « Maman » dit le petit enfant rentrant de l`école
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1 Corinthiens 13 « Maman » dit le petit enfant rentrant de l`école
1 Corinthiens 13 « Maman » dit le petit enfant rentrant de l’école – cours préparatoire : « est-ce que c’est pareil aimer et être amoureux ? » Difficile question d’un enfant qui ne sait plus très bien où il en est quand il entend ce que d’autres enfants – pas plus au clair que lui – lui racontent. Age particulier de la construction d’un petit d’homme, question posée en dernier à sa maman en qui la confiance est cependant première : « est-ce que c’est pareil aimer et être amoureux ? » Peut-être alors la maman, le papa, le parrain, la marraine, quelque adulte aura eu l’occasion d’entendre ce texte de Paul appelé souvent ‘l’hymne à l’amour’, médité tant et tant de fois lors de cérémonies de bénédiction nuptiale. Peut-être aussi quelques phrases de chansons leur reviendront en tête : ‘Quand on n'a que l'amour à s'offrir en partage, au jour du grand voyage qu'est notre grand amour’ chante Jacques Brel – parle-t-il là d’être amoureux ou de l’amour dont parle Paul ? Car de quoi parle Paul ? A qui ? Pourquoi ? Dans quel but ? Quel est cet amour dont l’étymologie du mot grec agapè échappe à toute connaissance tant elle est partielle, incertaine ? Quand Paul insère ce poème dans cette lettre aux Corinthiens il ne fait pas une catéchèse sur le mariage, sur les rapports entre homme et femme dans leur vie de couple – cela il le fait mais ailleurs, dans d’autres textes. Les Corinthiens sont des hommes et femmes venus à l’Evangile après avoir entendu les messages de Paul. Ils interprètent, comprennent la Bonne Nouvelle, marqués par leurs pratiques religieuses anciennes – ils étaient soit Juifs convertis au message de Paul, soit venant de cultes païens aux pratiques idolâtres, vénérant d’autres dieux. La vie à Corinthe était une vie ‘libre’, aux mœurs relâchées. Les habitants de Corinthe étaient soit romains, soit d’origines très variées : Corinthe était un lieu de passage entre l’Orient et l’Occident méditerranéens, un lieu de commerce, d’industrie, de pratiques religieuses intenses mais très mélangées. Une mini mondialisation avant l’heure ! On peut comprendre qu’en un tel lieu d’échanges la tentation soit de pencher vers une sorte de syncrétisme, de relativisme religieux : ‘tout dit la même chose, pratiquons toute sorte de rites différents – sait-on jamais !’ Cette situation n’est pas sans nous rappeler ce que vit actuellement notre société française, menant sa propre expérience de la mondialisation, appelée à mieux interroger et appréhender ses racines chrétiennes. Chacun – quel que soit le temps dans lequel il vit : en 50 de notre ère ou près de 2000 ans plus tard – se doit de comprendre en quoi son rapport à Dieu transforme son existence et se doit de prendre conscience de ce qui motive ses actes, en conséquence. Cela n’enlève en rien la possibilité de plusieurs liens possibles avec Dieu. Le psaume 145 l’indique très clairement en parlant de ‘loyauté’ : « Le SEIGNEUR est proche de tous ceux qui l’invoquent, de tous ceux qui l’invoquent avec loyauté » Ps 145, 18 ; ce que Paul lui-même écrit en parlant de l’amour – agapè au verset 6 : « il ne se réjouit pas de l’injustice, mais il se réjouit avec la vérité » Finissonsen avec les Corinthiens. Il semble, d’après les réponses de Paul dans ses lettres, que certains d’entre eux voulaient se couper du monde pour échapper au mal et à cette liberté de mœurs éloignés du message évangélique. D’autres semblaient pratiquer une rupture entre riches et pauvres lors des repas communautaires, les repas de ‘riches’ dérapant même parfois en beuveries et agapes et ne témoignant plus du tout de l’attachement à Jésus Christ. D’autres encore partageaient des repas avec des païens, mangeant des viandes sacrées pour leurs cultes, et suscitant des interrogations quant à cette pratique. Leur motivation est-elle marque de superstition – accumulation de gestes pouvant attirer la protection de plusieurs dieux, mais alors où se trouve leur foi en Dieu ? Ou bien est-elle compréhension de la non-sacralité de ces viandes et simple accompagnement d’amis, à un repas, quelles que soient les croyances de ceux-ci ? Enfin, certains groupes s’étaient spécialisés dans des pratiques de glossolalies, ou des pratiques extatiques, des affirmations de connaissances sur le mystère de Dieu, rivalisant de prestige pendant les assemblées et conduisant leurs membres à l’anarchie ou même à la confusion. Ainsi donc Paul leur répond : parler en langues peut émerveiller les personnes simples, impressionner en laissant croire à une quelque proximité de Dieu. Proximité de Dieu que ceux qui ne comprennent pas ce qu’ils entendent aimeraient tant avoir, qu’ils peuvent avoir le sentiment d’approcher en écoutant des paroles incompréhensibles. Mais si cela n’est intelligible de personne quelle est donc l’importance de ces mots, en langues ? Ce n’est rien de plus que du bruit, faire du bruit à la manière d’un instrument de musique. Etre maître de connaissances diverses, être le seul à connaître, n’est-ce pas seulement avoir du pouvoir sur celui ou celle qui se sent si loin de tout sans cette connaissance ? Encore une fois c’est vouloir démontrer son pouvoir, démontrer que l’on est meilleur que celui qui ne sait pas ! Même la foi entre dans la critique que fait Paul. Si la foi permet de se vanter d’arriver à accomplir tout ce que d’autres ne peuvent arriver à atteindre : n’est-ce pas là encore un chemin vers la vantardise ? C’est comme si l’on était capable d’avoir Dieu dans sa poche, de pouvoir accéder à un langage donnant-donnant avec lui. Langage inaccessible aux autres. Car déplacer des montagnes, cela n’est pas discret … Livrer son corps pour en tirer une quelconque fierté, pour imaginer, même après sa mort être encore vivant dans la pensée des autres, c’est être encore l’illusion d’être maître de ce qui se vivra dans un monde où l’on n’est plus ! Le message de Paul est presque catéchétique : comprenez, vous, tous les chrétiens du monde entier, des générations et générations à venir, la Bonne Nouvelle, le lien entre Dieu et l’homme ne réside en rien dans des manifestations extraordinaires, incompréhensibles. S’il arrivait à Jésus de guérir, en thaumaturge qu’il était, ce n’était jamais pour que les regards des autres le suivent, soient émerveillés du spectacle qu’il offrait. Quand Jésus était à l’origine de miracles, ceux-ci n’étaient pas tant l’inexplicable qui se produisait qu’une relation restaurée entre un homme et l’amour de Dieu, entre un homme et les regards de ses proches comme les siens sur sa vie. Quand Jésus prie son Père, notre Dieu, c’est pour que les hommes comprennent enfin ce que Dieu peut leur offrir. Ainsi le don de la vie de Jésus n’était pas inéluctable : les hommes auraient eu la possibilité de l’éviter … non pas en se battant contre l’ennemi romain, mais en acceptant de vivre de cette liberté qu’il leur enseignait, à laquelle il désirait les faire accéder. Et ce qui portait Jésus tout au long de son ministère fut cette agapè. Il aurait parlé toute sorte de langue sans comprendre la langue propre à chacun, celle de sa propre personnalité, unique, celle de son cœur … il aurait été un bruit retentissant, rien de plus. La langue de l’agapè, de l’amour de Dieu, celle dont Jésus vivait donnait aussi la vie avec le pardon, la patience, la compassion, l’attention à autrui. Il aurait prophétisé, exprimé par de grands discours théologiques qui était Dieu, ce qu’il voulait et ce que l’homme devait dire et faire pour entrer dans son royaume – peut-être est-ce le travers dans lequel nous tombons, nous, prédicateurs ? – il aurait alors traversé son temps de vie simplement, comme chacun. Mais son moteur n’était pas les discours, son moteur était l’agapè vécue et non pas théorisée. La foi, il l’avait, et maintenant nous pouvons comprendre les montagnes qu’elle a déplacées en constatant que 2000 ans après son passage, malgré toutes les imperfections – et c’est peu dire ! – de l’Eglise, celle-ci même branlante, malgré tous ses défauts, porte encore en son sein des hommes comme lui, mus par l’agapè, l’amour de Dieu. Ses biens : il ne les donnait pas, il les partageait. Cette agapè était ce qu’il offrait et elle nourrissait les cœurs et les vies des hommes. Ce que nous, chrétiens, vivons tant dans ce que nous recevons que dans ce que nous donnons est si souvent déformé par nos intentions cachées, comme déformé par la confusion que nous créons en mêlant nos rêves, nos désirs pas clairs et nos paroles attribuant tout cela à Dieu. Ainsi, si nous pouvons connaître, aimer, rencontrer Dieu au travers des êtres et événements de nos vies, ce ne sera jamais que confusément, partiellement, car brouillé par nos zones d’ombre. Lui, le Christ, fut le seul qui nous a regardé avec l’agapè, l’amour de Dieu, qui a cru en l’homme sans être naïf cependant, mais en ne perdant jamais confiance ni patience. Par lui, nous sommes rencontrés et rencontrons Dieu, et serons debout devant lui, face à face, dans l’accomplissement de ce qu’auront été nos existences. Si votre petit enfant, un jour, vous demande : « est-ce que c’est pareil être amoureux et aimer », si vous vous rappelez ce texte de Paul, expliquez à votre enfant qu’aimer c’est penser au bonheur de celui dont on est amoureux, vouloir ensemble redonner de ce bonheur aux autres, toujours. Amen