Des mercenaires français pour protéger le président - eps

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Des mercenaires français pour protéger le président - eps
SOLDATS DE FORTUNE
19/07/2013 à 14h26
Des mercenaires français
pour protéger le président
centrafricain
Pierre Haski | Cofondateur
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Le président issu du coup de force de mars 2013, Michel Djotodia à son arrivée à Bangui
(SIA KAMBOU / AFP)
Une vingtaine de mercenaires français, pardon, d’employés d’une société de
sécurité privée, assurent depuis peu la protection rapprochée du président
issu du coup de force armé de mars dernier en République centrafricaine,
Michel Djotodia.
« Mercenaire », c’est pourtant ainsi qu’un officiel français cité par le site de
Jeune Afrique qualifie ces hommes dont Paris tente en vain de demander le
renvoi par les nouveaux maîtres de Centrafrique, qui ont bien du mal à
consolider leur pouvoir.
Depuis quelques jours, ajoute Jeune Afrique, l’ambassade de France à Bangui
tente de convaincre le président Djotodia de les renvoyer :
« Elle cherche aussi la faille juridique dans le contrat conclu avec ces retraités
très spéciaux de l’armée française. Mais ceux-ci appartiennent à une société,
Roussel G-Sécurité, immatriculée dans l’État du Delaware, aux États-Unis.
“ On n’a aucun moyen de pression sur eux ”, reconnaît-on à Paris. »
Du 3e RPIMa à Bangui
Selon La Lettre du Continent, c’est un ancien du célèbre 3e RPIMa (Régiment
parachutiste d’infanterie de marine), Jérôme Gomboc, qui commande cette
petite armée privée au camp Roux, à Bangui, pour le compte de la société
Roussel, qui est en fait basée à Fréjus.
Le logo de la société Roussel qui a remporté le contrat centrafricain (capture d’&eacute ;
cran)
Roussel a de nombreuses activités de sécurité privée, dont la société fait état
sur son site, assurant la protection de concerts, de camps de vacances ou de
grands magasins de grandes enseignes.
Sur le site de Roussel (capture d’écran)
Mais, dès la page d’accueil, elle donne comme « référence » la République
centrafricaine, en reproduisant les armoiries de la RCA, et un écusson de
formateur de la garde présidentielle centrafricaine.
En faisant appel à une société militaire privée, le nouveau pouvoir centrafricain
se dote de moyens militaires que la France lui refuse, dans un climat de
confusion politique, militaire et humanitaire totale.
La semaine dernière, cinq ONG françaises (Médecins Sans Frontières, Action
Contre la Faim, Médecins du Monde, Première Urgence-Aide Médicale
Internationale et Solidarités International) avaient lancé un appel urgent à
renforcer l’action des Nations unies en Centrafrique, « alors que le pays est
plongé dans le chaos et l’instabilité politique et que les besoins des
populations sont criants ».
Elles ajoutaient :
« Au moment où se profilent une dégradation nutritionnelle et un important pic
de paludisme, ce désintérêt aggrave encore une crise humanitaire
particulièrement alarmante. Confrontée depuis des décennies au chaos
politico-militaire, la République Centrafricaine (RCA) est devenue un contexte
d’urgence humanitaire et médicale chronique. »
La Séléka au coeur du problème
Dans ce contexte, les anciens rebelles de la coalition Séléka qui ont pris
Bangui en mars dernier non seulement ne parviennent pas à stabiliser la
situation, mais font partie du problème. Fin juin, Bangui connaissait une
nouvelle flambée de violences faisant six morts, et au cours desquelles les exrebelles pourtant au pouvoir ont été accusés de pillages, notamment au Crédit
mutuel de Centrafrique.
L’arrivée des hommes de Roussel à Bangui apporte un élément de tension
supplémentaire en venant renforcer le pouvoir du président de transition alors
que c’est du côté des forces multinationales, africaines ou onusiennes, que
l’on attendrait des renforts.
D’où la tension avec la France, qui redoute surtout d’être associée aux luttes
pour le pouvoir à Bangui, dans la meilleure tradition de la Françafrique qui a
longtemps sévi dans ce pays.
D’autant que si les hommes de Roussel venaient à être considérés comme
des « mercenaires », ils seraient passibles de poursuites en France où cette
activité est proscrite depuis une loi de 2003.
Eloge de la sécurité privée
Cette affaire centrafricaine survient alors qu’un débat a été lancé en France,
l’an dernier, par un rapport parlementaire qui prenait ouvertement parti en
faveur de la légalisation en France des sociétés militaires privées (SMP), sous
prétexte que le « marché » est dominé par les anglo-saxons.
Les rapporteurs (au cours de la précédente législature), Christian Ménard
(député UMP du Finistère) et Jean-Claude Viollet (député PS de Charente), se
lamentaient :
« Le développement du secteur en France semble pâtir de la mauvaise image
accolée aux prestations privées touchant à la défense. Leur offre souffre d’un
amalgame avec les activités de mercenariat ».
Et Christian Ménard déclarait même au NouvelObs.com qu’un des avantages
des SMP pouvait être d’assurer « une porte de sortie pour les militaires à la
retraite et qui souhaitent se reconvertir ». Comme les anciens du 3e RPIMa
présents à Bangui...
Un autre avantage de cette privatisation, aux yeux des rapporteurs de droite
comme de gauche, serait de permettre de faire des choses que les Etats ne
peuvent pas assumer. Les exemples abondent, en Afrique, en Irak ou en
Afghanistan...
En attendant, la France a une affaire de mercenaires, ou de prestataires de
services privés si on préfère, sur les bras. Au coeur d’une poudrière africaine
qui s’appelle Bangui.
Source : Rue 89, le 19.07.2013

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