ecriture et cadre theorique
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ecriture et cadre theorique
ECRITURE ET CADRE THEORIQUE CORINNE ARNI SEPTEMBRE 2011 Dans mon accompagnement des étudiants dans leur processus d’écriture d’un mémoire de fin de formation, je m’aperçois qu’écrire n’est pas facile et que parler de l’écriture est encore plus difficile. L’écriture est un sujet délicat. En effet, l’écrivain s’identifie souvent à ce qu’il écrit et surtout à sa manière de l’écrire. L’écriture est souvent entourée de « rituels magiques » (Becker, 2004) pour tenter de gérer de manière rationnelle l’anxiété de l’écriture, tels que l’utilisation d’un type de papier uniquement, faire le ménage avant de commencer à écrire. Chacun a son rituel concernant l’écriture. 1. A PROPOS DE L’ECRITURE Nous allons voir que les difficultés liées à l’écriture − telles que « réécrire n’est pas bien » et que « la copie scolaire est gage de valeur personnelle » − proviennent, selon Becker (2004) de la croyance qu’il existe qu’une seule réponse exacte, qu’une seule manière de faire. Fausses idées sur l’écriture L’écriture d’un mémoire ne se fait pas d’un jet, tout le monde se voit obligé de reprendre, de remanier une partie du texte, de modifier sa structure. Il est indispensable de réécrire et de revoir son texte, de déplacer des phrases et même des paragraphes, de restructurer le plan, etc. D’autre part, il n’existe pas une « meilleure façon » de faire. Il n’y a jamais une seule bonne réponse, mais seulement un tas de réponses provisoires qui demandent de faire un choix. Problème du démarrage La plupart des auteurs ont du mal à démarrer. Commencer par un plan est rarement une bonne solution. Par contre, Becker (2004) propose de commencer par jeter sur papier tout ce qui vous passe par la tête, dans une écriture libre et sans jugement. L’objectif de cette écriture est de découvrir ce que vous avez envie de dire. Si vous suivez la consigne, et écrivez ce qui vous passe par la tête, vous vous rendrez compte que vous savez ce que vous voulez dire. Dans cette première écriture, ne pas se soucier du style, car le remaniement peut se faire plus tard. Le but est de coucher les idées sur papier. Ce premier brouillon sert à mettre en évidence toutes les idées et décisions antérieures qui vont déterminer ce que vous voulez écrire. Votre brouillon vous montre également ce qui a besoin d’être éclairci. Il est important de commencer à écrire, de mettre ses pensées sur papier, de leur donner une réalité physique, de voir ce que vous avez envie de dire. Il n’y a aucun danger dans ce jeu là, car vous pouvez à tout moment effacer ce que vous avez écrit ou le transformer. L’écriture peut commencer tôt dans le processus du mémoire. Ecrire de manière précoce met en lumière ce que vous aimeriez traiter et donc les données qu’il faudra recueillir. Ainsi, le fait d’écrire peut contribuer à donner forme à votre projet de recherche, à voir ce qu’il faut faire dans la prochaine étape. Avancer dans son projet de recherche ne se fait pas uniquement par la réflexion, l’écriture y contribue. Problème de l’agencement du mémoire Il n’existe pas une bonne manière de présenter votre mémoire. Il existe au contraire plusieurs approches différentes qui donneront à voir des aspects différents de votre travail. Ce que vous devez trouver, c’est l’impression d’une progression logique d’un point à un autre pour que le lecteur puisse suivre votre raisonnement. Pour conserver un discours linéaire, alors que l’écriture se fait à des moments différents, il est important d’avoir une idée directrice (question de recherche) qui va guider le mouvement de pensée qui porte l’ensemble du mémoire. Truc : Pour garder en tête le mouvement de pensée, on peut écrire sur une grande feuille de papier le sujet, la question de recherche et le plan actuel. Tout au long de la rédaction du mémoire, pour éviter les dérives, vous vous posez la question : faut-il ou non traiter de cette question ? 2 Se référer au mouvement de pensée, à la question de recherche, permet d’avoir des réponses aux questions que vous vous posez (Beaud, 2003) : cette idée n’apporte rien à mon discours, je la laisse de côté, ce point est important pour comprendre mon raisonnement, je le développe, cette idée est marginale, je ne fais que l’évoquer (même si j’ai rassemblé beaucoup de matière), cet argument est essentiel, et je n’ai pas assez d’éléments pour le développer : il faut que j’y retravaille. L’idée directrice, ou la question de recherche, doit vous aider à garder le cap et à faire le tri dans la matière que vous utilisez pour votre rédaction (Beaud, 2003). 2. SUGGESTIONS POUR L’ECRITURE Ecrire sa pensée, c’est laisser une trace, une forme physique, à ce que nous pensons. C’est également donner à voir à autrui sa pensée, se dévoiler dans ce que nous pensons. Pour que son écriture soit comprise par le lecteur, elle demande souvent d’expliciter de nombreux implicites, de nombreux raccourcis qui, à nous auteur, nous semble bien évidents. Techniques d’écriture Un style clair et direct Préférer un style clair et direct qui met l’accent sur des données réelles dans des situations réelles, sans tomber dans un style télégraphique ! Eviter des phrases trop longues qui sont difficiles à manier et à rendre claires. Privilégier les phrases courtes qui véhiculent une idée. Le sens du paragraphe Il est plus aisé de lire un document riche en paragraphes et soustitres. Aller à la ligne permet au lecteur de comprendre les articulations de votre texte. 3 Au sein de chaque paragraphe, dérouler une idée principale de manière logique en phrases et avec des transitions explicites. Eviter la prolifération des énumérations ou des séries d’énumérations qui se succèdent dans un même chapitre. Le texte doit être rédigé, en principe, avec des phrases complètes. C’est essentiel. Les phrases complètes permettent d’exprimer entièrement votre pensée ; la multiplication de phrases incomplètes est un moyen de ne pas prendre position. La définition des termes utilisés La définition des termes clés utilisés dans le mémoire est nécessaire pour que votre mémoire soit compréhensible par un kinésithérapeute ou médecin. Les définitions peuvent faire partie du corps du texte ou en note de bas de page. Pour savoir si votre texte est explicitement compréhensible, faites le lire par un ami qui ne connaît par votre sujet. L’utilisation de la ponctuation La ponctuation, c’est la respiration de la phrase, elle permet de saisir l’ordre, la liaison, les rapports d’idées. Un bon usage de la ponctuation facilite la lecture et la compréhension du texte. Vous trouverez en annexe 1 quelques règles de ponctuation. L’unité de style C’est un objectif à atteindre. C’est lors de relectures que des modifications de style peuvent être apportées au texte. Veiller à harmoniser l’utilisation des temps (imparfait, présent…), la longueur des phrases et l’utilisation du JE ou du NOUS. L’usage veut que le JE et le NOUS soient peu employés dans un mémoire universitaire, pour garantir une bonne mise à distance du sujet et donc une meilleure objectivité. Par contre, l’utilisation du JE est importante quand vous parlez de votre question de recherche, quand vous affirmez votre point de vue. Le NOUS est alors utilisé pour parler d’une communauté de praticiens, soit les fasciathérapeutes, soit les kinésithérapeutes… De l’utilité de la relecture Ecrire et réécrire un texte, pour éviter des soucis d’interprétation, en s’interrogeant sur : - est-ce que votre écriture reflète ce que vous pensez, ce que vous voulez dire ? - est-ce que votre écriture est compréhensible par un lecteur ? 4 Effectuer cette lecture de son écriture demande de poser un regard « extérieur » sur son propre travail, de prendre de la distance. Cette lecture implique également de tenir compte du public auquel le texte est destiné, pour voir si c’est compréhensible. Se relire, c’est également voir la cohérence d’ensemble de son texte en notant dans la marge, par exemple, l’idée maîtresse de chaque paragraphe. Cette méthode permet de voir se dérouler son mouvement de pensée. Vous trouverez en annexe 2 une fiche sur comment faire un résumé. Cette grille de lecture peut être utilisée pour faire une synthèse des textes qui vont constituer votre cadre théorique et lors de la relecture de votre propre texte pour avoir une vision de sa cohérence. 3. L’ECRITURE DU CADRE THEORIQUE Le cadre théorique Un cadre théorique, s’appuie sur des théories valides existantes. Le cadre théorique est un choix, effectué par l’étudiant, de concepts à développer en relation avec sa question de recherche. Le cadre théorique permet de se positionner, d’avoir un point de vue sur la question. Le cadre théorique nécessite plusieurs étapes : - une question de recherche qui va guider les lectures et l’écriture du mémoire - une exploration de la littérature, toujours sous le regard de la question de recherche, en sélectionnant les courants théoriques pertinents par rapport à l’objet de recherche, - l’écriture du cadre théorique. Le cadre théorique sera le cadre d’interprétation des données récoltées. Il permet de comprendre le sens de ce qui a été dit et fait, il permet de prendre position par rapport aux données. Ecriture du cadre théorique La difficulté de l’écriture du cadre théorique réside dans le fait qu’il doit concilier deux postures : - une posture « scientifique » qui fait référence à des écrits sur le sujet, 5 - une posture où le mémorant s’approprie la théorie, la digère et la restitue de manière personnalisée, autour de son questionnement. Une posture où le mémorant devient un « auteur » et écrit en « je » ou « nous »… Cette posture demande une personnalisation du champ théorique, de construire son propre cadre théorique ! Le cadre théorique n’est pas un résumé ou une synthèse de ses lectures. Il ne s’agit pas de résumer toutes les lectures faites, mais de se positionner au sein de ses lectures et de dérouler un fil conducteur propre à soi, fil donné par la question de recherche. « Il incombe à l’auteur scientifique d’organiser sa matière, de développer son argumentation avec assez de clarté pour permettre au lecteur de suivre son raisonnement et d’en accepter les conclusions. » (Becker, 2004, p. 49) Ecriture de l’introduction Il est souvent difficile de commencer l’écriture par l’introduction qui a pour fonction de présenter le mémoire. En effet, l’écriture de l’introduction demande de présenter quelque chose qui n’est pas encore rédigé. Une solution est d’écrire l’introduction en dernier, une fois le texte rédigé. En procédant ainsi, on découvre qu’on dispose de toute une gamme d’introductions possibles, chacune bonne à sa façon, toutes donnant à sa pensée une tournure légèrement différente. 4. POURQUOI ET COMMENT FAIRE DES CITATIONS ? Une citation est « la reproduction d’un texte écrit par un auteur, qui lui est explicitement attribué avec indication de la source au moyen du guillemet et de la note. » (Site internet : www.cours-memoire.ch) Citer un auteur, c’est le convier au sein de votre texte, c’est lui donner la parole. Puis vous discutez avec lui, vous rebondissez, vous le questionnez…. Les citations sont importantes, elles doivent figurer dans le texte mais pas en nombre trop élevés. Trop de citations peut être un signe de paresse : l’étudiant ne se donne pas la peine de pratiquer une synthèse et délègue cette tâche au lecteur. Une citation doit imprimer une dynamique dans le cadre du mouvement de pensée. Eviter les citations trop longues, qui risquent de casse le rythme de votre texte. 6 Inutile de citer tel ou tel auteur pour avancer une banalité. Quand l’auteur cite un texte, il dit implicitement qu’il partage l’idée émise par la citation. Dans le cas contraire, il faut le mentionner de manière explicite. La règle est de toujours mentionner l’auteur, soit en reprenant le texte complet (citation directe), soit en résumant de manière personnelle un point de vue (idée inspirée d’une publication). Exemples d’intégration de citations dans le texte La citation qui sert de définition, sur laquelle l’auteur pourra s’appuyer et faire émerger sa conception propre de l’objet défini : La somato-psychopédagogie est une discipline « qui étudie par quels moyens on peut apprendre et grandir en conscience à partir d’un vécu corporel plus riche et mieux ressenti » (Berger, 2006, p. 12). Le vécu proposé ici est une expérience de soi à travers la médiation du corps. La proposition de la somato-psychopédagogie est en effet d’enrichir l’éprouvé corporel interne de la personne, souvent pauvre, et de lui permettre de donner du sens à son expérience à partir de cet éprouvé. L’approche somato-psychopédagogique repose sur le développement d’un rapport perceptif nouveau de soi à soi et de soi au monde. (Cusson, 2010, p. 11) La citation qui permet de se rattacher à un courant d’idées existant : S’appuyant sur la possibilité d’expérimenter un rapport au corps et à soi tout à fait spécifique, la somato-psychopédagogie s’inscrit pleinement dans le courant de la formation expérientielle où, comme M.-C. Josso (1991) le souligne, de nombreux auteurs « insistent sur la place de l’expérience dans les processus d’apprentissage, de connaissance et de formation » (p. 81). En somato-psychopédagogie, la personne est en effet sollicitée au cœur de son expérience dans des conditions « extraquotidiennes »1 et c’est à travers cette relation singulière à sa dimension sensible qu’elle peut apprendre de son expérience, en dégager le sens contenu afin de se former voire de se transformer. (Cusson, 2010, p. 12) La citation qui vient soutenir questionnement, une posture : une argumentation, un 1 « La mise en situation extra-quotidienne est ainsi nommée par opposition à (ou en complément de) l’expérience quotidienne, cette dernière se composant à la fois d’un cadre habituel et d’une attitude naturelle en ce qui concerne le rapport à l’expérience. Par contraste, une situation extra-quotidienne implique qu’elle se déroule dans des conditions non usuelles. » (Berger, 2009, p. 47) 7 Construit-on le schème de la conservation des longueurs ou des volumes de la même manière que l’on construit le concept de pesanteur ou de reproduction sociale ? La question mérite au moins d’être posée et examinée sérieusement. Cependant, même si les perspectives théoriques et empiriques qu’elles ouvrent sont heuristiquement très prometteuses, il serait dangereux, nous semble-t-il, de généraliser a priori les propositions de Piaget à l’ensemble des formes d’apprentissages. Giordan et de Vecchi (1987) ont soulevé ce problème lorsqu’ils soulignent : « Piaget élude les contenus, c'est-à-dire que, pour faire œuvre globale, il n’envisage pas suffisamment les processus spécifiques et les conditions d’appropriation par les enfants (et encore plus par les adultes) de chaque domaine particulier du savoir. » (p. 72) (Bourgeois & Nizet, 1997, p. 52) Pourquoi cette difficulté à faire exister, sur le plan théorique comme sur le plan pratique, le corps de l’adulte comme partie prenante de toute situation d’éducation ou de formation, corps de l’apprenant ou corps du formateur ? Ce corps dont, pourtant, il est dit par ailleurs qu’il ne peut être exclu d’aucun processus d’apprentissage et même, plus largement, d’aucun processus relationnel. Il y a probablement plusieurs niveaux de réponse à cette question. Est-ce affaire de mentalité ? De parti pris ? Estce la marque de la persistance d’un héritage cartésien et judéochrétien ? Un effet d’une posture déterministe encore (ou à nouveau) dominante dans les sciences de l’éducation ? Il s’avère que cette préoccupation n’a pas laissé indifférents certains auteurs. Ainsi, C. Pujade-Renaud et D. Zimmermann (1979), dans l’introduction aux Voies non verbales de la relation pédagogique, tentent de comprendre pourquoi les processus de communication corporelle et non-verbale « sont rarement pris en compte dans la pratique pédagogique […] encore plus rarement sujets d’étude pour les chercheurs » (p. 11), alors même que, comme les auteurs le soulignent avec pertinence, ces processus sont de plus en plus concernés dans d’autres disciplines telles que l’éthologie, la psychologie génétique, l’anthropologie ou la psychologie sociale pour n’en citer que quelquesunes. (Berger, 2004, p. 29) Si l’on s’en réfère aux auteurs précités, se donner le corps comme objet de recherche n’est effectivement pas chose simple. La diversité du champ concerné par le corps rend sa lecture parfois complexe : car, comme le souligne G. Vigarello (1992), « le choix du ‘corps’ pour aborder une étude sur l’éducation ne garantit aucunement une unité épistémologique, loin s’en faut. Ce serait même le contraire : les thèmes y sont multiples, émiettés, disparates dans leurs appartenances disciplinaires comme dans leurs références théoriques. Personne, pour prendre des exemples extrêmes, ne songerait à concilier la pratique de l’orthopédie et la pratique du théâtre. L’objet ‘corps’ ne constitue pas un champ, il n’appartient pas à un domaine conceptuel homogène. » (p. 5) Cette remarque permet d’ailleurs de comprendre pourquoi, comme il a été mentionné dans l’introduction de ce mémoire, les frontières qui circonscrivent la question du corps dans les Sciences de l’éducation sont difficiles à poser. (Berger, 2004, p. 36) 8 Citer l’origine de ses sources : Ces dernières décennies portent la marque d’un intérêt sans cesse croissant porté au corps : magazines, pubs, émissions, dossiers divers ne cessent d’afficher un « idéal corporel » toujours plus prégnant (Travaillot, 2002). (Berger, 2004, p. 16) La perception dont il est question ici ne renvoie ni aux cinq sens ni au sens proprioceptif, communément appelée « perception sensible », mais à « la perception du Sensible ». Le « Sensible » (Bois, 2001, 2006, 2007 ; Bois & Humpich, 2006 ; Bois & Austry, 2007 ; Berger & Bois, 2008) est un concept mis au point par D. Bois et défini au fil de nombreuses publications […]. (Cusson, 2010, p. 11) Nous verrons que la thèse de Danis Bois (2007) vient bouleverser cette conception de l’apprentissage en constatant qu’une transformation des représentations est nécessaire à l’acquisition de nouvelles compétences au sein du cadre d’expérience extra-quotidien. Cette découverte récente demande à être intégrée au sein de la formation. (Arni, 2009, p. 68) Citer un auteur en reformulant soi-même sa pensée : Pour définir l’expérience, Guy de Villers (1991) fait référence à A. Bailly qui en dégage deux sens principaux : l’un tourné vers l’avenir – dans ce sens l’expérience est un essai dans l’objectif d’obtenir un résultat −, et l’autre tourné vers le passé − ici, l’expérience, qui a été vécue, a permis d’acquérir des connaissances. Dans cette conception, l’expérience est à la fois passée et à venir. Toute expérience tournée vers l’avenir proposée en formation d’adultes ne peut se faire sans tenir compte des connaissances acquises au sein d’expériences passées. (Arni, 2009, p. 66) Comment citer ? Soit on reprend le texte exact que l’on met entre guillemets, et en donnant la référence précise (auteur, année, page). Soit on reprend l’idée d’un auteur que l’on formule avec nos propres mots (paraphraser un texte), dans ce cas on n’oublie pas de mentionner l’auteur de cette pensée (auteur, année). Toutes ces références sont reprises dans la bibliographie qui se trouvera en fin de mémoire. 9 BIBLIOGRAPHIE Arni, C. (2009). Corps et formation en fasciathérapie : Une nouvelle pratique du toucher à l’épreuve de la phénoménologie. Louvain-la-Neuve : Université Catholique de Louvain, Faculté de Psychologie et des Sciences de l’éducation, Institut de Formation en Sciences de l’éducation – FOPA, mémoire de licence. Beaud, M. (2003). L’art de la thèse : Comment préparer et rédiger une thèse de doctorat, un mémoire de DEA ou de maîtrise ou tout autre travail universitaire. Paris : La Découverte. Becker, H. S. (2004). Ecrire les sciences sociales (P. Fogarty & A. Guillemin, traducteurs). Paris : Ed. Economica (Original publié en 1986). Berger, E. (2004). Approches du corps en Sciences de l’Education : Analyse critique des points de vue et positionnements de recherche. Perspectives pour un lien entre éprouvé corporel et relation pédagogique en formation d’adultes. Paris : Université Paris VIII, Mémoire de D.E.A., Approches plurielles en sciences de l’éducation. Bourgeois, E. & Nizet, J. (1997). Apprentissage et formation des adultes. Paris : PUF. Cusson, A. (2010). Les difficultés perceptives en formation de somatopsychopédagogue : Etude des dynamiques à l’œuvre chez des adultes en processus de professionnalisation. Porto : Université Fernando Pessoa, Faculté de Sciences Humaines et Sociales, Dissertation de Mestrado en Psychopédagogie Perceptive. Quivy, R. & Van Campenhoudt, L. (1995). Manuel de recherche en sciences sociales. Paris : Dunod. http://www.cours-memoire.ch/fr/comment-faire-un-memoire/ 10 ANNEXE 1 : REGLES DE PONCTUATION Origine : http://www.cours-memoire.ch/fr/comment-faire-un-memoire/ (Extraits du Dictionnaire Quillet) DÉFINITION La ponctuation est l’ensemble des signes qui, dans l’écriture, servent à marquer les séparations entre les différentes phrases d’un texte, entre les parties principales de chaque phrase et, par conséquent, les pauses et arrêts indispensables au lecteur. C’est un des éléments des procédés de présentation graphique de la phrase phonétique. Elle correspond à des modulations, à des arrêts, à des suspensions de la voix, par suite aux différentes nuances de la pensée. Selon les cas, elle sépare ou elle unit les éléments de la phrase. La ponctuation est la forme la plus importante de l’orthographe. Un texte mal ponctué est difficile, sinon impossible, à lire et même à comprendre, car il peut prêter à des erreurs d’interprétation. Cependant, la ponctuation est, dans une certaine mesure, personnelle et varie selon les auteurs, au moins dans ses détails secondaires (dans ce cas, elle unit les éléments ainsi isolés plutôt qu’elle ne les sépare). EMPLOI DES SIGNES DE PONCTUATION l) Le point Il sert à indiquer que la phrase est achevée, que le sens en est complet. 2) La virgule Elle marque une séparation faible. Elle sépare : - les propositions juxtaposées d’une même phrase : Colomba, sans répondre, serra le mezzalo autour de sa tête, appela le chien de garde et sortit suivie de son frère (Mérimée) ; - les propositions subordonnées de la principale ; Quand je vis l’Acropole, j’eus la révélation du divin (Renan) ; - les différents termes de toute énumération, noms, adjectifs, verbes et adverbes : Femmes, moines, vieillards, tout était descendu (La Fontaine) ; - les mots en apostrophe, les propositions incises, les membres de phrase purement explicatifs : Tremble, m’a-t-elle dit, fille digne de moi ! (Racine) ; 11 - - tous les détails d’une même description, d’un même groupe de faits ; toutes les nuances d’une même pensée, additions, restrictions, etc. : C’était un beau garçon, la tête régulière, le front haut, barbiche et moustache d’un noir brillant sur ce teint basané, un de ces fiers paysans de la vallée du Rhône, qui n’ont rien de l’humilité finaude des villageois du Centre. (Alphonse Daudet) ; un sujet d’un complément quand le verbe est sous-entendu : Antoine livra ses partisans, et Octave, les siens. 3) Le point-virgule Il est une ponctuation plus faible que le point, mais plus forte que la virgule. Il sépare des expressions, différentes ou voisines, de la même idée ou des idées connexes : Un seul genre de vie intéresse au XVIIe siècle, la vie de salon ; on n’en admet pas d’autres ; on ne peint que celle-là. (Taine) 4) Les deux-points Ils servent à annoncer : - une citation, un discours : Le monarque lui dit : « Chétif hôte des bois… » (La Fontaine) ; - une explication, une énumération, une preuve, un exemple : Batailles : Austerlitz, Eylau, Somno-Sierra,Eckmühl, Essling, Wagram, Smolensk, et cætera ! Faits d’armes : trente-deux, blessures : quelques-unes… (Éd. Rostand) 5) Le point d’interrogation Il se place à la fin des phrases interrogatives : Que faisiez-vous au temps chaud ? Dit-elle à cette emprunteuse. (La Fontaine) 6) Le point d’exclamation Il se place après les interjections, en général, et à la fin des phrases exclamatives : Comment ! des animaux qui tremblent devant moi ! Je suis donc un foudre de guerre ! (La Fontaine) 7) Les points de suspension Ils se placent après le dernier mot exprimé d’une phrase volontairement inachevée : Je devrais sur l’autel où ta main sacrifie Te… Mais du prix qu’on m’offre, il me faut contenter. (Racine) Si je ne me retenais, je vous… 12 8) Le trait d’union Il n’est pas, à proprement parler, un signe de ponctuation : c’est la marque d’un rattachement plus intime entre deux ou plusieurs mots. Il s’emploie, en principe : - Pour réunir les éléments des noms et des adjectifs composés : Timbre-poste ; porte-monnaie ; gallo-romain ; anglo-saxon ; rez-dechaussée. - Pour joindre deux noms placés en apposition : Radical-socialiste ; wagon-salon. - Dans les nombres composés inférieurs à cent : quarante-quatre, quatre-vingt-quatorze. - Avec contre et entre joints à un autre mot : contre-attaque ; s’entre-tuer. - Avec même précédé d’un pronom : toi-même, nous-mêmes. - Avec ci et là : celui-ci ; celle-là ; ces pays-là. - Entre les verbes marquant interrogation ou concession et le pronom sujet placé derrière : Viendrez-vous ? Dussé-je y périr ? - Avec le t euphonique placé entre le verbe et le pronom sujet inversé : Viendra-t-il ? Parle-t-il ? Dans ce cas, il y a double trait d’union, avant et après le t euphonique. - Avec en et y placés derrière un verbe : Parlons-en ; allez-y. - Dans certaines autres locutions, telles que peut-être. - À la fin d’une ligne d’écriture ou d’imprimerie, pour marquer que le dernier mot, coupé à cette ligne, est incomplet et sera terminé au début de la ligne suivante. 9) Les parenthèses (…) Elles consistent en deux signes entre lesquels on place un membre de phrase explicatif (appelé parenthèse) qui se détache nettement du reste du texte. l0) Les crochets […] Ils sont une sorte de parenthèses en lignes droites. ll) Le tiret Il s’emploie : - Pour séparer les propos de deux interlocuteurs : Qu’est-ce là ? lui dit-il. - Rien. - Quoi ! Rien ! - Peu de chose. — Mais encore ? - Le collier dont je suis attaché — De ce que vous voyez est peut-être la cause. (La Fontaine) - Pour détacher une explication, une remarque, un détail sur lesquels l’auteur veut attirer spécialement l’attention : Les armes à feu, - prenez-y garde, - ne doivent jamais rester à la portée des enfants. 13 l2) Les guillemets « … » Ils sont deux paires de petits crochets qui encadrent une citation ; souvent, on rouvre les guillemets au commencement de chaque ligne de la citation ; Le renard s’en saisit, et dit : « Mon bon monsieur Apprenez que tout flatteur Vit aux dépens de celui qui l’écoute Cette leçon vaut bien un fromage, sans doute. » (La Fontaine) 14 ANNEXE 2 : COMMENT FAIRE UN RESUME DE TEXTE Quivy, R. & Van Campenhoudt, L. (1995). Manuel de recherche en sciences sociales. Paris : Dunod. Le principal objectif de la lecture est d’en retirer des idées pour son travail. Faire apparaître des idées lors d’une lecture demande une méthode de lecture. Pour progresser dans l’apprentissage de la lecture, Quivy & Van Campenhoudt (1995) proposent une méthode qui comprend deux étapes indissociables : la mise en œuvre d’une grille de lecture et la rédaction d’un résumé. La grille de lecture Lecture d’un texte à partir d’une grille de lecture : Travail d’application « Divisez une feuille de papier en deux colonnes : deux tiers à gauche, un tiers à droite. Intitulez la colonne de gauche ‘Idées-contenu’ et la colonne de droite ‘Repères pour la structure du texte’. Lisez le texte de Durkheim section par section. Une section est un paragraphe ou un ensemble de phrases constituant un tout cohérent. Après chaque section écrivez dans la colonne de gauche de votre feuille l’idée principale du texte original. Donnez-lui le numéro d’ordre de la section lue. Continuez ainsi, de section en section sans vous préoccuper de la colonne de droite. Ce travail terminé, vous disposez dans la colonne de gauche des principales idées du texte original. Relisez-les de manière à en saisir les articulations et à discerner la structure globale de la pensée de l’auteur : ses idées maîtresses, les étapes du raisonnement et la complémentarité entre les parties. Ce sont ces articulations qui doivent apparaître dans la colonne de droite : ‘Repères pour la structure du texte’, en regard des idées résumées dans celle de gauche. Arrivé au terme de l’exercice, comparez votre travail avec la grille de lecture qui suit le texte de Durkheim. L’important n’est pas que vous ayez écrit les mêmes phrases que nous mais bien d’avoir saisi les idées principales et leur structuration. En multipliant les exercices de ce genre, vous améliorerez considérablement votre aptitude à la lecture… même si vous premier essai n’est pas très convaincant. » (Quivy & Van Campenhoudt, 1995, p. 51-52) Le résumé « Faire le résumé d’un texte consiste à mettre en évidence ses idées principales et leurs articulations de manière à faire apparaître l’unité de la pensée de l’auteur. » (Quivy & Van Campenhoudt, 1995, p. 56) 15 La qualité d’un résumé est directement liée à la qualité de la lecture du texte. Faire un résumé s’apprend. Grille de lecture du texte de Durkheim Idées contenu Repères pour la structure du texte 1. Le suicide est peu développé dans les pays catholiques et Projet : préciser l’influence des religions sur le suicide. à son maximum dans les pays protestants. 2. Cependant, le contexte socio-économique de ces pays est différent ; pour éviter toute erreur et préciser au mieux l’influence de ces religions, il faut comparer celles-ci au sein d’une même société. 3. Que l’on compare entre eux les différentes Etats d’un Etablissement des même pays (Allemagne) ou les différentes provinces d’un même Etat (Bavière), on observe que les suicides sont en raison directe du nombre de protestants et en raison inverse de celui des catholiques. faits à l’aide de données statistiques : le protestantisme est la religion où l’on se suicide le plus. 4. La Norvège et la Suède semblent faire exception. Mais il y a trop de différence entre ces pays scandinaves et les pays d’Europe centrale pour que le protestantisme y produise les mêmes effets. Si l’on compare ces deux pays à ceux qui ont le même niveau de civilisation, par exemple l’Italie, on observe que l’on s’y tue deux fois plus. Ces deux « exceptions » tendent donc à confirmer la règle. Fausse exception qui confirme la règle. 5. Chez les juifs, les suicides se situent au même niveau que Première chez les catholiques, parfois en dessous. Les juifs sont minoritaires. Dans les pays protestants, les catholiques le sont aussi. Le fait d’être minoritaire n’est donc pas sans influence. 6. Le fait d’être minoritaire n’explique qu’une partie de la différence d’influence des religions sur le suicide. En effet, lorsque les protestants sont minoritaires, ils se suicident plus que les catholiques majoritaires. explication possible : le caractère minoritaire de la religion. = explication insuffisante. 7. C’est dans la nature des systèmes religieux qu’il faut Deuxième chercher l’explication, et non dans les concernant le suicide car ils sont identiques. principes 8. La seule différence, c’est le libre examen. Tandis que le catholicisme dicte le dogme et exige une foi aveugle, le protestantisme admet que l’individu soit l’artisan de sa croyance. Cela favorise l’individualisme religieux et la explication : la nature des systèmes religieux. Différence importante : le libre examen… 16 multiplication des sectes. 9. Issu de l’ébranlement des anciennes croyances et faisant plus de place à la pensée individuelle, le protestantisme compte en outre moins de croyances et de pratiques communes pour souder ses membres. C’est ce défaut d’intégration qui fait la différence et explique le niveau plus élevé des suicides chez les protestants. … qui conduit à une plus faible intégration : ce qui favorise le suicide. En lisant le contenu de la colonne de gauche, les textes forment un résumé fidèle du texte de Durkheim. Mais dans ce résumé, les idées centrales ne sont pas mises en évidence. Le contenu de la colonne de droite donne les idées centrales, les articulations établies par Durkheim entre elles et la structuration des idées qui seule permet de reconstituer l’unité de la pensée de l’auteur et la cohérence de son raisonnement. « Le véritable travail de résumé consiste précisément à restituer cette unité en mettant l’accent sur les idées les plus importantes et en montrant les liens principaux que l’auteur établit entre elles. » (Quivy & Van Campenhoudt, 1995, p. 58) Le résumé permet également à une personne qui n’a pas lu le texte original d’avoir une bonne idée générale de la pensée de Durkheim. Cet effort de clarté est important, « il constitue à la fois un exercice et un test de compréhension car, si vous ne parvenez pas à rendre votre texte compréhensible pour les autres, il y a de fortes chances qu’il ne le soit pas encore parfaitement pour vous. » (Quivy & Van Campenhoudt, 1995, p. 58) 17 ANNEXE 3 : EXTRAITS DU TEXTE DE DURKHEIM Quivy, R. & Van Campenhoudt, L. (1995). Manuel de recherche en sciences sociales. Paris : Dunod. Extraits du livre de Durkheim : Durkheim, E. (1983). Le suicide. Paris : PUF, p. 149-159 (Original publié en 1930). 1. Si l’on jette un coup d’œil sur la carte des suicides européens, on reconnaît à première vue que dans les pays purement catholiques, comme l’Espagne, le Portugal, l’Italie, le suicide est très peu développé, tandis qu’il est à son maximum dans les pays protestants, en Prusse, en Saxe, en Danemark […]. 2. Néanmoins, cette première comparaison est encore trop sommaire. Malgré d’incontestables similitudes, les milieux sociaux dans lesquels vivent les habitants de ces différents pays ne sont pas identiquement les mêmes. La civilisation de l’Espagne et celle du Portugal sont bien au-dessous de celle de l’Allemagne ; il peut donc se faire que cette infériorité soit la raison de celle que nous venons de constater dans le développement du suicide. Si l’on veut échapper à cette cause d’erreur et déterminer avec plus de précision l’influence du catholicisme et celle du protestantisme sur la tendance au suicide, il faut comparer les deux religions au sein d’une même société. 3. De tous les grands Etats de l’Allemagne, c’est la Bavière qui compte, et de beaucoup, le moins de suicides. Il n’y en a guère, annuellement que 90 par million d’habitants depuis 1874, tandis que la Prusse en a 133 (18711875), le duché de Bade 156, le Wurtemberg 162, la Saxe 300. Or, c’est aussi là que les catholiques sont le plus nombreux ; il y en a 713,2 sur 1 000 habitants. Si, d’autre part, on compare les différentes provinces de ce royaume, on trouve que les suicides y sont en raison directe du nombre des protestants, en raison inverse de celui des catholiques. Ce ne sont pas seulement les rapports des moyennes qui confirment la loi ; mais tous les nombres de la première colonne sont supérieurs à ceux de la seconde et ceux de la seconde à ceux de la troisième sans qu’il y ait aucune irrégularité. Il en est de même en Prusse […] 18 Provinces à minorité catholique - de 50 % Suicides par million d’habitants Palatinat du Rhin Franconie centrale Haute-Franconie Moyenne 187 207 204 192 Provinces à majorité catholique 50 à 90 % Suicides par million d’habitants Basse Franconie Souabe 157 118 Moyenne 135 Provinces où il y a plus de 90 % de catholiques Haut-Palatinat Haute-Bavière Basse-Bavière Moyenne Suicides par million d’habitants 64 114 49 75 Provinces bavaroises (1867-75) 4. Contre une pareille unanimité de faits concordants, il est vain d’invoquer, comme le fait Mayr, le cas unique de la Norvège et de la Suède qui, quoique protestantes, n’ont qu’un chiffre moyen de suicides. D’abord, ainsi que nous en faisions la remarque au début de ce chapitre, ces comparaisons internationales ne sont pas démonstratives, à moins qu’elles ne portent sur un assez grand nombre de pays, et même dans ce cas, elles ne sont pas concluantes. Il y a d’assez grandes différences entre les populations de la presqu’île scandinave et celles de l’Europe centrale, pour qu’on puisse comprendre que le protestantisme ne produise pas exactement les mêmes effets sur les unes et sur les autres. Mais de plus, si, pris en lui-même, le taux des suicides n’est pas très considérable dans ces deux pays, il apparaît relativement élevé si l’on tient compte du rang modeste qu’ils occupent parmi les peuples civilisés d’Europe. Il n’y a pas de raison de croire qu’ils soient parvenus à un niveau intellectuel supérieur à celui de l’Italie, il s’en faut, et pourtant on s’y tue de deux à trois fois plus (90 à 100 suicides par million d’habitants au lieu de 40). Le protestantisme ne serait-il pas la cause de cette aggravation relative ? Ainsi, non seulement le fait n’infirme pas la loi qui vient d’être établie sur un si grand nombre d’observations, mais il tend plutôt à la confirmer. 5. Pour ce qui est des juifs, leur aptitude au suicide est toujours moindre que celle des protestants : très généralement, elle est aussi inférieure, quoique dans une moindre proportion, à celle des catholiques. Cependant, il arrive que ce dernier rapport est renversé ; c’est surtout dans les temps récents que ces cas d’inversion se rencontrent […]. Si l’on songe que, partout, les juifs sont en nombre infime et que, dans la plupart des sociétés où ont été faites les observations précédentes, les catholiques sont en minorité, on sera tenté de voir dans ce fait la cause qui explique la rareté relative des morts volontaires dans ces deux cultes. On conçoit, en effet, que les confessions les moins nombreuses, ayant à lutter contre l’hostilité des populations ambiantes, soient obligées, pour se maintenir, d’exercer sur elles-mêmes un contrôle sévère et de s’astreindre à une discipline particulièrement rigoureuse. Pour justifier la tolérance, toujours précaire, qui leur est accordée, elles sont tenues à plus de moralité. En dehors de 19 ces considérations, certains faits semblent réellement impliquer que ce facteur spécial n’est pas sans quelque influence […]. 6. Mais, en tout cas, cette explication ne saurait suffire à rendre compte de la situation respective des protestants et des catholiques. Car si, en Autriche et en Bavière, où le catholicisme a la majorité, l’influence préservatrice qu’il exerce est moindre, elle est encore très considérable. Ce n’est pas donc pas seulement à son état de minorité qu’il la doit. Plus généralement, quelle que soit la part proportionnelle de ces deux cultes dans l’ensemble de la population, partout où l’on a pu les comparer au point de vue du suicide, on a constaté que les protestants se tuent beaucoup plus que les catholiques. Il y a même des pays comme le HautPalatinat, la Haute-Bavière, où la population est presque tout entière catholiuqe (92 et 96%) et où, cependant, il y a 300 et 423 suicides protestants pour 100 catholiques. Le rapport même s’élève jusqu’à 528% dans la Basse-Bavière où la religion réformée ne compte pas tout à fait un fidèle sur 100 habitants. Donc, quand même la prudence obligatoire des minorités serait pour quelque chose dans l’écart si considérable que présentent ces deux religions, la plus grande part est certainement due à d’autre causes. 7. C’est dans la nature de ces deux systèmes religieux que nous les trouverons. Cependant, ils prohibent tous les deux le suicide avec la même netteté ; non seulement ils le frappent de peines morales d’une extrême sévérité, mais l’un et l’autre enseignent également qu’au-delà du tombeau commence une vie nouvelle où les hommes seront punis de leurs mauvaises actions, et le protestantisme met le suicide au nombre de ces dernières, tout aussi bien que le catholicisme. Enfin, dans l’un et l’autre culte, ces prohibitions ont un caractère divin : elles ne sont pas présentées comme la conclusion logique d’un raisonnement bien fait, mais leur autorité est celle de Dieu lui-même. Si donc le protestantisme favorise le développement du suicide, ce n’est pas qu’il le traite autrement que ne fait le catholicisme. Mais alors, si, sur ce point particulier, les deux religions ont les mêmes préceptes, leur inégale action sur le suicide doit avoir pour cause quelqu’un des caractères plus généraux par lesquels elles se différencient. 8. Or, la seule différence essentielle qu’il y ait entre le catholicisme et le protestantisme, c’est que le second admet le libre examen dans une bien plus large proportion que le premier. Sans doute, le catholicisme, par cela seul qu’il est une religion idéaliste, fait déjà à la pensée et à la réflexion une bien plus grande place que le polythéisme gréco-latin ou que le monothéisme juif. Il ne se contente plus de manœuvres machinales, mais c’est sur les consciences qu’il aspire à régner. C’est donc à elles qu’il s’adresse et, alors même qu’il demande à la raison une aveugle soumission, c’est en lui parlant le langage de la raison. Il n’en est pas moins vrai que le catholique reçoit sa foi toute faite, sans examen. Il ne peut 20 même pas la soumettre à un contrôle historique, puisque les textes originaux sur lesquels on l’appuie lui sont interdits. Tout un système hiérarchique d’autorité est organisé, et avec un art merveilleux, pour rendre la tradition invariable. Tout ce qui est variation est en horreur à la pensée catholique. Le protestant est davantage l’auteur de sa croyance. La Bible est mise entre ses mains et nulle interprétation ne lui en est imposée. La structure même du culte réformé rend sensible cet état d’individualisme religieux. Nulle part, sauf en Angleterre, le clergé protestant n’est hiérarchisé ; le prêtre ne relève que de lui-même et de sa conscience, comme le fidèle. C’est un guide plus instruit que le commun des croyants, mais sans autorité spéciale pour fixer le dogme. Mais ce qui atteste le mieux que cette liberté d’examen, proclamée par les fondateurs de la réforme, n’est pas restée à l’état d’affirmation platonique, c’est cette multiplicité croissante de sectes de toute sorte qui contraste si énergiquement avec l’unité de l’Eglise catholique […]. 9. Ainsi, s’il est vrai de dire que le libre examen, une fois qu’il est proclamé, multiplie les schismes, il faut ajouter qu’il les suppose et qu’il en dérive, car il n’est réclamé et institué comme un principe que pour permettre à des schismes latents ou à demi déclarés de se développer plus librement. Par conséquent, si le protestantisme fait à la pensée individuelle une plus grande part que le catholicisme, c’est qu’il compte moins de croyances et de pratiques communes. Or, une société religieuse n’existe pas sans un credo collectif, et elle est d’autant plus une et d’autant plus forte que ce credo est plus étendu. Car elle n’unit pas les hommes par l’échange et la réciprocité des services, lien temporel qui comporte et suppose même des différences, mais qu’elle est impuissante à nouer. Elle ne les socialise qu’en les attachant tous à un même corps de doctrines et elle les socialise d’autant mieux que ce corps de doctrines est plus vaste et plus solidement constitué. Plus il y a de manières d’agir et de penser, marquées d’un caractère religieux, sous-traites, par conséquent, au libre examen, plus aussi l’idée de Dieu est présente à tous les détails de l’existence et fait converger vers un seul et même but les volontés individuelles. Inversement, plus un groupe confessionnel abandonne au jugement des particuliers, plus il est absent de leur vie, moins il a de cohésion et de vitalité. Nous arrivons donc à cette conclusion, que la supériorité du protestantisme au point de vue du suicide vient de ce qu’il est une Eglise moins fortement intégrée que l’Eglise catholique. 21