ecriture et cadre theorique

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ecriture et cadre theorique
ECRITURE ET CADRE THEORIQUE
CORINNE ARNI
SEPTEMBRE 2011
Dans mon accompagnement des étudiants dans leur processus
d’écriture d’un mémoire de fin de formation, je m’aperçois qu’écrire
n’est pas facile et que parler de l’écriture est encore plus difficile.
L’écriture est un sujet délicat. En effet, l’écrivain s’identifie souvent à ce
qu’il écrit et surtout à sa manière de l’écrire.
L’écriture est souvent entourée de « rituels magiques » (Becker, 2004)
pour tenter de gérer de manière rationnelle l’anxiété de l’écriture, tels
que l’utilisation d’un type de papier uniquement, faire le ménage
avant de commencer à écrire. Chacun a son rituel concernant
l’écriture.
1. A PROPOS DE L’ECRITURE
Nous allons voir que les difficultés liées à l’écriture − telles que « réécrire
n’est pas bien » et que « la copie scolaire est gage de valeur
personnelle » − proviennent, selon Becker (2004) de la croyance qu’il
existe qu’une seule réponse exacte, qu’une seule manière de faire.
Fausses idées sur l’écriture
L’écriture d’un mémoire ne se fait pas d’un jet, tout le monde se voit
obligé de reprendre, de remanier une partie du texte, de modifier sa
structure. Il est indispensable de réécrire et de revoir son texte, de
déplacer des phrases et même des paragraphes, de restructurer le
plan, etc.
D’autre part, il n’existe pas une « meilleure façon » de faire. Il n’y a
jamais une seule bonne réponse, mais seulement un tas de réponses
provisoires qui demandent de faire un choix.
Problème du démarrage
La plupart des auteurs ont du mal à démarrer. Commencer par un plan
est rarement une bonne solution. Par contre, Becker (2004) propose de
commencer par jeter sur papier tout ce qui vous passe par la tête,
dans une écriture libre et sans jugement. L’objectif de cette écriture est
de découvrir ce que vous avez envie de dire. Si vous suivez la consigne,
et écrivez ce qui vous passe par la tête, vous vous rendrez compte que
vous savez ce que vous voulez dire.
Dans cette première écriture, ne pas se soucier du style, car le
remaniement peut se faire plus tard. Le but est de coucher les idées sur
papier. Ce premier brouillon sert à mettre en évidence toutes les idées
et décisions antérieures qui vont déterminer ce que vous voulez écrire.
Votre brouillon vous montre également ce qui a besoin d’être éclairci.
Il est important de commencer à écrire, de mettre ses pensées sur
papier, de leur donner une réalité physique, de voir ce que vous avez
envie de dire. Il n’y a aucun danger dans ce jeu là, car vous pouvez à
tout moment effacer ce que vous avez écrit ou le transformer.
L’écriture peut commencer tôt dans le processus du mémoire. Ecrire de
manière précoce met en lumière ce que vous aimeriez traiter et donc
les données qu’il faudra recueillir. Ainsi, le fait d’écrire peut contribuer à
donner forme à votre projet de recherche, à voir ce qu’il faut faire
dans la prochaine étape. Avancer dans son projet de recherche ne se
fait pas uniquement par la réflexion, l’écriture y contribue.
Problème de l’agencement du mémoire
Il n’existe pas une bonne manière de présenter votre mémoire. Il existe
au contraire plusieurs approches différentes qui donneront à voir des
aspects différents de votre travail.
Ce que vous devez trouver, c’est l’impression d’une progression logique
d’un point à un autre pour que le lecteur puisse suivre votre
raisonnement. Pour conserver un discours linéaire, alors que l’écriture se
fait à des moments différents, il est important d’avoir une idée
directrice (question de recherche) qui va guider le mouvement de
pensée qui porte l’ensemble du mémoire.
Truc : Pour garder en tête le mouvement de pensée, on peut écrire sur
une grande feuille de papier le sujet, la question de recherche et le
plan actuel. Tout au long de la rédaction du mémoire, pour éviter les
dérives, vous vous posez la question : faut-il ou non traiter de cette
question ?
2
Se référer au mouvement de pensée, à la question de recherche,
permet d’avoir des réponses aux questions que vous vous posez
(Beaud, 2003) :
 cette idée n’apporte rien à mon discours, je la laisse de côté,
 ce point est important pour comprendre mon raisonnement, je le
développe,
 cette idée est marginale, je ne fais que l’évoquer (même si j’ai
rassemblé beaucoup de matière),
 cet argument est essentiel, et je n’ai pas assez d’éléments pour le
développer : il faut que j’y retravaille.
L’idée directrice, ou la question de recherche, doit vous aider à garder
le cap et à faire le tri dans la matière que vous utilisez pour votre
rédaction (Beaud, 2003).
2. SUGGESTIONS POUR L’ECRITURE
Ecrire sa pensée, c’est laisser une trace, une forme physique, à ce que
nous pensons. C’est également donner à voir à autrui sa pensée, se
dévoiler dans ce que nous pensons.
Pour que son écriture soit comprise par le lecteur, elle demande
souvent d’expliciter de nombreux implicites, de nombreux raccourcis
qui, à nous auteur, nous semble bien évidents.
Techniques d’écriture
Un style clair et direct
 Préférer un style clair et direct qui met l’accent sur des
données réelles dans des situations réelles, sans tomber dans
un style télégraphique !
 Eviter des phrases trop longues qui sont difficiles à manier et à
rendre claires.
 Privilégier les phrases courtes qui véhiculent une idée.
Le sens du paragraphe
 Il est plus aisé de lire un document riche en paragraphes et soustitres.
 Aller à la ligne permet au lecteur de comprendre les articulations
de votre texte.
3


Au sein de chaque paragraphe, dérouler une idée principale de
manière logique en phrases et avec des transitions explicites.
Eviter la prolifération des énumérations ou des séries
d’énumérations qui se succèdent dans un même chapitre. Le
texte doit être rédigé, en principe, avec des phrases complètes.
C’est essentiel. Les phrases complètes permettent d’exprimer
entièrement votre pensée ; la multiplication de phrases
incomplètes est un moyen de ne pas prendre position.
La définition des termes utilisés
La définition des termes clés utilisés dans le mémoire est nécessaire
pour que votre mémoire soit compréhensible par un kinésithérapeute
ou médecin. Les définitions peuvent faire partie du corps du texte ou
en note de bas de page. Pour savoir si votre texte est explicitement
compréhensible, faites le lire par un ami qui ne connaît par votre sujet.
L’utilisation de la ponctuation
La ponctuation, c’est la respiration de la phrase, elle permet de saisir
l’ordre, la liaison, les rapports d’idées. Un bon usage de la ponctuation
facilite la lecture et la compréhension du texte. Vous trouverez en
annexe 1 quelques règles de ponctuation.
L’unité de style
C’est un objectif à atteindre. C’est lors de relectures que des
modifications de style peuvent être apportées au texte. Veiller à
harmoniser l’utilisation des temps (imparfait, présent…), la longueur des
phrases et l’utilisation du JE ou du NOUS.
 L’usage veut que le JE et le NOUS soient peu employés dans
un mémoire universitaire, pour garantir une bonne mise à
distance du sujet et donc une meilleure objectivité.
 Par contre, l’utilisation du JE est importante quand vous parlez
de votre question de recherche, quand vous affirmez votre
point de vue.
 Le NOUS est alors utilisé pour parler d’une communauté de
praticiens,
soit
les
fasciathérapeutes,
soit
les
kinésithérapeutes…
De l’utilité de la relecture
Ecrire et réécrire un texte, pour éviter des soucis d’interprétation, en
s’interrogeant sur :
- est-ce que votre écriture reflète ce que vous pensez, ce que vous
voulez dire ?
- est-ce que votre écriture est compréhensible par un lecteur ?
4
Effectuer cette lecture de son écriture demande de poser un regard
« extérieur » sur son propre travail, de prendre de la distance. Cette
lecture implique également de tenir compte du public auquel le texte
est destiné, pour voir si c’est compréhensible.
Se relire, c’est également voir la cohérence d’ensemble de son texte
en notant dans la marge, par exemple, l’idée maîtresse de chaque
paragraphe. Cette méthode permet de voir se dérouler son
mouvement de pensée.
Vous trouverez en annexe 2 une fiche sur comment faire un résumé.
Cette grille de lecture peut être utilisée pour faire une synthèse des
textes qui vont constituer votre cadre théorique et lors de la relecture
de votre propre texte pour avoir une vision de sa cohérence.
3. L’ECRITURE DU CADRE THEORIQUE
Le cadre théorique
Un cadre théorique, s’appuie sur des théories valides existantes.
Le cadre théorique est un choix, effectué par l’étudiant, de concepts à
développer en relation avec sa question de recherche. Le cadre
théorique permet de se positionner, d’avoir un point de vue sur la
question.
Le cadre théorique nécessite plusieurs étapes :
- une question de recherche qui va guider les lectures et l’écriture du
mémoire
- une exploration de la littérature, toujours sous le regard de la
question de recherche, en sélectionnant les courants théoriques
pertinents par rapport à l’objet de recherche,
- l’écriture du cadre théorique.
Le cadre théorique sera le cadre d’interprétation des données
récoltées. Il permet de comprendre le sens de ce qui a été dit et fait, il
permet de prendre position par rapport aux données.
Ecriture du cadre théorique
La difficulté de l’écriture du cadre théorique réside dans le fait qu’il doit
concilier deux postures :
- une posture « scientifique » qui fait référence à des écrits sur le sujet,
5
-
une posture où le mémorant s’approprie la théorie, la digère et la
restitue de manière personnalisée, autour de son questionnement.
Une posture où le mémorant devient un « auteur » et écrit en « je »
ou « nous »… Cette posture demande une personnalisation du
champ théorique, de construire son propre cadre théorique !
Le cadre théorique n’est pas un résumé ou une synthèse de ses
lectures. Il ne s’agit pas de résumer toutes les lectures faites, mais de se
positionner au sein de ses lectures et de dérouler un fil conducteur
propre à soi, fil donné par la question de recherche. « Il incombe à
l’auteur scientifique d’organiser sa matière, de développer son
argumentation avec assez de clarté pour permettre au lecteur de
suivre son raisonnement et d’en accepter les conclusions. » (Becker,
2004, p. 49)
Ecriture de l’introduction
Il est souvent difficile de commencer l’écriture par l’introduction qui a
pour fonction de présenter le mémoire. En effet, l’écriture de
l’introduction demande de présenter quelque chose qui n’est pas
encore rédigé. Une solution est d’écrire l’introduction en dernier, une
fois le texte rédigé. En procédant ainsi, on découvre qu’on dispose de
toute une gamme d’introductions possibles, chacune bonne à sa
façon, toutes donnant à sa pensée une tournure légèrement différente.
4. POURQUOI ET COMMENT FAIRE DES CITATIONS ?
Une citation est « la reproduction d’un texte écrit par un auteur, qui lui
est explicitement attribué avec indication de la source au moyen du
guillemet et de la note. » (Site internet : www.cours-memoire.ch)
Citer un auteur, c’est le convier au sein de votre texte, c’est lui donner
la parole. Puis vous discutez avec lui, vous rebondissez, vous le
questionnez….
Les citations sont importantes, elles doivent figurer dans le texte mais
pas en nombre trop élevés. Trop de citations peut être un signe de
paresse : l’étudiant ne se donne pas la peine de pratiquer une synthèse
et délègue cette tâche au lecteur.
Une citation doit imprimer une dynamique dans le cadre du
mouvement de pensée. Eviter les citations trop longues, qui risquent de
casse le rythme de votre texte.
6
Inutile de citer tel ou tel auteur pour avancer une banalité.
Quand l’auteur cite un texte, il dit implicitement qu’il partage l’idée
émise par la citation. Dans le cas contraire, il faut le mentionner de
manière explicite.
La règle est de toujours mentionner l’auteur, soit en reprenant le texte
complet (citation directe), soit en résumant de manière personnelle un
point de vue (idée inspirée d’une publication).
Exemples d’intégration de citations dans le texte

La citation qui sert de définition, sur laquelle l’auteur pourra
s’appuyer et faire émerger sa conception propre de l’objet défini :
La somato-psychopédagogie est une discipline « qui étudie par quels
moyens on peut apprendre et grandir en conscience à partir d’un vécu
corporel plus riche et mieux ressenti » (Berger, 2006, p. 12). Le vécu
proposé ici est une expérience de soi à travers la médiation du corps. La
proposition de la somato-psychopédagogie est en effet d’enrichir
l’éprouvé corporel interne de la personne, souvent pauvre, et de lui
permettre de donner du sens à son expérience à partir de cet éprouvé.
L’approche somato-psychopédagogique repose sur le développement
d’un rapport perceptif nouveau de soi à soi et de soi au monde. (Cusson,
2010, p. 11)

La citation qui permet de se rattacher à un courant d’idées
existant :
S’appuyant sur la possibilité d’expérimenter un rapport au corps et à soi
tout à fait spécifique, la somato-psychopédagogie s’inscrit pleinement
dans le courant de la formation expérientielle où, comme M.-C. Josso
(1991) le souligne, de nombreux auteurs « insistent sur la place de
l’expérience dans les processus d’apprentissage, de connaissance et de
formation » (p. 81). En somato-psychopédagogie, la personne est en effet
sollicitée au cœur de son expérience dans des conditions « extraquotidiennes »1 et c’est à travers cette relation singulière à sa dimension
sensible qu’elle peut apprendre de son expérience, en dégager le sens
contenu afin de se former voire de se transformer. (Cusson, 2010, p. 12)

La citation qui vient soutenir
questionnement, une posture :
une
argumentation,
un
1
« La mise en situation extra-quotidienne est ainsi nommée par opposition à (ou en
complément de) l’expérience quotidienne, cette dernière se composant à la fois d’un cadre
habituel et d’une attitude naturelle en ce qui concerne le rapport à l’expérience. Par
contraste, une situation extra-quotidienne implique qu’elle se déroule dans des conditions
non usuelles. » (Berger, 2009, p. 47)
7
Construit-on le schème de la conservation des longueurs ou des
volumes de la même manière que l’on construit le concept de pesanteur
ou de reproduction sociale ? La question mérite au moins d’être posée et
examinée sérieusement. Cependant, même si les perspectives théoriques
et empiriques qu’elles ouvrent sont heuristiquement très prometteuses, il
serait dangereux, nous semble-t-il, de généraliser a priori les propositions
de Piaget à l’ensemble des formes d’apprentissages. Giordan et de
Vecchi (1987) ont soulevé ce problème lorsqu’ils soulignent : « Piaget élude
les contenus, c'est-à-dire que, pour faire œuvre globale, il n’envisage pas
suffisamment les processus spécifiques et les conditions d’appropriation
par les enfants (et encore plus par les adultes) de chaque domaine
particulier du savoir. » (p. 72) (Bourgeois & Nizet, 1997, p. 52)
Pourquoi cette difficulté à faire exister, sur le plan théorique comme sur
le plan pratique, le corps de l’adulte comme partie prenante de toute
situation d’éducation ou de formation, corps de l’apprenant ou corps du
formateur ? Ce corps dont, pourtant, il est dit par ailleurs qu’il ne peut être
exclu d’aucun processus d’apprentissage et même, plus largement,
d’aucun processus relationnel. Il y a probablement plusieurs niveaux de
réponse à cette question. Est-ce affaire de mentalité ? De parti pris ? Estce la marque de la persistance d’un héritage cartésien et judéochrétien ? Un effet d’une posture déterministe encore (ou à nouveau)
dominante dans les sciences de l’éducation ?
Il s’avère que cette préoccupation n’a pas laissé indifférents certains
auteurs. Ainsi, C. Pujade-Renaud et D. Zimmermann (1979), dans
l’introduction aux Voies non verbales de la relation pédagogique, tentent
de comprendre pourquoi les processus de communication corporelle et
non-verbale « sont rarement pris en compte dans la pratique
pédagogique […] encore plus rarement sujets d’étude pour les
chercheurs » (p. 11), alors même que, comme les auteurs le soulignent
avec pertinence, ces processus sont de plus en plus concernés dans
d’autres disciplines telles que l’éthologie, la psychologie génétique,
l’anthropologie ou la psychologie sociale pour n’en citer que quelquesunes. (Berger, 2004, p. 29)
Si l’on s’en réfère aux auteurs précités, se donner le corps comme objet
de recherche n’est effectivement pas chose simple. La diversité du
champ concerné par le corps rend sa lecture parfois complexe : car,
comme le souligne G. Vigarello (1992), « le choix du ‘corps’ pour aborder
une étude sur l’éducation ne garantit aucunement une unité
épistémologique, loin s’en faut. Ce serait même le contraire : les thèmes y
sont multiples, émiettés, disparates dans leurs appartenances disciplinaires
comme dans leurs références théoriques. Personne, pour prendre des
exemples extrêmes, ne songerait à concilier la pratique de l’orthopédie et
la pratique du théâtre. L’objet ‘corps’ ne constitue pas un champ, il
n’appartient pas à un domaine conceptuel homogène. » (p. 5)
Cette remarque permet d’ailleurs de comprendre pourquoi, comme il
a été mentionné dans l’introduction de ce mémoire, les frontières qui
circonscrivent la question du corps dans les Sciences de l’éducation sont
difficiles à poser. (Berger, 2004, p. 36)
8

Citer l’origine de ses sources :
Ces dernières décennies portent la marque d’un intérêt sans cesse
croissant porté au corps : magazines, pubs, émissions, dossiers divers ne
cessent d’afficher un « idéal corporel » toujours plus prégnant (Travaillot,
2002). (Berger, 2004, p. 16)
La perception dont il est question ici ne renvoie ni aux cinq sens ni au
sens proprioceptif, communément appelée « perception sensible », mais
à « la perception du Sensible ». Le « Sensible » (Bois, 2001, 2006, 2007 ; Bois &
Humpich, 2006 ; Bois & Austry, 2007 ; Berger & Bois, 2008) est un concept
mis au point par D. Bois et défini au fil de nombreuses publications […].
(Cusson, 2010, p. 11)
Nous verrons que la thèse de Danis Bois (2007) vient bouleverser cette
conception de l’apprentissage en constatant qu’une transformation des
représentations est nécessaire à l’acquisition de nouvelles compétences
au sein du cadre d’expérience extra-quotidien. Cette découverte récente
demande à être intégrée au sein de la formation. (Arni, 2009, p. 68)

Citer un auteur en reformulant soi-même sa pensée :
Pour définir l’expérience, Guy de Villers (1991) fait référence à A. Bailly
qui en dégage deux sens principaux : l’un tourné vers l’avenir – dans ce
sens l’expérience est un essai dans l’objectif d’obtenir un résultat −, et
l’autre tourné vers le passé − ici, l’expérience, qui a été vécue, a permis
d’acquérir des connaissances. Dans cette conception, l’expérience est à
la fois passée et à venir. Toute expérience tournée vers l’avenir proposée
en formation d’adultes ne peut se faire sans tenir compte des
connaissances acquises au sein d’expériences passées. (Arni, 2009, p. 66)
Comment citer ?



Soit on reprend le texte exact que l’on met entre guillemets, et
en donnant la référence précise (auteur, année, page).
Soit on reprend l’idée d’un auteur que l’on formule avec nos
propres mots (paraphraser un texte), dans ce cas on n’oublie pas
de mentionner l’auteur de cette pensée (auteur, année).
Toutes ces références sont reprises dans la bibliographie qui se
trouvera en fin de mémoire.
9
BIBLIOGRAPHIE
Arni, C. (2009). Corps et formation en fasciathérapie : Une nouvelle pratique
du toucher à l’épreuve de la phénoménologie. Louvain-la-Neuve :
Université Catholique de Louvain, Faculté de Psychologie et des
Sciences de l’éducation, Institut de Formation en Sciences de
l’éducation – FOPA, mémoire de licence.
Beaud, M. (2003). L’art de la thèse : Comment préparer et rédiger une thèse
de doctorat, un mémoire de DEA ou de maîtrise ou tout autre travail
universitaire. Paris : La Découverte.
Becker, H. S. (2004). Ecrire les sciences sociales (P. Fogarty & A. Guillemin,
traducteurs). Paris : Ed. Economica (Original publié en 1986).
Berger, E. (2004). Approches du corps en Sciences de l’Education : Analyse
critique des points de vue et positionnements de recherche.
Perspectives pour un lien entre éprouvé corporel et relation
pédagogique en formation d’adultes. Paris : Université Paris VIII,
Mémoire de D.E.A., Approches plurielles en sciences de l’éducation.
Bourgeois, E. & Nizet, J. (1997). Apprentissage et formation des adultes. Paris :
PUF.
Cusson, A. (2010). Les difficultés perceptives en formation de somatopsychopédagogue : Etude des dynamiques à l’œuvre chez des
adultes en processus de professionnalisation. Porto : Université
Fernando Pessoa, Faculté de Sciences Humaines et Sociales,
Dissertation de Mestrado en Psychopédagogie Perceptive.
Quivy, R. & Van Campenhoudt, L. (1995). Manuel de recherche en sciences
sociales. Paris : Dunod.
http://www.cours-memoire.ch/fr/comment-faire-un-memoire/
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ANNEXE 1 : REGLES DE PONCTUATION
Origine : http://www.cours-memoire.ch/fr/comment-faire-un-memoire/
(Extraits du Dictionnaire Quillet)
DÉFINITION
La ponctuation est l’ensemble des signes qui, dans l’écriture, servent à
marquer les séparations entre les différentes phrases d’un texte, entre les
parties principales de chaque phrase et, par conséquent, les pauses et
arrêts indispensables au lecteur. C’est un des éléments des procédés de
présentation graphique de la phrase phonétique. Elle correspond à des
modulations, à des arrêts, à des suspensions de la voix, par suite aux
différentes nuances de la pensée. Selon les cas, elle sépare ou elle unit les
éléments de la phrase.
La ponctuation est la forme la plus importante de l’orthographe. Un
texte mal ponctué est difficile, sinon impossible, à lire et même à
comprendre, car il peut prêter à des erreurs d’interprétation. Cependant, la
ponctuation est, dans une certaine mesure, personnelle et varie selon les
auteurs, au moins dans ses détails secondaires (dans ce cas, elle unit les
éléments ainsi isolés plutôt qu’elle ne les sépare).
EMPLOI DES SIGNES DE PONCTUATION
l) Le point
Il sert à indiquer que la phrase est achevée, que le sens en est complet.
2) La virgule
Elle marque une séparation faible. Elle sépare :
- les propositions juxtaposées d’une même phrase :
Colomba, sans répondre, serra le mezzalo autour de sa tête,
appela le chien de garde et sortit suivie de son frère
(Mérimée) ;
- les propositions subordonnées de la principale ;
Quand je vis l’Acropole, j’eus la révélation du divin (Renan) ;
- les différents termes de toute énumération, noms, adjectifs, verbes
et adverbes :
Femmes, moines, vieillards, tout était descendu (La Fontaine) ;
- les mots en apostrophe, les propositions incises, les membres de
phrase purement explicatifs :
Tremble, m’a-t-elle dit, fille digne de moi ! (Racine) ;
11
-
-
tous les détails d’une même description, d’un même groupe de
faits ; toutes les nuances d’une même pensée, additions,
restrictions, etc. :
C’était un beau garçon, la tête régulière, le front haut,
barbiche et moustache d’un noir brillant sur ce teint
basané,
un de ces fiers paysans de la vallée du Rhône, qui n’ont
rien de l’humilité finaude des villageois du Centre.
(Alphonse Daudet) ;
un sujet d’un complément quand le verbe est sous-entendu :
Antoine livra ses partisans, et Octave, les siens.
3) Le point-virgule
Il est une ponctuation plus faible que le point, mais plus forte que la
virgule. Il sépare des expressions, différentes ou voisines, de la même
idée ou des idées connexes :
Un seul genre de vie intéresse au XVIIe siècle,
la vie de salon ; on n’en admet pas d’autres ;
on ne peint que celle-là. (Taine)
4) Les deux-points
Ils servent à annoncer :
- une citation, un discours :
Le monarque lui dit : « Chétif hôte des bois… » (La Fontaine) ;
- une explication, une énumération, une preuve, un exemple :
Batailles : Austerlitz, Eylau, Somno-Sierra,Eckmühl, Essling,
Wagram, Smolensk, et cætera !
Faits d’armes : trente-deux, blessures : quelques-unes… (Éd.
Rostand)
5) Le point d’interrogation
Il se place à la fin des phrases interrogatives :
Que faisiez-vous au temps chaud ?
Dit-elle à cette emprunteuse. (La Fontaine)
6) Le point d’exclamation
Il se place après les interjections, en général, et à la fin des phrases
exclamatives :
Comment ! des animaux qui tremblent devant moi !
Je suis donc un foudre de guerre ! (La Fontaine)
7) Les points de suspension
Ils se placent après le dernier mot exprimé d’une phrase
volontairement inachevée :
Je devrais sur l’autel où ta main sacrifie
Te… Mais du prix qu’on m’offre, il me faut contenter. (Racine)
Si je ne me retenais, je vous…
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8) Le trait d’union
Il n’est pas, à proprement parler, un signe de ponctuation : c’est la
marque d’un rattachement plus intime entre deux ou plusieurs mots. Il
s’emploie, en principe :
- Pour réunir les éléments des noms et des adjectifs composés :
Timbre-poste ; porte-monnaie ; gallo-romain ; anglo-saxon ; rez-dechaussée.
- Pour joindre deux noms placés en apposition : Radical-socialiste ;
wagon-salon.
- Dans les nombres composés inférieurs à cent : quarante-quatre,
quatre-vingt-quatorze.
- Avec contre et entre joints à un autre mot : contre-attaque ;
s’entre-tuer.
- Avec même précédé d’un pronom : toi-même, nous-mêmes.
- Avec ci et là : celui-ci ; celle-là ; ces pays-là.
- Entre les verbes marquant interrogation ou concession et le
pronom sujet placé derrière : Viendrez-vous ? Dussé-je y périr ?
- Avec le t euphonique placé entre le verbe et le pronom sujet
inversé : Viendra-t-il ? Parle-t-il ? Dans ce cas, il y a double trait
d’union, avant et après le t euphonique.
- Avec en et y placés derrière un verbe : Parlons-en ; allez-y.
- Dans certaines autres locutions, telles que peut-être.
- À la fin d’une ligne d’écriture ou d’imprimerie, pour marquer que le
dernier mot, coupé à cette ligne, est incomplet et sera terminé au
début de la ligne suivante.
9) Les parenthèses (…)
Elles consistent en deux signes entre lesquels on place un membre de
phrase explicatif (appelé parenthèse) qui se détache nettement du
reste du texte.
l0) Les crochets […]
Ils sont une sorte de parenthèses en lignes droites.
ll) Le tiret
Il s’emploie :
- Pour séparer les propos de deux interlocuteurs :
Qu’est-ce là ? lui dit-il. - Rien. - Quoi ! Rien ! - Peu de chose.
— Mais encore ? - Le collier dont je suis attaché
— De ce que vous voyez est peut-être la cause. (La Fontaine)
- Pour détacher une explication, une remarque, un détail sur
lesquels l’auteur veut attirer spécialement l’attention :
Les armes à feu, - prenez-y garde, - ne doivent jamais rester à
la portée des enfants.
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l2) Les guillemets « … »
Ils sont deux paires de petits crochets qui encadrent une citation ;
souvent, on rouvre les guillemets au commencement de chaque ligne
de la citation ;
Le renard s’en saisit, et dit : « Mon bon monsieur
Apprenez que tout flatteur
Vit aux dépens de celui qui l’écoute
Cette leçon vaut bien un fromage, sans doute. » (La Fontaine)
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ANNEXE 2 : COMMENT FAIRE UN RESUME DE TEXTE
Quivy, R. & Van Campenhoudt, L. (1995). Manuel de recherche en sciences
sociales. Paris : Dunod.
Le principal objectif de la lecture est d’en retirer des idées pour son
travail. Faire apparaître des idées lors d’une lecture demande une méthode
de lecture.
Pour progresser dans l’apprentissage de la lecture, Quivy & Van
Campenhoudt (1995) proposent une méthode qui comprend deux étapes
indissociables : la mise en œuvre d’une grille de lecture et la rédaction d’un
résumé.
La grille de lecture
Lecture d’un texte à partir d’une grille de lecture : Travail d’application
« Divisez une feuille de papier en deux colonnes : deux tiers à gauche, un tiers
à droite. Intitulez la colonne de gauche ‘Idées-contenu’ et la colonne de droite
‘Repères pour la structure du texte’.
Lisez le texte de Durkheim section par section. Une section est un paragraphe
ou un ensemble de phrases constituant un tout cohérent. Après chaque section
écrivez dans la colonne de gauche de votre feuille l’idée principale du texte
original. Donnez-lui le numéro d’ordre de la section lue. Continuez ainsi, de section
en section sans vous préoccuper de la colonne de droite.
Ce travail terminé, vous disposez dans la colonne de gauche des principales
idées du texte original. Relisez-les de manière à en saisir les articulations et à
discerner la structure globale de la pensée de l’auteur : ses idées maîtresses, les
étapes du raisonnement et la complémentarité entre les parties. Ce sont ces
articulations qui doivent apparaître dans la colonne de droite : ‘Repères pour la
structure du texte’, en regard des idées résumées dans celle de gauche.
Arrivé au terme de l’exercice, comparez votre travail avec la grille de lecture
qui suit le texte de Durkheim.
L’important n’est pas que vous ayez écrit les mêmes phrases que nous mais
bien d’avoir saisi les idées principales et leur structuration. En multipliant les exercices
de ce genre, vous améliorerez considérablement votre aptitude à la lecture…
même si vous premier essai n’est pas très convaincant. » (Quivy & Van
Campenhoudt, 1995, p. 51-52)
Le résumé
« Faire le résumé d’un texte consiste à mettre en évidence ses idées
principales et leurs articulations de manière à faire apparaître l’unité de la
pensée de l’auteur. » (Quivy & Van Campenhoudt, 1995, p. 56)
15
La qualité d’un résumé est directement liée à la qualité de la lecture du
texte. Faire un résumé s’apprend.
Grille de lecture du texte de Durkheim
Idées contenu
Repères pour la
structure du texte
1. Le suicide est peu développé dans les pays catholiques et Projet : préciser
l’influence des
religions sur le
suicide.
à son maximum dans les pays protestants.
2. Cependant, le contexte socio-économique de ces pays
est différent ; pour éviter toute erreur et préciser au mieux
l’influence de ces religions, il faut comparer celles-ci au
sein d’une même société.
3. Que l’on compare entre eux les différentes Etats d’un Etablissement des
même pays (Allemagne) ou les différentes provinces d’un
même Etat (Bavière), on observe que les suicides sont en
raison directe du nombre de protestants et en raison
inverse de celui des catholiques.
faits à l’aide de
données
statistiques : le
protestantisme est
la religion où l’on
se suicide le plus.
4. La Norvège et la Suède semblent faire exception. Mais il y
a trop de différence entre ces pays scandinaves et les
pays d’Europe centrale pour que le protestantisme y
produise les mêmes effets. Si l’on compare ces deux pays
à ceux qui ont le même niveau de civilisation, par exemple
l’Italie, on observe que l’on s’y tue deux fois plus. Ces deux
« exceptions » tendent donc à confirmer la règle.
Fausse exception
qui confirme la
règle.
5. Chez les juifs, les suicides se situent au même niveau que Première
chez les catholiques, parfois en dessous. Les juifs sont
minoritaires. Dans les pays protestants, les catholiques le
sont aussi. Le fait d’être minoritaire n’est donc pas sans
influence.
6. Le fait d’être minoritaire n’explique qu’une partie de la
différence d’influence des religions sur le suicide. En effet,
lorsque les protestants sont minoritaires, ils se suicident plus
que les catholiques majoritaires.
explication
possible : le
caractère
minoritaire de la
religion.
= explication
insuffisante.
7. C’est dans la nature des systèmes religieux qu’il faut Deuxième
chercher l’explication, et non dans les
concernant le suicide car ils sont identiques.
principes
8. La seule différence, c’est le libre examen. Tandis que le
catholicisme dicte le dogme et exige une foi aveugle, le
protestantisme admet que l’individu soit l’artisan de sa
croyance. Cela favorise l’individualisme religieux et la
explication : la
nature des
systèmes religieux.
Différence
importante : le
libre examen…
16
multiplication des sectes.
9. Issu de l’ébranlement des anciennes croyances et faisant
plus de place à la pensée individuelle, le protestantisme
compte en outre moins de croyances et de pratiques
communes pour souder ses membres. C’est ce défaut
d’intégration qui fait la différence et explique le niveau
plus élevé des suicides chez les protestants.
… qui conduit à
une plus faible
intégration : ce qui
favorise le suicide.
En lisant le contenu de la colonne de gauche, les textes forment un
résumé fidèle du texte de Durkheim. Mais dans ce résumé, les idées centrales
ne sont pas mises en évidence.
Le contenu de la colonne de droite donne les idées centrales, les
articulations établies par Durkheim entre elles et la structuration des idées qui
seule permet de reconstituer l’unité de la pensée de l’auteur et la cohérence
de son raisonnement. « Le véritable travail de résumé consiste précisément à
restituer cette unité en mettant l’accent sur les idées les plus importantes et
en montrant les liens principaux que l’auteur établit entre elles. » (Quivy & Van
Campenhoudt, 1995, p. 58)
Le résumé permet également à une personne qui n’a pas lu le texte
original d’avoir une bonne idée générale de la pensée de Durkheim. Cet
effort de clarté est important, « il constitue à la fois un exercice et un test de
compréhension car, si vous ne parvenez pas à rendre votre texte
compréhensible pour les autres, il y a de fortes chances qu’il ne le soit pas
encore parfaitement pour vous. » (Quivy & Van Campenhoudt, 1995, p. 58)
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ANNEXE 3 : EXTRAITS DU TEXTE DE DURKHEIM
Quivy, R. & Van Campenhoudt, L. (1995). Manuel de recherche en sciences
sociales. Paris : Dunod.
Extraits du livre de Durkheim :
Durkheim, E. (1983). Le suicide. Paris : PUF, p. 149-159 (Original publié en
1930).
1. Si l’on jette un coup d’œil sur la carte des suicides européens, on
reconnaît à première vue que dans les pays purement catholiques,
comme l’Espagne, le Portugal, l’Italie, le suicide est très peu développé,
tandis qu’il est à son maximum dans les pays protestants, en Prusse, en
Saxe, en Danemark […].
2. Néanmoins, cette première comparaison est encore trop sommaire.
Malgré d’incontestables similitudes, les milieux sociaux dans lesquels vivent
les habitants de ces différents pays ne sont pas identiquement les mêmes.
La civilisation de l’Espagne et celle du Portugal sont bien au-dessous de
celle de l’Allemagne ; il peut donc se faire que cette infériorité soit la
raison de celle que nous venons de constater dans le développement du
suicide. Si l’on veut échapper à cette cause d’erreur et déterminer avec
plus de précision l’influence du catholicisme et celle du protestantisme sur
la tendance au suicide, il faut comparer les deux religions au sein d’une
même société.
3. De tous les grands Etats de l’Allemagne, c’est la Bavière qui compte, et de
beaucoup, le moins de suicides. Il n’y en a guère, annuellement que 90
par million d’habitants depuis 1874, tandis que la Prusse en a 133 (18711875), le duché de Bade 156, le Wurtemberg 162, la Saxe 300. Or, c’est
aussi là que les catholiques sont le plus nombreux ; il y en a 713,2 sur 1 000
habitants. Si, d’autre part, on compare les différentes provinces de ce
royaume, on trouve que les suicides y sont en raison directe du nombre
des protestants, en raison inverse de celui des catholiques. Ce ne sont pas
seulement les rapports des moyennes qui confirment la loi ; mais tous les
nombres de la première colonne sont supérieurs à ceux de la seconde et
ceux de la seconde à ceux de la troisième sans qu’il y ait aucune
irrégularité.
Il en est de même en Prusse […]
18
Provinces à
minorité
catholique
- de 50 %
Suicides par
million
d’habitants
Palatinat du Rhin
Franconie centrale
Haute-Franconie
Moyenne
187
207
204
192
Provinces
à majorité
catholique
50 à 90 %
Suicides par
million
d’habitants
Basse Franconie
Souabe
157
118
Moyenne
135
Provinces
où il y a
plus de 90
% de
catholiques
Haut-Palatinat
Haute-Bavière
Basse-Bavière
Moyenne
Suicides par
million
d’habitants
64
114
49
75
Provinces bavaroises (1867-75)
4. Contre une pareille unanimité de faits concordants, il est vain d’invoquer,
comme le fait Mayr, le cas unique de la Norvège et de la Suède qui,
quoique protestantes, n’ont qu’un chiffre moyen de suicides. D’abord,
ainsi que nous en faisions la remarque au début de ce chapitre, ces
comparaisons internationales ne sont pas démonstratives, à moins qu’elles
ne portent sur un assez grand nombre de pays, et même dans ce cas,
elles ne sont pas concluantes. Il y a d’assez grandes différences entre les
populations de la presqu’île scandinave et celles de l’Europe centrale,
pour qu’on puisse comprendre que le protestantisme ne produise pas
exactement les mêmes effets sur les unes et sur les autres. Mais de plus, si,
pris en lui-même, le taux des suicides n’est pas très considérable dans ces
deux pays, il apparaît relativement élevé si l’on tient compte du rang
modeste qu’ils occupent parmi les peuples civilisés d’Europe. Il n’y a pas
de raison de croire qu’ils soient parvenus à un niveau intellectuel supérieur
à celui de l’Italie, il s’en faut, et pourtant on s’y tue de deux à trois fois plus
(90 à 100 suicides par million d’habitants au lieu de 40). Le protestantisme
ne serait-il pas la cause de cette aggravation relative ? Ainsi, non
seulement le fait n’infirme pas la loi qui vient d’être établie sur un si grand
nombre d’observations, mais il tend plutôt à la confirmer.
5. Pour ce qui est des juifs, leur aptitude au suicide est toujours moindre que
celle des protestants : très généralement, elle est aussi inférieure, quoique
dans une moindre proportion, à celle des catholiques. Cependant, il arrive
que ce dernier rapport est renversé ; c’est surtout dans les temps récents
que ces cas d’inversion se rencontrent […]. Si l’on songe que, partout, les
juifs sont en nombre infime et que, dans la plupart des sociétés où ont été
faites les observations précédentes, les catholiques sont en minorité, on
sera tenté de voir dans ce fait la cause qui explique la rareté relative des
morts volontaires dans ces deux cultes. On conçoit, en effet, que les
confessions les moins nombreuses, ayant à lutter contre l’hostilité des
populations ambiantes, soient obligées, pour se maintenir, d’exercer sur
elles-mêmes un contrôle sévère et de s’astreindre à une discipline
particulièrement rigoureuse. Pour justifier la tolérance, toujours précaire,
qui leur est accordée, elles sont tenues à plus de moralité. En dehors de
19
ces considérations, certains faits semblent réellement impliquer que ce
facteur spécial n’est pas sans quelque influence […].
6. Mais, en tout cas, cette explication ne saurait suffire à rendre compte de
la situation respective des protestants et des catholiques. Car si, en
Autriche et en Bavière, où le catholicisme a la majorité, l’influence
préservatrice qu’il exerce est moindre, elle est encore très considérable.
Ce n’est pas donc pas seulement à son état de minorité qu’il la doit. Plus
généralement, quelle que soit la part proportionnelle de ces deux cultes
dans l’ensemble de la population, partout où l’on a pu les comparer au
point de vue du suicide, on a constaté que les protestants se tuent
beaucoup plus que les catholiques. Il y a même des pays comme le HautPalatinat, la Haute-Bavière, où la population est presque tout entière
catholiuqe (92 et 96%) et où, cependant, il y a 300 et 423 suicides
protestants pour 100 catholiques. Le rapport même s’élève jusqu’à 528%
dans la Basse-Bavière où la religion réformée ne compte pas tout à fait un
fidèle sur 100 habitants. Donc, quand même la prudence obligatoire des
minorités serait pour quelque chose dans l’écart si considérable que
présentent ces deux religions, la plus grande part est certainement due à
d’autre causes.
7. C’est dans la nature de ces deux systèmes religieux que nous les
trouverons. Cependant, ils prohibent tous les deux le suicide avec la
même netteté ; non seulement ils le frappent de peines morales d’une
extrême sévérité, mais l’un et l’autre enseignent également qu’au-delà du
tombeau commence une vie nouvelle où les hommes seront punis de
leurs mauvaises actions, et le protestantisme met le suicide au nombre de
ces dernières, tout aussi bien que le catholicisme. Enfin, dans l’un et l’autre
culte, ces prohibitions ont un caractère divin : elles ne sont pas présentées
comme la conclusion logique d’un raisonnement bien fait, mais leur
autorité est celle de Dieu lui-même. Si donc le protestantisme favorise le
développement du suicide, ce n’est pas qu’il le traite autrement que ne
fait le catholicisme. Mais alors, si, sur ce point particulier, les deux religions
ont les mêmes préceptes, leur inégale action sur le suicide doit avoir pour
cause quelqu’un des caractères plus généraux par lesquels elles se
différencient.
8. Or, la seule différence essentielle qu’il y ait entre le catholicisme et le
protestantisme, c’est que le second admet le libre examen dans une bien
plus large proportion que le premier. Sans doute, le catholicisme, par cela
seul qu’il est une religion idéaliste, fait déjà à la pensée et à la réflexion
une bien plus grande place que le polythéisme gréco-latin ou que le
monothéisme juif. Il ne se contente plus de manœuvres machinales, mais
c’est sur les consciences qu’il aspire à régner. C’est donc à elles qu’il
s’adresse et, alors même qu’il demande à la raison une aveugle
soumission, c’est en lui parlant le langage de la raison. Il n’en est pas moins
vrai que le catholique reçoit sa foi toute faite, sans examen. Il ne peut
20
même pas la soumettre à un contrôle historique, puisque les textes
originaux sur lesquels on l’appuie lui sont interdits. Tout un système
hiérarchique d’autorité est organisé, et avec un art merveilleux, pour
rendre la tradition invariable. Tout ce qui est variation est en horreur à la
pensée catholique. Le protestant est davantage l’auteur de sa croyance.
La Bible est mise entre ses mains et nulle interprétation ne lui en est
imposée. La structure même du culte réformé rend sensible cet état
d’individualisme religieux. Nulle part, sauf en Angleterre, le clergé
protestant n’est hiérarchisé ; le prêtre ne relève que de lui-même et de sa
conscience, comme le fidèle. C’est un guide plus instruit que le commun
des croyants, mais sans autorité spéciale pour fixer le dogme. Mais ce qui
atteste le mieux que cette liberté d’examen, proclamée par les
fondateurs de la réforme, n’est pas restée à l’état d’affirmation
platonique, c’est cette multiplicité croissante de sectes de toute sorte qui
contraste si énergiquement avec l’unité de l’Eglise catholique […].
9. Ainsi, s’il est vrai de dire que le libre examen, une fois qu’il est proclamé,
multiplie les schismes, il faut ajouter qu’il les suppose et qu’il en dérive, car
il n’est réclamé et institué comme un principe que pour permettre à des
schismes latents ou à demi déclarés de se développer plus librement. Par
conséquent, si le protestantisme fait à la pensée individuelle une plus
grande part que le catholicisme, c’est qu’il compte moins de croyances
et de pratiques communes. Or, une société religieuse n’existe pas sans un
credo collectif, et elle est d’autant plus une et d’autant plus forte que ce
credo est plus étendu. Car elle n’unit pas les hommes par l’échange et la
réciprocité des services, lien temporel qui comporte et suppose même des
différences, mais qu’elle est impuissante à nouer. Elle ne les socialise qu’en
les attachant tous à un même corps de doctrines et elle les socialise
d’autant mieux que ce corps de doctrines est plus vaste et plus solidement
constitué. Plus il y a de manières d’agir et de penser, marquées d’un
caractère religieux, sous-traites, par conséquent, au libre examen, plus
aussi l’idée de Dieu est présente à tous les détails de l’existence et fait
converger vers un seul et même but les volontés individuelles. Inversement,
plus un groupe confessionnel abandonne au jugement des particuliers,
plus il est absent de leur vie, moins il a de cohésion et de vitalité. Nous
arrivons donc à cette conclusion, que la supériorité du protestantisme au
point de vue du suicide vient de ce qu’il est une Eglise moins fortement
intégrée que l’Eglise catholique.
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