Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance

Transcription

Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance
Les partenariats locaux de sécurité et de
prévention de la délinquance.
- Le cas amboisien -
Mémoire de recherche présenté par : Jean-Baptiste Hayes
dirigé par : François Dieu.
IEP de Toulouse, Année universitaire 2006-2007.
Les partenariats locaux de sécurité
et de prévention de la délinquance.
- Le cas amboisien -
Mémoire de recherche présenté par
Jean-Baptiste Hayes.
Dirigé par François Dieu.
Institut d’études politiques de Toulouse.
Année universitaire 2006 / 2007.
« Ne pas prévoir, c’est déjà gémir !»1
1
Léonard de Vinci (Vinci, 15 avril 1452 - Amboise, 2 mai 1519) : peintre, sculpteur, architecte et homme de
science italien. En 1516, sur invitation de François 1er, il s’installe dans « le Manoir de Cloux », aujourd’hui
« Clos Lucé », à quelques centaines de mètres du château royal d’Amboise. Il y mourra à l’âge de 67 ans.
Remerciements.
REMERCIEMENTS.
Je tiens d’abord à remercier l’ensemble du personnel et des élus rattachés à la mairie
d’Amboise : Merci à Christian GUYON, Maire et Conseiller général, pour sa simplicité et son
franc-parler. Merci à Patrick BIALÈS, Directeur éducation jeunesse et loisirs, qui diplômé de
l’IEP de Grenoble m’a permis de prendre plus facilement contact avec Sebastian ROCHÉ –
un camarade de promotion. Merci à Laurence FOSSET, Directrice du centre communal
d’action sociale, qui m’a permis de chiner dans ses cartons. Merci à Pascal SALVAUDON,
Chargé de mission en développement social, qui n’a pas hésité à m’associer aux réunions de
coordination. Merci à José RODRIGUÈS, Responsable du service logement, qui m’a fait
partager son expérience et son amour du terrain. Merci à Michel MOISAN, Brigadier-chef
remplaçant le chef de poste de la police municipale, qui a été très diligent. Merci à Isabelle
GAUDRON, deuxième adjointe déléguée aux relations extérieures économiques et
touristiques, pour sa clarté et sa franchise. Merci à Joël MUGICA, vice-président du centre
communal d’action sociale, pour sa gentillesse. Merci à Stéphane DELBARRE, sixième
adjoint délégué à la jeunesse, qui a été très pédagogue et très intéressant. Merci à tous les
agents et à tous les élus qui ont été très riches en informations – que ce soit dans le cadre
d’entretiens ou de discussions informelles.
Je tiens ensuite à saluer les acteurs sociaux de la société civile amboisienne qui ont
accepté de prendre sur leur temps de travail pour me rencontrer : Merci à Christine
GANDUBERT, Directrice du foyer des jeunes travailleurs, pour sa force de caractère. Merci à
Michel BERTRAND, Directeur du centre social « Les Acacias », pour son esprit de synthèse.
Je tiens pour finir à remercier les acteurs de l’État et du Conseil général qui ont
accepté de m’accueillir : Merci à Patrick ELDIN, Chef de la cellule sécurité du cabinet du
préfet, pour m’avoir convié au Conseil départemental de prévention. Merci à Catherine
LÉQUIPÉ, Chargée de mission à la Préfecture, pour sa clairvoyance et son accueil. Merci à
Évelyne FREYMONT, Directrice départementale de la protection judiciaire de la jeunesse, et
à Marie-Claude JUPEAU, Responsable de la prévention sur le territoire de vie sociale Tours
Nord-Est, pour leurs précisions téléphoniques. Merci à Gérard MAGRÉ, Lieutenant
commandant la brigade territoriale, pour son accueil à la gendarmerie d’Amboise. Merci enfin
à Lysiane PRILLEUX, inspectrice de l’Éducation nationale, pour ses éclaircissements.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
-I-
Avertissement.
AVERTISSEMENT.
L’IEP de Toulouse n’entend donner aucune approbation, ni improbation dans les mémoires de
recherche. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur(e).
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- II -
Lexique des principales abréviations.
LEXIQUE DES PRINCIPALES ABREVIATIONS.
ADS:
Adjoints de sécurité.
ALMS:
Agents locaux de médiation sociale.
AMF :
Association des maires de France.
ASVP :
Agents de surveillance de la voie publique.
BT :
Brigade territoriale (Gendarmerie nationale).
CAF :
Caisse d’allocations familiales.
CAP :
Contrat d’actions de prévention.
CAPS :
Contrat d’actions de prévention pour la sécurité.
CCAS :
Centre communal d’action sociale.
CCPD:
Conseil communal de prévention de la délinquance.
CDP :
Conseil départemental de prévention.
CDPD :
Conseil départemental de prévention de la délinquance.
CDS :
Conférence départementale de sécurité.
CIAS-CLS: Cellule interministérielle d’animation et de suivi des contrats locaux de sécurité.
CIPD :
Comité interministériel de prévention de la délinquance.
CISPD :
Conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance.
CLS :
Contrat local de sécurité.
CLSPD :
Conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance.
CNPD :
Conseil national de prévention de la délinquance.
CSI :
Conseil de sécurité intérieure.
CUCS :
Contrats urbains de cohésion sociale.
DAP :
Direction de l’administration pénitentiaire.
DCSP :
Direction centrale de la sécurité publique.
DDPJJ :
Direction départementale de la protection judiciaire de la jeunesse.
DDSP :
Direction départementale de la sécurité publique.
DGDDI :
Direction générale des douanes et droits indirects.
DGGN :
Direction générale de la gendarmerie nationale.
DGPN :
Direction générale de la police nationale.
DLS :
Diagnostic local de sécurité.
DPJJ :
Direction de la protection judiciaire de la jeunesse.
DRAP :
Direction régionale de l’administration pénitentiaire.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- III -
Lexique des principales abréviations.
DRDDI :
Direction régionale des douanes et droits indirects.
DRPJJ :
Direction régionale de la protection judiciaire de la jeunesse.
DSJ :
Direction des services judiciaires.
EN :
Éducation nationale.
EPCI :
Établissement public de coopération intercommunale.
FJT :
Foyer des jeunes travailleurs.
GN :
Gendarmerie nationale.
IHESI :
Institut des hautes études de la sécurité intérieure.
INHES :
Institut national des hautes études de sécurité.
LOPS :
Loi d’orientation et de programmation relative à la sécurité.
LOPSI:
Loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure.
LPD:
Loi relative à la prévention de la délinquance.
LSI:
Loi pour la sécurité intérieure.
MJD:
Maison de la justice et du droit.
MODAT : Mission d’observation de la délinquance dans l’agglomération toulousaine.
OND:
Observatoire national de la délinquance.
OPAC :
Office public d’aménagement et de construction.
PDS:
Plan départemental de sécurité.
PLS:
Plan local de sécurité.
PM:
Police municipale.
PN:
Police nationale.
PS :
Parti socialiste.
PSIG :
Peloton de surveillance et d’intervention de la gendarmerie.
SAMU:
Services d’aide médicale urgente.
SDIS:
Service départemental d’incendie et de secours.
SPIP:
Service pénitentiaire d’insertion et de probation.
TIG:
Travail d’intérêt général.
TVS :
Territoire de vie sociale.
UDF :
Union pour la démocratie française.
UMP :
Union pour un mouvement populaire.
ZUS :
Zone urbaine sensible.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- IV -
Sommaire.
SOMMAIRE.
INTRODUCTION. ......................................................................................................................... 1
I.
II.
III.
IV.
V.
Approche conceptuelle. ............................................................................................ 3
Approche contextuelle............................................................................................ 18
Approche institutionnelle. ..................................................................................... 24
Hypothèses et problématique. ............................................................................... 35
Démarche adoptée. ................................................................................................. 36
CHAPITRE 1. L’ÉTAT CENTRAL : UN ROI QUI SE DESENGAGE SANS SE DESENGAGER........... 39
I.
Portrait d’un nouveau roi local de sécurité et de prévention de la délinquance:
le partenariat amboisien. ................................................................................................... 40
II.
De l’État- roi au partenariat-roi : passation de titre sans passation de
pouvoirs.………………………………………………………………………………… 51
CHAPITRE 2. LE PARTENARIAT AMBOISIEN : UN ROI QUI S’ENGAGE SANS S’ENGAGER. ....... 66
I.
II.
Le partenariat amboisien : un roi schizophrène, un roi en miettes. .................. 67
Le partenariat amboisien : un « roi creux » et symbolique................................ 82
CONCLUSION............................................................................................................................ 98
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
-V-
Introduction.
INTRODUCTION.
« Si les politiques publiques de prévention n’ont jamais bien marché dans notre pays,
c’est qu’il n’y a jamais eu de patron pour coordonner les dispositifs locaux. […] Le maire
sera le patron de la prévention de la délinquance »1. C’est en ces termes que Nicolas
SARKOZY, alors ministre de l’intérieur, a présenté son projet de loi sur la prévention de la
délinquance le 21 Novembre 2005. « Coordonner », « dispositifs locaux », « maires »,
« prévention de la délinquance » : le ministre a incontestablement remis au goût du jour le
thème des partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance.
Ce thème est d’autant plus d’actualité que le projet de loi en question a été adopté par
le Parlement le 22 février 2007, déclaré conforme à la Constitution par le Conseil
constitutionnel le 3 mars 20072, et promulgué au titre de loi3 le 5 mars 2007. Illustration la
plus patente de l’importance qu’accorde cette loi aux partenariats locaux de sécurité et de
prévention de la délinquance, c’est l’obligation4 qui est faite aux communes de plus de 10 000
habitants de constituer un Conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance
(CLSPD) – organisme local qui regroupe et fait travailler ensemble des représentants de
l’État, des représentants élus et des représentants de la société civile autour du thème de la
sécurité et de la prévention de la délinquance.
Il convient pour autant de préciser que la thématique des partenariats locaux de
sécurité et de prévention de la délinquance – autrement dit l’intronisation dans le schème des
politiques publiques de sécurité d’une composante locale, d’une notion de proximité – n’est
pas une révolution proprement sarkozyenne: « La thématique du rapprochement entre police
et population est […] ancienne, puisqu’on peut la retrouver dans les travaux du comité
d’études sur la violence, la criminalité et la délinquance, installé par le Premier ministre
[Raymond BARRE] et consigné en 1977 dans le rapport Peyrefitte. »5. A ceci il faut ajouter
qu’en 2001, une année avant que Nicolas SARKOZY n’accède à la responsabilité suprême
Place Beauvau, Gilles DE ROBIEN alors député-maire d’Amiens, avait lui-même déclaré :
1
SARKOZY (Nicolas), « Le maire sera le patron de la prévention de la délinquance », La Gazette des
communes, 21 Novembre 2005, p.12.
2
Décision n° 2007-553 DC du 3 mars 2007.
3
Loi n°2007-297 relative à la prévention de la délinquance.
4
Cf. les articles 1 et 81 de la loi n°2007-297 relative à la prévention de la délinquance.
5
ROCHÉ (Sebastian), Police de proximité : nos politiques de sécurité, Seuil, Paris, 2005, p.196.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
-1-
Introduction.
«Les élus doivent redevenir les vrais patrons de la sécurité de proximité»1. La similitude de
cette déclaration avec celle de Nicolas SARKOZY en 2005 est pour le moins troublante.
Néanmoins, là encore, elle trouve une légitimation d’actualité puisque le 1er Avril 2007, Gilles
DE ROBIEN, pourtant apparenté UDF, a annoncé à la presse2 son ralliement à Nicolas
SARKOZY (UMP) dans le cadre des élections présidentielles (Avril- Mai 2007).
Vieux d’une trentaine d’années le thème des partenariats locaux de sécurité et de
prévention de la délinquance n’en demeure pas moins un thème d’actualité – « nous »3 venons
de le démontrer.
Mais que signifient les termes de « sécurité », « délinquance », « prévention », et
« partenariat » dans l’expression « partenariats locaux de sécurité et de prévention de la
délinquance » ?
Au fil des rencontres, on s’aperçoit que derrière les mêmes mots, les uns et les autres
ne mettent pas toujours les mêmes réalités. Sur la question de la prévention de la délinquance
par exemple, les partenaires de sécurité de la ville d’Amboise ne semblent pas toujours
d’accord : « Pour ces enfants qui vont être amenés à faire des activités pendant le temps
périscolaire de midi à deux, c’est aussi une façon de les amener après à fréquenter des clubs
plutôt que de traîner dans les rues. […] Moi je trouve que ça fait partie de la prévention de la
délinquance. »4 ;
« On se fait financer des week-end, des animations, des choses comme ça… Je ne vois
pas en quoi c’est de la prévention de la délinquance ! […] Je vais donner un autre exemple :
le petit journal de la Mission locale… En quoi c’est de la prévention de la délinquance ? […]
Ce n’est pas du domaine de la prévention de la délinquance. Ce n’est pas là. C’est le service
social de la ville ! »5.
Afin de briser cette difficulté lexicale nous allons d’abord suivre une approche
conceptuelle. Il s’agira par la suite de réintégrer les concepts dans leur contexte, nous suivrons
1
DE ROBIEN (Gilles), « 25 propositions pour restaurer la confiance », Rapport pour l’Association des maires
de France (84ème congrès de l’AMF), Novembre 2001.
2
Idem, « Robien : Pourquoi je rallie Sarkozy », Journal du Dimanche, 1er Avril 2007.
3
Les occurrences « nous », « notre », « nos » et « on » seront utilisées à plusieurs reprises dans le cadre de ce
mémoire. C’est une façon pour moi qui suit le seul auteur de ce travail, de vous (chers lecteurs) associer à ma
réflexion : nous découvrons de ce fait ensemble, moi en tant qu’auteur, vous en tant que spectateurs, le contenu
de ma réflexion. Je vous souhaite une bonne lecture.
4
Cf. Annexes, PRILLEUX (Lysiane), Entretien n°7, Amboise, Juin 2006, Question n°5.
5
Cf. Annexes, GANDUBERT (Christine), Entretien n°12, Amboise, Juillet 2006, Question n°5.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
-2-
Introduction.
par conséquent une approche contextuelle. Il conviendra pour finir, de saisir les concepts dans
leur concrétude institutionnelle, nous procéderons de ce fait à une approche institutionnelle.
I.
Approche conceptuelle.
Il convient de s’attarder sur les notions de « sécurité », de « délinquance », de
« prévention » et de « partenariat » qui sont constitutives de l’expression « partenariats locaux
de sécurité et de prévention de la délinquance ».
A. Le concept de sécurité.
La sécurité telle que construite par le sens commun est le syncrétisme de plusieurs
« sécurités » ou types de sécurité : « sécurité publique », « sécurité privée », « sécurité
civile »,
« sécurité sanitaire »,
« sécurité sociale »,
« sécurité routière »,
« sécurité
financière », « sécurité technologique » etc. On est bien obligé de reconnaître qu’il est
impossible de dresser une liste exhaustive des différents types de sécurité en ce sens qu’il y a
autant de types de sécurité qu’il y a de risques et de moyens de les contrer ou de les gérer.
Il est néanmoins important de préciser que chaque type de sécurité se caractérise par
une double dimension : objective et subjective. La sécurité objective est un état avéré même si
temporaire, de préservation vis-à-vis des risques ou des dangers – sécurité de fait. Quant à
elle, la sécurité subjective est un « sentiment particulier de quiétude […] souvent irrationnel
et très individuel […] qui découle de la certitude qu’éprouve l’individu qu’aucune menace ne
pèse sur ce à quoi il tient.»1 – sentiment de sécurité : « Entrent en ligne de compte la
personnalité de l’individu, son expérience, son éducation, la situation dans laquelle il se
trouve, son degré d’information. Tel se sentira en sécurité bien qu’objectivement en danger,
tel autre sera anxieux sans raison apparente»2.
La sécurité n’est pas qu’un état ou un sentiment, c’est aussi une action. Le concept de
sécurité est foncièrement lié au concept d’État. Au commencement l’État n’existait pas, les
hommes vivaient libres et se faisaient justice eux-mêmes par l’usage de la force : c’est ce que
Thomas HOBBES, philosophe anglais, a baptisé l’« état de nature » ou « état de guerre »3.
L’état de nature est une jungle anarchique où « l’homme est un loup pour l’homme »4 et où la
1
GRAWITZ (Madeleine), Lexique des sciences sociales, Dalloz, 7ème édition, Paris, 1999, p. 370.
Ibid, p. 370.
3
HOBBES (Thomas), Le Léviathan, trad. François TRICAUD, Sirey, Paris, 1971, Chapitre XVII.
4
Idem, « Epître dédicatoire » in De Cive, trad. Samuel SORBIÈRE, édition électronique, coll. « Les classiques
des sciences sociales », Chicoutimi, 2002, p.26.
2
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
-3-
Introduction.
loi du plus fort est la règle. De ce fait, la caractéristique primordiale de l’état de nature est
l’insécurité. L’Histoire veut cependant que, lassés et apeurés par les exactions des plus forts,
les hommes ont décidé d’abandonner une part de leur liberté originelle au profit d’une entité
suprême, l’État. L’État (moderne) est une « entreprise politique de caractère institutionnel
[dont la] direction administrative revendique avec succès, dans l’application de ses
règlements, le monopole de la contrainte physique légitime.»1. Seul détenteur du « monopole
de la violence physique légitime »2 l’État est ainsi chargé d’assurer de façon discrétionnaire la
sécurité interne – régulation des rapports entre les hommes au sein de l’État – ainsi que la
sécurité externe – protection des administrés face aux agressions des autres États ou
d’administrés d’autres États. « Tel est ce grand Léviathan, ou plutôt pour en parler avec plus
de révérence, ce dieu mortel, auquel nous devons, sous le Dieu immortel, notre paix et notre
protection. L'emploi lui est conféré d'un tel pouvoir et d'une telle force, que l'effroi qu'ils
inspirent lui permet de modeler les volontés de tous, en vue de la paix à l'intérieur et de l'aide
mutuelle contre les ennemis de l'extérieur. En lui réside l'essence de la République qui se
définit : une personne unique qui use de la force et des ressources de tous, en vue de leur paix
et de leur commune défense.»3. La sécurité est donc avant tout un besoin social, une demande
sociale, qui rencontre une réponse adéquate dans l’émergence de l’État. La sécurité est pour
ainsi dire un « état contre nature » : elle est le fait de l’État qui produit des règles et qui agit au
quotidien via de puissantes institutions publiques ou privées – contrainte sociale4 – mais elle
dépend également de la société des citoyens et plus précisément de son acceptation de s’en
remettre à cet État, aux institutions qui le représentent et à leurs règles – contrôle social5 – car
« L'État ne peut […] exister qu'à la condition que les hommes dominés se soumettent à
l'autorité revendiquée chaque fois par les dominateurs »6. L’article 1 de la loi d’orientation et
de programmation relative à la sécurité (LOPS) du 21 Janvier 1995 va parfaitement dans le
sens de cette co-conception « Sécurité- État » puisqu’il stipule: « la sécurité est un droit
fondamental et l’une des conditions de l’exercice des libertés individuelles et collectives.
L’État a le devoir d’assurer la sécurité en veillant, sur l’ensemble du territoire de la
1
WEBER (Max), Economie et société, Plon, coll. « Agora », Paris, 1995.
Idem, Le savant et le politique, édition électronique, coll. « Les classiques des sciences sociales », Chicoutimi,
2001, p.32.
3
HOBBES (Thomas), Le Léviathan, op.cit
4
Contrôle externe exercé par la force publique. Confère BRAUD (Philippe), Sociologie politique, L.G.D.J, 6ème
édition, Paris, 2002, pp.45 et 46.
5
Contrôle interne exercé par une socialisation qu’entretiennent des agents formels (église, école, famille) et des
agents informels (chaque individu, du fait de ses mœurs, de ses opinions, de ses usages participe au contrôle
social).≈Autocontrainte, Pression sociale. Confère BRAUD (Philippe), Ibid, p.47.
6
WEBER (Max), op.cit
2
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
-4-
Introduction.
République, à la défense des intérêts nationaux, au respect des lois, au maintien de la paix et
de l’ordre public, à la protection des personnes et des biens ».
Le type global de sécurité qui nous concerne dans le cadre des partenariats locaux de
sécurité et de prévention de la délinquance est la sécurité interne ou « sécurité intérieure ».
Les partenariats locaux de sécurité n’ont pas vocation à s’occuper des questions de sécurité
extérieure – même si dans la configuration actuelle, post-westphalienne, la frontière entre
l’interne et l’externe tend à se dissoudre. D’après le politiste et sociologue François DIEU1, la
sécurité intérieure est un « domaine réservé de l’activité gouvernementale partagé entre
différents départements ministériels […] avec malgré tout une prépondérance reconnue au
ministre de l’Intérieur ». La sécurité intérieure fait donc partie des compétences dites
« régaliennes » de l’État et l’ « État moderne » est en quelque sorte le maître d’œuvre, le
patron de la sécurité intérieure : c’est par lui que tout se fait. La sécurité intérieure se
subdivise en trois sous-types de sécurité : la sécurité publique, la sécurité civile et la sécurité
privée. La sécurité publique consiste en les actions de prévention (police administrative) et de
répression (police judiciaire) destinées à empêcher ou gérer les troubles à l’ordre public –
c'est-à-dire les troubles à « la sûreté, la tranquillité, la salubrité, le bon ordre [et] la
sauvegarde de la dignité de la personne humaine »2. La sécurité civile consiste en la lutte
contre les calamités naturelles et catastrophes technologiques, la sensibilisation et
l'information du grand public, mais aussi l'organisation de la santé au quotidien. Quant à elle,
la sécurité privée « se rapporte aux mesures prises par les particuliers, individus ou
entreprises, afin de contribuer à répondre, par un appel au marché, aux besoins de sécurité
du système social »3.
Il est important de préciser que si le terme de « sécurité » dans l’expression
« partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance » renvoie
incontestablement au terme générique de « sécurité intérieure » que l’on vient de définir, on
ne doit pas pour autant les confondre. Interrogée par téléphone sur le sens du terme
« sécurité » dans le décret du 17 Juillet 2002 relatif aux partenariats locaux de sécurité et de
prévention de la délinquance, une responsable de la cellule interministérielle d’animation et
de suivi des contrats locaux de sécurité (CIAS-CLS) a en effet répondu : « Cela concerne
surtout la lutte contre la délinquance, tant sur un plan préventif que répressif, mais cela ne
1
DIEU (François), Politiques publiques de sécurité, coll. « Sécurité et société », L’Harmattan, Paris, 1999, p.25.
FRAISSEIX (Patrick), Droit administratif, coll. « Tout le droit », Ellipses, Paris, 2002, p.135.
3
DIEU (François), op.cit, p.26.
2
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
-5-
Introduction.
concerne pas la sécurité civile par exemple. Cela ne va pas jusque là ».
En définitive, la sécurité qui nous importe dans le cadre de ce travail de recherche se
rapproche surtout de la notion de sécurité publique, mais là encore, sans se réduire totalement
à cette notion qui est « étroite [connotée « sécuritaire »] et par trop juridique »1.
Quoiqu’il en soit, la sécurité dont il est question dans cette étude – et dont il est
question dans les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance – se fonde
majoritairement sur le risque et le danger que constitue la délinquance.
Dans le cadre de cette étude, nous nous limiterons par conséquent à une définition
réduite de la sécurité entendue d’un point de vue objectif comme « état de préservation vis-àvis de la délinquance et d’éventuels autres comportements à risque » (état) ou encore comme
« prévention et répression de la délinquance et d’éventuels autres comportements à risque »
(action). Sont concernés tous les types de sécurité qui ont trait à la délinquance, que ce soit en
terme de prévention ou de répression : la sécurité publique, la sécurité sanitaire et sociale, la
sécurité routière etc. Sont écartés – sans être exclus – tous les types de sécurité qui n’ont pas
foncièrement trait avec la délinquance : la sécurité civile notamment.
De même, dans le cadre de cette étude, la sécurité subjective ou sentiment de sécurité
sera réduite au « sentiment qu’il n’y a pas de menace délinquante ou d’autres comportements
à risque ».
Ceci étant dit, que signifie le terme de « délinquance » ? Qu’est ce que la
« délinquance » ?
B. Le concept de délinquance.
La délinquance est une forme parmi tant d’autres d’insécurité. L’insécurité est un
« manque de sécurité »2. Ce manque de sécurité peut-être réel, on parle d’« insécurité
objective »3 : un état avéré d’exposition aux dangers et aux risques. Mais ce manque de
sécurité peut aussi être du domaine du psychologique, du ressenti, on parle alors
d’« insécurité subjective » ou de « sentiment d’insécurité »4 : le sentiment qu’une menace
1
DIEU (François), Ibid., p.24.
Le petit LAROUSSE, 2003.
3
DIEU (François), op.cit, p.64.
4
ROCHÉ (Sebastian), Le sentiment d’insécurité, PUF, Paris, 1993.
2
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
-6-
Introduction.
pèse sur soi, sur ses biens ou sur ses proches. L’insécurité n’est pas qu’un état ou un
sentiment, c’est aussi le signe sinon l’aveu d’une double déficience de l’action politique
incapable d’une part, de générer de façon gestionnaire – « politique gestionnaire »1 – une
situation effective de sécurité et incapable d’autre part, de mener une « politique
symbolique »2 suffisamment puissante pour interagir de façon efficace sur les représentations
du réel que se font les individus, réduire sensiblement l’écart entre leurs perceptions de ce qui
est et de ce qui devrait être, et créer un sentiment de sécurité. Il convient néanmoins de
nuancer cette assertion selon laquelle l’État serait la seule cause – du fait de son inaction ou
du fait d’actions inappropriées – de l’insécurité publique. Nous y reviendrons par la suite.
La délinquance est une forme d’insécurité objective : c’est « l’ensemble des délits et
des crimes,[ vols, viols, homicides, violences, menaces, harcèlements etc.] commis en un lieu
et en un temps donnés »3. La délinquance revêt également un aspect de moindre intensité, plus
subjectif, au travers des incivilités : « Derrière le mot « délinquance » à Amboise, je mets
davantage des incivilités c'est-à-dire : les agressions verbales, les nuisances sonores, les tags
et le vol »4. Selon Sébastian ROCHÉ, les incivilités renvoient à un « ensemble de nuisances
sociales extraordinairement variées qui ne blessent pas physiquement les personnes mais
bousculent les règles élémentaires de la vie sociale qui permettent la confiance ». Les
comportements que cette notion d’incivilités recouvre sont : les crachats, les tags, les
dégradations de biens publics, les attroupements d’individus potentiellement menaçants, les
bruits dans les immeubles d’habitation, les insultes dans la vie quotidienne, le manque de
respect envers les personnes âgées etc. La notion d’incivilités reste néanmoins une notion très
vague, complexe, et qui divise les acteurs de terrain amboisiens: certains assimilent les
incivilités à la délinquance, d’autres considèrent que les incivilités ne relèvent pas de la
délinquance. Quelques acteurs émettent néanmoins un avis plus partagé : « Derrière la
délinquance, on a aussi des actes d’incivilité. [Les] difficultés que l’on peut avoir à Amboise
sont plus de l’ordre de l’incivilité – tant mieux pour nous d’ailleurs – que de la véritable
délinquance… Si ce n’est qu’on sait bien que c’est parfois le début d’un comportement plus
grave. C’est ma perception hein ! Est-ce que la réalité est comme ça ? Est-ce qu’elle est
vécue réellement comme ça par les gens ? Je ne saurais le dire… Parce qu’on voit bien d’une
1
« L’action politique en tant que travail sur les situations concrètes ». Cf. BRAUD (Philippe), op.cit, pp.492 à
495.
2
« L’action politique en tant que travail sur les représentations du réel ». Cf. BRAUD (Philippe), Ibid, pp.495 à
498.
3
Définition proposée par le laboratoire ATILF (analyse et traitement informatique de la langue française).
4
Cf. Annexes, GUYON (Christian), Entretien n°15, Amboise, Juillet 2006, Question n°13.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
-7-
Introduction.
façon globale que les perceptions d’un certain nombre de personnes dans les quartiers
populaires ne sont pas les mêmes que celles d’autres personnes comme nous qui avons un
regard extérieur sur ces quartiers : ce que nous nous considérons comme des choses banales,
ils les vivent parfois comme de véritables agressions. »1. Les incivilités renvoient en fin de
compte à une certaine forme de délinquance sans être vraiment de la délinquance. Elles se
situent pour ainsi dire, à la croisée des chemins entre la délinquance objective et le sentiment
d’une menace délinquante : objectivement, les incivilités ne constituent pas vraiment des
crimes et délits mais peuvent cependant constituer un préalable aux crimes et délits – une
sorte de rite initiatique ; subjectivement, les incivilités ont ceci de singulier qu’elles laissent le
champ libre à l’imagination et ouvrent la voie à des sentiments contradictoires : un tag peut
tantôt être considéré comme une œuvre d’art tantôt considéré comme un acte de barbarie, de
délinquance – alors que pour un meurtre par exemple la question ne se pose pas puisqu’il n’y
a pas d’ambiguïté sur la nature foncièrement délinquante de l’acte.
Qu’est ce qu’un délinquant ? Le terme de « délinquant » renvoie à un ensemble assez
vaste d’individualités très diverses: cela va du fumeur en espace public au criminel
multirécidiviste en passant par la personne qui conduit au-delà des limitations de vitesse ou
l’individu auteur d’incivilités. On n’est pas délinquant de son état, on est délinquant de par ses
actions. Quand bien même nous portons tous – et ce naturellement – une certaine résistance à
la domination ainsi qu’une certaine revendication de liberté nous n’en sommes pas pour
autant des délinquants : « La jouissance de la participation, le goût de l’affrontement et du
risque, font partie de la nature humaine […] Le gangster Lucky Luciano faisait une analyse
qui mériterait d’être mieux connue quand il parlait de la délinquance, des truands et des
honnêtes gens : « on a tous le vol dans la peau, mais la plupart des gens n’ont pas les couilles
de le faire ». »2. On n’est pas délinquant de son état, on est délinquant dans la mesure stricte
et circonstanciée où l’on a franchi le cap de la pulsion et commis un crime ou un délit qui a
été enregistré par l’instance policière ou judiciaire. De fait, on cesse d’être délinquant à partir
du moment où l’on a purgé sa peine et que l’on entre dans la légalité.
Quelles sont les causes de la délinquance ? Il n’y a pas de cause définissable et
définitive de la délinquance – en somme pas de prédestination génétique ou sociale : « On ne
peut pas définir de causes directes de la délinquance si ce n’est la déviance du comportement
1
Cf. Annexes, GAUDRON (Isabelle), Entretien n°10, Amboise, Juillet 2006, Question n°5.
ROCHÉ (Sebastian), Le frisson de l’émeute : violences urbaines et banlieues, Seuil, Paris, 2006, pp. 130 et
131.
2
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
-8-
Introduction.
humain, peut-être aussi une volonté de rompre avec l’interdit, une volonté naturelle d’exister,
d’affirmer son identité. Après, au niveau social, on ne peut pas vraiment parler de « causes
de la délinquance » mais plutôt de « critères aggravants » ou de « facteurs de
délinquance ». »1. Le simple fait de vivre en société est un facteur de délinquance : plus l’on
est nombreux sur un espace donné – autrement dit toujours plus concentrés sur un espace
toujours plus réduit – et plus la délinquance a des chances2 de survenir. La délinquance est
structurelle à toute collectivité, société ou organisation humaine. Au sein de nos État- nations,
la délinquance est cette part résiduelle et irréductible d’« état de nature», somme de nos
instincts personnels de domination que stimule une certaine compétition et où « l’homme
[qui] est un loup pour l’homme »3 cherche naturellement à dominer ses semblables ainsi qu’à
s’absoudre de certaines règles. Ceci n’est pas à dire que l’homme est foncièrement mauvais –
du moins tel n’est pas notre propos – car au stade de l’état de nature, les notions de bien ou de
mal n’existent pas et le comportement de l’homme primitif en mal de domination s’assimile à
ce que l’on pourrait appeler de façon objective : l’innocence de l’instinct. La délinquance
trouve également des raisons individuelles: « Beaucoup de délinquants le sont par choix
(acceptant le risque de l’illégalité) : ne trouvons pas de fausses excuses socialisantes au
violeur, au dealer, au violent »4 et des raisons psychologiques : « Le psychologue américain
Michael Apter a montré l’importance de cette quête du frisson, le besoin des hommes de le
ressentir, les fonctions biologiques auxquelles elle correspond. Les hommes, contrairement à
ce que Freud supposait, ne recherchent pas un état de tranquillité. Ils aiment les stimulations
extrêmes […] C’est encore plus vrai lorsqu’on s’ennuie dans son quartier : l’inanité de la vie
quotidienne décuple la satisfaction anticipée puis retirée de l’action extrême»5. Le deuxième
membre de la citation qui précède anticipe ce qui va suivre : bien que structurelle à toute
organisation humaine, bien qu’inhérente à des degrés divers à la psychologie de tout individu,
bien que parfois revendiquée comme choix de vie par les individus qui l’exercent, la
délinquance est aussi fonction de « stimuli » sociaux tels le chômage, l’exclusion, la
discrimination, l’absence d’éducation, la précarité, la pauvreté. La délinquance trouve
incontestablement des raisons sociales. La plupart du temps la délinquance n’est pas gratuite :
le refus de respecter les règles énoncées par l’État ou les organismes le représentant trouve
1
Cf. Annexes, GANDUBERT (Christine), op.cit, Question n°12.
En terme mathématique, en terme de probabilités.
3
HOBBES (Thomas), « Epître dédicatoire » in De Cive, op.cit, p.26.
4
CARESCHE (Christophe), Prison, peine perdue : pour une autre politique de sécurité et de justice, Seuil,
Paris, 2006, p.28.
5
ROCHÉ (Sebastian), op.cit, p.131.
2
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
-9-
Introduction.
une explication en terme d’éducation, de situation familiale, sociale ou professionnelle. Dans
une certaine mesure, la délinquance est la manifestation d’un malaise social global et le portevoix des personnes défavorisées ou en situation précaire : elle constitue un signal d’alarme, un
appel au secours. C’est le syndrome « Robin des bois » : dans les banlieues dortoirs par
exemple, les délinquants, minoritaires1, expriment sur un mode non conventionnel ce qu’une
majorité ressent, souffre, mais supporte avec résignation. Comme nous l’avons déjà dit, il y va
des problèmes d’exclusion, de discrimination, de pauvreté, de chômage etc. De fait, la
délinquance est souvent porteuse d’une demande politique : en étant hors la loi, elle sollicite
l’intervention d’une loi plus juste et plus à l’écoute. Il convient cependant de ne pas verser
dans l’angélisme qui consisterait à construire le délinquant comme victime de ses propres
actes : « Ne soyons pas naïfs face à des propos d’émeutiers comme : « tu sais, quand on
brandit un cocktail Molotov, on dit au secours ! ». Faut-il expliquer au lecteur la différence
qu’il y a entre appeler à l’aide et mettre le feu à un bâtiment ou une voiture, voire une moto
qui roule ? »2.
Comment la puissance publique prend-elle en charge la délinquance ?
C. Le concept de prévention.
L’État prend en charge la délinquance par le biais de la prévention – ici entendue dans
un sens large. Nous y reviendrons par la suite.
Avant de prendre en charge la délinquance, l’État commence par l’observer.
L’observation de la délinquance se fait suivant deux modèles qui sont complémentaires l’un
de l’autre : la prévision de la délinquance et la vision de la délinquance. Fondée sur
l’observation de divers indices3 la prévision de la délinquance consiste à prévoir4 le fait de
délinquance avant qu’il ne se produise. Il s’agit par exemple de prévoir une attaque à main
armée, un arrivage de stupéfiants, une dégradation de biens, un accident de voiture mortel, des
1
« Loi des 80/20 » : 80% de la délinquance provient de 20% de la population. Si beaucoup de personnes disent
pouvoir comprendre les actions de certains délinquants, ou reconnaissent elles-mêmes avoir été confrontées à des
pensées « délinquantes », peu d’entre elles seraient prêtes à « passer à l’acte » et à s’incarner « délinquant » au
concret.
2
ROCHÉ (Sebastian), op.cit, p.128.
3
Faisceau d’indices sociaux, policiers, judiciaires etc. L’étude des précédents est aussi très importante dans le
cadre de la prévision de la délinquance : on a par exemple observé dans certaines villes qu’au moment de la
Saint-Sylvestre il y avait systématiquement des feux de poubelle. La prévision de nouveaux feux de poubelle
pour les prochaines « Saint-Sylvestre » a permis aux municipalités concernées de prendre des mesures de
prévention – notamment en enlevant les poubelles.
4
Il s’agit de pouvoir répondre aux questions Quoi, Qui, Où, Quand, Comment, avant que le méfait ne survienne.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- 10 -
Introduction.
luttes entre bandes, des actes d’incivilité, des violences conjugales etc. Les policiers et les
gendarmes sont très socialisés à cette forme de « prescience » qu’est la « prévision » : en
effet, en permanence, ils exercent un regard critique, méfiant, sur le monde qui les entoure.
Quant à elle fondée sur l’observation des faits de délinquance, la vision de la délinquance
consiste à voir le fait de délinquance tel qu’il s’est produit, à l’analyser sous tous les angles :
Quoi, Qui, Où, Quand, Comment. Ce travail d’examen peut-être mené dans le cadre
particulier et détaillé d’une observation policière, judiciaire ou sociale sinon dans le cadre
plus global et agrégé des « études de la délinquance » – type celles des observatoires locaux
de délinquance (exemple de la mission d’observation de la délinquance dans l’agglomération
toulousaine, MODAT) ou celle de l’observatoire national de la délinquance (OND). Il est à
noter qu’en agrandissant le champ des connaissances en matière criminologique, la vision de
la délinquance permet bien souvent d’améliorer la prévision de la délinquance. L’une et
l’autre vont effectivement de pair.
La prise en charge de la délinquance ou le traitement de la délinquance se fait suivant
deux modes : la prévention au sens strict et la répression. On peut considérer de façon
pragmatique que ces deux modes font partie d’un seul et même modèle qui est la prévention
au sens large. De façon traditionnelle, la prévention est : « l’ensemble des mesures destinées à
éviter que ne se produise un évènement qu’on peut prévoir et dont on pense qu’il entraînerait
un dommage pour l’individu ou la collectivité »1. Littéralement, la prévention est donc le
pendant naturel de la prévision. Dit autrement, la prévention de la délinquance est à la
prévision de la délinquance ce que le parapluie est à l’annonce du mauvais temps ou ce que le
dispositif parasismique est à la prévision d’un séisme. Prise au sens strict, la prévention de la
délinquance dite « prévention sociale » s’organise à l’échelon local par le biais d’institutions
partenariales qui réunissent des élus, des représentants de l’État, et des représentants de la
société civile. La prévention de la délinquance au sens strict procède d’une « politique de
prévention de la délinquance »2 – politique originellement de Gauche. Cette politique de
prévention de la délinquance, foncièrement partenariale et locale, se répartit en trois niveaux :
« Le niveau primaire (agir sur les conditions criminogènes de l’environnement physique et
sociale), le niveau secondaire (intervenir au niveau des groupes présentant un risque
particulier en terme de délinquance), le niveau tertiaire (engager des actions individualisées
1
Définition proposée par le laboratoire ATILF (analyse et traitement informatique de la langue française).
GLEIZAL (Jean-Jacques) et FROMENT (Jean-Charles), Les politiques locales de sécurité, Voiron, La lettre du
cadre territorial, coll. « Dossier d’experts », Voiron, 2002, p.51.
2
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- 11 -
Introduction.
de réadaptation sociale pour empêcher la récidive »1. Quant à elle, la répression de la
délinquance est : « l’action de prendre des mesures punitives contre ceux qui sont jugés
contrevenir aux règles, aux lois ou aux options d’un gouvernement, d’une société ou de la
morale »2. De fait, la répression est le pendant naturel de la vision ou constat de la
délinquance. Elle consiste en une réponse immédiate, ferme et proportionnelle3 de l’État par
le biais des ministères de l’Intérieur, de la Défense, de la Justice et leurs services respectifs.
Ainsi, la répression est une action plutôt unilatérale qui est pilotée par l’État central et ses
services déconcentrés. La répression entre dans le cadre d’une politique publique que l’on
appelle : « politique de sécurité publique »4 – politique originellement de Droite et qui vise à
agir sur la délinquance. Souvent mal perçue cette réponse répressive est pourtant nécessaire. Il
y va du maintien de l’autorité de l’État, du maintien de l’ordre public, et de la pérennité de la
République. La répression a également une valeur préventive. En effet, intervenir, réprimer,
sanctionner, c’est aussi prévenir. Arrêter un conducteur qui conduit en excès de vitesse par
exemple – répression – a
pour effet d’inciter le conducteur en question à rouler plus
lentement mais incite également les autres conducteurs à conduire plus lentement, ce qui
réduit les possibilités d’accident – prévention. De fait, la répression est une forme de
prévention dans la mesure où elle a un effet inhibiteur sur les comportements délinquants
qu’elle réprime mais également sur ceux qui sont en passe de le devenir. Pour rendre compte
de cet état de fait, on utilise souvent l’expression de « prévention sécuritaire ». De là à savoir
si la prévention sécuritaire est toujours efficace et toujours appropriée, c’est une autre
question : dans le domaine de la sécurité routière il est avéré que la prévention sécuritaire
porte ses fruits, mais dans le domaine du trafic de stupéfiants par exemple, la prévention
sécuritaire semble quelque peu à la peine dans la mesure où les réseaux démantelés sont
remplacés très rapidement par de nouveaux réseaux. Autrement dit, en pratique, dans le
domaine du trafic de drogues, la répression n’a aucun effet préventif – quand bien même
théoriquement elle conserve cette caractéristique préventive. En effet, ce n’est pas parce que
la prévention sécuritaire n’a pas toujours les effets escomptés qu’il faut pour autant dénier à la
répression son caractère préventif. Comme le fait remarquer justement le politiste français
Philippe BRAUD : « Toute politique d’action concrète suscite des « effets émergents »
(Boudon) […] produisant un résultat que personne ne maîtrise voire ne souhaite.
1
DIEU (François), op.cit, p.86.
Définition proposée par le laboratoire ATILF (analyse et traitement informatique de la langue française).
3
Proportionnelle à la gravité de la faute commise.
4
GLEIZAL (Jean-Jacques) et FROMENT (Jean-Charles), op.cit, p.51.
2
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- 12 -
Introduction.
L’amélioration des axes de pénétration routière dans les grandes villes a conduit par exemple
aux embouteillages et engorgements que l’on souhaitait précisément combattre (effet pervers,
c'est-à-dire ni souhaité ni souhaitable) »1. La prévention au sens strict et la répression
constituent, nous venons de la démontrer, deux modes traditionnels et pour beaucoup
politiciens de traitement de la délinquance. Aujourd’hui, ces deux modes de traitement de la
délinquance procèdent – ou s’évertuent à procéder plus ou moins laborieusement – d’une
même logique, d’un même modèle : la prévention de la délinquance entendue au sens large.
Prise au sens large, la prévention de la délinquance est aussi bien préventive que répressive,
locale que centrale, sociale que sécuritaire, politique de prévention de la délinquance que
politique de sécurité publique. Pour qualifier cette combinaison d’actions publiques, cette
politique partenariale de sécurité qui agit à la fois sur les causes de la délinquance et sur la
délinquance elle-même, on parle plus couramment de « politique de sécurité urbaine »2. Nous
reviendrons sur les différents types historiques de politiques de sécurité dans notre approche
contextuelle.
La prévention de la délinquance entendue au sens large suggère l’établissement et
l’action de partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance. Mais que
signifie le terme de partenariat ?
D. Le concept de partenariat.
Assurer la sécurité des personnes et des biens sur le territoire national est l’une des
premières missions, si ce n’est la mission essentielle de l’État. Les institutions que l’État a
chargées de la mission fondamentale de sécurité sont la police nationale et la gendarmerie
nationale – l’une et l’autre opérant dans des zones de compétence bien différenciées. Ces deux
institutions agissent sous le patronage des préfets et des procureurs de la république. Les
maires, sous le contrôle de l’État, et en fonction des pouvoirs de police que la loi leur a
conférés participent également à cette mission de sécurité. Enfin, sur le plan pénal, les
tribunaux ont la mission de réprimer par des sanctions appropriées les auteurs d’actes
délictueux. Néanmoins, aujourd’hui, l’action des institutionnels que l’on vient de décrire ne
suffit pas à elle seule à prévenir la délinquance et à résoudre les problèmes d’insécurité. C’est
d’autant plus vrai que la délinquance ne connaît pas les frontières administratives sur
lesquelles se fondent les dispositifs traditionnels et que les modes de criminalité ne cessent de
1
2
BRAUD (Philippe), op.cit, p.494.
GLEIZAL (Jean-Jacques) et FROMENT (Jean-Charles), op.cit, p. 51.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- 13 -
Introduction.
se diversifier (exemple des pirates informatiques qui menacent l’intégrité de l’État sur ses
plateformes dématérialisées) et de se médiatiser (exemple des jeunes délinquants qui filment
leurs délits : « happy slapping »1). Dans ces conditions, il est bien évident que menée de façon
isolée, cloisonnée, l’action des différents professionnels de sécurité ne peut suffire à
l’établissement de relations sociales policées et ne peut répondre à la demande de sécurité des
citoyens. « L’État, imbu de son importance régalienne et de sa supériorité républicaine, n’est
pas en mesure de faire respecter de manière satisfaisante le droit, en particulier dans les
zones les plus déshéritées de notre pays »2. C’est pourquoi, les pouvoirs publics ont pris le
parti de construire des partenariats réunissant les acteurs de la société civile, les élus et les
acteurs de l’État. Nous reviendrons plus en détail sur ces dispositifs de sécurité dans notre
approche institutionnelle. Il s’agit simplement ici de retenir que l’apparition de la notion de
partenariat dans le schème de la sécurité et de la prévention de la délinquance est la
conséquence de l’insuffisance et du déclin de l’État- Providence. Selon Jean-Luc BESSON,
consultant en sécurité publique, « le partenariat est un mode d’action publique qui intervient
simultanément avec le déclin de l’État providence et la modification du lien social entre l’État
et les citoyens. C’est une tentative de réponse à la crise de la responsabilité et à la
raréfaction des budgets »3.
Le principe premier ou principe actif du concept de partenariat est très ancien puisqu’il
nous vient de la Grèce Antique et plus précisément de l’écrivain ÉSOPE à qui l’on attribue la
paternité de la célèbre formule : « L’union fait la force ». Il convient cependant de ne pas
réduire le partenariat à une simple alliance de forces visant la constitution d’une plus grande
force: le partenariat induit cette dimension stratégique mais la transcende aussi. D’un point
de vue conceptuel, le partenariat est un système – formel ou informel – qui associe différents
acteurs – les « partenaires » – en vue de la réalisation d’un projet commun. Selon Jean-Luc
BESSON, le partenariat n’est pas que stratégique, il « présuppose [en effet] des intérêts
communs, un projet commun et une contribution volontaire [des partenaires] au système »4.
La méthode du partenariat est la coopération. Le partenariat est donc un mode d’action par
lequel des personnes ou des groupes qui ont des intérêts communs coopèrent. Cette
1
Littéralement « joyeuses baffes ». Expression utilisée pour décrire un rite initiatique qui consiste à choisir une
victime au hasard, à l’attaquer seul ou en groupe, à filmer l’agression, et à la diffuser par divers médias. Rite
d’origine anglaise, répandu chez les jeunes des quartiers sud de Londres, mais qui s’est popularisé en Europe :
exemple de l’agression filmée d’une enseignante par un lycéen à Porcheville (Yvelines) en Avril 2006.
2
CARESCHE (Christophe), op.cit, p.13.
3
BESSON (Jean-Luc), CLS-CLSPD : guide du coordinateur, La lettre du cadre territorial, coll. « Dossier
d’experts », Voiron, 2005, p.49.
4
Ibid., p.1.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- 14 -
Introduction.
coopération peut-être formelle (partenariat formel) : elle va de fait s’exercer au sein d’une
structure partenariale officielle qui se fonde, qui s’organise et qui agit sur la base d’un texte
fondateur – convention, charte – rédigé et validé par l’ensemble des partenaires. Mais cette
coopération peut-être aussi informelle (partenariat informel), elle va alors s’exercer en dehors
de toute structure et de tout engagement écrit. Il convient cependant de préciser qu’une fois en
œuvre, un partenariat formel induit, en plus des modalités de coopération prévues par les
textes qui l’instituent, des modalités de coopération informelles, imprévues, qui émergent
naturellement des relations interpersonnelles qui se nouent entre les différents acteurs au sein
de la structure partenariale. Autrement dit, la frontière qui se crée entre le partenariat formel
et le partenariat informel est une frontière poreuse.
D’un point de vue plus concret, selon Jean-Luc BESSON1, le partenariat doit respecter
certaines règles s’il veut être efficace : (1) Le partenariat doit être formel : en
s’institutionnalisant le partenariat devient en effet détenteur « d’une réalité propre, une réalité
qui affronte l’individu comme un fait extérieur et coercitif »2 – ce qui constitue une sorte de
caution pour l’ensemble des partenaires. (2) Le pouvoir au sein de la structure doit être
équitablement partagé entre les partenaires, sans quoi il ne s’agira plus d’un partenariat. (3) Si
elle est locale, la structure partenariale doit obtenir l’accord formel des pouvoirs centraux
pour fonctionner, sans quoi elle sera impuissante. (4) La structure doit être pluridisciplinaire
et pluri- institutionnelle : afin de minimiser son risque et le gérer quand il survient, il s’agit
souvent en effet de diversifier son risque et de diversifier ses compétences. (5) Il faut adopter
une ligne de transparence sur l’activité de la structure et perpétuer une dynamique de
communication, surtout autour de ses succès : « Cette dynamique de communication et de
succès est certainement la meilleure solution pour asseoir la légitimité de la structure vis-àvis des structures mères comme de l’extérieur (institutionnel et public). En outre, celle-ci a
pour effet de conforter les participants et de leur apporter une relative certitude sur la
pertinence de leur action »3. (6) Enfin, la structure doit être pilotée par un coordonnateur (ou
« coordinateur ») qui doit posséder une formation4 et une qualification en rapport avec sa
1
Ibid., p.69.
BERGER (Peter) et LUCKMANN (Thomas), La construction sociale de la réalité, Méridiens Klincksieck,
Paris, 1986, p.84.
3
BESSON (Jean-Luc), op.cit, p.69.
4
L’institut d’études politiques de Toulouse et plus précisément le Master 2 « Politique et sécurité », fait partie
des formations françaises les plus réputées (Cf. BESSON (Jean-Luc), Ibid., p.81). Par ailleurs, à titre
anecdotique, j’ai eu l’occasion dans le cadre ce travail de recherche, de mener un entretien à usage exploratoire
avec Cécile ARCHES qui constitue un « bon exemple » puisque, titulaire du Master de l’IEP de Toulouse, elle a
obtenu le poste de coordinatrice du C.L.S. d'Issy-les-Moulineaux.
2
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
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Introduction.
profession.
Cette approche conceptuelle étant achevée, il convient désormais de remettre les
concepts de « sécurité », de « délinquance », de « prévention » et de « partenariat » dans leur
contexte, les articuler concrètement les uns avec les autres, en abordant l’Histoire des
politiques publiques de sécurité.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
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Introduction.
Conception et réalisation : Jean-Baptiste Hayes.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- 17 -
Introduction.
II.
Approche contextuelle.
L’idée des partenariats locaux en matière de sécurité et de prévention a trente ans : les
politiques locales de sécurité commencent effectivement à émerger en 1977.
Mais que signifie l’expression « politiques locales de sécurité » ? Les politiques
locales de sécurité font partie des politiques publiques de sécurité à la précision près qu’elles
sont pilotées à l’échelon local. Les politiques publiques de sécurité sont : « l’ensemble des
dispositions législatives et réglementaires prises pour gérer le champ de la sécurité, ainsi que
des actions ou programmes publics mis en œuvre par les élus locaux et nationaux, les
administrations seules ou en partenariat avec d’autres partenaires associatifs ou marchands.
Elles s’adressent aux auteurs de violence, mais aussi aux victimes et à l’opinion publique »1.
Historiquement on peut distinguer trois grandes phases de la réponse publique à la
demande locale de sécurité : la politique de sécurité publique (1977-1982), la politique de
prévention de la délinquance (1982-1991) et la politique de sécurité urbaine (1991-2007).
A. 1977-1982 : la politique de sécurité publique.
Jusqu’en 1970 la ville était considérée comme un lieu de développement, un lieu de
modernité. A partir de 1970, elle est de plus en plus considérée comme un lieu de pauvreté, un
lieu de relégation. La ville devient très vite un condensé de problèmes sociaux et le malaise
social urbain se traduit inévitablement en terme d’insécurité et de délinquance : « Longtemps
tenue en marge, la violence s’est installée au cœur de la cité »2.
En 1977, alors que la crise économique et sociale commence à étreindre la France, un
comité interdisciplinaire présidé par Alain PEYREFITTE, alors ministre de la justice de
Raymond BARRE (gouvernement de droite), tente d’apporter des « réponses à la violence »
dans un rapport du même nom. Ce rapport est fondateur en ce sens qu’il contient toute la
philosophie de l’approche française en matière de sécurité et de prévention de la délinquance :
« [ce rapport] fournit [en effet] la matrice théorique à toutes les politiques de prévention et de
sécurité publique qui viendront s’ajouter les unes aux autres au cours des décennies
suivantes »3. Le rapport affirme notamment : l’importance de la coordination entre les acteurs
de sécurité, l’importance de la proximité en matière de sécurité et la nécessité de combiner
1
ROCHÉ (Sebastian), Sociologie politique de l’insécurité, Seuil, Paris, 1998, p.157.
PEYREFITTE (Alain), Réponses à la violence, Presses pocket, 1977, T.1, p.37.
3
BESSON (Jean-Luc), op.cit, p.10.
2
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- 18 -
Introduction.
prévention et répression. Entre autres choses, le rapport jette ainsi les bases des partenariats
locaux de sécurité et de prévention de la délinquance.
La crise économique et sociale aidant, la mise en œuvre du rapport va cependant être
quelque peu détournée de ses fins originelles : « Victime d’une interprétation sécuritaire, [la]
mise en œuvre [du rapport] ne retient [en effet] que les aspects pénaux et répressifs […],
négligeant [les] éléments les plus novateurs »1. Illustration de ce détournement sécuritaire : la
loi « sécurité et liberté » du 2 février 1981 constitue un droit pénal de la violence qui vise à
accroître la répression.
La politique menée de façon effective de 1977 à 1982 en matière de sécurité constitue
indéniablement une politique de sécurité publique au sens sécuritaire du terme et ce, même si
le rapport qui constitue le matériau de base de cette politique n’est pas empreint d’idéologie
sécuritaire.
B. 1982-1991 : la politique de prévention de la délinquance.
Tel un Phénix l’âme du rapport PEYREFITTE va renaître de ses cendres et trouver un
prolongement au travers du rapport de la commission des maires sur la sécurité, installée en
1982 par Pierre MAUROY (gouvernement de Gauche) et présidée par Gilbert
BONNEMAISON. Ce rapport intitulé « Face à la délinquance : prévention, répression,
solidarité », préconise la prise en compte de l’environnement social et du cadre de vie pour la
définition de la politique de sécurité. La conception de la sécurité développée dans ce rapport
est ainsi foncièrement liée à la solidarité. L’aspect répressif est envisagé mais largement
édulcoré : il y va d’un choix politicien de sécession avec l’idéologie par trop sécuritaire du
gouvernement précédent. Le rapport préconise également une coopération entre l’État, les
collectivités territoriales et les associations pour mener des politiques de prévention plus
efficaces. S’ensuit de ce rapport la naissance d’une politique de prévention de la délinquance
ayant surtout vocation à agir sur les causes sociales criminogènes et la création en 1983 de
partenariats locaux en matière de prévention de la délinquance : conseil national de prévention
de la délinquance (CNPD), conseils départementaux de prévention de la délinquance (CDPD)
et conseils communaux de prévention de la délinquance (CCPD). Au niveau des CCPD, les
actions de sécurité et de prévention mises en œuvre l’ont d’abord été dans le cadre des
contrats d’action prévention (CAP) signés exclusivement entre l’État et les maires.
1
GLEIZAL (Jean-Jacques) et FROMENT (Jean-Charles), op.cit, p. 10.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- 19 -
Introduction.
A la fin des années 1980, des diagnostics locaux de sécurité (DLS) révèlent les limites
de la politique de prévention de la délinquance façon « BONNEMAISON ». Ceci conduit le
nouveau Premier ministre, Michel ROCARD, à réorienter la politique de prévention de la
délinquance et notamment à l’intégrer dans la politique de la ville. C’est notamment la
création des contrats de ville1. Cette nouvelle politique de prévention de la délinquance
« permet de traiter la sécurité dans la perspective de la ville qui est celle d’une complexité
impliquant de la coordination entre les administrations, de la concertation et du partenariat
entre les acteurs publics et privés »2. Cette nouvelle politique amorce par ailleurs un certain
retour de l’État, c'est-à-dire qu’elle tend à consacrer l’État comme l’animateur central de la
politique de sécurité qui est coproduite.
C. 1991- 2007: la politique de sécurité urbaine.
L’alternance entre la politique de sécurité publique (de droite, fondée sur l’État central
et sur la répression) et la politique de prévention de la délinquance (de gauche, fondée sur le
Partenariat local et surtout sur la prévention) tend à s’équilibrer depuis le début des années
1990 avec la mise en place de la politique de sécurité urbaine: « Les questions de sécurité ont
toujours fait l’objet d’approches singulières selon les orientations politiques des décideurs.
Les années 1990 n’échappent pas à cette réalité. Cependant, les différents dispositifs mis en
place par les gouvernements successifs, s’ils diffèrent nettement en certains aspects,
témoignent d’une certaine continuité qui rend compte d’une évolution commune et générale,
en France, dans la façon d’appréhender ces problèmes »3, « La continuité de l’action
publique à travers les gouvernements successifs n’est pas totale, mais elle est forte »4. La
politique de sécurité urbaine est une politique qui combine l’État aux acteurs locaux et la
répression à la prévention. La politique de sécurité urbaine est « aussi bien répressive que
préventive, [elle] a deux caractéristiques essentielles : elle cherche à mobiliser les différents
acteurs sociaux concernés par l’insécurité et elle organise une nouvelle répartition des tâches
entre l’État et les collectivités locales »5. Bien qu’ils s’inscrivent dans la continuité d’une
1
Créé par la loi du 10 juillet 1989 approuvant le Xe plan, le contrat de ville est un contrat entre les maires et
l'État afin de mutualiser les moyens budgétaires tant en matière de fonctionnement que d'investissement. Son
champ d'action ne recouvre pas la totalité du territoire d'une commune mais est ciblé sur des quartiers
prioritaires. Ce contrat ne concerne pas que la sécurité mais la sécurité fait partie de ses multiples objectifs. Les
contrats de ville ont été remplacés par les contrats urbains de cohésion sociale (CUCS) pour 2007-2013.
2
GLEIZAL (Jean-Jacques), Chronique de police, RSCDPC, n°4, 1996.
3
GLEIZAL (Jean-Jacques) et FROMENT (Jean-Charles), op.cit, p. 53.
4
ROCHÉ (Sebastian), Police de proximité : nos politiques de sécurité, op.cit, p.246.
5
GLEIZAL (Jean-Jacques) et FROMENT (Jean-Charles), op.cit, p. 53.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- 20 -
Introduction.
politique de sécurité urbaine à la fois sociale et sécuritaire – et non plus exclusivement sociale
ou sécuritaire – les gouvernements de droite et de gauche post-1990 essaient toujours – la
manœuvre est politicienne – d’afficher leurs particularités : la gauche agite la marionnette
d’une politique de sécurité urbaine plutôt préventive tandis que la droite agite la marionnette
d’une politique de sécurité urbaine plutôt répressive. Quatre grandes phases peuvent ainsi être
distinguées dans l’histoire de la politique de sécurité urbaine : 1991-1993 (gouvernement de
gauche), 1993-1997 (gouvernement de droite), 1997-2002 (gouvernement de gauche), 20022007 (gouvernement de droite).
Entre 1991 et 1993, les gouvernements CRESSON et BÉREGOVOY créent les plans
locaux de sécurité (PLS) – plans qui introduisent des relations contractuelles entre l’État et
les collectivités locales dans le domaine de la sécurité. La gauche affirme ainsi sa préférence
traditionnelle pour le municipal. Puis, Pierre BÉREGOVOY généralise les contrats de ville.
L’arrivée de la droite au pouvoir en 1993 avec Edouard BALLADUR se traduit par un
retour de l’État dans le champ de la sécurité et par un infléchissement de la politique de
sécurité urbaine: plus étatique, plus policière. Entre 1993 et 1997, on assiste donc à la création
des plans départementaux de sécurité (PDS) et des directions départementales de la sécurité
publique (DDSP) – la droite affiche ainsi sa préférence pour la coordination au niveau
départemental. Néanmoins les PLS et les partenariats locaux sont maintenus de même que les
CAP qui sont rebaptisés en 1994 contrats d’action de prévention pour la sécurité (CAPS). La
loi d’orientation et de programmation relative à la sécurité (LOPS) du 21 Janvier 1995
confirme et consacre cette réorientation sécuritaire de la sécurité urbaine dans la mesure où
elle va recentrer les activités du secteur sur la police. Il convient cependant de nuancer le
propos en précisant que la LOPS contient également une idée de police de proximité qui n’a
rien de sécuritaire : « Il importe que la police retrouve toute sa place dans la cité. Renouant
avec la tradition républicaine, elle doit redevenir une police de proximité présente sur la voie
publique, plus qu’une police d’ordre. Elle doit se faire reconnaître par son aptitude à se
mobiliser au service de tous et s’adapter de façon immédiate à toutes les situations »1.
Entre 1997 et 2002, le gouvernement de Lionel JOSPIN mise tout sur la notion de
proximité. Les PLS et CAPS sont remplacés par les contrats locaux de sécurité (CLS) – une
fois n’est pas coutume la gauche consacre donc l’échelon départemental car le préfet est
1
Article 2 de la LOPS.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- 21 -
Introduction.
indispensable pour la signature d’un CLS. La loi sur la sécurité quotidienne est adoptée, cette
dernière confère une reconnaissance législative aux CLS et fait des établissements publics de
coopération intercommunale (EPCI) des acteurs à part entière des politiques de sécurité. Le
gouvernement met également en œuvre une justice de proximité par le biais des maisons de la
justice et du droit (MJD). Dans la même lignée, le gouvernement procède au lancement de la
réforme de la police en vue de créer une police de proximité. Deux nouveaux types d’emplois
sont créés : les adjoints de sécurité (ADS) dans la police nationale et les agents locaux de
médiation sociale (ALMS) au service des collectivités territoriales et des associations. Leur
mission ? Faire de la police un service public et pas seulement un service d’État. La réforme
est courageuse mais sa mise en œuvre s’avère être un véritable fiasco –
« la liste des
obstacles et des faux pas dans la mise en œuvre de la proximité constitue un cas d’école »1 – à
tel point que Sebastian ROCHÉ s’interroge de façon rhétorique : « la gauche n’a-t-elle pas
saboté seule sa réforme ?»2.
Entre 2002 et 2007 les gouvernements RAFFARIN et DE VILLEPIN poursuivent le
travail effectué par la gauche – tout en se démarquant de façon politicienne de la gauche :
« La grande majorité des priorités sont inchangées […] Les dossiers principaux sont donc les
mêmes que sous le gouvernement Jospin […] Cela n’empêche pas l’émergence de thèmes
additionnels »3. La police de proximité est écartée sans pour autant être supprimée, Nicolas
SARKOZY va en quelque sorte laisser mourir la réforme : « La tonalité du discours politique
est négative, mais aucune instruction technique de suppression n’est envoyée aux
circonscription »4. La relégation de la police de proximité aux oubliettes n’est pas
l’illustration d’une idéologie qui serait propre à Nicolas SARKOZY qui déclare ne pas
vouloir mettre en cause le principe de proximité, c’est plutôt l’illustration d’une logique
politique ou politicienne : « l’abandon de la police de proximité relève moins d’une
orientation idéologique […]. Elle exprime bien plus la volonté pour le ministre de s’appuyer
sur les syndicats des cadres de la police qui ont marqué leur opposition à la réforme et de se
distinguer lui-même des socialistes et de leur échec, que traduisent à ses yeux à la fois
l’augmentation du nombre de délits dans le pays et la débâcle électorale de Lionel Jospin »5.
Illustration importante de la continuité de la politique de droite avec celle de gauche en
1
ROCHÉ (Sebastian), op.cit, p.276.
Ibid., p.276.
3
Ibid., p.224.
4
Ibid., p.233.
5
Ibid., p.230.
2
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- 22 -
Introduction.
matière de sécurité, l’orientation de gauche sur les CLS et les partenariats locaux « a survécu
à la défaite de 2002 et été renforcée par le ministre de l’intérieur de Jean-Pierre Raffarin »1 :
les CLSPD, CDP et CDS sont ainsi créés par décret le 17 juillet 2002. Ces instances
partenariales remplacent les anciens CCPD et CDPD du dispositif BONNEMAISON. Elles
sont associées à la préparation, à la mise en œuvre et au suivi des CLS et PDS. Le CLSPD
renforce le pouvoir du maire qui « n’a plus besoin de l’imprimatur de la préfecture pour se
lancer dans un dispositif de coordination »2. Autre nouveauté : un grand « ministère de
l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales » est créé. Le ministre de l’Intérieur
a désormais autorité non seulement sur la police nationale mais il est également responsable,
en concertation avec le ministre de la Défense, de l'emploi des services de la gendarmerie
nationale – ce qui permet d’assurer une meilleure coordination et une plus grande efficacité
des forces de l'ordre (les gendarmes conservent cependant leur statut militaire). Les zones de
compétence entre forces de police et gendarmerie sont par ailleurs redistribuées : les grandes
agglomérations sont placées dans leur totalité en zone de police tandis que les zones rurales et
périurbaines sont avec les villes moyennes, confiées à la gendarmerie. Le gouvernement
produit également une batterie de nouvelles lois : la LOPSI, la LSI et la LPD. La loi
d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (LOPSI) du 29 Août 2002 fixe
les objectifs du gouvernement en matière de lutte contre l’insécurité. Quant à elle, la loi pour
la sécurité intérieure (LSI) du 18 Mars 2003 maintient le principe d’une police de proximité
et/mais accroît considérablement les moyens techniques et juridiques des forces de police.
Enfin, la loi relative à la prévention de la délinquance (LPD) du 5 mars 2007 fait du Maire le
patron de la prévention de la délinquance. La LPD intègre également des mesures concernant
les violences conjugales, les infractions sexuelles et la consommation de drogues mais elle est
tout de même principalement centrée sur le traitement de la délinquance juvénile et sur le
Maire. Dans les communes de plus de 10 000 habitants il est ainsi obligatoire de créer un
CLSPD et le Maire doit en être l’animateur. La LPD vise en effet à faire en sorte que le Maire
s’implique davantage dans la sécurité et la prévention de la délinquance : le Maire doit
s’imposer bon gré mal gré comme un partenaire incontournable de sécurité c'est-à-dire un
partenaire ayant suffisamment de pouvoir et étant suffisamment digne d’intérêt pour être
respecté et considéré par ses pairs partenaires – et non plus considéré comme un partenaire
junior ou un simple copilote. La LPD s’inscrit d’une certaine façon dans la continuité d’une
certaine police de proximité, police qui n’est pas entre les mains d’un policier ou d’un
1
2
Ibid., p.215.
Ibid., p.249.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- 23 -
Introduction.
gendarme mais ici d’un élu du peuple. De plus, il est à noter que la LPD de Nicolas
SARKOZY n’entre pas foncièrement en contradiction avec les pensées socialistes, en
témoigne le député PS et adjoint au maire de Paris Christophe CARESCHE : « Jean-Marie
Petitclerc propose de désengorger l’activité des tribunaux pour enfants en transférant une
partie du pouvoir disciplinaire de sanction vers des autorités de proximités. Cette approche
me semble juste, si elle est précisément encadrée. Il ne serait pas aberrant, en effet, que le
maire ou le principal de collège puisse, après convocation des parents, organiser une
sanction et une réparation, s’agissant des petits délits ou des dégradations »1. La période
2002-2007 que l’on peut qualifier de « période SARKOZY »2, est une période riche en
matière de sécurité et de prévention de la délinquance, que ce soit matériellement ou
formellement : riche en nouvelles lois, riche en nouveaux dispositifs. Est-ce à dire que
Nicolas SARKOZY échappe à la continuité gouvernementale « droite- gauche » que l’on a
pourtant décrite plus haut ? A la question « Nicolas Sarkozy fait-il une différence ?»3,
Sebastian ROCHÉ répond très clairement: « un homme peut marquer son passage dans un
ministère par une forte communication. Voilà qui est sans doute plus aisé que de changer les
politiques »4.
Cette approche contextuelle étant achevée il convient désormais de brosser à grands
traits, pragmatiquement, un panorama des dispositifs français de sécurité et de prévention de
la délinquance (approche institutionnelle).
III.
Approche institutionnelle.
Les dispositifs français de « sécurité »5 et de prévention de la délinquance sont de
deux types : on peut distinguer les dispositifs traditionnels de ceux partenariaux.
A. Les dispositifs traditionnels de sécurité.
Les dispositifs traditionnels de sécurité sont majoritairement des dispositifs d’État6 et
plus marginalement des dispositifs municipaux : ces dispositifs traditionnels relèvent du
1
CARESCHE (Christophe), op.cit, p.29.
Nicolas SARKOZY est Ministre de l’Intérieur de Mai 2002 à Mars 2004 et de Mai 2005 à Mars 2007.
Dominique DE VILLEPIN ne fait qu’un passage-éclair Place Beauvau de Mars 2004 à Mai 2005.
3
ROCHÉ (Sebastian), op.cit, p.223.
4
Ibid., p.258.
5
« Sécurité » au sens d’« état de préservation vis-à-vis de la délinquance et d’éventuels autres comportements à
risque » (état) ou encore comme « prévention et répression de la délinquance et d’éventuels autres
comportements à risque ». Cf. la définition de la sécurité (A) dans notre approche conceptuelle (I).
6
La sécurité est un « domaine réservé » de l’État, elle est très centralisée et s’organise donc à l’échelon territorial
sous la forme de services déconcentrés.
2
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- 24 -
Introduction.
ministère de l’intérieur, du ministère de la défense, du ministère de la justice, du ministère de
l’économie des finances et de l’industrie, et des maires. On peut ainsi identifier cinq
dispositifs traditionnels de sécurité : la police nationale, la gendarmerie nationale, la justice, la
douane et les polices municipales.
1. La police nationale (PN).
La Police nationale (PN) est compétente dans les grandes agglomérations. Elle ne
couvre que 5% du territoire mais où sont concentrés 51% de la population1. Elle dépend du
ministère de l’intérieur et plus précisément de la Direction générale de la police nationale
(DGPN). Le directeur général de la police nationale2 est un haut fonctionnaire du ministère de
l’intérieur issu du corps préfectoral et nommé en Conseil des ministres. Le directeur est
assisté d’un cabinet composé d’administrateurs civils et de hauts fonctionnaires de police. Il
est par ailleurs directement rattaché à des entités spécialisées : la mission de lutte anti-drogue
(MILAD), l'unité de coordination de la lutte anti-terroriste (UCLAT), le service de sécurité du
ministère de l'intérieur (SSMI), le service central automobile (SCA), l'unité de recherche,
assistance, intervention et dissuasion (RAID), le service d'information et de communication
de la police nationale (SICOP). La DGPN est composée de l'inspection générale de la police
nationale (IGPN), de la préfecture de police3, de huit directions et de deux services. Les huit
directions de DGPN sont : la direction de l'administration de la police nationale (DAPN), la
direction de la formation de police nationale (DFPN), la direction centrale de la police
judiciaire (DCPJ), la direction centrale de la sécurité publique (DCSP), la direction de la
surveillance du territoire (DST), la direction centrale de la police aux frontières (DCPAF), la
direction centrale des renseignements généraux (DCRG) et la direction centrale des
compagnies républicaines de sécurité (DCCRS). Les deux services de la DGPN sont : le
service de coopération technique internationale de police (SCTIP) et le service de protection
des hautes personnalités (SPHP). Certaines directions de la DGPN se déconcentrent en
directions territoriales et services territoriaux : la DCSP qui concerne la protection des
personnes et des biens, la tranquillité et le maintien de l’ordre public – ce qui justifie pourquoi
cette direction nous intéresse plus que les autres dans le cadre de ce mémoire – se décline en
102 Directions départementales de la sécurité publique (DDSP). Les DDSP regroupent ellesmêmes un nombre variable de circonscriptions, 424 au total, qui sont dirigées par des
commissaires de police (commissariats de police) ou par des commandants de police
1
En septembre 2005, 29 707 582 d'habitants répartis dans 1713 communes. (Source : ministère de l’Intérieur).
Actuellement, Michel GAUDIN.
3
La sécurité dans la capitale est assurée par la Préfecture de Police.
2
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- 25 -
Introduction.
(brigades de police). En 2005 les services de la sécurité publique ont enregistré 64% de la
délinquance constatée en France1. Ceci étant dit, quelles sont les missions de la police
nationale? La police nationale a cinq missions : (1) assurer la sécurité des personnes, des
biens et des institutions, (2) maîtriser les flux migratoires et lutter contre l’immigration
illégale, (3) lutter contre la criminalité organisée, la grande délinquance et la drogue, (4)
protéger le pays contre la menace extérieure et le terrorisme, (5) maintenir l’ordre public.
2. La gendarmerie nationale (GN).
La Gendarmerie nationale (GN) est compétente dans les zones rurales et périurbaines
ainsi que dans les villes moyennes. Elle couvre 95% du territoire dans lesquels se tiennent
49% de la population. La gendarmerie nationale dépend organiquement du ministère de la
défense mais aussi du ministère de l’intérieur de la sécurité intérieure et des libertés
locales qui peut, en concertation avec le ministère de la défense, décider de son emploi. La
gendarmerie nationale est une institution administrative subordonnée au ministre de la
défense et orchestrée par la Direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN). Le
directeur général de la gendarmerie nationale est nommé en Conseil des ministres. Depuis
Novembre 2004, c’est un militaire2 : cela faisait 57 ans que ce n’était plus arrivé ! Assisté du
major général de la gendarmerie et de l’inspecteur technique de la gendarmerie : le directeur
général dirige l’ensemble des services gendarmiques et assiste le ministre de la défense dans
ses missions de gendarmerie. La DGGN comprend un cabinet, l’Inspection de la gendarmerie
nationale (IGN) et trois services d’administration et de gestion qui sont articulés en sousdirections et bureaux. Ces trois services sont : le Service des opérations et de l’emploi (SOE),
le Service des plans et moyens (SPM), le Service des ressources humaines (SRH).
L’administration centrale de la gendarmerie nationale se déconcentre au niveau territorial sous
la forme de deux types de gendarmerie : « la gendarmerie départementale (la Blanche) et la
gendarmerie mobile (la Jaune)»3. La gendarmerie départementale est une gendarmerie fixe et
de proximité : elle privilégie le contact avec la population de jour comme de nuit et s’organise
en « groupements » au niveau des départements, en « compagnies » au niveau des
arrondissements, et en « brigades » au niveau des cantons. La gendarmerie départementale
dispose également d’unités spécialisées telles : les unités de recherches, les pelotons de
surveillance et d’intervention (PSIG), les brigades de prévention de la délinquance juvénile
(BPDJ), les sections aériennes (équipées d’hélicoptères) etc. Quant à elle, placée sous
1
Soit 2 401 051 crimes et délits. (Source : ministère de l’Intérieur).
Le général d’armée Guy PARAYRE.
3
DIEU (François), op.cit, p.149.
2
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
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Introduction.
l’autorité de commandants de « région de gendarmerie », la gendarmerie mobile est une force
mobile de maintien et/ou de rétablissement de l’ordre public. Elle peut s’organiser en
« groupements » (commandé par un officier supérieur, le groupement comprend entre quatre
et sept escadrons) ou en « escadrons » (commandé par un capitaine, l’escadron comprend cinq
pelotons). La gendarmerie mobile dispose elle aussi d’unités spécialisées tel le très célèbre
groupement de sécurité et d'intervention de la gendarmerie nationale (GSIGN) qui se divise
en trois pôles : le groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), l'escadron
parachutiste et d'intervention de la gendarmerie nationale (EPIGN) qui comprend lui-même le
groupe d'observation- recherche (GOR) et enfin, le détachement gendarmerie du groupe de
sécurité de la présidence de la République (GSPR). En plus de la gendarmerie départementale
et de la gendarmerie mobile, la gendarmerie nationale comprend également cinq gendarmeries
spécialisées : la garde républicaine, la gendarmerie maritime, la gendarmerie de l’air, la
gendarmerie des transports aériens et la gendarmerie de l’armement. En 2005, la gendarmerie
nationale a enregistré 36% des délits constatés. Mais quelles sont les missions de la
gendarmerie nationale ? La gendarmerie nationale doit remplir quatre missions : (1) mission
de sécurité routière, (2) mission de police judiciaire, (3) mission d’ordre public et de sécurité
générale, (4) mission de sécurité internationale.
3. La Justice.
La Justice est compétente sur l’ensemble du territoire national. Les services
judiciaires, pénitentiaires et les tribunaux dépendent tous plus ou moins1 du ministère de la
justice. Ce dernier se compose de multiples directions centrales parmi lesquelles: la Direction
des services judiciaires (DSJ), la Direction de l’administration pénitentiaire (DAP) et la
Direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ). La DSJ assure l'organisation et le
bon fonctionnement de toutes les juridictions judiciaires : c’est elle qui s’occupe du
recrutement, de la nomination et de la gestion des magistrats professionnels et des
fonctionnaires des greffes. La DAP a en charge l’administration pénitentiaire : elle se
déconcentre au niveau territorial en Directions régionales de l’administration pénitentiaire
(DRAP), en Services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) et en établissements
pénitentiaires (Prisons). La DPJJ assure une mission d'éducation et de prévention auprès des
jeunes mineurs délinquants ou en danger ainsi qu’auprès des jeunes majeurs éprouvant des
difficultés d'insertion sociale : elle se déconcentre au niveau territorial en Directions
1
Les tribunaux sont théoriquement indépendants du pouvoir politique et donc du ministère de la justice. Il
demeure cependant que les magistrats du Parquet (Procureurs de la république) sont sous l’autorité et le contrôle
du Garde des sceaux.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- 27 -
Introduction.
régionales de la protection judiciaire de la jeunesse (DRPJJ) puis en Directions
départementales de la protection judiciaire de la jeunesse (DDPJJ). Quant à eux, les tribunaux
– dont on a dit qu’ils étaient plus ou moins indépendants – se répartissent suivant deux grands
ordres : d’une part, l’ordre judiciaire, qui concerne les litiges entre les personnes, et d’autre
part, l’ordre administratif, qui concerne les litiges entre les individus et l’administration ou les
litiges au sein de l’administration. Les litiges qui a priori n’appartiennent à aucun ordre sont
pris en charge par le tribunal des conflits qui qualifie le litige. Mais quelles sont les missions
des services judiciaires, pénitentiaires et des tribunaux ? Les tribunaux ont pour mission de
rendre la justice sur le plan pénal c'est-à-dire de réprimer par des sanctions appropriées les
auteurs d’actes délictueux. Au-delà de cette activité purement répressive, les services
judiciaires et pénitentiaires ont pour mission de prendre en charge les populations qui leur
sont confiées sur décision de l'autorité judiciaire. En plus de leur mission répressive qu’est
l’application de la sanction prononcée par les tribunaux, les services judiciaires et
pénitentiaires ont donc une mission de prévention et une mission de suivi des délinquants. Les
SPIP essaient par exemple de faire en sorte que les contrevenants à la loi purgent leur peine
tout en se réintégrant à la société : « La prévention de la récidive s’opère mieux par le biais
du TIG [Travail d’intérêt général] que par le biais d’une peine ferme. Le TIG constitue un
élément central de l’insertion puisque le travail est au cœur de la peine, c’est très intégrateur.
C’est une façon de rembourser les divers manquements causés à la société parce qu’il y a des
gens qui font des TIG dans des associations de solidarité. C’est une contribution positive à la
société au travers des structures qui accueillent les TIGistes et c’est une participation de la
société civile à une sanction pénale. De fait, la personne condamnée a le sentiment
d’appartenir à la société, c’est une insertion par le travail. Le TIG permet la réhabilitation de
l’image du condamné. Il constitue une réparation symbolique de l’acte délictueux. C’est une
peine non dé- socialisante.»1.
4. La Douane.
La Douane opère sur l’ensemble du territoire national. Elle dépend du ministère de
l'économie, des finances et de l'industrie et plus exactement de la Direction générale des
douanes et droits indirects (DGDDI). Outre le département des statistiques et des études
économiques, l’inspection des services, le bureau de l’information et de la communication et
la cellule de contrôle de gestion, la DGDDI comprend six sous- directions qui se déclinent
1
Cf. Annexes, Mr ARNOLD, Directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) d’Indre et
Loire, Retranscription de la réunion du conseil départemental de prévention, Tours, 9 Mai 2006, « Prévention de
la récidive».
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
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Introduction.
elles-mêmes en bureaux. Les six sous- directions de la DGDDI sont : la sous- direction
« ressources humaines, relations sociales et organisation des services », la sous- direction
« programmation, budget et moyens », la sous- direction « systèmes d’information et de
télécommunication », la sous- direction « Affaires juridiques, contentieux, contrôle et lutte
contre la fraude », la sous- direction « Commerce international » et la sous- direction « Droits
indirects ». Par ailleurs, cinq directions et services nationaux exercent une compétence
fonctionnelle générale sur une ou plusieurs missions particulières (par exemple : lutte contre
la fraude, informatique, formation professionnelle) : la direction nationale du recrutement et
de la formation professionnelle (DNRFP), la direction nationale du renseignement et des
enquête douanières (DNRED), le centre informatique douanier (CID), le service national de la
douane judiciaire (SNDJ) et la direction nationale des statistiques et du commerce extérieur
(DNSCE). L’administration centrale ou nationale de la douane se déconcentre au niveau
territorial en dix directions inter- régionales puis en quarante directions régionales (Directions
régionales des douanes et droits indirects - DRDDI). Les DRDDI se subdivisent en divisions
qui se divisent elles-mêmes en services dont celui de la Surveillance. Mais quelles sont les
missions de la douane ? La douane a trois missions : (1) une mission fiscale : percevoir les
taxes sur les produits, les droits d’importation et lutter contre les fraudes au budget
communautaire et la contrebande etc.) ; (2) une mission de soutien à la compétitivité
économique des entreprises ; (3) une mission de protection et de sécurité : lutte contre les
trafics en tous genres, surveillance et contrôle de la circulation des produits stratégiques,
civils et militaires, lutte contre l’immigration et le travail illégal etc.
5. Les polices municipales (PM).
Les Polices municipales (PM) sont compétentes sur les territoires communaux.
L’existence des polices municipales est en effet une conséquence des pouvoirs de police
reconnus à cette autorité de police administrative et de police judiciaire qu’est le Maire. Il
convient néanmoins de noter que le Maire est lui-même sous le contrôle de l’État et que son
pouvoir de police est encadré par la loi. La police municipale n’est pas qu’une « police »
(sécurité de l’ordre public, sécurité publique), elle a aussi pour fonction la protection des
citoyens face aux calamités (sécurité civile). Mais quelles sont les missions des polices
municipales ? Les missions des polices municipales sont au nombre de trois : (1) l’application
des arrêtés municipaux, (2) le relevé des infractions au stationnement et au code de la route,
(3) la prévention et le traitement des accidents, des fléaux calamiteux et des pollutions de
toute nature (les polices municipales sont censées constituer une interface sur les services de
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
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Introduction.
secours : service départemental d’incendie et de secours (SDIS), service d’aide médicale
urgente (SAMU) etc.
B. Les dispositifs partenariaux de sécurité.
A partir des années 1970, les pouvoirs publics ont pris conscience que l’intervention
des seuls acteurs traditionnels de sécurité – autrement dit de la seule « contrainte sociale » –
ne suffisait pas à endiguer le problème de la délinquance et qu’il fallait non seulement faire
intervenir de nouveaux acteurs, mais également coordonner l’action de tous les acteurs, ceux
traditionnels comme ceux nouveaux, en construisant des partenariats à l’échelon national et à
l’échelon local – façon indirecte de réanimer les instances du « contrôle social » (famille,
école, etc.) rongées par l’anomie.
1. La prise en compte de nouveaux acteurs de sécurité.
La sécurité n’est pas qu’une affaire de Police (PN, GN, PM), de Justice ou de
Douane : « Les différents acteurs de la vie publique ont chacun dans leur domaine, une
contribution à apporter à la demande de sécurité [des] citoyens.»1. Les pouvoirs publics ont
pris conscience de l’importance de trois nouveaux types d’acteurs (liste non exhaustive) dans
le domaine de la sécurité et de la prévention de la délinquance : l’éducation nationale (EN),
les acteurs sociaux et associatifs et le secteur privé. Mais pourquoi ces nouveaux acteurs sontils si importants ?
a. L’Education nationale (EN).
En raison de sa proximité avec les jeunes, en raison de sa mission de socialisation, et
en raison de son exposition croissante à la délinquance2, l’éducation nationale constitue un
observateur3, un acteur4 et donc un interlocuteur incontournable dans le domaine de la
sécurité et de la prévention.
b. Les acteurs sociaux et associatifs.
1
Cf. Annexes, MOISSELIN (Gérard), Préfet d’Indre et Loire, Retranscription de la réunion du conseil
départemental de prévention, Tours, 9 Mai 2006, « Entrée en matière ».
2
Les agressions physiques à l’encontre des professeurs se multiplient : exemple de l’agression d’une enseignante
filmée par un lycéen à Porcheville (Yvelines) en Avril 2006 et qui avait fait couler beaucoup d’encre.
3
L’éducation nationale dispose d’un logiciel de recensement des phénomènes de violence scolaire (SIGNA) qui
constitue une base de données intéressante.
4
« La société ne peut vivre que s'il existe entre ses membres une suffisante homogénéité : l'éducation perpétue et
renforce cette homogénéité en fixant d'avance dans l'âme de l'enfant les similitudes essentielles que réclame la
vie collective […] L’éducation a pour objet de susciter et de développer chez l'enfant un certain nombre d'états
physiques, intellectuels et moraux que réclament de lui et la société politique dans son ensemble et le milieu
spécial auquel il est particulièrement destiné ». Cf. DURKHEIM (Émile), Éducation et sociologie, édition
électronique, coll. « Les classiques des sciences sociales », Chicoutimi, 2002, pp.9 et 10.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- 30 -
Introduction.
Les acteurs sociaux et associatifs (associations, services sanitaires et sociaux) sont en
prise directe avec les facteurs de la délinquance (misère, exclusion, chômage etc.) voire la
délinquance elle-même. Ces acteurs ont une approche interne de la délinquance qui fait d’eux
des observateurs ou « indics », particulièrement pertinents. Proches du terrain, ces acteurs
sont par exemple plus aptes que les forces de l’ordre, qui ont une approche externe du
problème, de détecter les situations sociales de crise qui peuvent dégénérer en situations de
délinquance.
c. Le secteur privé.
Le secteur privé présente un intérêt en terme de sécurité et de prévention de la
délinquance parce que d’une part, les entreprises privées de sécurité n’ont de cesse d’être
sollicitées et de se multiplier : elles constituent donc de facto un interlocuteur de sécurité ; et
parce que d’autre part, les entreprises privées qui sont spécialisées dans d’autres secteurs que
celui de la sécurité peuvent être associées à des projets de développements territoriaux : elles
peuvent par exemple contribuer à la revitalisation économique de zones défavorisées et
constituer ainsi dans ces zones des freins à l’émergence de la délinquance.
2. La construction de partenariats de sécurité.
Les pouvoirs publics ont coordonné l’action de tous les acteurs de sécurité et de
prévention de la délinquance – traditionnels comme nouveaux : PN, GN, Justice, Douane,
PM, EN, acteurs sociaux et associatifs, secteur privé – en construisant des dispositifs
partenariaux qui se déclinent en trois échelons : l’échelon national, l’échelon départemental,
l’échelon intercommunal et communal.
a. Echelon national : CSI et CIPD.
A l’échelon national les partenariats en matière de sécurité et de prévention de la
délinquance se structurent autour de deux grandes instances interministérielles : le Conseil de
sécurité intérieur (CSI) et le Comité interministériel de prévention de la délinquance (CIPD).
Créé par décret1 le 15 mai 2002, le Conseil de sécurité intérieure (CSI) comprend le Premier
ministre, le Ministre de l’intérieur, le Garde des sceaux, le Ministre de la défense, le Ministre
de l’économie et des finances, le Ministre du budget et le Ministre chargé de l’outre mer. Il
est présidé par le Président de la République. Son rôle est de définir les orientations de la
politique de sécurité intérieure et de veiller à leur application. Par ailleurs, il doit examiner les
actions des différents ministères en matière de sécurité intérieure et faire en sorte qu’elles
1
Décret n°2002-890 du 15 mai 2002.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- 31 -
Introduction.
soient coordonnées. Quant à lui, créé par décret1 le 17 janvier 2006, le Comité interministériel
de prévention de la délinquance (CIPD) comprend le Premier ministre, le Ministre de
l’intérieur, le Ministre de la défense, le Ministre de la cohésion sociale, le Ministre de
l’éducation nationale, le Garde des sceaux, le Ministre des transports, le Ministre de la santé,
le Ministre de l’outre mer et le Ministre de la jeunesse. On peut d’ors et déjà remarquer la
différence qui se crée entre le CSI et le CIPD : alors que le CSI regroupe des départements
ministériels assez traditionnels (intérieur, défense, justice, économie), le CIPD fait intervenir
la cohésion sociale, l’EN, les transports, la santé et la jeunesse, qui ne sont pas des
départements traditionnels de sécurité et de prévention de la délinquance. Quoiqu’il en soit, le
CIPD est présidé par le Premier ministre ou, par délégation, par le Ministre de l’intérieur. Le
CIPD a pour fonction d’examiner les actions des différents ministères en matière de
prévention de la délinquance et de faire en sorte qu’elles soient coordonnées.
b. Echelon départemental : CDP et CDS.
A l’échelon départemental le partenariat de sécurité et de prévention de la délinquance
se décline en deux instances : une instance de concertation (le CDP) et une instance de mise
en œuvre (la CDS). Aux termes du décret du 17 juillet 2002, un Conseil départemental de
prévention (CDP) est obligatoirement créé dans chaque département, sous la présidence du
préfet. Le Président du conseil général et le Procureur de la république en sont viceprésidents. Le CDP se réunit sur convocation du Préfet au moins deux fois par an. Il se
compose de quatre collèges : un collège d’élus locaux (conseillers généraux, présidents de
CLSPD, maires), un collège de magistrats (président du TGI2, JAP3, juge des enfants), un
collège de représentants des services de l’état (PJJ4, DDASS5, EN, PN, GN etc.) et un collège
de représentants de la société civile (personnalités qualifiées, associations, secteur privé). Le
CDP a un rôle de proposition et encourage les initiatives en matière de prévention et d’aide
aux victimes. Il dresse annuellement un bilan de l’activité des CLSPD. Quant à elle, la
conférence départementale de sécurité (CDS) est placée sous la présidence conjointe du Préfet
et du Procureur de la République. Elle se réunit au moins une fois par trimestre. C’est un
organe d’ordre étatique dans la mesure où elle est composée en majorité de représentants des
services de l’État : le TPG6, l’inspecteur d’académie, le DDSP1, le DDRG2, le DRPJ3, le
1
Décret n°2006-52 du 17 janvier 2006.
Tribunal de grande instance.
3
Juge d’application des peines.
4
Protection judiciaire de la jeunesse.
5
Direction départementale des affaires sanitaires et sociales.
6
Trésorier payeur général.
2
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- 32 -
Introduction.
DRPAF4, le commandant du groupement de gendarmerie départementale, le commandant de
la section de recherche de la gendarmerie nationale, le DRDDI5, le DSF6, le DDCCRF7, le
DDTEFP8, le DDE9, le DDASS10 etc. Elle n’en est pas moins un organe partenarial dans la
mesure où elle coordonne et associe différents représentants des services de l’État. Son rôle
est : (1) De mettre en œuvre à l’échelon départemental les décisions et orientations
gouvernementales prises en matière de sécurité intérieure, (2) D’assurer la cohérence de
l’action des services de l’État en matière de sécurité des personnes et des biens, (3) D’animer
la lutte contre les trafics, l’économie souterraine et les violences urbaines : pour ce faire elle
entretient un lien étroit avec les GIR11, (4) De suivre les activités des différents CLSPD, (5)
De tenir les tableaux de bord départementaux de l’activité des services de l’État et d’évaluer
les actions entreprises, (6) D’établir un rapport sur l’état de la délinquance dans le
département, rapport qui doit être adressé au CDP.
c. Echelon communal et intercommunal : CLSPD et CLS.
A l’échelon communal et intercommunal le partenariat de sécurité et de prévention de
la délinquance se décline en deux instances : une instance de concertation (le CLSPD) et une
instance de mise en œuvre (la CLS). Depuis le 17 Juillet 2002 (décret n°2002-999), le CLSPD
constitue « l’instance de concertation sur les priorités de la lutte contre l’insécurité autour de
laquelle doivent se mobiliser les institutions et organismes publics et privés concernés ». Le
CLSPD succède au CCPD et au Comité de suivi du CLS (CSCLS) qu’il réunit tous deux en sa
structure : en ce sens, le CLSPD constitue une véritable simplification institutionnelle. Le
CLSPD peut être de type « C » (communal) ou de type « I » (intercommunal) : dans le
deuxième cas on parle alors de Conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la
délinquance (CISPD). Le CLSPD est présidé par le Maire, ou, dans le cas d’un conseil de
type « I », par le Maire d’une commune membre ou par le Président de l’EPCI référent. Le
Préfet et le Procureur de la république sont membres de droit du CLSPD. Le CLSPD est
composé de trois collèges : un collège d’élus nommés par le Maire, un collège de
1
Directeur départemental de la sécurité publique.
Directeur départemental des renseignements généraux.
3
Directeur régional de la police judiciaire.
4
Directeur régional de la police aux frontières.
5
Directeur régional des douanes et des droits indirects.
6
Directeur des services fiscaux.
7
Directeur départemental de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.
8
Directeur départemental du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle.
9
Directeur départemental de l’équipement.
10
Directeur départemental des affaires sanitaires et sociales.
11
Groupes d’intervention régionaux.
2
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- 33 -
Introduction.
représentants des services de l’État (GN, PN, EN, DDASS, SPIP etc.) nommés par le Préfet,
et un collège de représentants de la société civile (associations, personnalités qualifiées,
entreprises privées etc.) nommés par le Maire. Aucun de ces trois collèges ne peut à lui seul
représenter plus de la moitié du nombre total des membres du conseil. Le conseil se réunit au
moins deux fois par an, en réunion plénière ou restreinte. La mission du CLSPD est double :
(1) Favoriser l’échange d’information entre les différents partenaires de sécurité et faire
remonter aux élus locaux les attentes de la population classées par spécificités et par quartiers.
Cet interfaçage avec les élus locaux – y compris le Maire – est fondamental puisque le
CLSPD procède justement d’une logique d’implication des élus dans l’élaboration des
priorités de l’action collective en matière de prévention et de lutte contre la délinquance. (2)
Participer financièrement et logistiquement aux actions de prévention et de lutte contre la
délinquance. Ainsi, le CLSPD est : un lieu d’écoute et d’information réciproque, un lieu de
constat et de diagnostic, un lieu de programmation et d’action, un lieu de suivi et
d’évaluation. Quant à lui, le contrat local de sécurité (CLS) est l’aboutissement de la
procédure de concertation qui s’est opérée au CLSPD entre les différents partenaires de
sécurité. Fondé sur un diagnostic local de sécurité (DLS), il concrétise les projets d’action
partagée en définissant des objectifs à atteindre et en fixant des actions précises pour y
parvenir. Liés par contrat, les partenaires de sécurité sont tenus de respecter ce à quoi ils se
sont engagés.
- Panorama général des dispositifs partenariaux de sécurité français -
Action
Concertation
CSI
CIPD
Echelon national.
Echelon départemental.
CDP
CDS
Echelon communal et
intercommunal.
CLSPD
CLS
Conception et réalisation : Jean-Baptiste Hayes sur la base d’un schéma de Jean-Luc Besson1.
1
BESSON (Jean-Luc), op.cit, p.44.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- 34 -
Introduction.
IV.
Hypothèses et problématique.
Les points qui précèdent nous ont permis de mieux appréhender la thématique des
partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance dans sa globalité – et
« complexité » – conceptuelle, contextuelle et institutionnelle.
Ces trois approches sont chacune porteuse d’un même paradoxe : de façon
traditionnelle la sécurité relève de l’État central et prend la forme de la répression mais
aujourd’hui la sécurité relève de multiples partenaires locaux de sécurité (dont l’État) et
prend la forme de la prévention (dont la répression1).
L’étude des concepts, du contexte et des institutions révèle en définitive le passage de la
« modernité » à la « post-modernité ». Dans l’acception wébérienne de la modernité, l’État
moderne est le seul détenteur du « monopole de la violence physique légitime »2 et la sécurité
moderne est de ce fait conçue comme un domaine réservé de l’État, une compétence
régalienne. Or, aujourd’hui, dans la vision de la post-modernité (Jacques CHEVALLIER),
l’ « État post-moderne »3 perd son statut de dompteur et se transforme en cœur (au sens
organique du terme) de la sécurité : « ce partenariat en matière de sécurité entre l’État et les
collectivités locales traduit […] le passage […] d’un État attaché à une compétence
monopolistique à un État fédérateur d’initiatives, d’un État patron à un État animateur »4. La
sécurité post-moderne qui prend la forme de la prévention fait désormais l’objet d’une
véritable « gouvernance »5 : elle n’est plus exclusivement produite par l’État mais coproduite
de façon complexe par l’ensemble des partenaires de sécurité qui sont en réseau. Par
conséquent, avec les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, on
passe d’un modèle de sécurité centralisé à un modèle de sécurité polarisé, d’une sécurité
lointaine à une « sécurité de proximité »6, d’une sécurité moderne à une sécurité postmoderne.
1
Entendue au sens large la prévention comprend la répression. Cf. I.C. de cette introduction.
WEBER (Max), Le savant et le politique, op.cit, p.32.
3
L’état post moderne est un état inséré dans des liens complexes d’interdépendance, affaibli (dépérissant) dans
sa capacité d’emprise sur le monde social et dans sa capacité de conduite de la société. La post modernité
nécessite le recours à la gouvernance. Cf. CHEVALLIER (Jacques) L’Etat post-moderne, L.G.D.J, coll. « Droit
et Société », Maison des sciences de l’Homme, Paris, 2004.
4
DIEU (François), op.cit, p.127.
5
Notion qui s’oppose à celle de « gouvernement ». Modèle selon lequel nous serions passés d’un système
hiérarchique vers un mode de pouvoir fait d’interactions entre un nombre multipliés de partenaires très
hétérogènes, tous ces partenaires étant impliqués ensemble dans la « co-guidance » des divers secteurs publics.
Cf. KOOIMAN (Jan), Modern governance, Sage, London, 1993.
6
ROCHÉ (Sebastian), op.cit, p.258.
2
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- 35 -
Introduction.
Dans le cadre de ce travail de recherche il va s’agir de mettre notre approche théorique
(conceptuelle, contextuelle et institutionnelle) à l’épreuve du terrain : Les partenariats
locaux de sécurité et de prévention de la délinquance constituent-ils les nouveaux
dépositaires de la sécurité ? La coproduction de la sécurité est-elle une réalité ? Est-on
passé d’un modèle centralisé à un modèle polarisé, d’une sécurité lointaine à une
sécurité de proximité ? En définitive, est-on passé au niveau local d’une sécurité
moderne où l’État est Roi, à une sécurité post-moderne où le partenariat est Roi?
V. Démarche adoptée.
Afin de répondre à la problématique qui précède, j’ai choisi d’étudier le cas particulier
que constitue le partenariat local de sécurité et de prévention de la délinquance amboisien.
L’étude a notamment pour objet de saisir les croyances et les pratiques qui sont constitutives
de l’institution partenariale qu’est le CLSPD d’Amboise.
Amboise (37) présente naturellement un intérêt pour le politiste en raison de son histoire
politique et culturelle : François 1er, Léonard De Vinci, la dynastie DEBRÉ1. La ville doit
également son intérêt à l’actualité puisque avec ses 11 968 habitants elle fait partie des villes
de plus de 10 000 habitants auxquelles la loi sur la prévention de la délinquance (LPD) datée
de Mars 2007, impose de constituer un CLSPD. L’étude pourra de ce fait apporter des
informations intéressantes sur la pertinence de la nouvelle loi.
L’étude s’appuie sur une analyse de discours, c'est-à-dire une analyse qui « consiste à
sélectionner et extraire les données susceptibles de permettre la confrontation des hypothèses
aux faits »2. Cette analyse se fonde sur des entretiens que j’ai réalisés de visu ou par téléphone
avec les partenaires de sécurité d’Amboise et d’Indre et Loire.
Il convient de préciser que j’ai pris soin d’interroger des représentants élus, des
représentants de l’État et des représentants de la société civile – de façon à ce que les trois
collèges du CLSPD soient représentés.
Par ailleurs il convient de noter que l’ensemble des enquêtés de la mairie d’Amboise
m’étaient familiers puisqu’au moment de la réalisation de mes entretiens j’étais stagiaire
1
Michel Debré a été maire d’Amboise de 1966 à 1989 et son fils Bernard l’a été de 1992 à 2001.
BLANCHET (Alain) et GOTMAN (Anne), L’enquête et ses méthodes : l’entretien, Nathan Université, Tours,
2001, p.91.
2
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- 36 -
Introduction.
chargé de mission à la mairie d’Amboise depuis 9 mois (Septembre 2005 – Juin 2006). D’une
certaine façon, j’étais donc en « observation participante ». Pour Pierre BOURDIEU, le choix
d’interroger des personnes complices constitue un important avantage au moment du face à
face car cela crée un climat de confiance voire de confidence entre l’enquêté et l’enquêteur.
En effet, l’enquêté n’a plus peur de voir ses raisons subjectives réduites à des causes
objectives, il sait qu’il est compris. Aussi s’établit entre l’enquêteur et l’enquêté une sorte de
consensus communicationnel où un geste, où un silence, où un marmonnement inaudible,
vont trouver une signification. Ma proximité avec une grande partie des enquêtés était
d’autant plus avantageuse que j’étais proche d’eux mais pas trop proche, familier mais pas
trop familier : pour ainsi dire, mes entretiens n’ont pas débouché sur une « socioanalyse à
deux »1.
En ce qui concerne mes entretiens, j’ai commencé par mener des entretiens à usage
exploratoire. «Les entretiens exploratoires ont pour fonction de mettre en lumière les aspects
du phénomène auxquels le chercheur ne peut penser spontanément, et de compléter les pistes
de travail suggérées par ses lectures »2. Ces entretiens m’ont beaucoup apporté mais ils n’ont
pas été réalisés dans un cadre proprement sociologique – pas vraiment de grille d’entretien,
pas d’enregistrement, une retranscription sommaire. C’est pourquoi j’ai fait le choix de ne pas
les retranscrire dans ce mémoire.
Les entretiens que j’ai menés par la suite, étaient des entretiens à usage principal, semidirectifs. Les entretiens à usage principal sont « les enquêtes dont l’entretien constitue le
mode de collecte principal de l’information. Cet usage suppose que les hypothèses aient été
constituées et coordonnées en modèles explicatifs. Dans ce cas, le plan d’entretien, lui-même
structuré, [est] élaboré pour que les données produites puissent être confrontées aux
hypothèses »3. En amont de chaque entretien j’ai ainsi procédé à la construction d’une grille
de questions. La grille de questions est un guide très souple : « C’est un simple guide, pour
faire parler les informateurs autour du sujet, l’idéal étant de déclencher une dynamique de
conversation plus riche que la simple réponse aux questions, tout en restant dans le thème »4.
J’ai construit chaque grille de questions en fonction de mes hypothèses de recherche – un bon
partenariat, une sécurité coproduite (post-moderne) – de façon à confronter mes hypothèses à
1
BOURDIEU (Pierre), « Comprendre » in La misère du Monde, Paris, Seuil, coll. « Libre examen », 1993.
BLANCHET (Alain) et GOTMAN (Anne), op.cit, p.43.
3
Ibid., p.46.
4
KAUFMANN (Jean-Claude), L’entretien compréhensif, Armand Colin, Evreux, 2004, p.44.
2
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- 37 -
Introduction.
la réalité. Partant du principe que le partenariat tel que défini dans l’approche conceptuelle
reposait sur une vision commune, un intérêt commun et des objectifs communs, j’ai ainsi été
amené à questionner chaque partenaire sur la représentation qu’il se faisait du partenariat, des
autres partenaires, de la délinquance, de la prévention, mais j’ai également questionné chaque
partenaire sur son intérêt au partenariat, sur les objectifs qu’il visait et sur ses pratiques.
Chaque entretien a été enregistré, sur accord des enquêtés, au moyen d’une clé USB
dictaphone (les conversations téléphoniques y compris) – tellement discrète que je me
souviens qu’un enquêté ne l’avait pas remarquée et/mais avait confondu mon téléphone
portable, certes plus imposant en terme de taille, avec l’enregistreur. En aval des entretiens,
j’ai procédé à la retranscription intégrale des réponses des enquêtés1. Mes retranscriptions
d’entretien sont reproduites en annexes de ce mémoire.
L’étude va se diviser en deux parties. Dans un premier temps, nous étudierons le
paradoxe de l’État central qui se désengage sans se désengager (Chapitre1). Dans un second
temps, nous étudierons le paradoxe du partenariat amboisien de sécurité et de prévention de la
délinquance qui s’engage sans s’engager (Chapitre 2).
L’étude a pour objet de démontrer que la coproduction de la sécurité dans la ville
d’Amboise est non seulement compromise par l’attitude de l’État central qui se comporte
comme un patron avare plutôt que comme un partenaire, mais aussi par les attitudes de tous
les partenaires de sécurité (sans distinction) qui ne s’engagent que partiellement et
partialement dans le partenariat.
En définitive, on démontrera que l’ « État-Roi » en matière de sécurité n’est pas
vraiment déchu et que le « Partenariat-Roi » n’est pas vraiment une réalité (du moins à
Amboise) : c’est pourquoi on développera en conclusion le concept d’État néo-moderne et de
sécurité néo-moderne.
1
Il convient de préciser que les propos de mes enquêtés seront abondamment cités tout au long de cette étude.
C’est le fruit de ma volonté de ne pas cesser de « labourer » le terrain. Avant chaque citation, je mentionnerai
systématiquement le nom, le prénom et la profession de l’enquêté, au risque de me répéter, mais à dessein, car
mes enquêtés ne sont pas des personnes nationalement connues et car vous auriez tôt fait de vous y perdre – ce
qui n’est pas le but recherché. Par ailleurs, chaque citation renverra à une note de bas de page spécifiant de quel
entretien elle a été extraite et pour quelle question. Vous pourrez ainsi remettre les citations en leur contexte si
jamais vous en ressentez la nécessité.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- 38 -
Chapitre 1 : L’État central, un roi qui se désengage sans se désengager.
CHAPITRE 1.
L’État central : un roi qui se désengage sans se désengager.
Ce chapitre a pour objet de démontrer que la coproduction de la sécurité dans la ville
d’Amboise est compromise par l’attitude de l’État central qui se comporte comme un
« patron » plutôt que comme un « partenaire » et qui par ailleurs ne donne pas au partenariat –
notamment au Maire qui le préside – les moyens de ses compétences.
Selon Max WEBER, l’État central est le seul détenteur du « monopole de la violence
physique légitime »1 et la sécurité est un domaine réservé de l’État, une compétence
régalienne. Pour ainsi dire, dans l’acception wébérienne, l’État est une sorte de « roi
immortel »2 et absolu de la sécurité. Il en découle que la sécurité est centralisée.
Cependant, à partir des années 1980, ce modèle jacobin de la sécurité est contesté par
l’avènement des politiques locales de sécurité et par la mise en place du dispositif
BONNEMAISON qui se fonde sur le triptyque CNPD-CDPD-CCPD. C’est précisément à
cette époque que se dessine la figure d’un nouveau roi local de sécurité et de prévention de la
délinquance piloté par le Maire : c’est le sacre du partenariat amboisien (I).
Il demeure cependant que l’avènement du partenariat de sécurité et de prévention de la
délinquance amboisien s’est fait sur injonction de l’État et que si officiellement il y a eu
passation de titre entre l’État et le partenariat, il n’y a pas eu de passation de pouvoirs (II).
Il résulte de ceci l’idée selon laquelle l’« État-roi » veut se faire passer pour un
partenaire et faire passer le partenariat pour un roi. Par ce tour de passe-passe dont lui seul a le
secret – Pierre BOURDIEU n’a-t-il pas parlé de « magie d’État »3 ? – l’État dissimule son
omnipotence, se redéploie et re-légitime son existence, tout en conservant l’essentiel de ses
prérogatives en matière de sécurité… L’État central se désengage sans se désengager.
1
WEBER (Max), Le savant et le politique, op.cit, p.32.
On se réfère ici au corps éternel du Roi (la fonction royale, la personne publique) par opposition au corps
charnel du Roi (la personne privée). Cf. KANTOROWICZ (Ernst H.), Les deux corps du roi, Gallimard, Paris,
1989.
3
BOURDIEU (Pierre), La noblesse d’État : grandes écoles et esprit de corps, Les éditions de Minuit, Coll. « le
sens commun », Paris, 1989, Cinquième partie.
2
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- 39 -
Chapitre 1 : L’État central, un roi qui se désengage sans se désengager.
I. Portrait d’un nouveau roi local de sécurité et de prévention de la délinquance: le
partenariat amboisien.
Avant de se lancer véritablement dans l’analyse, étant donné que l’étude est une étude
de cas et que le cas n’est pas très connu, il est nécessaire de bien s’imprégner des éléments
spécifiques du décor amboisien.
Pour ce faire, nous allons d’abord nous appesantir sur les acteurs de sécurité
amboisiens et leur appréciation de la délinquance (A) pour ensuite revenir sur l’histoire du
partenariat amboisien de sécurité et de prévention de la délinquance (B).
A. Les acteurs de sécurité amboisiens et leur appréciation de la délinquance.
Les acteurs de sécurité amboisiens (1) sont confrontés à une délinquance qui a
développé une certaine résistance aux traitements traditionnels : délinquance caméléon (2).
1. Les acteurs de sécurité amboisiens…
Dans la ville d’Amboise, on peut distinguer deux types d’acteurs : les acteurs
traditionnels (a), acteurs qui renvoient à la conception plutôt jacobine et policière de la
sécurité ; et les nouveaux acteurs (b), acteurs qui renvoient à la conception partenariale et
plutôt globale de la sécurité.
a. Les acteurs traditionnels de sécurité amboisiens.
Les dispositifs traditionnels de sécurité qui concernent la ville d’Amboise sont surtout
la gendarmerie nationale, la police municipale et la justice.
La Gendarmerie nationale est la force publique majeure du département d’Indre et
Loire (37) : le Groupement de gendarmerie d’Indre et Loire couvre en effet 98% du territoire
départemental et 58% de la population départementale. Fort de 600 militaires, le Groupement
de gendarmerie est dirigé par un Colonel1. Au niveau de la ville d’Amboise, il convient de
distinguer la Compagnie de gendarmerie d’Amboise dirigée par un Capitaine et couvrant 6
cantons2 ; de la Brigade territoriale d’Amboise (BT) dirigée par un Lieutenant3, installée dans
les mêmes locaux, dépendant de cette dernière, mais intervenant sur le seul canton
d’Amboise. Le fait qu’Amboise soit résidence d’une des Compagnies de gendarmerie du
Groupement de gendarmerie d’Indre et Loire, représente un atout majeur en terme de
présence et de saturation de la ville par les effectifs de la gendarmerie. Outre les 6 BT qu’elle
1
Le colonel Thibault MORTEROL. Cf. Annexes, MORTEROL (Thibault), Colonel commandant le groupement
de gendarmerie départementale de l’Indre et Loire, Retranscription de la réunion du conseil départemental de
prévention, Tours, 9 Mai 2006.
2
Les cantons de Bléré, Vouvray, Château-Renault, Montlouis-sur-Loire, Monnaie.
3
Le lieutenant Gérard MAGRÉ. Cf. Annexes, MAGRÉ (Gérard), Entretien n°3, Amboise, Juin 2006.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- 40 -
Chapitre 1 : L’État central, un roi qui se désengage sans se désengager.
pilote, la Compagnie d’Amboise dispose d’une brigade de recherches et d’un peloton de
surveillance et d’intervention (PSIG). De son côté, la BT d’Amboise dispose d’un effectif qui
lui permet d’assurer une permanence jour et nuit dans la ville et de déployer couramment
deux patrouilles de deux agents : elle fournit de ce fait un vrai travail de proximité1. La BT
d’Amboise constitue néanmoins un cas particulier dans la mesure où elle se situe entre deux
types de brigades : les brigades rurales et les brigades péri- urbaines2. En effet, la BT
d’Amboise est implantée dans un chef-lieu de canton non loin de l’agglomération tourangelle
(ceci est caractéristique d’une brigade rurale) et/mais elle est aussi confrontée en permanence
à la lutte contre la petite et moyenne délinquance : trafics de drogue, lutte contre les
tournantes, lutte contre les violences, lutte contre les dégradations de biens publics (ceci est
caractéristique d’une brigade péri-urbaine). Le rôle de la BT consiste avant tout en la
répression : son objectif général est que « chacun et chacune respecte ses droits et devoirs et
prenne ses responsabilités »3. Pour la BT, les délinquants qui sévissent à Amboise sont à 50%
des délinquants itinérants et à 50% des délinquants d’Amboise. Ceci est symptomatique de la
problématique d’un grand nombre de BT qui ont été implantées dans leur territoire « à
l’époque du cheval et de la bicyclette » et qui aujourd’hui se localisent à des endroits qui
n’ont plus rien de géostratégique c'est-à-dire qui ne sont plus du tout adaptés aux réalités
démographiques, sociales et de sécurité. Comme le dit fort justement François DIEU : « c’est
un peu comme si [la gendarmerie] était prise au piège dans la toile d’araignée tissée par ses
propres brigades »4. Au niveau de la BT d’Amboise, les actions de prévention sont plutôt
envisagées comme des actions résiduelles : « Le rôle de la gendarmerie c’est avant tout la
répression. Après, la BT d’Amboise limite sa prévention de la délinquance à la prévention de
la délinquance juvénile. Cela passe par des actions préventives envers les jeunes : campagnes
de sensibilisation sur la drogue dans les collèges et lycées notamment. Mais cela passe aussi
par des actions envers les parents chez qui on note une défection d’éducation et d’autorité.
Aujourd’hui il est clair que les parents sont plus des géniteurs que des éducateurs »5.
Quant à elle, la Police municipale d’Amboise est installée dans les locaux de la mairie.
Elle compte 4 policiers municipaux, 2 ASVP (agents de surveillance de la voie publique) et
une secrétaire administrative. Son rôle consiste d’une part à « apporter une aide aux
1
Ceci n’est pas à dire que la gendarmerie a mis en œuvre la réforme de la « police de proximité » initiée par
Lionel JOSPIN car il se trouve que la gendarmerie n’a pas participé à cette politique de proximité. Cf. ROCHÉ
(Sebastian), Police de proximité : nos politiques de sécurité, op.cit, p.89.
2
Cf. la typologie de François DIEU, DIEU (François), op.cit, pp.154 et 155.
3
Cf. Annexes, MAGRÉ (Gérard), op.cit, Question n°3.
4
DIEU (François), op.cit, p.194.
5
Cf. Annexes, MAGRÉ (Gérard), op.cit, Question n°4.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- 41 -
Chapitre 1 : L’État central, un roi qui se désengage sans se désengager.
institutions de sécurité […] faire remonter les informations »1 et d’autre part, à faire appliquer
les arrêtés du maire. Ce dernier lui a conféré deux missions : la gestion du parc de
stationnement payant et la surveillance aux sorties des collèges et lycées. Il est cependant à
noter que le rôle de la Police municipale se limite souvent à « une présence »2. Nous y
reviendrons dans l’analyse.
En ce qui concerne la Justice, Amboise dépend notamment pour le traitement de sa
délinquance de la direction départementale de protection judiciaire de la jeunesse (DDPJJ37),
du tribunal de grande instance de Tours (TGI) et du service pénitentiaire d’insertion et de
probation d’Indre et Loire (SPIP37). Le rôle de ces acteurs consiste à rendre la justice c'est-àdire à réprimer la délinquance par la décision et l’application de sanctions, mais également à
prévenir la délinquance et à la prendre en charge socialement.
b. Les nouveaux acteurs de sécurité amboisiens.
L’action des seuls acteurs traditionnels de sécurité que l’on a présentés dans la partie
qui précède – Polices, Justice – ne peut foncièrement suffire à l’établissement d’une situation
optimisée de sécurité dans la ville d’Amboise. C’est pourquoi en plus des acteurs traditionnels
de sécurité la ville d’Amboise fait intervenir d’autres acteurs qui viennent du secteur social,
associatif, éducatif, économique ou privé.
Il est inutile d’entrer dans le détail de ces organisations mais il peut être intéressant
d’illustrer par un cas concret leur importance : Éric BERTRAND, Directeur du Centre social
« Les Acacias », centre qui est implanté dans le quartier de « la Verrerie »3, considère par
exemple que son organisation joue un rôle prépondérant dans la prévention et la gestion de la
délinquance à Amboise : « Nous on estime avant tout qu’on est un des bras armé du CLSPD
au sens de la prévention de la délinquance parce que les moyens qui nous sont donnés ici
participent quand même clairement à permettre à ce que le quartier [de la Verrerie] ne tombe
pas trop bas quoi… On est vraiment un modérateur de violence… On est une des dernières
institutions présente sur le quartier, heu… Donc clairement nous on se prend pas mal de
choses dans la tête et on est là pour les régler»4.
2. … confrontés à une délinquance caméléon.
Interrogés sur la nature de la délinquance à Amboise les acteurs de sécurité amboisiens
décrivent une délinquance caméléon c'est-à-dire une délinquance a priori de faible puissance
1
Cf. Annexes, MOISAN (Michel), Entretien n°2, Amboise, Juin 2006, Question n°3.
Ibid., Question n°13.
3
La Verrerie est un quartier amboisien de logements sociaux classé Zone Urbaine Sensible (ZUS)
4
Cf. Annexes, BERTRAND (Éric), Entretien n°11, Amboise, Juillet 2006, Question n°4.
2
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
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Chapitre 1 : L’État central, un roi qui se désengage sans se désengager.
mais protéiforme et diffuse (a) : en effet, du fait qu’elle ne soit a priori ni signifiante, ni
détectée et ni sanctionnée, cette délinquance s’insinue partout. Pour autant, les acteurs de
sécurité amboisiens ne sont pas dupes : ils ont bien conscience que cette délinquance a priori
de faible intensité peut en réalité camoufler une délinquance plus grave (b).
a. Une délinquance a priori de faible puissance et/mais protéiforme et
diffuse…
La majorité des acteurs de sécurité amboisiens considère que la ville d’Amboise n’est
pas une ville en proie à une grave délinquance. Pour la BT: « Amboise, ce n’est pas
Chicago »1. Cette antienne revient par ailleurs dans le discours de certains élus : « J’ai dit
l’autre jour à une réunion à propos de la situation à Malétrenne2 : « on n’est pas à
Chicago ». » 3. Ce diagnostic est également partagé par les acteurs de la société civile
amboisienne et notamment Christine GANDUBERT, Directrice du foyer des jeunes
travailleurs: « Dans l’ensemble on est quand même dans une ville très calme. […] On se
balade quand même aisément et en toute sécurité à Amboise. »4.
Si l’on en croit les acteurs de sécurité amboisiens la délinquance amboisienne procède
surtout d’incivilités et de comportements irrespectueux : c’est une délinquance de faible
intensité et/mais qui est protéiforme, plurielle5. Ainsi, pour la BT : « La délinquance [à
Amboise] c’est surtout des problèmes d’incivilités : les violences verbales, le vol
d’autoradios etc. »6. Dans la même lignée, Christian GUYON, Maire d’Amboise et Conseiller
général déclare: « à Amboise […] il n’y a pas de grande délinquance. […] Derrière le mot
délinquance à Amboise, je mets davantage des incivilités c'est-à-dire : les agressions
verbales, les nuisances sonores, les tags et le vol. »7. Enfin, Éric BERTRAND, Directeur du
Centre social « Les Acacias », corrobore : « Un constat que l’on fait avec tous nos partenaires
et notamment les collèges […] c’est la recrudescence des incivilités et de la violence verbale,
c'est-à-dire la recrudescence de l’agression qui n’est pas encore répréhensible dans la
mesure où il n’y a pas de coup physique porté »8.
En plus d’être protéiforme intrinsèquement, la délinquance amboisienne se formalise à
chaque fois de façon différente dans des territoires d’Amboise différents – chaque territoire
1
Cf. Annexes, MAGRÉ (Gérard), op.cit, Question n°12.
« Malétrenne » est un quartier amboisien de logements sociaux en proie à de graves difficultés sociales.
3
Cf. Annexes, MUGICA (Joël), Entretien n°1, Amboise, Juin 2006, Question n°13.
4
Cf. Annexes, GANDUBERT (Christine), op.cit, Question n°11.
5
Noter à ce propos que l’on parle de « délinquance » au singulier mais d’ « incivilités » au pluriel.
6
Cf. Annexes, MAGRÉ (Gérard), op.cit, Question n°12.
7
Cf. Annexes, GUYON (Christian), op.cit, Question n°13.
8
Cf. Annexes, BERTRAND (Éric), op.cit, Question n°7.
2
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
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Chapitre 1 : L’État central, un roi qui se désengage sans se désengager.
ayant ses propres problématiques. Dans la ville d’Amboise, le spectre des zones criminogènes
est de fait très étendu, la délinquance amboisienne est tellement diffuse que l’on peut parler de
délinquance trans-territoriale et trans-sectorielle. En effet, la délinquance amboisienne touche
à la fois le centre-ville, les quartiers de logements sociaux, la Cité scolaire et les zones
industrielles. Pour le Maire, « La délinquance est partout ! La délinquance s’insinue partout !
[…] il n’y a pas vraiment de quartier à privilégier […] on trouve autant d’incivilités dans le
quartier de la Verrerie qu’il n’y en a dans le quartier de Malétrenne, et il y a une délinquance
[importante aussi] dans le centre-ville. [Pour autant] il est bien évident qu’on n’a pas la même
délinquance dans le quartier de Malétrenne ou dans le centre-ville d’Amboise »1. Pour la BT,
s’il y avait un point noir à Amboise en terme de délinquance, « ce serait le centre ville »2 mais
la BT reconnaît par ailleurs qu’il y a « des problèmes de délinquance au niveau de la
Verrerie, de Malétrenne, de la Cité scolaire et des zones industrielles»3. Cet avis est partagé
par Christine GANDUBERT (acteur de la société civile) qui déclare : « il ne faut pas
stigmatiser les quartiers d’habitat social. Dans certains quartiers il se passe des choses mais
il se passe aussi beaucoup de choses dans le centre-ville […]. C’est vrai que si j’avais à
piquer un sac à mains, j’irais plutôt le piquer dans le centre-ville qu’à la Verrerie, parce qu’il
sera toujours plus garni ! »4.
b. …qui peut camoufler en réalité une délinquance plus grave.
La plupart des acteurs de sécurité amboisiens s’entendent sur le fait que ce n’est pas
parce qu’il n’y a pas de grande délinquance à Amboise qu’il ne faut pour autant rien faire.
Pour la Préfecture d’Indre et Loire : « [il ne faut] pas attendre qu’il y ait des difficultés pour
agir […] Le but c’est d’arriver avant que ça empire ! »5. De même, pour le Maire : « il ne
faut pas non plus voir dans Amboise une ville idyllique […] C’est une ville qui a des gros
problèmes sociaux. […] Et plus la ville va grossir, et elle grossit, et plus on va multiplier les
incivilités et les risques de grande délinquance.»6. Enfin, pour les acteurs de la société civile :
« ce n’est pas [parce que la délinquance est de faible intensité] qu’il ne faut rien faire et qu’on
n’a rien à faire !»7.
La délinquance amboisienne (les incivilités) est d’autant plus importante à traiter que
les acteurs de sécurité amboisiens s’accordent pour dire qu’elle peut dégénérer sur une
1
Cf. Annexes, GUYON (Christian), op.cit, Questions n°1 et 14.
Cf. Annexes, MAGRÉ (Gérard), op.cit, Question n°17.
3
Ibid., Questions n°14.
4
Cf. Annexes, GANDUBERT (Christine), op.cit, Question n°11.
5
Cf. Annexes, LÉQUIPÉ (Catherine), Entretien n°13, Tours, Juillet 2006, Question n°2.
6
Cf. Annexes, GUYON (Christian), op.cit, Question n°13.
7
Cf. Annexes, GANDUBERT (Christine), op.cit, Question n°11.
2
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
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Chapitre 1 : L’État central, un roi qui se désengage sans se désengager.
délinquance plus grave. Les acteurs de sécurité amboisiens ont en effet parfaitement intégré
l’idée selon laquelle l’ambiguïté qui se crée autour de la notion d’incivilités peut servir de
camouflage à une délinquance plus grave. L’élue Isabelle GAUDRON déclare ainsi : « on sait
bien que [les incivilités constituent] parfois le début d’un comportement plus grave »1. De
même l’acteur de la société civile Éric BERTRAND affirme: « [L’incivilité] peut aussi aller
au-delà de l’incivilité. Par exemple la semaine dernière, il y a eu un vol à l’école George
Sand2. Les familles du quartier ne prennent pas ça comme un fait de délinquance. Elles ne
prennent pas comme un délit qu’une bande de jeunes présents dans la cour de l’école vole
120 cannettes. Donc parfois on est au-delà de l’incivilité dans le sens où il y a des choses qui
relèvent du délit mais pour lesquelles les jeunes savent que l’on ne va pas leur reprocher
grand-chose. Donc ils y vont ! »3. Enfin la BT d’Amboise considère que « les incivilités
peuvent aussi se transmuer en une délinquance plus grave. Le phénomène paraît trivial mais
ce n’est qu’une apparence, il ne faut pas le sous-estimer »4.
En définitive, on peut avancer que la délinquance amboisienne – les incivilités – est
aux acteurs de sécurité amboisiens ce que le terrorisme est aux États- Nations : une nouvelle
forme de criminalité, pas vraiment identifiable, protéiforme – criminalité qui contourne les
dispositifs conventionnels de sécurité et qui peut avoir des conséquences graves.
Ce constat emporte la conséquence suivante : face à la menace caméléon que constitue
la délinquance amboisienne, les acteurs de sécurité amboisiens ne peuvent plus agir de façon
séparée mais doivent privilégier une réponse globale, autrement dit partenariale.
C’est afin d’élaborer cette réponse partenariale que le partenariat de sécurité
amboisien a été créé. Revenons sur son histoire.
B. L’avènement du roi amboisien de sécurité et de prévention de la délinquance :
histoire du partenariat amboisien.
Le partenariat de sécurité amboisien est âgé d’une vingtaine d’années. De 1986 à
2002, il a pris la forme d’un Conseil communal de prévention de la délinquance – CCPD (1).
De 2002 à aujourd’hui, il prend la forme d’un Conseil local de sécurité et de prévention de la
délinquance – CLSPD (2).
1. Le CCPD d’Amboise (1986-2002).
1
Cf. Annexes, GAUDRON (Isabelle), op.cit, Question n°5.
École George Sand : école publique maternelle et élémentaire du quartier de la Verrerie.
3
Cf. Annexes, BERTRAND (Éric), op.cit, Question n°7.
4
Cf. Annexes, MAGRÉ (Gérard), op.cit, Question n°12.
2
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
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Chapitre 1 : L’État central, un roi qui se désengage sans se désengager.
Il y a deux formes d’histoire sur le CCPD d’Amboise : il convient de distinguer
l’histoire officielle du CCPD (a) des récits1 contradictoires dont il fait l’objet (b).
a. L’histoire officielle du CCPD d’Amboise.
La naissance du partenariat de sécurité amboisien remonte au 27 Juin 1986. C’est en
effet à cette date que le conseil municipal d’Amboise, alors sous la présidence du Maire
Michel DEBRÉ2, a pris la décision de créer un CCPD.
Il convient de préciser que la création de ce CCPD n’était pas une obligation légale
puisque le décret n°83-459 du 8 Juin 1983 portant création d’un Conseil national de
prévention de la délinquance stipule: « chaque conseil municipal a la possibilité, s’il le juge
nécessaire, de demander la création d’un conseil communal de prévention de la
délinquance ».
De 1986 à 2002, le CCPD d’Amboise va fonctionner en conformité avec ce que
préconisent les textes législatifs : il va notamment procéder à la distribution des subventions
de l’État aux partenaires de sécurité amboisiens. Il convient cependant de revenir sur quatre
dates-clés qui ont eu des répercussions importantes sur le CCPD : 1994, 1997, 2001 et 2002.
En 1994, le conseil municipal d’Amboise, alors sous la présidence du Maire Bernard
DEBRÉ3, refuse d’intégrer le contrat de ville piloté par la Préfecture d’Indre et Loire. De fait,
au niveau du département, le contrat de ville est signé par seulement 4 villes de
l’agglomération tourangelle – Tours, Joué-lès-Tours, Saint-Pierre-des-Corps et la Riche.
L’information paraît anecdotique. Il n’en est rien. En effet, le contrat de ville comprend un
volet prévention et induit une aide financière assez importante de l’État pour des actions
locales ciblées en matière de prévention de la délinquance. Ainsi, le choix délibéré de la ville
d’Amboise de ne pas signer le contrat de ville n’est pas sans conséquences – notamment
financières – sur son action en matière de sécurité et de prévention de la délinquance.
En 1997, le gouvernement de Lionel JOSPIN crée les Contrats Locaux de Sécurité
(CLS) et réaffirme le rôle de support des CCPD. Instance de concertation, le CCPD
d’Amboise est de fait incité par la Préfecture d’Indre et Loire à concevoir un contrat local de
1
La notion de récit a été inventée par le philosophe français Paul RICOEUR. Cette notion a été appliquée aux
grands systèmes idéologiques du 20ème siècle : le marxisme notamment, était un « grand récit ». Un récit est à la
fois une manière de raconter la vie des sociétés ou des institutions et ce que la philosophie allemande appelle une
« Weltanschang » (une vision du monde). Dans cette étude, le « récit » sera entendu à la fois comme une histoire
qui prétend à une certaine objectivité et qui en même temps charrie une vision du monde commune, un système
de valeurs partagées (= sens commun, lieux communs). Cf. RICOEUR (Paul), Temps et récit, Points, coll.
« Points Essais », Paris, 1991.
2
Rappel : Michel DEBRÉ a été Maire d'Amboise de 1966 à 1989.
3
Rappel : Bernard DEBRÉ a été Maire d’Amboise de 1992 à 2001.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
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Chapitre 1 : L’État central, un roi qui se désengage sans se désengager.
sécurité fixant, sur la base d’un diagnostic préalable, les objectifs à atteindre en terme de
sécurité ainsi que les actions à mener pour y parvenir – contrat qui est par ailleurs soumis à
l’appréciation et à la validation de la Préfecture. Cependant, là encore, la municipalité
d’Amboise va faire faux-bond à la Préfecture et bouder le projet CLS.
En 2001, le socialiste Christian GUYON déboulonne Bernard DEBRÉ et met fin à une
dynastie comme les a tant aimées Amboise – un bouleversement dans une ville à la réputation
conservatrice. Contrairement à l’équipe précédente, la nouvelle équipe municipale fait
immédiatement état de son souhait de mettre en place un CLS – en témoigne le magazine
d’actualités municipales de l’époque: « la municipalité d’Amboise souhaite mettre en place
une démarche globale qui s’inscrira dans un contrat local de sécurité »1. Néanmoins, avant
de réaliser le CLS, un diagnostic de la situation est nécessaire et c’est pourquoi la ville lance,
par l’intermédiaire d’un questionnaire glissé dans le magazine d’actualités municipales, une
grande enquête intitulée « Bien vivre à Amboise » et ayant pour objet de faire un état des lieux
de l’insécurité : « il est essentiel et indispensable que tous les habitants d’Amboise soient
auteurs du diagnostic. Chaque famille amboisienne devra répondre au questionnaire. Celui-ci
nous permettra de connaître votre opinion sur l’insécurité à Amboise »2.
En 2002, et plus précisément, le 21 Avril, l’accession de Jean-Marie LE PEN au
second tour de l’élection présidentielle précipite les choses, sonne « le branle-bas de combat »
et propulse la problématique de la sécurité et de la prévention de la délinquance au premier
rang des préoccupations municipales. C’est ainsi que le 26 Avril 2002, 5 jours seulement
après le coup de semonce du premier tour des élections présidentielles, la municipalité
d’Amboise s’engage à étudier la mise en place d’un CLS et lance une procédure officielle de
Diagnostic local de sécurité (DLS). La procédure en question est confiée à une agence privée,
l’agence conseil en maîtrise des comportements « AM INTERACT », pour une valeur de
15 250 Euros cofinancés par l’État (22%) et la Ville (78%). Le consultant dépêché sur place,
André MIDOL, par ailleurs auteur d’un ouvrage sur « la sécurité dans les espaces publics »
(IHESI), achève son étude fin 2002 et produit un document comprenant à la fois un DLS et un
CLS. Cependant, le CLS d’Amboise préparé par André MIDOL ne verra jamais le jour : un
différend opposant la municipalité d’Amboise à la Préfecture d’Indre et Loire va en effet
compromettre le projet (différend sur la question du financement et du territoire à retenir).
b. Les récits contradictoires sur le CCPD d’Amboise.
1
2
Magazine d’actualités municipales, Amboise la ville et vous, Ville d’Amboise, Amboise, Octobre 2001, p.5.
Ibid., p.4.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
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Chapitre 1 : L’État central, un roi qui se désengage sans se désengager.
En Avril 2000, la préfecture d’Indre et Loire développe un récit transparent et/mais
aux reflets relativement mélioratifs sur les CCPD d’Indre et Loire. Le plan départemental de
sécurité (PDS) de l’époque stipule ainsi : « huit conseils communaux de prévention de la
délinquance ont été créés dans le département : quatre dans l’agglomération tourangelle […]
et quatre en dehors […] D’une manière générale, ces conseils fonctionnent bien et se
réunissent régulièrement »1.
Inversement, le récit des élus amboisiens (équipe 2001) sur le CCPD d’Amboise est
très nettement péjoratif. Pour Stéphane DELBARRE, Adjoint délégué à la jeunesse de la ville
d’Amboise : « les réunions [du CCPD] prenaient la tournure d’une grand-messe […] Les
associations venaient parce que c’était un petit peu une condition pour avoir des
financements ; La gendarmerie venait parce qu’on leur demandait en préfecture de venir une
fois par an pour donner des chiffres […] ; La préfecture venait pour simplement prendre note
des projets des associations et répondre oui ou non en fonction de l’éligibilité à des
financements… Voilà. A aucun moment, dans cette grand-messe-là, on ne pouvait parler du
concret du terrain, de constats et de stratégies à mettre en œuvre. »2.
Cette vision péjorative de l’institution CCPD est en réalité un point de vue assez
partagé par l’ensemble des observateurs de sécurité au niveau national. En effet, d’après JeanJacques GLEIZAL et Jean-Charles FROMENT : « De façon générale, le CCPD est souvent
présenté comme « une chambre d’enregistrement des subventions » [Le maire d’Amboise
parle quant à lui d’une institution « tiroir-caisse »3] Plusieurs observations reviennent
régulièrement dans les [DLS]. D’abord, les CCPD sont généralement qualifiés de « grandmesse » ou sont présentés comme un lieu de « débats abstraits ». [Ensuite,] Il apparaissent
comme dépourvus de tout caractère opérationnel [Enfin,] Autre constat, la logique du
partenariat n’est pas toujours facile à trouver»4.
2. Le CLSPD d’Amboise (2002 à aujourd’hui).
Comme pour le CCPD, il y a deux formes d’histoire sur le CLSPD d’Amboise : il
convient de distinguer l’histoire officielle du CLSPD (a) des récits contradictoires dont il fait
l’objet (b).
a. L’histoire officielle du CLSPD d’Amboise.
Le 20 Décembre 2002, conformément au décret n°2002-999 du 17 juillet 2002 relatif
1
Préfecture d’Indre et Loire, Plan départemental de sécurité, Tours, Avril 2000.
Cf. Annexes, DELBARRE (Stéphane), Entretien n°14, Amboise, Juillet 2006, Question n°1.
3
Cf. Annexes, GUYON (Christian), op.cit, Question n°2.
4
GLEIZAL (Jean-Jacques) et FROMENT (Jean-Charles), op.cit, pp.27, 28 et 29.
2
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
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Chapitre 1 : L’État central, un roi qui se désengage sans se désengager.
aux nouveaux dispositifs territoriaux de prévention et de lutte contre la délinquance, le conseil
municipal d’Amboise, présidé par le Maire Christian GUYON, transforme le CCPD en un
CLSPD de type communal.
Par ailleurs, dans le cadre de la même délibération, le conseil municipal « accepte les
différentes nominations pour la composition des collèges du CLSPD »1 c'est-à-dire pour le
collège des représentants élus et pour le collège des représentants de la société civile. Quant à
lui, le collège des représentants de l’État doit être désigné par la Préfecture.
Le 28 Mars 2003, « dans le but d’une gestion optimum des actions de sécurité et de
prévention de la délinquance, le conseil municipal de la ville d’Amboise confie le suivi et la
gestion des dossiers et des actions adoptées par le CLSPD au CCAS d’Amboise »2.
Sous l’impulsion du Centre communal d’action sociale (CCAS), et sur la base du DLS
d’André MIDOL, le CLSPD s’organise en groupes thématiques ou « commissions » :
« L’étude CLS a permis de faire ressortir des grands thèmes et on a ensuite calé les
commissions sur ces thèmes-là »3. Aujourd’hui, il existe sept groupes thématiques : le groupe
« Cité scolaire » (n°1), concertation sur les enjeux de sécurité relatifs à la cité scolaire
d’Amboise et sur les solutions à apporter ; le groupe « Equipements publics et habitats
collectifs » (n°2), concertation sur les enjeux de sécurité relatifs aux équipements publics et
habitats collectifs d’Amboise et sur les solutions à apporter ; le groupe « Protection des
activités économiques » (n°3), concertation sur les enjeux de sécurité relatifs aux activités
économiques de la ville et sur les solutions à apporter ; le groupe « Citoyenneté et sécurité
routière » (n°4), concertation sur les enjeux amboisiens de sécurité routière, sur les incivilités,
et sur les solutions à apporter ; le groupe « Mieux relayer les informations, les plaintes et les
doléances » (n°5), concertation sur les solutions à apporter afin de mieux relayer les
informations, les plaintes et les doléances relatives à la ville d’Amboise ; le groupe
« Animation » (n°6), concertation sur les actions d’animation au niveau de la ville
d’Amboise ; et le groupe « Santé » (n°7), concertation sur les action de prévention et de lutte
en matière de santé (toxicomanie, alcoolisme etc.).
C’est autour du CLSPD d’Amboise que s’organise actuellement le partenariat
amboisien de sécurité et de prévention de la délinquance ; un partenariat qui associe de façon
équitable: représentants du peuple (élus), représentants des services de l’État (fonctionnaires)
1
Extrait du registre des délibérations du conseil municipal de la commune d’Amboise, Séance ordinaire du 20
Décembre 2002.
2
Extrait du registre des délibérations du conseil municipal de la commune d’Amboise, Séance ordinaire du 28
Mars 2003.
3
Cf. Annexes, DELBARRE (Stéphane), op.cit, Question n°3.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- 49 -
Chapitre 1 : L’État central, un roi qui se désengage sans se désengager.
et représentants de la société civile (personnalités qualifiées, présidents d’associations etc.).
b. Les récits contradictoires sur le CLSPD d’Amboise.
Le CCPD d’Amboise étant fortement critiqué et la gauche ayant été vaincue aux
élections présidentielles, notamment sur la question de la sécurité, l’avènement du CLSPD en
2002 entre dans une certaine logique des choses : « On est passé du CCPD au CLSPD…
C’était dans la logique des choses du moment »1.
Pour Stéphane DELBARRE, Adjoint délégué à la jeunesse de la ville d’Amboise, le
passage du CCPD au CLSPD s’est traduit par une amélioration sensible de la concertation en
matière de sécurité et de prévention de la délinquance. Pour autant, selon lui, cette
amélioration n’est pas due au CLSPD en lui-même mais plutôt à la volonté de l’équipe locale
– certes dynamisée par l’attraction induite par la création de nouvelles institutions ainsi que
par le renouvellement du champ de la prévention- sécurité – de changer les choses: « En
terme de structure, d’organisation et de représentation, on a changé les noms, on a fait un
effet d’annonce [mais] ça n’a rien changé du tout ! [Néanmoins] Maintenant qu’on a institué
depuis 2003 le travail en « commissions » ou « groupes thématiques », là on peut faire du
vrai travail parce qu’on a autour de la table des gens qui sont là pour débattre de leurs
pratiques, de leurs problèmes et du terrain réellement. Et puis ça débouche ou pas sur des
projets. »2. Ce récit plutôt mélioratif du CLSPD est partiellement corroboré par les
représentants de la société civile qui félicitent le travail effectué dans le cadre de certaines
commissions. Ainsi, Christine GANDUBERT (FJT) affirme: « Je trouve qu’on a bien
fonctionné avec la cité scolaire. »3.
Du côté de l’État le récit sur le CLSPD d’Amboise est nettement plus péjoratif. C’est
ainsi que pour Catherine LÉQUIPÉ, Chargée de mission prévention- sécurité à la Préfecture
d’Indre et Loire : « l’institution CLSPD à Amboise n’existe pas quelque part ! »4. De même
pour Gérard MAGRÉ, Lieutenant commandant la BT d’Amboise : « Les réunions du CLSPD
sont trop rares. On n’a pas la sensation qu’il existe quelque chose en matière de prévention
de la délinquance »5.
Le partenariat de sécurité amboisien n’est pas nouveau, cela fait une vingtaine
d’années qu’il existe. Il est entendu que depuis sa création en 1986, ce partenariat a évolué,
1
Cf. Annexes, DELBARRE (Stéphane), op.cit, Question n°2.
Ibid., Question n°1.
3
Cf. Annexes, GANDUBERT (Christine), op.cit, Question n°2.
4
Cf. Annexes, LÉQUIPÉ (Catherine), op.cit, Question n°18.
5
Cf. Annexes, MAGRÉ (Gérard), op.cit, Question n°2.
2
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- 50 -
Chapitre 1 : L’État central, un roi qui se désengage sans se désengager.
autant dans le fond que dans la forme. Aujourd’hui, le partenariat de sécurité amboisien
s’incarne en le CLSPD d’Amboise, présidé par le Maire d’Amboise. Quand bien même il
n’est pas encore parvenu à la création d’un CLS, le CLSPD d’Amboise constitue, sur le
papier du moins, l’institution de référence en matière de sécurité et de prévention de la
délinquance. En combinant les approches des différents acteurs de sécurité amboisiens
(représentants élus, représentants de l’État et représentants de la société civile), le CLSPD
d’Amboise permet une concertation qui débouche sur une action transversale: préventive,
répressive et solidaire. Cette action partenariale qui se déploie hors CLS, est beaucoup mieux
armée, même si encore limitée, pour faire face à la menace caméléon que constitue la
délinquance amboisienne (les incivilités). En définitive, d’une certaine façon, le CLSPD
d’Amboise constitue le « nouveau champion » de la sécurité au niveau local. Il incarne une
sorte de nouveau « roi immortel » de la sécurité amboisienne. Néanmoins, les récits
contradictoires dont il fait l’objet ne manquent pas de soulever certaines questions. En effet, le
CLSPD d’Amboise passe pour inexistant auprès des acteurs étatiques or il est censé constituer
l’institution première au niveau local en matière de sécurité et de prévention de la
délinquance. Comment peut-on à la fois être roi et inexistant ? C’est pour répondre à cette
question que nous allons maintenant entrer dans l’analyse et commencer par examiner de plus
près la nature réelle du transfert qui se crée entre l’État et le partenariat amboisien.
II. De l’État- roi au partenariat-roi : passation de titre sans passation de pouvoirs.
En matière de sécurité et de prévention de la délinquance, l’État central demeure
omniprésent voire omnipotent. Le partenariat amboisien de sécurité et de prévention de la
délinquance, présidé par le Maire, est suspendu à l’autorité de l’État (Préfecture), sinon réduit
à l’impuissance. De façon imagée, on peut avancer l’idée selon laquelle l’État central est un
roi qui ne cède pas son sceptre au partenariat (A). De même, le partenariat amboisien est
dépendant des subventions de l’État, or l’État ne lui accorde que des subventions limitées et
conditionnées. De fait, on peut avancer la seconde idée selon laquelle l’État central est un roi
qui cède peu son or au partenariat (B).
Ainsi, de l’État-roi au Partenariat-roi, nous allons démontrer qu’il y a passation de titre
mais sans réelle passation de pouvoirs. Dès lors, la réponse à notre question – comment peuton à la fois être roi et inexistant ? – est évidente : à partir du moment où l’on possède un titre
qui est vidé de tous ses attributs, on peut très bien être roi et/mais inexistant. C’est tout à fait
le cas du partenariat amboisien (CLSPD).
En définitive, nous allons démontrer que l’État central ne donne pas au partenariat
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- 51 -
Chapitre 1 : L’État central, un roi qui se désengage sans se désengager.
amboisien les moyens d’exister et d’être vraiment puissant, efficace.
A. Un roi qui ne cède pas son sceptre : une autorité étatique très présente.
L’autorité étatique est très présente à la fois en amont et au sein du partenariat
amboisien. En effet, le partenariat est le résultat d’une injonction préalable de l’État (1). De
plus, le partenariat comprend l’État parmi ses membres, or il s’avère au concret que l’État est
un partenaire omnipotent et source d’effets pervers (2).
1. Le partenariat : une injonction de l’État.
La création du partenariat est le résultat d’une volonté de l’État (a) qui, confronté à
une délinquance caméléon qu’il ne peut pas endiguer par la voie conventionnelle, développe
de nouveaux moyens d’action. Cependant, la notion de partenariat n’est pas complètement
étrangère aux acteurs locaux de sécurité et de prévention de la délinquance. En effet,
beaucoup d’acteurs locaux avouent partager la volonté de l’État d’établir un partenariat (b).
a. Le partenariat : une volonté d’État.
La création du CLSPD d’Amboise est le fruit d’une injonction de l’État formulée
comme suit dans le décret n°2002-999 du 17 juillet 2002 relatif aux nouveaux dispositifs
territoriaux de prévention et de lutte contre la délinquance : « Le conseil local de sécurité et
de prévention de la délinquance constitue l'instance de concertation sur les priorités de la
lutte contre l'insécurité autour desquelles doivent se mobiliser les institutions et organismes
publics et privés concernés ».
De fait, en 2002, l’avènement du CLSPD d’Amboise n’est pas tant le résultat d’une
volonté locale que l’application d’une obligation légale émanant de l’État central ou, pour le
dire autrement, la réponse de la municipalité d’Amboise à un ordre direct émanant de l’État
central. Stéphane DELBARRE, Adjoint délégué à la jeunesse, raconte: « Lorsqu’on a
transformé le CCPD en CLSPD, c’était une obligation légale. On a vu apparaître le « S » de
« Sécurité ». C’est tout ! On a transposé les choses. On s’est conformé tout bêtement au
décret »1. De même, Christian GUYON, Maire d’Amboise, corrobore : « La transformation
du CCPD en CLSPD a été une décision de la mairie suite à la demande de la préfecture »2.
Ces témoignages sont confirmés par le consultant en sécurité publique, Jean-Luc
BESSON qui affirme: « Le volontariat est largement absent du processus […] En effet,
décidée au plus haut niveau de l’État, la politique de partenariat s’impose à la fois aux
1
2
Cf. Annexes, DELBARRE (Stéphane), op.cit, Question n°3.
Cf. Annexes, GUYON (Christian), op.cit, Question n°4.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- 52 -
Chapitre 1 : L’État central, un roi qui se désengage sans se désengager.
services de l’administration centrale comme à ceux des échelons décentralisées »1.
b. Le partenariat : une volonté d’État assez partagée.
Le partenariat est, nous venons de le démontrer, le fruit d’une injonction de l’État,
d’une volonté propre à l’État. Pour autant, il convient de se garder de penser que le partenariat
est parachuté au niveau local de façon complètement discrétionnaire et déconnectée.
Si l’injonction par l’État du partenariat n’est pas directement le fruit d’une volonté
locale, elle ne contrevient pas pour autant à cette volonté. C’est d’autant plus vrai que, à
Amboise, le CCPD qui a précédé le CLSPD a été institué en 1986 sur la base de la volonté de
la municipalité – certes sur proposition de l’État (étant entendu qu’une proposition est aussi
une forme d’imposition).
Quoiqu’il en soit, aujourd’hui, l’analyse du discours des acteurs amboisiens nous
montre que les acteurs locaux ne sont pas complètement étrangers à la notion de partenariat.
C’est ainsi qu’Isabelle GAUDRON, deuxième adjointe, déclare : « Une chose est sûre. Pour
ce genre de projets, s’il n’y a pas une adhésion locale, il est certain que cela ne marchera
pas. Moi je pense que nos partenaires sociaux et associatifs sont quand même très engagés
dans ce genre de démarches. Donc je pense que le CLSPD fait vraiment écho à une volonté
locale »2. José RODRIGUÈS, Responsable du service logement de la municipalité
d’Amboise, confirme : « Vouloir essayer de faire quelque chose dans le domaine de la
prévention, c’est toujours quelque chose de positif. Je pense que c’est vraiment quelque chose
qui vient des municipalités »3. De même, Éric BERTRAND, Directeur du centre social « Les
Acacias », avance: « Je pense que [le partenariat est] davantage un compromis entre l’État et
les autres acteurs de sécurité. […] Je pense qu’il y a une certaine obligation […] Mais de
toute manière […] il y a quand même une nécessité à se rassembler, à se concerter. On a
quand même la volonté propre d’être présent. »4.
Il faut ajouter à ceci que chez les acteurs sociaux amboisiens (troisième collège du
CLSPD), le partenariat est une tradition, une pratique naturelle, un élément structurel de leur
organisation. Le Directeur du centre social les Acacias déclare : « Le centre social est investi
dans tout un tas de partenariats […] On a des partenariats très forts qui sont développés
ailleurs [que dans le strict cadre du CLSPD] On est vraiment en réseau, parce que c’est une
1
BESSON (Jean-Luc), op.cit, p.3.
Cf. Annexes, GAUDRON (Isabelle), op.cit, Question n°2.
3
Cf. Annexes, RODRIGUÈS (José), Entretien n°9, Amboise, Juin 2006, Question n°1.
4
Cf. Annexes, BERTRAND (Éric), op.cit, Question n°2.
2
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- 53 -
Chapitre 1 : L’État central, un roi qui se désengage sans se désengager.
des missions d’un centre social »1. De même la Directrice du foyer des jeunes travailleurs
affirme : « On est une association d’éducation populaire et c’est bien la base de notre
fonctionnement que de travailler en partenariat. Je crois que c’est la base de fonctionnement
de toute association. On travaille naturellement en réseau avec les partenaires locaux »2.
Il résulte de tout ceci que les acteurs locaux n’ont pas attendu l’État pour inventer le
partenariat mais que l’État a néanmoins permis d’instituer des partenariats de plus grande
ampleur et qui n’auraient pas vu le jour autrement.
En définitive, le partenariat amboisien est le résultat d’une injonction de l’État (ce qui
traduit d’une certaine façon la persistance de l’autorité étatique et/mais en même temps la
faiblesse de la structure partenariale qui est sous le joug de cette autorité) mais c’est une
injonction qui est relativement comprise et intériorisée par les partenaires locaux (ce qui
relativise ses effets pervers).
2. L’État : un partenaire omnipotent et source d’effets pervers.
La démarche adoptée par l’État dans le cadre des partenariats locaux de sécurité et de
prévention de la délinquance est pour le moins ambiguë. On a démontré dans la partie
précédente que l’État se désengageait au profit d’un partenariat que par ailleurs il imposait à
chaque commune de créer – premier paradoxe. Mais l’État va plus loin puisqu’il se désengage
au profit du partenariat et/mais impose sa présence en tant que partenaire du partenariat –
deuxième paradoxe. Si l’on résume : l’État sacre la prééminence d’un partenariat qu’il
ordonne et s’autoproclame partenaire de ce partenariat… C’est à se demander qui du
partenariat ou de l’État est réellement prééminent (?). Le doute est d’autant plus fondé qu’au
sein du partenariat amboisien, l’État se comporte comme un partenaire omnipotent (a) –
comportement qui n’est pas sans effets pervers sur le partenariat (b).
a. L’État : un partenaire omnipotent.
Au sein du partenariat amboisien, l’État est loin d’être un partenaire inter pares. Le
différentiel de force qui se crée entre d’une part, les acteurs du deuxième collège (État) et
d’autre part, les acteurs du premier et du troisième collège (élus et société civile), est
manifeste. Nul n’est besoin de préciser que ce différentiel se fait à l’avantage de l’État.
Illustration de cet état de fait, la structure très centralisée et hiérarchisée de la
gendarmerie nationale place naturellement cette dernière dans une position dominante face
aux autres partenaires qui sont moins bien organisés. Il y va des lois de la Physique et des
1
2
Ibid., Question n°5.
Cf. Annexes, GANDUBERT (Christine), op.cit, Question n°1.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- 54 -
Chapitre 1 : L’État central, un roi qui se désengage sans se désengager.
forces ! La gendarmerie nationale dispose notamment de moyens et de ressources que les
autres partenaires n’ont pas: elle « détient l’information essentielle – le recensement de la
criminalité – qu’elle ne communique que partiellement sous forme de larges agrégats
statistiques »1. Nous reviendrons sur cette problématique de l’information.
L’asymétrie des forces entre les partenaires ne se limite pas à l’information mais
concerne également les moyens opérationnels – en témoigne Michel MOISAN, Brigadierchef remplaçant le chef de poste de la police municipale d’Amboise: « Nous ne sommes que
des agents de police judiciaire adjoints […] Notre pouvoir n’est étendu qu’à partir du
moment où l’on est en présence d’un gradé pour lequel on joue le rôle d’adjoint […] On n’a
pas vraiment d’objectifs ni d’actions en matière de lutte contre la délinquance parce que l’on
n’est pas assez nombreux et parce que l’on n’est pas vraiment formés pour ce genre de choses
[…] à la gendarmerie ils sont beaucoup plus nombreux et ils ont des spécialistes en drogue
etc. Nous ce n’est pas le cas ! »2.
Il faut ajouter à ceci que le Maire qui est censé être le pilote du partenariat, n’est au
pire qu’un pion, au mieux qu’un copilote (ou selon la formule de Sebastian ROCHÉ un
« partenaire junior »). On retrouve cette distinction entre l’État- pilote et le Maire- copilote
dans le discours de certains hommes politiques : « Clôturant le congrès des maires de France
à Paris le 22 novembre 2001, Lionel Jospin réaffirme son hostilité à l’idée de donner aux
maires la responsabilité de la sécurité, tout en assurant qu’ils doivent être associés à
l’élaboration et au suivi des politiques de sécurité : pilotes non, copilotes oui »3. Aujourd’hui,
les pouvoirs conférés au Maire et au partenariat sont très réduits. La gendarmerie nationale est
centralisée et par conséquent le Maire n'a pas la possibilité de décider de son emploi, de ses
effectifs etc. Isabelle GAUDRON, deuxième adjointe, affirme : « On transfère des charges
aux maires, des pouvoirs… Mais est ce qu’ils en ont pour autant les moyens ? Pour l’instant
ils sont responsables de la sécurité sur le territoire communal mais ils n’ont pas de moyens
d’agir ! […] La maire n’a aucun pouvoir sur les gendarmes ! On a des problèmes dans
certains quartiers. Bon on le sait. Qu’est ce qu’il fait ? Hé bien il appelle le capitaine pour lui
dire : « il faut aller là-bas». Mais il fait ce qu’il veut après le capitaine. Il y va ou il n’y va
pas ! »4. Pour ainsi dire, L’État ne concède au Maire et au partenariat qu’un pouvoir en
matière de prévention non policière c'est-à-dire en matière de tranquillité publique – « de
1
BESSON (Jean-Luc), op.cit, p.54.
Cf. Annexes, MOISAN (Michel), op.cit, Questions n°3, 5 et 13.
3
ROCHÉ (Sebastian), Police de proximité : nos politiques de sécurité, op.cit, p.248.
4
Cf. Annexes, GAUDRON (Isabelle), op.cit, Question n°3.
2
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- 55 -
Chapitre 1 : L’État central, un roi qui se désengage sans se désengager.
toutes les façons les conseils généraux n’accepteraient pas qu’il en soit autrement »1 –
et/mais conserve quant à lui, le monopole du volet répressif. Comme le dit très bien Tanguy
LE GOFF : « Certes, les maires sont associés aux dispositifs et participent activement selon
leurs moyens au traitement des petits désordres locaux […]. Il reste que, par le truchement de
ses services régaliens […] l’État garde la main haute sur le champ de la sécurité »2.
Il résulte de toute ceci le fait que l’État est un partenaire omnipotent qui n’a besoin que
marginalement des autres partenaires pour se réaliser – d’où la précarité du partenariat
amboisien de sécurité et de prévention de la délinquance. Pour élément de comparaison,
toutes proportions gardées, on pourrait dire que l’État central est au partenariat amboisien, ce
que les États-Unis sont depuis les années 1990 à la Communauté internationale : un acteur
superpuissant capable de s’affranchir de ses partenaires (pour intervenir en Irak par exemple).
Comment sortir de ce schéma partenarial où l’État est un partenaire omnipotent ? La
loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance (LPD) tente d’apporter des
solutions en donnant plus de pouvoirs aux maires. Désormais le Maire peut (1) recevoir des
informations confidentielles en provenance des travailleurs sociaux et peut ainsi (2)
s’impliquer davantage dans l’aide et l’orientation des familles en difficulté. Le Maire peut
aussi (3) proposer aux parents de mineurs en situation difficile un accompagnement parental.
Il peut par ailleurs (4) réunir un Conseil pour les droits et devoirs des familles et a la
possibilité de (5) désigner un coordonnateur parmi les travailleurs sociaux intervenant dans
une même famille. Le maire peut enfin (6) procéder à un rappel à l’ordre verbal à l’encontre
des auteurs de faits susceptibles de porter atteinte au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité ou à la
salubrité publique.
La nouvelle loi constitue un premier pas important vers le rééquilibrage et le partage
des pouvoirs au sein de l’institution partenariale, mais elle ne va pas assez loin dans la mesure
où elle ne confie au maire que des pouvoirs en matière de prévention stricte – autrement dit
l’État conserve son traditionnel monopole de la violence physique légitime. En définitive, la
LPD de Nicolas SARKOZY maintient plus ou moins le statut quo.
Est-ce à dire que la seule solution au problème consisterait en une solution radicale
telle la municipalisation de la sécurité publique ? A la question « Peut-on imaginer une
décentralisation de la sécurité publique ? », Sebastian ROCHÉ répond : « la décentralisation
de la sécurité publique est nécessaire, mais assez peu probable car personne n'a d'analyse
1
ROCHÉ (Sebastian), Extrait d’une conversation par mail, Octobre 2006.
LE GOFF (Tanguy) in ROCHÉ (Sebastian), Réformer la police et la sécurité : les nouvelles tendances en
Europe et aux Etats-Unis, Odile Jacob, Paris, 2004, p.101.
2
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- 56 -
Chapitre 1 : L’État central, un roi qui se désengage sans se désengager.
précise du dossier et les stéréotypes américanophobes dominent. »1.
b. L’État : un partenaire source d’effets pervers.
L’asymétrie du poids et du rôle des partenaires de sécurité au sein du partenariat
amboisien rejaillit de façon négative sur le partenariat : l’omnipotence de l’État a pour ainsi
dire des effets pervers sur la coproduction de la sécurité.
En effet, les acteurs étatiques, les plus forts, développent une tendance à déconsidérer
le partenariat : « Le partenariat ne nous apporte pas grand-chose »2.
Il en va de même pour les acteurs les plus faibles qui déconsidèrent le partenariat en se
déconsidérant eux-mêmes : « Nous on n’apporte rien aux autres partenaires, on se demande
ce qu’on fait dans le partenariat ! […] On n’est pas vraiment considérés comme des acteurs
de sécurité importants »3.
Quant à eux, les acteurs qui se situent dans l’entre-deux, c'est-à-dire ni trop faibles ni
trop forts, sont frustrés par le manque de tonicité du partenariat et par l’inaction des uns et des
autres: « finalement je trouve que l’on est peu sollicités. Peut-être qu’il y a une
méconnaissance, ça peut paraître un peu pompeux ce que je vais dire, mais une
méconnaissance des compétences que nous avons […] On pourrait nous en demander bien
plus que ça ! Le partenariat […] c’est la richesse ! Mais il y a un certain nombre de
partenaires avec lesquels on a peu l’occasion de travailler : la police municipale et la
gendarmerie »4.
En définitive, l’omnipotence de l’État au sein du partenariat amboisien contrevient au
principe même du partenariat dans la mesure où elle conduit la plupart des partenaires, pour
une raison ou pour une autre, à le déconsidérer.
Le partenariat amboisien de sécurité et de prévention de la délinquance est sous le joug
de l’État en ce sens qu’il est le fruit d’une injonction de l’État. Mais le partenariat amboisien
est également noyauté par l’État en ce sens qu’il est tyrannisé de l’intérieur par l’État. Si on
devait résumer en une phrase cette situation pour le moins paradoxale, on pourrait utiliser
celle du vice-président du CLSPD d’Amboise, Joël MUGICA, qui déclare : « l’État nous
force au partenariat tout en nous empêchant de le faire »5. En effet, l’autorité étatique est
tellement présente en amont et au sein du partenariat qu’elle contrevient au principe même du
1
ROCHÉ (Sebastian), Extrait d’une conversation par mail, Octobre 2006.
Cf. Annexes, MAGRÉ (Gérard), op.cit, Question n°2.
3
Cf. Annexes, MOISAN (Michel), op.cit, Questions n°10 et 12.
4
Cf. Annexes, GANDUBERT (Christine), op.cit, Question n°1.
5
Cf. Annexes, MUGICA (Joël), op.cit, Question n°16.
2
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
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Chapitre 1 : L’État central, un roi qui se désengage sans se désengager.
partenariat. Au-delà de l’effet d’annonce, l’État ne se comporte pas comme un partenaire en
ce sens que, omnipotent, il conserve jalousement le monopole de la répression et prend soin
de ne pas conférer aux autres acteurs de véritables pouvoirs. Le maire en particulier, qui est
censé présider le partenariat, fait les frais de l’omnipotence de l’État dans la mesure où il est
considéré, non pas comme un pilote, mais comme un copilote. Vue sous cet angle, la
coproduction de la sécurité passe pour une piètre rhétorique produite par l’État lui-même pour
renforcer sa légitimité tout en conservant, ni vu ni connu, l’essentiel de ses prérogatives
régaliennes. Ceci est d’autant plus vrai que l’État tient toutes les ficelles du partenariat, y
compris celles financières et que là aussi il profite de son autorité pour conduire le partenariat
là où bon lui semble.
B. Un Roi qui cède peu son or : des subventions étatiques assez absentes.
L’essentiel des actions qui sont élaborées dans le cadre du partenariat amboisien sont
des actions qui ne voient le jour que dans la mesure où elles sont financées par l’État. Ceci est
générateur d’un paradoxe que formulent très bien Jean-Jacques GLEIZAL et Jean-Charles
FROMENT : « l’État est financeur et donc, souvent décideur des actions, en même temps
qu’il se présente comme partenaire, ce qui ne semble pas toujours viable »1.
Ce paradoxe qui s’inscrit dans la lignée de ceux formulés dans la partie qui précède,
renforce notre critique sur la validité de l’adjectif « partenaire » pour qualifier « l’État ». En
effet, un partenaire qui détient la plupart des pouvoirs (logistiques, politiques, juridiques,
financiers) ne peut pas être un vrai partenaire mais constitue de facto un « patron » (à la fois
au sens de « modèle » qui influence et de « chef » qui ordonne).
Le partenariat amboisien est dépendant des subventions de l’État. Or l’État ne lui
accorde que des subventions limitées (1) et conditionnées (2) – ce qui n’est pas sans effets
pervers.
1. Des subventions limitées aux effets pervers.
Les sommes versées par l’État afin de financer les projets d’action élaborés par les
acteurs locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, sont des sommes relativement
limitées (a). La faiblesse de ces sommes n’est pas sans effets pervers sur le partenariat (b).
a. Des subventions limitées…
Illustration de la faiblesse des subventions de l’État, en 2004, le CLSPD d’Amboise a
mis en œuvre 26 actions de sécurité et de prévention de la délinquance qui ont coûté
1
GLEIZAL (Jean-Jacques) et FROMENT (Jean-Charles), op.cit, p.28.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- 58 -
Chapitre 1 : L’État central, un roi qui se désengage sans se désengager.
348 972,96 €. La participation financière de l’État pour cette année-là s’est élevée à seulement
95 753 € – soit environ 27% du coût total.
La faiblesse des subventions de l’État est une problématique importante sinon
récurrente dans le discours des partenaires du CLSPD d’Amboise. Catherine LÉQUIPÉ,
Chargée de mission prévention- sécurité à la Préfecture d’Indre et Loire, reconnaît : « de toute
façon, nous ne distribuerons jamais des sommes faramineuses »1. De même, Stéphane
DELBARRE, Adjoint délégué à la jeunesse, affirme : « les associations sur le terrain, et puis
nous, on constate quand même qu’il n’y a pas d’engagement de la part de l’État, et on peut
dire ce qu’on veut mais quand on a des opérations de prévention à mener… Le budget du
CLSPD, ce n’est pas 30 euros quoi ! Que l’Etat n’y mette rien du tout, c’est quand même un
peu gênant !»2. Enfin, Christine GANDUBERT, Directrice du FJT, dénonce : « quand on fait
une demande de financement, on n’obtient que la moitié du financement. […] Nous on
propose quelque chose dans le cadre de la concertation CLSPD et puis il faudrait qu’on le
prenne en charge ! Attendez… faut pas pousser ! On n’a pas à supporter ces coûts-là ! »3.
Il convient par ailleurs de préciser que l’État n’accorde pas un budget propre au
CLSPD mais finance au cas par cas, chaque année, les actions de sécurité et de prévention de
la délinquance qui l’intéressent. Cette situation est assez précaire pour le CLSPD et pour les
partenaires locaux dans la mesure où elle fait peser une incertitude, chaque année, sur le
financement ou non de telle ou telle action. Quant au nombre d’actions soutenues
financièrement par l’État et au montant du soutien en question, Stéphane DELBARRE,
Adjoint délégué à la jeunesse, déclare : « L’État subventionne très petitement quelques
actions »4.
La sensibilité quelque peu exacerbée des partenaires amboisiens sur la question des
moyens financiers n’est pas une particularité locale mais une régularité nationale puisque
d’après le consultant en sécurité publique Jean-Luc BESSON : « Il n’est pas d’année sans que
la question budgétaire vienne au premier plan. Toutes les organisations se plaignent d’un
manque de moyens et d’une instabilité financière qui les empêchent d’obtenir les résultats
prévus. »5.
Il convient cependant de nuancer la responsabilité de l’État quant au fait que le
partenariat amboisien n’ait pas les moyens financiers de ses compétences. En effet, en faisant
1
Cf. Annexes, LÉQUIPÉ (Catherine), op.cit, Question n°16.
Cf. Annexes, DELBARRE (Stéphane), op.cit, Question n°11.
3
Cf. Annexes, GANDUBERT (Christine), op.cit, Question n°2.
4
Cf. Annexes, DELBARRE (Stéphane), op.cit, Question n°12.
5
BESSON (Jean-Luc), op.cit, p.53.
2
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- 59 -
Chapitre 1 : L’État central, un roi qui se désengage sans se désengager.
le choix d’incorporer le CLSPD au CCAS, la municipalité d’Amboise a contribué par ellemême à restreindre son budget. Joël MUGICA, Vice-président du CLSPD, reconnaît : « Le
problème qu’il y a c’est que le budget du CLSPD est pris dans le budget du CCAS donc
forcément le budget est limité et il y a des démarches qui n’aboutiront pas parce qu’au
moment où il faudra mettre l’argent nécessaire, cela ne suivra pas »1.
L’incorporation du CLSPD au CCAS a effectivement des effets pervers dans la
mesure où elle conduit le CLSPD à financer des actions sociales qui n’ont pas nécessairement
à voir avec la prévention de la délinquance – sans compter que ces financements, par
phénomène d’acquis social, sont reconduits les années suivantes. Nul besoin de préciser que
dans ces conditions, le budget est relativement restreint lorsqu’il s’agit d’accorder des fonds à
des nouvelles actions de prévention. Christine GANDUBERT, Directrice du FJT, dénonce :
« Ce n’est pas une instance associative le CLSPD ! C’est une instance partenariale ! Mais qui
décide ? Le Maire et les élus. […] Suite au travail de Monsieur MIDOL, on a défini de
nouvelles actions de prévention mais on a gardé toutes les anciennes du CCPD et diminué les
parts de financement pour chacune. Moi je crois qu’on ne peut pas tout faire ! […] On se fait
financer des week- end, des animations, des choses comme ça… Je ne vois pas en quoi c’est
de la prévention de la délinquance ! […] Ce n’est pas du domaine de la prévention de la
délinquance. Ce n’est pas là. C’est le service social de la ville ! »2. Dans la même lignée,
Stéphane DELBARRE, Adjoint délégué à jeunesse, déclare : « Historiquement, il y a un
certain nombre d’actions, pour la plupart indispensables, qui n’ont été financées que dans le
cadre du CLSPD et qui donc chaque année représentent une demande qu’on ne peut pas
vraiment refuser […] Et finalement des actions qui sont vraiment des actions de prévention,
on n’en fait pas vraiment, parce que quand on regarde le budget, quand on enlève tous ceux
qu’on finance de façon traditionnelle et qui sont presque obligatoires…Il ne reste plus grandchose »3.
b. … qui ont des effets pervers.
La faiblesse des subventions de l’État rejaillit de façon négative sur le partenariat
amboisien dans la mesure où, étant en permanence sur la brèche, les partenaires amboisiens
en viennent à se lancer dans une véritable « chasse aux sorcières » – ce qui crée entre eux un
climat de défiance et de concurrence (le partenariat devient un champ de luttes, nous y
reviendrons) ce qui bien entendu, ne va pas dans le sens du partenariat.
1
Cf. Annexes, MUGICA (Joël), op.cit, Question n°3.
Cf. Annexes, GANDUBERT (Christine), op.cit, Questions n°2 et 5.
3
Cf. Annexes, DELBARRE (Stéphane), op.cit, Question n°22.
2
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- 60 -
Chapitre 1 : L’État central, un roi qui se désengage sans se désengager.
Les questions de financement conduisent parfois à des clashs et à la remise en cause
de certains projets. Par exemple, si le contrat local de sécurité amboisien (CLS) n’a pas vu le
jour en 2002, c’est notamment parce qu’il y a eu un clash entre la Préfecture d’Indre et Loire
et la Mairie d’Amboise sur la question des financements : la Mairie pensait que le CLS lui
permettrait d’obtenir plus de subventions mais la Préfecture ne l’entendait pas de cette oreille.
Stéphane DELBARRE, Adjoint délégué à la jeunesse, déclare : « nous [pour le CLS] on avait
imaginé une démarche [globale]… Notamment apparaissaient des besoins en terme
d’animateurs, d’éducateurs de rue, des choses comme ça, même sur des temps limités… Mais
en tout cas la mise en place d’une « équipe de prévention »... On avait un peu brassé ces
idées-là et notamment pour les deux quartiers d’Amboise les plus sensibles… Heu... quand la
question a été posée à la préfecture, c’était : « heu…bah oui, c’est bien, on peut le marquer,
faites, mais nous on n’apporte pas d’argent». Or on avait quand même imaginé que c’était un
des moyens de définir des actions nouvelles et de définir des financements aussi.»1. Ce à quoi
Catherine LÉQUIPÉ, Chargé de mission prévention- sécurité à la Préfecture d’Indre et Loire,
répond : « J’ai pu remarquer que sur Amboise c’est le lien direct avec les subventions, plus
que sur d’autres endroits […] le CLS est un engagement de partenariat mais il n’y a pas de
lien entre le CLS et d’éventuelles subventions […] La mairie d’Amboise n’obtiendrait pas
plus de subventions si elle disposait aujourd’hui d’un CLS »2.
Illustration la plus manifeste de la perversité de la faiblesse des subventions étatiques
sur le partenariat amboisien, c’est l’attitude qu’a adoptée la municipalité d’Amboise d’éviter
tout
contact
avec
l’État
(Préfecture).
La
déclaration
qui
suit
de
Stéphane
DELBARRE, Adjoint délégué à la jeunesse, illustre parfaitement cette problématique :
« L’État est totalement absent du CLSPD puisqu’il ne met pas d’argent […] J’ai presque
envie de dire qu’il n’a pas de raison d’être présent à partir du moment où il ne donne [pas]
d’argent […] il pourrait être présent parce que dans les textes il devrait l’être […] Cela dit,
compte tenu de la quasi-absence de moyens d’animation du CLSPD, c’est certainement pas
moi qui convoquerait des grand-messes pour faire venir des gens de la préfecture »3. C’est
aussi pour cette raison que le partenariat amboisien passe pour « inexistant » à la préfecture.
2. Des subventions conditionnées aux effets pervers.
En plus d’être limitées, les subventions de l’État destinées à financer les actions des
partenaires amboisiens de sécurité et de prévention de la délinquance sont des subventions
1
Ibid., Question n°14.
Cf. Annexes, LÉQUIPÉ (Catherine), op.cit, Questions n°12 et 16.
3
Cf. Annexes, DELBARRE (Stéphane), op.cit, Question n°5.
2
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- 61 -
Chapitre 1 : L’État central, un roi qui se désengage sans se désengager.
conditionnées (a). Là encore cela n’est pas sans effets pervers sur le partenariat amboisien (b)
et cela dénote de l’omnipotence de l’État qui instrumente ses subventions comme moyen de
pression pour mener le partenariat là où bon lui semble.
a. Des subventions conditionnées…
Les rares subventions que l’État accorde pour financer les projets des partenaires
amboisiens de sécurité et de prévention de la délinquance sont des subventions conditionnées.
En effet, pour Joël MUGICA, Vice-président du CLSPD d’Amboise : « il y a quand même
des limites budgétaires et beaucoup de conditions à remplir pour obtenir les subventions »1.
Les conditions que les partenaires amboisiens doivent remplir pour espérer obtenir un
financement de l’État, sont multiples. La conformité des actions envisagées par les partenaires
avec celles inscrites dans le plan départemental de sécurité (PDS) élaboré par l’État, constitue
par exemple une condition pour l’attribution de subventions. Catherine LÉQUIPÉ, Chargée
de mission prévention- sécurité à la Préfecture d’Indre et Loire reconnaît : « La préfecture a
déterminé dans le cadre du plan départemental de sécurité (PDS) des actions prioritaires de
prévention – dont notamment celle qui consiste à « mieux traiter les violences aux
personnes ». Et donc ça c’est un des grands objectifs pour nous. Après nous, notre intérêt,
enfin ce qu’on recherche, c’est d’être assez cohérent entre ce qui est fait au niveau
départemental et ce qui se fait au niveau local. Ce que l’on met comme objectifs au niveau
départemental, on souhaite le décliner au niveau local également »2.
Autre exemple, pour obtenir des subventions, la municipalité d’Amboise est plus ou
moins forcée d’intégrer le contrat de ville que propose et pilote l’État. En effet, comme le
souligne le consultant en sécurité publique, Jean-Luc BESSON : « un maire n’ayant pas signé
l’un des contrats proposés par l’État aura bien des difficultés à faire entendre ses
revendications auprès du préfet ou du sous-préfet à la ville et à obtenir une oreille attentive
du commissaire de police »3. Cette information nous est confirmée par Stéphane
DELBARRE, Adjoint délégué à la jeunesse, qui précise : « la différence du contrat de ville
c’est que l’État offre plus de moyens, des moyens qui sont dédiés à des quartiers sensibles
notamment »4. Or comme nous l’avons spécifié dans l’histoire du partenariat amboisien,
Amboise n’a pas intégré jusque là5 le contrat de ville – ce qui a eu des effets pervers.
1
Cf. Annexes, MUGICA (Joël), op.cit, Question n°11.
Cf. Annexes, LÉQUIPÉ (Catherine), op.cit, Question n°10.
3
BESSON (Jean-Luc), op.cit, p.3.
4
Cf. Annexes, DELBARRE (Stéphane), op.cit, Question n°15.
5
A dater de Juin- Juillet 2006 (date de réalisation des entretiens). Il convient à ce propos de préciser que la
situation a évolué puisqu’en 2007, Amboise a intégré les contrats urbains de cohésion sociale (CUCS = Contrats
2
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- 62 -
Chapitre 1 : L’État central, un roi qui se désengage sans se désengager.
b. … qui ont des effets pervers.
Le fait que l’État conditionne ses subventions est source d’effets pervers sur le
partenariat car selon que ses conditions soient respectées ou non par les partenaires, le
partenariat va tour à tour : fonctionner ou se disloquer ; percevoir des subventions et mener à
bien des actions, ou ne percevoir que très peu de subventions et s’avérer impuissant.
Illustration de ceci, l’actuelle municipalité d’Amboise (installée en 2001) est plus ou
moins victime du choix de l’équipe municipale précédente (1992-2001) de ne pas intégrer le
contrat de ville. En effet, ce choix de ne pas accepter la « proposition- condition » de l’État, se
traduit au sein du partenariat sous forme de pressions financières (Amboise reçoit moins de
subventions qu’une ville en contrat de ville) mais également de pressions politiques
(reproches). Tout ceci contrevient à la bonne santé du partenariat amboisien. Stéphane
DELBARRE, adjoint délégué à la jeunesse témoigne : « On a souvent des difficultés avec la
préfecture. La dernière en date, c’est l’histoire du classement des quartiers. Puisque tu sais
qu’on n’est pas dans les contrats de ville. Mais on y arrive parce qu’on a reçu un courrier le
14 Juin nous demandant d’être présents à une réunion le 16 pour que tout soit défini et
envoyé le 23…Bon ! Donc effectivement on a travaillé là-dessus […] C’est moi qui suis allé
en réunion en préfecture et on m’a dit : « bah tiens la ville d’Amboise vous venez ? C’est
gentil ! ». Heu, c’est gentil… Mais on a quand même des revendications quoi ! Réponse :
« Ah bah, Amboise n’a jamais voulu intégré les contrats de ville ! ». Oui, bon effectivement,
nos prédécesseurs ne voulaient pas [de] « contrat de ville » parce que c’était stigmatisant.
Maintenant moi j’ai positionné les deux quartiers d’Amboise […] comme des quartiers devant
pouvoir bénéficier aussi de moyens d’État. Heu…Mais c’est vrai que d’emblée c’est à chaque
fois une espèce de fond de reproches, extrêmement ancien en plus, et effectivement l’échange
avec la préfecture se fait quand même régulièrement sur ce ton-là. »1.
De plus, le refus de l’ancienne municipalité d’intégrer le contrat de ville en 1994, a
contribué à nourrir un quiproquo qui a contribué à l’échec du projet de CLS en 2002. En effet,
en 2002, la nouvelle municipalité espérait – mais à tort puisque ce n’est pas sa fonction – que
le CLS lui donnerait le même type de bénéfices que ceux que dégage traditionnellement le
contrat de ville qu’elle aurait tellement préféré savoir signé. Nous pouvons avoir la preuve de
ceci dans les propos de Stéphane DELBARRE : « [Dans le cadre du projet CLS] les lignes de
de ville nouvelle génération). Le quartier amboisien de la Verrerie s’est ainsi vu reconnaître par l’État la mention
de « quartier prioritaire » (priorité 2 des CUCS) et le quartier amboisien de Malétrenne s’est quant à lui vu
reconnaître la mention de « quartier relevant de la prévention » (priorité 3 des CUCS).
1
Cf. Annexes, DELBARRE (Stéphane), op.cit, Question n°10.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
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Chapitre 1 : L’État central, un roi qui se désengage sans se désengager.
financement que gère [la Préfecture], on y avait largement moins droit que les villes en
contrat de ville ! C’est logique hein le fonctionnement des fonds de l’État ! Sauf que nous, on
se retrouvait le bec dans l’eau ! […] Et on en a conclu qu’on ne ferait pas de CLS, compte
tenu du peu d’intérêt que ça représentait »1.
En conditionnant l’attribution de ses subventions, l’État va quoiqu’il en soit à
l’encontre du principe de partenariat puisque sa démarche consiste plus en une démarche de
conformation des autres partenaires à sa volonté (sur fond de pressions financières et
politiques) qu’en une vraie démarche de partenariat.
Pour continuer dans la lignée de nos parallèles avec les relations internationales
(certes plus imagés qu’opératoires il faut bien le reconnaître, mais qui nous permettent aussi
de mieux nous figurer la situation), on pourrait avancer que la politique de l’État en matière
de subventions est aux partenaires amboisiens ce que la « good governance »2 des institutions
financières internationales (FMI, Banque mondiale) est aux pays en difficultés : une politique
qui est loin d’être bénéfique aux destinataires des aides.
>>> En conclusion de ce chapitre, on peut avancer que la démarche de désengagement
de l’État au profit du partenariat local de sécurité et de prévention de la délinquance
(CLSPD), est – du moins dans le cas amboisien – une démarche fictive : autrement dit, l’État
se désengage sans vraiment se désengager, c’est une illusion. Quand bien même il a pris
conscience de la mutation de la délinquance (« caméléon ») et pris conscience de l’importance
de constituer une action concertée pour la contrer, l’État garde la main haute sur le champ de
la sécurité… tout en essayant de faire croire l’inverse ! En effet, d’un côté, l’État sacre la
prééminence du « partenariat-roi » et fait montre de sa volonté de travailler en partenariat
avec d’autres acteurs, mais de l’autre côté: (1) il impose le partenariat sur le mode de
l’injonction, (2) il s’impose partenaire de ce partenariat, (3) il se constitue comme financeur
de ce partenariat… Sans compter qu’une fois le partenariat en œuvre : (4) il n’est pas un
partenaire comme les autres mais un partenaire omnipotent qui centralise tous les pouvoirs et
tyrannise les autres partenaires qui n’ont que des compétences résiduelles, et (5) il tire les
ficelles financières du partenariat ce qui lui permet de conformer les autres partenaires à sa
volonté par un jeu subtil de pressions. On voit bien que la démarche de l’État est pétrie de
paradoxes: l’État sacre le « partenariat-roi » mais en même temps impose sa présence au sein
1
Cf. Annexes, DELBARRE (Stéphane), op.cit, Question n°15.
Politique de subvention, anciennement appelée « politique d’ajustement structurel », qui se fonde sur des
conditionnalités économiques et politiques (démocratiques).
2
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- 64 -
Chapitre 1 : L’État central, un roi qui se désengage sans se désengager.
de ce partenariat, tout en conservant jalousement son sceptre (son autorité) et son or (les
moyens financiers), qu’il utilise à des fins propres… Cela n’a pas de sens car l’État se
comporte comme un patron avare plutôt que comme un partenaire ! En réalité, le partenariat
est une façon commode pour l’État de dissimuler son omnipotence, de se redéployer, de se relégitimer, de se re-former (cela procède en effet d’une certaine « réforme de l’État ») et, ni vu
ni connu, sous couvert de travailler en réseau, de conserver l’essentiel de ses prérogatives en
matière de sécurité. D’une certaine façon et/mais dans une certaine mesure aussi, l’État profite
du partenariat pour encore mieux asseoir son autorité, la rendre plus acceptable en la grimant
« partagée ». Il y va d’une certaine «hypocrisie institutionnelle»1 de l’État. Quoiqu’il en soit,
on est loin du concept de l’État sénescent ou dépérissant. Partant de là, il est entendu que la
coproduction de la sécurité est loin d’être une réalité à Amboise – ce qui contrevient à nos
hypothèses de recherche – et ce, pour la simple et bonne raison que l’État conserve sa position
monopolistique en matière de sécurité. Dans la même lignée, l’État post-moderne et la
sécurité post-moderne sont loin d’être une réalité à Amboise. Nous y reviendrons en
conclusion de cette étude.
Le partenariat amboisien de sécurité et de prévention de la délinquance, tel qu’il existe
actuellement, est à maints égards un échec, parce que impuissant. Pour autant, est ce que
l’État est le seul responsable de l’impuissance du partenariat amboisien ? Dit autrement, estce que l’échec du partenariat amboisien et l’échec de la prévention de la délinquance à
Amboise sont strictement imputables au comportement de l’État qui ne cède pas
suffisamment de pouvoirs et de moyens financiers? Les choses ne sont pas si simples. La
problématique du partenariat amboisien de sécurité et de prévention de la délinquance est plus
large que le simple problème de la politique paradoxale menée par l’État : l’impuissance du
partenariat amboisien trouve en effet d’autres causes que l’on ne peut pas négliger. Ceci fera
l’objet du chapitre suivant.
1
Selon Nils BRUNSSON, il y a une hypocrisie des institutions qui ont une capacité à mentir. Cette hypocrisie
consiste pour les institutions à développer vis-à-vis de l’extérieur une façade idéale ou « politiquement correct »
qui correspond à ce qu’attend d’eux l’environnement institutionnel ou l’opinion publique. Cf. BRUNSSON
(Nils), The irrational organization: irrationality as a basis for organizational action and change, John Wiley,
Stockholm, 1985.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
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Chapitre 2 : Le partenariat amboisien, un roi qui s’engage sans s’engager.
CHAPITRE 2.
Le partenariat amboisien : un roi qui s’engage sans
s’engager.
Ce chapitre a pour objet de démontrer que la coproduction de la sécurité dans la ville
d’Amboise est compromise par les attitudes de tous les partenaires de sécurité qui ne
s’engagent que partiellement et partialement dans le partenariat.
Dans les années 1980, sous l’impulsion du rapport BONNEMAISON, on a vu se
dessiner dans la ville d’Amboise, la figure d’un nouveau roi local de sécurité et de prévention
de la délinquance piloté par le Maire : c’est le sacre du partenariat amboisien. De 1986 à
2002, ce dernier a pris la forme d’un CCPD. Depuis 2002, il prend la forme d’un CLSPD.
Nous avons démontré dans le chapitre qui précède que ce nouveau roi local est en
réalité « infantilisé » par l’État (qui en est pourtant le géniteur et le partenaire). En effet,
patriarche qui feint de ne pas l’être, l’État ne donne pas suffisamment de liberté, de pouvoirs
et de moyens financiers au partenariat amboisien : ce faisant, il l’empêche véritablement
d’exister et de s’épanouir.
Néanmoins, au-delà du mauvais traitement que lui fait subir l’État, le partenariat
amboisien souffre également de problèmes structurels. En effet, le partenariat amboisien
souffre d’une triple personnalité : une personnalité d’élu local, une personnalité de
représentant de l’État et une personnalité de représentant de la société civile – chaque
personnalité se déclinant elle-même en multiples et différentes personnalités. Le problème du
partenariat amboisien vient du fait que toutes ces personnalités ne procèdent pas d’une même
logique mais se concurrencent, s’affrontent. Il résulte de ceci que le partenariat amboisien
pense et agit, mais de façon partitionnée et incohérente. Par conséquent, nous démontrerons
que le partenariat amboisien est un roi schizophrène, un roi en miettes (I).
Par ailleurs, et c’est plus ou moins un corollaire de sa schizophrénie1, le partenariat
1
Du grec schizo « fendre » et phrên « esprit ». Le symptôme fondamental de la schizophrénie est la spaltung, ou
dissociation de la personnalité, se traduisant par l’incohérence de la pensée et de l’action, le détachement de la
réalité, la tendance aux fantasmes. Cf. GRAWITZ (Madeleine), op.cit, p.366.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
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Chapitre 2 : Le partenariat amboisien, un roi qui s’engage sans s’engager.
amboisien n’a pas de réelle structure interne ni de véritable conscience capable de synthétiser
et de comprendre1 toutes les personnalités qui le composent (créer une certaine unité). C’est
pourquoi le partenariat amboisien évolue dans un monde détaché de la réalité, c'est-à-dire
dans un univers où la croyance et les fantasmes l’emportent sur le réel et sur les pratiques. Par
conséquent, nous démontrerons que le partenariat amboisien est un roi creux et symbolique
(II).
Il résulte de tout ceci l’idée selon laquelle, en matière de sécurité et de prévention de la
délinquance, le « Partenariat-roi » pense et agit mais sans vraiment le faire… En d’autres
termes, le partenariat amboisien s’engage sans s’engager.
I. Le partenariat amboisien : un roi schizophrène, un roi en miettes.
Le partenariat amboisien est un « roi schizophrène », un « roi en miettes »2. En effet
les multiples institutions qui sont constitutives de ce partenariat ne procèdent pas d’une même
logique, d’une même culture, mais se concurrencent, s’affrontent (A). Il y va aussi des
stratégies des individus qui peuplent ces institutions, stratégies qui ne vont pas toujours dans
le sens du partenariat (B).
A. Le partenariat amboisien : un partenariat émietté par des logiques d’institution.
Depuis 2002, le partenariat amboisien de sécurité et de prévention de la délinquance
s’institue sous la forme d’un CLSPD. L’institution en question se fonde sur trois collèges qui
renvoient chacun à un type générique d’institutions : les élus locaux pour le premier collège,
les institutions de l’État pour le second, et les institutions de la société civile pour le troisième.
Ainsi, formellement, on peut dire du partenariat amboisien qu’il constitue une « institution
d’institutions ». Pour autant, est-ce que la réalité sociologique du partenariat amboisien
correspond vraiment à cette idée formelle, par trop juridique, d’une « institution
d’institutions » ? La réponse à cette question fera l’objet d’une première partie (1). Dans une
seconde partie, nous développerons l’idée selon laquelle le partenariat amboisien est en
définitive un champ d’institutions (2).
1. Le partenariat amboisien : une institution d’institutions (?)
1
Du latin compre(he)ndere (composé de cum « avec » et prehendere « prendre, saisir ») littéralement « prendre
ensemble ».
2
Notre formule s’inspire de la célèbre formule proposée par Jean-Claude THOENIG pour qualifier
l’administration française : une « administration en miettes ». Cf. THOENIG (Jean-Claude), L’administration en
miettes, Fayard, coll. « l’espace du politique », Paris, 1985.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- 67 -
Chapitre 2 : Le partenariat amboisien, un roi qui s’engage sans s’engager.
Le partenariat amboisien de sécurité et de prévention de la délinquance constitue t-il
une institution d’institutions ?
Pour répondre à cette question il faut revenir quelques instants sur la notion
d’institution : qu’est ce qu’une institution d’un point de vue qualitatif ?
Selon Jacques LAGROYE, une institution est « un ensemble de pratiques, de tâches
particulières, de rites et de règles de conduite entre des personnes. Mais une institution est
aussi l’ensemble des croyances, ou des représentations qui concernent ces pratiques, qui
définissent leur signification et qui tendent à justifier leur existence »1. L’idée-force de cette
définition est qu’une institution renvoie à la fois à un corpus idéologique (les valeurs, les
croyances) et praxéologique (les pratiques, les rites). On retrouve cette idée dans une
définition qu’Émile DURKHEIM a originellement donné à la Religion et/mais qui correspond
parfaitement à la notion d’institution : une institution peut ainsi être définie comme « un
système solidaire de croyances et de pratiques »2.
Ainsi, dire du partenariat amboisien qu’il est « une institution d’institutions »
reviendrait sur le terrain d’une part, à identifier différents systèmes solidaires de croyances et
de pratiques, et d’autre part, à vérifier la capacité de ces différents systèmes à raisonner
(croyances) et agir (pratiques) ensemble de façon effective.
Dans un premier temps, nous démontrerons que le partenariat amboisien est composé
de différents systèmes solidaires de croyances et de pratiques – institutions différenciées (a).
Néanmoins, dans un second temps, nous démontrerons que ces systèmes (institutions) peinent
à raisonner et agir ensemble (b).
a. Des institutions différenciées…
Chaque institution constitutive du partenariat amboisien est porteuse de croyances et
de pratiques spécifiques. Dit autrement et génériquement, chaque institution du partenariat
amboisien est porteuse d’une « culture » (idéelle et matérielle) qui lui est propre (les politistes
parlent de « culture d’institution »). On peut observer ces différences de culture entre les
institutions du CLSPD à l’échelle inter- collégiale et/mais aussi à l’échelle intra- collégiale.
Au niveau inter- collégial, il est assez aisé de démontrer que les institutions relatives à
la mairie d’Amboise (collège n°1), les institutions relatives à l’État (collège n°2) et les
institutions relatives à la société civile (collège n°3), sont des institutions aux cultures
différenciées. Par exemple, Catherine LÉQUIPÉ, Chargée de mission prévention- sécurité à la
1
LAGROYE (Jacques), Sociologie politique, Presses de sciences po et Dalloz, Paris, 2002, p.140.
DURKHEIM (Émile), Les formes élémentaires de la vie religieuse : le système totémique en Australie, édition
électronique (livre premier), coll. « les classiques des sciences sociales », Chicoutimi, 2002, p.50.
2
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- 68 -
Chapitre 2 : Le partenariat amboisien, un roi qui s’engage sans s’engager.
préfecture d’Indre et Loire, affirme : « on touche à ce que chacun a appris… Enfin on touche
à l’imaginaire du métier de chacun […] Il n’y a pas à dire, on sait bien qu’une assistante
sociale aura une perception différente de celle du policier ou du gendarme ! »1. Thibault
MORTEROL, Colonel commandant le groupement de gendarmerie départementale d’Indre et
Loire, confirme : « les assistantes sociales et les gendarmes, par formation, par tradition, par
habitude, ne sont pas forcément toujours les meilleurs amis du monde »2. Dans la même
lignée, mais du côté de la mairie d’Amboise cette fois, Stéphane DELBARRE, Adjoint
délégué à la jeunesse, déclare : « Le discours n’est pas le même entre les acteurs sociaux et
les gendarmes puisque les valeurs, l’approche, ne sont pas les mêmes »3. Enfin du côté de la
société civile, Christine GANDUBERT, Directrice du FJT, résume : « On n’a pas les mêmes
cultures les uns les autres »4. Par conséquent, on le voit bien, il y a des différences marquées
entre le collège n°2 et le collège n°3 du CLSPD d’Amboise. Quant à lui, le collège n°1 qui
renvoie à la mairie d’Amboise et aux élus, est le collège le plus transversal. Catherine
LÉQUIPÉ témoigne : « Vous savez, arriver à mettre autour d’une table, la police ou la
gendarmerie et les travailleurs sociaux, c’est quelque chose d’énorme ! Les élus, c’est moins
difficile, ils sont plus habitués à ce genre d’exercices »5. Il demeure cependant qu’il ne
manque pas d’y avoir des différences entre la mairie d’Amboise (élus, collège n°1) et l’État
(collège n°2). En effet, ces deux institutions ne partagent pas la même vision du monde :
l’État porte une logique d’homogénéisation, d’unification du territoire, alors que la mairie
d’Amboise pense et agit à l’aune de son territoire. De même, l’État porte une expertise
technique sur les problèmes tandis que la mairie d’Amboise porte une logique beaucoup plus
politique et qui n’est pas sans relation avec les calendriers électoraux.
Au sein même des trois collèges du partenariat amboisien, on peut distinguer des
institutions aux cultures très différenciées. C’est particulièrement valable pour le collège n°2
(institutions étatiques). Notre étude de terrain n’apporte pas en elle-même d’éléments
suffisamment dignes d’intérêt pour valoir le droit d’être cités, on peut simplement argumenter
en précisant que selon qu’elles dépendent de tel ou tel ministère, les institutions d’État vont
avoir une culture différente. Il est entendu par exemple que les acteurs de la DDPJJ37, de la
DDASS37, ou de la gendarmerie nationale d’Amboise n’ont pas les mêmes croyances, ni les
1
Cf. Annexes, LÉQUIPÉ (Catherine), op.cit, Questions n°5 et 9.
Cf. Annexes, MORTEROL (Thibault), Colonel commandant le groupement de gendarmerie départementale de
l’Indre et Loire, Retranscription de la réunion du conseil départemental de prévention, Tours, 9 Mai 2006, Partie
sur la « prévention des violences intra- familiales ».
3
Cf. Annexes, DELBARRE (Stéphane), op.cit, Question n°4.
4
Cf. Annexes, GANDUBERT (Christine), op.cit, Question n°7.
5
Cf. Annexes, LÉQUIPÉ (Catherine), op.cit, Question n°6.
2
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- 69 -
Chapitre 2 : Le partenariat amboisien, un roi qui s’engage sans s’engager.
mêmes pratiques. C’est également valable au sein du collège n°1 (élus) : l’adjoint délégué aux
affaires sociales n’a pas vraiment la même approche de la délinquance que l’adjoint délégué à
l’environnement. Le même raisonnement est aussi transposable au collège n°3 (société
civile) : les associations n’ont pas la même culture que les personnalités qualifiées de la
sécurité privée ou que les transporteurs publics.
En définitive, on voit bien que le partenariat amboisien est constitué d’institutions
différenciées. Il y a des différences importantes entre les institutions des différents collèges
(différences inter- collégiales) et entre les différentes institutions d’un même collège
(différences intra- collégiales). Jean-Luc BESSON précise : « ces différences objectives sont
parfois renforcées artificiellement par des présupposés, des a priori, et des défiances d’ordre
corporatiste et idéologique […] le partenariat impose des attitudes de compromis et de
négociation plus que d’affrontements au d’autorité. L’absence de temps est alors l’ennemi à
vaincre. Il faut consacrer du temps au partenariat»1.
b. … qui peinent à raisonner et agir ensemble.
Nous avons démontré dans la partie qui précède que chaque institution constitutive du
partenariat amboisien a une culture propre, un « code »2 spécifique (vocabulaire, valeurs, rites
etc.). Au niveau d’Amboise, il s’avère que ces cultures d’institution sont tellement puissantes
qu’elles posent des difficultés importantes si ce n’est rédhibitoires vis-à-vis du partenariat,
dans la mesure où, comme le disent Jean-Jacques GLEIZAL et Jean-Charles FROMENT en
parlant des CCPD : « ces codes s’entrechoquent et transforment le partenariat en une simple
juxtaposition de discours qui ne parviennent pas à se rencontrer. Les acteurs « bavardent »
sans s’entendre […] chacun traduit dans son propre code ce qu’il croit entendre et
comprendre de l’autre »3. Il résulte de ceci que les institutions constitutives du CLSPD
d’Amboise peinent à raisonner et agir ensemble : on peut parler pour qualifier cet état de fait
de « rationalité limitée de l’action publique partenariale » qui conduit souvent à une « action
publique de détritus »4.
Le concept de rationalité limitée de l’action publique nous est suggéré par Graham T.
1
BESSON (Jean-Luc), op.cit, p.53.
Ensemble de règles (écrites ou non). GRAWITZ (Madeleine), op.cit, p.69.
3
GLEIZAL (Jean-Jacques) et FROMENT (Jean-Charles), op.cit, p.30.
L’analogie entre le CLSPD d’Amboise et les CCPD est d’autant plus permise que les élus locaux
avouent spontanément: « Déjà quand ça s’est appelé « CLSPD », ça s’appelait avant « CCPD »…En terme de
structure, d’organisation et de représentation, on a changé les noms, on a fait un effet d’annonce…Point barre !
ça n’a rien changé du tout ! […] Le gouvernement de 2002 avec Sarkozy a décidé de rajouter le S de
« Sécurité » dans le CLSPD…Heu bon…On est passé du CCPD au CLSPD… C’est tout… ». Cf. Annexes,
DELBARRE (Stéphane), op.cit, Question n°2.
4
Cf. Le modèle de la poubelle. MARCH (James G.), Decisions and organization, Blackwell, New-York, 1988.
2
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- 70 -
Chapitre 2 : Le partenariat amboisien, un roi qui s’engage sans s’engager.
ALLISON1 et ses modélisations de la décision publique. Au travers d’une étude de cas sur la
crise des missiles de Cuba, ALLISON nous montre en effet que les représentants des
multiples institutions qui entourent le décideur dans le cadre d’une action publique lambda, ne
se comportent pas comme des individus rationnels mais comme les serviteurs des logiques de
leurs institutions. Dans le cadre de la crise de Cuba, le président des Etats-Unis, John
Fitzgerald KENNEDY, s’est ainsi trouvé face à des hauts représentants d’institutions qui lui
ont chacun proposé la solution spécifique de leur institution : par exemple les diplomates ont
proposé des négociations diplomatiques, la marine a proposé un blocus naval, l’aviation a
proposé un bombardement aérien, l’armée de terre a proposé un débarquement. On s’aperçoit
de fait que les représentants des institutions ont une rationalité limitée dans la mesure où ils
sont incapables d’avoir un regard panoptique sur les problèmes qu’ils veulent traiter et s’en
remettent bien souvent aux actions traditionnelles (les « standard operating procedures») de
leurs institutions. D’où l’idée d’une action publique de détritus car, en fin de compte, le
décideur va arbitrer entre plusieurs solutions déjà usagées et/mais recyclées.
On peut faire le même type de raisonnement que Graham T. ALLISON sur le
problème de la délinquance au niveau national: la ligne du ministère de l’intérieur est que la
délinquance est un problème d’ordre public et qu’il faut plus de moyens de répression. La
ligne du ministère de la justice est qu’il faut respecter le droit, que la prison n’est pas la
panacée et qu’il faut développer des alternatives à l’incarcération. La ligne du ministère des
affaires sociales est que la délinquance est un problème d’ordre social et qu’il faut plus
d’aides sociales. La ligne du ministère de l’éducation nationale est de dire qu’il faut
sanctuariser l’école et mieux éduquer les enfants. La ligne du ministère de l’équipement et du
logement est de dire que la délinquance est un problème de logements et que « le béton, c’est
la solution ». La ligne du ministère de la culture est de dire que la délinquance est un
problème de désoeuvrement et qu’il faut proposer plus d’activités aux jeunes. Etc. Sans
compter qu’au final le ministère des finances fait savoir à l’ensemble des ministères
dépensiers sus- cités que la solution au problème de la délinquance importe peu pour autant
qu’elle ne coûte rien car de toute manière les caisses de l’État sont vides. Là encore on
s’aperçoit au niveau national que la réflexion en matière de lutte contre la délinquance est une
réflexion schizophrénisée plutôt que partenarisée : les cultures d’institution ont raison du
partenariat, la rationalité des acteurs est limitée et l’action publique en matière de délinquance
est une sorte d’action publique de détritus.
1
ALLISON (Graham T.), Essence of decision : explaining the cuban missile crisis, Little brown, Boston, 1971.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- 71 -
Chapitre 2 : Le partenariat amboisien, un roi qui s’engage sans s’engager.
Ce qui est observable au niveau national, nous allons également l’observer au niveau
du partenariat amboisien de sécurité et de prévention de la délinquance. En effet, la rationalité
des partenaires amboisiens est limitée par leurs compétences, leurs valeurs, l’imaginaire de
leur métier et la culture de leur institution de rattachement. Les acteurs qui peuplent les
institutions du partenariat amboisien intériorisent, incorporent, par phénomène de
socialisation et de re-socialisation, la culture de l’institution dans laquelle ils évoluent. De fait,
l’institution fait corps en eux, ils en deviennent les « bons petits soldats » – de telle sorte
qu’ils ne voient le monde qui les entoure qu’au travers du prisme de leur institution (dit
autrement, leur rationalité se limite à celle de leur institution). Stéphane DELBARRE, Adjoint
délégué à la jeunesse, témoigne : « chacun reste sur ses valeurs, ses compétences, son point
de vue »1. De même, Christine GANDUBERT, Directrice du FJT, déclare : « L’intérêt de
travailler en commun c’est de réfléchir ensemble à diverses problématiques […] Pour autant
je ne vais pas aller heu… Je vais rester dans le domaine de compétence qui est le mien ! »2.
Enfin, Gérard MAGRÉ, Lieutenant commandant la BT d’Amboise soutient: « on ne voit pas
les choses de la même façon, on n’a pas les mêmes référentiels »3. Ainsi au sein du CLSPD
d’Amboise, chaque institution va se cantonner à sa culture propre, proposer des solutions qui
ont trait avec cette culture, et ne va pas vraiment aborder les problèmes de façon globale.
D’où cette difficulté qu’ont les institutions différenciées qui sont constitutives du partenariat
amboisien à raisonner et agir ensemble : on retombe dans le problème de rationalité limitée et
d’action publique de détritus.
Au regard des difficultés qu’ont les partenaires amboisiens à raisonner et agir de
concert en prenant suffisamment de recul par rapport à la culture de leur institution de
rattachement : peut-on techniquement avancer, au-delà de l’aspect formel (juridique), que le
partenariat amboisien est une institution d’institutions ? Autrement dit, est-ce que le
partenariat amboisien constitue sociologiquement un système solidaire de croyances et de
pratiques de systèmes solidaires de croyances et de pratiques ? Il semble que non. En effet,
notre étude de terrain nous indique que les partenaires amboisiens n’ont pas encore
véritablement intégré cette « double culture » (culture d’institution et culture du partenariat)
que sous-tend pourtant l’idée d’une « institution d’institutions ». Catherine LÉQUIPÉ,
Chargée de mission prévention- sécurité à la Préfecture d’Indre et Loire, affirme : « il n’y a
pas encore à Amboise de réelle logique de travail en commun. Les partenaires amboisiens
1
Cf. Annexes, DELBARRE (Stéphane), op.cit, Question n°4.
Cf. Annexes, GANDUBERT (Christine), op.cit, Question n°7.
3
Cf. Annexes, MAGRÉ (Gérard), op.cit, Question n°4.
2
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
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Chapitre 2 : Le partenariat amboisien, un roi qui s’engage sans s’engager.
n’ont pas encore ressenti l’intérêt du CLSPD »1. Par conséquent, l’appellation « institution
d’institutions » ne colle pas totalement avec la réalité sociologique du partenariat amboisien
qui, au concret, correspond plutôt à un « champ d’institutions ».
2. Le partenariat amboisien : un champ d’institutions.
Nous allons démontrer dans cette partie que le partenariat amboisien est un champ
d’institutions.
La notion de champ nous vient de Pierre BOURDIEU. Jacques LAGROYE en donne
la définition suivante : « En quelque domaine d’activités que ce soit (économique, culturel,
syndical, religieux, politique etc.), le champ doit d’abord être pensé comme un ensemble de
rapports de force entre des agents engagés dans ces activités et s’efforçant d’acquérir les
biens qu’elles procurent […] Chaque champ peut ainsi être envisagé comme structuré par les
luttes qui opposent des unités, en compétition pour des « enjeux » et des biens rares, et
susceptibles d’engager dans cette compétition des ressources particulières ou « espèces de
capital ». »2.
Ceci étant dit : en quoi le partenariat amboisien constitue t-il un champ d’institutions ?
Le partenariat amboisien est un champ d’institutions dans la mesure où, au-delà de leurs
objectives difficultés à raisonner et agir ensemble, les institutions qui sont constitutives de ce
partenariat se déconsidèrent les unes les autres, se désolidarisent (a), et se livrent à de
véritables luttes afin d’obtenir et/ou défendre, aux dépens des autres, et/mais grâce au
partenariat, certains biens stratégiques susceptibles de leur conférer du pouvoir (b).
a. Des institutions qui se déconsidèrent et se désolidarisent.
Le paradoxe des institutions du partenariat amboisien est que ces institutions ont
vocation à coopérer mais en même temps se déconsidèrent les unes les autres. Stéphane
DELBARRE, Adjoint délégué à la jeunesse de la ville d’Amboise, témoigne: « Les acteurs
sociaux vont toujours critiquer la gendarmerie quand elle n’intervient pas quand il faut et
éventuellement la critiquer quand elle intervient alors qu’il ne faut pas ! Et les gendarmes
vont critiquer un certains nombre d’opérations à caractère social qui vont bénéficier à des
jeunes dont ils pensent qu’ils ne devraient bénéficier de rien du tout parce que heu…Bon. »3.
Cette déconsidération réciproque des institutions constitutives du partenariat
amboisien dénoue, ruine, les solidarités trans-institutionnelles qui peuvent aléatoirement s’y
1
Cf. Annexes, LÉQUIPÉ (Catherine), op.cit, Question n°15.
LAGROYE (Jacques), op.cit, pp.201 et 202.
3
Cf. Annexes, DELBARRE (Stéphane), op.cit, Question n°4.
2
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
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Chapitre 2 : Le partenariat amboisien, un roi qui s’engage sans s’engager.
créer. Il y va d’un certain « effet Hawthorne »1 inverse : les institutions réagissent
négativement (en diminuant leur engagement au sein du partenariat) au fait que l’on porte un
regard négatif sur eux, surtout lorsque leur position est faible dans le partenariat. Ce
phénomène est très perceptible entre la BT d’Amboise et la police municipale : on peut en
effet considérer que la déclaration de la police municipale : « Nous on n’apporte rien aux
autres partenaires, on se demande ce qu’on fait dans le partenariat ! […] On n’est pas
vraiment considérés comme des acteurs de sécurité importants »2, est plus ou moins le
pendant de celle de la BT : « Nous entretenons de bons rapports avec la police municipale.
On se rend des petits services, notamment quand il y a des manifestations, des fêtes etc. Mais
nous ne faisons pas vraiment le même travail. Et puis eux ils ne sont que 4 et ils ne travaillent
pas la nuit. Leur rôle est limité »3.
La déconsidération réciproque et la désolidarisation des institutions constitutives du
partenariat amboisien constituent de facto un terreau fertile à l’affrontement.
b. Des institutions qui s’affrontent.
Les institutions constitutives du partenariat amboisien se livrent à de véritables luttes
afin d’obtenir et/ou défendre, aux dépens des autres, et/mais grâce au partenariat, certains
biens stratégiques susceptibles de leur conférer du pouvoir.
L’analyse des discours de nos enquêtés révèle très clairement la prééminence de deux
biens stratégiques au sein du partenariat : l’information et l’argent.
Les institutions du partenariat amboisien de sécurité et de prévention de la délinquance
ont une approche très individualiste et très opportuniste de l’information – approche qui ne va
évidemment pas dans le sens du partenariat. Chaque institution travaille pour son compte. En
effet, chaque institution a pour objet de s’emparer de l’information de façon à disposer d’un
avantage stratégique (d’un certain pouvoir) sur les autres institutions du partenariat. José
RODRIGUÈS, Responsable du service logement de la ville d’Amboise, témoigne : « La
mentalité qui domine c’est : « je viens pour moi pour récupérer […] des dossiers et des
informations pour mon institution, et puis le reste, le problème de la délinquance ou le
problème de la jeunesse, j’en ai rien à foutre quoi » […] c’est un petit peu dommage.»4. Audelà de la logique de conquête d’information, les institutions du partenariat amboisien
1
Les êtres humains réagissent positivement (donc en augmentant leur productivité) au fait que l’on s’occupe
d’eux pour améliorer leur situation, surtout lorsque leur position est faible dans l’entreprise. Cf.
ROETHLISBERGER (Fritz J.) & DICKSON (William J.), Management and the worker, Harvard University
Press, Cambridge, 1939.
2
Cf. Annexes, MOISAN (Michel), op.cit, Questions n°10 et 12.
3
Cf. Annexes, MAGRÉ (Gérard), op.cit, Question n°5.
4
Cf. Annexes, RODRIGUÈS (José), op.cit, Question n°5.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
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Chapitre 2 : Le partenariat amboisien, un roi qui s’engage sans s’engager.
développent surtout une stratégie de rétention d’informations, c'est-à-dire qu’elles refusent de
coopérer et de faire part de leurs informations aux autres institutions. José RODRIGUÈS,
continue : « tu sais Jean-Baptiste, le truc c’est que quand t’es dans des réunions comme ça,
avant qu’un certain nombre de nos partenaires puissent comprendre que la transversalité de
l’information peut-être quelque chose de bénéfique pour tout le monde, je vais te dire…. Ce
n’est pas pour aujourd’hui... »1. De fait, au sein du CLSPD d’Amboise, l’information ne
circule pas et le partenariat ne peut pas vraiment fonctionner. Par exemple, la BT d’Amboise
ne diffuse pas les chiffres de la délinquance. Christian GUYON, Maire d’Amboise,
témoigne : « les gendarmes font un état de la délinquance une fois par an, je ne sais plus à
quelle époque, je pense que c’est au printemps. […] Mais on ne nous présente que les
grandes tendances, c’est tout !... J’avais fait un reproche à ce sujet à l’ancien capitaine… Je
lui avais dit que la gendarmerie faisait partie de l’armée et que ce n’était pas pour rien qu’on
l’appelait « la grande muette »… Parce que bien souvent j’apprends les choses par la presse
le lendemain ! Et puis ça de toute façon, ça a toujours été ! Jamais ils ne donneront le nombre
de plaintes sur la main courante »2. Interrogé sur le pourquoi de cette rétention
d’informations, Gérard MAGRÉ, Lieutenant commandant la BT d’Amboise, répond : « c’est
un vieux débat, ça fait l’objet d’un blocage institutionnel. […] Moi je vais voir le maire et je
lui dis : « bon cette année ça a bien marché » ou « cette année ça a moins bien marché »,
« les accidents sont en baisse » ou « les accidents sont en hausse » etc. Mais je ne lui donne
pas de chiffres quoi ! [En 2002, on les avait donnés pour le diagnostic de André MIDOL]
mais depuis on ne les donne plus. »3. La BT d’Amboise n’est pas la seule institution à faire de
la rétention d’informations, on retrouve également ce problème au niveau des travailleurs
sociaux qui refusent de divulguer leurs informations à leurs partenaires. Christian GUYON,
Maire d’Amboise, dénonce : « Au niveau des problèmes sociaux qui sont très liés à la
délinquance heu…Les assistantes sociales, lorsqu’on leur pose des questions, se réfugient
toujours derrière : « ah ! Secret professionnel ! Déontologie ! etc.» or je leur dis
régulièrement que les élus aussi ont leur déontologie et que bien souvent des gens qui sont
dans la détresse et qui viennent me voir, me confient des choses qu’ils ne confieraient pas à
une assistante sociale. Alors c’est un petit peu agaçant ! ça rejoint un petit peu ce qu’on
évoquait avec la gendarmerie, c’est « non on n’a pas le droit de communiquer ! »…Cette
espèce de rétention d’informations sous couvert de secret professionnel qui n’existe pas, ou
1
Ibid., Question n°3.
Cf. Annexes, GUYON (Christian), op.cit, Question n°8.
3
Cf. Annexes, MAGRÉ (Gérard), op.cit, Question n°8.
2
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
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Chapitre 2 : Le partenariat amboisien, un roi qui s’engage sans s’engager.
plus ou moins, nous empêche d’avoir la bonne connaissance qui permettrait d’actionner les
leviers adéquats. Là les leviers on les actionne mais pas toujours à bon escient ou de façon
démesurée par rapport au problème qui est posé. »1.
En ce qui concerne le bien stratégique que constitue l’argent, les institutions
constitutives du partenariat amboisien ont également un comportement très individualiste et
opportuniste. C’est particulièrement vrai des institutions relatives à la société civile qui
souhaitent voir leurs projets « à eux » (par opposition à ceux « des autres ») financés – ce qui
signifie qu’elles doivent se battre contre les autres institutions car la ressource financière est
rare. Christian GUYON, Maire d’Amboise, témoigne : « Dans le fond, il y a toujours un
comportement de type individualiste de chacun des partenaires. Par exemple, quand elles
établissent leur budget, les associations se disent : « je vais inscrire telle action, je peux tirer
tant de la ville, tant de l’État, bon c’est bon et on y va ! ». Chacun essaie de tirer le maximum
de subventions pour l’action qu’il a menée. Et je trouve que c’est bien naturel. Mais c’est vrai
que cela ne va pas forcément dans le sens du partenariat. ». José RODRIGUÈS, Responsable
du service logement de la ville d’Amboise, corrobore : « [la mentalité] c’est « je viens juste
rechercher du pognon pour mon action bidule », et puis c’est tout ! »2. Christine
GANDUBERT, Directrice du FJT, reconnaît : « Ne le cachons pas, il y a surtout un intérêt
financier au partenariat. Je ne peux pas vous dire que le CLSPD ne m’intéresse pas parce
que là il me donne 1250 euros sur un projet et 1500 euros sur un autre… Comment je vais les
trouver les financements sinon ? »3.
En définitive, le partenariat amboisien est un partenariat en miettes (et d’une certaine
façon un partenariat de paillettes c'est-à-dire un partenariat d’apparat, un faux-semblant), dans
la mesure où les partenaires amboisiens ne parviennent pas à réfléchir et agir ensemble mais
surtout dans la mesure où, les partenaires amboisiens s’affrontent en permanence afin de
s’accaparer de façon individualiste et opportuniste les biens stratégiques que sont
l’information et l’argent. Le partenariat amboisien n’a pas d’unité, il est fragmenté, atomisé,
par les stratégies concurrentes des institutions qui le constituent : il est schizophrène.
Indépendamment des logiques d’institution (logiques d’appareil) que l’on vient de
décrire, la réussite ou l’échec du partenariat est également plus ou moins dictée par les
individus qui peuplent les multiples institutions du partenariat.
1
Cf. Annexes, GUYON (Christian), op.cit, Question n°9.
Cf. Annexes, RODRIGUÈS (José), op.cit, Question n°5.
3
Cf. Annexes, GANDUBERT (Christine), op.cit, Question n°7.
2
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
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Chapitre 2 : Le partenariat amboisien, un roi qui s’engage sans s’engager.
B. Le partenariat amboisien : un partenariat émietté par des logiques individuelles.
Les croyances et les pratiques propres aux sujets (individus) qui peuplent les
institutions du partenariat amboisien de sécurité et de prévention de la délinquance ne vont
pas toujours dans le sens du partenariat. Il ne faut pas sous estimer l’importance que peuvent
avoir ces individus au sein du partenariat (1). En effet, il s’avère que les changements de
personnel ont eu (et ont encore aujourd’hui) une incidence considérable sur le partenariat
amboisien: ils constituent selon les cas, et pour ainsi dire, selon les particularités des individus
sortants et rentrants, un catalyseur ou un frein au partenariat (2). Nous allons le démontrer.
1. L’importance des individus au sein du partenariat.
Dans le phénomène bureaucratique1 et l’acteur et le système2, Michel CROZIER nous
invite à porter une attention particulière aux individus qui peuplent les organisations. Nous
reviendrons sur les grandes lignes de son discours (a). Par ailleurs, il apparaît que les acteurs
amboisiens qui ont été interrogés dans le cadre de cette étude sont eux-mêmes visiblement
très sensibles à l’importance qu’ont les individus au sein du partenariat, nous le démontrerons
en étudiant leurs discours (b).
a. Le discours crozierien.
Selon Michel CROZIER, les « phénomènes bureaucratiques »3 sont la conséquence
des interactions entre les membres individuels des organisations. En effet, pour CROZIER,
les individus ne sont pas des pions aveugles au service exclusif de leur institution, mais des
acteurs qui déploient des stratégies propres, des logiques individuelles. Ainsi, dans l’approche
crozierienne, l’individu est roi. En effet, l’individu crozierien n’est pas totalement déterminé
mais il est intelligent, stratège : ses préférences « ne sont pas précises, cohérentes et
univoques, mais au contraire, multiples, floues, ambiguës et contradictoires », elles ont des
incidences sur l’organisation. De même, les objectifs de l’individu ne sont pas véritablement
arrêtés : « se construire une image, aménager du temps pour soi entre son travail et sa vie de
famille etc. », ils ont aussi des incidences sur l’organisation. Il résulte de ceci que l’individu
est imprévisible. CROZIER va même plus loin puisqu’il avance que cette imprévisibilité est
le résultat d’une stratégie selon laquelle l’individu cherche à se rendre imprévisible afin de ne
pas être un simple moyen pour les autres. En définitive, CROZIER redonne toute sa tête (sa
rationalité) à l’individu. Il le dit lui-même : « TAYLOR concevait l’acteur comme une main,
1
CROZIER (Michel), Le phénomène bureaucratique, Seuil, Paris, 1963.
Idem, FRIEDBERG (Erhardt), L’acteur et le système, Seuil, Paris, 1977.
3
Cf. la partie qui précède sur les logiques d’institution
2
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- 77 -
Chapitre 2 : Le partenariat amboisien, un roi qui s’engage sans s’engager.
MAYO lui a donné un cœur, et moi je lui ai donné une tête ».
L’analyse de CROZIER a ceci de pertinent qu’elle démontre de façon assez
incontestable – en témoignent ses deux monographies très détaillées que sont : l’Agence
comptable parisienne (administration publique) et le Monopole industriel (organisation
industrielle) – que l’individu en tant que tel a une incidence sur les organisations qu’il habite.
De fait, CROZIER nous prouve que l’organisation n’est pas qu’une affaire de droit, de
moyens financiers, ou d’institutions, mais aussi une affaire de relations interpersonnelles.
Finalement, l’une des critiques1 que l’on pourrait adresser à CROZIER, critique qui
nous vient de Jean LECA et Bruno JOBERT, c’est d’aller trop loin dans son approche
individualiste et de ne considérer l’acteur que par sa position et sa stratégie jusqu’à en oublier
le contexte (notamment social) dans lequel il est immergé: « l’acteur crozierien est roi, mais
le roi est nu ! ». Il est entendu que la réalité est plus complexe et que l’individu n’est qu’un
élément parmi de multiples autres de cette complexité.
Si l’on applique le discours crozierien (dans une version qui intègrerait la critique de
LECA et JOBERT) au partenariat amboisien, cela signifie que la réussite ou l’échec du
partenariat n’est pas que la conséquence du comportement contradictoire de l’État ou du
comportement paradoxal des multiples institutions qui le (partenariat) peuplent, mais aussi la
conséquence du comportement imprévisible des individus au sein des institutions du
partenariat.
b. Le discours des enquêtés.
Les partenaires amboisiens de sécurité et de prévention de la délinquance sont tout à
fait sensibles à l’importance que les individus jouent (ou peuvent jouer) au sein du partenariat.
C’est une régularité qui revient fréquemment dans le discours de nos enquêtés. Pour
Catherine LÉQUIPÉ, Chargée de mission prévention- sécurité à la préfecture d’Indre et
Loire : les individus qui peuplent les institutions du partenariat « ont chacun leur perception
individuelle et puis la perception de leur métier »2 et de continuer « pour qu’ils travaillent
ensemble, c’est aussi une question de sensibilité et une question de personnes »3. De même,
Évelyne FREYMONT, Directrice départementale de la protection judiciaire de la jeunesse
(Indre et Loire), déclare : « Je pense qu’il y a [plusieurs] éléments importants à prendre en
compte pour l’établissement d’un bon partenariat. [Notamment] la bonne connaissance et les
1
LECA (Jean) et JOBERT (Bruno), Le Dépérissement de l’Etat : à propos de « L’Acteur et le Système » de
Michel CROZIER et Erhardt FRIEDBERG, in Revue Française de Science Politique, vol. 30, n° 6, Décembre
1980.
2
Cf. Annexes, LÉQUIPÉ (Catherine), op.cit, Question n°9.
3
Ibid., Question n°13.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
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Chapitre 2 : Le partenariat amboisien, un roi qui s’engage sans s’engager.
bonnes relations – y compris personnelles – que les partenaires entretiennent entre eux »1.
Autre illustration, José RODRIGUÈS, Responsable du service logement de la ville
d’Amboise, affirme : « tout dépend des personnes avec lesquelles tu travailles ! La réussite
ou non d’un partenariat est fonction des personnes.»2. Enfin, Christine GANDUBERT,
Directrice du FJT, soutient : « la réussite de ce travail [sur la prévention de la délinquance]
dépend aussi des personnes et de leur volonté tant professionnelle qu’individuelle, de
travailler en réseau »3.
Au-delà des sensibilités des sociologues ou des enquêtés d’Amboise sur l’importance
que peuvent avoir les individus au sein des organisations, on peut faire état d’un certain
nombre d’éléments factuels, avérés, qui rendent concrète et tangible cette importance de
l’individu qui va tour à tour constituer un catalyseur ou un frein au partenariat amboisien de
sécurité et de prévention de la délinquance. Ceci fera l’objet de la partie suivante.
2. Les changements de personnel : tantôt catalyseurs tantôt freins du
partenariat.
On va démontrer dans cette partie que le partenariat amboisien de sécurité et de
prévention de la délinquance est émietté par des logiques individuelles dont l’issue est
variable. En effet, les changements de personnel et leurs conséquences sur le partenariat
amboisien révèlent que les individus ont des comportements personnels, différenciés par
essence (en application du principe d’unicité de l’individu), qui peuvent aléatoirement
catalyser le partenariat (a) ou bien le freiner (b).
a. Les changements de personnel : tantôt catalyseurs…
Un certain nombre de changements de personnel au sein des institutions relatives au
partenariat amboisien de sécurité et de prévention de la délinquance ont eu (et ont), selon les
dires de nos enquêtés, des effets catalyseurs sur ce dernier.
Premier exemple : des changements de personnel au sein des structures associatives
d’Amboise ont permis une meilleure transversalité de l’information (même si, comme on l’a
démontré auparavant cette transversalité laisse encore à désirer). Stéphane DELBARRE,
Adjoint délégué à la jeunesse de la ville d’Amboise, témoigne : « un certain nombre de
cadres […] ont changé dans les structures associatives notamment et […] sont un peu
décomplexés par rapport à [la question de la transversalité de l’information] »4.
1
Cf. Annexes, FREYMONT (Évelyne), Entretien n°5, Amboise (par téléphone), Juin 2006, Question n°6.
Cf. Annexes, RODRIGUÈS (José), op.cit, Question n°4.
3
Cf. Annexes, GANDUBERT (Christine), op.cit, Question n°8.
4
Cf. Annexes, DELBARRE (Stéphane), op.cit, Question n°4.
2
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
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Chapitre 2 : Le partenariat amboisien, un roi qui s’engage sans s’engager.
Deuxième exemple : le changement de l’équipe municipale et pour ainsi dire, le départ
de Bernard DEBRÉ, a permis de sortir les partenaires de sécurité amboisiens d’une pure
logique de compétition qui n’allait pas dans le sens du partenariat. Stéphane DELBARRE
déclare:
« Avant
qu’on
arrive,
l’ancien
maire,
Bernard
Debré,
disait
aux
associations : « Soyez les meilleurs ! », ce qui voulait dire : « cette année, si le thème c’est
ça… hop ! Tout le monde se précipite dessus en concurrence et que le meilleur gagne ! » […]
Quand on est arrivé on s’est dit qu’on devait repositionner un petit peu les missions et on l’a
fait en partie : On avait une Mission locale qui allait beaucoup sur l’animation, on leur a
dit : « bah non, c’est plutôt le rôle de la MJC » etc. Et puis on a incité finalement tout le
monde à travailler ensemble. Ça n’a pu se faire concrètement que quand les directeurs des
structures ont changé. Il y avait tellement de mauvaises habitudes et de vieilles histoires entre
tout le monde que ce n’était pas possible autrement.»1.
Troisième exemple : Le changement des interlocuteurs de la mairie au niveau du
territoire de vie sociale (TVS) d’Indre et Loire ont permis un meilleur travail en commun des
partenaires (même si là encore il convient de relativiser le propos). José RODRIGUÈS,
Responsable du service logement de la mairie d’Amboise, témoigne : « Par exemple, avec
Anne Blineau qui est une des assistantes sociales du territoire de vie sociale ça se passe
beaucoup mieux ! On échange des informations. On travaille ensemble. Ça c’est royal ! Je
veux dire là tu sors d’une logique d’institution et tu fais un vrai travail social. »2.
b. … tantôt freins du partenariat.
Néanmoins, un certain nombre de changements de personnel au sein des institutions
du partenariat amboisien ont aussi eu (et ont), selon les dires de nos enquêtés, des effets
négatifs (idée de « frein ») sur ce dernier.
Premier exemple : le changement du préfet d’Indre et Loire sur la période 2002-2005 a
notamment conduit à la remise en cause d’un accord qui avait été trouvé entre la Mairie et la
Préfecture concernant la construction d’une aire d’accueil des gens du voyage à Amboise.
Joël MUGICA, Vice-président du CLSPD d’Amboise, témoigne : « En 2002 nous avons
proposé au préfet d’aménager l’aire d’accueil d’Amboise sur le terrain « Les îles » […] Dans
un premier temps le préfet a refusé du fait du placement du terrain en zone inondable.
Finalement en 2003 on est arrivé à un compromis pour construire quand même à cet endroit
tout en prenant des dispositions pour protéger les installations etc. Le chantier avait été
1
2
Ibid., Question n°20.
Cf. Annexes, RODRIGUÈS (José), op.cit, Question n°4.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
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Chapitre 2 : Le partenariat amboisien, un roi qui s’engage sans s’engager.
évalué à 800 000 euros et on avait déniché un maître d’œuvre. Mais en Mai 2005, le nouveau
préfet a contesté l’emplacement choisi en zone inondable en mettant l’accent par le
truchement de la DDE sur des problèmes d’accès. Ainsi la DDE nous a imposé la création
d’un rond point sur la départementale pour accéder à l’aire d’accueil des gens du voyage. Le
montant d’un tel dispositif s’élevait entre 400 000 et 500 000 Euros – Donc c’était déjà plus
de la moitié de la somme du terrain. Devant toutes ces contraintes, le maire de Pocé n’a pu
que refuser le permis de construire. Nous avons porté l’affaire devant le tribunal
administratif d’Orléans en Mars 2006. On en est là »1.
Deuxième exemple : Les départs plus ou moins précipités (en raison de désaccord
avec la politique de l’équipe municipale) de Katia FRAIN (Adjointe déléguée aux affaires
sociales) et de Anne LE MERO (Directrice adjointe du CCAS) qui pilotaient le dispositif
CCPD puis CLSPD, ont contribué à générer du « brouillard » autour du dispositif CLSPD,
tant à l’intérieur de la mairie d’Amboise qu’en externe, brouillard que leurs successeurs n’ont
pas su dissiper, faute de compétences en la matière et faute de passation correcte de
connaissances de la part des deux personnes sortantes. Ainsi, le changement de personnel au
niveau de la mairie d’Amboise et du CCAS a conduit à affaiblir le suivi administratif du
CLSPD (ce qui a contribué à affaiblir toute la structure partenariale). Catherine LÉQUIPÉ,
Chargée de mission prévention- sécurité à la préfecture d’Indre et Loire, critique : « Je n’ai
même pas d’interlocuteur ! Bon, j’ai bien quelqu’un au CCAS mais j’ai bien l’impression
qu’elle ne connaît pas vraiment l’institution CLSPD !»2.
Troisième exemple : La mutation d’une certaine « Marie-Hélène », agent de
l’OPAC37, a conduit à la suspension de l’opération « réunions mensuelles par cages
d’escalier » dans le quartier amboisien de logements sociaux de « la Verrerie ». Ainsi, ce
changement de personnel a conduit à rendre moins visible l’ensemble des partenaires
amboisiens de sécurité vis-à-vis de la population, et contribué à affaiblir la légitimité de ce
partenariat. José RODRIGUÈS, Responsable du service logement de la ville d’Amboise,
témoigne : « On faisait une réunion par mois et ça durait toute l’année. […] C’était une
collègue de l’OPAC, Marie-Hélène, qui faisait le secrétariat de ce dispositif : convocations,
réunions, comptes rendus etc. C’était vachement cool ! […] Malheureusement Marie-Hélène
[…] a été mutée à l’agence de Joué lès Tours. Quand Marie-Hélène est partie, Jean-François
1
Cf. Annexes, MUGICA (Joël), op.cit, Question n°16.
Cette information est tout à fait juste dans la mesure où la nouvelle directrice du CCAS, Laurence FOSSET,
n’est pas encore opérationnelle sur le dossier CLSPD (peu de personnes le sont vraiment en réalité). Cf.
Annexes, LÉQUIPÉ (Catherine), op.cit, Question n°18.
2
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
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Chapitre 2 : Le partenariat amboisien, un roi qui s’engage sans s’engager.
(directeur de l’OPAC) a dit : « on va proposer à la remplaçante de Marie-Hélène qu’elle
reprenne le bébé si elle le souhaite ». On a eu malheureusement quelqu’un qui n’est resté que
deux mois, ça n’a pas collé du tout. Et puis la nouvelle qui est là, Carine, n’a pas les mêmes
capacités pour faire ce genre de choses. Socialement elle n’a pas la même vision… Et puis ce
n’était pas forcément dans ses attributions. Et Jean-François m’a dit : « bon écoute, moi j’ai
mon boulot, elle elle a son boulot, on va dire que c’est à la collectivité de reprendre le bébé ».
Moi […] j’ai proposé ça il y a plus de deux ans et il y a plus de deux ans que j’attends
encore… Tu vois ? »1.
Les six exemples présentés dans cette partie (2) montrent bien à quel point les
stratégies (comportements) des individus contribuent à écrire et réécrire la réussite ou l’échec
du partenariat amboisien.
En conclusion de notre partie (I), on peut avancer que le partenariat amboisien est un
« roi schizophrène ». En effet, les institutions qui composent ce partenariat ne procèdent pas
d’une même logique : non seulement elles peinent à raisonner et agir ensemble, mais en plus
elles se concurrencent, s’affrontent. Il y va aussi des stratégies particulières des individus qui,
imprévisibles, catalysent aléatoirement l’union ou la désunion de ce partenariat. Par
conséquent, fragmenté, « mis en pièces», « réduit en miettes », par les contradictoires
logiques institutionnelles et individuelles dont il est le siège, le partenariat amboisien pense et
agit, mais de façon partitionnée et incohérente.
Nous allons démontrer dans la partie suivante (II) que cette « schizophrénie » du
partenariat amboisien est aggravée par le fait qu’il n’a pas de réelle structure interne, pas de
réelle organe de coordination, capable de synthétiser et de comprendre les logiques
contradictoires qui le composent (créer une certaine unité). Il découle de ceci que le
partenariat amboisien évolue dans un monde détaché de la réalité, c'est-à-dire dans un univers
où la croyance et les fantasmes l’emportent sur le réel et sur les pratiques. Par conséquent,
nous allons démontrer que le partenariat amboisien est un roi creux et symbolique.
II. Le partenariat amboisien : un « roi creux »2 et symbolique.
Le partenariat amboisien (CLSPD) qui est censé être le roi de la sécurité et de la
prévention de la délinquance au niveau communal s’avère en réalité être une institution qui ne
1
Cf. Annexes, RODRIGUÈS (José), op.cit, Questions n°12 et 13.
Par analogie et contradiction (ici c’est le partenariat qui est creux, non l’État !) avec la formule « l’État creux »
de Jean LECA. Cf. LECA (Jean), « L’État creux », La France au-delà du siècle, Éditions de l’Aube, 1994.
2
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
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Chapitre 2 : Le partenariat amboisien, un roi qui s’engage sans s’engager.
repose pas sur une base administrative solide, institution qui par ailleurs n’est capable ni
d’engendrer de la cohésion en son « for intérieur », ni de faire autorité en externe, ni de
prendre des décisions. C’est pourquoi, à bien des égards, on peut se permettre de considérer
que le partenariat amboisien est une institution creuse (A). Il résulte de ceci que le partenariat
amboisien est incapable d’agir de façon gestionnaire (concrète). Pour autant, les acteurs de
sécurité amboisiens invoquent assez fréquemment le partenariat, ce qui montre à quel point
cette institution (du moins les croyances qui sont constitutives de cette institution), quand bien
même elle est creuse et inefficace d’un point de vue gestionnaire, a une efficacité sociale,
symbolique. D’où l’idée que le partenariat amboisien est une institution symbolique (B).
A. Le partenariat amboisien : une institution creuse.
Le partenariat amboisien (CLSPD) est un partenariat creux dans la mesure où il ne
dispose pas véritablement d’une administration sur laquelle prendre appui (1), mais aussi dans
la mesure où, et c’est plus ou moins le corollaire de cette faille administrative, il n’est pas
capable de faire autorité et de produire une politique communale de sécurité et de prévention
de la délinquance (2).
1. Cause : une administration qui fait défaut.
Un examen approfondi1 de l’institution que constitue le CLSPD d’Amboise révèle une
absence quasi-totale de suivi administratif – à tel point que la question de savoir si le CLSPD
d’Amboise est juridiquement une institution ou non, peut se poser (a). De plus l’analyse
révèle que le CLSPD n’est pas coordonné (b).
On peut noter que tout ceci ne va évidemment pas dans le sens d’un « bon
partenariat » et on prend conscience que : (1) au-delà de l’État, (2) au-delà des institutions et
(3) au-delà des individus, qui émiettent et freinent le partenariat, ce dernier est aussi
spécifiquement handicapé à la fois par la mairie d’Amboise et par le CCAS en ce sens qu’ils
n’ont pas pris les mesures administratives nécessaires à son institution et à son entretien.
a. Le CLSPD d’Amboise : une institution (?)
Le CLSPD d’Amboise est-il une institution au sens juridique du terme ? Pour le savoir
1
Je rappelle qu’au moment de la réalisation de mes entretiens, j’étais en stage depuis plusieurs mois à la mairie
d’Amboise. De fait, j’enquêtais à la fois au titre « d’étudiant de l’IEP de Toulouse » dans le cadre d’un
« mémoire de recherche », mais aussi au titre de « Chargé de mission stagiaire» dans le cadre d’une
« mission/étude commandée par le DGS, sur le CLSPD d’Amboise». Ce deuxième statut m’a permis d’accéder à
l’intégralité des documents administratifs relatifs au CLSPD d’Amboise. Tout ceci pour dire que si les
observations qui sont faites dans cette partie ne sont pas toujours rapportées aux entretiens mentionnés en
Annexes (terrain), comme cela a été fait jusque là, cela ne signifie pas pour autant qu’elles ne sont pas le fruit de
mon observation de terrain (observation participante).
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- 83 -
Chapitre 2 : Le partenariat amboisien, un roi qui s’engage sans s’engager.
il faut se reporter au décret n°2002-999 du 17 juillet 2002 et à la circulaire n°166 du 18 juillet
2002, relatifs aux dispositifs territoriaux de sécurité et de coopération pour la prévention et la
lutte contre la délinquance… Après examen, il apparaît que le CLSPD d’Amboise n’entre pas
totalement en conformité avec les dispositions des textes de loi.
Premier élément : D’après le décret du 17 juillet 2002, un CLSPD repose sur la base
juridique de trois collèges : un collège d’élus (désignés par décision municipale), un collège
de représentants de l’État (désignés par décision préfectorale) et un collège de représentants
de la société civile (désignés par décision municipale). Aucun de ces trois collèges ne peut à
lui seul représenter plus de la moitié du nombre total des membres du conseil. Or, il s’avère
qu’au niveau du CLSPD d’Amboise, cette structuration en trois collèges, si elle a été prise en
compte au moment de la création1 du CLSPD, a été complètement négligée depuis.
Aujourd’hui, pour réunir une commission du CLSPD par exemple, le CCAS pioche de façon
aléatoire dans une liste informatique (fichier Excel) dans laquelle se côtoient en pagaille des
noms d’acteurs de sécurité indifférenciés et dont une bonne partie ne sont plus valables (la
liste n’est pas mise à jour). La liste intègre même les personnes qui ne sont intervenues
qu’une fois: un chef de service de la mairie d’Amboise (Jean BECERRA, Chef du service
qualité) a ainsi été très étonné d’apprendre de ma part qu’il faisait partie du CLSPD… Le
comportement de la Préfecture d’Indre et Loire ne va pas en arrangeant les choses puisqu’elle
n’a jamais2 pris un arrêté portant nomination des membres du deuxième collège du CLSPD
d’Amboise. Stéphane DELBARRE, Adjoint délégué à la jeunesse témoigne : « Cela fait trois
ans que l’on attend un document de la préfecture et qui doit porter création du deuxième
collège du CLSPD d’Amboise. Et on ne l’a toujours pas reçu ! Ce serait déjà un bon début
pour mieux formaliser le partenariat puisque à ce jour, le deuxième collège du CLSPD est
peuplé d’interlocuteurs que nous sommes allés chercher par nos propres moyens. Sans que
cela soit formalisé, officialisé… En fait, si l’on voulait être taquin, on pourrait dire que nous,
on n’a pas d’interlocuteurs ! Que les interlocuteurs de la commune sont désignés depuis
longtemps. »3. Ainsi, juridiquement parlant, le CLSPD d’Amboise est un CLSPD bricolé,
artisanal : il lui manque un collège (le n°2), ceci sans compter que le CCAS lui-même a toutes
les peines du monde à définir qui, parmi les représentants élus ou les représentants de la
société civile désignés comme membres du CLSPD par le conseil municipal en Décembre
1
La délibération du conseil municipal du 20 Décembre 2002 crée le CLSPD d’Amboise et procède à la
nomination des membres du premier et du troisième collège.
2
A dater du 13 Juillet 2006.
3
Cf. Annexes, DELBARRE (Stéphane), op.cit, Question n°9.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
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Chapitre 2 : Le partenariat amboisien, un roi qui s’engage sans s’engager.
2002, fait encore réellement partie du CLSPD… Autant dire que sur cette base là, il semble
difficile d’engager un partenariat efficace ! En tous les cas, objectivement, il apparaît que le
CLSPD d’Amboise n’est pas vraiment en conformité avec la loi et n’est pas entretenu d’un
point de vue administratif.
Deuxième élément : D’après le décret du 17 juillet 2002, le CLSPD doit se réunir en
réunion plénière au moins deux fois par an. Or, depuis 2003, le CLSPD d’Amboise n’a plus
organisé de réunions plénières. Il se réunit exclusivement sous la forme de groupes
thématiques (commissions) qui, soit dit en passant, ne respectent pas du tout la règle de
répartition tripartite. L’absence de réunions plénières au niveau du CLSPD d’Amboise – due à
un clash entre la mairie d’Amboise et la Préfecture dont nous avons déjà parlé – a eu pour
effet de couper le contact qui pouvait se faire dans ce domaine entre la ville et les
représentants de l’État (principalement avec la préfecture d’Indre et Loire). Du coup, cela a eu
pour conséquence d’isoler1 le CLSPD d’Amboise qui, pour la majorité des représentants de
l’État, passe pour « inexistant » ou « balbutiant ». En tous les cas, là encore, il apparaît que le
CLSPD d’Amboise n’est pas vraiment en conformité avec la loi.
Troisième élément : D’après la circulaire du 18 Juillet 2002, le CLSPD doit élaborer et
voter son règlement intérieur. L’objet d’un règlement intérieur est traditionnellement de
préciser les modalités du fonctionnement du CLSPD. Le règlement intérieur comprend des
rubriques courantes : définition de l’objet du CLSPD, définition de la composition du
CLSPD, présentation des membres de droit du CLSPD, définition des réunions (nombre de
réunions, rédaction des convocations, des comptes rendus etc.). Il comprend également des
rubriques spécifiques : une éventuelle définition d’un secrétariat permanent du CLSPD
(coordinateur par exemple), la définition de groupes thématiques (arrêter la composition des
groupes, l’objet de ces groupes), la définition de structures de proximité pour que le CLSPD
se mette à la portée de la population etc. Or, là encore, il s’avère que le CLSPD d’Amboise
n’a pas défini de règlement intérieur et fonctionne à l’aveuglette, de façon plus ou moins
illégale aussi.
Les trois éléments qui précèdent montrent que le CLSPD d’Amboise existe d’un point
de vue institutionnel mais que c’est une institution complètement bricolée, dénaturée et
négligée d’un point de vue administratif. S’ajoute à ceci que le choix de la mairie d’Amboise
1
Cf. notre « Panorama général des dispositifs partenariaux de sécurité français » réalisé en Introduction de cette
étude (Introduction,III,B,2,c) auquel il faudrait supprimer les flèches concernant le CLSPD: le CLSPD
d’Amboise se retrouve donc désolidarisé du CDP, de la CDS, du CSI et du CIDP (sans compter qu’il n’a pas
signé de CLS).
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- 85 -
Chapitre 2 : Le partenariat amboisien, un roi qui s’engage sans s’engager.
de confier la gestion du CLSPD au CCAS est un choix que l’on peut questionner du point de
vue de sa pertinence en ce sens qu’il donne immédiatement la sensation que le CLSPD
d’Amboise ne peut pas disposer d’une existence propre mais seulement d’une existence par
« procuration ». Ceci a contribué à créer le flou chez les partenaires, et notamment autour de
l’intérêt à donner au CLSPD. Christine GANDUBERT, Directrice du FJT, se scandalise : «Le
CCAS, ce n’est pas le CLSPD ! Alors, qu’on distingue les deux et qu’on fasse en sorte que le
CCAS […] réfléchisse uniquement sur l’action sociale de la ville ! Moi je peux vous dire que
les partenaires ne s’y retrouvent pas ! La DDPJJ ne s’y retrouve pas ! Quand on fait des
réunions CLSPD et qu’on parle des bourses au projets, la DDPJJ, ça les concerne pas
hein ! »1.
b. … qui n’est pas coordonnée.
Le CLSPD d’Amboise ne dispose pas d’un coordinateur de sécurité et de prévention
de la délinquance. En l’absence de coordinateur, le partenariat est porté à bout de bras par
l’élu délégué à la jeunesse (Stéphane DELBARRE).
A lui tout seul, ce dernier essaie de tenir en haleine l’institution, mais il n’est
naturellement pas en mesure d’assurer une vraie coordination (qualitative) en ce sens que ce
n’est pas un administratif, en ce sens également qu’il n’a pas une formation2 spécifique en la
matière. Christian GUYON, Maire d’Amboise, déclare : « Il est important de réussir à avoir
une action d’ensemble et à tout coordonner. Ça suppose une grosse logistique. Ça suppose
qu’on ait un élu qui ne s’occupe que de cela. Or c’est vrai que Stéphane a beaucoup d’autres
responsabilités et de projets à mener.»3.
Du coup, au niveau du CLSPD d’Amboise, du fait de l’absence d’un vrai coordinateur,
c’est tout un travail de préparation des dossiers et tout un travail de proposition en matière
d’actions de prévention ou de solutions de financements de ces actions, qui n’est pas fait. De
plus, les partenaires amboisiens n’ont pas d’interlocuteur privilégié et ne savent pas à qui
s’adresser. Ce manque se fait également cruellement sentir au niveau des commissions
spécialisées du CLSPD, dont on a vu au début de cette étude qu’elles étaient en principe
positives, mais qui en réalité, pour les 5/7, ne fonctionnent pas. Stéphane DELBARRE
témoigne : « L’étude CLS a permis de faire ressortir des grands thèmes et on a ensuite calé
les commissions sur ces thèmes-là. C’est après que ça a déconné sur un certain nombre de
1
Cf. Annexes, GANDUBERT (Christine), op.cit, Question n°6.
Jean-Luc Besson dresse une typologie de ces formations dans son ouvrage « CLS-CLSPD, guide du
coordinateur ». Cf. BESSON (Jean-Luc), op.cit, pp.78 à 83.
3
Cf. Annexes, GUYON (Christian), op.cit, Question n°2.
2
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
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Chapitre 2 : Le partenariat amboisien, un roi qui s’engage sans s’engager.
commissions plus ou moins croupions…En gros, on peut difficilement mener de front plus de
deux thèmes différents dans la mesure où il n’y a pas d’animation du CLSPD. Donc il y a
certaines commissions qui ne se réunissent quasiment jamais »1.
Au-delà de cela, de façon plus générale, l’absence de coordinateur entretient, voire
aggrave, les logiques d’institution et les logiques individuelles qui sévissent au sein du
partenariat, ce qui contribue à faire du partenariat un « champ » et non une « institution », un
« roi schizophrène » et non un « roi rationnel »: en effet, en temps normal c’est au
coordinateur professionnel que revient la tâche, sur la base d’une sorte de « sur-code »2 ou de
« trans-code »3, de transcender les cultures (codes) d’institution ou les cultures (codes) des
individus et de tisser des liens entre elles. Or ce travail d’intermédiation n’existe pas au
niveau du CLSPD d’Amboise !
En définitive, si le CLSPD d’Amboise est une institution schizophrène, c’est aussi
parce que la mairie d’Amboise et que le CCAS n’opèrent pas leur rôle de coordination (et pas
seulement parce que les institutions qui peuplent le partenariat sont des institutions
individualistes et opportunistes ! … Là encore, on s’aperçoit que la réalité est complexe).
2. Conséquence : l’absence d’une réelle politique et d’une réelle autorité.
Sans une administration solide qui va opérer tout un travail de préparation, d’étude, de
coordination et de proposition, il est évident que le politique ne pourra pas être efficace. C’est
quelque part ce qui se passe au niveau du CLSPD d’Amboise même si le politique est lui
aussi cause, de par certains de ses comportements, de la défaillance de l’administration
CLSPD. Dans un premier temps nous démontrerons que le CLSPD d’Amboise est un
dispositif sans tête et sans politique (a). Dans un second temps, nous démontrerons que le
CLSPD d’Amboise est un dispositif qui ne fait pas autorité (b).
a. Le CLSPD d’Amboise : un dispositif sans tête et sans politique.
Dans la mesure où il ne dispose pas d’une administration solide ni d’un coordinateur,
le CLSPD d’Amboise ne met pas ses membres en position de produire une politique
communale de sécurité et de prévention de la délinquance.
Il en résulte que le dispositif qui n’apparaît pas a priori comme un lieu stratégique de
pouvoir et de définition des politiques est complètement déserté par les élus locaux (alors que
normalement le CLSPD est de la compétence de la commune et des élus). En effet, seul
1
Cf. Annexes, DELBARRE (Stéphane), op.cit, Question n°3.
SFEZ (Lucien), Critique de la décision, Presses de la FNSP, 1981.et SFEZ (Lucien), La décision, PUF,
coll. « Que sais-je ?», 1984.
3
LASCOUMES (Pierre), L’éco-pouvoir- environnement et politique, La découverte, 1994.
2
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
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Chapitre 2 : Le partenariat amboisien, un roi qui s’engage sans s’engager.
l’adjoint délégué à la jeunesse, Stéphane DELBARRE, a investi la structure. Dès lors il se
retrouve seul à piloter une structure pour le moins défaillante et qui nécessiterait plus de
bonnes volontés. Stéphane DELBARRE témoigne : « actuellement, moi je souffre dans
l’animation du CLSPD concrètement, d’être le seul élu à le piloter »1.
Cette non implication des notables locaux – y compris du Maire – dans le CLSPD
d’Amboise se traduit elle-même par la non définition de priorités et d’objectifs. D’où l’idée
que le CLSPD d’Amboise est un « dispositif sans tête ». Il résulte de ceci que les partenaires
de sécurité amboisiens se retrouvent livrés à eux-mêmes. Partout c’est la même rengaine : « il
n’y a pas de chef ! », « il n’y a pas de pilote !». José RODRIGUÈS, Responsable du service
logement de la ville d’Amboise, témoigne : « il n’y a jamais eu de réelles directives, de réelle
cohérence […] On ne nous a jamais dit : « le CLSPD c’est ça », « sa compétence peut-être
ça » etc. […] il manque de la cohérence à tout ça. […] Je pense que si on arrive devant les
gens en disant : « voilà, l’institution elle est comme ça, on a le droit de faire ça, on peut faire
ça et on envisage d’aller dans ce sens là » ce sera plus constructif. A partir du moment où
l’on sait qu’il y a un chapeau et que l’on sait où l’on veut aller de façon précise, c’est déjà
plus clair. »2. De même, Christine GANDUBERT, Directrice du FJT, critique : « Ce n’est pas
une instance associative le CLSPD ! C’est une instance partenariale ! Mais qui décide ? Le
maire et les élus ! Le problème, c’est que le maire et les élus ne définissent pas de
priorités »3. Enfin, Éric BERTRAND, Directeur du centre social les acacias, corrobore : « Il
y a un vrai défaut de la ville, et ce n’est pas lié qu’au CLSPD, au niveau du pilotage. Moi je
le vois surtout au niveau de la jeunesse heu… c’est qu’on n’a pas d’objectifs clairs ! […] Il
nous manque une clarté dans les objectifs.»4.
A tout ceci s’ajoute le fait que, pour une raison de désaccord sur la nature du territoire
à retenir et pour une raison de malentendu sur la nature des bénéfices du CLS, le CLSPD
d’Amboise est le seul CLSPD du département d’Indre et Loire à ne pas avoir signé de CLS.
Ceci explique pourquoi il n’y a pas de véritable programme d’actions de prévention de la
délinquance à Amboise.
En définitive, on s’aperçoit que le CLSPD d’Amboise est un dispositif encore plus
creux que ce que on pouvait imaginer dans la mesure où il ne produit pas de réelle politique
communale de sécurité et de prévention de la délinquance.
1
Cf. Annexes, DELBARRE (Stéphane), op.cit, Question n°20.
Cf. Annexes, RODRIGUÈS (José), op.cit, Question n°2.
3
Cf. Annexes, GANDUBERT (Christine), op.cit, Question n°2.
4
Cf. Annexes, BERTRAND (Éric), op.cit, Question n°3.
2
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
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Chapitre 2 : Le partenariat amboisien, un roi qui s’engage sans s’engager.
b. Le CLSPD d’Amboise : un dispositif qui ne fait pas autorité.
Dans son esprit juridique d’origine, le CLSPD a été imaginé comme l’institution de
référence en matière de prévention de la délinquance, une institution unique de partenariat et
qui doit normalement faire autorité au niveau communal en matière de sécurité et de
prévention de la délinquance.
Or aujourd’hui il se passe tout le contraire au niveau du CLSPD d’Amboise puisque
celui-ci est largement concurrencé par d’autres dispositifs partenariaux (peut-être plus
performants) qui interviennent dans des domaines proches de la prévention de la délinquance:
on peut donner l’exemple de la coordination sociale communale (CSC) ou encore du
partenariat piloté par la CAF sur un diagnostic de parentalité dans le quartier de Malétrenne.
En définitive, au lieu de disposer d’un partenariat unique et puissant en matière de
prévention de la délinquance, la ville d’Amboise dispose d’un CLSPD fébrile, sans tête et
sans politique, qui vient s’additionner, se juxtaposer à d’autres dispositifs, sans qu’il ne se
crée de cohérence. Stéphane DELBARRE, Adjoint délégué à la jeunesse, témoigne : « on est
un certain nombre d’élus sur le terrain, mais chacun sur des dispositifs qui, au lieu de se
coordonner et d’être efficaces, s’additionnent et se télescopent…Donc je pense qu’à un
moment il faut dire « Stop » et puis réorganiser tout ça.»1.
Ceci explique notamment pourquoi il n’y a pas de véritable cohérence au niveau de la
prévention de la délinquance à Amboise, dans la mesure où il n’y a aucune institution en la
matière qui fasse autorité (en tout cas certainement pas le CLSPD d’Amboise).
Ceci a également pour effet d’agacer sérieusement les partenaires de sécurité qui ont
l’impression de se réunir plusieurs fois pour finalement dire les mêmes choses, et sans pour
autant que cela aboutisse à quelque chose de concret. Christian GUYON, Maire d’Amboise,
témoigne : « Je comprends bien que les partenaires de terrain en aient un petit peu marre,
mais les élus en ont aussi ras le bol…Moi je le vois bien… J’appelle ça la « réunionite » : on
se réunit pour dire sous une forme différente ce qu’on avait dit à un autre groupe ou à
d’autres partenaires la veille »2. De même, Marie-Claude JUPEAU, Responsable de la
prévention sur le territoire de vie sociale tours nord-est, remarque : « Nous on nous invite à
participer à diverses réunions où l’on répète un peu les mêmes choses. C’est vrai que c’est un
peu redondant. Mais ce serait à la mairie de créer de la cohérence dans tout ça. »3. Enfin,
Lysiane PRILLEUX, Inspectrice de l’éducation nationale, affirme : « Le problème c’est qu’on
1
Cf. Annexes, DELBARRE (Stéphane), op.cit, Question n°21.
Cf. Annexes, GUYON (Christian), op.cit, Question n°7.
3
Cf. Annexes, JUPEAU (Marie-Claude), Entretien n°4, Amboise (par téléphone), Juin 2006, Question n°6.
2
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- 89 -
Chapitre 2 : Le partenariat amboisien, un roi qui s’engage sans s’engager.
s’aperçoit qu’il y a différents partenariats, et ça veut dire multiples réunions. Or on n’est pas
toujours disponibles. Moi les réunions du CLSPD je n’y vais pas systématiquement parce que
ça se multiplie et que je n’ai pas que la ville d’Amboise. Ce n’est pas possible autrement.»1.
On a démontré dans cette partie (A) que le CLSPD d’Amboise était une institution
creuse parce que à la fois : « sans administration », « sans coordination », « sans tête », « sans
politique » et « sans autorité ». Malgré toutes ces lacunes le CLSPD d’Amboise continue,
dans le discours de nos enquêtés, à avoir une certaine secondarité, une certaine performativité,
un certain écho… Il n’existe pas vraiment au concret mais il existe quand même… Autrement
dit, le CLSPD d’Amboise a une efficacité symbolique. C’est pourquoi, nous allons démontrer
dans une dernière partie que le CLSPD d’Amboise est une institution symbolique (B).
B. Le partenariat amboisien : une institution symbolique.
Rappelons pour commencer que d’après Émile DURKHEIM, une institution est « un
système solidaire de croyances et de pratiques »2. En effet, comme nous l’avons déjà
spécifié : dans une approche sociologique, une institution renvoie à la fois à un corpus
idéologique (croyances partagées) et à un corpus praxéologique (pratiques partagées).
Ceci étant dit, est-ce que le CLSPD d’Amboise constitue une institution au sens
durkheimien du terme ? Nous avons déjà eu l’occasion dans le cadre de cette étude de
souligner que le partenariat amboisien s’assimilait plus à un « champ » qu’à une
« institution ». Il faut néanmoins reconnaître que l’analyse du discours de nos enquêtés nous
conduit à penser, en dépit des comportements contradictoires qui sont les leurs, que les
institutions et les individus qui composent le partenariat amboisien partagent un certain
nombre de croyances communes – croyances qui ne se prolongent pas pour autant par des
actions concrètes.
C’est pourquoi on peut dire du partenariat amboisien qu’il est partiellement une
institution en ce sens qu’il est bien « un système de croyances » (1) mais pas « un système de
pratiques » (2). Nous allons le démontrer.
1. Le partenariat amboisien : un système de croyances…
Les partenaires de sécurité amboisiens, qu’ils soient du collège n°1 (représentants
Élus), du collège n°2 (représentants de l’État) ou du collège n°3 (représentants de la Société
civile), partagent les croyances selon lesquelles : « la sécurité est l’affaire de tous » (a) et « le
1
2
Cf. Annexes, PRILLEUX (Lysiane), op.cit, Question n°3.
DURKHEIM (Émile), Les formes élémentaires de la vie religieuse, op.cit, p.50.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- 90 -
Chapitre 2 : Le partenariat amboisien, un roi qui s’engage sans s’engager.
partenariat de sécurité est une bonne idée » (b).
a. « La sécurité est l’affaire de tous ».
Pour l’ensemble des partenaires du CLSPD, la sécurité est l’affaire de tous. Ceci est
très perceptible dans leurs discours. Michel GIRAUDEAU, Vice président du conseil général
d’Indre et Loire, le dit mot pour mot : « la sécurité est bien l’affaire de tous »1.
Ce « tous » rassemble à la fois : (1) les acteurs traditionnels de sécurité (police,
justice), (2) les nouveaux acteurs de sécurité (éducation, acteurs sociaux etc.), mais aussi (3)
les citoyens (la population).
En effet, pour beaucoup de partenaires il est important de faire en sorte que les
citoyens réinvestissent le champ de la sécurité. Évelyne FREYMONT, Directrice
départementale de la protection judiciaire de la jeunesse, donne un exemple : « Quand on voit
deux gamins de douze ans se fichent sur la figure, on n’est pas nécessairement obligé
d’appeler la police tout de suite, un citoyen lambda peut s’interposer en leur disant « c’est
pas comme ça qu’on fait ». […] il est extrêmement intéressant que soient valorisées les
actions des citoyens eux-mêmes. »2.
Christian GUYON, Maire d’Amboise, propose un autre exemple : « Lorsqu’on a de
mélangé dans un quartier, des jeunes de familles en difficulté et puis des gens qui ne sont pas
dans le besoin, hé bien le mélange de ces populations-là fait que il y a une espèce de retenue
de la part de ceux qui seraient tentés de faire des bêtises et puis un comportement qui peut
quelquefois être un comportement de « grand frère » ou de « tuteur » ou de « parent » à
l’égard de ceux qui sont un peu dans la difficulté. La population a un rôle essentiel dans la
sécurité. »3.
Au-delà de ces exemples, dans une approche plus conceptuelle, si la croyance selon
laquelle « la sécurité est l’affaire de tous » est aussi répandue, c’est aussi parce que cela
renvoie à l’Histoire de l’État. Rappelons en effet que dans la perspective hobbesienne l’État
naît parce que les hommes, en mal de sécurité, ont décidé de déléguer une part de leur liberté
originelle à une autorité suprême capable de les protéger. Ainsi, si la sécurité est l’affaire de
tous, c’est aussi parce que la force publique, aujourd’hui chargée de la faire respecter, est le
fruit de la volonté de tous, par le « contrat social », qu’il en soit ainsi. En effet, selon JeanJacques ROUSSEAU : « Il faut […] à la force publique un agent propre qui la réunisse et la
1
Cf. Annexes, GIRAUDEAU (Michel), Vice président du conseil général d’Indre et Loire, Retranscription de la
réunion du conseil départemental de prévention, Tours, 9 Mai 2006, « Entrée en matière ».
2
Cf. Annexes, FREYMONT (Évelyne), op.cit, Question n°7
3
Cf. Annexes, GUYON (Christian), op.cit, Question n°14.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
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Chapitre 2 : Le partenariat amboisien, un roi qui s’engage sans s’engager.
mette en oeuvre selon les directions de la volonté générale […] Voilà quelle est, dans l'État,
la raison du gouvernement, confondu mal à propos avec le souverain, dont il n'est que le
ministre »1.
b. « Le partenariat de sécurité est une bonne idée ».
Au-delà de leur croyance commune en le fait que la sécurité soit l’affaire de tous, les
partenaires de sécurité amboisiens partagent la croyance selon laquelle le partenariat de
sécurité et de prévention de la délinquance est une bonne idée et qu’il faut coordonner les
multiples acteurs entre eux.
Les témoignages des enquêtés exhaussant l’idée de partenariat sont très nombreux :
Éric BERTRAND, Directeur du centre social les Acacias, déclare : « [Le partenariat est] une
bonne idée […] c’est positif. Je veux dire, toute concertation est bonne à prendre »2. De
même, Gérard MAGRÉ, Lieutenant commandant la BT d’Amboise, soutient : « [Le
partenariat est] une bonne idée. Cela nous permet de travailler dans le même sens et de
trouver des idées communes »3. Enfin, Joël MUGICA, Vice président du CLSPD d’Amboise,
confirme : « C’est une bonne idée. Cela permet des échanges entre les élus, les représentants
de l’État et les associations. Le partenariat peut-être très positif »4.
Ainsi donc, en lui-même, du fait même qu’il ait ce statut de « partenariat de sécurité et
de prévention de la délinquance», le CLSPD d’Amboise est spontanément conçu par les
partenaires locaux de sécurité comme quelque chose de positif. Par conséquent, quand bien
même nous avons démontré que le partenariat amboisien est un partenariat creux, nous avons
la preuve ici qu’il a une certaine efficacité sociale, une certaine popularité.
Cette adhésion spontanée des partenaires à l’idée de partenariat procède d’une
certaine religion, d’une certaine croyance. En effet, interrogé sur l’utilité et la pertinence d’un
CLSPD dans une commune de plus de 10 000 habitants, Christian GUYON, Maire
d’Amboise, a répondu : « Oui c’est pertinent parce que ça permet de coordonner les actions
multiples de ceux qui interviennent dans la prévention de la délinquance. Alors « ville de plus
de 10 000 habitants » je n’ai pas de religion là-dessus ». Si l’on étudie cette citation, on
s’aperçoit que le Maire dit ne pas avoir de « religion » précisément sur les modalités pratiques
du CLSPD. Est-ce à dire qu’il a une religion sur la pertinence idéologique du CLSPD ? Le
doute est permis… En tout cas, il nourrit notre propos selon lequel la notion de partenariat est
1
ROUSSEAU (Jean-Jacques), Du contrat social ou principes du droit politique, édition électronique, coll. « Les
classiques des sciences sociales », Chicoutimi, 2002, p.40.
2
Cf. Annexes, BERTRAND (Éric), op.cit, Question n°1.
3
Cf. Annexes, MAGRÉ (Gérard), op.cit, Question n°1.
4
Cf. Annexes, MUGICA (Joël), op.cit, Question n°1.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
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Chapitre 2 : Le partenariat amboisien, un roi qui s’engage sans s’engager.
une croyance (ou une contrainte intériorisée, « autocontrainte ») partagée par tous.
On retrouve également cette composante « croyance » dans une réponse de Évelyne
FREYMONT, Directrice départementale de protection judiciaire de la jeunesse, qui,
interrogée sur le fait que le CLSPD crée ou non une transversalité de l’information a
répondu : « Oui. Incontestablement. A partir du moment où l’on arrive à se parler, à se mettre
dans la tête de l’autre, dans les contraintes de l’autre. Tout de suite ça va mieux. Et ça nous
permet de rapprocher des points de vue, d’aboutir à des solutions concertées. Oui oui oui, ça
j’y crois beaucoup »1. Ce « J’y crois beaucoup » en fin de citation montre là encore à quel
point la croyance, le symbolique, compte dans la notion de partenariat.
En définitive, le CLSPD d’Amboise renvoie à des croyances qui sont partagées par la
plupart des partenaires de sécurité. C’est en ce sens que l’on peut dire du partenariat
amboisien qu’il est un système de croyances. Il s’avère néanmoins que dans le cas amboisien,
ces croyances ne se prolongent pas par des pratiques ou par des actions concrètes.
2. ... mais pas de pratiques : une action symbolique du partenariat.
On a démontré dans cette étude que le CLSPD d’Amboise était schizophrène (ne
parvient pas à penser et agir de façon cohérente) et qu’il était creux (pas d’administration, pas
de coordination, pas de décision), on va démontrer dans cette partie qu’il n’agit pas réellement
(action gestionnaire2) sinon de façon symbolique (action symbolique3). Nous démonterons
que cette façon de faire peut-être à la fois perverse vis-à-vis de la délinquance (a) et vertueuse
vis-à-vis du sentiment d’insécurité (b).
a. Une action symbolique perverse vis-à-vis de la délinquance.
Pour Michel MOISAN, Brigadier-chef remplaçant le chef de poste de la police
municipale d’Amboise, le partenariat amboisien de sécurité et de prévention de la délinquance
n’existe qu’au moment des réunions du CLSPD : « En temps normal on ne voit pas les autres
partenaires de sécurité, on n’entretient pas vraiment de relations avec eux. On les voit
uniquement lorsqu’il y a des réunions »4. Ceci montre à quel point le partenariat amboisien
est symbolique et ne renvoie pas à une véritable concertation, à un véritable partage
d’informations, à une véritable action concertée. Autrement dit, le partenariat n’est que
1
Cf. Annexes, FREYMONT (Évelyne), op.cit, Question n°8.
« L’action politique en tant que travail sur les situations concrètes ».
Cf. BRAUD (Philippe), op.cit, pp.492 à 495.
3
« L’action politique en tant que travail sur les représentations du réel ».
Cf. BRAUD (Philippe), Ibid, pp.495 à 498.
4
Cf. Annexes, MOISAN (Michel), op.cit, Question n°2.
2
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
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Chapitre 2 : Le partenariat amboisien, un roi qui s’engage sans s’engager.
formel, il ne trouve pas concrétude. Par conséquent on est tout à fait dans le cadre de la
« politique symbolique » dont parle Philippe BRAUD. Les réunions du CLSPD d’Amboise
n’ont pour stricte action que de donner la sensation aux acteurs qui y participent, ou aux
spectateurs qui y assistent, qu’il est fait quelque chose en matière de sécurité et de prévention
de la délinquance – alors qu’au concret il n’en est rien.
En effet, beaucoup de partenaires se plaignent de l’absence de concrétude du
partenariat amboisien, c'est-à-dire de son incapacité à faire aboutir des actions concrètes
(gestionnaires). Bien souvent les réunions du CLSPD se résument à être des débats abstraits
qui ne débouchent sur rien. Gérard MAGRÉ, Lieutenant commandant la BT d’Amboise,
critique : « Alors c’est bien ces réunions. On se rend compte qu’on est tous d’accord. Mais
après il s’agit de mettre en œuvre les idées proposées. Ce qui est intéressant, c’est les
actions »1. De même, José RODRIGUÈS, Responsable du service logement de la mairie
d’Amboise, affirme : « Moi au début j’avais été convié par l’élu des sports qui pilotait le
groupe n°1 sur la cité scolaire... Bin tu vois, quand on s’est concerté tous ensemble sur la cité
scolaire et que l’on a dit d’une seule voix : « voilà il y a des choses qui se passent ici, qui ne
sont pas très catholiques : On a deux ou trois mille jeunes qui se baladent là dedans, c’est
une fourmilière de tout et n’importe quoi qui peut amener à n’importe quelle catastrophe »…
Bon je me suis dit : « cool, ils vont faire un plan de circulation, ils vont mettre cet éducateur
qu’on réclame depuis des années, et qui va tourner là dedans, faire des repérages etc. ». Je
veux dire que moi je m’attendais à quelque chose de concret parce que là c’est quand même
la cité scolaire, un pôle extrêmement dynamique d’Amboise … Or aujourd’hui il n’y a encore
rien de fait »2. Enfin, Christine GANDUBERT, Directrice du FJT, dénonce : « Pour les
jeunes, à Malétrenne, il n’y a rien ! Mais ça fait 8 ans que je suis là et ça fait 8 ans qu’on le
dit ! Depuis 8 ans, il n’y a jamais rien qui a bougé ! Et on continue de venir interroger les
gens, savoir ce qu’ils veulent etc. C’est catastrophique ! Faut arrêter ! »3.
Tous les éléments qui précèdent montrent bien toute la frustration « gestionnaire » qui
est celle des partenaires de sécurité amboisiens face à la politique symbolique du CLSPD
d’Amboise - frustration d’autant plus légitime qu’elle est ancienne.
On peut donner deux exemples supplémentaires afin d’illustrer en quoi la politique
symbolique est une caractéristique primordiale – sinon LA caractéristique – du partenariat
amboisien de sécurité et de prévention de la délinquance.
1
Cf. Annexes, MAGRÉ (Gérard), op.cit, Question n°2.
Cf. Annexes, RODRIGUÈS (José), op.cit, Question n° 3.
3
Cf. Annexes, GANDUBERT (Christine), op.cit, Question n°12.
2
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
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Chapitre 2 : Le partenariat amboisien, un roi qui s’engage sans s’engager.
Premier exemple : Si la municipalité d’Amboise a refusé de signer le Contrat Local de
Sécurité (CLS) négocié en 2002 avec la Préfecture, c’est notamment parce qu’elle considérait
de son propre chef que c’était un acte symbolique et/mais qui ne serait pas suivi d’effets
concrets. Stéphane DELBARRE, Adjoint délégué à la jeunesse se souvient: « On a essayé de
creuser un petit peu l’aspect concret au-delà du symbole… parce que signer un CLS, faire des
photos, inviter la presse et…Bon, c’est bien ! C’est de la communication ! C’est important en
politique ! Bon, cela dit, une fois qu’on a creusé quels étaient les aspects concrets d’un CLS,
hormis une réunion annuelle avec un représentant du préfet et le procureur, heu… c’est tout !
Le CLS dans sa version déshabillée, c'est-à-dire une fois qu’il n’y a plus de moyens de l’Etat,
c’était que ça ! Or nous on avait imaginé une démarche plus globale une fois fait le
diagnostic… […] là le CLS, une fois qu’on avait fait le tour du contenu, hormis l’affichage,
ça ne présentait pas d’intérêt. »1.
Deuxième exemple: Officiellement, la BT d’Amboise et la Police municipale sont
liées par une convention de coordination. Or, en réalité, cette convention n’est pas effective.
Michel MOISAN, Brigadier-chef remplaçant le chef de poste de la police municipale
d’Amboise, témoigne: « Rien. Il n’y a rien du tout. D’un point de vue administratif, il existe
bien une convention de coordination entre la gendarmerie nationale et la police municipale.
[…] Mais d’un point de vue pratique il n’y a rien. Cette convention n’est pas effective. […]
De toute façon sur la convention il y a des paragraphes qui sont marqués et qui ne sont pas
appliqués. Par exemple sur le territoire de la commune on doit être tenu au courant des
crimes, des délits et des accidents. Or pour savoir s’il y a eu des accidents sur la commune,
bah on fait comme tout le monde, on lit la NR (ndlr : La nouvelle république, journal local).
La gendarmerie nationale ne nous fournit aucune information sur la délinquance »2. Le fait
que la convention de coordination entre la BT et la PM existe et/mais ne soit pas effective,
montre que le partenariat entre ces deux acteurs n’est qu’un partenariat symbolique, un
partenariat d’apparat, qui ne rencontre aucune espèce de réalité. On est toujours dans l’action
ou politique symbolique.
Ces deux exemples, montrent à quel point l’action de ce roi qu’est censé être le
partenariat amboisien (CLSPD) n’est qu’une action symbolique ayant pour objet de donner la
sensation que quelque chose est fait en matière de sécurité et de prévention de la délinquance,
alors qu’au concret il n’en est rien.
Jean-Luc BESSON décrit très bien les effets pervers de cette politique symbolique en
1
2
Cf. Annexes, DELBARRE (Stéphane), op.cit, Question n°14.
Cf. Annexes, MOISAN (Michel), op.cit, Question n°9 et 11.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
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Chapitre 2 : Le partenariat amboisien, un roi qui s’engage sans s’engager.
matière de sécurité et de prévention de la délinquance : « Depuis la création des CCPD [il y
a] une absence totale d’évaluation de la réalité du partenariat, ce qui aboutit à des signatures
de pure forme et à des effets d’annonce qui sont autant de déceptions rejaillissant
négativement comme un « backclash », sur l’idée même du partenariat »1.
En effet, premier effet pervers, la politique symbolique du partenariat amboisien
contribue à décrédibiliser le partenariat lui-même. Ceci sans compter, deuxième effet pervers,
qu’en n’agissant pas de façon concrète sur les situations avérées de délinquance, le partenariat
amboisien contribue à les entretenir.
Ceci est très perceptible dans le discours de Stéphane DELBARRE, Adjoint délégué à
la jeunesse, qui considère que le partenariat amboisien ralentit l’action publique de sécurité
dans les situations concrètes d’urgence : « Le souci c’est aussi le fonctionnement de ce type
d’institutions [les partenariats] comme des usines à gaz. On crée une espèce de « truc », de
« machin », où finalement on va ralentir les processus… Certes on va avoir des nouveaux
avantages mais au final, sur des interventions d’urgence, on va les ralentir… »2.
b. Une action symbolique qui peut-être vertueuse vis-à-vis du sentiment
d’insécurité.
Pour autant, il ne faut pas non plus dénier toute qualité à la politique symbolique qui
peut-être menée dans le cadre du partenariat amboisien (si tant est qu’elle soit pratiquée à bon
escient). Certains enquêtés considèrent en effet qu’une politique de ce type pourrait, par un
« travail sur les représentations du réel », réduire le sentiment d’insécurité vis-à-vis duquel
une politique gestionnaire s’avère souvent impuissante.
C’est ainsi qu’Évelyne FREYMONT, Directrice départementale de la protection
judiciaire de la jeunesse, a déclaré : « La plus grande efficacité serait de changer le regard
que la population porte sur une partie de sa jeunesse. Mais ça je ne sais pas bien comment il
va falloir faire. Il faudrait faire un travail sur les perceptions. Voilà. ça ce sont des choses qui
à mon avis sont assez peu coûteuses mais qui ne sont pas faciles à mettre en œuvre ! »3.
En conclusion de cette partie (B), on peut avancer que le partenariat amboisien est un
« système de croyances mais pas vraiment un système de pratiques ». C’est une institution
(institution symbolique) dont l’action symbolique peut avoir des effets tantôt pervers tantôt
vertueux sur l’insécurité.
1
BESSON (Jean-Luc), op.cit, p.3.
Cf. Annexes, DELBARRE (Stéphane), op.cit, Question n°8.
3
Cf. Annexes, FREYMONT (Évelyne), op.cit, Question n°4.
2
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
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Chapitre 2 : Le partenariat amboisien, un roi qui s’engage sans s’engager.
>>> En conclusion de ce chapitre 2, on peut avancer de façon très synthétique que le
partenariat amboisien de sécurité et de prévention de la délinquance est (1) un roi
schizophrène, (2) un roi creux et (3) un roi symbolique.
« Roi schizophrène » en ce sens qu’il est émietté par les logiques concurrentes des
institutions et des individus qui le peuplent.
« Roi creux » en ce sens qu’il est dépourvu d’administration, de coordination et de
politique (capacité à prendre des décisions).
« Roi symbolique » en ce sens qu’il n’agit pas de façon concrète sur l’insécurité mais
de façon symbolique et renvoie à un système de croyances partagé par l’ensemble des
partenaires.
Il résulte de tout ceci que la coproduction de la sécurité dans la ville d’Amboise est
loin d’être une réalité.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- 97 -
Conclusion.
CONCLUSION.
Dans l’introduction de ce mémoire, nous avons formulé l’hypothèse selon laquelle
nous étions en présence, avec le partenariat amboisien de sécurité et de prévention de la
délinquance, d’un État post- moderne et d’un Partenariat-roi.
Nous avons effectivement pensé qu’avec le sacre par l’État, dans les années 1980, du
partenariat amboisien de sécurité et de prévention de la délinquance, l’État était devenu un
acteur inter pares de la sécurité amboisienne et que désormais il coproduisait la sécurité de
façon égale avec ses partenaires locaux (élus et représentants de la société civile). Nous avons
ainsi formulé l’idée que la sécurité amboisienne était devenue une sécurité post- moderne
(coproduite). En fin de compte, nous avons fait l’hypothèse que nous étions passés au niveau
amboisien d’une sécurité moderne où l’État est roi, à une sécurité post-moderne où le
partenariat est roi.
Notre étude de terrain révèle que nos hypothèses sont partiellement fausses.
Nous avons en effet découvert que la démarche de désengagement de l’État au profit
du partenariat amboisien de sécurité et de prévention de la délinquance, est une démarche
fictive. L’État se désengage sans se désengager et conserve sa position monopolistique en
matière de sécurité. En effet, d’un côté, l’État sacre la prééminence du « partenariat-roi » et
fait montre de sa volonté de travailler en partenariat avec d’autres acteurs, mais de l’autre
côté: (1) il impose le partenariat sur le mode de l’injonction, (2) il s’impose partenaire de ce
partenariat, (3) il se constitue comme financeur de ce partenariat… Sans compter qu’une fois
le partenariat en œuvre : (4) il n’est pas un partenaire comme les autres mais un partenaire
omnipotent qui centralise tous les pouvoirs et tyrannise les autres partenaires qui n’ont que
des compétences résiduelles, et (5) il tire les ficelles financières du partenariat ce qui lui
permet de conformer les autres partenaires à sa volonté par un jeu subtil de pressions. En
définitive, l’État se comporte plus comme un patron avare que comme un partenaire ! En
réalité, le partenariat est une façon commode pour l’État de dissimuler son omnipotence, de se
redéployer, de se re-légitimer, de se re-former et, ni vu ni connu, sous couvert de travailler en
réseau, de conserver l’essentiel de ses prérogatives en matière de sécurité. On est loin du
concept de l’État sénescent ou dépérissant ! Partant de là, il est entendu que la coproduction
de la sécurité est loin d’être une réalité à Amboise.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
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Conclusion.
Nous avons également découvert que le partenariat amboisien de sécurité et de
prévention de la délinquance s’engage sans s’engager dans la sécurité. En effet l’échec de la
coproduction de la sécurité n’est pas lié qu’à l’attitude de l’État qui se comporte comme un
patron avare mais est lié aux comportements de tous les partenaires de sécurité (sans
distinction) qui ne s’engagent que partiellement et partialement dans le partenariat. Il résulte
de ceci que le partenariat amboisien est : (1) un roi schizophrène, en ce sens qu’il est émietté
par les logiques concurrentes des institutions et des individus qui le peuplent, (2) un roi creux,
en ce sens qu’il est dépourvu d’administration, de coordination et de politique, (3) un Roi
symbolique, en ce sens qu’il n’agit pas de façon concrète sur l’insécurité mais de façon
symbolique. Il résulte de tout ceci que le partenariat amboisien est loin d’être un roi modèle,
un roi performant. Dans ces conditions, la coproduction de la sécurité dans la ville d’Amboise
est loin d’être une réalité.
En démontrant que l’État se désengage sans se désengager, nous avons montré que
l’État post-moderne n’est pas une réalité à Amboise. De même, en démontrant que le
partenariat amboisien de sécurité et de prévention de la délinquance s’engage sans s’engager,
nous avons montré que le Partenariat-roi n’est pas une réalité à amboise. Il résulte de ces deux
découvertes que la coproduction de la sécurité (sécurité post-moderne) n’est pas une réalité à
Amboise. En définitive, à Amboise, nous ne sommes pas passés de l’État- roi au partenariatroi, de la sécurité moderne à la sécurité post-moderne.
Pour autant, nous ne sommes pas restés non plus dans le schéma wébérien (État
moderne, sécurité moderne) puisque l’État, même s’il reste un Primus inter pares, un acteur
princeps (le pilote), collabore désormais avec les élus locaux et les représentants de la société
civile (les copilotes).
En définitive, nous sommes en présence d’un État nouveau, parce qu’à la recherche
d’un consensus avec des partenaires mais en même temps nous sommes face à un État
traditionnel, parce que gardant la compétence régalienne de gérer seul en dernier recours,
« sa » sécurité. Nous nous retrouvons donc en présence d’un État qui est à la fois « plus
moderne » que l’État moderne de Max WEBER et « moins moderne » que l’État postmoderne de Jacques CHEVALLIER… C’est pourquoi l’on peut qualifier cet État et la
sécurité qui en découle de : « néo-moderne ».
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- 99 -
Table des annexes.
TABLE DES ANNEXES.
« Les théories sociologiques qui ne se vérifient pas par un travail de sociologie
empirique ne servent à rien » (Norbert ÉLIAS). La présente étude est le fruit d’un travail
livresque – en témoigne la bibliographie qui suit – mais c’est surtout le résultat d’un travail de
terrain. Ce mémoire de recherche repose en effet sur l’analyse des entretiens que j’ai menés
ou des réunions auxquelles j’ai participé, alors que j’étais stagiaire chargé de mission à la
mairie d’Amboise (2006). Le terrain constitue le nerf de cette étude et c’est pourquoi j’ai fait
en sorte que cette table des annexes rassemble de façon pragmatique les retranscriptions de
mes entretiens et de mes réunions les plus importantes. Il convient néanmoins de préciser que
j’ai fait le choix de ne pas retranscrire mes entretiens exploratoires : ces entretiens m’ont
beaucoup apporté mais ils n’ont pas été réalisés dans un cadre proprement sociologique – pas
vraiment de grille d’entretien, pas d’enregistrement et une retranscription sommaire.
Entretien n°1 avec Joël MUGICA ...................................................................................... VII
Entretien n°2 avec Michel MOISAN. ...................................................................................XI
Entretien n°3 avec Gérard MAGRÉ. ................................................................................XIV
Entretien n°4 avec Marie-Claude JUPEAU. (Conversation téléphonique). ................ XVII
Entretien n°5 avec Evelyne FREYMONT. (Conversation téléphonique)...................XVIII
Entretien n°6 avec Christian VERSEIL. (Conversation téléphonique). ......................... XX
Entretien n°7 avec Lysiane PRILLEUX. ..........................................................................XXI
Entretien n°8 avec Patrick BIALES. (Conversation téléphonique). ...........................XXIII
Entretien n°9 avec José RODRIGUÈS........................................................................... XXIV
Entretien n°10 avec Isabelle GAUDRON. .......................................................................XXX
Entretien n°11 avec Eric BERTRAND. ....................................................................... XXXII
Entretien n°12 avec Christine GANDUBERT............................................................ XXXVI
Entretien n°13 avec Catherine LÉQUIPÉ. .........................................................................XL
Entretien n°14 avec Stéphane DELBARRE. ...................................................................XLV
Entretien n°15 avec Christian GUYON. ............................................................................ LII
Retranscription de la réunion du conseil départemental de prévention (9 Mai
2006)…………………………………………………………………………………....
LVI
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- VI -
Annexes : entretien n°1 avec Joël MUGICA.
Le 26/06/2006 ; 16h45.
Durée : 40 minutes.
Entretien n°1 avec Joël MUGICA
Délégué – vice président du CCAS et vice président du CLSPD.
Président du syndicat intercommunal pour le fonctionnement d’une aire des gens du voyage.
1/ Qu’est ce que le partenariat de sécurité ?
C’est une bonne idée. Cela permet des échanges entre les élus, les représentants de l’Etat et les associations. Le
partenariat peut-être très positif.
2/ Vous me dites que le partenariat peut être positif… Est-ce que l’institution CLSPD répond bien à ce que vous
mettez derrière cette idée de partenariat ? Est-ce que c’est mieux ou moins bien que le CCPD par exemple ?
La démarche du CLSPD est surtout de prévenir la délinquance. Personnellement, je n’ai pas connu le CCPD.
Prévenir la délinquance est quelque chose de très intéressant parce qu’on passe notre temps, je parle en tant
qu’élu, à réfléchir aux moyens de créer des synergies capables d’empêcher la délinquance.
3/ En 2002, lorsque s’est posée l’obligation juridique de transformer le CCPD en CLSPD, comment est ce que la
municipalité a vécu cette transformation ? Est-ce qu’elle avait sollicité ce changement institutionnel ou est ce
qu’elle l’a subi ?
En tant qu’élu je n’ai pas connu le début du CLSPD. Je ne suis devenu vice-président du CCAS qu’en 2003.
Pour moi le CLSPD c’est intéressant. Le problème qu’il y a c’est que le budget du CLSPD est pris dans le
budget du CCAS donc forcément le budget est limité et il y a des démarches qui n’aboutiront pas parce qu’au
moment où il faudra mettre l’argent nécessaire, cela ne suivra pas.
4/ En tant que membre du CLSPD, quels objectifs souhaiteriez vous atteindre par le biais du CLSPD ?
Actuellement, la ville d’Amboise travaille en partenariat avec la caisse d’allocations familiales sur un diagnostic
de parentalité dans les quartiers populaires (quartiers de logements sociaux : « Verrerie », « Malétrenne »,
« Plaisance », « Patte d’oie », « Vau de luce »). Ce diagnostic a pour but de déterminer les difficultés que
rencontrent les résidents dans ces quartiers. Dans la continuité de ce diagnostic, il y aurait pour moi des actions à
mener dans chacun de ces quartiers car ils n’ont pas tous la même configuration. Par exemple le quartier de
« Malétrenne » est particulièrement proche de la cité scolaire alors que le quartier de « Patte d’oie » et de « Vau
de luce » sont plus éloignés de la cité scolaire... Donc pour moi ce n’est pas tout à fait la même configuration.
5/ La Verrerie est encore plus excentrée et éloignée de la cité scolaire…
C’est vrai. Par contre la Verrerie dispose d’organisations diverses : un centre social, des associations etc… A la
Verrerie il y a du mouvement. Il y en a moins à Malétrenne. Moi je reste persuadé que au-delà de tout ce que
l’on peut faire de façon ponctuelle (animation etc.), les jeunes ont certainement besoin – il paraît que c’est moins
ressenti maintenant – de structures pour se réunir, pour se rencontrer etc.
6/ Au niveau de Malétrenne plus qu’un autre quartier ?
Oui. A Malétrenne il n’y a pas d’équipements.
7/ A quoi cela est du ? A des problèmes de relations avec l’OPAC ?
Euh… Avec les bailleurs sociaux oui. Par contre l’OPAC est le bailleur social de Malétrenne et Touraine
logement est le bailleur social de « Patte d’oie ». Là aussi ça crée certainement des difficultés à harmoniser
quelque chose. Mais de toute façon il reste quelque chose de commun à créer entre les quartiers de Malétrenne,
Vau de luce et Patte d’oie. C’est évident.
8/ En 2002, il y avait eu un projet d’implantation d’une annexe du centre social les acacias (Verrerie) à
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- VII -
Annexes : entretien n°1 avec Joël MUGICA.
Malétrenne. Où en est le projet ?
Cette volonté existe toujours. Le centre social Les acacias dont je suis membre du conseil d’administration
recherche toujours la possibilité de créer une animation sur Malétrenne. Ça avance tout doucement.
9/ Le CLSPD d’Amboise a t’il permis de créer une transversalité entre les différents partenaires de sécurité ?
Le partenariat permet des rencontres entre les différents acteurs de sécurité. Mais à mon avis il y a un manque
dans la mesure où au sein du CLSPD la sécurité reste toujours l’affaire des élus et des partenaires… Ce n’est pas
l’affaire des habitants.
10/ Le département d’Indre et Loire comprend 8 CLSPD dont celui d’Amboise, or le CLSPD est actuellement le
seul à ne pas avoir signé de CLS ? A quoi est du cet échec ?
Là-dessus je ne pourrai pas vous répondre parce que je ne suis pas assez informé.
11/ Au niveau du CLSPD d’Amboise, qui est à la manœuvre ? Est-ce que c’est l’Etat ou est ce que ce sont les
partenaires locaux ?
En pratique je pense que on retombe dans le problème que j’ai évoqué tout à l’heure. C’est un problème de
budget parce que si on ne met pas de budget en face des projets qu’on veut instituer, ça ne marchera pas. Le
budget du CCAS est assez conséquent. En gros il est de 300 000 Euros. Mais seulement on n’a pas un plus pour
le CLSPD. Donc euh… Après il y a des organismes qui peuvent aider financièrement à la réalisation de projets.
Après c’est des démarches à faire évidemment… Mais il y a quand même des limites budgétaires et beaucoup de
conditions à remplir pour obtenir les subventions.
12/ J’ai lu dans les archives que certains membres de la mairie considéraient le partenariat comme « dormant ».
Et vous ?
Je ne suis pas tout à fait d’accord avec l’idée que le CLSPD soit dormant. Il fonctionne avec des limites
certainement mais il y a des personnes, l’adjoint à la jeunesse par exemple, qui ont la volonté de le faire
fonctionner. Par contre, il est vrai que on aurait certainement à réfléchir aux moyens de créer quelque chose au
niveau intercommunal.
13/ Question à vocation plus exploratoire, qu’est ce que la délinquance à Amboise ?
Du point de vue de la délinquance, je ne suis pas toujours d’accord avec ce qui se dit. J’ai dit l’autre jour à une
réunion à propos de la situation à Malétrenne : « On n’est pas à Chicago ». Il y a des gestes d’incivilités. C’est
vrai. A mon avis, il y en a toujours eu. Après on m’a démenti en me disant que je ne connaissais pas les
problèmes et qu’il y avait vraiment des problèmes sur le quartier de Malétrenne. Il paraît qu’il y a des problèmes
forts. Moi je ne mets pas en doute ce qui m’a été dit. Hein. Je le crois. Je ne l’ai pas vu. A Amboise il y a des
faits de délinquance qui sont peut-être des messages. Je pense par exemple aux tags. Ces dégradations sont peutêtre des messages. Après c’est à nous de les déchiffrer.
14/ A première vue il semblerait que les tags amboisiens renvoient à des appartenances de quartiers. Ainsi sur
les abribus à Malétrenne, vous lisez le tag « MLT ». Et sur l’abribus à la Verrerie, vous lisez le tag « V-Rie »…
Alors est ce que ceux qui font ces tags défendent leur territoire ou est ce qu’ils en ont marre du traitement qui
leur est fait ? Je pencherais plutôt pour la deuxième option. Ces tags soulèvent quoiqu’il en soit des questions en
terme de conditions de vie et en terme de gestion de la ville.
15/ Le dernier diagnostic local de sécurité effectué sur la ville d’Amboise en 2002 faisait état de 6 zones de
délinquance: La Verrerie, Malétrenne, La cité scolaire, Les équipements commerciaux, L’aire d’accueil des
gens du voyage et Les zones industrielles. Aujourd’hui, en 2006, est ce que ces données sont toujours valables ?
Pour moi il n’y a pas de liaison entre la délinquance et l’aire d’accueil des gens du voyage. C’est une population
certes particulière. S’il y a de la délinquance, cela se passe entre les gens du voyage. A mon avis, cela n’a rien à
voir avec la délinquance relevée dans les autres quartiers. Les gens du voyage ont peur des autochtones
sédentaires. Il y a des choses qui auraient du être faites pour les gens du voyage. On touchait au but. Et puis on a
été arrêté brutalement par des décisions préfectorales. Donc je pense que le traitement du dossier concernant les
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- VIII -
Annexes : entretien n°1 avec Joël MUGICA.
gens du voyage est un dossier à traiter à part de celui de la délinquance. Ils méritent autre chose que ce
traitement, même s’ils commettent parfois des délits. Au même titre que tout un chacun.
16/ Concernant l’aire d’accueil, le diagnostic 2002 stipulait que l’aire n’était pas équipée, pas adaptée, située
en zone inondable, et qu’il fallait réfléchir à la création d’une nouvelle aire… Que l’état vous y forcerait sinon.
Qu’en est il aujourd’hui ?
L’Etat nous y force toujours… Tout en nous empêchant de le faire. C’est la même chose au niveau du CLSPD :
l’État nous force au partenariat tout en nous empêchant de le faire. C’est un classique ! En 2002 nous avons
commencé de monter un dossier sur la création d’une aire d’Accueil à Amboise. Cette démarche avait été initiée
par une loi qui existe depuis Juillet 2000 et qui impose aux communes de plus de 5000 habitants de créer des
aires d’accueil respectant des normes bien précises et avec un minimum de confort c'est-à-dire : l’électricité,
l’eau, les sanitaires. Donc en 2002 nous avons proposé au préfet d’aménager l’aire d’accueil d’Amboise sur le
terrain « Les îles », propriété du syndicat intercommunal pour le fonctionnement d’une aire des gens du voyage
depuis 1986 – le terrain avait été spécialement acheté pour ça. Dans un premier temps le préfet a refusé du fait
du placement du terrain en zone inondable. Finalement en 2003 on est arrivé à un compromis pour construire
quand même à cet endroit tout en prenant des dispositions pour protéger les installations etc. Le chantier avait été
évalué à 800 000 euros et on avait déniché un maître d’œuvre. Mais en Mai 2005, le nouveau préfet a contesté
l’emplacement choisi en zone inondable en mettant l’accent par le truchement de la DDE sur des problèmes
d’accès. Ainsi la DDE nous a imposé la création d’un rond point sur la départementale pour accéder à l’aire
d’accueil des gens du voyage. Le montant d’un tel dispositif s’élevait entre 400 000 et 500 000 Euros – Donc
c’était déjà plus de la moitié de la somme du terrain Devant toutes ces contraintes le maire de Pocé n’a pu que
refuser le permis de construire. Nous avons porté l’affaire devant le tribunal administratif d’Orléans en Mars
2006. On en est là.
17/ Il y a une autre problématique qui se pose concernant l’aire d’accueil des gens du voyage. Il y a quelques
années, des équipements avaient été mis en place mais ils ont été vandalisés. Si l’on reconstruit des équipements
adaptés ne va-t-on pas retomber dans une même problématique de dégradation ?
Les conditions ne sont plus les mêmes. Tous les terrains qui sont créés actuellement sont gérés. Et on s’attache à
les faire gérer par des gens qui connaissent cette population et qui sont compétents. La comparaison de la
situation actuelle avec la situation des années 1980 ne serait pas loyale. Le terrain que l’on a acheté en 1986 est
un grand terrain. Il fait 4 hectares. Il devait accueillir des roulottes et des chevaux. Effectivement on avait à
l’époque créé deux sanitaires et deux robinets d’eau. C’est tout. Euh… Il faut savoir que les gens du voyage sont
des gens très pudiques et qui ont besoin d’une certaine intimité… Donc ces équipements ne leur correspondaient
pas, d’autant qu’on les avait construit sans leur demander leur avis bien sûr. Et ça a été démoli très rapidement.
C’est un fait. Mais aujourd’hui, dans la plupart des aires qui sont aux normes, il semblerait que cela fonctionne.
On peut considérer les gens du voyage comme des campeurs. Chez eux, il n’y a pas que des dégradeurs, il y a
aussi des gens qui sont très respectueux des installations et qui déplorent comme nous les destructions. Moi je
vous assure que les gens du voyage avec qui j’ai discuté euh… Actuellement j’aurais presque peur de retourner
les voir parce que je leur avais un peu fait des promesses. Je vais passer pour un menteur… Je vais passer pour
un menteur, c’est clair ! Euh… Voilà ! Je ne suis pas seul dans ce cas, on est quelques uns et quelques unes et ça
c’est embêtant parce qu’ils savent qu’ils ont droit à des aires d’accueil normalisées etc, ils le savent et ils
l’attendent. Bin, ils les auront pas. Après, c’est une question de volonté politique.
18/ Il y a trois types de gens du voyage : les sédentarisés, les itinérants, les forains. D’après le diagnostic de
2002 il semblerait que les risques de délinquance viennent plutôt des « itinérants ». Est-ce encore une réalité ?
Je ne voudrais pas contester l’analyse qui a été faite. Concernant les sédentarisés, il y a des gens du voyage qui
ont acheté un terrain (la plupart du temps sans eau et sans électricité) et qui ont choisi de se sédentariser. On les
connaît bien. Ce sont des gens qui ne font de misère à personne. Par contre ce sont des gens qui continuent d’être
traités « à part » : la plupart du temps, on ne leur met pas l’eau et l’électricité parce que on a peur qu’ils
considèrent que leur terrain est viabilisé et qu’ils peuvent construire. Donc il y a un problème. Maintenant
lorsqu’ils veulent aussi acheter des terrains à des endroits où ils pourraient éventuellement construire : la réaction
des autochtones sédentaires est la même que lorsque l’on construit un HLM dans un quartier résidentiel… Si
vous voyez ce que je veux dire… Donc problème encore. Après il y a les forains qui ont beaucoup plus d’argent
et qui vivent beaucoup mieux. Mais attention ce ne sont pas non plus des saints. Enfin, il y a les voyageurs, qui
se débrouillent pour vivre. A l’aire d’Amboise, il n’y a rien à détériorer puisqu’il n’y a pas d’équipements. Il y a
surtout des ordures partout et moi je suis un peu découragé d’aller les faire ramasser parce que je fais faire des
nettoyages ponctuels par une entreprise d’insertion et puis cette entreprise avec laquelle on fait un contrat chaque
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- IX -
Annexes : entretien n°1 avec Joël MUGICA.
année n’a plus trop envie d’y aller maintenant. Moi ça m’embête parce que de toutes les façons, 15 jours après
intervention, les ordures reviennent pareil. Ce qui est plus déplorable encore c’est que ce ne sont pas que les gens
du voyage qui font ça. Il y a d’autres personnes qui profitent de cette situation pour mettre des déchets.
19/ Concernant les aires d’accueil des gens du voyage, type celle qui vient d’être inaugurée à Château-Renault,
est ce que les personnes qui s’installent dans ces aires apportent une contribution financière ?
Oui, on considère que le principe de la gestion d’une aire d’accueil des gens du voyage peut-être traité comme
un terrain de camping. Les gens du voyage participent financièrement à la gestion du terrain.
20/ Et à Amboise ? Est-ce que les personnes qui campent aux îles apportent une contribution financière ?
Non, ils ne versent rien puisque officiellement il n’y a pas d’aire d’accueil pour les gens du voyage (ndlr : pas de
terrain validé par la préfecture d’Indre et Loire). C’était la phase suivante. La première phase c’était d’abord la
construction de l’aire. Et la deuxième phase c’était la gestion de l’aire et notamment le versement d’une
participation financière par les gens du voyage.
Je vous remercie.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
-X-
Annexes : entretien n°2 avec Michel MOISAN.
Le 27/06/2006 ; 14h30.
Durée : 30 minutes.
Entretien n°2 avec Michel MOISAN.
Brigadier-chef remplaçant le chef de poste de la police municipale d’Amboise.
1/ Que représente le partenariat de sécurité pour vous?
C’est une bonne chose. Le partenariat nous permet d’être au plus près de la délinquance et des jeunes. C’est une
démarche intéressante.
2/ Le CLSPD d’Amboise est-il un dispositif utile et pertinent ?
Bon, euh… En temps normal on ne voit pas les autres partenaires de sécurité, on n’entretient pas vraiment de
relations avec eux. On les voit uniquement lorsqu’il y a des réunions.
3/ Le partenariat de sécurité n’existerait qu’au moment des réunions du CLSPD ?
Oui. Il faut dire aussi que notre rôle concernant la lutte contre la délinquance est limité. En période scolaire, il se
limite à une présence sur le terrain à la sortie des collèges et lycées. Dans les établissements scolaires il y a un
référent gendarme. Nous, quand on y va, c’est plus pour prendre et donner des informations. Pas pour sévir.
Enfin, on n’a pas d’action directe sur la délinquance quoi. Nous ne sommes que des agents de police judiciaire
adjoints (APJA) : notre seul pouvoir de police judiciaire est la contravention aux infractions routières. Notre
pouvoir n’est étendu qu’à partir du moment où on est en présence d’un gradé pour lequel on joue le rôle
d’adjoint. Notre rôle est plutôt d’apporter une aide aux institutions de sécurité (gendarmerie, pompiers etc.), de
faire remonter les informations. Nous avons surtout une mission d’information.
4/ Vous déplorez le manque de relation avec vos partenaires, est-ce à dire que le partenariat amboisien est
mauvais ?
On ne peut pas dire que le partenariat est mauvais. On ne peut pas dire que c’est mauvais. M’enfin c’est vrai que
l’information ne circule pas. Alors il se trouve que parfois, lorsque l’on est en réunion, il y a des directeurs de
foyers ou des acteurs du monde associatif et social qui amènent des choses… Mais au fond, on ne sait pas quoi.
On ne sait pas. C’est cloisonné.
5/ Quels objectifs souhaiteriez-vous atteindre par le biais du CLSPD ?
On n’a pas vraiment d’objectifs ni d’actions en matière de lutte contre la délinquance parce que l’on n’est pas
assez nombreux et parce que l’on n’est pas vraiment formés pour ce genre de choses.
6/ En votre qualité de policier municipal qui connaissez les réalités du terrain, qu’est ce que la délinquance à
Amboise ?
La délinquance à Amboise c’est « des incivilités » comme on dit : c’est « casser pour casser », détériorer, tagger,
insulter les gens pour rien etc. Mais bon, ce n’est pas tous les jours. Ce n’est pas comme si on était à Paris. Bon
c’est vrai que ces incivilités viennent surtout des jeunes, mais c’est vraiment une minorité de jeunes. Moi je vois,
j’habite dans les HLM, on ne peut pas dire que les murs des HLM sont taggés. Je ne sais pas s’il y a vraiment
une jeunesse délinquante à Amboise. Des incivilités il y en a, mais est ce que ce sont vraiment des jeunes
d’Amboise qui les commettent ? Ce n’est pas sûr.
7/ Le dernier diagnostic de sécurité qui remonte à 2002, mettait en avant des zones de délinquance comme le
logement social, la cité scolaire, les équipements commerciaux, l’aire d’accueil des gens du voyage, les zones
industrielles… Ces données sont-elles toujours valables ?
Nous on n’a pas d’informations à ce sujet là.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- XI -
Annexes : entretien n°2 avec Michel MOISAN.
8/ Dans le dernier diagnostic il était notifié que la police municipale n’était pas présente dans les quartiers de
logements sociaux type « Verrerie » ou « Malétrenne ». Pourquoi n’y a t’il pas de présence de la police
municipale dans ces quartiers ?
Il n’y a pas de présence parce que c’est la politique du maire. C’est la politique du maire. Nous on a un parc de
stationnements payants à gérer en priorité, les sorties d’écoles en deuxième, et puis reste tout ce qui touche aux
missions de la police : l’information, le social etc. Mais des patrouilles dans les quartiers, il n’y en a pas à
Amboise. C’est que ponctuel. Je veux dire aujourd’hui on fait ça et puis demain on fait autre chose. Cela ne tient
pas. Là on va entrer en Juillet- Août, il n’y a pas d’école, normalement on aurait du aller dans les quartiers, mais
voilà, le maire a opté pour le stationnement. Quand on intervient dans les quartiers c’est surtout de façon
ponctuelle. De toute façon, c’est un peu toutes les politiques. Un coup c’est ça, un coup c’est pas ça. Un coup
c’est bien, un coup c’est pas bien. Par contre quand on est appelé, on intervient tout de suite hein. Je vois, rien
que la semaine dernière, il y a eu un petit problème au foyer des personnes âgées à Malétrenne : Bon il y a des
gamins, il y a un parc, ils jouent, enfin peut-être qu’ils ne se contentent pas de jouer mais aussi d’embêter les
vieux. Bref. Ils ont cassé des carreaux. Alors nous on a été appelé et on est intervenu. Mais bon. C’est ponctuel.
Ce n’est pas une surveillance permanente. On n’est pas « îlotiers ». Comme je l’entends hein. Un îlotier c’est
quelqu’un qui tous les jours va au même endroit, à pied, connaît tout le monde, je dirais presque que c’est un
métier à part.
9/ Dans le dernier diagnostic il avait été abordé la question de l’établissement d’une relation plus étoffée entre
la gendarmerie nationale et la police municipale. Qu’en est il aujourd’hui ? Quels sont les rapports
qu’entretiennent la police municipale et la gendarmerie ? Est-ce qu’il y a une réelle coordination ?
Rien. Il n’y a rien du tout. D’un point de vue administratif, il existe bien une convention de coordination entre la
gendarmerie nationale et la police municipale. Cette convention est renouvelable tous les cinq ans par tacite
reconduction. Mais d’un point de vue pratique il n’y a rien. Cette convention n’est pas effective. De toute façon
ça c’est la volonté du maire hein. C’est le maire qui fixe les objectifs.
10/ La proximité avec la population c’est important ?
C’est important. Mais à condition de pouvoir jouer le rôle d’îlotier et d’être un partenaire suffisamment puissant
et intéressant. Mais ce n’est pas le cas. Nous on n’apporte rien aux autres partenaires, on se demande ce qu’on
fait dans le partenariat !
11/ La police municipale n’apporte rien à la gendarmerie nationale ?
Vis-à-vis de la convention non. De toute façon, non. De toute façon même sur la convention il y a des
paragraphes qui sont marqués et qui ne sont pas appliqués. Par exemple sur le territoire de la commune on doit
être tenu au courant des crimes, des délits et des accidents. Or pour savoir s’il y a eu des accidents sur la
commune, bah on fait comme tout le monde, on lit la NR (ndlr : La nouvelle république, journal local). La
gendarmerie nationale ne nous fournit aucune information sur la délinquance.
12/ La gendarmerie nationale ne vous fournit pas d’informations, et vous ?
Nous ce n’est pas le cas. A chaque fois qu’on a une information importante, on la transmet à la gendarmerie. Par
ailleurs on entretient des bonnes relations avec la gendarmerie. Par exemple lorsque l’on a une manifestation, on
va les voir et on leur dit qu’on a besoin de tant de gendarmes etc. Non, à ce niveau il n’y a pas de soucis. C’est
surtout l’information qui ne circule pas. Avec les pompiers c’est pareil. Les pompiers sont censés nous appeler si
il y a un accident etc. Mais ils ne le font pas. Cela se comprend un peu puisque l’effectif de la police municipale
n’est pas vraiment important : 4 policiers et 2 ASVP. On n’est pas vraiment considérés comme des acteurs de
sécurité importants.
13/ Est-ce que vous souhaiteriez être mieux associés aux travaux des gendarmes ? Quel est l’objectif que vise la
police municipale en terme de lutte et de prévention de la délinquance ?
On n’a pas les moyens de missions de prévention de la délinquance. Et donc on ne les fait pas. Notre rôle se
limite à une présence. Et puis on n’est pas formé pour ça. A la gendarmerie ils sont beaucoup plus nombreux et
ils ont des spécialistes en drogue etc. Nous ce n’est pas le cas.
14/ Quelle est la politique du maire en matière de police municipale ?
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- XII -
Annexes : entretien n°2 avec Michel MOISAN.
En ce qui me concerne je suis là pour obéir au maire. Et donc c’est tout. Premièrement, il s’agit de veiller au parc
de stationnements payants : ce sont les deux ASVP qui s’en chargent. Deuxièmement, il s’agit d’être présent à la
sortie des écoles. Et puis après, c’est au jour le jour. Mais il n’y a pas d’ordre établi. Par exemple dans la
surveillance du parc payant, un jour c’est comme ça et puis quinze jours après ce peut être totalement différent.
Un jour avec un maire c’est comme ça et puis avec un autre maire c’est complètement différent. Il faut toujours
s’adapter. C’est vrai qu’il existe des lois et des règlements pour nous, mais le maire reste le patron. Par exemple,
il y a la « police route » : c’est tout ce qui est « ceinture », « portable », « les feux », « les stop » etc. Dans le
cadre de la « police route », la loi nous permet d’être en poste fixe comme les gendarmes, et de relever les
infractions au code de la route. Bon. Le maire ne veut pas qu’on soit en poste fixe. Il veut pas, il veut pas ! C’est
tout. Et pourtant la loi nous le permet. Néanmoins il est évident que si on voit passer un conducteur avec son
portable on va l’arrêter parce qu’après on va se faire passer pour des couillons. Mais ce ne sera que des actions
ponctuelles.
15/ Une autre problématique portait sur le fait que les gendarmes et les policiers municipaux faisaient souvent
leurs patrouilles en voiture et qu’ils n’étaient pas suffisamment proches des gens…
Il y a trois ans, on était allé en gendarmerie et on avait fait une après-midi de formation en gendarmerie pour
savoir comment se coordonner en cas d’accident : nous faire la circulation et puis eux faire les actions de
sauvetage avec les sapeurs-pompiers. Et puis ça n’a pas tenu. On devait aussi être un policier municipal et deux
gendarmes à patrouiller en ville, ça s’est fait une petite semaine et puis c’est tout. Il n’y a pas de volonté. Pas de
notre part parce que nous on veut bien tout faire. Mais bon si ça ne se fait pas ça ne vient pas du personnel de la
police municipale. Le Maire n’est peut-être pas contre cela mais simplement on n’a peut-être pas un effectif
suffisant pour le faire : les deux missions qui nous incombent actuellement nous prennent à plein temps.
16/ Faudrait-il augmenter l’effectif de la police municipale d’Amboise ?
Oui. Mais en même temps Amboise n’est pas une énorme ville et peut-être que l’effectif de la police municipale
est simplement proportionnel à la taille de la ville.
Je vous remercie.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- XIII -
Annexes : entretien n°3 avec Gérard MAGRE.
Le 28/06/2006 ; 14h30.
Durée : 30 minutes.
Entretien n°3 avec Gérard MAGRÉ.
Lieutenant commandant la brigade territoriale de gendarmerie d’Amboise.
1/ Que représente le partenariat de sécurité ?
C’est une bonne idée. Cela nous permet de travailler dans le même sens et de trouver des idées communes.
2/ Que représente plus particulièrement le CLSPD d’Amboise ?
Il y a une bonne entente, une bonne concertation, mais je pense que ce ne sont là que des balbutiements. La
concertation n’est pas assez « tenue en haleine ». Le partenariat ne nous apporte pas grand-chose. Les réunions
du CLSPD sont trop rares. On n’a pas la sensation qu’il existe quelque chose en matière de prévention de la
délinquance. La dernière réunion à laquelle j’ai participé date de Septembre 2005. C’était sur la cité scolaire.
Depuis plus rien. J’ai reçu un compte rendu de réunion. Mais on ne peut pas dire qu’il y a des actions qui ont été
mises en œuvre. Alors c’est bien ces réunions. On se rend compte qu’on est tous d’accord. Mais après il s’agit de
mettre en œuvre les idées proposées. Ce qui est intéressant, c’est les actions. Il s’agirait aussi de mieux associer
le peuple au CLSPD, montrer que c’est plus positif que négatif. Maintenant c’est vrai que nous on n’est pas des
décideurs. On n’a pas de moyens de financement.
3/ Quels objectifs voulez-vous atteindre par le biais du CLSPD ?
L’objectif général c’est que chacune et chacun respecte ses droits et devoirs et prenne ses responsabilités.
4/ Quelles actions menez-vous dans le cadre de la lutte et de la prévention contre la délinquance ?
Le rôle de la gendarmerie c’est avant tout la répression. Après, la BT d’Amboise limite sa prévention de la
délinquance à la prévention de la délinquance juvénile. Cela passe par des actions préventives envers les jeunes :
campagnes de sensibilisation sur la drogue dans les collèges et lycées notamment. Mais cela passe aussi par des
actions envers les parents chez qui on note une défection d’éducation et d’autorité. Aujourd’hui il est clair que
les parents sont plus des géniteurs que des éducateurs. Pour autant on n’est pas des éducateurs spécialisés ou des
psychologues, on ne voit pas les choses de la même façon, on n’a pas les mêmes référentiels.
5/ Quelles relations entretenez-vous avec la police municipale d’Amboise ?
Nous entretenons de bons rapports avec la police municipale. On se rend des petits services, notamment quand il
y a des manifestations, des fêtes etc. Mais nous ne faisons pas vraiment le même travail. Et puis eux ils ne sont
que 4 et ils ne travaillent pas la nuit. Leur rôle est limité.
6/ Vous qui connaissez la réalité du terrain, qu’est ce que la délinquance à Amboise ? Est-ce que vous auriez des
informations ou des statistiques à nous communiquer là-dessus ?
Non. Je n’ai pas le droit de vous donner ce type d’informations.
7/ Qu’est ce qui empêche cela ?
C’est un vieux débat. Ça fait l’objet d’un blocage institutionnel.
8/ Pourtant le décret du 17 Juillet 2002 stipule que la gendarmerie nationale doit informer spontanément et
régulièrement le maire ainsi que le CLSPD des caractéristiques et de l’évolution de la délinquance sur le
territoire communal… Et je suis ici en tant que chargé de mission de la mairie…
Oui… Mais moi je vais voir le Maire, je lui dis « bon cette année ça a bien marché » ou « cette année ça a moins
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- XIV -
Annexes : entretien n°3 avec Gérard MAGRE.
bien marché », « les accidents sont en baisse » ou « les accidents sont en hausse » etc. Mais je ne lui donne pas
de chiffres quoi…
9/ Le maire ne connaît pas les chiffres de la délinquance sur l’ensemble du territoire communal ?
Non non, tout à fait.
10/ Dans le diagnostic de sécurité de 2002, il y avait pourtant les chiffres de la délinquance sur Amboise et son
canton…
Oui. A l’époque on les avait donnés. Mais depuis on ne les donne plus.
11/ Actuellement comment évolue la délinquance sur Amboise et son canton ?
Entre 2004 et 2005, on peut dire qu’on a eu une baisse de la délinquance d’environ 10%. Cependant,
actuellement, on assiste à un certain retour, à une certaine augmentation de la délinquance.
12/ Qu’est ce que la délinquance à Amboise ? Quelle forme cela prend ?
Amboise ce n’est pas Chicago. La délinquance qu’on y rencontre c’est la délinquance qui emmerde tout le
monde. C’est surtout des problèmes d’incivilités : les violences verbales, le vol d’autoradios etc. Et finalement
c’est toutes ces incivilités qui ruinent le lien social et qui créent de ci de là une ambiance délétère, un sentiment
d’insécurité. Mais les incivilités peuvent aussi se transmuer en une délinquance plus grave. Le phénomène paraît
trivial mais ce n’est qu’une apparence, il ne faut pas le sous-estimer. Bon il y a aussi des problèmes plus graves,
comme partout ailleurs, des problèmes de violence, on en parle de plus en plus, mais c’est moins répandu à
Amboise.
13/ Et au moment de la crise des banlieues ?
Justement, on n’a pas eu beaucoup de problèmes. Pourquoi ? Parce qu’on a pris des dispositions rapidement.
Bon il y a eu des violences : par exemple il y a eu 3 bagnoles de brûlées à la Verrerie… Mais qu’est ce qu’on
faisait ? On allait sur place et on enlevait la voiture immédiatement. On n’a pas laissé pourrir la situation. Il y a
peut-être même des gens à la Verrerie qui n’ont pas su qu’il y avait eu des voitures brûlées dans leur
quartier…On a pris le problème tout de suite, à bras le corps. Même chose pour le CPE. On n’a pas eu de
débordements. Pourquoi ? Parce qu’on a renforcé les services de surveillance aux abords des lycées et tout ça.
Voilà, on ne laisse pas pourrir la situation quoi… Alors évidemment, on ne peut pas être partout et c’est clair que
sur Amboise il y a quand même de la délinquance.
14/ Le diagnostic de sécurité stipulait l’existence de zones plus sujettes que d’autres à la délinquance : les
quartiers de logements sociaux, la cité scolaire, les équipements commerciaux, les zones industrielles, l’aire
d’accueil des gens du voyage. Est ce que c’est toujours valable ?
Bien sûr. Il faudrait ajouter à cette liste le centre-ville où il y a aussi pas mal de difficultés. Sinon c’est vrai qu’il
y a des problèmes de délinquance au niveau de la Verrerie, de Malétrenne, de la cité scolaire et des zones
industrielles. Dans les zones industrielles la problématique est surtout le vol lié aux métaux et la délinquance liée
à l’automobile : vol de véhicules, vol dans véhicules, vol sur véhicules etc. Par contre au niveau des équipements
commerciaux et de l’aire d’accueil des gens du voyage, on n’est pas trop embêté.
15/ Quel est le profil des délinquants ?
Il y a des délinquants itinérants et puis, il y a des délinquants qui viennent d’Amboise. En proportion, c’est du
50-50.
16/ Dans le dernier diagnostic, il était précisé que les gens du voyage représentaient 1/3 de la délinquance à
Amboise…Est-ce que vous êtes d’accord avec ces chiffres ?
Ce sont des chiffres supposés parce que les manouches ce n’est pas évident de les interpeller. Même quand vous
les prenez la main dans le sac ils disent que c’est pas eux. Je dirais qu’il n’y a pas plus de problèmes au niveau
de l’aire d’accueil des gens du voyage qu’ailleurs dans Amboise.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- XV -
Annexes : entretien n°3 avec Gérard MAGRE.
17/ S’il y avait un « point noir » en terme de délinquance à Amboise, quel serait-il ?
Ce serait le centre-ville. Actuellement c’est le centre-ville, c'est-à-dire la zone qui se tient entre les quais et la
place Richelieu. Il y a pas mal de problèmes d’incivilités, de vols, d’infractions routières etc.
18/ Le dernier diagnostic pointe du doigt les quartiers de logements sociaux (Malétrenne, Verrerie). La
problématique de sécurité n’est-elle pas plus criante là-bas ?
Non. Ce ne sont pas non plus des zones de non droit. Attention. Bon c’est vrai qu’il y a des problèmes de drogue
dans ces quartiers-là. Ça génère une économie parallèle. On le voit bien. Il y en a qui ont des petits revenus et qui
se baladent en BMW. On se dit qu’il y a un problème. Mais nous on ne peut rien faire face à cela.
19/ Et si vous deviez faire un comparatif entre la situation de la délinquance à Amboise et celle des autre
cantons de la région ?
C’est sensiblement la même chose. A Amboise on doit tourner entre 700 et 800 délits par an.
Je vous remercie.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- XVI -
Annexes : entretien n°4 avec Marie-Claude JUPEAU.
Le 29/06/2006.
Durée : 15 minutes.
Entretien n°4 avec Marie-Claude JUPEAU.
(Conversation téléphonique).
Responsable de la prévention sur le territoire de vie sociale tours nord-est.
1/ Qu’est ce que la délinquance à Amboise ? Des « vols » ? Des « viols » ? Des « violences intrafamiliales »
etc…
Les violences intra familiales n’entrent pas dans le cadre de la délinquance. La violence conjugale pour moi, ce
n’est pas de la délinquance. Si on parle de « délinquance » je dirais que ce n’est pas de la délinquance.
Maintenant ce sont des difficultés qu’il faut prendre en compte, c’est autre chose.
2/ D’accord. Mais qu’est ce que la délinquance à Amboise ?
De ma place de professionnelle, je pense que ce n’est pas une ville qui est en grand danger. Certes il y a des
difficultés sociales. Nos assistantes sociales ont beaucoup de travail. Mais de là à dire que la ville est
extrêmement dangereuse, avec de la délinquance. Non.
Par exemple, on intervient dans beaucoup de familles où il n’y a pas de problèmes de délinquance. Maintenant
qu’il y ait des difficultés sociales qui peuvent conduire à de la délinquance. C’est autre chose.
3/ Si on la prévient bien, la délinquance ne survient pas…
Alors la prévenir… Effectivement euh… Si tout le monde a du boulot, de l’argent, une maison, des enfants
beaux, pas d’infirmités euh… Ce serait un film ça ! Finalement la « grande » prévention ça reviendrait à aplanir
toutes les difficultés. Or si l’on aplanissait toutes les difficultés est ce que pour autant il n’y aurait plus de
délinquance ? Je n’en suis pas sûre.
4/ Il y en aurait peut-être moins…
Voilà. Les facteurs sociaux sont des facteurs aggravants. On sait bien que l’économie souterraine, c’est quand il
n’y a pas de fric etc. Actuellement la mairie d’Amboise travaille avec la CAF de Touraine et d’autres acteurs
sociaux dont le TVS, sur un diagnostic de parentalité au niveau du quartier de Malétrenne. Dans ce partenariat il
est fortement question des difficultés sociales et des situations de précarité qui peuvent dégénérer sur une
situation de délinquance…
5/ Ce n’est qu’à Malétrenne ?
Oui mais vous savez… Si vous parlez de délinquance ou de difficultés à Amboise, vous faites Malétrenne et la
Verrerie et très honnêtement vous avez quasiment fait le tour.
6/ Vous participez au CLSPD, au partenariat avec CAF et à la coordination sociale communale… Cela vous
intéresse t’il?
Oui mais nous on nous invite à participer à diverses réunions où on répète un peu les mêmes choses. C’est vrai
que c’est un peu redondant. Mais ce serait à la mairie de créer de la cohérence dans tout ça.
Je vous remercie.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- XVII -
Annexes : entretien n°5 avec Evelyne FREYMONT
Le 29/06/2006.
Durée : 15 minutes.
Entretien n°5 avec Evelyne FREYMONT.
(Conversation téléphonique).
Directrice départementale de la protection judiciaire de la jeunesse.
1/ Au titre de directrice départementale de la protection judiciaire de la jeunesse, vous faites partie du CLSPD
d’Amboise. Que représente le partenariat de sécurité amboisien pour vous ?
Le directeur du service (centre d’action éducative), Monsieur VENON, est assez présent sur Amboise. Le
partenariat est bien installé et fonctionne bien. Nous avons les meilleures relations du monde – et je souhaiterais
d’ailleurs les renforcer – avec le foyer des jeunes travailleurs (FJT) qui constitue pour nous une ressource tout à
fait importante et intéressante. Euh... Je sais qu’il y a un CLSPD à Amboise. J’avais justement rencontré il y a
quelques mois un monsieur de la mairie qui travaillait sur ses problématiques-là.
2/ Ce devait être Pascal SALVAUDON.
Peut-être bien. Oui. Je me souviens que le partenariat rencontrait quelques difficultés à ce moment-là.
3/ Que faudrait-il faire pour que le partenariat ne rencontre plus de difficultés ?
C’est un petit peu délicat de répondre à cette question de là où je suis parce que ça ce sont des prérogatives qui
appartiennent en propre à la municipalité ou aux municipalités environnantes. Dans ce domaine l’Etat n’a pas
grand-chose à dire.
4/ Actuellement l’objectif de la mairie d’Amboise est de profiter de l’élan impulsé au niveau national pour
améliorer son dispositif local de sécurité et de prévention de la délinquance, faire en sorte de mener des actions
toujours plus cohérentes et toujours plus efficaces…
Euh… Oui. Parce qu’effectivement il y a plein de choses qui vont être relancées. Par exemple il y a les euh… On
n’appelle plus ça les « contrats de ville » mais les « CUCS » - là (contrats urbains de cohésion sociale) : il y a eu
une circulaire récente là-dessus. Tous les dispositifs sont en train de se remettre en chantier ! Il y a aussi la loi sur
la prévention de la délinquance. Sinon, en ce qui concerne l’efficacité euh… à mon sens la plus grande efficacité
serait de changer le regard que la population porte sur une partie de sa jeunesse. Mais ça je ne sais pas bien
comment il va falloir faire. Il faudrait faire un travail sur les perceptions. Voilà. ça ce sont des choses qui à mon
avis sont assez peu coûteuses mais qui ne sont pas faciles à mettre en œuvre ! Parce que là je vais vous sortir les
chiffres, m’enfin euh… les gens euh… Si on sort ça comme ça à la population ma parole qu’ils vont contester en
disant que c’est pas possible parce que « si peu que ça » etc. Très honnêtement je ne suis pas sûre qu’Amboise
soit véritablement une commune qui flambe même s’il y a un ou deux quartiers qui sont un peu en dehors du
réseau d’influence des services publics…Néanmoins cela n’enlève rien à l’importance de la prévention de la
délinquance qui a justement pour rôle d’anticiper les problèmes avant que délinquance ne survienne.
5/ Auriez des chiffres concernant les mineurs suivis par la PJJ au niveau de la ville d’Amboise et de son
canton ?
Alors j’ai les chiffres sous les yeux. C’est vite vu. Il y a sept mineurs pris en charge par la PJJ sur le canton
d’Amboise. Voyez que cela ne nécessite pas forcément de lancer la grosse Bertha – ce qui ne veut pas dire qu’il
ne faut rien faire bien évidemment.
6/ Le ministre de l’intérieur entend généraliser les CLSPD aux communes de plus de 10 000 habitants.
L’institution CLSPD est-elle une institution pertinente au non ? Qu’est ce qui va distinguer le bon partenariat du
mauvais partenariat ?
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- XVIII -
Annexes : entretien n°5 avec Evelyne FREYMONT
Je pense qu’il y a deux éléments importants à prendre en compte pour l’établissement d’un bon partenariat. Tout
d’abord la bonne connaissance et les bonnes relations – y compris personnelles – que les partenaires
entretiennent entre eux. Vous savez, dans ce type de dispositifs, c’est la confiance qui fait tourner les choses ! Et
puis ensuite la définition de projets communs guidés par des intérêts communs, circonscrits, évaluables etc. C’est
pas forcément les grand messes hein mais quelques actions ponctuelles, bien concrètes, visibles, lisibles aussi par
la population, et montées en commun.
7/ Vous semblez attribuer une importance particulière à la population…
Tout à fait parce que effectivement il y a comme un hiatus entre la population et les institutionnels. La
population a l’impression et elle souhaite d’ailleurs que tout soit externalisé comme si elle n’avait rien à faire
elle-même au quotidien. Or je ne suis pas la seule à prétendre que le lien social doit s’exercer j’allais dire « au
plus près du quotidien ». C'est-à-dire quand on voit deux gamins de douze ans se fichent sur la figure, on n’est
pas nécessairement obligé d’appeler la police tout de suite, un citoyen lambda peut s’interposer en leur disant
« c’est pas comme ça qu’on fait ». Ça aussi ce sont des actions qui sont peu coûteuses et qui seraient à mon sens
de nature à permettre une bonne prévention de la délinquance. Ça veut dire qu’il faut aussi valoriser, quand on en
a la connaissance, les petites actions du quotidien faites par la population elle-même. Ce n’est pas que de la
communication de bazar mais il est extrêmement intéressant que soient valorisées les actions des citoyens euxmêmes. On dit « les adultes ont perdu leur autorité » mais c’est à eux de la réinvestir aussi ! Pas seulement les
institutions !
8/ Est-ce que les dispositifs partenariaux types CLSPD permettent une bonne transversalité de l’information
entre les différents partenaires : Elus, Etat et Représentants de la société civile ?
Oui. Incontestablement. A partir du moment où on arrive à se parler, à se mettre dans la tête de l’autre, dans les
contraintes de l’autre. Tout de suite ça va mieux. Et ça nous permet de rapprocher des points de vue, d’aboutir à
des solutions concertées. Oui oui oui, ça j’y crois beaucoup.
Je vous remercie.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- XIX -
Annexes : entretien n°6 avec Christian VERSEIL.
Le 29/06/2006.
Durée : 5 minutes.
Entretien n°6 avec Christian VERSEIL.
(Conversation téléphonique).
Délégué au logement, officiellement membre du CLSPD d’Amboise.
1/ Vous faites partie du CLSPD d’Amboise. J’aurais souhaité vous poser quelques questions d’une part sur le
CLSPD et d’autre part sur la délinquance à Amboise...
Bien écoutez cela ne va pas vous être très utile.
2/ (…).
Non non mais je vais vous expliquer très gentiment. Parce que depuis que le CLSPD siège dans des commissions
et pendant les heures ouvrables je n’ai pas pu y aller. Il faudrait plutôt voir avec Stéphane DELBARRE. Moi je
connaissais bien le CCPD mais je n’ai absolument pas participé au CLSPD. Là si je disais quelque chose, ce ne
serait pas très objectif. Donc c’est inutile.
3/ D’accord, je vous remercie.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- XX -
Annexes : entretien n°7 avec Lysiane PRILLEUX.
Le 30/06/2006. 10h.
Durée : 20 minutes.
Entretien n°7 avec Lysiane PRILLEUX.
Inspectrice de l’éducation nationale de la circonscription d’Amboise.
1/ Qu’est ce que le partenariat de sécurité amboisien ?
En tant qu’inspection de l’éducation nationale, on a divers partenariats avec la mairie d’Amboise.
2/ Mais au niveau du CLSPD plus exactement ?
C’est une instance supplémentaire si vous voulez. Mais est ce que le travail qui se met en place avec la CAF sur
le diagnostic de parentalité entre dans le cadre de ce partenariat ?
3/ Non. C’est quelque chose de différent.
Le problème c’est qu’on s’aperçoit qu’il y a différents partenariats. Et ça veut dire multiples réunions. Or on
n’est pas toujours disponibles. Moi les réunions du CLSPD je n’y vais pas systématiquement parce que ça se
multiplie et que je n’ai pas que la ville d’Amboise. Ce n’est pas possible autrement. J’ai 58 écoles et 44
communes. Bon c’est vrai que la ville d’Amboise est la plus importante. Mais les villes moins importantes
demandent autant d’investissement et il y a aussi besoin de partenariats. Donc moi c’est vrai que le CLSPD
d’Amboise j’y vais très rarement. On est beaucoup plus impliqués dans le partenariat avec la CAF qui concerne
plus l’école et la petite enfance. Moi j’ai moins à voir avec le CLSPD qui à mon sens concerne plutôt les
principaux ou proviseurs de collèges et de lycées. Nous c’est le cadre scolaire des enfants de moins de 12 ans ; et
de la maternelle au CM2 je dirais qu’on est moins concernés par les problèmes de délinquance. Au niveau du
CLSPD je ne sais pas trop. Mais c’est vrai que le partenariat avec la mairie d’Amboise est institué à bien d’autres
niveaux et notamment tout ce qui est « mise en place d’intervenants extérieurs dans les écoles ». Et donc là c’est
vrai qu’on a un travail de partenariat très étroit avec la mairie. Egalement en ce qui concerne la natation et la
piscine ou encore en ce qui concerne les CEL (contrats éducatifs locaux) qui ont pour objet de mieux organiser le
temps d’activité proposé pour la pause entre midi et deux.
4/ Vous voulez dire que le partenariat de sécurité est plus « pluriel » que « singulier » ?
Oh oui il y a plein de partenariats. Si vous voulez, nous on a des personnes à qui on s’adresse à la municipalité et
c’est vrai que ça se fait en fonction des besoins. Voyez : La natation c’est le service scolaire ou le service des
sports de la mairie d’Amboise ; Tout ce qui concerne les aménagements de locaux, les visites de sécurité des
écoles, le CEL, l’éducation médicale, c’est encore le service scolaire et des élus différents…
5/ Les directives qui se dessinent plus ou moins au niveau national tablent sur une détection plus précoce de la
délinquance. Est-ce que les partenariats auxquels vous avez faits référence ont des visées en terme de prévention
de la délinquance ?
Les partenariats sont établis dans le cadre de projets pédagogiques sur des temps scolaires ; excepté pour le CEL
qui est un partenariat pour organiser les activités hors temps scolaire pour les élèves qui restent au restaurant
scolaire. On peut penser que cela peut avoir des incidences sur une délinquance éventuelle. Mais ce n’est pas en
rapport direct. Mais je pense que cela peut avoir une incidence. En ce qui concerne le CEL par exemple, pour ces
enfants qui vont être amenés à faire des activités pendant le temps périscolaire de midi à deux, c’est aussi une
façon de les amener après à fréquenter des clubs plutôt que de traîner dans les rues. Donc ça a de toute façon une
incidence. C’est ce qu’il faut se dire. Moi je trouve que ça fait partie de la prévention de la délinquance.
6/ S’il fallait améliorer le dispositif CLSPD, que proposeriez-vous ?
Je le connais très peu donc ça va m’être très difficile hein. J’imagine qu’il y a beaucoup de gens qui sont
mobilisés pour aller dans le sens d’une prévention la plus précoce possible. Mais si vous voulez j’avoue que je
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- XXI -
Annexes : entretien n°7 avec Lysiane PRILLEUX.
connais plutôt ce qui a trait au temps scolaire. Mais je pense que les institutions type « CLSPD » sont des
institutions qui ont certainement à vivre et peut être à se multiplier. Croiser les regards c’est toujours quelque
chose de positif.
7/ Quels objectifs aimeriez-vous atteindre en terme de prévention de la délinquance ?
Au niveau de la prévention pour les élèves scolarisés dans le premier degré, c'est-à-dire de la maternelle au CM2,
je trouve que la mairie fait déjà le maximum ne serait-ce qu’au niveau des locaux. Moi ça fait 5 ans que je suis
ici et c’est vrai qu’il y a déjà eu beaucoup de choses de faites dans ce domaine là. Vraiment il y a tout un travail
qui se met en place autour des locaux scolaires et ça c’est du qualitatif pour les élèves et les enseignants. Et puis
ça a des répercussions en terme de prévention de la délinquance (la réorganisation des cours de récréation par
exemple permet de minimiser les risques de violences).
8/ Les institutions partenariales type CLSPD permettent-elles une transversalité de l’information entre les
différents acteurs ?
Je pense que cela permet une transversalité, parce que cela permet de croiser des regards avec des personnes de
fonctions différentes et toujours dans un but commun parce qu’on a toujours l’objectif commun d’un service
public de qualité. Là par exemple. J’étais en train de décrocher des emplois du temps pour l’année prochaine et
j’ai laissé les référents éducation nationale de la brigade de gendarmerie d’Amboise ; Parce que je sais que si j’ai
un problème dans une école, j’ai un gendarme qui est référent pour chaque école. Cela renvoie à une convention
signée entre le ministère de l’intérieur et l’éducation nationale et qui se met en place ici. Alors c’est vrai que je
n’ai jamais eu recourt aux gendarmes parce que dans les écoles du premier degré il n’y a pas vraiment de
délinquance. Dans le cadre scolaire, le logiciel que l’on doit remplir régulièrement (SIGNA), est toujours resté à
néant parce que très honnêtement – et tant mieux – dans le cadre de l’école il n’y a pas de prévention… Pardon,
il n’y a pas de délinquance. Franchement on est encore bien épargnés sur Amboise.
9/ Au niveau d’Amboise, avez-vous eu des remontées d’informations de directeurs d’écoles de premier degré et
qui se seraient plaints d’éventuels faits de violence ou de délinquance dans leurs établissements ?
Non je n’ai jamais eu de remontées d’informations de ce type. Depuis que je suis ici on n’a jamais rien déclaré
sur le logiciel SIGNA.
Je vous remercie.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- XXII -
Annexes : entretien n°8 avec Patrick BIALES.
Le 03/07/2006. Dans l’après-midi.
Durée : 5 minutes.
Entretien n°8 avec Patrick BIALES.
(Conversation téléphonique).
Directeur éducation jeunesse et loisirs.
Chef de service des affaires scolaires.
1/ L’inspectrice de l’éducation nationale affirme qu’il n’y a pas vraiment de problèmes de délinquance et de
violence au niveau des établissements scolaires d’Amboise. Cela fait 5 ans qu’elle n’a rien déclaré au niveau du
logiciel SIGNA. Est-ce que tu es d’accord avec elle?
Oui. C’est globalement vrai. Oui enfin il faut aussi se méfier du logiciel SIGNA. Aucun établissement et aucune
académie ne souhaite être fichée « à risque » ou « concernée par des faits de délinquance ». Donc j’imagine que
certains établissements n’hésitent pas à passer sous silence certains faits de délinquance ou de violence et qui
pourraient nuire à l’image de leur institution. Ce n’est peut-être pas le cas à Amboise, mais c’est quelque chose
qu’il faut vraisemblablement prendre en compte au niveau national.
3/ Encore une preuve, s’il en faut, de la difficulté de produire des statistiques de la délinquance qui soient
réellement représentative de la réalité…
Oui. J’ai un vieux copain de promo (ndlr : Patrick Bialès est diplômé de science po Grenoble) qui est spécialisé
sur ces questions-là. Il s’appelle Sebastian Roché. Tu pourras le contacter de ma part si tu veux.
4/ oui, merci beaucoup.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- XXIII -
Annexes : entretien n°9 avec José RODRIGUES.
Le 30/06/2006. 14h30.
Durée : 1heure 45 minutes.
Entretien n°9 avec José RODRIGUÈS.
Responsable du service logement de la ville d’Amboise.
1/ Le ministre de l’intérieur entend généraliser les CLSPD aux communes de plus de 10 000 habitants. Est-ce
que cela fait écho à une demande locale ?
Moi je pense que oui et je pense que c’est une bonne chose. Vouloir essayer de faire quelque chose dans le
domaine de la prévention, c’est toujours quelque chose de positif. Je pense que c’est vraiment quelque chose qui
vient des municipalités.
2/ Est-ce que le CLSPD d’Amboise est un dispositif pertinent et efficace ? Que faudrait-il faire pour encore
l’améliorer ?
Le dispositif CLSPD est quelque chose dont on entend parler. On sait qu’il y a un certain nombre de
concertations qui sont menées sur la base de groupes thématiques de travail. Moi j’ai été convié à un groupe
mais malheureusement je n’ai jamais vraiment pu assister au CLSPD. De façon indicative, pour améliorer le
dispositif, je pense qu’il faudrait essayer de faire comprendre aux différents partenaires qu’il est important
d’essayer de faire quelque chose en commun pour aider la jeunesse à trouver ses marques – parce qu’en général
quand on parle de « prévention de la délinquance », on parle des jeunes. Si éventuellement la collectivité pouvait
récupérer des moyens financiers ou humains pour dépêcher un éducateur spécialisé qui pourrait arpenter les rues
de Malétrenne par exemple… Je veux dire, si éventuellement un partenaire comme l’OPAC37 pouvait obtenir
un financement pour un petit local à Malétrenne et où on pourrait créer un lieu de rassemblement pour les
jeunes… Ce serait le top ! Je pense que le truc c’est quand même d’être en lien avec tous ces partenaires. Alors
c’est vrai que l’OPAC37 est un partenaire essentiel dans la commune au niveau du logement : ils ont 600
logements sociaux sur le quartier de Malétrenne, qui est le plus gros à Amboise. Par ailleurs on sait que les
locataires de l’OPAC sont fâchés parce que les jeunes squattent à droite et à gauche, parce qu’ils font du bruit,
parce qu’ils ont rien à foutre, parce qu’ils bouffent devant leur porte etc. Alors nous, en tant que « ville
d’Amboise », on se dit qu’on voudrait que les choses puissent bien se passer entre nos jeunes et les locataires de
l’OPAC, et on se demande si on ne pourrait pas mettre en place quelque chose de commun en se disant que le
bien-être des locataires c’est le bien être des citoyens d’Amboise. Moi je ne suis pas sûr que jusqu’à aujourd’hui
– alors moi je ne veux pas critiquer le fonctionnement ou dire que le fonctionnement n’est pas bon – je pense que
très honnêtement il n’y a jamais eu quelque chose de fait j’allais dire « correctement » : je veux dire que dans le
cadre du CLSPD on t’invite à une réunionite machin mais il n’y a jamais eu de réelles directives, de réelle
cohérence. Voilà. On ne nous a jamais dit : « le CLSPD c’est ça », « sa compétence peut-être ça » etc. Je pense
que le CLSPD peut-être un bon outil de travail pour notre jeunesse et non seulement pour la jeunesse mais pour
tout le monde : quand un locataire se sent bien et qu’il n’a pas besoin d’appeler son propriétaire pour lui dire
« machin m’a fait chier parce qu’il fait du bruit ou parce que ses gamins sont en train de squatter dans mon soussol », si le locataire ne fait pas ce truc là, le propriétaire va être un peu plus peinard et pour nous socialement, ce
sera aussi un peu plus peinard. Le CLSPD existe. Le CLSPD est là. Heu on fait des petits trucs genre « bourses
aux projets »… Bah euh ça fait 90 euros par ci, 90 euros par là. C’est bien ces petites actions. Mais il manque de
la cohérence à tout ça. Voilà. Je pense que si on arrive devant les gens en disant : « voilà, l’institution elle est
comme ça, on a le droit de faire ça, on peut faire ça et on envisage d’aller dans ce sens là » ce sera plus
constructif. A partir du moment où on sait qu’il y a un chapeau et que on sait où on veut aller de façon précise,
c’est déjà plus clair. Qu’est ce qui marche dans le CLSPD ? La bourse aux projets essentiellement.
3/ Que penses-tu des concertations qui se font au niveau des groupes thématiques du CLSPD ?
Moi au début j’avais été convié par l’élu des sports qui pilotait le groupe n°1 sur la cité scolaire... Bin tu vois,
quand on s’est concerté tous ensemble sur la cité scolaire et que l’on a dit d’une seule voix : « voilà il y a des
choses qui se passent ici, qui ne sont pas très catholiques : On a deux ou trois mille jeunes qui se baladent là
dedans, c’est une fourmilière de tout et n’importe quoi qui peut amener à n’importe quelle catastrophe »… Bon
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- XXIV -
Annexes : entretien n°9 avec José RODRIGUES.
je me suis dit : « cool, ils vont faire un plan de circulation, ils vont mettre ce putain d’éducateur qu’on réclame
depuis des années, et qui va tourner là dedans, faire des repérages etc. ». Je veux dire que moi je m’attendais à
quelque chose de concret parce que là c’est quand même la cité scolaire, un pôle extrêmement dynamique
d’Amboise … Or aujourd’hui il n’y a encore rien de fait. Mais tu sais Jean-Baptiste, le truc c’est que quand t’es
dans des réunions comme ça, avant qu’un certains nombre de nos partenaires puissent comprendre que la
transversalité de l’information peut-être quelque chose de bénéfique pour tout le monde, je vais te dire… Ce
n’est pas pour aujourd’hui ! Quand tu discutes avec les assistantes sociales du territoire de vie sociale (TVS,
CG37) et qu’elles refusent de te donner des informations sur des familles en difficulté, c’est bidon, ce sont des
secrets de Polichinelle. Moi je n’ai pas honte de dire que c’est moi qui ai créé les restos du cœur à Amboise.
Mais les gens qui viennent aux restos du cœur d’Amboise viennent aussi au CCAS parce que les restos leur
filent un repas, deux repas par jour… Mais après ? Comment ils font pour bouffer ? Ils ne bouffent pas. Que les
gens viennent aux restos chercher leur colis et un petit complément au CCAS, moi je n’y vois pas
d’inconvénients. Tu vois ? Mais après, t’as un certain nombre de familles qui savent faire et qui savent profiter.
Il y a toujours le problème de la fraude au système social. A ce moment-là, en théorie, t’arrives derrière et tu dis :
« nous on est une administration donc on a un fichier qui nous est envoyé par une autre institution qui est le
conseil général donc c’est répertorié et on le sait ». Par exemple aux restos du cœur, quand ils rencontraient des
familles susceptibles de « manger à plusieurs rateliers », ils appelaient ici et puis ils me disaient « t’as vu on a
encore la famille Bidule » et je leur disais « non, tu n’as pas besoin de l’avoir car pour l’instant elle est suivie par
une autre institution ». Tu vois ? Une concertation de ce type ce n’est pas compliqué ! Après moi je ne veux pas
fliquer les gens mais simplement essayer de faire comprendre à un certains nombre de gens qui ont abusé du
système que cela ne fonctionne pas comme ça et que maintenant il serait temps qu’ils rentrent dans le rang et
laissent passer les copains. Mais en pratique, quand tu arrives dans un discours ou tu dis : « ça serait bien qu’on
regroupe nos informations, qu’on ait une vraie coordination »… ah bah non, ce n’est même pas la peine.
4/ Tu veux dire qu’il y a un problème de cloisonnement de l’information ?
Voilà. Par contre, eux quand ils ont besoin de quelque chose, c’est tout de suite. Le conseil général te sollicite
pour une demande X ou Y, il faut que cette demande soit honorée tout de suite. Tu n’as pas à te poser de
questions. Mais attention c’est mal vu de faire remonter les informations de son propre chef. Exemple, quand on
vient me voir avec un document de l’assistante sociale départementale m’indiquant que madame Tartempion
habite seule avec ses deux enfants, qu’elle est en difficulté et qu’il faut que je lui donne un colis … Moi je
prends ma base de données propre et je m’aperçois que Madame Tartempion habite en réalité avec Monsieur
Untel. Alors toi quand tu t’aperçois de ce petit truc là et que tu dis à l’assistante sociale du TVS : « fais gaffe
parce que celle là elle habite avec Untel ». La réponse est : « Ah bah non, nous on ne le sait pas ! ». Ah ouais !
Toi tu sais pas !...Tu vois ? La première des choses qu’on fait c’est qu’on te remet à ta place et on te dit : « hou
là, mais de quoi je me mêle, on ne m’a pas informé ». Alors moi je lui dis : « mais tu crois que madame
Tartempion va te dire qu’elle est maquée avec machin bidule et puis qu’on va lui supprimer ses allocs ? ». Tu
crois ? Evidemment que non. Autre exemple, le diagnostic de parentalité mené par la CAF et la ville d’Amboise
à Malétrenne. Moi lorsque j’ai été convié à la première réunion j’ai dit : « surtout, n’arrivez pas avec votre
casquette de la CAF car pour les habitants de Malétrenne, CAF égale Contrôle. ». Alors là pfff…Je pense que ça
a fait une révolution. Bon car il faut savoir que la moitié des gonzesses qui sont dans les logements HLM de
Malétrenne sont des femmes célibataires avec un ou deux gosses tu vois…mais elles ont toutes un mec… toutes.
Sauf que si tu déclares le mec à l’aide au logement, les parts changent, l’API est supprimée, il y a eu séparation
etc etc. Mais je comprends moi : tu sais la situation de la minette qui a eu une séparation qui ne s’est pas
forcément bien passée, heu elle n’a pas forcément envie de remettre ça de façon institutionnelle, de déclarer son
mec et que finalement dans un mois ou dans six mois cela ne se passe pas bien et puis que l’autre se tire
encore… Tu vois ? Je comprends bien ce raisonnement… Sauf que il y en a plein qui habitent illégalement les
logements HLM toute l’année et ce pendant plusieurs années. Et puis quand tu vas voir comment ça se passe au
concret : la nana elle est tout seule dans son coin et le mec met tout son fric dans le tiercé et dans le biniou ou la
drogue et comme ils ne sont pas déclarés ensemble lui il a son compte et elle elle a le sien, « Donc tu te
démerdes avec ton loyer et puis si t’as un problème tu vas voir ton assistante sociale »… Tu vois ? La mentalité
qui règne c’est ça ! Et quand tu fais remonter ce genre d’informations au niveau du TVS… Pffuit…On n’en veut
pas. Il y a un refus de l’information. C’est automatique. Maintenant, il faut dire aussi que tout dépend des
personnes avec lesquelles tu travailles ! La réussite ou non d’un partenariat est fonction des personnes. Par
exemple, avec Anne Blineau qui est une des AS territoire de vie sociale ça se passe beaucoup mieux! On
échange des informations. On travaille ensemble. Ça c’est royal ! Je veux dire là tu sors d’une logique
d’institution et tu fais un vrai travail social.
5/ Une « logique d’institution »... Est-ce qu’on retrouve ce problème au niveau du CLSPD ?
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
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Annexes : entretien n°9 avec José RODRIGUES.
Oui. La mentalité qui domine c’est : « je viens pour moi, pour récupérer des subventions pour mon institution, ou
ne serait-ce que des dossiers et des informations, et puis le reste, le problème de la délinquance ou le problème
de la jeunesse, j’en ai rien à foutre quoi »…Non mais c’est ça ! C’est « je viens juste rechercher du pognon pour
mon action bidule et puis c’est tout ». C’est un petit peu dommage.
6/ A Amboise, les quartiers de logements sociaux (verrerie, malétrenne) sont considérés comme étant les
principaux foyers de délinquance. Qu’est ce que tu en penses ?
C’est vrai que l’on assimile à chaque fois les deux quartiers que constituent La Verrerie et Malétrenne en raison
des difficultés sociales qui s’y tissent, et puis en raison des faits de délinquance qui peuvent y survenir. Mais il
faut souligner que la délinquance qui concerne ces deux quartiers n’est pas une grande délinquance. Il faut
également souligner qu’on ne peut pas du tout assimiler La Verrerie à Malétrenne : ce n’est pas du tout le même
rythme de vie, ce n’est pas du tout les mêmes gens, ce n’est pas du tout les mêmes quartiers. Le quartier de
Malétrenne est un quartier ancien : fin des années 1950 début des années 1960. La durée moyenne de vie dans un
logement est de 10 à 17 ans, donc déjà une bonne partie de la vie. Je pense que la délinquance à Malétrenne est
due à un phénomène d’instabilité : les délinquants ne savent pas trop comment faire, ils ne savent pas trop quoi
faire, je pense que ce sont des gens en perte de repères. Tu vois ? Ce n’est pas proprement dit de la
« délinquance » parce qu’à Malétrenne tu ne retrouves pas tous les problèmes qu’il peut y avoir dans les cités ou
dans les ZUP. Bon en plus, tu remarqueras que Malétrenne n’est pas classé ZUS. Les gens qui habitent à
Malétrenne c’est principalement des papys- mamies (première génération), et puis les enfants de ces papysmamies qui tournent autour de la quarantaine- cinquantaine (deuxième génération), et puis une génération
nouvelle de jeunes d’une vingtaine d’années (troisième génération) : je pense que c’est cette troisième et dernière
génération qui se cherche un petit peu. A Malétrenne, sans parler du FJT, il n’y a jamais eu de structure pour les
jeunes : pas de foyer, pas d’annexe MJC ou du centre social « Les acacias ». Dans le quartier de Malétrenne tu
n’as pratiquement aucune association, aucune activité : t’as une course de vélo une fois dans l’année et encore,
t’as un foyer pour les personnes âgées – et encore il semble bien petit pour accueillir toutes les personnes âgées
de Malétrenne – t’as une salle des cartes, t’as la pétanque… Mais en dehors de ça, il n’y a rien ! Quand tu
imagines un quartier comme Malétrenne où il y a en gros 600 logements et où il n’y a même pas d’association de
locataires, c’est impressionnant quand même ! L’OPAC37 n’a jamais eu d’interlocuteur fixe par rapport à tel ou
tel souci ! Il n’y a strictement rien et c’est quand même extraordinaire que dans un quartier aussi gros que ça, il
n’y ait jamais eu cette cohésion sociale entre les gens pour essayer de regrouper quelque chose… A l’inverse, le
quartier de la Verrerie est un village. Les gens y sont chez eux. Il y a un certains nombre d’années il y avait des
commerces, une pharmacie, un médecin etc. Ils avaient tout sous la main. Bon tout ça a disparu mais l’esprit de
village reste très prégnant à la Verrerie. Ça a disparu parce que les grandes surfaces, Intermarché à l’époque,
Leclerc aujourd’hui, se sont installés à proximité etc. Ceci relié au fait qu’il y a eu quelques petits soucis avec les
petits commerces de proximité qui étaient plus chers que le supermarché etc. Je pense que c’était un petit peu
tout ça. Ça a vidé quelque peu le quartier de son âme. Mais ça reste toujours un village. Et puis, le problème du
quartier de la Verrerie, c’est que à l’origine de sa construction en 1973, il devait avoir une identité qu’il n’a pas
aujourd’hui. A la base c’est un quartier qui avait été construit pour un certains type de clientèle : c’était Dassault,
ses ingénieurs, son personnel…Donc des gens un peu plus aisés que les familles que l’on a actuellement. Le
problème c’est que Dassault ne s’est finalement pas installée à Amboise et que la ville s’est retrouvée avec une
multitude de logements disponibles qu’elle a transformés en logements sociaux.
7/ Est-ce que tu pourrais m’en dire un peu plus là-dessus ?
C’était au moment de la guerre du Vietnam, dans les années 1970. Le maire de l’époque, également ministre de
la défense nationale, Michel Debré, était « administrateur » ou quelque chose comme ça de communes ou d’un
canton en Indochine, Vietnam, Laos… Toute cette région-là. Bon. Et comme les populations de là-bas fuyaient
leur pays, elles ont été rapatriées un peu partout en France. Moi je me rappelle qu’on en a eu à Joué lès Tours
pendant longtemps. Et puis heu… le problème de la municipalité de l’époque c’est qu’ils se retrouvaient avec 85
logements tout neufs à la Verrerie mais désespérément vides puisque finalement Dassault avait décidé de ne plus
s’implanter à Amboise. A l’époque, Michel Debré qui était donc ministre de la défense nationale mais aussi
maire d’Amboise a décidé que la ville d’Amboise pouvait accueillir des populations asiatiques. Et puis voilà. On
les a entassé à « la Verrerie ». Mais bon la connerie, et j’imagine que toutes les collectivités ont du faire les
mêmes conneries, c’est qu’on a balancé toutes ces populations immigrées dans un quartier excentré et sans les
intégrer à la population amboisienne. A l’époque, quand une famille immigrée arrivait, on se disait : « aller il y
en a déjà là bas et qui sont bien entre eux, pfuittt on les envoie là-bas ». C’était automatique. C’est
malheureusement ce que l’on reconnaît dans toutes les ZUS même si le phénomène de « communauté » existe de
façon naturelle : les populations immigrées ont tendance à s’attirer, c’est comme ça. Moi par exemple, je suis
issu de l’immigration avec la deuxième génération, troisième génération heu… A Joué lès tours tu avais tous les
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
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Annexes : entretien n°9 avec José RODRIGUES.
« portos » qui étaient dans un quartier quoi ! Et ils se regroupaient directement. Mais c’est vrai que c’est quand
même lamentable de se dire qu’on n’a pas eu à l’époque le réflexe de penser à mieux intégrer ces populations-là.
Et c’est quand même lamentable de s’apercevoir que même encore aujourd’hui on se dit : « bah t’es Mohamed
Machin, alors on va te caser à la Verrerie ». La mixité de population, c’est ce que tout le monde aurait du faire.
Les gens ne sont pas contre l’intégration sauf qu’ils n’ont pas le choix. Quand ils arrivent dans des villes comme
la nôtre et qu’on leur dit : « ben voilà, vous avez une rotation de logements très faible mais si il y a une
opportunité, elle se fera automatiquement dans les endroits où les gens n’ont pas forcément envie d’habiter, c’est
le quartier de la Verrerie, est ce qu’éventuellement vous êtes intéressés ? ». Bah bien sûr qu’ils sont intéressés !
Mais comme c’est la famille Mohamed, bah elle va atterrir à la Verrerie. Parce que t’as pas le choix. Si tu avais
la même rotation à Malétrenne, bah tu les caserais à Malétrenne. Sauf que tu n’as pas de rotation, donc on est
coincé… Et par ailleurs c’est vrai qu’en raison du phénomène de regroupement dont on a parlé tout à l’heure,
t’as beau aller leur dire « bah écoutez rapprochez-vous du centre ville », rien n’y fait ! Moi depuis 8 ans que j’ai
pris le poste du service logement je n’ai réussi qu’à enlever 3 familles du quartier de la Verrerie. Tu vois ? Et je
les ai réimplantées à Malétrenne. Et l’excuse pour les déloger de là-bas c’est que c’était des gens qui avaient au
moins 4 enfants en bas âge et que j’ai réussi à les convaincre en leur disant : « vous savez les collèges, ils sont de
l’autre côté. Vous savez que la cantine vous coûte très cher. Vous n’avez pas les moyens de payer la cantine ni le
transport tous les jours. Donc vous allez laisser vos enfants plus ou moins à l’abandon parce qu’à midi ils
n’auront pas le temps de venir manger etc. » Encore, pour la première année du collège (la sixième), ils vont leur
payer la cantoche, se sacrifier un peu plus, mais à partir de la cinquième, tu es grand, surtout si tu es un garçon,
tu te débrouilles, tu vas chercher ton petit bout de baguette à Atac que tu vas payer 30 centimes, tu t’achètes ta
petite boîte de thon que tu vas mettre dedans et que tu vas tasser à l’intérieur… Et voilà ton casse- croûte ! Et les
enfants vont manger ce genre de conneries ou alors ils rentrent à pied du collège vers la Verrerie. Tu vois ? C’est
lamentable ! Il n’y a que comme ça que j’ai réussi à enlever ces 3 familles du quartier de la Verrerie !
8/ Et ces familles que tu as réussi à implanter à Malétrenne, que sont-elles devenues ?
Tu n’en entends pas parler. Ils vont au boulot. Les gamins rentrent manger le midi. T’as pas d’impayés de
facture de cantine. T’as pas de demande d’aide sociale. Etc. Mais chez toutes les autres familles implantées à la
Verrerie que j’ai tenté de réimplanter à Malétrenne, le premier truc qu’on me dit c’est : « moi je ne veux pas
partir de la Verrerie »… Et les gens ne veulent pas partir de leur quartier de la Verrerie, même si socialement
c’est difficile, même si c’est un quartier pauvre. Sauf que les gens s’entraident encore. Même s’il y a trois,
quatre, cinq, six ethnies différentes, c’est un quartier cohérent, solidaire. A Malétrenne, t’as très peu de locataires
issus de l’immigration, les anciens s’entraident encore un petit peu, mais le reste ? C’est « chacun pour sa
pomme », « on ne se connaît même plus », « on ne se parle plus » et « lorsqu’on se parle c’est pour
s’engueuler ».
9/ Selon toi, il y a une dynamique plus intéressante à la Verrerie qu’à Malétrenne ?
Ouais. C’est clair. Il a plus de chose à faire à Malétrenne qu’à la Verrerie. Mais attention ! La Verrerie il ne faut
pas la lâcher hein ! Parce que pour une fois qu’on s’occupe de ce quartier… Parce que tu peux regarder dans
toutes les stats et dans tous les documents administratifs de la mairie… Jusqu’à maintenant, la Verrerie n’existait
pas… Elle a existé une fois en 5 ans ou en 7 ans, quand un premier ministre est arrivé ici pour avoir des tomates
dans la tronche. Alors là oui elle a existé. Parce qu’on a refait les peintures, on a refait un tas de trucs, on s’est
intéressé à ce quartier parce que il y avait un évènement politique. En dehors de ça, et des périodes de
campagnes ou d’élections pour venir serrer la paluche à Pierre, Paul et à Machin, ça s’arrêtait là. Et c’est vrai que
pour une fois qu’on a quelque chose qui est enclenché avec le projet de rénovation urbaine (ANRU), faut pas les
lâcher. Faut pas oublier que le plus fort taux des jeunes c’est à la Verrerie. C’est l’avenir ! Il ne faut pas les
lâcher maintenant, ça c’est clair ! C’est un vivier qui est extraordinaire ! Et là-bas aussi il faudrait qu’il y ait un
éducateur de rue, comme à Malétrenne.
10/ Le diagnostic de 2002 mettait en avant un problème d’espaces verts en friche au niveau de la Verrerie. J’ai
eu l’occasion de constater que cela n’avait pas vraiment changé. A quoi cela est du ?
C’est « chacun sa merde » si je puis me permettre. On retombe dans la logique d’institution dont je t’ai parlée
tout à l’heure. Quand tu prends la rue Joachim du Bellay, tu verras les employés municipaux en train de tondre
juste un morceau de pelouse et tout le reste c’est l’OPAC37 qui en a l’entretien – sauf devant le centre social.
Voilà.
11/ Est-ce que le problème ne se tient pas là ? Si la ville ne dispose pas d’un schéma d’ensemble que ce soit au
niveau urbain ou au niveau des espaces verts, c’est peut-être aussi par que le territoire communal est divisé
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
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Annexes : entretien n°9 avec José RODRIGUES.
entre l’OPAC37 (rattaché au département), Touraine logement et la municipalité ?
Oui il y a toute une logique de territoire… Par exemple je t’ai parlé de Malétrenne que je connais bien. Mais je
ne t’ai pas parlé du quartier de la Patte d’Oie, qui est juste à côté, et qui dépend de Touraine logement. On n’a
pas vraiment d’informations sur ce quartier-là. On sait qu’il y a des difficultés mais c’est tout. L’information ne
circule pas. Tu traverses la frontière de la place de la Croix Besnard, et pffuit, tu connais plus rien.
12/ Le partenariat c’est si compliqué ?
Tout est très compliqué parce que quand tu prends par exemple un bâtiment de Malétrenne, tu t’aperçois que le
bâtiment appartient à l’OPAC37, les marches appartiennent à l’OPAC37, par contre le trottoir appartient à la
ville. Mais l’espace vert qui est à côté, il n’appartient pas à la ville, il appartient à l’OPAC37. Donc quand les
gens gueulent parce que le trottoir est complètement défait, ils appellent l’OPAC. Et à l’OPAC on leur dit : « bin
non, il faut appeler la mairie ». Mais tu vois ? C’est ça ! Et tout est comme ça ! Là c’est juste une histoire de
pognon ! Mais cela ne veut pas dire que le partenariat est inutile. Je pense que dans le quartier de Malétrenne, le
diagnostic de parentalité de la CAF peut-être quelque chose de bénéfique. Parce que si l’on arrive dans ces
petites réunions, à trouver un certains nombre de gens pour devenir des représentants de locataires, pour devenir
des interlocuteurs, ça serait une bonne chose ! Parce que c’est vrai que quand tu imagines un quartier comme
Malétrenne où il n’y a pas de représentants de locataires, pas de représentants de quoi que ce soit, tu n’as pas de
source d’information, pas d’instrument de prévention. L’idéal à Malétrenne serait d’organiser des réunions par
cages d’escalier – comme ce qui s’était fait à la Verrerie il y a quelques années. L’avantage du quartier de la
Verrerie c’est que t’avais 12 entrées donc t’étais tranquille au niveau du dispositif : on faisait une réunion par
mois et ça durait toute l’année. C’est l’OPAC37 qui avait porté tout le projet et ce grâce au soutien de JeanFrançois PAUFERT, directeur de l’antenne OPAC37 sur Amboise. C’était une collègue de l’OPAC, MarieHélène, qui faisait le secrétariat de ce dispositif : convocations, réunions, comptes rendus etc. C’était vachement
cool. En tant qu’agent OPAC, Marie-Hélène savait qui habitait à tel endroit. Chaque mois elle envoyait un petit
mot aux locataires d’une cage d’escalier en leur indiquant : « tel jour, à 18h - 18H30, dans votre hall, vous
pourrez rencontrer les élus, le service logement, le propriétaire, les associations etc. ». Pépère ! Tu arrivais en bas
de l’immeuble le soir, t’avais des gens qui t’attendaient… Il n’y en avait pas 50 ! Parce que c’est toujours pareil !
Pour que les gens descendent pour venir te dire du mal du voisin… ça ne se fait pas ! Mais on en a toujours eu 5
ou 6, tu vois, qui étaient là. Mais de bouche à oreille, ça s’est su. Et les gens qui étaient là, bin ils nous disaient
ce qu’ils avaient envie de dire. Tu vois ? Et puis toi tu l’écrivais, t’avais des comptes rendus…Par ailleurs, on
avait défini un interlocuteur privilégié par cage d’escalier, ce qui nous faisait 12 interlocuteurs. Ces 12
interlocuteurs étaient conviés trimestriellement à des réunions, pour leur permettre de faire remonter leurs
informations. Ces interlocuteurs étaient devenus de réels partenaires ! Et c’est grâce à ces réunions que l’OPAC
s’est aperçu qu’ils avaient deux employés d’immeuble qui n’en glandaient pas une. Donc ces employés ont été
mutés et ça a servi à ce que les locataires aient été un peu plus contents parce que leur escalier était un peu plus
propre et fait plus régulièrement. C’est tout con, mais encore fallait-il le savoir ! Ce dispositif était réellement
constructif parce que derrière il se créait tout un travail civique : c’est chez toi quoi, s’il y a le bordel, bin t’es
quand même un petit peu responsable ! Civiquement si tu ne joues pas ton rôle, tant pis pour toi, tu subis et puis
c’est tout ! Bon, pour Malétrenne, la CAF a dit que c’était une bonne idée et cela a aussi été soutenu par le
président du centre social « Les Acacias »… Après je ne sais pas ce que cela va donner.
13/ Est-ce que le dispositif existe toujours au niveau de la Verrerie ?
Non parce que malheureusement Marie-Hélène qui était ma collègue a été mutée à l’agence de Joué lès Tours.
Quand Marie-Hélène est partie, Jean-François (directeur de l’OPAC) a dit : « on va proposer à la remplaçante de
Marie-Hélène qu’elle reprenne le bébé si elle le souhaite ». On a eu malheureusement quelqu’un qui n’est resté
que deux mois. ça n’a pas collé du tout. Et puis la nouvelle qui est là, Carine, n’a pas les mêmes capacités pour
faire ce genre de choses. Socialement elle n’a pas la même vision… Et puis ce n’était pas forcément dans ses
attributions. Et Jean-François m’a dit : « bon écoute, moi j’ai mon boulot, elle elle a son boulot, on va dire que
c’est à la collectivité de reprendre le bébé ». Moi avec ma goule enfarinée, j’ai proposé ça il y a plus de deux ans
et il y a plus de deux ans que j’attends encore… Tu vois ? Et le truc c’est de se dire que si la collectivité va voir
le directeur de l’OPAC37 en lui disant : « écoute nous on aimerait bien remettre ça au goût du jour et faire ça sur
le quartier de la Verrerie ou de Malétrenne, est ce que tu veux participer, nous donner un coup de main, nous
donner le nom des locataires etc… », tu vois ? C’est là que ça devient intéressant. Et c’est sur cette base que le
partenariat peut se créer ! C’est du donnant-donnant !
14/ C’est d’autant plus intéressant pour la mairie que l’OPAC37 dispose d’une base de données statistiques
assez considérable...
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
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Annexes : entretien n°9 avec José RODRIGUES.
Tu verrais, c’est énorme. Mais le problème est aussi ailleurs. On connaît déjà plus ou moins le diagnostic sur
Malétrenne… On sait que la délinquance est là. On sait que c’est un quartier de vieux ou de familles
monoparentales. On sait qu’il y a un problème entre les anciens et les jeunes… On sait tout ça ! Mais maintenant
on fait quoi ? Tu vois ? C’est ça ! On est invité à des réunions où pendant des heures on dit : « on va faire ceci,
cela ». Oui ! Mais à partir d’un certains moment, il faut arrêter de dire et il faut faire !
15/ Beaucoup de partenaires se plaignent d’une absence de cohérence des dispositifs de type partenariaux... Estce qu’il n’aurait pas été plus judicieux d’incorporer le diagnostic de parentalité sur Malétrenne aux travaux du
CLSPD ?
Ah bah non ! C’est la CAF ! Et comme ce n’est pas toi qui pilote et bien tu laisses se démerder l’autre. Il ne faut
pas croire que l’on va travailler ensemble hein ! C’est la CAF qui pilote, toi tu n’es que « partenaire » : donc
c’est elle qui organise les réunions, qui envoie les convocations et qui organise les débats. Juste le jour de la
réunion, tu viens pour dire ce que t’as à dire et puis t’en vas. C’est exactement la même chose lorsque c’est le
CLSPD qui pilote.
16/ ça veut dire qu’il y a autant de partenariats qu’il y a de pilotes ?
C’est ça ! Et après c’est la CAF qui va avoir les lauriers parce qu’elle aura réussi à pondre un diagnostic. Ce qui
manque en définitive, c’est un contrat de départ et par lequel chacun des partenaires s’engagerait à
l’accomplissement de tel ou tel objectif. Là ce serait plus clair. Mais si on veut réellement mettre ce genre de
chose en place, il faut y aller… Par exemple, moi depuis deux ans, je réclame un logiciel « logement ». Je ne les
ai pas lâchés moi. Et je vais l’avoir mon logiciel « logement ». On commence en formation au mois de
Septembre prochain. Ça leur a coûté la peau des fesses, mais j’en ai rien à foutre, c’est un outil de travail qui est
extraordinaire.
17/ C’est une base de données commune à la ville et à l’OPAC37 ?
Non c’est juste pour la ville et le logiciel que l’on a n’est pas compatible avec celui de l’OPAC37. Celui qui a le
logiciel, c’est à lui de le donner. Et quand tu vas voir l’OPAC et que tu leur dis : « bah nous, on aimerait bien
avoir votre logiciel ». Ils te disent : « non, c’est notre outil de travail, c’est notre machin, point barre ». Alors tu
leur dis : « mais vous imaginez bien le temps et le papier qu’on pourrait gagner avec de tels dipositifs ». Ah non :
« nous c’est l’OPAC, vous c’est la mairie.». ça fonctionne comme ça.
Je te remercie.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
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Annexes : entretien n°10 avec Isabelle GAUDRON.
Le 03/07/2006. 16h30.
Durée : 30 minutes.
Entretien n°10 avec Isabelle GAUDRON.
Adjointe déléguée aux relations extérieures, intercommunalité, développement économique et
touristique, foires et marchés, formation et emploi, nouvelles techniques de l’information et de la
communication.
1/ Le partenariat amboisien est un partenariat qui associe des représentants élus, des représentants de l’Etat
(gendarmerie notamment) et des représentants de la société civile. Que représente ce partenariat pour vous ?
Moi je pense que c’est tout à fait pertinent. Mais vous parlez de la gendarmerie… Est-ce que c’est vraiment leur
mission en ce moment, de faire de la prévention ? Non, ce n’est pas leur mission. En fin de compte, avec nos
partenaires, si on a tous les mêmes objectifs, on pourra faire des choses ensemble. Après c’est une question de
choix. Si effectivement on est avec des partenaires qui n’ont pas pour objectif la prévention, il est évident que le
partenariat va perdre en pertinence.
2/ Est-ce que l’institution partenariale de sécurité et de prévention de la délinquance fait écho à une volonté
locale ou est ce que c’est quelque chose qui tombe d’en haut ?
Une chose est sûre. Pour ce genre de projets, s’il n’y a pas une adhésion locale, il est certain que cela ne
marchera pas. Moi je pense que nos partenaires sociaux et associatifs sont quand même très engagés dans ce
genre de démarches. Donc je pense que le CLSPD fait vraiment écho à une volonté locale.
3/ Quel rôle joue le Maire dans ce type de dispositif ?
Je pense que les maires ont envie de mieux maîtriser les choses mais pas forcément de le faire seuls. Il faut faire
attention aussi à ne pas se substituer au rôle de l’Etat. C’est toujours la crainte qu’on a nous. On transfère des
charges aux maires, des pouvoirs… Mais est ce qu’ils en ont pour autant les moyens ? Pour l’instant ils sont
responsables de la sécurité sur le territoire communal mais ils n’ont pas de moyens d’agir ! Je ne sais pas si vous
avez rencontré le Maire mais le Maire vous expliquera ça mieux que moi, heu… Il n’a aucun pouvoir sur les
gendarmes ! : On a des problèmes dans certains quartiers. Bon on le sait. Qu’est ce qu’il fait ? Hé bien il appelle
le capitaine pour lui dire : « il faut aller là-bas». Mais il fait ce qu’il veut après le capitaine. Il y va ou il n’y va
pas ! Donc c’est peut-être là-dessus que les maires ont envie d’être mieux informés… Il peut se passer des
choses graves dans la ville, les gendarmes n’informent pas le maire !
4/ Que faut-il faire pour empêcher que ne survienne la délinquance dans les quartiers en difficulté ?
Il faut aider les familles en difficulté. En ce moment il y a une étude sur Malétrenne, un diagnostic de parentalité.
Moi je trouve que ça c’est vraiment intéressant. Parce que, on le sait, ce quartier est un quartier de femmes seules
avec des enfants. Il n’y a pas de père. Il faut qu’on les aide ces femmes-là, qu’on les accompagne afin qu’elles ne
soient pas débordées par des gamins qui font deux têtes de plus qu’elles et qu’elles n’arriveraient plus à
canaliser. Il faudrait donner à toutes ces familles en difficultés des meilleures conditions de vie, des meilleures
conditions d’éducation, des meilleures conditions de logement… Que les jeunes puissent trouver du boulot et
que l’on arrête de leur balancer : « ah bah non toi tu viens de ce quartier, je n’ai pas de boulot pour toi ». ça
existe ça à Amboise ! Moi je préside la Mission Locale Loire Touraine, on a des jeunes qui recherchent des
stages, même pas un emploi mais des stages, on leur dit : « t’habites à la Verrerie ? T’auras pas de stage ». Et
zou c’est réglé ! Et donc ça c’est pas acceptable. Et on peut imaginer quand même que ça aussi ça doit au bout
d’un certains moment peser dans la tête des jeunes.
5/ Qu’est ce que la délinquance à Amboise ?
C’est difficile de répondre dans la mesure où l’on mélange un peu des choses très différentes lorsque l’on parle
de délinquance. Derrière la « délinquance », on a aussi des actes d’incivilité… La question est de savoir à partir
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- XXX -
Annexes : entretien n°10 avec Isabelle GAUDRON.
de quand un acte d’incivilité devient un fait de délinquance. Et c’est toujours compliqué. J’ai quand même le
sentiment que la plupart des difficultés que l’on peut avoir à Amboise sont plus de l’ordre de l’incivilité – tant
mieux pour nous d’ailleurs – que de la véritable délinquance… Si ce n’est qu’on sait bien que c’est parfois le
début d’un comportement plus grave. C’est ma perception hein ! Est-ce que la réalité est comme ça ? Est-ce
qu’elle vécue réellement comme ça par les gens ? Je ne saurais le dire… Parce qu’on voit bien d’une façon
globale que les perceptions d’un certain nombre de personnes dans les quartiers populaires ne sont pas les
mêmes que celles d’autres personnes comme nous qui avons un regard extérieur sur ces quartiers : ce que nous
nous considérons comme des choses banales, ils les vivent parfois comme de véritables agressions.
6/ Et concernant la délinquance au niveau économique ou au niveau des zones industrielles par exemple… ?
Bah écoutez, c’est vrai que c’est quelque chose qui est revenu souvent dans les débats avec les chefs
d’entreprise… Il y a effectivement des vols : vols de matériaux, vols de véhicules etc. Bon, pour la plupart
maintenant, ces chefs d’entreprise se sont mieux équipés, mieux protégés : recrutement de gardiens, les
gendarmes font beaucoup plus de rondes dans les zones industrielles…ça c’est vrai. Je sais qu’à un moment, les
chefs d’entreprise ont essayé de trouver une solution pour mutualiser des moyens et faire un gardiennage mutuel
mais ça a échoué finalement. Donc pour l’instant, chacun fait avec ses moyens. En plus, c’est une délinquance
qui n’est pas d’ici, c’est des bandes itinérantes. A ce niveau, la prévention c’est plus de la protection. Voilà.
Maintenant les entreprises rangent la plupart de leur matériel à l’intérieur de leurs murs et plus dehors. Ils se sont
adaptés. Mais après on ne sait pas plus de choses que cela sur la délinquance dans les zones industrielles. Il n’y a
que les gendarmes qui ont de vraies statistiques mais on ne les connaît pas.
Je vous remercie.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
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Annexes : entretien n°11 avec Eric BERTRAND.
Le 04/07/2006. 10h.
Durée : 45 minutes.
Entretien n°11 avec Eric BERTRAND.
Directeur du centre social « Les Acacias ».
1/ Que représente la notion de partenariat pour vous ?
C’est une bonne idée puisque rassembler les partenaires afin qu’ils se concertent sur la délinquance et sur les
projets à mettre en place pour la prévention, c’est positif. Je veux dire, toute concertation est bonne à prendre.
2/ Est-ce que ce travail en partenariat fait écho à une demande des travailleurs sociaux, des acteurs de terrain,
où est ce que c’est une obligation qui tomberait d’en haut ?
Je pense que c’est davantage un compromis entre l’Etat et les autres acteurs de sécurité. Moi je n’ai pas connu la
mise en place du CLSPD ici. Je pense qu’il y a une certaine obligation dans le sens où on a quand même des
projets qui émergent suite à cette concertation, et qui sont financés par le CLSPD. Donc on ne peut pas ne pas
être présent dans les commissions CLSPD si on veut prétendre à l’obtention de subventions. Mais de toute
manière, même sans l’obtention de subventions, il y a quand même une nécessité à se rassembler, à se concerter.
On a quand même la volonté propre d’être présent. Alors on n’est pas présent à toutes les commissions parce
qu’on est quand même une petite équipe, mais on essaie d’être vigilant et de ne pas être trop absent.
3/ Que représente le CLSPD d’Amboise pour vous ?
Bah comme tout projet partenarial, le CLSPD heu… Moi je le vois plutôt par rapport à certaines commissions…
C'est-à-dire qu’en ce moment il y a certaines commissions qui ont émergé et qui sont dynamiques parce qu’il y a
un réel projet. Et puis il se peut que dans un futur proche ces mêmes commissions soient en chute parce que tout
d’un coup il n’y a plus de perspectives derrière, donc il y a moins de motivation… Mais c’est la vie intrinsèque
des partenariats, donc le CLSPD n’échappe pas à ça. Je pense qu’il y a réellement une volonté de la ville de
l’animer régulièrement et de provoquer constamment la concertation donc ça je pense que c’est une bonne chose.
Non moi je ne vois pas de difficulté particulière. Quand je suis arrivé ici, c’est vrai que le CLSPD m’a permis
d’être rapidement en lien avec les autres partenaires. Après, c’est sûr qu’il conviendrait de pousser plus loin la
politique de la ville en matière de jeunesse et de prévention de la délinquance. Créer une vraie cohérence dans ce
domaine. Il y a un vrai défaut de la ville, et ce n’est pas lié qu’au CLSPD, au niveau du pilotage. Moi je le vois
surtout au niveau de la jeunesse heu… c’est qu’on n’a pas d’objectifs clairs ! Il y a une multitude d’acteurs sur la
jeunesse : nous, le service jeunesse de la ville, la MJC, le FJT et biens d’autres, et il n’y a vraiment pas de
cohérence entre tout ça… Et la ville d’Amboise, mais moi je le dis depuis que je suis là, ne peut pas se permettre
d’avoir autant d’acteurs que ça sur la jeunesse sans une cohérence… Et à la limite, la cohérence voudrait qu’il y
ait moins de structures qui interviennent sur la jeunesse. Parce que c’est quand même une débauche de moyens
qui n’est pas forcément très efficace… Moi je serais plutôt partisan d’une seule structure qui intervienne sur la
jeunesse et celle qui a le plus de légitimité à priori c’est le service jeunesse de la ville quoi, ou alors c’est délégué
à une autre structure mais heu…Voilà. Parce que là on est en train de débaucher des moyens sur Malétrenne,
chacun intervient dans son coin, mais il n’y a vraiment pas de cohérence ! Et localement les structures au niveau
de la jeunesse cherchent cette cohérence : les animateurs de la MJC et du centre social sont constamment en
liaison et surtout ils sont d’accord…Enfin je veux dire, ils sont sur les mêmes lignes d’objectif et ils ont la même
façon de travailler – ce qui n’est pas le cas entre les directions et le pouvoir politique quoi. Et on ne sait vraiment
pas vers quoi l’on travaille parce que l’on n’a vraiment pas d’objectifs très clairs quoi : on ne sait pas si l’on est
sur la « citoyenneté » et puis qu’est ce que ça veut dire la citoyenneté…heu, on ne sait pas si on n’est que sur la
prévention de la délinquance…On ne sait pas si on est sur le loisir pour tous…Voilà. Il nous manque une clarté
dans les objectifs et dans les moyens.
4/ Quel intérêt attribuez-vous au CLSPD ?
Nous on estime avant tout qu’on est un des bras armé du CLSPD au sens de la prévention de la délinquance
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- XXXII -
Annexes : entretien n°11 avec Eric BERTRAND.
parce que les moyens qui nous sont donnés ici participent quand même clairement à permettre à ce que le
quartier ne tombe pas trop bas quoi… On est vraiment un modérateur de violence… On est une des dernières
institutions présente sur le quartier, heu… Donc clairement nous on se prend pas mal de choses dans la tête et on
est là pour les régler.
5/ Est-ce que le CLSPD permet une transversalité de l’information ?
Oui je pense que le CLSPD permet ça. Mais chez nous c’est différent puisque le centre social est investi dans
tout un tas de partenariats… On est le seul centre social du département à travailler avec le territoire de vie
sociale (TVS) et à faire des animations en direct avec les assistantes sociales… Donc, vraiment heu… On a des
partenariats très forts qui sont développés ailleurs… On est le seul à faire des camps partagés avec des jeunes qui
sont placés par le juge des enfants par exemple… Donc on est vraiment en réseau, parce que c’est une des
missions d’un centre social, et on est des seuls vraiment à mener cette mission à fond et du coup ça donne des
échanges sur les pratiques institutionnelles de chacun qui sont très riches. Et d’ailleurs on s’aperçoit qu’on n’est
pas si éloignés que ça les uns les autres, même s’il y a des structures qui sont fermées, ils font les mêmes
constats que nous au niveau de la délinquance.
6/ Qu’est ce que la délinquance à Amboise ?
Bah moi globalement sur la ville d’Amboise, je pense que il n’y a pas tant que ça de délinquance. La
délinquance est en tout cas assez diffuse dans l’agglomération et je pense que on n’est pas confronté à des gros
problèmes de délinquance. Et ça rejoint aussi le quartier de la Verrerie… C'est-à-dire que même sur le quartier
de la Verrerie, on constate depuis 2000-2001… Enfin moi je ne suis là que depuis 2004 mais les constats que j’ai
faits par rapport aux discussions que j’ai eues c’est qu’à priori quand même, la délinquance plus lourde qui était
peut-être les bandes organisées ne sont pas loin d’avoir disparues sur Amboise… Enfin moi c’est l’impression
que j’en aie… Les bandes organisées ont disparu, donc les gros délits sont probablement en régression. Je pense
que les caïds qui donnaient l’impression de gagner de l’argent facilement ont quasiment disparus… Même si on
n’est pas naïfs, au niveau de la drogue, ça existe encore… Mais Amboise donne l’impression d’être une ville
apaisée vis-à-vis de la délinquance et qui n’est pas confrontée à de la très forte délinquance.
7/ En ce cas, quelle forme prend la délinquance à Amboise ?
Un constat que l’on fait avec tous nos partenaires et notamment les collèges, j’en ai encore discuté la semaine
dernière avec un principal, c’est la recrudescence des incivilités et de la violence verbale, c'est-à-dire la
recrudescence de l’agression qui n’est pas encore répréhensible dans la mesure où il n’y a pas de coup physique
porté. Mais ça peut aussi aller au-delà de l’incivilité. Par exemple la semaine dernière, il y a eu un vol à l’école
George Sand (école publique maternelle et élémentaire de la Verrerie). Les familles du quartier ne prennent pas
ça comme un fait de délinquance. Elles ne prennent pas comme un délit qu’une bande de jeunes présents dans la
cour de l’école volent 120 cannettes… Donc parfois on est au-delà de l’incivilité dans le sens où il y a des choses
qui relèvent du délit mais pour lesquelles les jeunes savent que l’on ne va pas leur reprocher grand-chose. Donc
ils y vont !
8/ Qu’est ce que la réalité de la délinquance à la Verrerie ?
Moi quand je suis arrivé ici j’ai pu consulté la liste de tous les jeunes qui ont été arrêtés et mis en prison. Il y a
plusieurs bandes organisées qui ont été démantelées – dont une l’année dernière. Il y a beaucoup de jeunes du
quartier qui ont été arrêtés pour des questions de trafic de drogue…Enfin des jeunes adultes jusqu’à des 25 voire
30 ans… Mais déjà depuis 2002 on pouvait signaler une baisse des agressions physiques sur l’équipe du centre
social, une baisse des dégradations etc. Et ça a continué à baisser jusqu’à la fin de l’année dernière, jusqu’au
moment des émeutes dans les cités qui ont été très réduites ici mais qui ont quand même recréer depuis… Nous
on était très apaisés jusqu’au vacances de Noël et depuis Noël on constate une recrudescence des agressions, des
insolences et des dégradations sur le quartier. C’est essentiellement du… Nous on l’estime à la reconstitution
d’une petite bande de 12-14 ans qui regroupe probablement un noyau de dur de 6 voire 7 jeunes mais qui peut
s’étendre jusqu’à une quinzaine de jeunes lorsqu’ils veulent s’y mettre. Lors du vol à l’école George Sand, ils
étaient un paquet par exemple : Ils étaient plus de 20. Mais ce qui est également du à la dégradation de
l’environnement ici c’est aussi le problème de la barre des 82 logements, 60 qui sont vides… Donc du coup, il y
a du squat à nouveau… Nous on avait réussi à beaucoup apaiser le fonctionnement du centre social et à se faire
respecter mais à un moment on a vu cette petite bande de 12-14 commencer à nous insulter…Alors j’avais
jamais été insulté ici et là tout d’un coup cette bande-là s’est permise de nous insulter, enfin moi et mes autres
animateurs… Donc on n’a pas compris, d’autant plus que c’étaient des jeunes qui nous paraissaient vachement
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
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Annexes : entretien n°11 avec Eric BERTRAND.
apaisés et tranquille quoi. Donc on a voulu comprendre et on a vu que les jeunes se rassemblaient à certains
endroits et se montaient le bourrichon contre les adultes quoi…Et depuis nous on constate quelques dégradations
au niveau du quartier : une voiture brûlée la semaine dernière etc.
9/ Et au moment de la crise des banlieues… ?
Il y avait eu trois voitures brûlées… En plus les jeunes nous avaient montré des images en plus. Je leur ai dit :
« bah les gars vous me montrez des images-là, qu’est ce que vous faisiez là sur l’image ? C’est vous qui avez mis
le feu ? ».
10/ Ils se sont filmés ?
Oui oui. L’incendie de la dernière voiture a été filmé… Enfin, le fait qu’ils nous montrent ces images-là à nous
c’était quand même satisfaisant en ce sens qu’ils montraient qu’ils avaient tout de même confiance en nous. Et
puis ce qui est particulier ici c’est que à chaque fois qu’il y a eu une voiture incendiée, les responsables avaient
choisi une voiture qui était stationnée depuis un moment et qui à priori n’était pas utilisée. Et même la dernière
voiture qu’ils ont filmée, c’était une voiture qu’ils ont retirée d’une file et mise de l’autre côté pour ne pas
toucher les autres voitures. C’était plus de la provoc’ pour montrer qu’ils existaient, qu’ils étaient encore un
quartier sensible mais heu… Sauf que depuis ces évènements, cette bande de jeunes de 12-14 ans dont je vous
parlais tout à l’heure, s’est permise des choses qu’elle ne serait pas permise en temps normal. Il y a eu un effet
d’entraînement. La problématique du quartier aussi, c’est qu’en Novembre, en même temps que la crise des
banlieues, 6 ou 7 jeunes qui avaient été pris dans une tournante et qui étaient interdits de séjour sur le quartier
ont tout d’un coup eu le droit de revenir. Du coup ils ont découvert que le centre social n’était plus la maison des
jeunes du quartier parce que son fonctionnement avait changé, donc ça ne s’est pas forcément bien passé. Mais
on a tenu bon. On a fait des dépôts de plaintes. On a été agressé. Mais on a tenu bon. Et du coup heu… ça a
renversé le rapport avec ces jeunes adultes parce qu’on a continué de faire des actions avec eux en leur
expliquant que ce centre social – là, malgré ses faibles moyens parce qu’on n’a pas nécessairement de fonds pour
eux, était capable de faire des actions pour eux. Et tout s’est renversé. Maintenant l’on est vraiment devenu des
grands copains. Donc au niveau des jeunes adultes tout s’est apaisé très rapidement. Essentiellement aussi parce
que ça coïncidait avec l’arrivée des conseillers d’insertion de la mission locale. Par contre on sait très bien qu’il
y a un petit retour des trafics de drogue en ce moment mais on ne sait pas encore si ça tient ou non de la bande
organisée.
11/ Et concernant l’alcool ?
L’alcool est toujours une problématique aussi importante sur le quartier mais qui est assez masquée par le
problème de la drogue – qui est quand même plus visible sur le quartier. Pour l’alcool, c’est plutôt les français de
souche qui sont concernés et c’est moins sensible au niveau de ce centre social qui est surtout
« communautaire ».
12/ La Verrerie est classée ZUS. C’est un quartier plus « sensible » que les autres, notamment en matière de
délinquance… Quelles sont les causes de la délinquance à la Verrerie ?
Alors le problème de la Verrerie, mais c’est comme tout habitat social, c’est qu’on a regroupé une forte
proportion (1/3) de familles immigrées. La ZUS- Verrerie est aussi la seule du département à être excentrée par
rapport à la ville. A tel point que… Il suffit de le voir hein… Dans la mémoire collective d’Amboise, la Verrerie
n’existe quasiment pas ! Même dans les esprits des élus puisqu’il suffit de lire par exemple le journal… Enfin
moi depuis que je suis ici, j’ai lu tous les bulletins d’information de la ville heu… J’ai pas vu une photo d’une
personne d’origine immigrée dans le journal... Moi je ne vois que des blancs. Alors que notre quotidien ici c’est
de voir quasiment que des personnes immigrées donc il y a vraiment un décalage… Et les gens de la Verrerie ne
considèrent pas que la Verrerie c’est Amboise. Ils ne parlent pas du quartier de la Verrerie comme étant Amboise
quoi. Quand ils vont à Amboise, c’est en centre-ville. Donc c’est la seule ZUS du département qui est excentrée.
Et l’on cumule ce handicap d’intégration et de mobilité avec l’emploi… On a la chance quand même que
l’agglomération d’Amboise est quand même au niveau de la saison touristique très pourvoyeuse d’emploi. Donc
pendant l’été on note généralement une baisse de la délinquance.
Donc cette ZUS n’est pas loin d’avoir les mêmes problématiques que les banlieues parisiennes mais davantage
équilibrée dans la mesure où c’est une petite ZUS et où les jeunes connaissent quasiment tous un emploi, même
si c’est un emploi saisonnier. Ça devait être beaucoup plus dur dans les années 1990-2000, où là l’emploi était
encore plus difficile à obtenir. Parce là je pense que les saisons touristiques se développent depuis assez
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- XXXIV -
Annexes : entretien n°11 avec Eric BERTRAND.
récemment, en tout cas sur Amboise. Les épisodes de délinquance sont très clairement calqués sur les périodes
de désoeuvrement ou d’inactivité.
13/ C’est peut-être ce qui explique, comme le souligne le diagnostic de sécurité de 2002, qu’il y ait toujours au
début de l’été et des vacances scolaires, avant que les offres d’emplois saisonniers ne soient lancées, une forme
de recrudescence de la délinquance ?
Oui c’est clairement ce qui s’est passé au début de cet été puisque comme je vous dis : il y a eu un vol à l’école
George Sand, une voiture a brûlé, la salle du tennis de table a été vandalisée etc… Ça se passe généralement
dans la période de flou qu’il y a entre le 15 Juin et le début des activités de chacun parce que concernant les
activités du centre social par exemple, on attend les vacances scolaires pour débuter nos activités et elles ne vont
commencer que demain… Mais depuis le 15 Juin quand même, il y a beaucoup de collégiens et de lycéens qui
sont dans la rue quoi.
14/ Quelles préconisations feriez-vous pour améliorer la prévention de la délinquance au niveau du quartier de
la Verrerie ?
Il faut bien que décision soit prise au niveau du projet ANRU de rénovation du quartier. C'est-à-dire que c’est
anormal que depuis 3 ans aucune décision n’ait été prise. Il y a quand même une difficulté de pilotage de ce
projet-là parce que partout ailleurs les projets vont quand même un petit peu plus vite. Donc là, le fait de laisser
une barre de logements qui soit au 2/3 vide, et sans perspective, ça pèse lourdement sur le quartier. Ça procède à
la renaissance des problèmes de drogue et de bandes organisées… Et là la demande vient surtout des français de
souche. Et au niveau des français de souche, c’est surtout les politiques locaux qui s’en prennent plein la tête…
Les communautés d’origine immigrée sont moins virulentes parce que pour elles, la Verrerie est tout de même
un cadre de vie très apprécié… A tel point que les familles qui sont relogées sur Malétrenne n’ont qu’une envie –
notamment les familles marocaines – c’est de revenir à la Verrerie. Parce que la vie sociale de la communauté se
tient surtout à la Verrerie… Mais là le vrai problème c’est la rénovation du quartier parce que ça crée aussi des
difficultés au niveau du centre social. Parce que on ne peut rien faire comme activités alors qu’on a des salles qui
sont inoccupées etc.
15/ Si l’on considère le classement de l’ANRU, la ZUS Verrerie ne fait pas partie des ZUS les plus prioritaires…
Non. Clairement. Mais attention. Il y a à la Verrerie une problématique sociale qui est quasiment pire que
d’autres ZUS du département. Moi j’ai comparé par rapport au Sanitas par exemple, où j’ai exercé… On est
vraiment dans des proportions qui sont vraiment très élevées par rapport même à la moyenne des ZUS au niveau
national… On a une proportion de jeunes ici qui n’est pas atteinte sur beaucoup de ZUS. On a des difficultés
sociales qui ne sont pas atteintes dans d’autres ZUS, et notamment un taux de chômage très important. Et là on
est train de créer une espèce de ghetto, petit à petit, moins visible parce que la délinquance à baissé, mais
toujours avec les mêmes problématiques sociales… Il faudrait vraiment casser l’image négative de la Verrerie.
Et il serait important, symbolique même, que l’on fasse tomber cette barre.
Je vous remercie.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
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Annexes : entretien n°12 avec Christine GANDUBERT.
Le 05/07/2006. 11h.
Durée : 1h 45 minutes.
Entretien n°12 avec Christine GANDUBERT.
Directrice du foyer des jeunes travailleurs.
1/ Que représente le partenariat pour vous ?
On est une association d’éducation populaire et c’est bien la base de notre fonctionnement que de travailler en
partenariat. Je crois que c’est la base de fonctionnement de toute association. On travaille naturellement en
réseau avec les partenaires locaux. J’irais même plus loin en disant que finalement je trouve que l’on est peu
sollicités. Peut-être qu’il y a une méconnaissance, ça peut paraître un peu pompeux ce que je vais dire, mais une
méconnaissance des compétences que nous avons… Notamment en terme de logement des jeunes. On pourrait
nous en demander bien plus que ça ! Le partenariat – et notamment celui en matière de prévention de la
délinquance – c’est la richesse ! Mais il y a un certain nombre de partenaires avec lesquels on a peu l’occasion
de travailler : la police municipale et la gendarmerie.
2/ Au titre du FJT, vous souhaiteriez avoir plus de contacts avec la gendarmerie ?
Non. Mais je trouve que ce serait important que les gendarmes s’investissent plus dans les commissions sur la
prévention de la délinquance. Ce sont les premiers concernés. Ce que je trouve toujours dommage dans les
commissions du CLSPD c’est qu’on a assez peu d’éléments sur la délinquance à Amboise et on n’arrive jamais à
obtenir ces informations. Il me semble que la gendarmerie devrait déjà donner un état des délits… Alors, on a
quelquefois cet état-là ! Mais ce n’est pas assez régulier, ça ne nous permet pas de faire une véritable analyse de
la situation. Parce que dans la dynamique de projet on travaille comme ça ! On analyse une situation, on fait un
diagnostic, et en fonction de ce diagnostic, on établit des objectifs… On voit après ce qu’on est en mesure de
faire ou de ne pas faire (étude des moyens) et on se détermine des priorités. Elle est importante cette question des
priorités et des moyens ! Au niveau du CLSPD, la question qui se pose aussi, c’est que quand on fait une
demande de financement, on n’obtient que la moitié du financement. Alors là, faut savoir clairement ! Quels
moyens on a ? Quelles sont les priorités du CLSPD ? Et faut pas demander derrière aux associations de supporter
financièrement ce que le CLSPD ne peut pas supporter… Moi je n’en ai pas les moyens ! Nous on propose
quelque chose dans le cadre de la concertation CLSPD et puis il faudrait qu’on le prenne en charge ! Attendez…
faut pas pousser ! On n’a pas à supporter ces coûts-là ! Justement, je pense qu’il faudrait étendre la concertation
sur la prévention de la délinquance à la recherche de solutions partenariales de financements (co-financements
etc.). Si l’on veut faire en sorte que le travail en commun débouche sur quelque chose de concret, il me semble
qu’il faut aller jusque là ! Après, c’est pas uniquement critique ce que je vous dis là, c’est pour améliorer le
fonctionnement du partenariat ! Je m’interroge sur les « bourses aux projets » qui sont financées par le CLSPD…
Quel lien il y a avec la prévention de la délinquance ? Alors je sais que c’est difficile de prendre position sur ces
choses-là dans la mesure où cela fait des années et des années qu’on accorde des crédits aux bourses aux
projets… Mais après il faut savoir ce qu’on veut ! Je pense que les élus du CLSPD devraient définir des priorités
concernant la prévention de la délinquance. Parce que dans le financement derrière, ce sont les élus qui décident.
A mon avis, sur le CLSPD, on peut donner des priorités et se dire : « bah tiens, cette année, la priorité du CLSPD
c’est la prévention routière ! (et ce parce que à la gendarmerie on aura constaté qu’il y avait des évènements à
Amboise liés aux deux roues, liés à des accidents etc) ». On pourrait en décider collégialement mais je pense que
ce serait aux élus du CLSPD de fixer des priorités de ce type… Et là ce serait cohérent ! Parce que derrière, les
partenaires autour de la table vont réfléchir ensemble à ce qu’ils vont pouvoir mettre en place en terme de
prévention routière. Et là-dedans, excusez-moi mais de mon point de vue, la bourse aux projets on ne la finance
pas ! Alors j’ai pris l’exemple de la définition d’une priorité pour une année… Mais on peut envisager plusieurs
priorités ! Tout dépend des envies et des moyens ! Et ça n’empêcherait pas de réfléchir aussi sur les priorités
qu’on choisirait de mettre en place les années suivantes… Au niveau du CLSPD, il y a par exemple un travail
engagé dans le cadre de la prévention « Santé ». Heu… On peut se poser la question de savoir si ce champ-là
relève bien du champ de la prévention de la délinquance ou pas, si ça ne fait pas partie d’un autre champ, j’en
sais rien. Heu… Peut-être qu’au niveau de la santé il y a des financements autres que ceux de la prévention de la
délinquance à aller chercher, et je peux vous dire qu’il y en a plein, donc c’est pas la peine d’utiliser la
prévention de la délinquance dans ce domaine-là ! C’est dommage ! C’est exactement la même chose quand je
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
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Annexes : entretien n°12 avec Christine GANDUBERT.
vois le CCAS financer du logement d’urgences ! C’est dommage ! Il y a des financements d’Etat là-dessus… Il
suffit de les mobiliser ! Et derrière, moi quand je demande quelque chose, il n’y a plus de sous dans
l’enveloppe ? Je pense qu’on a sans doute à travailler en commissions sur la bonne sonnette à aller tirer et qu’on
réfléchisse vraiment à ce que l’on veut mettre derrière la prévention de la délinquance… qu’il y ait réellement un
travail de fond là-dessus. Je trouve qu’on a bien fonctionné avec la cité scolaire…hé bien que l’argent du CLSPD
soit mis là-dessus ! Durablement ! Et qu’on travaille en profondeur ! Ce n’est pas une instance associative le
CLSPD ! C’est une instance partenariale ! Mais qui décide ? Le maire et les élus. Le problème c’est que le maire
et les élus ne définissent pas de priorités. Suite au travail de Monsieur MIDOL (diagnostic local de sécurité,
2002), on a défini de nouvelles actions de prévention mais on a gardé toutes les anciennes du CCPD et diminué
les parts de financement pour chacune. Moi je crois qu’on ne peut pas tout faire !
3/ Le CLSPD fonctionne aujourd’hui sur la base de 7 groupes thématiques axés sur la prévention de la
délinquance… Faut-il définir des priorités entre ces 7 groupes ?
Quand on voit qu’il y a une commission « animation » ! Ce n’est pas de la prévention de la délinquance ! Je ne
dis pas que ce n’est pas bien de faire de l’animation, mais je voudrais que l’on s’interroge dans les différentes
commissions en quoi l’on est dans la prévention de la délinquance… Si l’on n’est pas dans la prévention de la
délinquance, ce travail partenarial doit continuer de se faire, mais ailleurs ! Dans un autre cadre institutionnel que
le CLSPD ! Quand on parle de la prévention routière par exemple… Je prends cet exemple-là parce que : 1/
C’est vraiment de la prévention de la délinquance aujourd’hui, 2/ Tous les acteurs membres du CLSPD sont
concernés par ça, 3/ Cette prévention de la délinquance ne s’intéresse pas qu’aux jeunes mais est « tout public ».
La priorité est cohérente. Je reprends l’exemple des bourses aux projets… Je ne dis pas que ce n’est pas bien
hein la bourse aux projets…En quoi c’est de la prévention de la délinquance ? Le travail sur la santé…Peut-être
que c’est de la prévention de la délinquance… Mais en quoi c’en est ? Il faudrait que tous ensemble nous
réfléchissions sur ce qui est de la prévention de la délinquance ou ce qui n’en est pas, que nous définissions des
priorités, et que les élus choisissent parmi ces priorités quelles sont les plus importantes et susceptibles d’être
financées. Le rôle d’une association c’est ça ! On doit être sollicités par le reste des élus, des partenaires, des
institutions etc en disant : « voilà, là il y a quelque chose, on a besoin de vous pour travailler avec nous làdessus ». Ça a été tout à fait la démarche de la commission « cité scolaire ». Ils sont venus me chercher alors
qu’à priori la cité scolaire ça ne me concernait pas. Je n’y allais pas à cette commission…
4/ D’après le dernier diagnostic, le lien qui se fait entre Malétrenne, votre problématique, et la cité scolaire ,
c’est que les jeunes des collèges et lycées viennent le midi dans les cours d’immeuble ou dans les cages
d’escalier de Malétrenne pour déjeuner, boire de l’alcool, ou fumer des substances illicites. Est-ce toujours
valable ?
Oui. Il y a quand même eu 4 cas de coma éthylique hein… Au collège… Au collège !
5/ En définitive, que représente le CLSPD d’Amboise pour vous ?
Moi je me rappelle, quand j’avais rencontré Monsieur MIDOL, je lui avais dit : « écoutez, on se fait financer des
week-end, des animations, des choses comme ça… Je ne vois pas en quoi c’est de la prévention de la
délinquance ! ». C’est bien parce que ça nous finance des actions, c’est très bien, on en a besoin ! Je ne dis pas
qu’on n’utilise pas bien les sous ! Mais de mon point de vue, ça relève d’un autre cadre et dans lequel on a
besoin aussi de subventions. Il n’y a pas de travail partenarial autour de la table ! C'est-à-dire que quand on va
présenter nos projets chacun derrière les autres…Heu, je vais donner un autre exemple, et c’est très bien que la
ville finance cette action-là… Le petit journal de la Mission locale… En quoi c’est de la prévention de la
délinquance ? Là encore je ne suis pas en train de dire qu’il faut lui retirer ses sous à Madeleine (COLOMBEL,
directrice de la mission locale loire touraine)…Mais ce n’est pas du domaine de la prévention de la délinquance.
Ce n’est pas là. C’est le service social de la ville !
6/ Le CLSPD est inclus dans le CCAS, que pensez-vous de cette particularité ?
Mais le CCAS, ce n’est pas le CLSPD ! Alors, qu’on distingue les deux et qu’on fasse en sorte que le CCAS
finance les bourses aux projets, le petit journal de la mission locale, les aides que l’on distribue aux jeunes etc.
Et faire en sorte que quand on parle du CLSPD, on parle de la prévention de la délinquance ! Et que quand on
parle du CCAS, on réfléchisse uniquement sur l’action sociale de la ville ! Moi je peux vous dire que les
partenaires ne s’y retrouvent pas ! La DDPJJ ne s’y retrouve pas ! Quand on fait des réunions CLSPD et qu’on
parle des bourses au projets, la DDPJJ, ça les concerne pas hein !
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- XXXVII -
Annexes : entretien n°12 avec Christine GANDUBERT.
7/ Quel intérêt attribuez-vous au CLSPD d’Amboise ?
Actuellement c’est la seule instance de travail en partenariat qu’on ait. On mélange un peu CCAS et CLSPD
mais c’est la seule instance de partenariat qu’on ait… L’intérêt de travailler en commun c’est de réfléchir
ensemble à diverses problématiques. On n’a pas les mêmes cultures les uns les autres, mais c’est intéressant de
travailler ensemble. Pour autant je ne vais pas aller heu… Je vais rester dans le domaine de compétence qui est le
mien ! Par exemple je ne vois pas comment je pourrais travailler un partenariat avec d’autres acteurs comme
l’école maternelle ou encore la crèche ! Et puis, ne le cachons pas, il y a surtout un intérêt financier au
partenariat. Je ne peux pas vous dire que le CLSPD ne m’intéresse pas parce que là il me donne 1250 euros sur
un projet et 1500 euros sur un autre… Comment je vais les trouver les financements sinon ? Alors oui, le
CLSPD est intéressant ! Simplement il y a à améliorer le fonctionnement. A mon avis, il y a des choses qui sont
financées au CLSPD qui ne devraient pas l’être. C’est pour ça qu’on n’a pas assez d’argent pour financer nos
projets à nous.
8/ Le ministre de l’intérieur entend généraliser les CLSPD aux communes de plus de 10 000 habitants… Est-ce
que c’est pertinent à Amboise (11 968 habitants) ?
Oui. Le CLSPD d’Amboise serait pertinent dans la mesure où l’on pourrait le distinguer du CCAS. Et puis il
faudrait relancer une procédure de diagnostic partagé pour définir ce qu’est la délinquance à Amboise et partir
sur quelque chose de solide. Qu’est ce que peut nous dire la gendarmerie nationale et la police municipale sur la
délinquance à Amboise ? Et en fonction de cela, on aura des éléments et des axes de travail à mettre en place sur
de la délinquance. Mais la réussite de ce travail dépend aussi des personnes et de leur volonté tant
professionnelle qu’individuelle, de travailler en réseau.
9/ Qu’est ce qu’un travail sur la prévention de la délinquance ?
Pour moi le travail sur la prévention de la délinquance passe par de la répression. Quand il y a un fait de
délinquance, il faut qu’il y ait une sanction ! Forcément. J’ai un exemple…Ce n’est pas forcément de la
délinquance mais c’est de la délinquance par rapport à notre règlement intérieur ! J’ai rencontré un jeune ce
matin qui nous casse les oreilles sans arrêt avec sa musique… « Le tapage » c’est de la délinquance, c’est dans la
loi ! Il y a 8 jours je lui ai dit : « écoute, la prochaine fois qu’on a à te faire baisser ta musique, c’est bon, le
troisième avertissement officiel qui rompt notre contrat s’applique ! ». Alors j’ai un comportement répressif
mais je suis également dans une démarche préventive, parce que demain… Les voisins de ce jeune ne
supporteront pas la musique à tue-tête non plus ! Quand on est éducateur on est aussi quelquefois dans des
comportements répressifs. L’éducation c’est aussi ça ! On n’est pas là pour plaindre les gens, on est aussi là pour
marquer la règle ! ça me paraît essentiel ! Il n’y a pas d’un côté les gendarmes et de l’autre côté les éducateurs :
un éducateur pose la loi aussi ! Sans quoi il n’y a pas de travail possible avec la gendarmerie ! Et mois je ne suis
pas dans une démarche pour aller à l’encontre de la loi ! Alors il y a quelques sujets quand même qu’on pourrait
aborder si l’on parle de délinquance et qui nous mettent très mal l’aise… Notamment si l’on parle de
toxicomanie ! Parce que là il y a la loi et puis il a des comportements de tous dans la société qui sont contraires à
la loi. Et dans le cadre de la prévention de la délinquance, on pourrait réfléchir aussi à ça. C’est un réel problème
pour les institutions et les associations ! Quel comportement j’ai moi en tant que responsable d’un établissement
par rapport à ça ? Quel comportement a un proviseur de lycée par rapport à ça ? Il va me garantir qu’il n’y en pas
dans son lycée ? Il ment ! Quand j’entends un directeur de foyer qui dit : « chez moi, il n’y en a pas ». ça n’existe
pas, il ment ! Ou il est aveugle ! Alors qu’est ce qu’on fait ? Il ne s’agit pas seulement de démanteler les
réseaux ! Comment accompagner une personne qui dégringole en consommant de la drogue ? Comment prévenir
son isolement etc ? C’est ça un vrai travail sur la prévention de la délinquance ! Prévention des toxicomanies,
Prévention routière, on voit qu’il y a des choses à faire ! Alors plutôt que de faire des bouts de projets ou des
bouts des financements sur des trucs hé bien qu’on détermine deux, trois axes ! Et le CLSPD n’entrera que dans
ces deux, trois axes ! Et voilà !
10/ Est-ce que le travail au niveau du CLSPD permet réellement d’établir une transversalité de l’information
entre les différents acteurs ? Est-ce que ça réduit la distance entre les acteurs ?
Non. L’information ne circule pas. On ne l’a pas. Si il y a des choses qu’on ne doit pas savoir, on ne les saura
pas ! Faut pas rêver ! Je ne me fais aucune illusion là-dessus.
11/ Qu’est ce que la délinquance à Amboise ?
J’ai déjà un peu répondu à la question. C’est tout ce qui est consommation de produits illicites, délinquance
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- XXXVIII -
Annexes : entretien n°12 avec Christine GANDUBERT.
routière… On a aussi des gros problèmes avec l’alcool. Mais dans l’ensemble on est quand même dans une ville
très calme. Après il ne faut pas non plus dramatiser. On se balade quand même aisément et en toute sécurité à
Amboise. Faut pas exagérer ! Précédemment j’étais dans la ZUP de Blois… Heu donc il faut appeler un chat, un
chat ! Non, non, ça va quoi ! Mais ce n’est pas pour autant qu’il ne faut rien faire et qu’on n’a rien à faire ! Et
puis il ne faut pas stigmatiser les quartiers d’habitat social. Dans certains quartiers il se passe des choses mais il
se passe aussi beaucoup de choses dans le centre-ville : vols à l’arraché, délinquance routière etc. C’est vrai que
si j’avais à piquer un sac à mains, j’irais plutôt le piquer dans le centre-ville qu’à la Verrerie, parce qu’il sera
toujours plus garni !
12/ A quoi est due la délinquance dans le quartier de Malétrenne ?
On ne peut pas définir de causes directes de la délinquance ; si ce n’est la déviance du comportement humain,
peut-être aussi une volonté de rompre avec l’interdit, une volonté naturelle d’exister, d’affirmer son identité.
Après, au niveau social, on ne peut pas vraiment parler de « causes de la délinquance » mais plutôt de « critères
aggravants » ou de « facteurs de délinquance ». Mais ce que je constate c’est que la population de Malétrenne est
un peu livrée à elle-même. Nous sommes la seule structure associative ! Il n’y a rien ! Pour les jeunes, à
Malétrenne, il n’y a rien ! Mais ça fait 8 ans que je suis là et ça fait 8 ans qu’on le dit ! Depuis 8 ans, il n’y a
jamais rien qui a bougé ! Et on continue de venir interroger les gens, savoir ce qu’ils veulent etc. C’est
catastrophique ! Faut arrêter ! Faut arrêter de prendre les gens pour des cons !
13/ Quelles préconisations feriez-vous pour améliorer la situation au niveau de Malétrenne ?
Les solutions ne peuvent être que partenariales. Il faudrait qu’on ait une meilleure concertation avec les autres
acteurs du quartier. Or la plupart du temps on ne se connaît pas.
Je vous remercie.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
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Annexes : entretien n°13 avec Catherine LEQUIPE.
Le 06/07/2006. 10h.
Durée : 1h 20 minutes.
Entretien n°13 avec Catherine LÉQUIPÉ.
Membre du cabinet du préfet d’Indre et Loire.
Chargée de mission prévention- sécurité à la préfecture d’Indre et Loire.
1/ A quel titre faites-vous partie du CLSPD d’Amboise ?
Alors moi il y a deux choses. Je suis chargée de mission prévention- sécurité au titre du contrat de ville. Or
jusqu’à maintenant, Amboise n’était pas dans ce contrat de ville. Et donc en ce moment, si je suis présente au
niveau du CLSPD d’Amboise, c’est en tant que « cabinet du préfet ». Par contre, dans le cadre des nouveaux
contrats urbains de cohésion sociale (CUCS), je pense qu’Amboise va être intégrée dans la politique de la ville.
A ce moment-là, je serai présente en tant que « chargée de mission prévention- sécurité ».
2/ Le ministre de l’intérieur veut généraliser les CLSPD aux communes de plus de 10 000 habitants… En quoi
est ce que l’institution CLSPD trouve une pertinence dans les villes moyennes type Amboise (11 968 habitants)
où la délinquance n’est peut-être pas si forte que cela ?
Tours n’est pas non plus une ville où il y a beaucoup de délinquance ! La délinquance n’est pas forcément
proportionnelle au nombre d’habitants, c’est surtout lié à la spécificité des populations résidentes etc. C’est plein
de choses ! Maintenant, l’avantage de créer un partenariat sur une commune de type Amboise c’est qu’elle est
quand même un petit peu éloignée de Tours et de l’agglomération… Tout en sachant aussi qu’Amboise occupe
un rôle central dans son agglomération propre. Et puis être en amont, c’est pas mal ! Ne pas attendre qu’il y ait
des difficultés pour agir, c’est pas mal ! Mais c’est vrai que si l’on prend uniquement les chiffres bruts, il n’y a
pas de soucis particuliers. Donc il n’y pas de raison ! Maintenant on est bien dans le cadre de la prévention. Donc
le but c’est d’arriver avant que ça empire ! Derrière les chiffres, il y a aussi une affaire de perceptions ! C'est-àdire que un même fait va être perçu différemment dans une commune et dans une autre. C'est-à-dire que dans
l’esprit des gens, une ville a une délinquance tolérée, parce que c’est la ville… Mais le même fait sera perçu
totalement différemment dans un village à la campagne et ça prendra des proportions beaucoup plus importantes.
Donc moi je ne me base pas trop sur les chiffres eux-mêmes, je me base plutôt sur les difficultés que nous
signalent les gens - les jeunes notamment, parce que c’est vers eux que se tourne essentiellement la prévention.
3/ Que faut-il mettre derrière le terme de délinquance ? Que faut-il mettre derrière le terme de prévention de la
délinquance ?
Pour moi, l’intérêt d’un CLSPD c’est de faire en sorte que tous les pôles qui s’occupent des jeunes, de façon très
convenable mais de façon très figée aussi, soient habitués à travailler ensemble. Si l’on prend l’exemple du
contrat de ville et de la réussite éducative : le partenariat apporte énormément dans la mesure où ce n’est plus
d’un côté l’éducation nationale et de l’autre les associations etc. Il s’agit ici de mettre tous ces gens-là ensemble
et de créer une synergie. Alors quand on parle de délinquance ou de prévention de la délinquance… Je ne vais
surtout pas me hasarder à dire ce que c’est qu’un délinquant… On sait tous qu’à l’adolescence on traverse
différentes phases… Ce n’est pas pour autant qu’on en est « délinquant » ! Je veux dire, le gamin qui vole un
stylo dans un magasin… Il y a deux façons de voir les choses ! ça peut-être l’adolescence classique qui fait
qu’on passe un certain cap… Mais ça dépend aussi de la réaction de l’entourage et des parents…Parce que pour
un même fait, si les parents apportent une réponse adéquate ou une réponse non adéquate, on ne va pas aller vers
le même résultat.
4/ Comment se fait-il que le CLSPD ne soit pas le seul partenariat de prévention ? Les partenaires locaux
amboisien sont conviés tout à la fois à des réunions partenariales type CLSPD, type coordination sociale
communale, type partenariat avec la CAF sur un diagnostic de parentalité…
C'est-à-dire que pour moi le CLSPD – après c’est le Maire qui voit en fonction de ses moyens sur la commune –
c’est un lieu unique où le Maire va décider quelque peu de ce vers quoi il veut aller en matière de politique
globale locale de sécurité et de prévention de la délinquance. C’est aussi un endroit où les gens vont être habitués
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- XL -
Annexes : entretien n°13 avec Catherine LEQUIPE.
à se voir, à se connaître, à se faire confiance, et donc à transmettre de l’information. Partant de là, la
problématique en 2006 ne sera pas forcément la même que celle de 2005 ou de 2004. C'est-à-dire qu’en fonction
des circonstances, il peut y avoir des groupes de travail de faits. Il peut par exemple y avoir un groupe de travail
sur la Parentalité. Mais pour que ça fonctionne bien, ça implique qu’il y ait un niveau de décision et de fixation
des objectifs qui soit suffisamment clair, et ça implique une énorme confiance entre les partenaires.
5/ Les partenaires locaux ont beaucoup de mal à s’entendre sur une définition commune de ce qu’est la
prévention de la délinquance…
Oui mais parce que après on touche à ce que chacun a appris…Enfin on touche à l’imaginaire du métier de
chacun quoi…
6/ Par exemple, pour certains partenaires, le fait de connoter « conditions sociales difficiles » avec
« délinquance », c’est une façon de stigmatiser un type de population par rapport à une autre…
Voilà ! ça fait très peur ! Alors que ce n’est pas du tout notre objectif ! Vous savez, arriver à mettre autour d’une
table : la police ou la gendarmerie et les travailleurs sociaux. C’est quelque chose d’énorme ! Les élus c’est
moins difficile. Ils sont plus habitués à ce genre d’exercices. Je pense qu’il ne faut pas entrer dans les débats
consistant à savoir si telle ou telle action c’est vraiment de la prévention ou si la police fait la police ou de la
prévention…Moi je refuse d’entrer dans ces débats-là en réunion parce qu’on ne s’en sort pas. Par contre, si on
prend un cas concret et qu’on dit : « les collèges et les lycées nous ont signalé tel ou tel problème »… Il ne suffit
pas de discuter mais de travailler sur du concret… Et il n’est pas du tout question de faire un tribunal, pas du tout
question de stigmatiser les jeunes… Simplement ils peuvent avoir besoin d’aide à un certains moment, et ça ça
se retrouve beaucoup dans certains quartiers dits « sensibles »… Ce n’est pas que les parents sont incapables de
gérer leurs enfants, c’est que momentanément ils n’en ont pas la possibilité… Donc dans ces cas-là, il faut
arriver à aider ces jeunes. Il ne s’agit pas de les montrer du doigt… Pareil, là encore, je pense qu’il faudrait
bannir de notre vocabulaire les phrases comme « les parents sont déficients » etc. C’est pas ça. Il y a beaucoup
de difficultés : beaucoup de femmes seules avec enfants etc.
7/ Concernant les statistiques de la délinquance qui sont de type « auto- déclaratives » comme celles qui
concernent les établissement scolaires (logiciel SIGNA), Comment être assuré que les directeurs
d’établissements ne mentent pas sur les chiffres afin de s’épargner une réputation ou une publicité qui
pourraient leur contrevenir ?
C’est toute la limite du système. Vous aurez toujours des trucs comme ça. Par contre vous pouvez améliorer la
chose par le contact et la communication. Et donc le fait d’avoir mis des référents gendarmes dans les
établissements scolaires, si ça passe bien avec les chefs d’établissements parce que là il y a aussi une question de
personne, ça peut avoir des retombées positives. Mais pareil, le but ici c’est de faire en sorte qu’il n’y ait plus
cette barrière entre les institutions. Là encore, il ne s’agit pas de dire : « la police ou la gendarmerie intervient
dès qu’il y a le moindre petit truc dans l’établissement scolaire ». C’est pas ça du tout. Le but aussi c’est qu’il y
ait un échange, que chacun ne soit plus sur son territoire en disant : « de quoi je me mêle ».
8/ Quelle importance doit-on accorder aux statistiques de la délinquance ?
C’est important, mais il faut savoir aussi s’en détacher. L’état 4001 repose sur les dépôts de plaintes… Si les
gens, même les victimes d’un acte de délinquance, ne veulent pas poser plainte, hé bien ils ne sont pas pris en
compte.
9/ Sur quoi asseoir le CLSPD si les partenaires ne peuvent pas se rencontrer sur une base de données
statistiques valable ?
Bah il y a des données ! Il y a des professionnels qui ressentent les choses ! Mais à partir du moment où l’on dit
« ressenti », c’est une affaire de « perceptions » et d’individualités. C’est subjectif. Et c’est justement ce qui fait
l’intérêt du partenariat : parvenir à créer du lien entre toutes ces individualités, permettre à tous ces gens-là de
fonctionner en commun et d’apprendre à se connaître. Parce que ils ont chacun leur perception individuelle et
puis la perception de leur métier. Il n’y a pas à dire, on sait bien qu’une assistante sociale aura une perception
différente de celle du policier ou du gendarme ! Mais il y a quand même un terrain d’entente possible ! La
définition de ce terrain d’entente est l’aboutissement de tout un processus d’habituation au partenariat et à
l’échange…Mais il ne faut pas non plus faire des réunions qui n’en finissent pas parce que là on arrive à l’effet
inverse.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
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Annexes : entretien n°13 avec Catherine LEQUIPE.
10/ En tant que partenaire du CLSPD d’Amboise, quel objectif vise la préfecture d’Indre et Loire ?
La préfecture a déterminé dans le cadre du plan départemental de sécurité (PDS) des actions prioritaires de
prévention – dont notamment celle qui consiste à « mieux traiter les violences aux personnes ». Et donc ça c’est
un des grands objectifs pour nous. Après nous notre intérêt, enfin ce qu’on recherche, c’est d’être assez cohérent
entre ce qui est fait au niveau départemental et ce qui se fait au niveau local. Ce que l’on met comme objectifs au
niveau départemental, on souhaite le décliner au niveau local également. Et en principe, c’est à peu prêt les
mêmes choses…
11/ Au niveau du CLSPD, il y a néanmoins quelques groupes thématiques qui n’ont pas grand-chose à voir avec
ce qui se fait au niveau départemental…
Ce n’est pas gênant non plus si ça trouve une pertinence locale.
12/ Même au niveau des financements ?
Ce que donne la préfecture pour la prévention de la délinquance c’est uniquement les subventions « Ville Vie
Vacance ». Nous on ne donne pas d’autres subventions. Si vous faites une action « sécurité routière », ce sera
pris en charge par le PDASR par exemple. J’ai pu remarquer que sur Amboise c’est le lien direct avec les
subventions, plus que sur d’autres endroits…
13/ Quel regard portez la préfecture sur le CLSPD d’Amboise ?
Alors moi je ne sais pas vraiment comment le CLSPD fonctionne parce que je ne vais aux groupes de travail et
parce que ça fait longtemps qu’il n’y a pas eu de réunion plénière. Mais ça peut-être très bien… Mais tout
dépend du groupe de travail… Parce que les réunions CCPD ou CLSPD telles que moi j’y allais, heu
honnêtement, c’est pas ça ! Toutes les associations étaient là et présentaient leur projet…C’est pas une réunion
du CLSPD ça. Ça peut faire éventuellement partie d’une commission spéciale, pourquoi pas… Mais que moi je
vienne, ou que le préfet, les procureurs et les gendarmes viennent…ça n’a pas vraiment d’intérêt ! Et toutes les
réunions CLSPD auxquelles je suis allée, c’était ça ! Une association qui vient présenter son projet. Elle vient à
un guichet. Elle espère être assez performante pour pouvoir obtenir de l’argent. Mais une fois qu’elle est
passée…ça lui prend la tête d’attendre trois heures la fin de la réunion. Donc du coup, au lieu d’avoir un contact,
c’est plutôt l’inverse ! Bon après c’est vrai que dans un CLSPD les réunions plénières ne sont pas les plus
intéressantes mais à Amboise c’était encore moins intéressant. Une réunion plénière c’est quoi ? Le maire
présente à tous les partenaires les chiffres de la délinquance et fait le bilan de la délinquance. Et puis après, le
maire doit fixer des orientations, des priorités. Il doit définir quelle sera la politique globale locale de sécurité et
de prévention de la délinquance. Donc le maire doit mettre l’accent sur des priorités : ça peut être des quartiers,
ça peut être des priorités d’éducation etc. Et voilà ! Et après il ne reste plus qu’à lancer la machine ! Pour que les
gens s’investissent, il faut leur donner des objectifs précis et concrets. Ensuite pour qu’ils travaillent ensemble,
c’est aussi une question de sensibilité et une question de personnes.
14/ Les CLSPD permettent-ils de réduire les différences entre les acteurs et de casser les barrières
institutionnelles dont vous parliez tout à l’heure ?
Oui, c’est très très net. Alors ça ne se voit pas forcément dans les chiffres mais dans la façon de travailler c’est
flagrant ! Enfin pour deux villes du département que je connais, c’est flagrant !
15/ Comment expliquez-vous alors qu’au niveau d’Amboise la brigade de gendarmerie refuse de donner
régulièrement les statistiques de la délinquance au maire et aux responsables du CLSPD ?
Il a du se passer quelque chose. Moi je pense que c’est surtout lié au fait qu’il n’y a pas encore à Amboise de
réelle logique de travail en commun. Les partenaires amboisiens n’ont pas encore ressenti l’intérêt du CLSPD.
Ils ne savent pas réellement à quoi ça sert, donc ils ne s’investissent pas plus que cela…
16/ Le CLSPD d’Amboise n’a pas signé de CLS. Il y a bien eu une procédure pour l’établissement d’un CLS
mais elle a échoué parce que la mairie d’Amboise, en concertation avec la préfecture d’ailleurs, a considéré
qu’elle n’en retirerait pas d’intérêt, notamment pas plus de subventions…Que pouvez-vous me dire là-dessus ?
Un CLS est un contrat signé entre les différents partenaires, un contrat qui fixe des actions de prévention et qui
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
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Annexes : entretien n°13 avec Catherine LEQUIPE.
comprend un engagement d’objectifs, de moyens et de personnes. Le CLS est un engagement de partenariat.
Mais il n’y a pas de lien entre le CLS et d’éventuelles subventions. D’ailleurs, certaines actions ne nécessitent
pas de moyens financiers particuliers. La mairie d’Amboise n’obtiendrait pas plus de subventions si elle
disposait aujourd’hui d’un CLS… La logique des subventions c’est qu’il y a une enveloppe globale qui nous est
allouée. Après on fait le choix de projets et on distribue le contenu de cette enveloppe. CLS ou pas CLS, si un
projet de prévention nous semble suffisamment intéressant, il sera financé. Mais de toute façon, nous ne
distribuerons jamais des sommes faramineuses. L’autre difficulté que l’on a aussi rencontrée avec Amboise,
c’est que l’on n’est pas parvenu à tomber d’accord sur un territoire pour le CLS. Nous on pensait qu’un CLS
intercommunal était ce qu’il fallait. Mais Amboise n’a pas réussi à s’entendre avec les autres communes làdessus.
17/ Le CLSPD d’Amboise est englobé dans le CCAS…Que pensez-vous de cette particularité amboisienne ?
Le CLSPD peut très bien fonctionner indépendamment du CCAS. La plupart du temps d’ailleurs ça fonctionne
comme ça ! De toute façon ça ne changerait rien au niveau des subventions Etat dans la mesure où elles sont
distribuées au titre des actions proposées soit par le CLSPD soit directement par les associations… Mais on ne
va pas donner de l’argent au CLSPD pour qu’il organise ses réunions ! On donne de l’argent pour des actions
précises !
18/ Est-ce que le fait que les associations puissent envoyer directement leur demande de subventions aux
organismes étatiques ne va pas à l’encontre du CLSPD lui-même censé être le coordinateur ?
Ce que je fais en général c’est que quand ça se passe comme ça, j’en avise la mairie. Mais moi j’ai discuté avec
des associations, je leur ai dit : « mais vous avez vu avec la mairie ? » et elles me répondent : « oui mais c’est
eux qui m’ont dit de vous appeler directement etc. ». Enfin bon… Il faut dire aussi que pour moi l’institution
CLSPD à Amboise n’existe pas quelque part ! Donc moi j’envoie la liste de tout ce que l’on donne comme
subventions directement au maire pour qu’il soit au courant. Mais je ne peux pas les envoyer à quelqu’un du
CLSPD parce que je n’ai même pas d’interlocuteur ! Bon j’ai bien quelqu’un au CCAS mais j’ai bien
l’impression qu’elle ne connaît pas vraiment l’institution CLSPD.
19/ Concernant l’existence ou non du CLSPD, il faut dire aussi que la mairie d’Amboise attend depuis 3 ans que
la préfecture prenne un arrêté portant création du deuxième collège du CLSPD d’Amboise… Un courrier vous
avait été adressé en ce sens en octobre 2002…
Oui nous n’avons pas retrouvé ce courrier… Mais cela devrait bientôt être réglé puisque, sur votre demande, j’ai
élaboré la liste des membres du deuxième collège, liste que le directeur de cabinet du préfet est en train
d’examiner, et qui sera envoyée à la mairie d’Amboise dès qu’elle aura été signée. Là la nouveauté c’est qu’on a
mis la DDE parmi les membres étatiques du deuxième collège parce qu’en matière d’urbanisme on pense que
c’est quand même important.
20/ Que faudrait-il faire pour relancer le dispositif de sécurité et de prévention de la délinquance à Amboise ?
Moi je pense que pour relancer le CLSPD, il faudrait faire une installation qui tienne ! Je pense qu’il faudrait au
moins faire une réunion plénière afin de réunir tous les membres (les nouveaux membres du deuxième collège
notamment). Au cours de cette réunion, il faudrait faire le bilan de la délinquance à Amboise (présentation des
chiffres de la délinquance, diagnostic) et puis définir clairement les objectifs et les priorités du CLSPD. C’est sur
cette nouvelle base que le partenariat pourra repartir.
21/ Certains partenaires souhaiteraient que le Peuple, le citoyen lambda, soit plus associé au dispositif
CLSPD…Qu’en pensez-vous ?
Alors ça, ça peut se faire mais ça se déclinerait plutôt sous la forme de réunions de quartiers… ça serait un
CLSPD mais de quartier si vous voulez. C'est-à-dire que, une fois par mois, il y aurait une réunion dans un
quartier et qui réunirait tous les acteurs de sécurité du quartier et les élus.
22/ Le CLSPD d’Amboise ne dispose pas d’un règlement intérieur. Est-ce que c’est quelque chose d’utile ?
Oui. Moi je trouve que c’est pas mal. Alors le règlement intérieur c’est souvent assez succinct : ça définit donc
les membres, les collèges, le nombre des réunions par an, les éventuels groupes de travail. Voilà ! C’est pas mal
parce que en fait ça donne une existence écrite à l’institution. Administrativement, ça permet de mieux poser
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- XLIII -
Annexes : entretien n°13 avec Catherine LEQUIPE.
l’institution.
23/ Le CLSPD d’Amboise ne dispose pas d’un coordinateur. Est-ce qu’il faudrait que la ville d’Amboise recrute
à ce niveau-là ?
Recruter, peut-être pas forcément. Mais c’est vrai que avoir un interlocuteur unique en mairie pour faire le travail
de coordination et tout le travail administratif relatif à au CLSPD, c’est important et c’est utile. Ce coordinateur
devrait pouvoir organiser la coordination mais son rôle ne se limite pas à ça : il faudrait aussi qu’il puisse faire
des propositions, opérer un véritable travail d’analyse. Et c’est vrai que l’intérêt du coordinateur, c’est qu’il a
une certaine légitimité pour aller partout dans la mesure où c’est un administratif, pas un politique. En plus le
coordinateur n’a pas de grade, il est un service à lui tout seul. Ça c’est l’idéal !
24/ Au niveau d’Amboise actuellement, est-ce qu’il faut réanimer le CLSPD communal ou privilégier
l’élaboration d’un CISPD ?
Moi ça ne me dérange pas de dire : « bon on donne un coup de main à la mairie d’Amboise pour l’organisation et
la réanimation de son CLSPD au niveau communal », de façon à prendre l’habitude de travailler ensemble…
Tout en conservant derrière la volonté de travailler sur de l’intercommunal !
Je vous remercie.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- XLIV -
Annexes : entretien n°14 avec Stéphane DELBARRE.
Le 06/07/2006. 14h30.
Durée : 1h 45 minutes.
Entretien n°14 avec Stéphane DELBARRE.
Adjoint délégué à la jeunesse.
Animateur non officiel du CLSPD.
Directeur de l’association Dyn@sso Plus.
1/ Qu’est ce que tu penses de l’idée d’associer différents acteurs dans une démarche commune de sécurité ?
Sur le principe cela ne peut-être qu’une bonne idée. Après il faut aussi que tout le monde joue le jeu. C’est vrai
que c’est la seule limite. Quand on a modifié un peu le fonctionnement du CLSPD fin 2002 – début 2003, c’est
justement parce que les réunions prenaient la tournure d’une « grand-messe » à laquelle participait tout le monde
et tout le monde pour des mauvaises raisons : Les associations venaient parce que c’était un petit peu une
condition pour avoir des financements ; La gendarmerie venait parce qu’on leur demandait en préfecture de venir
une fois par an pour donner des chiffres - ou ne pas les donner d’ailleurs parce que cette année-là on n’avait pas
le droit de les donner ; La préfecture venait pour simplement prendre note des projets des associations et
répondre « oui » ou « non » en fonction de l’éligibilité à des financements… Voilà. A aucun moment, dans ces
« grand-messe »-là, on n’a pu parler du concret du terrain, de constats et de stratégies à mettre en œuvre. Donc
ça, ce n’était pas du partenariat. Maintenant qu’on a institué depuis 2003 le travail en « commissions » ou
« groupes thématiques », là on peut faire du vrai travail parce qu’on a autour de la table des gens qui sont là pour
débattre de leurs pratiques, de leurs problèmes et du terrain réellement. Et puis ça débouche ou pas sur des
projets… Actuellement par exemple, on est sur un projet pour la Santé qui est vraiment venu du débat autour de
la table et qui a mûri pendant un an et qui derrière va trouver une solution et je l’espère un financement. Le
partenariat ça peut-être « tout bien » si c’est vraiment du partenariat. Après si les gens sont là pour des mauvaises
raisons, il est certain que cela ne peut pas marcher.
2/ Le ministre de l’intérieur veut généraliser les CLSPD aux villes de plus de 10 000 habitants…Est-ce que le
dispositif CLSPD est un dispositif pertinent dans les villes où la délinquance n’est pas si « évidente » que ça ?
Déjà quand ça s’est appelé « CLSPD », ça s’appelait avant « CCPD »…En terme de structure, d’organisation et
de représentation, on a changé les noms, on a fait un effet d’annonce…Point barre ! ça n’a rien changé du tout !
C’était juste une manière de dire on fait des choses qui ne coûtent rien… Ensuite le dispositif, moi je retiens que
c’est plutôt un dispositif de prévention et puis il a aussi un rôle d’observatoire de ce qui peut se passer sur le
terrain… Ce qui nous donne la possibilité tous ensemble d’être suffisamment réactifs, de travailler réellement
dans le cadre de la prévention, et logiquement de ne pas aller au-delà. Maintenant heu… Le gouvernement de
2002 avec Sarkozy a décidé de rajouter le S de « Sécurité » dans le CLSPD…Heu bon…On est passé du CCPD
au CLSPD… C’est tout… C’était dans la logique des choses du moment… Moi je trouve que le dispositif en soi
est complètement intéressant. Justement parce qu’il est sur une dimension « prévention » et qu’on va bien audelà de l’aspect très sécuritaire. Parce que quand on parle de « sécurité routière », quand on parle de « santé »,
quand on parle de « lutte contre les toxicomanies » etc., on est vraiment dans des choses qui ont une utilité
sociale et préventive. Après, par rapport à la taille de la ville, c’est évident que ça devrait avoir une dimension
intercommunale parce que le bassin de population, la cité scolaire…Ce n’est pas une échelle qui concerne juste
Amboise quoi ! Mais c’est vrai que l’intercommunalité on ne peut pas la faire tous seuls hein ! Parce que au
départ du CLSPD, le CLS intercommunal était déjà une demande de la préfecture et ils avaient parfaitement
raison là-dessus… Sauf que comme d’habitude dans l’intercommunalité, quand on ne met pas en face des
moyens et qu’il n’y a pas de carotte… ça ne marche pas. C’est l’éternel problème !
3/ En 2002, lorsque vous avez transformé le CCPD en CLSPD, est ce que c’était…
Lorsqu’on a transformé le CCPD en CLSPD, c’était une obligation légale. On a vu apparaître le S de
« Sécurité ». C’est tout ! On a transposé les choses. On s’est conformé tout bêtement au décret, tout en notant
qu’il y avait déjà à ce moment-là des financements qui étaient en baisse sur la prévention… Donc ça n’augurait
rien de bon pour la suite… Mais on n’a pas vraiment attendu ce texte-là pour faire évoluer le CCPD puisqu’on
en avait l’idée bien avant la transformation du CCPD en CLSPD. Cela faisait partie de notre programme de faire
évoluer le dispositif au-delà d’une simple banque de distribution de subventions. Parce que préalablement, le
CCPD, moi je le vivais en tant que responsable associatif, c’était vraiment une réunion par an pour présenter les
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- XLV -
Annexes : entretien n°14 avec Stéphane DELBARRE.
projets des associations et entendre les chiffres de la gendarmerie quand elle était là. Point. Et c’est tout. Et
c’était un élu tout seul dans son bureau qui décidait combien on donnerait à chacun. Nous on avait dit dès le
début effectivement qu’il fallait qu’on aille vers des choses beaucoup plus collectives avec des temps de
réunions qui là soient du vrai partenariat. L’étude CLS (André MIDOL) a permis de faire ressortir des grands
thèmes et on a ensuite calé les commissions sur ces thèmes-là. C’est après que ça a déconné sur un certains
nombre de commissions plus ou moins croupions…En gros, on peut difficilement mener de front deux thèmes
différents dans la mesure où il n’y a pas d’animation du CLSPD. Donc il y a certaines commissions qui ne se
réunissent quasiment jamais.
4/ Est-ce que le CLSPD tel qu’il existe aujourd’hui permet une transversalité de l’information ? Est-ce qu’il
permet de réduire les distances qui peuvent se créer entre les acteurs ?
Il peut y avoir un échange d’informations…ça fonctionne pas mal maintenant sur le terrain… On a aussi un
certain nombre de cadres qui ont changé dans les structures associatives notamment et qui sont un peu
décomplexés par rapport à ça…Je sais par exemple que le centre social, quand il y a des jeunes qui sont interdits
du centre pour cause d’un comportement délictueux, bon la gendarmerie est informée. Donc là-dessus, ça joue
pas mal le jeu… Après, le discours n’est pas le même entre les acteurs sociaux et les gendarmes puisque les
valeurs et l’approche ne sont pas les mêmes…Tout ça, fait que dès qu’on va rentrer dans des choses qui ne seront
pas des considérations générales, il y aura une forme d’opposition. Cela dit ça arrive à bien fonctionner sur le
terrain par exemple à la cité scolaire entre : les responsables d’établissements, la gendarmerie, les responsables
de gymnases…Donc ça, ça a été un peu initié avec le CLSPD avec une forme de mise en contact de tout le
monde qui a été faite et puis derrière ça fonctionne au quotidien quand il y a des problèmes et puis ça fonctionne
quand il y a des commissions une ou deux fois par an quand on identifie un problème qui mérite qu’on se pose
vraiment tous autour de la table quoi ! Mais le CLSPD ne va pas jusqu’à un décloisonnement quoi. Chacun reste
sur ses valeurs, ses compétences, son point de vue et puis heu… Les acteurs sociaux vont toujours critiquer la
gendarmerie quand elle n’intervient pas quand il faut et éventuellement la critiquer quand elle intervient alors
qu’il ne faut pas ! Et les gendarmes vont critiquer un certains nombre d’opérations à caractère social qui vont
bénéficier à des jeunes dont ils pensent qu’ils ne devraient bénéficier de rien du tout parce que heu…Bon.
5/ Quelle est la place de l’Etat dans le CLSPD d’Amboise ?
L’Etat est totalement absent puisque il ne met pas d’argent dedans ni d’informations. Donc à partir de là
heu…J’ai presque envie de dire qu’il n’a pas de raison d’être présent à partir du moment où il ne donne ni
d’informations ni d’argent… Alors il pourrait être présent dans le CLSPD parce que dans les textes il devrait
l’être heu…Cela dit, compte tenu de la quasi absence de moyens d’animation du CLSPD, c’est certainement pas
moi qui convoquerait des grand-messes pour faire venir des gens de la préfecture pour qu’on puisse discuter de
ce qui se passe ici en sachant pertinemment que ça n’aboutira à rien. C'est-à-dire que heu…Autant travailler avec
eux sur des choses éventuellement un peu concrète comme on le fait sur le plan ANRU par exemple…
Maintenant, localement, les financements sont des financements « ville » à 100%, c’est une animation qui est
« ville » à 100%, heu… Moi je vis la participation d’un représentant de l’Etat… hormis la gendarmerie qui a
malgré tout une approche technique et de terrain et amboisienne… Pour le reste je vis plutôt ça comme une
intrusion et puis un non- apport de quoi que ce soit.
6/ Les représentants de l’Etat, la préfecture surtout, n’a pas l’impression que le CLSPD existe…
Oui parce qu’ils ne sont jamais invités ! La manière dont ça fonctionne, c’est : le projet émerge du terrain. Il est
ensuite porté par une autre structure. Un financement va être trouvé auprès du CLSPD. Un certains nombre de
co-financements vont être trouvés ou non auprès d’un certains nombre de dispositifs d’Etat. Dans ce cas-là,
l’association fait sa demande de financement directement à de la préfecture. Mais ça apparaît comme des
demandes émanant d’associations et ce n’est pas le CLSPD en tant que tel qui va aller chercher un financement
et qu’il reverserait éventuellement aux associations ! Donc il n’y a pas de connexion entre la préfecture et le
CLSPD ! Par exemple, sur un certains nombre de lignes, type « ville vie vacance » ou FASILD, les projets
intègrent des financements d’Etat mais aussi des financements CLSPD… Mais ce n’est pas connecté ! Puisque
du temps où c’était connecté, ça ne changeait rien ! Je veux dire que ça ne modifiait pas l’approche des dossiers
de la part des représentants de la préfecture.
7/ D’après ce que j’ai entendu, la préfecture avait l’impression que le partenariat à Amboise s’assimilait tout de
suite à « subventions »…
Oui.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- XLVI -
Annexes : entretien n°14 avec Stéphane DELBARRE.
8/ …Alors que pour eux, enfin dans la plupart des dispositifs qu’ils ont construits dans les autres communes, la
subvention n’est pas la priorité. Priorité est faite au dialogue, à l’échange d’informations etc. Mais ils ont
l’impression que la ville d’Amboise associe directement « CLSPD » à forcément « subventions ». Or ce n’est
semble t’il pas l’esprit du dispositif…
Bah de toute façon ce n’est pas ce qui se passe puisque qu’effectivement quand on bosse en commission par
exemple sur la Santé, c’est un an de réunion et de travail pour aboutir à un dispositif. Effectivement au final il y
aura des financements à aller chercher puisque ils seront destinés à une association qui a son siège à Tours et qui
décentraliserait un service à Amboise. Donc je dirais que ce n’est pas la commune qui va récupérer de l’argent…
Mais c’est sûr que la subvention n’est pas la logique de départ du partenariat. Le souci c’est aussi le
fonctionnement de ce type d’institutions comme des usines à gaz. On crée une espèce de « truc », de « machin »
où finalement on va ralentir les processus… Certes on va avoir des nouveaux avantages mais au final, sur des
interventions d’urgence, on va les ralentir… Quand par exemple on se réunit avec tous les partenaires sur la cité
scolaire, et la gendarmerie est là aussi, on dit : « effectivement ça serait intéressant d’avoir un contrôle de vitesse
parce que les coupe- vitesse depuis que la rue a été refaite par Val d’Amboise heu…Ils sont beaucoup moins
cassant qu’ils l’étaient, donc ça incite à rouler plus vite et ça crée des dangers… ». La gendarmerie est là, elle
prend note et puis elle va intervenir et elle intervient quoi. Pas la peine de passer par la préfecture ! Donc au
final, l’Etat il est représenté par la gendarmerie, comme il peut l’être aussi par la protection judiciaire de la
jeunesse aussi présente sur un certains nombre de réunions, et puis on peut convier aussi d’autres services type
DDASS etc. Donc je dirais qu’on va travailler avec les services de l’Etat en fonction de leur compétence sur des
thèmes, et puis sur leur envie aussi de participer. En revanche, systématiser des convocations à un membre du
cabinet du préfet pour qu’il vienne profiter de la douceur d’Amboise, je ne vois pas l’intérêt.
9/ Je ne pense pas que ce soit ce que la préfecture recherche…Je pense qu’ils recherchent simplement une
connexion ou un échange qui soit plus formalisé, que l’institution CLSPD retrouve un peu plus de clarté et que
la connexion puisse se faire, notamment avec le CDP.
Cela fait trois ans que l’on attend un document de la préfecture et qui doit porter création du deuxième collège
du CLSPD d’Amboise. Et on ne l’a toujours pas reçu ! Ce serait déjà un bon début pour mieux formaliser le
partenariat puisque à ce jour, le deuxième collège du CLSPD est peuplé d’interlocuteurs que nous sommes allés
chercher par nos propres moyens. Sans que cela soit formalisé, officialisé… En fait, si l’on voulait être taquin,
on pourrait dire que nous on n’a pas d’interlocuteurs ! Que les interlocuteurs de la commune sont désignés
depuis longtemps.
10/ Non mais il ne faut pas non plus être mesquin puisque je pense qu’à l’origine, au niveau du CCAS qui gère
le CLSPD, ils ne savaient même pas qu’il y avaient des collèges dans le CLSPD…
Mais (sourire)… C’est vrai que de toute façon on a souvent des difficultés avec la préfecture. La dernière en date
c’est l’histoire du classement des quartiers. Puisque tu sais qu’on n’est pas dans les contrats de ville. Mais on y
arrive… Parce qu’on a reçu un courrier le 14 Juin nous demandant d’être présents à une réunion le 16 pour que
tout soit défini et envoyé le 23…Bon ! Donc effectivement on a travaillé là-dessus et notamment Pascal sur la
cartographie, et c’est moi qui suit allé en réunion en préfecture et on m’a dit : « bah tiens la ville d’Amboise vous
venez ? C’est gentil ! ». Heu, c’est gentil… Mais on a quand même des revendications quoi ! Réponse: « Ah bah,
Amboise n’a jamais voulu intégré les contrats de ville » (dit de façon martelée). Ah bah oui bon effectivement,
nos prédécesseurs ne voulaient pas que ça fasse trop laid dans la ville de dire « contrat de ville » parce que c’était
stigmatisant. Maintenant moi j’ai positionné les deux quartiers d’Amboise Verrerie et Malétrenne/Plaisance
comme des quartiers devant pouvoir bénéficier aussi de moyens d’Etat. Heu…Mais c’est vrai que d’emblée c’est
à chaque fois un espèce de fond de reproches, extrêmement ancien en plus, et effectivement l’échange avec la
préfecture se fait quand même régulièrement sur ce ton-là.
11/ Madame Léquipé qui est chargée de mission à la préfecture semble pourtant être de bonne composition ( ?)
Oui. Moi mon dernier échange avec Madame Léquipé, c’était dans une réunion CLSPD… C’était sur le dossier
unique de subvention des associations qui était un dossier « formidablement simple » pour demander 300
euros…Et je lui ai fait remarquer qu’il faisait quand même 14 pages… Donc ça ne lui avait pas plu du tout, le
ton était monté. Bon, voilà.
Et à chaque fois de toute façon, ça ne se passe pas bien parce que peut-être qu’effectivement, et les associations
sur le terrain, et puis nous, on constate quand même qu’il n’y a pas d’engagement de la part de l’Etat, et on peut
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- XLVII -
Annexes : entretien n°14 avec Stéphane DELBARRE.
dire ce qu’on veut mais quand on a des opérations de prévention à mener… Le budget du CLSPD, ce n’est pas
30 euros quoi ! Que l’Etat n’y mette rien du tout, c’est quand même un peu gênant !
12/ En même temps, le rôle de l’Etat (préfecture) n’est pas de subventionner le CLSPD mais de subventionner
des actions…
Heu… Il subventionne très petitement quelques actions.
13/ Ils ont une enveloppe de crédits à dispatcher. Et ce n’est pas une grosse enveloppe…
Non non. Mais là-dessus, moi je ne leur fais pas de reproches à eux de la pénurie de moyens… Ils ont à la gérer !
Simplement, à partir du moment où ils ont cette pénurie de moyens-là et où par ailleurs leur avis sur ce qui se
passe à Amboise m’importe peu, je ne vois pas l’intérêt de les avoir autour de la table ! Voilà, c’est aussi simple
que ça…Et encore une fois des représentants de l’Etat très techniques sur des sujets techniques, au contraire…
on a affaire à des spécialistes qui savent encore mieux que nous de quoi ils parlent, c’est toujours très intéressant
qu’ils soient là…Heu…Le représentant du préfet…Aucun intérêt.
14/ Au niveau du département d’Indre et Loire, il y a 8 CLSPD communaux type Amboise mais seulement 7
CLS…Amboise n’est pas parvenue, bien qu’elle l’ait tenté en 2002, à signer de CLS…A quoi c’est du ?
Une fois qu’on a ressorti un petit peu les différents éléments et quelques pistes d’action (DLS de André Midol),
on s’est rendu compte qu’on ne pouvait pas faire un constat d’insécurité majeure nécessitant un CLS. Heu
aussi… On a essayé de creuser un petit peu l’aspect concret au-delà du symbole… Parce que signer un CLS,
faire des photos, inviter la presse et…Bon, c’est bien ! C’est de la communication ! C’est important en
politique ! Bon, cela dit, une fois qu’on a creusé quels étaient les aspects concrets d’un CLS, hormis une réunion
annuelle avec un représentant du préfet et le procureur, heu… c’est tout ! Le CLS dans sa version déshabillée,
c'est-à-dire une fois qu’il n’y a plus de moyens de l’Etat, c’était que ça ! Or nous on avait imaginé une démarche
plus globale une fois fait le diagnostic…Notamment apparaissaient des besoins en terme d’animateurs,
d’éducateurs de rue, des choses comme ça, même sur des temps limités… Mais en tout cas la mise en place
d’une « équipe de prévention »... On avait un peu brassé ces idées-là et notamment pour les deux quartiers
d’Amboise les plus sensibles… Heu... quand la question a été posée à la préfecture, c’était : « heu…bah oui,
c’est bien, on peut le marquer, faites, mais nous on n’apporte pas d’argent». Or on avait quand même imaginé
que c’était un des moyens de définir des actions nouvelles et de définir des financements aussi. On nous a
toujours fait le reproche aussi à ce moment-là de ne pas être en contrat de ville. C’est un reproche que l’on traîne
depuis tout le temps depuis que nos prédécesseurs ont pris cette décision-là…J’espère bien que ça va changer !
Et je pense que si là les deux quartiers d’Amboise, Verrerie et Malétrenne, sont retenus dans les classements
« éligibles à financement » dans le cadre des CUCS heu…ça peut relancer une mécanique parce qu’on aura
effectivement…Parce que du coup l’Etat va dire : « on vient ici à Amboise et on vient y faire des choses…», ce
qui veut dire y mettre de l’argent… Forcément on va être amené à co- piloter des actions et à ce moment-là tant
mieux ! Mais là le CLS, une fois qu’on avait fait le tour du contenu, hormis l’affichage, ça ne présentait pas
d’intérêt.
15/ Pour autant il ne faut pas confondre « contrat de ville » ou « CUCS » avec « CLS »…Le CLS est dédié à la
prévention de la délinquance et il concerne le territoire communal ; alors que dans le contrat de ville, la sécurité
n’est qu’un pôle d’action parmi de multiples autres, et il concerne les quartiers en difficulté seulement. Et la
chargée de mission préfecture de cette mission prévention- sécurité des contrats de ville, c’est Madame Léquipé.
La différence du contrat de ville c’est que l’Etat offre plus de moyens, des moyens qui sont dédiés à des quartiers
sensibles notamment. Et même sans confondre, parce qu’il y avait des moyens plutôt sur ces quartiers-là, y
compris sur la prévention de la délinquance, je veux dire que les lignes de financement que gère Madame
Léquipé, on y avait largement moins droit que les villes en contrat de ville ! C’est logique hein le
fonctionnement des fonds de l’Etat ! Sauf que nous on se retrouvait le bec dans l’eau ! Alors après la réunion
qu’il y avait eu de présentation du diagnostic en mairie, on était avec le Maire allé rencontrer le directeur de
cabinet du préfet à l’époque pour justement croiser un petit peu les regards, approfondir les choses, et puis
justement déterminer si l’on devait avancer sur un CLS ou pas. Et on en a conclu qu’on ne ferait pas de CLS,
compte tenu du peu d’intérêt que ça représentait au-delà d’un simple affichage.
16/ La gendarmerie nationale refuse de communiquer de façon régulière au maire et au CLSPD, les chiffres de
la délinquance. Pourquoi ?
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
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Annexes : entretien n°14 avec Stéphane DELBARRE.
C’est une habitude. Dans les réunions CLSPD type plénières, les propos de la gendarmerie c’était : « bah la
tendance c’est plutôt ci, c’est plutôt ça ». Mais quand on leur disait « quels sont les chiffres ? », c’était : « ah
non, on ne peut pas ! ». Donc voilà ! Dans la série grand-messe, on avait les gendarmes qui faisaient « papier
peint »…Il y a pourtant une convention gendarmerie- police qui a été signée. Alors bon…
17/ Il semblerait que l’information ne circule pas mieux à ce niveau-là…La convention est plutôt quelque chose
de « formel » mais il n’y pas grand-chose derrière... Bref. Si je te parle de délinquance à Amboise, qu’est ce que
toi tu mets derrière ce terme de « délinquance » en tant qu’élu, en tant que directeur d’association également ?
Spontanément je dirais que c’est plutôt du vandalisme. Peut-être parce que c’est un peu comme ça. Heu…Ouais
c’est ça pour l’essentiel ! Après heu…C’est le truc qui est le plus gênant pour tout le monde parce qu’on ne peut
pas vraiment l’expliquer ! Une partie des gens cherche un message dans les faits de délinquance… Il y a quelque
semaines, un de mes collègue élu, par rapport à la tonnelle-là qui avait été massacrée, se posait la
question : « mais qu’est ce qu’ils cherchent à nous dire ? Qu’est ce que »… Bon. Moi je pense que « rien !». Je
pense qu’il y a aussi un âge où c’est assez rigolo de casser des trucs et si c’est porté par l’institution c’est encore
10 fois mieux ! Voilà ! Bref, le vandalisme est un truc qui je pense a toujours existé et qui existera toujours, mais
c’est vrai que c’est toujours agaçant. Ensuite ça serait plutôt quelques cas d’agressions mais très isolés et très
limités. Bon c’est vrai que quand on voit les gens en direct, c’est toujours présenté et vécu comme quelque chose
de très choquant mais heu…en réalité, ça ne va pas très loin. La délinquance en elle-même, je ne la ressens pas
vraiment à Amboise.
18/ Et concernant la Verrerie ? Qu’est ce qui justifie que la Verrerie soit plus « sensible » que les autres
quartiers d’Amboise puisqu’elle est classée ZUS ?
En terme de délinquance, bon moi je suis à la Verrerie depuis plus de 10 ans heu… Je n’ai jamais eu de soucis
dans ce quartier heu…Y compris à 6 h le matin ou à 23 h le soir. C’est un quartier qui est même calme la nuit,
c’est assez étonnant. Même l’été, tout le monde est assez vite rentré chez soi. C’est assez calme. Après je pense
que l’inquiétude est plus sociale qu’autre chose, liée à la concentration de misère sur un tout petit territoire...
Evidemment il y a toujours des ados ou des jeunes adultes qui vont avoir d’autres horaires, faire un peu de bruit
ou encore squatter la barre en partie murée en vue de sa destruction…Et du coup ça gêne beaucoup les habitants
qui vivent toujours dans cette barre. Voilà. C’est ce genre de choses. Il y a aussi eu une tournante il y a quelques
années avec un petit groupe qui a été mis de côté et qui là est revenu depuis peu, et ceux-là effectivement mettent
le bazar dans le quartier en se comportant mal, en faisant des conneries ici et là, en insultant les uns ou les
autres…Mais ça c’est un phénomène d’une petite bande qui, quand on rapproche ça au nombre de gens et de
jeunes dans le quartier qui se tiennent tranquille, est de faible portée. Je pense que proportionnellement c’est rien
du tout. C’est un truc de surface mais c’est extrêmement emmerdant pour plein de gens parce que ça crée des
relations en chaîne quoi. A la Verrerie il y a eu une époque beaucoup plus dure que ça. Il y a eu une époque où
c’était un quartier très dégradé en terme d’urbanisme avec des murs taggés de partout heu…avec une plus grande
agressivité des habitants par rapport aux gens de l’extérieur heu… avec le sentiment d’une absence totale de
prise en compte de ce qu’ils étaient etc. Bon. Mais il y a eu la volonté d’ouvrir un centre social qui était la
volonté de la municipalité précédente en 1988, je crois, et puis les premières années du centre social ça a été
beaucoup de boulot de fond sur des choses de base. Il n’était pas question de mettre des actions dans le temps, il
n’était pas question de construire des choses vraiment profondes… Par contre il s’agissait d’accueillir, d’être
présent, de faire un peu parfois des activités…Répondre à une demande d’occupation…Mais en tout cas il y a eu
un gros boulot de fait de ce côté-là et ça a contribué à stabiliser le quartier. Et puis il y a eu une politique
volontariste de la part du service logement et de José notamment, qui a consisté à ne pas loger systématiquement
les personnes immigrées dans ce quartier mais aussi de les dispatcher sur l’ensemble des logements sociaux de la
ville et notamment de façon plus visible à Malétrenne. Ce qui a permis aussi de rééquilibrer la ville et de
diminuer un peu la dimension « ghetto » de la Verrerie. Voilà. Donc tout ça un petit peu ensemble, ça a permis
aux choses d’aller mieux et puis heu… Bon ça n’empêche pas que quand on regarde les critères de classement de
quartiers par rapport aux contrats de ville-là, aux CUCS maintenant, heu…Les éléments qui sont pris en compte
c’est le taux de chômage, c’est les ressources de chaque foyer, c’est le nombre d’allocataires du RMI, c’est le
pourcentage de jeunes dans le quartier… Et tout ça fait que la Verrerie peut-être considéré comme le quartier le
plus en difficulté du département !
19/ Qu’est ce que tu préconiserais afin d’améliorer la situation ?
Avec mon association, Dyn@sso Plus, on a fait dans le cadre de notre festival, festival « les courants », un
atelier percussion avec un percussionniste togolais qui a été là pendant 10 jours… Ça a interpellé les jeunes du
quartier et puis ils sont venus, ils ont participé… Et puis dimanche dernier ils étaient dans l’île d’or sur la grande
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
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Annexes : entretien n°14 avec Stéphane DELBARRE.
scène, pour faire des percus ! Donc je veux dire que d’un seul coup, on a des jeunes qui trouvent une vraie place
dans la société, une reconnaissance etc. Mais c’est vrai que c’est ce genre de choses qu’il faudrait pouvoir faire
beaucoup plus… Ce qui veut dire forcément des moyens parce que c’est des professionnels sur le terrain…Parce
que le bénévolat ne suffit pas. Mais voilà quoi ! Sans compter qu’il y a plein d’autres choses à faire au niveau de
l’urbanisme : projet ANRU, projet d’urbanisation du quartier des Guillonières, Transports etc. afin de banaliser
ce quartier par rapport à ce qu’il est aujourd’hui et de mieux l’intégrer à la ville.
20/ Beaucoup de partenaires, sociaux comme étatiques, ont des difficultés à voir clair dans les dispositifs
partenariaux amboisiens que ce soit au niveau social, au niveau de la sécurité ou au niveau de la jeunesse. Ils
ont la sensation qu’il y a une pléthore de dispositifs, une débauche de moyens, qui ne va pas forcément dans le
sens de l’efficacité... Il semblerait qu’il manque à tout ça un vrai pilote.
Il y a du vrai et du moins vrai je pense… Au niveau de la jeunesse par exemple, depuis 2002, on a créé, en
partenariat avec la CAF, un contrat temps libres. Renouvelé en mars dernier, ce contrat de 3 ans permet de
mettre en place des actions cofinancées en faveur des jeunes de 3 à 18 ans. Dans ce dispositif-là, il y a une
commission jeunesse qui a été ouverte aux partenaires et qui n’existait pas auparavant… Mais on retrouve dans
le CLSPD une commission Animation qui dans un autre cadre a exactement le même objet… Et puis on retrouve
dans le dispositif de la coordination sociale une commission jeunesse qui a à peu près le même travail… Par
ailleurs, on a un comité de pilotage contrat temps libres porté par le service jeunesse de la ville pour
l’extrascolaire et puis un comité de pilotage du contrat éducatif local pour le périscolaire et qui est porté par le
service scolaire de la ville… Donc là-dessus, c’est évident qu’il y a un problème ! Moi j’ai d’ailleurs arrêté la
commission jeunesse du contrat temps libres parce que ça me semblait complètement déconnant ! Par exemple,
pour des partenaires type « centre social », il faut qu’ils soient présents partout ! Dans tous ces trucs-là ! Alors je
ne pense pas que cela soit à chaque fois inintéressant mais heu…Faudrait créer un poste pour venir en réunion à
la mairie quoi… Donc je comprends bien que ça pose problème ! Il faudrait effectivement qu’on arrive à un
moment à simplifier les choses. Mais je n’ai pas de solution miracle. Il y a des choses qui sont prévues dans ces
dispositifs qui ne sont pas obligatoires mais qui sont logiques en terme de pilotage. Cela dit, on peut très bien
une fois qu’on a les mêmes gens autour de la table…Enfin je veux dire que une seule réunion peut servir à
plusieurs problématiques… C’est vrai que quand on est arrivé, il y avait une forte demande, très justifiée, de
participer à des réunions, de débattre, de ne pas attendre que juste le truc tombe d’en haut... Avant qu’on arrive,
l’ancien maire, Bernard Debré, disait aux associations : « Soyez les meilleurs ! », ce qui voulait dire : « cette
année si le thème c’est ça… hop ! Tout le monde se précipite dessus en concurrence et que le meilleur gagne ! ».
Heu… Quand on est arrivé on s’est dit qu’on devait repositionner un petit peu les missions et on l’a fait en
partie : On avait une Mission locale qui allait beaucoup sur l’animation, on leur a dit : « bah non, c’est plutôt le
rôle de la MJC » etc. Et puis on a incité finalement tout le monde à travailler ensemble. Ça n’a pu se faire
concrètement que quand les directeurs des structures ont changé. Il y avait tellement de mauvaises habitudes et
de vieilles histoires entre tout le monde que ce n’était pas possible autrement. Aujourd’hui, ils travaillent
ensemble. Après, sur un quartier comme Malétrenne / Plaisance par exemple, on manque de pilotage
aujourd’hui. C'est-à-dire qu’on a des acteurs qui interviennent de façon complémentaire quand on regarde un peu
ce que fait chacun, mais il n’y a pas de pilote. Donc c’est sûr que là-dessus on pêche quoi ! Et pour moi on
manque, sur l’ensemble de ce truc « jeunesse », « social », « animation » etc. On manque d’un animateur qui
pourrait coordonner tout ça. Parce que actuellement, moi je souffre dans l’animation du CLSPD concrètement,
d’être le seul élu à le piloter…
21/ En plus ce n’est pas ton rôle normalement…
En plus ! Or à côté de ça, je sais que par exemple Nelly Chauvelin est très présente sur la coordination sociale…
Au final donc, on est un certain nombre d’élus sur le terrain, mais chacun sur des dispositifs qui au lieu de se
coordonner et d’être efficaces, s’additionnent et se télescopent…Donc je pense qu’à un moment il faut dire
« Stop » et puis réorganiser tout ça. Moi ça ne me pose pas de souci puisque c’est finalement quelque chose qui
est demandé par tous les partenaires : que ce soit les élus qui voudraient plus d’efficacité, que ce soit les
partenaires sociaux qui souhaiteraient y voir un petit peu plus clair dans leur dispositif, ou que ce soit les
partenaires étatiques qui souhaiteraient avoir un interlocuteur unique. Je crois qu’il faut un pilotage et puis après
il faut qu’on ait des réunions en commissions mais pas trop non plus ! Sur le CLSPD quand même on était parti
sur 8 commissions ! C’est quand même un peu ambitieux ! Y compris avec des choses intéressantes mais qui au
concret ne peuvent pas fonctionner… Et je crois qu’on pourrait très bien avoir deux, trois commissions et puis à
partir de là mieux organiser le travail.
22/ Autre difficulté, certains partenaires considèrent que le fait que le CLSPD soit incorporé dans le CCAS est
préjudiciable, notamment au niveau du budget.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
-L-
Annexes : entretien n°14 avec Stéphane DELBARRE.
Moi je ne suis pas d’accord. Quand je discute avec ma collègue de Montlouis qui travaille dans le cadre du
CISPD de la CCET… Je ne sais plus à quelle hauteur s’élève leur budget, mais je crois que ce doit être genre
20% du nôtre pour l’ensemble de ces communes-là. Donc au niveau du CCAS et du CLSPD je pense qu’on a un
vrai gros budget. Après, il y a aussi eu historiquement une espèce de constitution de « cagnottes » à travers le
dispositif CCPD… C'est-à-dire que plutôt que d’augmenter le budget relatif aux subventions destinées aux
associations, à l’époque du CCPD (on n’était pas encore là), on disait aux associations qui demandaient plus de
fonds : « bah non, présentez nous plutôt un projet qui soit dans le cadre de la prévention de la délinquance et puis
dans ce cadre-là il nous restera des sous et on pourra le financer ». Moi je l’ai vécu en portant des projets ici et le
directeur de cabinet de l’époque disait : « non, non, on ne peut pas, ce n’est pas possible dans le budget. Ah ! Par
contre, il y a le budget CCPD et comme là on n’a pas beaucoup de projets, vous pouvez présenter votre projet
dans ce cadre-là quoi ». Et donc il y avait un peu ce côté « faut qu’on affiche prévention de délinquance, donc si
vous avez des projets qui relèvent de l’animation, on les met là comme ça on fait tant en prévention de la
délinquance »… Ce qui fait qu’historiquement il y a un certains nombre d’actions, pour la plupart
indispensables, qui n’ont été financées que dans le cadre du CLSPD et qui donc chaque année représentent une
demande qu’on ne peut pas vraiment refuser… Ainsi, j’ai toujours considéré qu’on était un peu à la limite de la
prévention de la délinquance… « Toute action occupationnelle a des effets en terme de prévention… Bah oui,
pendant qu’ils font ça ils ne cassent pas des voitures quoi »… Mais pris en ce sens on pourrait financer tout et
n’importe quoi. Et finalement des actions qui sont vraiment des actions de prévention, on n’en fait pas vraiment,
parce que finalement quand on regarde le budget, quand on enlève tous ceux qu’on finance de façon
traditionnelle et qui sont presque obligatoires aujourd’hui parce que c’est devenu…Si on dit par exemple au
centre social : « bah les 15 000 euros qu’on vous donne sur ce budget-là, bah on ne va plus vous les donner parce
que l’année prochaine on a choisi la prévention routière à fond et qu’on ne vous pas a pas désigné vous pour le
faire ». Le centre social supprime un poste… Donc ça c’est un problème. Et il vaudrait presque mieux qu’on ait
un CLSPD avec un budget plus restreint, plus réaliste et qui ne fonctionne que sur des opérations autres quitte à
considérer que ce qui se donne actuellement dans le cadre du CLSPD soit ajouté aux subventions de
fonctionnement des associations. Et c’est sûr qu’on y verrait un peu plus clair.
23/ Quel avenir tu vois pour le CLSPD d’Amboise ?
Moi je me demande si on ne va pas avoir une forme de remise à plat si jamais on a des quartiers classés dans le
cadre des CUCS. Parce que on va nous demander une forme de maîtrise d’œuvre sur les projets dans ces
quartiers-là. Il va falloir de toute façon qu’on réponde à ça, quitte à ce qu’il y ait, je ne sais pas moi, l’équivalent
d’un mi-temps qui soit que sur cette mission coordination. Heu…Peut-être que la logique de notre petit territoire
sera d’englober l’ensemble et de ne pas réfléchir uniquement sur deux quartiers même si une partie des moyens
notamment ceux que mettra l’Etat seront dédiés à ces quartiers-là. Le pilotage du CUCS entrerait finalement
dans le cadre du CLSPD et de la politique locale de prévention. Nous si on se dit qu’on a une enveloppe et
qu’elle est agrandie, ce qu’on met dedans en plus ira forcément dans les quartiers, mais par contre le reste
continue à avoir une dimension communal. Après que le pilotage de ces actions-là avec des croisements de
publics soit porté par la ville, pourquoi pas ? Mais je pense que l’on va devoir de toute façon éclaircir les choses
dans ce cadre-là. Donc ça, ça peut-être une occasion pour remettre les choses à plat.
24/ Et concernant l’établissement d’un éventuel dispositif intercommunal ?
On a tenté au début de créer un CLSPD intercommunal. Au démarrage c’est ce qu’on voulait faire. On avait
invité les maires des différentes communes…Voilà. Et puis ça s’est arrêté là, parce qu’à l’époque il n’y a pas eu
suffisamment de volonté politique de part et d’autre. Mais je pense que dans l’avenir on va arriver à
l’intercommunalité mais par petits bouts. Là on a discuté avec la MJC d’Amboise qui souhaiterait finalement
regrouper en une structure unique la MJC, et puis donc le service de développement local qu’il y a derrière sur
les petites communes autour en disant : « ça devient une seule association, on fait des économies de gestion,
l’association embauche et intervient à Amboise mais aussi sur les petites communes »… Ce qui voudrait dire
qu’on assisterait un changement du statut de la MJC avec la présence des représentants des communautés de
communes dans sa structure. Donc j’ai donné mon accord de principe au président de la MJC. De toute façon
c’est la logique des choses et la logique du territoire c’est ça.
25/ Finalement le renversement va peut-être venir du terrain…
C’est en train de venir du terrain parce que ça apparaît comme une évidence.
Je te remercie.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- LI -
Annexes : entretien n°15 avec Christian GUYON.
Le 11/07/2006. 11h.
Durée : 40 minutes.
Entretien n°15 avec Christian GUYON.
Maire d’Amboise.
Conseiller général d’Indre et Loire.
1/ Le ministre de l’intérieur souhaite généraliser les CLSPD dans les communes de plus de 10 000 habitants. Ce
dispositif est-il utile et pertinent pour lutter contre la délinquance ?
Oui c’est pertinent parce que ça permet de coordonner les actions multiples de ceux qui interviennent dans la
prévention de la délinquance. Alors « ville de plus de 10 000 habitants » je n’ai pas de religion là-dessus. Je sais
que j’avais été sollicité il y a quelques années par un préfet pour créer un conseil intercommunal de sécurité et de
prévention de la délinquance (CISPD). Nous avions eu quelques réunions avec des maires, mais bon le sentiment
que j’ai eu à cette époque c’était que beaucoup de maires attendaient que la locomotive Amboise prenne les
choses en mains. Bref, ça n’a pas abouti et l’on a préféré bâtir un CLSPD. Ceci dit, les délinquants, ou ceux qui
font des bêtises qu’on peut traiter d’incivilités, ne connaissent pas les limites des communes et passent
facilement d’une commune à une autre. Dans l’absolu donc, le traitement de la délinquance serait plutôt
intercommunal avec des actions différenciées en fonction de la taille des communes et de la délinquance qu’on
veut cibler : il est bien évident qu’on n’a pas la même délinquance à Cangey que dans le quartier de Malétrenne
ou dans le centre-ville d’Amboise.
2/Que représente pour vous le CLSPD d’Amboise ? Quels sont ses défauts ? Quelles sont ses qualités ?
Ce n’est pas une question facile. Alors pour ce qui est des défauts dans le détail, Stéphane DELBARRE sera plus
à même de répondre à ça. Aujourd’hui il y a des actions qui sont pertinentes. Il y a de moins en moins d’actions
visant seulement à alimenter des caisses associatives. C’est vrai que pendant longtemps on a eu des associations
ou des organismes qui se positionnaient pour présenter au CLSPD ou au CCPD quand c’était le CCPD, des
actions qui ne visaient qu’à obtenir quelques subventions par l’intermédiaire du CLSPD auprès de la délégation
interministérielle à la ville (DIV). Ceci dit la préfecture est quand même très vigilante. Elle a toujours été très
vigilante la préfecture : elle ne donne pas les sous facilement ! Mais je pense que ça c’est plutôt un avantage
d’être vigilant sur la forme d’action qui est menée et vérifier qu’on n’est pas simplement un tiroir-caisse où
chacun plonge la main. Il est clair que les associations essaient toujours plus ou moins de tirer le maximum et ce
qu’on a toujours regretté avec Stéphane, pendant un temps mais ça tend à disparaître ce temps-là, c’est le
manque de lien qu’il pouvait y avoir entre les acteurs sociaux : par exemple entre le centre social, la maison des
jeunes et le foyer des jeunes travailleurs…Il est important de réussir à avoir une action d’ensemble et à tout
coordonner. Ça suppose une grosse logistique. Ça suppose qu’on ait un élu qui ne s’occupe que de cela. Or c’est
vrai que Stéphane a beaucoup d’autres responsabilités et de projets à mener.
3/ Ne serait-ce pas plutôt un rôle dévolu à un animateur qui coordonnerait le CLSPD tout en restant neutre,
c'est-à-dire en n’étant ni un élu, ni un représentant de l’Etat, ni un représentant de la société civile ?
Oui. Mais se pose là le problème du financement de ce poste-là. On bute toujours là-dessus je suis désolé de le
rappeler. Sarkozy est bien gentil mais c’est toujours on délègue des compétences, on décentralise, mais sans les
moyens qui vont avec… Quand je dis que Sarkozy est bien gentil heu…Non ! Je retire ce que j’ai dit !
4/ En 2002, le CCPD a été transformé en CLSPD, est ce que c’était une demande locale d’évolution ou est ce
que c’était une obligation légale ?
La transformation du CCPD en CLSPD a été une décision de la mairie suite à la demande de la préfecture.
5/ Est-ce que ça a changé quelque chose de passer du CCPD au CLSPD ?
Je n’ai pas l’impression.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- LII -
Annexes : entretien n°15 avec Christian GUYON.
6/ Quel intérêt la ville d’Amboise attribue t’elle au CLSPD ?
Comme je l’ai dit tout à l’heure l’intérêt du CLSPD c’est de parvenir à coordonner les différents acteurs entre
eux et de déboucher sur des actions communes. Je pense qu’il y a une vraie volonté mais je pense qu’il y a aussi
le manque de disponibilité des élus qui s’en occupent. Et puis c’est vrai que c’est davantage le rôle d’un
animateur, il faudrait effectivement une personne qui ne fasse que ça. Alors heu… Honnêtement, les élus ont la
charrette pleine…Et on ne baisse pas les bras hein…Mais heu… Parce que la prévention, pour moi, n’exclut pas
à priori la répression. Et c’est vrai qu’on a des contacts fréquents avec la gendarmerie, on s’entend bien avec la
gendarmerie nationale…Ceci dit ils ont des moyens…On ne va pas dire qu’ils ont des moyens limités mais…Ils
ne sont pas toujours disponibles…Et là encore, on s’est fait un certains nombre d’illusions sur la capacité de la
gendarmerie à intervenir dans un certain nombre de domaines. Heu…On nous a dit qu’il y avait des moyens
supplémentaires qui avaient été mis à disposition…Alors les moyens ne sont pas à la hauteur des attentes, c’est
clair !... Que dire d’autre ? Je ne veux pas dire que je suis un peu dubitatif mais heu…Je me rends bien compte
que on n’a pas totalement les résultats escomptés. Mais je crois qu’il est important de dire que « délinquance »
ne veut pas dire « jeunesse » et ce même si « prévenir » revient plutôt à agir en direction des
jeunes…L’association « Jeunesse – Délinquance » est fausse. Par contre l’association « Jeunesse – Prévention »
est valable. A 50 ans je pense qu’il n’y a plus grande prévention à faire…
7/ Si l’on observe les dispositifs qui existent au niveau d’Amboise : il y a une coordination de sécurité et de
prévention qui se met en place au niveau du CLSPD, il y a une coordination sociale qui se met en place avec
Pascal SALVAUDON, il y a aussi actuellement un partenariat avec la CAF sur la réalisation d’un diagnostic de
parentalité au niveau de Malétrenne… Pourquoi y a t’il autant de partenariats ?
Il faudrait plus de clarté, c’est sûr ! J’ai bien une idée mais on bute toujours sur la question des moyens à mettre
en œuvre. Ce serait l’idée d’un coordinateur qui ne serait pas un élu mais un technicien et qui présenterait des
solutions aux élus et qui prendrait en mains ces dispositifs. Parce que je comprends bien que les partenaires de
terrain en aient un petit peu marre, mais les élus en ont aussi ras le bol…Moi je le vois bien… J’appelle ça la
« réunionite » : on se réunit pour dire sous une forme différente ce qu’on avait dit à un autre groupe ou à d’autres
partenaires la veille. Il y aurait sans doute besoin d’un chef de service - coordinateur à plein temps qui
coordonnerait les actions de prévention, de la coordination sociale, et de la jeunesse.
8/ La gendarmerie nationale refuse de divulguer les chiffres de la délinquance à la mairie. Pourquoi ?
Alors les gendarmes font un état de la délinquance une fois par an, je ne sais plus à quelle époque, je pense que
c’est au printemps. Ça s’est fait à la communauté de communes la dernière fois. Heu…Tous les maires sont
invités… Mais on ne nous présente que les grandes tendances, c’est tout !...J’avais fait un reproche à ce sujet à
l’ancien capitaine… Je lui avais dit que la gendarmerie faisait partie de l’armée et que ce n’était pas pour rien
qu’on l’appelait « la grande muette »… Parce que bien souvent j’apprends les choses par la presse le lendemain !
Et puis ça de toute façon, ça a toujours été ! Jamais ils ne donneront le nombre de plaintes sur la main courante.
9/ Est-ce que l’institution CLSPD telle qu’elle existe actuellement permet une transversalité de l’information ?
Une logique d’ensemble ?
Pas totalement. Dans le fond, il y a toujours un comportement de type individualiste de chacun des partenaires.
Par exemple, quand elles établissent leur budget, les associations se disent : « je vais inscrire telle action, je peux
tirer tant de la ville, tant de l’Etat bon c’est bon et on y va ! ». Chacun essaie de tirer le maximum de subventions
pour l’action qu’il a menée. Et je trouve que c’est bien naturel. Mais c’est vrai que cela ne va pas forcément dans
le sens du partenariat. Alors sans doute faut-il être très pédagogue et ce serait donc le rôle du coordinateur de
créer du lien et de fédérer véritablement les partenaires. Y compris de trouver des actions communes parce que
c’est encore le meilleur lien : si on implique deux organismes dans la même action, je ne veux pas dire qu’on
instaurera de la compétition, mais je pense qu’il y aura une certaine complémentarité en fonction des
disponibilités et des compétences des uns et des autres.
10/ Mis à part les listes électorales et les fichiers de l’état civil, la mairie ne dispose pas véritablement d’une
base de données statistiques propre sur sa population, sur sa délinquance etc. A quoi c’est du ?
Quand je suis arrivé en 2001, j’ai impulsé dès le départ un certain nombre d’études… La première étude qu’on a
lancée c’était une étude sur la circulation et le stationnement… On était installé le 1er Avril et dès le mois de Juin
on contactait une société, la société EREA, qui a défini un PDU (plan de déplacement urbain) et après on a fait
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- LIII -
Annexes : entretien n°15 avec Christian GUYON.
d’autres études qui nous ont permis de faire des diagnostics sur un certains nombre de choses… A tel point que
mon opposition a dit et même écrit dans ses bulletins que « c’était une déformation professionnelle chez le
maire, parce que bon je suis un ancien prof, et que il ne pouvait pas se passer d’études »…On n’avait rien, rien
du tout à l’époque ! Aujourd’hui ce n’est toujours pas formidable mais c’est déjà mieux. Un autre problème que
j’ai rencontré moi et que je continue à rencontrer, c’est souvent que j’essaie d’enfoncer les portes un peu
violemment…Au niveau des problèmes sociaux qui sont très liés à la délinquance heu…Les assistantes sociales
lorsqu’on leur pose des questions se réfugient toujours derrière : « ah ! secret professionnel ! déontologie ! etc.»
or je leur dis régulièrement que les élus aussi ont leur déontologie et que bien souvent des gens qui sont dans la
détresse et qui me viennent me voir, me confient des choses qu’ils ne confieraient pas à une assistante sociale.
Alors c’est un petit peu agaçant ! ça rejoint un petit peu ce qu’on évoquait avec la gendarmerie, c’est « non a n’a
pas le droit de communiquer ! »…Cette espèce de rétention d’information sous couvert de secret professionnel
qui n’existe pas, ou plus ou moins, nous empêche d’avoir la bonne connaissance qui permettrait d’actionner les
leviers adéquats. Là les leviers on les actionne mais pas toujours à bon escient ou de façon démesurée par rapport
au problème qui est posé.
11/ Au niveau du département d’Indre et Loire il y a 8 CLSPD de type communaux, dont celui d’Amboise. Par
contre il n’y a que 7 CLS signés. Amboise n’est pas parvenu à la signature de son CLS. A quoi est ce que c’est
lié ?
Je ne me rappelle plus pourquoi on n’a pas signé le contrat. Honnêtement c’est une colle ça… Mais je crois me
souvenir que c’est à cette époque-là, 2002 – 2003, que le secrétaire général de la préfecture qui était Monsieur
Piloton, nous a pratiquement mis la condition de créer un conseil intercommunal de sécurité et de prévention de
la délinquance (CISPD) et de signer un CLS intercommunal. La condition c’était ça. Mais comme je vous ai dit
au début de cet entretien, nous n’avons pas réussi à nous entendre avec les autres communes et donc nous nous
sommes contentés d’un CLSPD sans CLS.
12/ Aujourd’hui que faudrait-il fait pour relancer le travail au niveau d’Amboise ? Réanimer le CLSPD
communal ou essayer de nouveau de bâtir un CISPD ?
Moi je ne suis pas partisan dans l’immédiat d’aller vers un CISPD. Parce que bon on va se réunir heu…Un
certain nombre de maires vont venir ou vont déléguer un adjoint…et puis vont écouter ce qui se passe sur
Amboise et vont dire : « bah oui mais nous à notre niveau on n’a pas de délinquance. On a juste une ou deux
voitures qui brûlent. On a juste quelques tags. Bah on n’a pas de moyens on n’a pas de budget on n’a pas de
personnel etc. ». Parce que ça s’est déjà produit, on a déjà eu des réunions de ce type. Mais c’est bon, Amboise
en a un petit peu marre de jouer la locomotive et de tirer la charrette… Il vaut mieux opérer une réorganisation
du CLSPD, avec effectivement la mise en place d’un coordinateur qui travaille à la fois sur le social, sur la
prévention et sur la jeunesse.
13/ En tant que Maire vous êtes sans doute au fait de ce qui se passe sur le territoire communal : qu’est ce que
la délinquance à Amboise ?
Derrière le mot « délinquance » à Amboise, je dirais qu’il n’y a pas de grande délinquance. Il y a quelques cas :
un gars qui a tiré un coup de carabine sur sa compagne, les jeunes dealers qui ont tué à coups de couteau un gars
… Mais bon, c’est vraiment des évènements remarquables et remarqués, parce qu’ils sont peu nombreux.
Derrière le mot « délinquance » à Amboise, je mets davantage des incivilités c'est-à-dire : les agressions
verbales, les nuisances sonores, les tags et le vol. Alors il y a, c’est clair, quelques opérations réussies de la
gendarmerie sur des trafics de stupéfiants. Faut pas le négliger. Ceci dit il ne faut pas non plus voir dans
Amboise une ville idyllique et touristique ! C’est une ville qui a des gros problèmes sociaux. Ce n’est pas une
ville riche contrairement à ce qu’on pense. Il ne faut pas voir que la vitrine du Mail et de la place du Château, il y
a derrière, quand on gratte un peu ce vernis, il y a de la grande pauvreté, il y a beaucoup d’incivilités, il y a aussi
des trafics de stupéfiants, il y a eu une tournante dans le quartier de la Verrerie… Et plus la ville va grossir, et
elle grossit, et plus on va multiplier les incivilités et les risques de grande délinquance. Mais actuellement c’est
davantage des incivilités et de la petite délinquance.
14/ Est-ce qu’il y a une Amboise une (des) zone (s) où il y a plus de délinquance que d’autres ?
Ça dépend du type de délinquance. Si on parle de délinquance routière, il y en a sur tout le territoire
communal…Qu’on prenne l’Avenue des Montils, qu’on prenne l’Avenue Léonard de Vinci, qu’on prenne la
route départementale 751 ou la 952 de l’autre côté… la délinquance routière est partout. La délinquance est
partout ! La délinquance s’insinue partout ! Pour la délinquance de vols ou d’agressions verbales ou de nuisances
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- LIV -
Annexes : entretien n°15 avec Christian GUYON.
sonores, il n’y a pas vraiment de quartier à privilégier, si je peux utiliser le mot privilégier, on trouve autant
d’incivilités dans le quartier de la Verrerie, qu’il n’y en a dans la quartier de Malétrenne. Et il y a une
délinquance qu’on oublie très souvent c’est la délinquance qu’on peut trouver dans le centre-ville avec des gens
qui déposent des cartons sur la voie publique ou des ordures, sans se préoccuper que ça va être ramassé le
lendemain, quelquefois le surlendemain ou trois jours après. C’est aussi une forme de délinquance qui mérite
d’être réprimée. Mais il n’y a pas de quartier à privilégier. On a mis longtemps une étiquette désolante sur le
quartier de la Verrerie parce que c’est vrai que on a concentré dans le quartier de la Verrerie toute une population
qui n’avait pas d’autre choix que d’accepter d’y habiter parce que c’était des gens sans emploi, des
immigrés…Et on a concentré là-bas une grande partie de la misère locale avec tous les problèmes que ça pose,
notamment en terme de cohabitation… Mais c’est tout ! Et la volonté que j’ai eue en arrivant, quand j’ai posé la
question à la représentante du préfet qui travaillait à la DDE « quand est ce qu’on démolit la Verrerie ? et à
l’époque le préfet qui était le préfet Schmitt m’a appuyé dans cette démarche-là, c’était davantage pour casser
l’image de la Verrerie que pour casser la délinquance qu’il y avait. Alors après c’est clair que la tournante a eu
lieu là-bas et que les gens qui ont été impliqués dans cette affaire-là ont tendance à repointer leur nez dans le
quartier et à resemer la zizanie…Mais moi ma volonté de rénovation urbaine du quartier de la Verrerie, c’est
davantage dans le but de casser cette image à la fois visuelle, certains bâtiments ne sont pas adaptés, et virtuelle,
c'est-à-dire cette réputation qui lui colle à la peau et qui n’est pas justifié. Autre projet dans cette optique
également c’est le projet d’urbanisation du quartier des Guillonières, situé entre la Verrerie et le centre-ville, afin
de recoudre le quartier de la Verrerie à la ville et de faire en sorte que ce ne soit plus un ghetto. Et justement, je
crois que l’une des meilleures actions de prévention de la délinquance que nous menons, c’est justement la
politique urbaine, c'est-à-dire la politique d’urbanisation de la ville. On va vers une politique d’urbanisation de
mixité de l’habitat pour aller vers la mixité sociale et ce afin d’éviter d’avoir un ghetto de pauvres au sud et un
ghetto de bourgeois à l’ouest où l’on a que des zones pavillonnaires…Lorsqu’on a de mélangé dans un quartier
des jeunes de familles en difficulté et puis des gens qui ne sont pas dans le besoin, hé bien le mélange de ces
populations-là fait que il y a une espèce de retenue de la part de ceux qui seraient tentés de faire des bêtises et
puis un comportement qui peut quelquefois être un comportement de « grand frère » ou de « tuteur » ou de
« parent » à l’égard de ceux qui sont un peu dans la difficulté. La population a un rôle essentiel dans la sécurité.
Je pense que la solidarité doit pouvoir s’exprimer de cette façon-là et c’est la politique que je tiens et qu’on
continue à mener. Et l’exemple c’est bien avec le projet des Guillonières où il y aura une mixité de l’habitat donc
une mixité sociale et on recoudra les quartiers excentrés de la ville aux autres quartiers d’Amboise.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
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Annexes : réunion du CDP du 9 Mai 2006.
Retranscription de la réunion du conseil départemental de prévention (9 Mai 2006)
CONSEIL DEPARTEMENTAL DE PREVENTION.
AUTEUR : Jean-Baptiste Hayes (Mairie d’Amboise).
DATE : 9 MAI 2006
HEURE : 14h30
LIEU : Salle Charles de Gaulle (Conseil général d’Indre Et Loire).
DUREE: 2H35
Entrée en matière.
•
Gérard MOISSELIN, Préfet d’Indre et Loire.
« Monsieur le Procureur, Monsieur le Président, Mesdames et messieurs les Elus, mesdames messieurs bonjour,
merci d’avoir répondu à notre invitation au conseil départemental de prévention. Il s’agit d’une assemblée
nombreuse et c’est sans doute la raison pour laquelle on ne la réunit pas très souvent parce que nous pensons que
vous avez les uns et les autres différentes autres occasions de travail. Au demeurant cette instance est prévue par
les textes, il est normal que nous la fassions fonctionner surtout je pense qu’elle peut être l’occasion d’un cadre
d’échanges utiles dans les démarches de sécurité que nous nous efforçons de mettre en œuvre dans le
département. Alors, je vais faire un rapide point d’introduction sur ce sujet. La Sécurité est et demeure une
priorité absolue de l’action du gouvernement. Et depuis 2002, un certain nombre d’efforts ont été faits dans ce
domaine aussi bien en terme législatif, réglementaire, qu’en terme de moyens consacrés aux services : policiers,
gendarmes ont obtenu dans le cadre des lois- programme divers moyens matériels et financiers. Cette démarche
en faveur de la sécurité ne se limite pas à l’augmentation des moyens mais est passée également par une
réorganisation d’un certain nombre de procédures et de travail des forces de sécurité. Certaines concernent notre
département mais il y a eu comme vous le savez en France un travail très important de fait pour redistribuer les
zones de compétence entre police et gendarmerie. En outre, et c’est sur ce point que je veux insister, le travail de
sécurité n’est pas seulement un travail de policiers et de gendarmes mais c’est le travail de tous les responsables
d’institutions publiques dans notre pays tant il est vrai que le travail de sécurité n’est pas seulement une affaire
de politique administrative ou de répression mais est une affaire d’éducation à la citoyenneté du plus grand
nombre de nos citoyens et donc l’affaire d’une coopération de tous les responsables : élus locaux, services
sociaux, bailleurs sociaux, transporteurs publics… enfin, je n’interromps pas là mon énumération mais on voit
maintenant que les différents acteurs de la vie publique ont chacun dans leur domaine, une contribution à
apporter à la demande de sécurité de nos citoyens. Je crois pouvoir dire, même si je suis prudent, que des
résultats ont été atteints en quelques années dans ce pays et dans notre département. Pour ce qui est simplement
de l’Indre et Loire, sans vous accablez de chiffres, je dirais simplement que entre 2002-2005, il a été constaté par
les forces de police et de gendarmerie une baisse des méfaits d’environ 20%, que la délinquance de voie
publique qui est la plus irritante pour nos concitoyens a baissé de 21% en trois ans et que le taux d’élucidation
des infractions relevées par les forces de police et de gendarmerie est passé de 24 à 36%. Donc un progrès très
sensible des actions des services de police et de gendarmerie. Dans le même temps, dans le domaine de la
sécurité routière, je vous rappelle qu’en l’espace de trois ans le nombre des tués est passé de 80 en 2002 à 55 en
2005 ce qui atteste également qu’il y a encore à faire. Alors, en énonçant ces chiffres, je me garde de
triomphalisme parce que je sais que ces résultats même encourageants ne sont jamais parfaits, je sais que par
ailleurs on n’est pas à l’abri de flambées de violence comme nous l’avons connu à l’automne dernier dans
l’agglomération tourangelle comme dans le reste de la France et que nous ne sommes pas à l’abri de nécroses
ponctuelles également. Donc tout ceci est à prendre avec précaution. Evidemment, ces chiffres dénotent quand
même une tendance encourageante qui va dans le sens de la voie que nous avons tracée les uns et les autres, j’en
veux pour preuve que au classement de notre département par rapport aux autres, classement où la première
place n’est pas à rechercher parce que c’est celle où l’on aurait la plus grande délinquance, notre département est
passé de la 37ème à la 46ème place au niveau national (sur 100 départements). Ce qui atteste quand même qu’il y a
eu un travail de fait. C’est en cet état d’esprit que nous vous avons proposé l’ordre du jour de la réunion
d’aujourd’hui, après cette introduction, et après une présentation plus détaillée que fera Monsieur CAZELLES,
directeur du cabinet, du Plan départemental de sécurité (PDS). Nous vous avons proposé un ordre du jour qui
permettra l’intervention de divers d’entre vous sur un certain nombre de démarches qui ont été mises en œuvre
dans le département en matière de prévention : prévention tournée vers les mineurs, prévention de la récidive,
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- LVI -
Annexes : réunion du CDP du 9 Mai 2006.
prévention de la délinquance routière… Cette réunion sera plus qu’un exposé théorique de nature à retenir
l’attention de l’aimable assistance, je pense surtout que ces témoignages sont de nature à susciter des échanges et
peut être également des reproductions de bonnes pratiques mises au point par le département, il me semble que
c’est de cette manière que l’on peut aussi donner une utilité au conseil départemental de prévention. Voilà ce que
je tenais à dire en lever de rideau, Monsieur le Procureur, sans doute souhaiterez-vous prolonger mon propos. »
•
Jean-Michel CAILLIAU, Procureur de la république d’Indre et Loire.
« Merci Monsieur le Préfet de me donner la parole. Je vais évidemment dans le sens de ce que vous venez de
dire. Sur la situation globale de la délinquance dans le département en 2005, je n’ai pas d’observation
particulière à faire dans la mesure où les données enregistrées par les autorités judiciaires – c’est normal et c’est
cohérent – vont dans le même sens que les données enregistrées par les forces de police et de gendarmerie. Cette
diminution sensible des faits constatés qui a été évoquée sur une période assez longue, constatée également en
2005, s’est traduit par une diminution des affaires enregistrées au niveau du Parquet – rien de surprenant – et
l’amélioration du taux d’élucidation des affaires se traduit bien naturellement par une augmentation du taux des
affaires poursuivables ce qui fait que avec moins d’affaires entrées on a eu plus de réponses ( « judiciaires »), ce
qui est un motif incontestable de satisfaction. Autre motif de satisfaction c’est l’augmentation du taux des
poursuites rapides, je crois que c’est peut être plus important d’obtenir une réponse certaine et rapide que de
s’accorder trop de temps pour sanctionner un comportement délinquant. La certitude et la rapidité de la sanction
sont évidemment à privilégier et nous avons en 2005 atteint un taux de poursuite rapide important puisqu’il se
situe au-delà de 83% du total des poursuites. A signaler également une simplification des modes de poursuite, ce
qui permet une plus grande réactivité de la justice face aux phénomènes de délinquance : je mentionnerai sans
m’appesantir les ordonnances pénales qui sont une forme de procédure écrite utilisée largement pour la
délinquance routière et qui permettent d’avoir une réponse rapide qui est la plupart du temps acceptée par les
délinquants puisque nous avons relevé un très faible taux d’opposition. Au niveau de la réponse pénale qui
englobe à la fois les poursuites et leurs aboutissements mais aussi les réponses alternatives qui peuvent prendre
la forme, le législateur a fait preuve d’une grande imagination dans ce domaine : de rappel à la loi, de médiation
pénale, de classement sous condition etc… La ventilation de mesures permet de réduire considérablement ce que
l’on appelle les « classements secs » c'est-à-dire les absences de réponse alors même que il pouvait être relevé
dans les procédures une infraction qui justifiait que la personne à laquelle l’on pouvait imputer les faits se voit
donner une réponse et un engagement à ne pas réitérer son méfait. Alors fédérer les processus judiciaires, c’est
bien, c’est encore mieux si l’on arrive à exécuter les sanctions prononcées aussi vite que l’on engage les
poursuites. Alors ça c’est un autre thème de réflexion (le thème de « l’application des peines ») qui a donné lieu
à un rapport parlementaire important, rapport de Monsieur WARSMANN, et ce rapport a eu un dénouement
législatif à travers la loi du 9 Mars 2004 qui a institué ce que l’on appelle le bureau du suivi des actes et des
sanctions (bureau d’application des peines associant magistrats, greffes mais aussi travailleurs sociaux et
notamment les SPIP). Cette réforme tout à fait intéressante n’avait qu’un défaut c’est qu’elle a été imaginée sans
véritable examen des moyens humains et matériels nécessaires à sa mise en œuvre et à son aboutissement
politique. Cette réforme sera applicable dans toutes les régions du territoire à la fin de l’année 2010 et il est
vivement recommandé aux institutions de l’appliquer à titre expérimental dès maintenant. Les bureaux
d’application des peines qui fonctionnent aujourd’hui, fonctionnent grâce au concours des fonctionnaires de
justice bien sûr mais également des services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) et ces bureaux ont
le mérite de permettre aux personnes condamnées qui l’acceptent, de se voir faciliter la procédure postsentencielle, c'est-à-dire qu’on va leur permettre d’être en contact avec les fonctionnaires du SPIP qui vont les
prendre en charge, qu’on va pouvoir leur obtenir un rendez-vous quasi immédiat avec le juge d’application des
peines (JAP), tout ceci pour pouvoir exécuter dans les meilleures conditions, et avec un effet socialisant
important, la condamnation qui leur est appliquée. De même pourront-ils bénéficier grâce à ce service, de la
minoration d’amende pénale de 20% s’ils paient dans un délai de trente jours auprès du trésor. Point noir de
l’année 2005, point noir parce que ce n’est quand même pas l’objectif, c’est l’augmentation sensible des peines
d’emprisonnement ferme alors que l’on dispose d’une palette importante de peines alternatives : 24% de plus
qu’en 2004 ce qui fait un taux d’occupation moyen de la maison d’arrêt de Tours de 245 détenus, ce qui est
beaucoup. Souvent on ne peut pas faire autrement car lorsque toutes les collectivités d’insertion ont été utilisées,
on se trouve en face de personnes pour lesquelles nous n’avons plus de réponses socialo- judiciaires. Néanmoins,
on s’engage, ce ne sont pour l’instant que des mots, on s’engage à multiplier ou à essayer de multiplier encore
les mesures alternatives mais ce n’est pas toujours facile bien que le SPIP soit je crois doté d’effectifs plus
conformes à ces missions et dispose de moyens mieux adaptés. Le conseil départemental de prévention (CDP) a
pour mission, et je me réfère pour cela au dernier texte fondateur qui est celui du 17 Juillet 2002, d’être une
structure de proposition et d’initiatives. Ça veut dire quoi, ça veut dire que ça ne peut fonctionner que si les
institutions situées en amont font descendre l’information dont ils disposent. Par « institutions », j’entends les
conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD), la conférence départementale de
sécurité (CDS) et beaucoup d’autres structures… Mais je crois qu’il est essentiel que la communication passe
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- LVII -
Annexes : réunion du CDP du 9 Mai 2006.
entre ces structures. Aujourd’hui nous aurons la chance d’avoir de nombreux orateurs qui viendront nous parler
de leurs expériences. Je pense que c’est une très bonne chose. Propositions et initiatives notamment sur la
prévention bien sûr mais le texte parle également de tout ce qui peut être fait en matière d’aide aux victimes et je
pense qu’il est important d’en parler car on ne peut pas dans le département d’Indre et Loire saluer de grandes
actions en la matière. Je ne citerai personne pour ne mécontenter personne mais je crois que nous avons des
efforts à faire dans ce domaine. Et à ce niveau, je crois que le relais des moyens locaux de sécurité et de
prévention de la délinquance est souhaitable et urgent : il faut absolument que nous parvenions à créer des relais
pas professionnels mais presque, permettant aux services d’enquête – la gendarmerie est très demandeuse, la
police nationale un peu moins car elle dispose dans ses murs du bureau départemental d’aide aux victimes –
d’avoir un système de relais qui ait un effet positif sur les victimes. Je crois que c’est absolument essentiel car
j’ai trop souvent entendu dans des affaires retentissantes, dans des affaires gravissimes, des victimes venir me
dire : « oui on a été pris en charge dans la foulée de l’acte criminel et rien ne s’est passé jusqu’à l’audience de la
cour d’assise ». Et ça c’est absolument tragique parce que les victimes ont l’impression d’un délaissement total
et la justice perd son rôle. Pas que la justice d’ailleurs, je pense que nous sommes tous concernés. Le ministère
de l’intérieur est je crois tout aussi intéressé par l’aide au victimes sinon plus que le ministère de la justice. Il y a
eu un secrétaire d’état dépendant au ministère de la justice dont la mission essentielle était de suivre les victimes,
aujourd’hui je pense qu’il devrait y avoir une délégation ministérielle ou interministérielle je ne sais pas mais
c’est un sujet transversal qui concerne plusieurs départements ministériels, je crois qu’il faut en prendre bien
conscience et c’est aussi sur ce point que l’on peut sensibiliser le conseil départemental de prévention. Je ne
voudrais pas monopoliser la parole. Monsieur le Président. »
•
Michel GIRAUDEAU, Vice président du conseil général d’Indre et Loire.
« Merci. Je ne voudrais pas non plus anticiper sur les différents rapports qui vont être présentés et sur les
échanges qui ne manqueront pas d’exister car effectivement la sécurité et la prévention est bien l’affaire de tous
et je crois que l’on peut tous se réjouir de l’amélioration en terme de sécurité routière notamment. Je voudrais
simplement indiquer à travers les différentes missions qui incombent au conseil général que le secteur qui nous
posera le plus de problème dans les mois et les années à venir, c’est le secteur de l’aide sociale à l’enfance
(ASE). Car véritablement la délinquance est la conséquence, de mon point de vue, d’une crise morale profonde,
bien plus qu’économique et qui entraîne les dérives que nous savons. Alors ces désordres sont d’abord et avant
tout familiaux et je crois qu’il est de notre devoir de le dire et ces désordres sont lourds de conséquences sur les
enfants qui sont en souffrance malgré tous les efforts qui sont entrepris et je crois pouvoir dire que le conseil
général s’y emploie autant que faire se peut : favoriser les rencontres parents- enfants, de plus en plus de moyens
sont accordés au travail de médiation il faut continuer bien entendu… Mais c’est vrai que ces désordres
familiaux, et c’est un constat, ont des conséquences sur l’éducation, sur le travail. Nous connaissons tout ça bien
entendu, dans toutes nos communes. Très vite ces dérives qui ont une origine dans ces désordres familiaux ont
des conséquences quant au non respect des biens et des personnes et là nous sommes un peu démunis quant aux
réponses à apporter par rapport à ces aspects de délinquance. Alors notre mission d’aide sociale à l’enfance est
relayée par les services de l’Etat. En tout état de cause nous sommes tous concernés par ces situations. Et je crois
qu’il est de notre devoir d’interpeller nos concitoyens par rapport à cette légèreté dans leurs comportements. »
Le plan départemental de sécurité 2006-2010.
•
Interventions de Stanislas CAZELLES, directeur de cabinet du préfet d’Indre et Loire et de Patrick
ELDIN, chef de la cellule Sécurité, adjoint au directeur de cabinet du préfet d’Indre et Loire.
Stanislas CAZELLES : Avec Patrick ELDIN qui est chef de sécurité au cabinet je vais vous présenter le plan
départemental de sécurité (PDS) qui a été récemment arrêté par le préfet et le procureur de la république. Ce plan
a pour objectif d’orienter et de coordonner les actions de tous les services de l’Etat dans les différents sujets de
Sécurité. L’objectif, comme les plans précédents qui ont été préparés en 1994, en 1997, ou en 2000, ce n’est pas
de reprendre l’ensemble des actions des services de l’Etat mais c’est de mettre l’accent sur quelques points où
l’impératif de mise en réseau et de travail commun des différents services paraissait vraiment important. Dans les
plans précédents on avait 5 thématiques, on en a rajouté 3 cette année pour obtenir 8 thématiques qu’on va
rapidement vous présenter.
Stanislas CAZELLES : La première thématique est la lutte contre l’insécurité routière. L’objectif clairement ciblé
est de réprimer les comportements à danger et d’améliorer la sécurité sur la route. L’alcool au volant et la vitesse
excessive sont les deux comportements qui sont ciblés tant sur le plan de le prévention que sur le plan de la
répression avec les services de police, de gendarmerie et les autres intervenants en prévention. En terme de
population sont ciblés surtout les 2 roues et les jeunes conducteurs. Donc la première action est menée à travers
ces 4 points.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- LVIII -
Annexes : réunion du CDP du 9 Mai 2006.
Patrick ELDIN : La deuxième thématique qui a été rajoutée, est de mieux traiter les violences aux personnes
(nouvelle thématique). La mise en place de cette action va se faire en deux étapes :
- D’abord l’établissement d’un diagnostic local (départemental) qui va recenser les problèmes de délinquance,
les problèmes de violence, les problèmes de victimes. Il va s’agir de faire une photographie de la
délinquance en Indre et Loire, de recenser les différents partenaires de sécurité et de les fédérer au sein d’un
groupe de travail. Ce diagnostic sera présenté au cours d’un prochain CDP.
- Ensuite le but va être d’améliorer l’aide aux victimes, je ne reviendrais pas sur cette partie-là parce que le
Procureur l’a abordée tout à l’heure.
Patrick ELDIN : La troisième thématique qui faisait déjà partie des précédents plans concerne la lutte contre la
petite et moyenne délinquance et l’économie souterraine. L’objectif est de mettre fin au sentiment d’impunité de
certains délinquants vivants manifestement au dessus de leurs moyens et avec différents cribles on peut « passer
les dossiers » (mise en commun de données) de façon à pouvoir éventuellement confisquer les véhicules qui sont
les propriétés des délinquants, le gros problème c’est qu’il faut déjà que ce soit les propriétés des délinquants. Le
deuxième partie qui est en train d’évoluer justement dans ce sous- pôle est de pouvoir identifier les délinquants
notoires qui bénéficient de minimas sociaux, aides sociales, de manière abusive, ceci en mettant en concordance
certains partenaires qui ont des informations concernant les revenus et concernant les minimas sociaux avec
différentes déclarations etc…
Stanislas CAZELLES : Quatrième thématique : Prévenir les comportements addictifs et lutter contre la
toxicomanie. Il a été élaboré un plan territorial d’action dans le secteur de la toxicomanie avec trois piliers qui
sont ceux du plan gouvernemental : la prévention de la consommation, l’accompagnement sanitaire des
toxicomanes, l’application de la loi et des différentes interdictions ciblées. Donc on a décliné le plan
gouvernemental au niveau départemental que ce soit avec les adultes ou les jeunes et dans différents lieux :
l’école, les banques etc…
Stanislas CAZELLES : Cinquième thématique : Consolider la sécurité dans les établissements scolaires.
L’objectif prioritaire est de protéger les enfants c'est-à-dire améliorer le signalement des situations de violence,
de délinquance, d’absentéisme chronique et puis aussi signaler les enfants en danger et ensuite lorsque
l’information est produite et transmise, on peut améliorer la prise en charge. Deuxième élément, mettre en réseau
les acteurs à travers deux outils : d’une part la mise en place de policiers et de gendarmes dans chaque
établissement scolaire donc chaque directeur d’établissement scolaire connaîtra le nom de son référent dans la
brigade de gendarmerie ou au poste de police le plus proche et qui est son interlocuteur privilégié pour tout ce
qui est des questions de sécurité, de violence, de la délinquance dans l’établissement. Deuxième outil de
coopération interservices c’est une convention qui a été récemment re-signée entre trois grands acteurs que sont :
l’éducation nationale, l’aide sociale à l’enfance (ASE) et la justice des mineurs.
Patrick ELDIN : Sixième thématique : Contrer le travail illégal (nouvelle thématique). Thématique ou sous pôle
prévu par le précédent plan départemental de sécurité. Un collectif a été créé, le COLTI (comité opérationnel de
lutte contre le travail illégal) de façon à lutter contre l’absence de déclarations de revenus, prévenir l’emploi
d’étrangers sans titre de travail, garantir la régularité du détachement des salariés par les prestataires de services
étrangers, prévenir les dérives en matière de sous traitance, faire respecter les conditions légales de recours aux
statuts spécifiques : stagiaires, bénévoles, intermittents…Plusieurs secteurs d’activité sont particulièrement
ciblées : le BTP, les HCR, l’agriculture, le nettoyage et le gardiennage. Plusieurs actions conjointes entre les
différents services sont menées. Le pilote de l’action est le substitut du Procureur de la République en charge du
travail illégal. Ce sont vraiment des actions où l’on voit la collaboration entre le GIR, la DDSP, la Gendarmerie,
les inspections diverses… Tous les partenaires travaillent vraiment ensemble pour cibler les entrepreneurs qui
emploient de la main d’œuvre de manière illégale. Ce n’est pas quelque chose de facile mais c’est aussi très
important.
Stanislas CAZELLES : Septième thématique : La prévention des radicalismes religieux. Il s’agit essentiellement
de lutter contre l’islamisme radical pour neutraliser les actions malveillantes en utilisant autant les outils de
police administrative que les outils judiciaires quand les comportements délinquants sont avérés.
Patrick ELDIN : Huitième thématique : l’intelligence économique (nouvelle thématique). Au niveau régional il
existe une structure d’intelligence économique. Ne seront traités en Indre et Loire dans notre sous- pôle que
l’intelligence économique sous l’aspect sécurité active et non pas le conseil à l’entreprise qui est la deuxième
partie de l’intelligence économique. Sous l’égide de Monsieur BARBIER qui est responsable de la DST au niveau
de l’Indre et Loire a été mis en place un réseau qui permet d’identifier les entreprises sensibles et d’identifier les
menaces éventuelles. Il n’est pas dans l’esprit du sous pôle de limiter les contacts avec une entreprise à un seul
service de police mais bien de coordonner ces actions.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- LIX -
Annexes : réunion du CDP du 9 Mai 2006.
Stanislas CAZELLES : Ce que je vous propose après la présentation du PDS c’est de laisser la parole aux
collectivités et de présenter un certain nombre d’expériences locales. Le premier thème est la prévention tournée
vers les mineurs.
La prévention tournée vers les mineurs.
1/ Le point « écoute parents » de Joué-lès-Tours.
Petit échange d’humour entre le vice président du conseil général, Mr GIRAUDEAU, et le conseiller général
Philippe LEBRETON venu parler au micro :
- M. GIRAUDEAU : Tu es chez toi ici !
- P. LEBRETON : Non… pas encore !
Rire général.
•
Philippe LEBRETON. Conseiller général, Maire de Joué Lès Tours.
Monsieur le préfet, monsieur le procureur, monsieur le vice président du conseil général, mesdames et
messieurs… Je voudrais simplement faire une brève introduction avant que Nathalie MAHER qui a en charge la
gestion au quotidien du point écoute parents puisse faire état de son témoignage et de son expérience. Je voudrais
aussi rappeler la démarche de la ville de Joué lès Tours face à une problématique qui n’est évidemment pas une
démarche municipale : la question de l’éducation des enfants ou adolescents concerne tout le monde. Les jeunes
manifestent une forte demande de repères. C’est vrai dans tous les quartiers mais c’est plus sensible pour nous au
niveau du logement social. Face à cela, au lieu de rester les bras ballants, nous avons choisi non seulement de
mettre en place un point écoute parents pour que les parents en difficulté d’éducation ou d’autorité puissent se
ressourcer et comprendre leurs problèmes – le tout grâce à Nathalie MAHER qui est docteur en psychologie…
Mais aussi et c’est essentiel, nous avons choisi de travailler en réseau c'est-à-dire que la ville de Joué lès Tours
n’est pas seule là dedans : cette action a donné lieu à la signature d’une charte qui réunit tous les membres
compétents des services de l’état, du conseil général, mais aussi beaucoup d’associations (association de la
prévention sur le quartier de la Rabière, centre médico- psychologique pour enfants, centre psychiatrique de
tours- sud etc…). Et il est tout aussi important de parler du Point écoute que de parler de l’ensemble du réseau
qui donne lieu chaque année à un comité de pilotage à la fois pour faire le bilan mais aussi pour tracer des
perspectives d’avenir. J’en terminerai pour dire, et pour les élus locaux c’est toujours quelque chose d’important,
le coût annuel de ce point écoute est 60 000 euros, cofinancés par l’Etat qui participe pour 22 500 euros, le
conseil général, la CAF et la ville. Je passe la parole à Nathalie MAHER.
•
Nathalie MAHER. Docteur en psychologie, Responsable du point écoute parents de Joué-Lès-Tours.
Au point écoute parents l’on accueille tous les parents, l’accueil est gratuit, la confidentialité est respectée.
L’accueil est individuel soit physiquement soit par téléphone. La caractéristique du point écoute parents c’est
que je reçois les parents dans un laps de temps très court donc il y a une rapidité de prise en charge qui est assez
importante. Un mois d’attente au maximum. Les parents viennent de Joué lès Tours et aussi des communes
voisines : Tours, Azay le Rideau etc... Je ne fais pas de psychothérapies : si le besoin se présente je prépare les
parents et je les oriente vers un psychologue. Pour donner quelques statistiques, fin 2005, au point écoute
parents, j’ai réalisé environ 1050 entretiens et 59 entretiens téléphoniques sachant que chaque entretien dure trois
quarts d’heure, parfois un peu plus. Cet accompagnement à la fonction parentale permet aux parents de prendre
de la distance pour quelque peu se soulager de la charge associée à leur fonction. Les types de foyers qui
viennent sont principalement des familles nucléaires « père, mère, enfant », 59%, avec une augmentation des
familles où les parents ont divorcé. Les difficultés rencontrées par les parents sont souvent de donner des limites
au comportement des enfants, difficultés à remplir leur fonction parentale ou simplement volonté des parents de
préparer leur enfant à un divorce. Le point écoute parent fonctionne en réseau avec la justice, la gendarmerie,
l’éducation nationale etc : une charte de partenariat a été signée. Le bouche à oreille commence à faire son effet
puisque le point écoute brasse des « clients » au-delà de Joué lès tours.
•
Gérard MOISSELIN. Préfet d’Indre et Loire.
Je vous remercie de cette intervention. Je pense d’une certaine manière que votre dispositif apporte des éléments
de réponse à ce que disait tout à l’heure Monsieur GIRAUDEAU. Je ne sais pas si cette démarche appelle des
questions dans l’assistance ?
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- LX -
Annexes : réunion du CDP du 9 Mai 2006.
•
Monsieur « X ». Membre de l’assistance.
Je voudrais s’il vous plaît avoir quelques précisions sur le type de professionnels qui se trouvent dans la
structure et sur les amplitudes horaires de la structure.
•
Nathalie MAHER. Docteur en psychologie, Responsable du point écoute parents de Joué-Lès-Tours.
C’est moi-même qui ai en charge la structure. Je suis seule. Et le point écoute parents est ouvert du lundi ou
vendredi.
•
Philippe LEBRETON. Conseiller général, Maire de Joué Lès Tours.
Vous pouvez si vous le souhaiter nous demander une copie de la charte de notre point écoute parents et d’autres
brochures d’information.
•
Gérard MOISSELIN. Préfet d’Indre et Loire.
Je vous propose sans plus attendre, d’enchaîner sur le point suivant relatif au programme de réussite éducative.
2/ Le programme de réussite éducative.
•
Jean-Paul FRADET, Chef du pôle de compétence interministériel de la politique de la ville. (Préfecture
de Tours).
Monsieur le préfet, monsieur le procureur, monsieur le président. Je vais faire une présentation succincte du
dispositif de réussite éducative qui fait partie du plan de cohésion sociale du 15 janvier 2005 (plan BORLOO).
C’est un dispositif ambitieux et à ce titre passionnant car il vise à donner une chance aux enfants et aux
adolescents qui ne bénéficient pas d’un environnement social et culturel protégé ou idéal. Les jeunes ciblés sont
les jeunes qui sont dans les ZUS (zones urbaines sensibles) qui bénéficient déjà des ZEP (zones d’éducation
prioritaire) dans lesquelles il y a un REP (réseau d’éducation prioritaire). C’est très intéressant parce que ça part
d’un constat que les enseignants ne peuvent pas tout. Je me retourne vers monsieur STIEFENHOFER (secrétaire
général de l’inspection académique) qui est là. Les enseignants ne peuvent pas tout, ils sont confrontés à de telles
difficultés dans leurs classes, que ces difficultés ne relèvent pas d’eux-mêmes et en tout cas ils n’ont pas à les
résoudre. Donc l’idée c’est d’avoir un regard interdisciplinaire sur la situation de l’enfant et d’ y apporter une
réponse concrète. Alors quand je dis « l’enfant » c’est pas seulement « l’enfant ». Ca peut être aussi les parents
parce qu’on sait très bien que l’enfant a certainement des difficultés mais les difficultés peuvent laisser
transparaître ce que les parents ont eux-mêmes à résoudre. Alors le support juridique de ce dispositif de réussite
éducative, programmé par l’Etat, est la mairie. C’est un dispositif qui est piloté par les maires. Début 2005, nous
avons proposé à quatre villes de se lancer dans ce dispositif, à savoir les villes qui étaient concernées par les ZUS
et qui avaient des ZEP soit les villes de Tours, de Joué Lès Tours, Saint Pierre des Corps et La Riche. La Riche
est un peu à part car si elle a une ZUS, elle n’a pas de ZEP. Alors ces quatre villes ont tenu à s’associer à ce
programme d’Etat considérant que les enjeux étaient importants pour les enfants puisque, il faut bien le dire,
dans les écoles primaires et les collèges de ces ZUS, l’on rencontre des difficultés terribles en terme de situations
individuelles et de résultats scolaires… Bien qu’on soit en Touraine je vous le rappelle !... Mais justement la
situation est d’autant plus intéressante à prendre en compte qu’elle n’est pas encore complètement désastreuse,
catastrophique. L’idée qui ressort et celle d’un pilotage par le maire et d’un partenariat, un partenariat
indispensable avec les services de l’Etat aux premiers rangs desquels l’inspection académique et bien entendu les
services départementaux (service sociale d’aide à l’enfance etc...). Alors pourquoi ? Parce qu’il s’agit de prendre
les enfants suivant un regard d’abord pluridisciplinaire c'est-à-dire de mettre en commun tout ce que l’on sait sur
la famille et l’enfant et de déterminer en commun les solutions à apporter et d’avoir un coordinateur qui
apportera un accompagnement et une réponse individualisée avec les parents – réponse susceptible d’évaluation.
L’Etat a apporté 1 130 000 Euros donc des moyens considérables en la matière au titre de 2005. Bon, comme
c’est en fin d’année ça se met en place actuellement : les actions collectives ciblées, ça on les connaît, on sait les
faire, elles continuent de se faire… En ce qui concerne les actions individualisées, actuellement sur Tours on est
à 90 enfants suivis de façon individualisée, sur Joué on est à 125, sur Saint pierre on est à 80, et sur La Riche je
crois, 34. Enfin il y a différentes notions de prise en charge. Les objectifs de la réussite éducative sont bien de
réduire les écarts non pas seulement en terme de « réussite scolaire » mais de « réussite éducative » c'est-à-dire
que l’on prend l’ensemble des champs de connaissance de l’enfant : la culture, le sport, la santé etc... Je vais
prendre un exemple: il est inadmissible qu’un enfant auquel l’on aurait prescrit des lunettes n’ait pas de lunettes
au bout de trois mois. Et donc la réussite éducative c’est : on accompagne l’enfant chez l’ophtalmo, on choisit,
on paie les lunettes, en complément de la CMU (couverture maladie universelle) bien sûr, parce qu’il existe déjà
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- LXI -
Annexes : réunion du CDP du 9 Mai 2006.
des aides… Ce cas s’est présenté en Indre et Loire pour un enfant de Joué lès Tours. Les difficultés que l’on
rencontre avec ce dispositif sont inhérentes au dispositif. Les difficultés c’est le partenariat : c’est pas simple de
créer du partenariat, il faut du temps et il faut partager son savoir. Partager son savoir n’est pas se dépouiller de
son savoir c’est l’enrichir quelque part, en le partageant, mais encore faut-il qu’il y ait des chartes de
confidentialité, l’établissement d’une confiance entre les acteurs, confiance indispensable, parce que là on
travaille sur des humains, on ne travaille pas sur des bidons ou des bagnoles. C’est le cœur de la chose. La
réussite du partenariat conditionne la réussite du dispositif de réussite éducative. Je crois qu’ici il fonctionne bien
de façon générale. Pour autant, ce dispositif n’a pas vocation à se substituer aux dispositifs et réseaux déjà
existants, notamment les réseaux de l’éducation nationale qui ont de multiples ressources : médecins, travailleurs
sociaux. Ce dispositif de réussite éducative concerne environ 700 enfants sur les 4 communes concernées : 70 à
la Riche, et le reste partagé à environ 220 enfants pour chacune des trois communes restantes (Tours, Joué lès
Tours, Saint pierre des corps). Voilà de façon générale le dispositif, ambitieux, qui est en place je le rappelle, et
qui réclame beaucoup de temps, beaucoup de réunions, beaucoup de savoir-faire. D’ailleurs je suis stupéfait par
le savoir-faire des travailleurs sociaux du conseil général, des villes qui ont mis des moyens aussi, qui ont recruté
pour cela et à différents niveaux. Et je suis stupéfait par leur volonté de mettre en place ce dispositif parce que
bon, il faut bien le dire, dans nos ZUS les enfants ont des difficultés à entrer dans les normes, et les parents ne
savent pas dire non, et il y a des constats le lendemain matin à l’école qui sont là quoi. Et, on n’est pas tous des
bons parents non plus, ces enfants sont certainement très aimés mais bon il y a peut-être des choses à faire.
Voilà, s’il y a des questions. Je suis à votre disposition. On m’a demandé de faire court.
•
Gérard MOISSELIN. Préfet d’Indre et Loire.
Merci… (Minute de silence). Je ne sais pas, je me tourne vers vous Monsieur LEBRETON (Philippe, Conseiller
général, Maire de Joué lès Tours) et vers vous Monsieur MICHEL (Alain, Conseiller régional, Maire de La
Riche), vous êtes directement concernés…Je ne sais pas s’il y a un représentant de la ville de Tours ou de Saint
pierre des corps…Si vous souhaitez répondre ou apporter des précisions, n’hésitez pas.
•
Philippe LEBRETON. Conseiller général, Maire de Joué Lès Tours.
Oui Monsieur le Préfet. A Joué lès tours, nous avons récemment lancé les clubs « coup de pouce ». Chaque
« club » accueille 5 enfants de cour préparatoire qui sont en difficulté scolaire. D’ailleurs, on a fait une opération
assez importante c'est-à-dire que c’est une sorte d’engagement qui a été signé par l’enfant mais en présence de
ses parents et on a des bons retours sur ce dispositif. Ces actions de réussite éducative se font également sur le
contrat d’accompagnement scolaire au niveau de la Rabière (ZUS), et sur des actions éducatives à travers le
théâtre (activités de théâtre sur l’alcool, la toxicomanie etc…) ou le sport. Ce n’est pas simplement du scolaire
mais c’est aussi faire en sorte de stabiliser les enfants sur un plan général. Il est évident que les parents doivent
demeurer au cœur de ces dispositifs soit à travers les centres sociaux, soit à travers le point écoute parents, mais
on ne peut pas faire de la réussite éducative sans eux. Voilà. On démarre. Mais il faut savoir que là aussi la ville
n’est pas seule, il y a une mobilisation du club de prévention de la Rabière, de l’ensemble des centre sociaux, et
de nouveau, et je crois qu’il n’y a que comme ça que l’on peut réussir, le partenariat avec l’Etat et toutes les
structures telles que le conseil général et les acteurs de terrain. C’est vrai que c’est parfois compliqué, difficile,
mais je pense que seuls on ne peut pas y arriver. Nous, nous avons mis en place une responsable en mairie et
nous en sommes en train de recruter une autre personne pour piloter ce dispositif de réussite éducative. Voilà
monsieur le préfet.
•
Monsieur « X2 ». Membre de l’assistance.
Moi il me semble que dans le dispositif officiel il n’était pas prévu que des bénévoles participent aux dispositifs
de réussite éducative. Or je pense que ça serait intéressant de démultiplier les dossiers de réussite d’éducative de
façon à faire en sorte que beaucoup plus de jeunes soient recadrés, soient aidés. Donc cela me paraît important
que des bénévoles formés et encadrés, je pense en particulier aux jeunes retraités qui sont souvent disponibles,
puissent être associés à ce dispositif.
•
Jean-Paul FRADET, Chef du pôle de compétence interministériel de la politique de la ville. (Préfecture
de Tours).
Tout à fait. Mais dans le dispositif, de mémoire, et je crois bien le connaître, les bénévoles ne sont pas du tout
exclus. Moi je dirais même au contraire que toutes les bonnes volontés sont les bienvenues à partir du moment
où elles sont formées et réellement compétentes. Non au contraire, il faut reconnaître le bénévolat à sa juste
valeur et sa juste valeur c’est souvent beaucoup de compétences dont il serait un peu stupide de se priver. Parce
qu’on n’a pas tant d’argent et de moyens que cela…
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- LXII -
Annexes : réunion du CDP du 9 Mai 2006.
•
Monsieur « X3 ». Membre de l’assistance.
Juste une petite précision. Je voudrais savoir quel est le temps de prise en charge d’un jeune.
•
Jean-Paul FRADET, Chef du pôle de compétence interministériel de la politique de la ville. (Préfecture
de Tours).
Alors, il n’y a pas de limites dans la durée de prise en charge de l’intéressé. A partir du moment où une situation
a été détectée, elle est prise en compte et prise en charge tant qu’elle n’a pas été réglée. C’est bien ça l’esprit. Ça
dure dans le temps. Le dispositif de réussite éducative dure 5 ans, ce qui correspond à la durée de la loi de
finance de la loi de cohésion sociale.
•
Michel MESMIN. Conseiller municipal de la ville de Saint Pierre Des Corps.
Deux remarques simplement.
- La première remarque, c’est que je crois qu’il faut toujours s’expliquer avec tout le monde pour dire ce que
c’est que la réussite éducative et je crois que c’est pas encore très bien compris par tout le monde parce il y
en a aussi qui sentent qu’on leur retire un peu de responsabilités et on se heurte quand même à un problème
à mon avis qui est celui de la déontologie et je crois que là-dessus il faut continuer à travailler parce que les
connaissances partagées, ce n’est pas obligé que cela soit si néfaste que ça. Je le dis parce que je crois que
c’est une question qui a de l’importance.
- La deuxième chose, c’est que je crois qu’on aurait tort de mettre la réussite éducative en relation
automatiquement avec la prévention de la délinquance. Il y a des enfants qui ne sont pas délinquants et qui
ont besoin de la réussite éducative. Et je crois que cela serait un tort que de faire penser que la réussite
éducative ne pourrait servir que dans le cadre de la prévention de la délinquance. Je crois que c’est un besoin
nécessaire pour beaucoup d’enfants. Je crois qu’il faut qu’on travaille là-dessus. Surtout que cela pose la
question que tout le monde doit y participer, ce n’est pas seulement l’affaire de l’école. Il y a pas que des
problèmes scolaires qui entrent en compte dans une éventuelle « non- réussite » éducative, il peut y avoir les
problèmes familiaux etc… Alors c’est vrai que pour l’instant, on peine le plus sur la cellule de veille
éducative. Et sur ce point je crois qu’il faut qu’on avance beaucoup pour permettre la réussite.
•
Gérard MOISSELIN. Préfet d’Indre et Loire.
Bien. Je vous remercie beaucoup. Je tiens à dire qu’il n’y a pas superposition complète entre la réussite éducative
et la lutte contre la délinquance. Je me permets de dire que c’était le même sujet d’ailleurs avec le « Point écoute
parents ». On s’intéresse ici à des problèmes qui concernent l’ensemble de la société. Par ailleurs tout ce que
vous dites sur les difficultés que vous rencontrez sur Saint-Pierre-Des-Corps pour la mise en place de ce
programme, enfin je vous rassure Monsieur MESMIN, c’est le lot de tous les responsables qui se lancent dans
cette aventure parce que sur un plan de cette nature il y a toutes les raisons de ne rien faire ! Parce que choisir
entre les défavorisés c’est mal donc on ne fait rien. Partager ses compétences avec d’autres c’est dangereux donc
on ne le fait pas. Travailler sous le regard croisé de différentes institutions ça expose à des risques, il ne vaut
mieux pas les prendre, donc on ne le fait pas. Dans ce domaine on a toutes les raisons de ne rien faire, or
pourtant je crois qu’il y a des difficultés suffisamment compliquées pour qu’on se mette à plusieurs pour
apporter des réponses qui vont au-delà de ce qui a pu être mis en œuvre jusqu’à présent.
•
Stanislas CAZELLES, directeur de cabinet du préfet d’Indre et Loire.
Je propose que nous poursuivions avec un sujet concernant les violences intra- familiales avec Madame
LECOMTE du conseil général.
La prévention des violences intra- familiales :
l’action sociale du Conseil général.
•
Madame LECOMTE, Chef du service départemental d’action sociale (SDAS).
Merci. Le service départemental d’action sociale du conseil général intervient sur un domaine qui est la
prévention des violences intra familiales. Un travail est en cours avec la gendarmerie nationale sur cette
question. Nous avons un projet qui est déjà bien avancé. Cadre d’intervention du SDAS. Le service
départemental d’action sociale a une mission généraliste d’aide aux personnes. Nous avons choisi dans ce
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- LXIII -
Annexes : réunion du CDP du 9 Mai 2006.
département de travailler dans la globalité. Le département est découpé en secteurs géographiques (9 secteurs ou
TVS, territoires de vie sociale) et sur chaque secteur intervient une assistance sociale dite « polyvalente de
secteur » et qui peut faire appel à des travailleurs sociaux spécialisés. Elle va intervenir dans différents
domaines : l’accès aux droits sociaux, l’aide à la vie quotidienne, le logement, l’insertion des bénéficiaires du
RMI, la prévention et la protection de l’enfance en danger. L’assistance sociale de secteur, à partir d’une de ces
entrées, va travailler avec les ménages dans la globalité et de ce point de vue là va intervenir dans la prévention
des violences intrafamiliales. Donc le service social intervient sur deux modes : à la demande directe des
ménages et sur des informations et des signalements qui relèvent de tiers et de services internes ou externes au
conseil général. Le projet SDAS – Gendarmerie. Concernant le travail que nous effectuons actuellement avec la
gendarmerie et notamment le Colonel Thibault MORTEROL, commandant le groupement de gendarmerie
départementale de l’Indre et Loire, l’idée d’une collaboration et d’un lien entre la gendarmerie et les services
sociaux est une initiative de la gendarmerie, nous avons travaillé ensemble et nos réflexions de travail nous ont
conduit à l’idée de projet qu’il fallait écrire un protocole. Parce que les informations dont dispose la gendarmerie
vont donc croiser les champs dont je vous ai parlé il y a quelques minutes. Qu’est ce que c’est que ce protocole,
quelle est notre procédure de travail ? Une « convention » d’échange d’informations. Les gendarmes, lors de
leurs interventions, vont repérer des situations de violences intrafamiliales et sur certaines situations, s’ils
pensent qu’une intervention sociale peut être souhaitable, ils vont contacter le SDAS. Jusque là, outre les
interventions qui étaient transmises au Parquet, et là on était sur un registre plus limité, la majorité de ces
interventions étaient perdues parce qu’il n’y avait pas systématiquement de lien entre les gendarmes et les
services sociaux de secteurs. Il y en avait mais ça se faisait au gré des relations qui pouvaient se faire sur le
terrain. Donc, dorénavant, ces informations seront transmises de façon régulière au siège départemental du
service d’action sociale, ce se fera par messagerie avec des mails qui arriveront à peu près toutes les 48h. Au
niveau du siège du service on répercutera ces informations aux territoires de vie sociale pour que l’assistante
sociale de secteur intervienne. En fonction des éléments transmis dans cette information, et en fonction des
informations dont disposent eux-mêmes les assistants sociaux de terrain, nous évaluerons d’une part si une
intervention du SDAS est pertinente et ensuite quelles modalités d’intervention nous mettrons en place. Les
modalités d’intervention. En effet, nous pouvons intervenir de façon différente suivant le contenu des
informations. Tout à l’heure je vous ai parlé de protection de l’enfance et de prévention de l’enfance en danger,
qui est une mission prioritaire, nous avons d’ailleurs constaté, j’ai oublié de le dire, que pour bon nombre
d’enfants que nous avions en charge au titre de l’aide sociale à l’enfance (ASE), beaucoup étaient témoins de
conflits intra- familiaux. Nos modalités d’intervention vont être différente d’une situation à l’autre, et plus ou
moins poussées s’il y a présence ou non dans la famille de mineurs parce que effectivement, lorsque un ménage
sera concerné alors qu’il n’y a pas présence d’enfants on pourra faire une proposition d’aide mais c’est vrai que
si le ménage n’adhère pas à cette proposition on ne pourra guère aller plus loin. En revanche, s’il y a présence de
mineurs, là on a un arsenal de mesures différentes et on peut être plus incitatifs, plus autoritaires. Que peut faire
l’assistante sociale en faveur de ces ménages en difficulté ? Les différentes aides apportées par l’assistance
sociale. Tout d’abord un « soutien psychosocial » aux victimes ou couples en difficulté, des conseils, une aide
pour que le couple analyse ses difficultés, accepte d’en sortir etc…ça c’est le rôle de l’assistante sociale qui peut
être aidée pour cela d’une conseillère conjugale et familiale. Et pour les ménages qui arriveraient jusqu’au projet
de séparation, les assistantes sociales peuvent informer les « victimes », le plus souvent des femmes battues et
qui souhaiteraient se séparer, sur les possibilités qu’il y a en matière sociale, de ressources, les possibilités en
matière de logement, aide à l’hébergement etc... Les premières informations acquises, premiers chiffres ou
observations. Sur une période de 5 à 10 semaines, la gendarmerie nationale nous a transmis des listes de
situations avec des petits descriptifs pour que nous puissions y réfléchir et y travailler. Nous nous sommes déjà
aperçus qu’il y avait de la récidive. Sur une période relativement courte de 5 à 10 semaines, il y a eu 2 et parfois
3 interventions pour des violences intra-familiales au sein d’un même ménage. Sur les informations transmises,
il y en avait une petite moitié déjà connue des services sociaux. Concernant la présence ou non d’enfants au
foyer, il y avait 1/3 de ménages où il y avait présence d’enfants mineurs, 2/3 où il n’y avait pas présence
d’enfants mineurs. Au SDAS, nous connaissions presque toutes les situations de violence intra- familiales où il y
avait présence d’enfants mineurs. Les situations que nous ne connaissions pas étaient celles où il n’y avait pas
d’enfants mineurs repérés. Travailler ensemble est intéressant. Ça va permettre des propositions d’aide aux
ménages en difficulté supplémentaires mais notre intervention a déjà ses limites : il faut qu’il y ait une
coopération et une adhésion des victimes pour pouvoir avancer dans la situation. La question de la prise en
charge de la personne violente est ainsi posée : souvent la personne violente peine à reconnaître qu’elle a besoin
d’être aidée. Quant à la victime, souvent une femme, le simple fait de devoir quitter le domicile est vécu comme
une difficulté tellement insurmontable qu’elle rendrait presque plus « supportable » la violence subie. A signaler
aussi, dans la majorité des situations de violence repérées, il y avait un problème très net d’alcool. Voilà ce que
j’avais à dire.
•
Jean-Michel CAILLIAU, Procureur de la république d’Indre et Loire.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- LXIV -
Annexes : réunion du CDP du 9 Mai 2006.
Merci Madame. Monsieur le Préfet a du s’absenter quelques secondes. Il m’a demandé de le remplacer. Merci de
votre intervention. Je crois que vous avez dressé un tableau très complet de votre service. J’ai envie d’ajouter
que la question est aujourd’hui extrêmement sensible puisque le législateur est intervenu à deux reprises à travers
une loi du 12 Décembre 2005 et à travers une loi du 4 Avril 2006 qui vient d’être promulguée, sur ce thème. Les
dispositions et procédures pénales que contiennent ces deux lois sont importantes et soulignent que la question
de l’isolement du conjoint violent et au cœur de ces dispositifs. La question des moyens demeure bien sûr
cruciale parce qu’il faudrait mettre en place un dispositif d’accueil et d’écoute dont vous êtes peut-être la
préfiguration et duquel va dépendre le bon aboutissement de cet accompagnement. Le procureur de la
République dispose de pouvoirs propres en la matière, de même que le juge : le juge d’application des peines
(JAP), le juge d’instruction, le tribunal correctionnel peuvent prendre des mesures visant à protéger la famille
des comportements violents de l’auteur. Il faut bien savoir que nous sommes dans une problématique dont la
caractéristique est la réitération. Je pense qu’il ne faut pas perdre de vue cette donnée. Les services de police et
de gendarmerie le savent mieux que personne. Il faut savoir aussi que lorsque le couple n’a pas trouvé d’autre
solution que la poursuite pénale, ce qui est souvent la pire des solutions bien qu’on n’en ait pas toujours, on voit
souvent des couples arriver en se donnant la main et la victime implorer le juge de passer outre. Ce qui nous met
en face d’une problématique très complexe à régler. Personnellement, ce que je retiens de ceci est qu’on ne peut
pas traiter l’auteur sans la victime, si l’on veut progresser dans de domaine il faut une démarche qui consiste à
donner la parole à chacun. Il y a eu un rapport très fouillé d’un grand psychiatre qui s’appelle le docteur
COUTANCEAU qui traite de la problématique du phénomène de violence conjugale de façon très complète et je
vous renvoie à ce document largement diffusé. Je voudrais laisser la parole au Colonel MORTEROL qui sur le
sujet a certainement des choses à dire.
•
Colonel Thibault MORTEROL, commandant le groupement de gendarmerie départementale de l’Indre
et Loire.
Les raisons de la « convention » d’échange d’informations avec le SDAS. Monsieur le Procureur, juste pour
compléter le propos de madame LECOMTE. Pourquoi ces démarches en gendarmerie ? Il y a un accroissement des
violences intra- familiales très net depuis quelques mois et tout particulièrement en 2005. Le gendarme intervient
sur les faits de violence lorsqu’ils se produisent et il traite après, dans son fonctionnement général, avec l’autorité
judiciaire - dont le procureur pour le traitement pénal. Mais ces violences intra- familiale se répètent et on a
compris que la prévention de la récidive était sans doute insuffisamment prise en compte ce qui explique qu’on
se soit tourné vers le SDAS pour essayer de faire en sorte que l’action pénale soit doublée autant qu’elle pouvait
l’être d’une action préventive par les services sociaux du conseil général avec, et vous les avez rappelées, toutes
les limites qu’on sait et notamment le comportement même des victimes qui parfois freinent toutes tentatives de
notre part. Rappel de la « convention » d’échange. La convention c’est que à chaque fois qu’on intervient sur un
évènement de violences familiales on fait un compte rendu d’enquête et on recense des données qui sont
transmises le lendemain matin aux services sociaux du conseil général – après avoir retiré ce qui ne les
concernait pas forcément, parce qu’on ne va pas mélanger les genres. Puis on va essayer de compléter cette
démarche de partage d’information en essayant de relancer un peu la communication entre services et faire en
sorte que nos gendarmes, et plus particulièrement nos « commandants de brigade » connaissent les responsables
de territoires de vie sociale (TVS) ou les assistantes sociales de leur secteur et on va prochainement organiser
avec madame LECOMTE une sorte de réunion initiale sachant après qu’on souhaite que chacun développe à son
niveau cette concertation. Ce n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît sur le papier parce que les assistantes sociales
et les gendarmes, par formation, par tradition, par habitude, ne sont pas forcément toujours les meilleurs amis du
monde mais on va faire en sorte que ce soit le mieux possible et justement expliquer que chacun dans son
domaine peut faire avancer les choses.
•
Jean-Michel CAILLIAU, Procureur de la république d’Indre et Loire.
Vous évoquez le terrain du secret professionnel…
•
Colonel Thibault MORTEROL, commandant le groupement de gendarmerie départementale de l’Indre
et Loire.
Par exemple.
•
Jean-Michel CAILLIAU, Procureur de la république d’Indre et Loire.
Je crois que cette démarche qui est la vôtre doit soutenir, en tout cas lancer un nouveau conditionnement des
objectifs des structures d’aide aux victimes dans le département parce qu’à ce niveau il y a des réponses à
apporter que nous n’apportons pas aujourd’hui parce que nous n’avons pas les moyens de le faire, ou pas encore
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- LXV -
Annexes : réunion du CDP du 9 Mai 2006.
suffisamment l’idée de le faire. Dans les départements voisins ça existe et je crois qu’il faut absolument réfléchir
à des réponses urgentes dans un domaine qui peut avoir des dénouements assez dramatiques alors qu’on aurait
peut-être pu les prévoir sinon les prévenir.
•
Michel GIRAUDEAU, Vice président du conseil général d’Indre et Loire.
Monsieur le Procureur. Je voudrais revenir sur un point. En présence des juges, on a attiré notre attention sur le
fait que en un an on avait doublé le nombre de signalements et cette remarque m’a beaucoup intrigué : est-ce à
dire en amont que des responsabilités ne sont pas assumées ? Est-ce à dire qu’il y a une dégradation de la qualité
des signalements et comment peut on expliquer cette évolution ? C’est une remarque qui m’a interpellé.
•
Jean-Michel CAILLIAU, Procureur de la république d’Indre et Loire.
Cette question Monsieur le Président est une question sensible, je pense que plusieurs personnes voudront
intervenir pour compléter la réponse que je vais apporter. Il a été signé une convention importante portant sur le
niveau et le degré de signalement des enfants en difficulté avec le conseil général, avec l’inspection académique,
avec les services de police et de gendarmerie bien sûr… Nous sommes tous dans une démarche commune qui
vise à contribuer au « bon signalement ». Et il a été constaté, je ne peux le contester, que au cours des deux
années passées il y a eu une progression très spectaculaire des signalements. On a eu, Monsieur le Préfet,
l’occasion d’en parler notamment lors d’une réunion qui a eu lieu au mois de Septembre ou Octobre dernier au
lycée Jean Monnet en présence de l’inspecteur d’académie, la gendarmerie était également présente à cet
échange qui réunissait les principaux proviseurs de collèges et lycées. La question est sensible. Il est vrai que la
facilité consiste à tout signaler. La réponse judiciaire ne peut pas se contenter d’un signalement non circonstancié
et il est vrai qu’à partir de là nous sommes amenés nous, à développer une pratique extrêmement lourde qui est
celle de recueil de renseignements socio- éducatifs et qui nous conduit à multiplier les enquêtes et les démarches
avant de pouvoir recouper le signalement avec d’autres éléments d’information et de l’enquête. Je voudrais vous
laisser la parole madame la directrice sur ce sujet.
•
« Madame X4 », Directrice à la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ).
Effectivement, je ne peux que souscrire qu’à ce vous dites Monsieur CAILLIAU, il y a eu une augmentation très
substantielle en particulier depuis 2003-2004 des signalements à l’autorité judiciaire ; augmentation qui a fait
exploser l’activité du centre d’action éducative (CAE) en matière de renseignements socio- éducatifs. C’est
quelque chose que nous avons évoqué effectivement avec le conseil général et je crois savoir qu’une démarche
est actuellement en cours.
•
Jean-Michel CAILLIAU, Procureur de la république d’Indre et Loire.
Ça n’est pas un phénomène spécifiquement tourangeau. C’est la même chose dans les autres départements. Je
rassure tout le monde. C’est un phénomène qui a été dénoncé par Madame Claire BRISSET dans son dernier
rapport sur la défense des enfants, rapport 2004, dans lequel elle soulignait que ce point n’était pas spécifique à
un département.
•
Madame PASTOR, Directrice de la protection de l’enfance et de la famille.
L’essentiel des signalements qui sont envoyés par le conseil général auprès de Monsieur THOMAS, le substitut en
charge de la protection de l’enfance sont des signalements qui sont traités par le chef de service inspecteur de
l’aide sociale à l’enfance (ASE) mais il faut bien dire que ce que nous envoyons au tribunal c’est petit par
rapport à ce que traite le service social de secteur qui en matière de prévention garde énormément de situations,
développe énormément de travail de prévention auprès des familles et des enfants. Et, ne viennent aux
inspecteurs et inspectrices de l’aide sociale à l’enfance (ASE), aussi du tribunal, que les situations pour
lesquelles nous ne parvenons pas à travailler au fond ni avec les familles, ni avec les enfants, ou les deux, parce
qu’il y a un désaccord ou un refus de reconnaître un certain nombre de dégradations au sein de la famille, au sein
des relations familiales. C’est vrai que nous aussi on constate l’augmentation de ces signalements. Pour ce qui
concerne les signalements qui viennent de nos services, en général la personne chargée du leurre a tendance à
considérer qu’effectivement ils sont justifiés et souvent ils sont suivis de mesures. Donc ça montre qu’il y a une
vraie nécessité d’intervention. Mais encore une fois ce n’est que la partie émergée de l’iceberg parce que c’est
vrai que nos services gardent en intra toute une série de situations pour lesquelles nous pouvons traiter avec les
familles. Donc il faut savoir que l’augmentation des signalements transférés au tribunal n’est que relativement
peu par rapport à la totalité des familles qui sont suivies soit en mesures sociales soit en mesures préventives
sociales sur le terrain.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- LXVI -
Annexes : réunion du CDP du 9 Mai 2006.
•
Jérôme BACHELIER, Chef de service au centre de Port- Bretagne (Centre de lutte contre la toxicomanie
d’Indre et Loire).
Vous évoquez la forte prévalence des problèmes d’alcool dans les situations de violences conjugales, est ce qu’il
y a un travail privilégié avec les acteurs de santé ?
•
Madame LECOMTE, service départemental d’action sociale (SDAS).
Ça fait partie du travail habituel des assistants sociaux, de travailler en réseau avec des partenaires sur le
territoire départemental donc, oui, ce travail existe. Pour autant, les familles n’en bénéficient pas nécessairement
et n’arrivent pas à se sortir de leurs difficultés.
•
Gérard MOISSELIN, Préfet d’Indre et Loire.
Ecoutez, je vais remercier Madame LECONTE pour son intervention et nous allons aborder le point suivant de
notre ordre du jour qui concerne la prévention de la récidive et je crois que ce sont Messieurs ARNOLD et
DUCHESNE qui vont intervenir.
La prévention de la récidive.
•
Monsieur ARNOLD, directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation.
Monsieur le préfet, monsieur le procureur, monsieur le président. Je souhaiterais parler en présence de monsieur
DUCHESNE qui est responsable des parcs et jardins de la ville de Tours, d’un outil de prévention de la récidive
qu’est le travail d’intérêt général (TIG). Le travail d’intérêt général est une peine prononcée soit à titre de peine
principale soit à titre de peine complémentaire. Peine prononcée soit par le tribunal pour enfants soit par le
tribunal de police en répression d’une contravention, soit par le tribunal correctionnel en répression d’un délit.
Le travail d’intérêt général suppose l’accord du prévenu qui fait savoir en audience s’il accepte le principe d’un
TIG. C’est un travail non rémunéré au sein d’une association, d’une collectivité territoriale, ou d’un
établissement public. Le TIG est un outil très important, qui répond à trois objectifs principaux :
- Sanctionner le condamné en lui faisant effectuer dans une démarche réparatrice une action au profit de la
collectivité.
- Laisser la possibilité au condamné d’exercer ses responsabilités familiales, sociales ou professionnelles. Il
n’y a rupture ni de contrat professionnel en cas d’activité salariale, ni du lien familial.
- Permettre au tribunal d’éviter de prononcer une peine d’emprisonnement de courte durée.
La prévention de la récidive s’opère mieux par le biais du TIG que par le biais d’une peine ferme. Le TIG
constitue un élément central de l’insertion puisque le travail est au cœur de la peine, c’est très intégrateur. C’est
une façon de rembourser les divers manquements causés à la société parce qu’il y a des gens qui font des TIG
dans des associations de solidarité. C’est une contribution positive à la société au travers des structures qui
accueillent les TIGistes et c’est une participation de la société civile à une sanction pénale. De fait, la personne
condamnée a le sentiment d’appartenir à la société, c’est une insertion par le travail. Le TIG permet la
réhabilitation de l’image du condamné. Le TIG constitue une réparation symbolique de l’acte délictueux. C’est
une peine non dé- socialisante. Pour toutes ces raisons, le TIG est un outil de prévention de la récidive qui me
paraît très important. Pour citer quelques chiffres en 2005. Le service pénitentiaire a mis en place pour 20 040
heures de TIG effectuées par 148 personnes. Sur les 148 personnes 39 personnes l’ont fait au niveau des parcs et
jardins de la ville de Tours soit 26% des personnes ont effectué leur TIG au sein du service de Monsieur
DUCHESNE ce qui équivaut à peu prêt à 26% des heures de TIG prononcées par le service pénitentiaire d’Indre et
Loire. Je laisse la parole à Monsieur DUCHESNE.
•
Monsieur DUCHESNE, responsable « parcs et jardins » de la ville de Tours (services techniques).
Le service « parcs et jardins » de la ville de Tours n’est pas le seul à recevoir des TIG. Mais il est vrai que 90%
des TIG qui viennent dans la ville de Tours sont reçus dans le service « parcs et jardins ». Ce qui est important
c’est de savoir quelque peu comment ça se passe pour extrapoler le dispositif à toute association, à toute
collectivité. Ça ne peut se faire que s’il y a une « certaine relation » entre le TIGiste et les accueillants (les agents
de maîtrise du service notamment). Les équipes sont d’abord volontaires pour accueillir des TIGistes. Ça ne peut
se faire qu’à cette condition. Je ne me vois pas imposer des TIGistes à une équipe, car on va forcément au
conflit. J’ai la chance d’avoir des équipes et des agents de maîtrise qui sont très « rôdés » à ce que j’appelle moi
« le personnel occasionnel » - les stagiaires notamment. Mais si vous n’avez pas admis ou fait admettre ce qu’est
un TIGiste et ce qu’il vient faire, vous allez avoir des problèmes. Pour que ça marche, il faut qu’il y ait du
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- LXVII -
Annexes : réunion du CDP du 9 Mai 2006.
« donnant donnant » : que le TIGiste ait envie de faire sa peine de réparation et que le jardinier qui est à côté ait
envie d’accompagner le TIGiste dans sa phase de réparation. C’est ce qui se passe le plus souvent. Pour 2005,
87% des TIGistes ont fait leur TIG complètement, c'est-à-dire qu’il n’y a pas eu de rupture dans l’exécution de la
peine. Oui parce que l’agent de maîtrise est souverain. S’il m’appelle et qu’il me dit « je ne veux plus du
TIGiste », nous n’hésitons pas à rompre le TIG, parce que sinon après c’est une charge. Alors ça arrive dans
quels cas ? Ça arrive pour les gens désocialisés, qui n’ont plus l’habitude d’arriver à l’heure pour leur travail, qui
pensent qu’ils sont là pour faire du tourisme car comme ils ne sont pas qualifiés on ne va pas leur demander des
tâches très fortes, donc ils vont se dire « je suis là pour faire un peu de nettoyage »… Mais contrairement à ce
que beaucoup de gens pensent, on essaie toujours dans la mesure du possible de donner aux TIGistes des tâches
plus valorisantes, des tâches d’intégration. Mais là aussi ça dépend du TIGiste, de sa motivation. S’il ne veut pas
s’intégrer à l’équipe, il ne fera que du balayage. Par contre, j’ai vu des TIGistes planter des massifs parce qu’ils
avaient envie de s’y mettre et qu’ils étaient prêts à apprendre. Mais j’en ai eu aussi qui ont fait du balayage
pendant tout le temps qu’ils étaient là… Au niveau des horaires et des périodes, on essaie de s’adapter aux castypes qui nous sont présentés. La plupart du temps, la justice propose des TIG pour éviter qu’il y ait une coupure
sociale. Ainsi, avant tout, il faut qu’on arrive à ce que le TIGiste fasse sa peine mais en même temps qu’on fasse
en sorte de lui apporter « quelque chose » en terme d’intégration. On ne sait jamais pourquoi les gens que nous
accueillons sont en TIG. Mais en général les TIGistes plus ou moins honnêtes l’avouent assez rapidement. J’ai
un agent de maîtrise qui me disait « Quand je sais pourquoi il est en TIG, je sais que ça va bien se passer. Quand
il ne veut pas me le dire, je sais que ça va mal se passer ». Mais on ne lui demande pas, c’est tout à fait normal.
Par ailleurs, on a eu des bonnes expériences : combien de fois j’ai eu des agents de maîtrise qui m’ont dit à la fin
du TIG : « je suis prêt à l’embaucher ».
•
Jean-Michel CAILLIAU, Procureur de la république d’Indre et Loire.
Vous avez terminé monsieur DUCHESNE ? J’aurais une petite question à vous poser, est ce que vous auriez une
petite information sur le taux d’échec ?
•
Monsieur DUCHESNE, responsable « parcs et jardins » de la ville de Tours (services techniques).
Oui. L’année dernière j’avais 30 TIGistes et il n’y en a que 6 ou 7 qui n’ont pas terminé leur TIG. Taux d’échec
de 20%.
•
Monsieur ARNOLD, directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation.
On essaie de trouver des TIG innovants qui correspondent à la formation professionnelle du condamné et
répondent au délit. 41% des TIG qu’on a eu étaient pour des faits d’alcoolisme au volant. Or on a des exemples
de TIG spécifiques au centre de réadaptation de la Croix Rouge à la Membrolle et surtout au service d’urgence
de l’hôpital Trousseau. Et donc nous avons des TIGistes qui ont été embauchés par la ville de Tours, qui ont été
embauchés par les hôpitaux de Tours, à la suite d’un TIG.
•
Gérard MOISSELIN, Préfet d’Indre et Loire.
Bien…
•
Monsieur ARNOLD, directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation.
Monsieur le Préfet si vous me le permettez, je voudrais remercier les représentants de la ville de Tours pour
l’accueil en particulier de monsieur DUCHESNE et des ses hommes de terrain, ainsi que les maires d’autres
communes qui sont présentes dans la salle ou d’autres structures. Parce que c’est important que l’on ait un lien
permanent entre les structures d’accueil et le service pénitentiaire. Donc je fais appel à d’autres structures
éventuellement qui seraient susceptibles d’accueillir des TIG.
•
Gérard MOISSELIN, Préfet d’Indre et Loire.
Bien ! Je relaie et j’appuie votre appel Monsieur ARNOLD. Je vous propose de passer au dernier point de l’ordre
du jour qui est la prévention de la délinquance routière, c’est le colonel MORTEROL qui intervient sur ce sujet.
La prévention de la délinquance routière.
•
Colonel Thibault MORTEROL, commandant le groupement de gendarmerie départementale de l’Indre
et Loire.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- LXVIII -
Annexes : réunion du CDP du 9 Mai 2006.
Bien. Je vais être assez rapide. Le temps presse un peu. C’est moins une expérience qu’un message que je veux
passer, qui s’adresse plutôt aux collectivités territoriales, communes surtout. Beaucoup de choses ont été faites
en terme de sécurité routière mais on peut faire d’autres choses encore. Le DISR (délégué interministériel à la
sécurité routière) encourage à développer voire renforcer le partenariat avec les collectivités territoriales pour
lutter contre l’insécurité routière. Certaines communes ont déjà beaucoup investi dans le domaine, ça reste
néanmoins très inégal et on peut progresser dans ce domaine particulier qu’est le renforcement des partenariats.
Au niveau national ça s’est manifesté par la signature d’une charte de partenariat de sécurité routière signée entre
l’Etat représenté par le DISR, et l’AMF (Association des maires de France). Ça s’est signé l’année dernière.
L’ambition de cette charte est d’informer et de sensibiliser les maires sur la manière dont on pourrait développer
l’action en terme de sécurité routière dans leur champ de compétence. Les champs de compétence du maire, vous
le savez mieux que moi, sont vastes. Cette charte relance notamment l’idée de désigner dans les communes un
élu représentant de la sécurité routière parce qu’on sait bien que c’est le meilleur moyen de faire avancer les
projets, d’avoir quelqu’un qui serve un peu de levier pour faire bouger les choses. Il nous a été proposé de
décliner cette charte nationale au niveau départemental. Donc nous avons pris à la préfecture des premiers
contacts avec Monsieur DELANEAU pour savoir comment on allait éventuellement décliner cette charte. Mais il
n’est pas nécessairement besoin d’avoir une charte pour travailler sur la sécurité routière en partenariat. Je
voudrais simplement vous rappeler deux des piliers de la politique locale de sécurité routière que sont le PDASR
(plan départemental d’action et de sécurité routière) et le programme « Agir pour la sécurité routière ». Il y a
d’autres choses dans le département mais ça c’est vraiment les deux piliers principaux sur lesquels je vais
préciser deux trois éléments. Le PDASR c’est un outil qui s’inscrit dans un cadre plus large qui est celui du
Document général d’orientation (DGO). Ce DGO décrit globalement les enjeux de sécurité routière dans le
département s’appuyant sur les données nationales et il a logiquement été concerté par la préfecture et les
collectivités territoriales et normalement signé dans cette même assemblée, au conseil départemental de
prévention (CDP), il y a un an ou deux, puisque ça coure sur une période de 5 ans. Le PDASR est la référence
annuelle et c’est le document où l’on retrouve toutes les actions des différents partenaires en terme de sécurité
routière que ce soit amélioration des infrastructures, ou la prévention. Dans le cadre de ce plan, une subvention
financière destinée à aider les projets de prévention de sécurité routière est proposée par l’Etat. Cette subvention
est à peu près de 110 000 Euros. Ce n’est pas rien. Ça permet de monter des actions. Cette année, pour être franc,
on a trouvé en travaillant sur les projets qui ont été présentés qu’on manquait de matière et que les projets
associatifs ou des collectivités territoriales étaient pas suffisants. On était prêt à dépenser plus d’argent. En plus
le PDASR est un outil facile parce que l’essentiel peut se faire par Internet. Les démarches d’inscription au
PDASR, de proposition de projets, et de demande de subventions se font pas Internet. On ne donne pas des
fortunes à chaque fois mais on peut très certainement aider à monter le projet d’une collectivité territoriale. Les
projets peuvent être variés et sont validés dès lors qu’ils entrent dans les orientations de sécurité routière définies
par le DGO. Le programme « Agir pour la sécurité routière ». Le programme consiste à rassembler toutes les
bonnes volontés, de divers milieux socio- professionnels, de même que les bénévoles qui veulent travailler sur la
sécurité routière. Les projets sont divers : projets de lutte contre l’alcool au volant, sécurité du transport urbain
des enfants etc… Le programme « Agir pour la sécurité routière » est là pour vous aider à monter votre projet de
sécurité routière. Je termine par LA référence, madame MANIC qui est la chargée de mission en charge de la
sécurité routière au niveau de la préfecture. Elle maîtrise la question et elle est surtout prête à répondre à toutes
les questions que les communes pourraient se poser sur la sécurité routière. Donc elle est à votre disposition et
elle se fera un plaisir de vous donner des sous dès lors que vos projets « tiennent la route ». Je vous renvoie à la
revue « sécurité routière » de février- mars 2006, qui portait sur le partenariat de sécurité routière. Voilà.
•
Gérard MOISSELIN, Préfet d’Indre et Loire.
Bien. Merci pour cette présentation. Je l’ai dit en introduction, la sécurité routière est un enjeu de sécurité
important dans ce département. Toute initiative est bonne à être menée jusqu’au bout dans ce domaine. Même si
on a fait des progrès, 55 tués sur les routes de nos départements c’est un bilan dont on ne peut pas se satisfaire,
surtout quand on voit les conditions dans lesquelles les accidents mortels se produisent : on ne peut pas dire que
cela soit seulement la fatalité, le domaine de l’inéluctable, et que sont simplement les lois de la dynamique qui
sont en cause… (Silence)…Je ne vous reconnais pas mais je vous donne volontiers la parole, le contre-jour est
tel que…
•
Philippe BLONDEAU, Directeur du centre social des gens du voyage.
Oui. Concernant la délinquance routière. Je voulais vous faire part de difficultés que l’on rencontre dans nos
services actuellement. Je suis directeur du centre social des gens du voyage. J’encourage les gens du voyage à
respecter la loi et à assurer leurs véhicules. Mais actuellement il y a une problématique qui apparaît de façon plus
en plus importante. Les gens du voyage ne trouvent plus de compagnie d’assurance qui veule les assurer. On est
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- LXIX -
Annexes : réunion du CDP du 9 Mai 2006.
quand même dans une contradiction car pour être dans la loi les gens ont besoin d’être assurés. Et les assureurs
refusent de les assurer parce que ils font partie de la catégorie des gens du voyage.
•
Gérard MOISSELIN, Préfet d’Indre et Loire.
C’est la première fois que l’on me saisit de cette difficulté sous cette forme-là. Je ne connais pas suffisamment le
sujet pour vous apporter une réponse toute faite à ce problème. Enfin. S’il s’agit d’un refus de principe parce
qu’on est « gens du voyage » on refuse de vous assurer on est dans un domaine qui relève de la discrimination et
qui est pénalement sanctionnable. S’il y a par contre des situations individuelles, beaucoup d’accidents par
exemple… S’il y a motifs à rupture de contrats, c’est un autre domaine. Ces situations mériteraient au minimum
d’être examinées plus en détail. Je pense qu’il faudrait que vous saisissiez la préfecture ou la justice sur ce sujet.
On ne peut pas rester sur une approche floue ou approximative de ce sujet.
•
Didier FORTIN, Membre de la commission « Education et Culture » de la commune de Ballan-Miré.
Mesdames, Messieurs. La commune de Ballan-Miré organise pour la cinquième année une semaine complète
réservée à la prévention routière, entre autre pour les écoles. Pendant une semaine, 800 à 900 enfants des écoles
maternelles ou des collèges bénéficient d’une journée de formation qui porte sur les gestes de survie préconisés
par la Croix rouge, sur les évacuations de bus, sur comment circuler à vélo ou à pied dans la commune, et sur
comment réparer son vélo. Dans toute la commune on organise ça pour les enfants des différentes écoles. Ce
programme est soutenu effectivement par les services de l’Etat : la gendarmerie, la sécurité routière, l’association
de prévention routière (ATAPEV) et notre prestataire de services bien sûr. Le bilan au bout de 5 ans : un parc de
deux roues en état sur la commune de Ballan-Miré. On était dans les contrôles à peu près à 60 cycles défectueux,
relevés dans les écoles primaires ou collèges, aujourd’hui on arrive à deux trois cycles défectueux. Voilà en gros
le bilan. Mais c’est vrai qu’on peut faire avec certains petits moyens, parce c’est quand même pas énorme, je
peux dire la somme qui a été allouée on a touché 3000 Euros, ça nous revient à 9000 euros pour la commune.
Mais on peut faire des choses intéressantes pour les enfants.
•
Colonel Thibault MORTEROL, commandant le groupement de gendarmerie départementale de l’Indre
et Loire.
Voilà réellement un bon exemple, en conformité avec le PDASR, de ce que les communes peuvent proposer si
elles veulent s’associer à des démarches de sécurité routière.
•
Gérard MOISSELIN, Préfet d’Indre et Loire.
Bien. Je vous remercie beaucoup Monsieur FORTIN pour cette intervention aussi brève qu’intéressante. Cette
démarche est très simple et intéressante puisqu’elle permet tout à la fois d’intervenir sur le matériel roulant et
d’avoir une démarche pédagogique à l’égard des enfants qui montent sur des deux roues. Je pense que cela va
dans le sens de ce qu’il faut faire… Je m’en excuse auprès de Madame DUBOIS qui s’est cachée au milieu de la
salle mais il était prévu qu’elle fasse une petite intervention sur le thème financier en matière de prévention de la
toxicomanie, est ce que vous souhaitez, malgré qu’on ait enjambé le sujet depuis tout à l’heure, faire votre
intervention maintenant Madame ?
•
Madame DUBOIS, membre de la DDASS37.
Je serai rapide. Je vais malheureusement me prévaloir de toutes les thématiques de prévention qui ont été
évoquées jusqu’alors, pour parler des toxicomanies. Pour parler des aides financières, l’enveloppe 2005 qui a été
déléguée par la mission interministérielle (MILDT : mission interministérielle de lutte contre la drogue et la
toxicomanie) au département d’Indre Et Loire s’élève à 165 881 Euros qui sont répartis entre pôles de
toxicomanie. 67 959 Euros ont été délégués pour la prévention et la formation, principalement au profit de
l’éducation nationale, et au sein de l’éducation nationale principalement dans les collèges. Pour donner une
information aux élus, 3 collèges ont été financés hors agglomération et 8 en agglomération. Parmi ces 8 collèges
financés en agglomération, 5 l’ont été au titre de la politique de la ville. 48 450 Euros ont été délégués pour faire
fonctionner le centre d’information et de ressources documentaires sur les drogues (CIRDD). Juste un mot. Vous
qui êtes acteurs de terrain ou collectivités territoriales, vous pouvez faire appel à ce centre parce que vous y
trouverez toutes les informations actualisées et validées sur l’ensemble des dépendances et vous trouverez
également des outils de prévention qui peuvent vous être présentés et que vous pouvez inclure dans vos projets
de prévention. Donc c’est un outil très pratique si vous voulez mener des actions de prévention ou de formation
dans vos collectivités ou organismes. Et nous consacrons 49 472 Euros à « la convention santé justice ». La
convention santé justice a trois axes : deux axes en direction des adultes qui ont été auteurs de délits routiers
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- LXX -
Annexes : réunion du CDP du 9 Mai 2006.
avec une prise en charge de groupe et une prise en charge individuelle aussi en lien avec le SPIP. Et le dernier
axe concerne les mineurs. Nous avons été un des premiers piliers en France à créer ce dispositif qui se généralise
maintenant sur le territoire qui était d’apporter une possibilité d’accès aux soins aux mineurs qui étaient
interpellés pour des consommations simples de cannabis et qui étaient des primo – délinquants. Donc ces jeunes
sont orientés avec les parents, parce que la prise en charge des parents dans ce parcours nous a semblé très
important, vers le centre de Port- Bretagne qui opère un diagnostic de la consommation du jeune et des situations
familiales pour d’éventuelles orientations. Voilà brièvement la répartition des crédits. Le plan territorial adopté
l’année dernière touche aussi bien les jeunes que les adultes en matière de prévention et d’application de la loi.
Pour être très pratique, si vous avez des projets de prévention ou de formation, vous pouvez toujours prendre
mon attache pour qu’on puisse à la fois réserver les crédits et prévoir les interventions de nos intervenants locaux
qui sont malheureusement très faibles en nombre. Je vous invite à faire appel à moi si vous le souhaitez pour
avoir des subventions ou des conseils et plus pratiquement vous pouvez vous adresser au comité départemental
d’éducation pour la santé et précisément à l’opératrice en toxicomanie, c’est un poste qui est financé depuis
plusieurs années par le conseil général, Tour(s)plus et l’Etat.
•
Gérard MOISSELIN, Préfet d’Indre et Loire.
Madame, je vous remercie. Est-ce qu’il y a des questions ?
•
Jérôme BACHELIER, Chef de service au centre de Port- Bretagne (Centre de lutte contre la toxicomanie
d’Indre et Loire).
Je me présente, je suis Jérôme BACHELIER, je suis chef de service au centre de Port- Bretagne auquel Madame
DUBOIS a fait référence. Je voulais dire que le centre propose maintenant une consultation cannabis, une
évaluation de l’usage de cannabis, qui n’est plus ouverte exclusivement dans le cadre de la justice, mais ouverte
librement. Il faut savoir que c’est une consultation qui marche très bien, on est surpris même des demandes qui
sont des demandes à la fois de jeunes usagers et de moins jeunes. A ce propos je voulais quand même évoquer le
fait que nous avions un temps supplétif au début avec un minimum de psychologues qui permettait également
lorsque la personne évaluée le nécessitait, de consolider les choses avec un accent de prévention dans la durée.
Malheureusement, les aléas budgétaires risquent de réduire ce temps de soin, qui n’est pas qu’une action de soin,
parce qu’on est toujours dans une action de prévention, parce qu’on est toujours sur des populations qui ne sont
que dans un usage, qui sont en début d’abus, et on voit qu’ils ont besoin d’un complément de prise en charge. Et
donc du coup, on est parfois à cheval entre ce qui tient du sanitaire et ce qui tient encore de la prévention. Je
voulais soulever ce problème.
•
Madame DUBOIS, membre de la DDASS37.
Pour répondre à Jérôme Bachelier, nous tentons de faire remonter ces difficultés budgétaires au niveau national.
•
Gérard MOISSELIN, Préfet d’Indre et Loire.
Alors une question : C’est quoi un début d’abus ?
•
Jérôme BACHELIER, Chef de service au centre de Port- Bretagne (Centre de lutte contre la toxicomanie
d’Indre et Loire).
C’est à partir du moment où l’on commence à perdre le contrôle de son usage, où l’on glisse vers l’abus, où l’on
n’est pas encore dans une situation de dépendance. Dans la situation de dépendance, c’est plus facile à traiter, car
les individus victimes se sentent en difficulté et ont une demande clairement définie – ce qui n’est pas le cas des
personnes en en début d’abus, pas totalement en situation de dépendance, et qui n’ont pas de demande clairement
définie.
•
Gérard MOISSELIN, Préfet d’Indre et Loire.
Sujet difficile… Bien écoutez peut-être allons-nous clôturer ce CDP. Merci.
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- LXXI -
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Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
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Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
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Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- LXXIV -
Tables des matières.
TABLES DES MATIERES.
REMERCIEMENTS........................................................................................................................I
AVERTISSEMENT....................................................................................................................... II
LEXIQUE DES PRINCIPALES ABREVIATIONS. .......................................................................... III
SOMMAIRE. ............................................................................................................................... V
INTRODUCTION. ......................................................................................................................... 1
I.
Approche conceptuelle. ............................................................................................ 3
Le concept de sécurité. ............................................................................................. 3
Le concept de délinquance....................................................................................... 6
Le concept de prévention....................................................................................... 10
Le concept de partenariat...................................................................................... 13
Approche contextuelle............................................................................................ 18
1977-1982 : la politique de sécurité publique....................................................... 18
1982-1991 : la politique de prévention de la délinquance................................... 19
1991- 2007: la politique de sécurité urbaine. ....................................................... 20
Approche institutionnelle. ..................................................................................... 24
Les dispositifs traditionnels de sécurité................................................................ 24
1. La police nationale (PN). ................................................................................... 25
2. La gendarmerie nationale (GN). ....................................................................... 26
3. La Justice. ........................................................................................................... 27
4. La Douane. .......................................................................................................... 28
5. Les polices municipales (PM). ........................................................................... 29
B. Les dispositifs partenariaux de sécurité. .............................................................. 30
1. La prise en compte de nouveaux acteurs de sécurité. ..................................... 30
a. L’Education nationale (EN). ......................................................................... 30
b. Les acteurs sociaux et associatifs. ................................................................. 30
c. Le secteur privé. ............................................................................................. 31
2. La construction de partenariats de sécurité. ................................................... 31
a. Echelon national : CSI et CIPD. ................................................................... 31
b. Echelon départemental : CDP et CDS.......................................................... 32
c. Echelon communal et intercommunal : CLSPD et CLS. ........................... 33
IV.
Hypothèses et problématique. ............................................................................... 35
V.
Démarche adoptée. ................................................................................................. 36
A.
B.
C.
D.
II.
A.
B.
C.
III.
A.
CHAPITRE 1. L’ÉTAT CENTRAL : UN ROI QUI SE DESENGAGE SANS SE DESENGAGER........... 39
I.
Portrait d’un nouveau roi local de sécurité et de prévention de la délinquance:
le partenariat amboisien. ................................................................................................... 40
A. Les acteurs de sécurité amboisiens et leur appréciation de la délinquance. ..... 40
1. Les acteurs de sécurité amboisiens… ............................................................... 40
a. Les acteurs traditionnels de sécurité amboisiens. ....................................... 40
b. Les nouveaux acteurs de sécurité amboisiens.............................................. 42
2. … confrontés à une délinquance caméléon. ..................................................... 42
a. Une délinquance a priori de faible puissance et/mais protéiforme et
diffuse… .................................................................................................................. 43
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- LXXV -
Tables des matières.
b. …qui peut camoufler en réalité une délinquance plus grave. .................... 44
B. L’avènement du roi amboisien de sécurité et de prévention de la délinquance :
histoire du partenariat amboisien................................................................................. 45
1. Le CCPD d’Amboise (1986-2002). .................................................................... 45
a. L’histoire officielle du CCPD d’Amboise..................................................... 46
b. Les récits contradictoires sur le CCPD d’Amboise..................................... 47
2. Le CLSPD d’Amboise (2002 à aujourd’hui).................................................... 48
a. L’histoire officielle du CLSPD d’Amboise................................................... 48
b. Les récits contradictoires sur le CLSPD d’Amboise................................... 50
II.
De l’État- roi au partenariat-roi : passation de titre sans passation de pouvoirs.
51
A. Un roi qui ne cède pas son sceptre : une autorité étatique très présente. ......... 52
1. Le partenariat : une injonction de l’État. ........................................................ 52
a. Le partenariat : une volonté d’État. ............................................................. 52
b. Le partenariat : une volonté d’État assez partagée. ................................... 53
2. L’État : un partenaire omnipotent et source d’effets pervers. ...................... 54
a. L’État : un partenaire omnipotent. .............................................................. 54
b. L’État : un partenaire source d’effets pervers. ........................................... 57
B. Un Roi qui cède peu son or : des subventions étatiques assez absentes. ........... 58
1. Des subventions limitées aux effets pervers. .................................................... 58
a. Des subventions limitées… ............................................................................ 58
b. … qui ont des effets pervers. ......................................................................... 60
2. Des subventions conditionnées aux effets pervers........................................... 61
a. Des subventions conditionnées… .................................................................. 62
b. … qui ont des effets pervers. ......................................................................... 63
CHAPITRE 2. LE PARTENARIAT AMBOISIEN : UN ROI QUI S’ENGAGE SANS S’ENGAGER. ....... 66
I.
Le partenariat amboisien : un roi schizophrène, un roi en miettes. .................. 67
A. Le partenariat amboisien : un partenariat émietté par des logiques
d’institution..................................................................................................................... 67
1. Le partenariat amboisien : une institution d’institutions (?) ......................... 67
a. Des institutions différenciées… ..................................................................... 68
b. … qui peinent à raisonner et agir ensemble. ............................................... 70
2. Le partenariat amboisien : un champ d’institutions....................................... 73
a. Des institutions qui se déconsidèrent et se désolidarisent........................... 73
b. Des institutions qui s’affrontent.................................................................... 74
B. Le partenariat amboisien : un partenariat émietté par des logiques
individuelles. ................................................................................................................... 77
1. L’importance des individus au sein du partenariat. ....................................... 77
a. Le discours crozierien. ................................................................................... 77
b. Le discours des enquêtés................................................................................ 78
2. Les changements de personnel : tantôt catalyseurs tantôt freins du
partenariat. ................................................................................................................. 79
a. Les changements de personnel : tantôt catalyseurs… ................................ 79
b. … tantôt freins du partenariat...................................................................... 80
II.
Le partenariat amboisien : un « roi creux » et symbolique................................ 82
A. Le partenariat amboisien : une institution creuse............................................... 83
1. Cause : une administration qui fait défaut. ..................................................... 83
a. Le CLSPD d’Amboise : une institution (?) .................................................. 83
b. … qui n’est pas coordonnée........................................................................... 86
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- LXXVI -
Tables des matières.
2.
Conséquence : l’absence d’une réelle politique et d’une réelle autorité. ...... 87
a. Le CLSPD d’Amboise : un dispositif sans tête et sans politique. .............. 87
b. Le CLSPD d’Amboise : un dispositif qui ne fait pas autorité.................... 89
B. Le partenariat amboisien : une institution symbolique...................................... 90
1. Le partenariat amboisien : un système de croyances….................................. 90
a. « La sécurité est l’affaire de tous ». .............................................................. 91
b. « Le partenariat de sécurité est une bonne idée ». ...................................... 92
2. ... mais pas de pratiques : une action symbolique du partenariat. ................ 93
a. Une action symbolique perverse vis-à-vis de la délinquance...................... 93
b. Une action symbolique qui peut-être vertueuse vis-à-vis du sentiment
d’insécurité.............................................................................................................. 96
CONCLUSION............................................................................................................................ 98
TABLE DES ANNEXES................................................................................................................VI
Entretien n°1 avec Joël MUGICA .................................................................................. VII
Entretien n°2 avec Michel MOISAN. ...............................................................................XI
Entretien n°3 avec Gérard MAGRÉ. ............................................................................XIV
Entretien n°4 avec Marie-Claude JUPEAU. (Conversation téléphonique). ............ XVII
Entretien n°5 avec Evelyne FREYMONT. (Conversation téléphonique)...............XVIII
Entretien n°6 avec Christian VERSEIL. (Conversation téléphonique). ..................... XX
Entretien n°7 avec Lysiane PRILLEUX. ......................................................................XXI
Entretien n°8 avec Patrick BIALES. (Conversation téléphonique). .......................XXIII
Entretien n°9 avec José RODRIGUÈS....................................................................... XXIV
Entretien n°10 avec Isabelle GAUDRON.....................................................................XXX
Entretien n°11 avec Eric BERTRAND..................................................................... XXXII
Entretien n°12 avec Christine GANDUBERT........................................................ XXXVI
Entretien n°13 avec Catherine LÉQUIPÉ. .....................................................................XL
Entretien n°14 avec Stéphane DELBARRE. ...............................................................XLV
Entretien n°15 avec Christian GUYON. ........................................................................ LII
Retranscription de la réunion du conseil départemental de prévention (9 Mai
2006)……………………………………………………………………………………..LVI
BIBLIOGRAPHIE. ...............................................................................................................LXXII
TABLES DES MATIERES. ....................................................................................................LXXV
Les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : le cas amboisien.
- LXXVII -
Les partenariats locaux de sécurité et
de prévention de la délinquance.
- Le cas Amboisien -
Mots-clés : Amboise, Sécurité, Délinquance, Prévention, Répression, Partenariat, Modernité.
De façon traditionnelle, la sécurité relève, sur l’ensemble du territoire national, de
l’État central qui a le monopole de la violence physique légitime.
Une approche théorique (conceptuelle, contextuelle, institutionnelle) des questions de
sécurité tendrait cependant à faire croire qu’aujourd’hui, la sécurité au niveau local dépend
plutôt des partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance.
Avec les partenariats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, nous
passerions d’un modèle de sécurité centralisé à un modèle de sécurité polarisé, d’une sécurité
lointaine à une « sécurité de proximité », d’une sécurité moderne à une sécurité post-moderne,
d’une sécurité produite par l’État-roi à une sécurité coproduite par le Partenariat-roi.
Est-on vraiment passé au niveau local d’une sécurité moderne où l’État est roi, à une
sécurité post-moderne (coproduite) où le partenariat est roi?
Pour répondre à cette question, cette étude se propose d’étudier le cas particulier que
constitue le partenariat amboisien de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD).
L’étude démontre que la coproduction de la sécurité dans la ville d’Amboise (37) est
non seulement compromise par l’attitude de l’État central qui se comporte comme un patron
avare plutôt que comme un partenaire, mais aussi par les attitudes de tous les partenaires de
sécurité (sans distinction) qui ne s’engagent que partiellement et partialement dans le
partenariat.
En définitive, l’étude démontre que l’« État-Roi » en matière de sécurité amboisienne
n’est pas vraiment déchu (l’État se désengage sans se désengager) et que le « PartenariatRoi » n’est pas vraiment une réalité (le partenariat amboisien s’engage sans s’engager).
Il résulte de ceci que la sécurité dans la ville d’Amboise n’est ni moderne (centralisée)
ni post-moderne (coproduite) mais… « néo-moderne » (pilotée par l’État et strictement
copilotée par les partenaires locaux).

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