The Future of the Academic Journal
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The Future of the Academic Journal
Analyse de Joachim SCHÖPFEL [email protected] Documentaliste-Sciences de l’information, vol. 51, n°4, déc. 2014 ©ADBS The Future of the Academic Journal Bill Cope, Angus Phillips (eds) Sd ed. – London : Chandos Publishing, 2014. – 478 p. - ISBN : 978-1-84334783-5 (print) : 65 € ; 978-1-78063464-7 (eBook) : 65 € ANALYSE SUR L’AVENIR DE LA REVUE SCIENTIFIQUE La revue scientifique a une longue histoire derrière elle, et elle est le vecteur principal de la communication scientifique. Quel est son avenir ? Les auteurs de ce livre n’ont pas davantage de dons divinatoires que les lecteurs. Néanmoins, leurs analyses aident à poser les bonnes questions et à identifier les principaux tenants et aboutissants. Plusieurs chapitres rappellent les fondamentaux de la revue scientifique, en particulier son rôle central pour la validation, la diffusion et la conservation des résultats de recherche, et sa contribution à l’évaluation des chercheurs et des institutions. Mise en question par les nouvelles technologies, mais aussi par l’évolution du marché de l’édition, la revue scientifique se trouve aujourd’hui face à des enjeux majeurs, parmi lesquels la transformation numérique des formats et contenus, la diffusion en open access et l’émergence de nouveaux modèles économiques. Dans le chapitre central du livre, Bill Cope et Mary Kalantzis analysent comment le changement de l’écologie de la connaissance modifie la revue scientifique, avant d’énumérer les sujets d’actualité, en premier lieu le développement durable de l’édition scientifique, la protection de la propriété intellectuelle et une meilleure sélection des articles (peer review). Mais il s’agit aussi d’ouvrir les revues à une communauté plus large, d’introduire d’autres formats, de produire des statistiques d’usage fiables et d’appliquer d’autres mesures d’impact. Leur conviction est teintée d’optimisme : grâce à Internet, la connaissance circulera plus vite et mieux, et l’information sera plus facile à trouver et à réutiliser. D’autres prévisions sont plus nuancées. Voici une sélection de pronostics : - la multiplication des « méga-revues » du type PLoS One avec un très grand nombre d’articles, et le développement de larges plateformes comme SciELO ou Redalyc avec beaucoup de revues et un ancrage régional ; - la convergence des revues et wikis ; - le recentrage des revues sur la publication d’articles de synthèse de qualité destinés à un plus grand public (état de l’art, connaissances confirmées), et l’abandon de la diffusion de résultats partiels destinés aux chercheurs au profit des archives ouvertes qui le feront mieux et plus vite ; - le développement de plusieurs modèles économiques, dont plusieurs variantes de l’open access, et l’abandon des big deals vers une plus grande flexibilité et une plus grande personnalisation ; - le ralentissement de la croissance du nombre de revues ; - l’ouverture des procédures de la sélection des articles (open peer review) ; - la rationalisation des investissements et dépenses, avec un transfert des dépenses liées aux abonnements (licences) vers le développement de l’open access ; - la consolidation à court terme du paysage des revues en libre accès ; - une influence croissante sur le droit d’auteur de la part des nouveaux acteurs d’Internet (portails, moteurs de recherche, réseaux sociaux, etc.) et des pays émergents, notamment la Chine ; - le développement de nouveaux indicateurs pour mesurer la qualité et l’impact des revues et articles, avec une combinaison des statistiques de citation et d’usage ; - le développement de l’édition universitaire et de la diffusion des données de la recherche grâce aux infrastructures et compétences liées aux archives institutionnelles ; - l’évolution du rôle de la bibliothèque scientifique de la diffusion de l’information vers l’interprétation et la facilitation, y compris la promotion de l’open access. Comment les auteurs sont-ils arrivés à ces conclusions ? Quels sont leurs arguments ? Pour le savoir, il faut lire les dix-huit chapitres du livre. Ils constituent un gisement extrêmement riche d’information. Toutes les dimensions sont abordées, tous les facteurs passés au crible, allant du marché, des contenus et communautés au fonctionnement, aux fonctionnalités et aux fonctions. Sur plus de 400 pages, les auteurs livrent une analyse stratégique complexe de la situation de la revue scientifique. Le livre se termine par deux études de cas (la revue indépendante Open Medicine et l’article du futur d’Elsevier) et trois analyses du développement de l’édition des revues en Amérique latine, en Afrique et en Chine. Bill Cope et Angus Phillips ont réussi l’exploit de réunir un collectif d’auteurs de haut niveau, des chercheurs, consultants et éditeurs, dont quelques noms bien connus et présents dans le débat autour de l’information scientifique et de la science ouverte, comme Jean-Claude Guédon, Carol Tenopir, Donald W.King, Stevan Harnad et John Willinsky. Six ans après sa première publication, ce livre n’a pas pris une ride. La deuxième édition, augmentée et révisée, est toujours d’actualité. La revue scientifique est au cœur des projets, débats et enjeux de l’information scientifique en France. « L’avenir ne se prévoit pas, il se prépare », disait le philosophe Maurice Blondel. L’avenir nous dira surtout si les choix et investissements d’aujourd’hui, en matière de licences, d’archives, de plateformes, etc. auront porté leurs fruits. Ce livre permet de mieux comprendre, anticiper et agir.∎