L`édition en libre accès dans les programmes de recherche européens

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L`édition en libre accès dans les programmes de recherche européens
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L’édition en libre accès dans les
programmes de recherche européens
Impliquant l’ensemble de la communauté scientifique, les éditeurs, les bibliothécaires et la sphère politique,
le concept de libre accès aux résultats de la recherche publique et sa mise en œuvre font débats.
Quels en sont les principaux enjeux ? Quelle est la position de la Commission européenne vis-à-vis
de ses programmes de financement ?
Le principe du libre accès dans l’édition scientifique
Le libre accès (en anglais, « open access ») consiste à mettre à disposition en ligne, gratuitement et rapidement les résultats
de la recherche. Tout utilisateur peut alors lire, copier, distribuer ou renvoyer un lien vers le texte intégral, pour tout usage
et sans autre contrainte que de citer sa source. Sont concernés les articles scientifiques avant (pre-print) ou après
publication dans des revues à comité de lecture (post-print).
Le principal intérêt du libre accès est d’accélérer la recherche scientifique en rendant les résultats disponibles à tous.
Il s’agit aussi de sortir d’une logique de double dépense pour les institutions (le plus souvent publiques) qui financent
la recherche avant de payer l’abonnement aux revues qui publient les résultats. A titre d’exemple, les Universités françaises
ont versé à l’éditeur Elsevier un total de 30 millions d’euros en 2012.
Deux approches du libre accès
La voie en or, consiste à soumettre son article à une revue
permettant le libre accès.
Deux modes de publication sont possibles:
- les revues en accès ouvert dont la totalité des contenus
est accessible gratuitement. C’est le cas par exemple
de la revue Public Library of Science (PLoS).
- les revues classiques qui proposent une option « open
access » payante. On parle alors de modèle « auteur-payeur »,
puisque c’est l’auteur qui rémunère l’éditeur et non le lecteur.
Les prix sont très variables d’une revue à l’autre et selon les
disciplines. Une publication en libre accès dans la revue
Nature coûte par exemple 3.750 euros. (NB : dans le cadre
d’un projet européen, les coûts de publication sont
remboursables par la Commission européenne).
L’auto-archivage ou voie verte, consiste pour l’auteur à déposer en ligne son article dans une banque de données
institutionnelle (e.g. Hyper Article en Ligne « HAL » porté par le CNRS) ou dans une base de données thématique (e.g.
PubMed, ArXiv, etc). Les chercheurs qui ne disposent pas d’archive numérique peuvent utiliser une banque de données
européenne appelée OpenAirePlus Orphan Repository. Lorsque l’éditeur l’autorise, ces archives ouvertes peuvent aussi
accueillir la version acceptée d’une publication par une revue, sous réserve éventuelle d’une période dite d’embargo
de 6 à 12 mois imposée par les maisons d’édition. Voie en or et auto-archivage simultanés sont alors possibles.
Comment se positionne la Commission européenne en matière d’Open Access ?
La Commission européenne soutient fortement l’accès libre et gratuit de la production scientifique européenne et
encourage la diffusion des résultats des recherches qu’elle finance. En 2008, elle a lancé une initiative pilote en invitant
les établissements bénéficiaires de ses financements à ouvrir l’accès, dans un délai de 6 à 12 mois, de tous les résultats
de la recherche issue du 7e Programme Cadre, y compris ceux du Conseil Européen de la Recherche (ERC).
Pour son prochain programme cadre Horizon 2020 (2014-2020), elle généralisera cette pratique en aidant les
chercheurs à remplir leurs obligations sur ce point, tout en abordant différents aspects liés au respect de la vie privée,
à la préservation des intérêts commerciaux ou encore à la question des volumes de données.
2 / Chercheurs européens n°05 - octobre 2012
Au-delà de ses propres programmes,
la Commission vient également d’émettre aux Etats
Membres une recommandation visant à rendre en accès libre 60% des articles
financés par des fonds nationaux d’ici 2016… Avant de préciser que les Etats
devront « prévoir des mécanismes » pour atteindre ces objectifs.
ne mise en œuvre qui divise la communauté scientifique,
U
les décideurs politiques et les éditeurs
Bien qu’il soit soutenu désormais par une majorité d’agences de financements,
le principe de libre accès confronte plusieurs logiques parfois difficiles à concilier,
d’un côté, garantir l’accès le plus large possible à la production scientifique ;
de l’autre, assurer la reconnaissance du travail du chercheur ; enfin, trouver un
modèle économique viable pour les éditeurs...
Sur la question controversée de la rémunération, les acteurs de la recherche
craignent par exemple que les grands éditeurs imposent le modèle d’auteurpayeur de la voie dorée et pratiquent des tarifs excessifs. C’est une approche
inégalitaire qui profiterait aux laboratoires les mieux dotés en capacité de payer
à leurs chercheurs des publications dans des revues prestigieuses. D’autres voix
s’élèvent contre la moindre valeur supposée des publications en open access.
Certains principes de fonds sont également débattus, comme celui de retirer
le facteur d’impact des indicateurs clés utilisés pour évaluer la production
scientifique dans les appels à propositions.
Mais que les chercheurs se rassurent : un certain nombre d’idées reçues sur le
libre accès n’ont pas lieu d’être. Le libre accès compte d’ailleurs de plus en plus
d’adeptes.
L’enjeu majeur semble aujourd’hui de trouver le juste coût de l’édition
scientifique, ce qui implique des systèmes de publication qui garantissent
un accès libre et gratuit à tous, tout en préservant les intérêts des différents
acteurs (auteurs, éditeurs, bibliothèques, laboratoires, organismes financeurs).
La Commission européenne participe activement à faire émerger ce nouveau
modèle en consacrant notamment 45 millions d’euros en 2012-2013 aux
infrastructures de données et à la recherche sur la conservation numérique.
D’autre part, elle soutiendra des expériences sur de nouveaux modes
de traitement des informations scientifiques, l’évaluation par les pairs ou
de nouvelles techniques de mesure de l’impact des articles.
Le Projet PEER (Publishing the
Ecology of European Research)
analyse la place de l’Open
Access en Europe dans la
communauté scientifique
http://www.peerproject.eu/
Parmi les conclusions du projet, qui
vient de s’achever, on y apprend que :
les auteurs sont généralement
favorables à l’open access et
qu’ils perçoivent le bénéfice de l’autoarchivage « dans la mesure où cela
augmente le lectorat et la dissémination
de leurs recherches », et à la condition
que le libre accès « ne compromette
pas le rôle central des articles de revues
papier ».
le dépôt de publications en libre
accès est vu comme complémentaire
aux revues papier ; c’est un atout pour
augmenter son lectorat.
l’auto-archivage (voie verte) aurait la
préférence des chercheurs en sciences
physiques et mathématiques et ceux en
sciences humaines et sociales, à l’inverse
des chercheurs en sciences de la vie
privilégiant les revues en libre accès
(voie en or).
Sources d’informations sur l’accès libre
[1] Deux déclarations internationales majeures pour le développement de l’accès libre :
- l’Initiative “Budapest Open Access” (BOAI – 2001) : http://www.soros.org/openaccess/
- la Déclaration de Berlin sur le Libre Accès à la Connaissance en sciences exactes, sciences de la vie, sciences humaines et sociales (2003) :
http://oa.mpg.de/lang/en-uk/berlin-prozess/berliner-erklarung/
[2] La banque de données européenne OpenAirePlus Orphan Repository du projet OpenAIRE Plus, destiné à encourager la publication en
archives ouvertes des résultats de recherche issus du 7e PCRDT et de l’ERC : http://www.openaire.eu
[3] Liste de revues en libre accès inventoriée sur le site du Directory of Open Access Journals (DOAJ) : http://www.doaj.org/
[4] Archives ouvertes, un exemple de banque de données institutionnelle : « HAL » : http://hal.archives-ouvertes.fr/
[5] Site SHERPA/RoMEO sur la politique des éditeurs en matière d’auto-archivage : http://www.sherpa.ac.uk/romeo/
[6] L’Ua Mag, le Magazine de l’Université d’Angers – Hors Série n°1, Octobre 2012 : http://issuu.com/buangers/docs/ua_mag_hors_serie-n_1
Chercheurs européens n°05 - octobre 2012 / 3

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