La LOLF story , les enjeux communs et les spécificités des
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La LOLF story , les enjeux communs et les spécificités des
Institut d'Etudes Politiques de Lyon Université Lumière Lyon2 La LOLF story , les enjeux communs et les spécificités des démarches locales de performance par rapport à la LOLF. Quelle est l’orientation commune prise par les démarches locales de performance ? Master 2 professionnel Management du secteur public : collectivités et partenaires, filière stratégie financière locale Mémoire soutenu le 6 septembre 2007 Nicolas PITTET JURY : Anne BLANC-BOGE Maître de Conférences de Sciences de Gestion à l’IEP de Lyon, Directrice du Master Président du Jury Claude SOUBEYRAN Directeur des finances de la Ville de Lyon Directeur du mémoire Laurent PRADERE Consultant Senior KPMG Secteur Public Table des matières Introduction . . 5 6 Partie 1. L’enjeu commun de maîtrise des dépenses publiques conduit à l’adoption de démarches diverses de performance, dont les principes de la LOLF constituent une base de réflexions communes. . . 14 Remerciements . . Chapitre I. : Les enjeux communs entre les finances de l'Etat et des collectivités locales nécessitent le pilotage de la performance dans la gestion budgétaire et financière. . . 14 I. Les finances de l’Etat et les finances locales sont de plus en plus liées et soumises de manière commune à une baisse de leurs marges de manœuvre. . . 14 II. L’introduction d’une logique de performance publique dans la gestion de l’Etat et des collectivités locales . . 22 Chapitre 2. Pour maîtriser leurs dépenses, les collectivités locales ont mis en place des démarches de performance diverses alors que l’adoption par l’Etat de la LOLF a enclenché une réflexion globale autour de ces démarches. . . 27 I. Les collectivités locales ont mis en place des démarches variées de modernisation de leur gestion financière visant à enclencher un pilotage de la performance. . . 28 II.La LOLF constitue une réforme fondamentale de la Constitution financière de l’Etat, dont les principes sont de plus en plus considérés comme un référentiel pour la gestion publiqu.e. . . 38 Partie 2. La responsabilisation des gestionnaires comme levier commun des démarches locales de performance et de la LOLF pour améliorer le pilotage budgétaire et le dialogue de gestion . . Chapitre 3. A l’instar de la LOLF, une orientation commune des démarches locales de performance est le levier de la responsabilisation des gestionnaires financiers. . . 44 44 I. La LOLF et les démarches locales de performance ont en commun d’identifier des niveaux de responsabilité managériale. . . 44 II. La responsabilisation des gestionnaires constitue la pierre angulaire des démarches locales de performance. . . 50 Chapitre 4. La responsabilisation des gestionnaires financiers est un moyen d’améliorer le dialogue de gestion et d’amplifier le pilotage de la performance des collectivités locales. .. 56 I. La nécessité de stabiliser les modes de management mis en place pour garantir l’approfondissement des démarches locales de performance . . II. La démarche de responsabilisation entraîne la mise en place d’un dialogue de gestion, gage d’une mobilisation de la collectivité dans le pilotage de la performance. . . 56 Sur la LOLF et le budget de l’Etat . . 61 66 68 69 69 69 69 69 69 Sur le thème de la transposition de la LOLF dans les collectivités locales et les démarches locales de performance . . 70 Conclusion . . Liste des sigles . . Bibliographie et sources . . Bibliographie générale . . Sur les finances publiques . . Sur les finances locales . . Bibliographie et sources spécialisées . . Sur le contrôle de gestion dans les collectivités locales . . Sur le management dans le secteur public . . Sur des exemples d’expériences et de projets mis en œuvre dans des collectivités locales . . Articles de presse . . Entretiens . . Sites Internet . . ANNEXES . . Annexe 1 : L’évolution des dépenses de gestion et des taux de fiscalité des collectivités locales . . 71 71 71 71 72 72 73 Annexe 2 : L’architecture du PEF de la Ville de Lyon . . 73 73 Annexe 3 : Le pilotage de la performance avec la structure du PEF (Ville de Lyon) .. 74 Annexe 4 : Les 12 missions de la segmentation analytique budgétaire de la Région Bretagne . . Annexe 5 : Schéma de l’organisation budgétaire à la Région Bretagne . . Annexe 6 : Les missions et programmes du budget général de l’Etat (PLF pour 2006) .. Annexe 7 : Les centres de responsabilité du Grand Lyon . . Résumé . . Mots-clefs . . 74 74 74 74 75 75 Remerciements Remerciements Je tiens à remercier, pour m’avoir encadré lors de la réalisation de ce mémoire, Claude Soubeyran, directeur des finances de la Ville de Lyon et directeur du mémoire, et Louis-Antoine Souchet, directeur-adjoint des finances de la Ville de Lyon. Ils m’avaient permis de réaliser un stage, en décembre 2006, sur la réalisation d’un diagnostic du Plan des engagements financiers. Ce stage m’a donné une expérience et m’a conduit à m’intéresser fortement au sujet traité dans ce mémoire. Je remercie aussi l’équipe de KPMG Secteur public Rhône-Alpes Auvergne pour l’excellent accueil et encadrement dont j’ai bénéficié au cours de mon stage de fin de Master de mai à août 2007. Merci à Jean-Christophe Langlois et Fabien Hild, consultants de l’équipe Méditerranée, pour les conseils qu’ils m’ont donnés sur le traitement de ce sujet de mémoire. Merci beaucoup à Laurent Pradère pour son implication et sa participation à ce jury de mémoire. Je remercie également Benoît Rochas, directeur des finances de la Ville de Grenoble, de m’avoir reçu dans le cadre de la réalisation de ce mémoire et de m’avoir fait partager son expérience. Enfin, je remercie Anne Blanc-Boge, directrice du Master et présidente du jury. Pittet Nicolas - 2007 5 La LOLF story , les enjeux communs et les spécificités des démarches locales de performance par rapport à la LOLF. Introduction « C’est à la fin des années 1970, à la faveur de la crise financière de l’Etat, qu’une culture de la gestion financière et de la responsabilisation a commencé à se développer au sein du secteur local. Une réalité s’est alors peu à peu imposée, celle qu’il fallait désormais gérer des contraintes, répartir des économies plutôt que partager des richesses, et plus généralement qu’il convenait donc (…) d’administrer plus rationnellement le secteur public. S’est amorcée ainsi une logique de fond tendant à rapprocher le fonctionnement des institutions publiques 1 – en premier lieu des institutions locales – de celui des entreprises privées (…). » Par ces propos, le professeur Michel Bouvier, spécialiste des finances publiques et de la fiscalité, souligne que la préoccupation des acteurs du secteur public local, élus ou administratifs, de moderniser la gestion budgétaire et financière date d’il y a plus de trente ans. Il est significatif que ces propos soient tenus au début de l’éditorial du numéro de septembre 2006 de la Revue française de finances publiques consacré aux nouveaux instruments financiers et de gestion des collectivités territoriales. La recherche de nouveaux instruments de gestion financière au sein du secteur public local n’est donc pas une nouveauté. Depuis la fin des années 1970, les collectivités territoriales ont constamment cherché à adapter leurs outils de gestion financière dans le but de maîtriser leurs niveaux de dépenses et de recettes. Avec la décentralisation du début des années 1980, les collectivités territoriales se sont vues accorder une liberté budgétaire et la fin du contrôle a priori. La hausse des compétences des collectivités a engendré d’importants besoins de financement, qui ont pu être en partie couverts par le financement par l’emprunt permis par une concurrence bancaire au sein du secteur public local. Les années 1980 ont vu l’émergence, au sein des collectivités territoriales, d’une fonction financière qui s’est professionnalisée. Au début des années quatre-vingt-dix, avec l’émergence du risque de surendettement, s’est développée au sein des collectivités une fonction d’analyse financière, qui jusque-là n’était une fonction que pratiquée dans le secteur privé. Ainsi, au fur et à mesure du renforcement de la fonction financière des collectivités locales, se sont développées des démarches visant à faciliter la gestion budgétaire et à améliorer les prévisions financières. Ces démarches empruntent souvent des termes issus du secteur privé. Récemment, un terme générique est apparu pour qualifier ces démarches de modernisation de la gestion budgétaire et financière des collectivités locales : les démarches locales de performance. L’impact de la LOLF sur la gestion publique Ce terme de démarches locales de performance est apparu de manière concomitante à la mise en place de la nouvelle Loi organique relative aux lois de finances (LOLF) er de l’Etat. La LOLF, votée le 1 août 2001, remplace l’Ordonnance du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances. La LOLF définit les règles relatives à la discussion et au vote des lois de finances, constituant en quelque sorte la Constitution financière de l’Etat. Elle réforme profondément la réglementation applicable à la gestion budgétaire étatique et introduit des principes particulièrement novateurs pour l’action publique de l’Etat. La LOLF poursuit deux objectifs principaux : améliorer la gestion publique et renforcer l’exercice du pouvoir budgétaire du Parlement. La LOLF constitue une réforme très attendue dans la 1 BOUVIER Michel, « Les collectivités locales : initiatrices et partenaires d’une nouvelle gouvernance financière publique », Revue française de finances publiques, n°95, septembre 2006, p.3 6 Pittet Nicolas - 2007 Introduction mesure où les règles budgétaires applicables à l’Etat n’avaient pas été réformées depuis l’Ordonnance de 1959. Les dispositions de cette dernière se révélaient inadaptées à une gestion publique moderne étant donné leur rigidité, leur manque de transparence sur les informations financières et le peu de place accordé au pouvoir législatif dans le vote et le contrôle des lois de finances. La LOLF vise donc à répondre aux limites de l’Ordonnance de 1959, qui était adaptée au cadre des années 1950 « dominées par une conception 2 très centralisatrice et très interventionniste de l’Etat » , mais non au cadre d’un Etat décentralisé, déconcentré et situé dans un environnement européen ouvert. La LOLF est ainsi l’aboutissement de plusieurs années de réflexions et de débats, issus de la volonté du pouvoir législatif d’accroître son pouvoir de décision financière et de la prise de conscience de la classe politique de la nécessité de réformer les procédures budgétaires. La nouvelle loi organique a en particulier été portée par deux parlementaires : Didier Migaud, député de l’Isère, et Alain Lambert, sénateur de l’Orne. La LOLF constitue un chantier majeur pour l’Etat compte tenu du changement de logique et des changements organisationnels induits par la nouvelle loi organique. Celleci ambitionne de faire passer la discussion budgétaire de l’Etat d’une logique de moyens à une logique de résultats. Pour cela, une nouvelle architecture budgétaire a été construite selon un découpage en missions, programmes et actions, permettant d’orienter les budgets vers les résultats. La nomenclature de l’Ordonnance de 1959, spécialisant les crédits par titre et par chapitre, ne permettait pas de mesurer si les objectifs fixés à l’exécutif avaient été atteints. La nouvelle logique de la LOLF est donc celle d’un « basculement d’une gestion 3 passive des deniers publics vers une gestion par la performance » . La gestion par la performance se traduit par la fixation d’objectifs aux programmes. La logique de la LOLF, novatrice pour la gestion publique, engendre des changements organisationnels importants pour l’Etat. De nouveaux principes de gestion sont mis en œuvre, basés sur la liberté et la responsabilité. La liberté se traduit par une fongibilité asymétrique des crédits. La responsabilité se traduit par la création de fonctions de responsables de programmes au sein des services de l’Etat, qui pilotent les budgets opérationnels de programmes (BOP). La LOLF est donc une réforme de très grande ampleur pour l’Etat, comme l’atteste notamment le fait, qu’entre 2002 et 2004, le ministre du Budget était également ministre de la réforme budgétaire, le titulaire du poste étant Alain Lambert. Ces changements majeurs dans la gestion publique étatique ont véritablement commencé il y a deux ans dans la mesure où la loi de finances pour 2006 est la première à être réalisée entièrement selon les dispositions de la LOLF. La LOLF n’a pas seulement des impacts sur la gestion budgétaire et financière de l’Etat mais plus largement sur la réforme de l’Etat et sur la gestion publique dans son ensemble. Les dispositions de la LOLF constituent un levier pour la réforme de l’Etat à travers les changements organisationnels qu’elle engendre. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes, l’atteste par ses propos : « La France, on le sait, a décidé de faire la réforme administrative par le budget comme d’autres ont fait la Révolution 4 par la loi. » En outre, la LOLF a des répercussions sur la gestion publique dans son ensemble. En effet, la LOLF formalise un certain nombre de principes de gestion qui visent à moderniser la gestion financière publique. Ces principes sont réunis pour la 2 BOUVIER Michel, « La réforme budgétaire. La LOLF, la nouvelle architecture du budget de l’Etat. » in FERRANDON Benoît (sous la direction de), Budget de l’Etat et finances publiques, Paris : La documentation française, Cahiers français, n°329, nov-dec 2005, 86p. 3 4 GARIAZZO Olivier, « La LOLF et l’équilibre des pouvoirs », Revue française de finances publiques, n°94, mai 2006 Cité par GARIAZZO Olivier, « La LOLF et l’équilibre des pouvoirs », Revue française de finances publiques, n°94, mai 2006 Pittet Nicolas - 2007 7 La LOLF story , les enjeux communs et les spécificités des démarches locales de performance par rapport à la LOLF. première fois dans un document réglementaire unique. Même si la LOLF ne réglemente que le fonctionnement de l’Etat et non celui des collectivités locales ou d’autres organismes publics, les principes inscrits dans la loi organique constituent une source de réflexions, voire une inspiration, pour la gestion financière des collectivités locales et d’autres organismes publics. Ainsi, Alain Lambert et Didier Migaud préconisent d’étendre les principes de la LOLF aux collectivités territoriales volontaires, dans leur rapport d’évaluation de la mise en 5 œuvre de la LOLF . Serge Huteau, contrôleur de gestion au Conseil général de la Mayenne, parle de la LOLF comme un « référentiel de la nouvelle gestion publique transposable aux 6 collectivités territoriales » . Olivier Nys, Directeur général adjoint des services de la Ville 7 de Lyon, parle d’une « LOLF lyonnaise » , à propos de la démarche de transformation de l’architecture du budget de la Ville. Un engouement autour de la LOLF s’est donc dessiné au sein des grandes collectivités locales. Celui-ci vient du fait que les principes de la LOLF présentent des perspectives pour les démarches de modernisation de la gestion financière des collectivités locales. Il existe indéniablement des enjeux de gestion communs entre les services de l’Etat et les services de grandes ou moyennes collectivités. A cet égard, depuis quelques années, plusieurs collectivités locales et Etablissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ont engagé des réformes de leur procédure budgétaire en définissant, à l’instar de l’Etat, une architecture budgétaire basée sur les politiques publiques. Les collectivités utilisent un vocabulaire similaire au vocabulaire de la LOLF en utilisant les notions de missions, programmes et actions. Elles souhaitent faire passer leur procédure budgétaire et leur gestion financière d’une logique de moyens à une logique de résultats. Pourtant, cet engouement des démarches dites de type LOLF au sein des collectivités a engendré une certaine confusion, laissant à penser que les collectivités locales auraient attendu les dispositions de la LOLF pour mener des démarches de modernisation de leur gestion budgétaire et financière. Or, Olivier Nys, qui parle de LOLF lyonnaise, précise bien que la Ville de Lyon et d’autres grandes collectivités, à l’instar de la Région Bretagne, ont enclenché de telles démarches bien avant et la mise en œuvre et le vote de la LOLF. Ainsi, l’idée selon laquelle les collectivités auraient attendu l’Etat et la LOLF pour enclencher une modernisation de leur gestion budgétaire et financière s’avère totalement erronée. En revanche, il est indéniable que la mise en œuvre par l’Etat d’une réforme novatrice comme la LOLF a enclenché d’importantes réflexions et démarches au sein du secteur public local autour de la performance publique. L’expression démarches locales de performance est issue de ces réflexions, d’aucuns allant même jusqu’à parler de démarches de type LOLF. La production d’un grand nombre d’études sur la performance dans les collectivités locales Dans le contexte de la mise en place de la LOLF au sein des services de l’Etat, le secteur public local est parcouru de débats importants autour de la performance dans les collectivités. Ces débats sont nourris par la parution d’un nombre significatif d’études et de rapports, que l’on peut classer en trois catégories. 5 LAMBERT Alain, MIGAUD Didier, « La mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances. A l’épreuve de la pratique, insuffler une nouvelle dynamique à la réforme », Rapport au gouvernement, oct 2006, 79p. 6 HUTEAU Serge, « La LOLF : un référentiel de la nouvelle gestion publiue transposable aux collectivités territoriales. Le projet de Nouvelle Gouvernance du conseil général de la Mayenne. », La Revue du Trésor, juin 2007 7 NYS Olivier, « Ce que la LOLF dit aux collectivités… L’exemple de la Ville de Lyon », Revue française de finances publiques, n°95, sept 2006 8 Pittet Nicolas - 2007 Introduction Tout d’abord, le récent rapport de Pierre Richard, président du Conseil d’administration du groupe Dexia, intitulé Solidarité et performance. Les enjeux de la maîtrise des 8 dépenses publiques locales , préconise la mise sur pied d’un « contrat de solidarité et de performance » entre l’Etat et les collectivtiés locales. Ce contrat fixerait l’évolution des financements de l’Etat aux collectivités en contrepartie d’engagements réciproques sur la maîtrise des dépenses publiques. Pierre Richard propose aussi que la maîtrise des dépenses locales soit guidée par les principes de performance et préconise alors un certain nombre de leviers, dont la création de référentiels de coûts standards pour les principaux services publics locaux mais aussi l’amélioration de la qualité et de l’accessibilité des informations budgétaires et comptables. Dans un esprit différent que le rapport de Pierre Richard, d’autres études ou colloques recensent et tirent des enseignements des différentes démarches locales de performance menées actuellement au sein des collectivités locales. L’Association des Communautés urbaines de France, en partenariat avec le groupe Caisse d’épargne, a ainsi publié un receuil d’études sur Les démarches locales de performance : pratiques et enjeux – Principes 9 consacrés par la LOLF, le rôle précurseur des collectivités locales . Ce document regroupe différents articles de cabinets de consultants auprès du secteur public, de la Direction générale de la comptabilité publique (DGCP) ou encore de l’Association finances, gestion et évaluation des collectivités territoriales (AFIGESE). L’AFIGESE, association regroupant des cadres territoriaux des finances et du contrôle de gestion, a elle-même publié son étude, rédigée par trois élèves administratieurs territoriaux, sur L’amélioration des performances 10 des collectivités territoriales . Cette étude est consituée d’une enquête statistique sur l’avancement des démarches de performance au sein de grandes collectivités locales. L’étude fait également le point sur le développement du contrôle de gestion interne et des démarches globales de modernisation au sein des collectivités. Dans la continuité de ces travaux, l’AFIGESE consacre ses assises de fin septembre 2007 au thème suivant : Quelles démarches locales de performance pour demain ? Entre expérimentations et mises en pratiques. Enfin, sont publiées actuellement un certain nombre d’études, intitulées Guides de la performance, ayant pour objet de mutualiser les pratiques des collectivités locales dans le domaine de la modernisation de leur gestion budgétaire et financière. L’un de ces guides est le produit d’un groupe de travail initié par la DGCP et réunissant des hauts fonctionnaires des finances de l’Etat et des hauts fonctionnaires des collectivités locales. L’existence d’un tel groupe de travail prouve qu’il y a des enjeux de gestion budgétaire et financière communs entre l’Etat et les collectivités locales. La mise en place de la LOLF a ainsi engendré des réflexions communes entre l’Etat et les collectivités sur la performance publique. Néanmoins, d’aucuns se demandent si ces débats ne sont pas qu’un effet de mode qui parcourt le secteur public local. 8 RICHARD Pierre, « Solidarité et performance. Les enjeux de la maîtrise des dépenses publiques locales », Rapport sur les enjeux de la maîtrise des dépenses publiques locales à Jean François COPE, ministre délégué au Budget et à la Réforme de l'Etat, Porte parole du gouvernement et Brice HORTEFEUX, ministre délégué aux Collectivités territoriales, dec 2006, Editeur : L’Action municipale 9 Association des communautés urbaines de France, Groupe Caisse d’épargne, Démarches locales de performance : pratiques et enjeux – Principes consacrés par la LOLF, le rôle précurseur des collectivités locales, 112p. 10 GRAIL Cédric, LESCAILLEZ Vincent, MENUT Philippe (élèves administrateurs territoriaux), L’amélioration des performances des collectivités territoriales : de l’intention à la pratique, 2007, Editeur : L’Action municipale Pittet Nicolas - 2007 9 La LOLF story , les enjeux communs et les spécificités des démarches locales de performance par rapport à la LOLF. Les démarches de type LOLF au sein des collectivités locales : effet de mode ou réelle complémentarité entre les démarches locales et la LOLF ? L’engouement actuel autour des démarches locales de performance n’est-il qu’un effet de mode mis en avant par le fait que l’Etat met en œuvre la LOLF ? Cet effet de mode ne cacherait-il pas le fait que les collectivités agissent depuis bien longtemps pour développer des outils visant à maîtriser leurs dépenses publiques et à avoir une meilleure visibilité sur les informations financières ? Le titre ironique de ce mémoire, la LOLF story, traduit le phénomène actuel d’engouement que suscite la LOLF au sein du secteur public local. L’idée est ainsi parfois avancée que les collectivités devraient rentrer dans un système similaire 11 à celui de la LOLF. Or, Benoît Rochas , directeur des finances de la Ville de Grenoble, a ainsi commencé l’entretien réalisé pour la réalisation de ce mémoire en soulignant que l’idée des démarches de type LOLF dans les collectivités locales est « le nouveau sujet à la mode » au sein du secteur public local. Ce sujet aurait remplacé les discussions autour du contrôle de gestion interne au sein des collectivités et, encore avant, les discussions autour du budget base zéro. Le directeur des finances de la Ville de Grenoble trouve malheureux que circule l’idée de transposer la LOLF au secteur public local, dans la mesure où il n’est pas souhaitable d’appliquer un système conçu pour l’Etat aux collectivités qui sont des organisations aux logiques très différentes de celles de l’Etat. Compte tenu du nombre d’études, d’articles, de groupes de travail, de colloques consacrés aux démarches locales de performance ou démarches de type LOLF, il est indéniable qu’il existe un véritable phénomène de mode autour de ce sujet. Pour autant, le fait que l’Etat et de nombreuses collectivités locales réforment de manière concomitante leurs procédures budgétaires et leur gestion financière traduit bien que l’Etat et les collectivités doivent faire face à des enjeux communs et peuvent s’enrichir mutuellement en observant l’évolution de leurs modes de gestion réciproques. L’Etat et les collectivités locales sont confrontés à des enjeux similaires qui conduisent à qu’il existe des intérêts communs dans les modes de gestion et, en particulier, la gestion financière. Les exigences accrues des usagers/citoyens vis-à-vis des pouvoirs publics font partie de ces enjeux communs. Annie Bartoli, professeur en sciences de gestion, remarque en effet que « les besoins et les attentes de la population se sont considérablement différenciés et multipliés avec le développement socio-économique, l’évolution des modes 12 de vie et des marchés » . L’action publique doit donc faire face à une demande accrue de services publics. Néanmoins, cette demande va de pair avec une demande de réduction de la pression fiscale, dans le contexte d’une économie de marché ouverte qui doit être compétitive. La nécessité de mieux dépenser avec des moyens financiers qui évoluent peu est un défi commun de l’Etat et des collectivités locales. C’est dans ce cadre que le débat existe autour du fait que les démarches qu’ont entreprises les collectivités pour moderniser leur gestion budgétaire et financière, appelées démarches locales de performance, peuvent s’enrichir des principes de la LOLF mais contiennent également des spécificités par rapport à la démarche de l’Etat. La gestion budgétaire et financière des collectivités locales et les démarches locales de performance : définitions Les démarches que l’on appelle les démarches locales de performance concernent la gestion budgétaire et financière des collectivités locales et EPCI. La gestion budgétaire 11 12 Entretien avec Benoît Rochas le 27 juin 2007 ème BARTOLI Annie, Le management dans les organisations publiques, Paris : Dunod, Management public, 2005, 2 édition, 419p. ; p.69 10 Pittet Nicolas - 2007 Introduction est l’ensemble des procédures relatives à la préparation et l’exécution du budget des collectivités locales. Les collectivités et EPCI votent annuellement leur budget avant le début de l’exercice, qui s’étend sur une année civile. Le vote du budget constitue le temps fort de la vie de la collectivité dans la mesure où le budget primitif est « un acte de prévision des dépenses et des recettes qui autorise la perception des recettes et l’engagement des 13 dépenses » . Le budget d’une collectivité retrace les prévisions de dépenses et de recettes dans deux sections distinctes, la section de fonctionnement et la section d’investissement. Au cours de l’exécution budgétaire, des décisions modificatives peuvent être votées pour modifier le budget. A la fin de l’exercice budgétaire, la collectivité vote le compte administratif qui retrace les réalisations en dépenses et en recettes. La préparation du budget d’une collectivité est un processus majeur compte tenu du fait qu’il donne lieu à la discussion autour des moyens financiers qui sont alloués pour mener chaque politique de la collectivité. Pour aider à construire les prévisions budgétaires, les collectivités locales développent des fonctions de gestion financière. La gestion financière est constituée des outils d’analyse financière des collectivités et EPCI. La réglementation applicable aux collectivités les obligent à calculer un certain nombre de ratios sur leur niveau d’épargne, leur niveau de dette ou encore leur niveau de dépenses de personnel. Pour autant, de nombreuses collectivités développent des analyses financières plus poussées dans le but d’avoir une connaissance précise de la santé financière de la collectivité et afin d’aider aux arbitrages budgétaires. La gestion financière d’une collectivité s’attache ainsi notamment à développer un plan pluriannuel d’investissement (PPI) permettant de dépasser le principe d’annualité budgétaire et d’avoir une vision sur plusieurs exercices des charges que devra supporter la collectivité. La possibilité de voter des autorisations de programme et des crédits de paiement (AP/CP), permise par les différentes réglementations de comptabilité publique locale, permet aux collectivités de gérer de manière pluriannuelle leurs crédits d’investissement. La gestion budgétaire et financière des collectivités locales et EPCI est réglementée par des instructions budgétaires et comptables propres à chaque niveau de collectivité. Les communes et EPCI appliquent ainsi l’instruction comptable M14, votée par le Parlement er le 22 juin 1994 et mise en application au 1 janvier 1997. Les départements mettent en œuvre les dispositions de la M52, votée le 19 février 2003 et mise en application en 2004, alors que les régions appliquent la M71. Ces instructions précisent les nomenclatures comptables, par nature et par fonction, applicables aux collectivités et contiennent les règles en terme de gestion budgétaire et financière. Ces instructions sont en quelque sorte l’équivalent de la LOLF pour les collectivités et EPCI. Par conséquent, lorsque l’on parle de démarches locales de performance, il ne s’agit pas de démarches visant à réformer les instructions comptables locales. Alors que la LOLF est une démarche de modernisation de la réglementation applicable à la gestion budgétaire et financière de l’Etat, les démarches locales de performance ne concernent pas la réglementation applicable mais sont des démarches prises à l’initiative de chaque collectivité. Dans le contexte de foisonnement d’études et de débats autour des démarches de type LOLF ou des démarches locales de performance, il est indispensable de définir ce qui est entendu, dans ce mémoire, comme étant une démarche locale de performance. Tout d’abord, il convient de signaler que le terme démarche locale de performance sera préféré à l’expression démarche de type LOLF. En effet, l’utilisation de ce second terme conduirait à présupposer que les démarches menées au sein des collectivités locales sont 13 ème BOUVIER Michel, Les finances locales, Paris : LGDJ, Systèmes, 2005, 10 édition, 219p. ; p.169 Pittet Nicolas - 2007 11 La LOLF story , les enjeux communs et les spécificités des démarches locales de performance par rapport à la LOLF. une conséquence de la mise en place de la LOLF et sont uniquement guidées par les dispositions de la loi organique. Ainsi, les démarches locales de performance sont des projets de modernisation de la gestion budgétaire et financière des collectivités en vue de permettre un pilotage de la performance. La performance publique est ici entendue comme étant la capacité de l’organisation à atteindre ses objectifs fixés en optimisant les moyens consacrés à la poursuite de ces objectifs. Les moyens de l’organisation ici mentionnés peuvent aller bien au-delà que seulement les moyens financiers. Mais le mémoire traitera en priorité des aspects financiers dans la mesure où les démarches locales de performance concernent avant tout la fonction financière des collectivités. Les démarches locales de performance sont donc les moyens et outils budgétaires et financiers développés en vue d’accroître la performance de la collectivité locale. Les démarches locales de performance et la LOLF : enrichissements réciproques et particularités : problématique et hypothèse du mémoire Les démarches locales de performance et la LOLF sont des démarches de natures très différentes. Alors que la LOLF est une réforme législative, les démarches locales de performance sont des projets menés au sein de différentes collectivités selon des initiatives et des logiques propres à chacune de ces collectivités. La mise en œuvre de la LOLF a cependant mis en relief des enjeux communs de gestion budgétaire et financière entre l’Etat et le secteur public local. L’un de ces enjeux communs est que le pilotage de la performance publique passe par des réformes managériales touchant la gestion budgétaire et financière. Les démarches locales de performance, bien plus que d’être un effet de mode lié à la mise en place de la LOLF, constituent des démarches de changement managériales sur le long terme pour le secteur public local. Les matériaux utilisés pour la réalisation du mémoire Le stage long de fin de Master, réalisé au sein de KPMG Secteur public, n’a pas été l’occasion de travailler sur une mission liée à une démarche locale de performance. En revanche, le stage a permis plusieurs échanges avec des consultants ayant une expérience significative sur le sujet. De plus, ma formation a été ponctuée de deux stages à la Ville de Lyon au sein de la direction des finances. Le deuxième de ces stages, réalisé en décembre 2006, avait pour objet la réalisation d’un diagnostic sur le Plan des engagements financiers 14 (PEF) , qui est la démarche de performance de la Ville de Lyon par laquelle le budget a été structuré par programmes et opérations. Ce stage m’a conduit à m’intéresser fortement au sujet des démarches locales de performance. Au cours du stage, le directeur des finances et le directeur adjoint des finances m’ont transmis une documentation importante sur la démarche de la Ville de Lyon mais aussi sur les démarches menées dans les autres grandes collectivités. Mais surtout, ce stage a été pour moi une expérience de terrain sur les atouts et les limites d’un projet de grande envergure visant à améliorer le pilotage budgétaire de la collectivité. En outre, mon expérience de terrain a été renforcée par la réalisation, au cours 14 PITTET Nicolas, « Diagnostic de la démarche du Plan des engagements financiers de la Ville de Lyon », Rapport de stage à la Direction des finances de la Ville de Lyon dans le cadre du Master 2 pro Management du Secteur public : collectivités et partenaires, dec 2006, 126p. 12 Pittet Nicolas - 2007 Introduction 15 de l’année de Master, d’une monographie sur le contrôle de gestion interne au sein du Grand Lyon (Communauté urbaine de Lyon), et plus particulièrement sur la démarche des centres de responsabilité. Le mémoire se nourrit également des très nombreux articles, études et rapports sur les démarches locales de performance qui ont été publiés récemment. Par ailleurs, un entretien a été réalisé avec Benoît Rochas, directeur des finances de la Ville de Grenoble, afin de recueillir un avis et une expérience supplémentaires d’un cadre territorial financier. Structure générale du mémoire L’Etat et les collectivités locales connaissent des enjeux communs en matière de finances et de maîtrise de leurs dépenses. L’ensemble du secteur public se dirige donc vers un objectif de performance, traduit dans les dispositions de la LOLF, mais appliqué de manière diverse par les collectivités locales (première partie). Cependant, une orientation commune aux collectivités, qui est aussi présente dans les principes de la LOLF, est le levier de la responsabilisation des gestionnaires financiers qui traduit des impacts managériaux du pilotage de la performance publique (deuxième partie). 15 GREGOIRE Emeric, PITTET Nicolas, « Le système de pilotage du Grand Lyon », Monographie réalisée dans le cadre du Master 2 pro Management du Secteur public : collectivités et partenaires, avril 2006, 32p. Pittet Nicolas - 2007 13 La LOLF story , les enjeux communs et les spécificités des démarches locales de performance par rapport à la LOLF. Partie 1. L’enjeu commun de maîtrise des dépenses publiques conduit à l’adoption de démarches diverses de performance, dont les principes de la LOLF constituent une base de réflexions communes. Chapitre I. : Les enjeux communs entre les finances de l'Etat et des collectivités locales nécessitent le pilotage de la performance dans la gestion budgétaire et financière. Sous la conjugaison de la construction européenne et de la décentralisation, les finances de l’Etat et des collectivités locales sont de plus en plus imbriquées et dépendantes l’unes de l’autre. Par conséquent, le fait que l’Etat soit soumis à des difficultés financières importantes a des répercussions sur les finances des collectivités, et notamment sur leur niveau de ressources. L’Etat comme les collectivités locales doivent répondre à une équation difficile : mener des politiques indispensables à la vie collective, qui ont des coûts importants, mais avec des moyens financiers en stagnation, voire en diminution. Une réponse à cette équation est la rationalisation et la maîtrise des dépenses publiques, qui passe par un pilotage de la performance publique. Cette notion de performance, transposée du secteur privé, est donc de plus en plus prégnante dans la gestion publique moderne aussi bien étatique que locale. I. Les finances de l’Etat et les finances locales sont de plus en plus liées et soumises de manière commune à une baisse de leurs marges de manœuvre. Deux phénomènes contemporains ont conduit à lier de plus en plus les finances de l’Etat et les finances locales. D’une part, la construction européenne, et plus particulièrement la politique monétaire européenne, oblige l’ensemble des finances publiques des Etats membres de l’Union européenne (UE), finances locales comprises, à respecter un certain niveau de déficit et d’endettement publics. D’autre part, le processus de décentralisation en France conduit l’Etat à transférer un grand nombre de compétences aux collectivités locales sans une compensation financière à la hauteur des dépenses qu’effectueront les 14 Pittet Nicolas - 2007 Partie 1. L’enjeu commun de maîtrise des dépenses publiques conduit à l’adoption de démarches diverses de performance, dont les principes de la LOLF constituent une base de réflexions communes. collectivités. Par conséquent, les marges de manœuvre financières des collectivités ont tendance à s’amoindrir. A. La notion de finances publiques soumet les finances de l’Etat, de la sécurité sociale et des collectivités locales à une obligation de respect du Pacte de stabilité. 1. Le Pacte de stabilité européen fait peser sur les finances publiques une contrainte de maîtrise des dépenses et de l’endettement publics. L’implication de la France dans la politique monétaire européenne et la construction de la monnaie unique a conduit à l’obligation de respecter des règles de discipline budgétaire qui concernent les finances publiques dans leur ensemble, finances des collectivités locales comprises. La notion de finances publiques La construction européenne a conduit à transformer profondément le système financier public. En effet, la volonté des Etats membres de l’UE, suite au traité de Maastricht de 1992, de bâtir une politique monétaire et une monnaie communes a conduit à instaurer une discipline budgétaire entre les Etats membres. L’adoption de règles financières et budgétaires communes entre les Etats membres était nécessaire pour assurer la force et la crédibilité de la monnaie unique et pour empêcher que des pays bénéficient du cadre de la monnaie unique tout en pratiquant des gestions peu rigoureuses. Cette discipline budgétaire nécessite une approche globale des finances publiques. La notion de finances publiques s’entend donc comme comprenant les finances de l’Etat, des collectivités locales et des organismes de sécurité sociale. L’article 2 du Protocole sur la procédure concernant les déficits excessifs annexé au Traité des Communautés européennes définit ainsi la notion de finances publiques : « on entend par public ce qui est relatif au gouvernement général, c’est-à-dire les administrations centrales, les autorités régionales ou locales et les fonds de sécurité sociale ». Les règles européennes conduisent donc à une liaison et une dépendance étroites entre les finances de l’Etat et les finances des collectivités locales. Cette conception des finances publiques avait néanmoins déjà été exprimée dans le rapport Vivre ensemble de 1976, portant sur le développement des responsabilités locales : « L’Etat, les collectivités locales et les organismes de Sécurité sociale ont tous trois pour mission de rendre aux Français des services… Les trois familles de fonctions collectives ont pour trait commun d’être financées par l’argent public, par des prélèvements obligatoires, impôts, cotisations, opérées sur la richesse nationale. (…) La situation financière de chacune des trois fonctions collectives est donc obligatoirement liée à celle des deux autres 16 et au prélèvement total demandé à la nation-contribuable. » Cela signifie que, dans le contexte actuel où l’Etat connaît d’importantes difficultés financières et une restriction de ses marges de manœuvre, les collectivités locales ne peuvent pas se sentir non concernées par la situation. En particulier, la France connaît une hausse très forte de ses dépenses de sécurité sociale, qui ne sont pas couvertes par des financements suffisants. Les dépenses des administrations de sécurité sociale sont ainsi passées de 19% du PIB en 1980 à près 16 Rapport Vivre ensemble (rapport de la commission de développement des responsabilités locales), 1976, cité par BOUVIER Michel, « Les collectivités locales : initiatrices et partenaires d’une nouvelle gouvernance financière publique », Revue française de finances publiques, n°95, sept 2006 Pittet Nicolas - 2007 15 La LOLF story , les enjeux communs et les spécificités des démarches locales de performance par rapport à la LOLF. 17 de 25% du PIB en 2005 . Dans son récent rapport, Pierre Richard souligne donc que « les évolutions structurelles des dépenses de sécurité sociale vont contraindre l’Etat comme les collectivités territoriales à agir sur leurs propres niveaux de dépenses pour garantir la 18 soutenabilité d’ensemble de nos finances publiques » . Cet enjeu de maîtrise des dépenses publiques est entraîné également par la nécessité de respecter les dispositions du Pacte européen de stabilité et de croissance. Le respect des critères du Pacte européen de stabilité et de croissance (PSC) Dans le cadre de la création de l’euro, monnaie unique européenne, les Etats participant à l’Union économique et monétaire (UEM) ont défini, en 1997, le PSC. Celui-ci, révisé en mars 2005, impose une surveillance réciproque des finances publiques des Etats membres, par la présentation annuelle de plans de stabilisation des budgets, et des critères financiers à respecter, notamment en termes de niveau du déficit public et de la dette publique. En effet, les Etats de l’UEM doivent veiller à avoir un déficit public inférieur à 3% du PIB et une dette publique inférieure à 60% du PIB. La France se distingue, depuis plusieurs années, par le non-respect de ces critères. Depuis la fin des années 1970, la France est en déficit public permanent et, dans les années 2000, celui-ci a été de manière récurrente supérieur à 3% du PIB. La dette publique française est, depuis 2003, supérieure à 60% du PIB, atteignant 19 67% en 2005 alors qu’elle s’élevait à 21% en 1980 . Néanmoins, il est indéniable que cette mauvaise situation financière est essentiellement imputable aux finances de l’Etat et de la sécurité sociale. En effet, en 2005, alors que la dette de l’Etat représentait environ 55% du PIB, la dette des administrations locales ne représentait qu’environ 7% du PIB. Pour autant, les dispositions du PSC influent sur la situation financière des collectivités locales. Michel Bouvier affirme ainsi que l’impératif européen a engendré une « culture financière nouvelle (…), marquée aux coins du libéralisme économique, et ayant le souci de la 20 maîtrise des dépenses publiques et plus encore de la rationalisation de la gestion » . 2. Malgré une bonne santé financière, les collectivités locales sont concernées par l’effort de maîtrise des dépenses publiques. La dégradation des finances publiques de la France est essentiellement le fait des finances de l’Etat, étant donné l’application par les collectivités locales de règles financières plus strictes. Pour autant, le poids croissant des dépenses locales dans l’ensemble des dépenses publiques conduit les collectivités à devoir veiller à la maîtrise de leurs dépenses. Le respect par les collectivités d’une règle d’or Contrairement à l’Etat, le droit des collectivités locales impose au secteur public local le vote du budget en équilibre. Cette disposition est inscrite à l’article 1612.4 du Code général des 17 Chiffres tirés de RICHARD Pierre, « Solidarité et performance. Les enjeux de la maîtrise des dépenses publiques locales », Rapport sur les enjeux de la maîtrise des dépenses publiques locales à Jean François COPE, ministre délégué au Budget et à la Réforme de l'Etat, Porte parole du gouvernement et Brice HORTEFEUX, ministre délégué aux Collectivités territoriales, dec 2006, Editeur : L’Action municipale 18 19 20 16 ibid Chiffres tirés de RICHARD Pierre, op. cit. ème BOUVIER Michel, Les finances locales, Paris : LGDJ, Systèmes, 2005, 10 édition, 219p. ; p.30 Pittet Nicolas - 2007 Partie 1. L’enjeu commun de maîtrise des dépenses publiques conduit à l’adoption de démarches diverses de performance, dont les principes de la LOLF constituent une base de réflexions communes. collectivités territoriales. Plusieurs conditions cumulatives sont nécessaires à l’obtention de l’équilibre budgétaire : les dépenses et les recettes doivent être évaluées de façon sincère, sans omission, majoration ni minoration ; l’équilibre doit être réalisé par section ; lorsque l’exécution du budget du dernier exercice connu a fait apparaître un déficit, l’équilibre du budget n’est réputé assuré que s’il prévoit les mesures nécessaires pour résorber ce déficit ; le remboursement de la dette en capital figurant en dépenses de la section d’investissement doit être assuré par des ressources définitives. Ces dispositions conduisent à ce que les collectivités locales ne peuvent avoir recours à l’endettement que pour financer leurs dépenses d’investissement. Contrairement à l’Etat, les collectivités sont obligées de financer leurs dépenses de fonctionnement par des ressources propres. L’existence de ce que certains appellent une règle d’or permet que la situation financière des collectivités locales soit assez nettement favorable. Les collectivités locales présentent une situation financière saine. Entre 1996 et 2003, 21 les collectivités ont dégagé une capacité de financement . En revanche, en 2004 et 2005, les collectivités avaient un besoin de financement mais celui-ci été faible : -2,3 22 milliards d’euros en 2004 et -1,8 milliards d’euros en 2005 . En outre, les collectivités locales sont faiblement endettées, la dette ne représentant que 8% du financement des 23 24 investissements locaux et que 10% de l’ensemble de la dette publique . L’épargne brute des collectivités territoriales s’élève donc à un niveau pratiquement constant depuis 1992 25 de 6 milliards d’euros . Cette bonne santé financière autorise le secteur public local à avoir un niveau d’investissement très soutenu. Celui-ci s’élevait en 2005 à 46,7 milliards d’euros, représentant 75% de l’investissement public total. Cependant, cette situation financière favorable ne doit pas cacher des enjeux, voire des risques, pour l’avenir financier des collectivités qui est qualifié de « menacé » par un récent article de La Gazette des 26 communes . Une hausse ininterrompue des dépenses locales, qui ont un poids majeur dans l’ensemble des finances publiques Le processus de décentralisation enclenché au début des années 1980 et relancé par la réforme constitutionnelle du 28 mars 2003 a engendré une hausse constante des 21 Cette capacité de financement s’est élevée jusqu’à 4,3 milliards d’euros en 1999 (Chiffres extraits de LAIGNEL André, BOURDIN Joël, « Les finances des collectivités locales en 2006 », Rapport de l’Observatoire des finances locales, octobre 2006, Editeur : L’Action municipale) 22 23 ibid Source : CABELLIC Marion, « Finances : un avenir menacé, dans un contexte toujours favorable », La Gazette des communes, 12 fev 2007 24 25 26 Source : RICHARD Pierre, op. cit. Source : LAIGNEL André, BOURDIN Joël, op. cit. CABELLIC Marion, op. cit. Pittet Nicolas - 2007 17 La LOLF story , les enjeux communs et les spécificités des démarches locales de performance par rapport à la LOLF. 27 dépenses du secteur public local . Depuis le début de la décentralisation, l’augmentation 28 des dépenses publiques locales a même été plus marquée que celle de l’Etat . Les dépenses des administrations publiques locales sont passées de 118 milliards d’euros en 29 1995 à 187,5 milliards d’euros en 2005, soit une hausse de 63% . Michel Bouvier souligne 30 que « les finances locales ont pris aujourd’hui une ampleur inégalée » . En effet, les dépenses des collectivités locales représentent désormais près de 50% des dépenses de l’Etat et 20,4% de l’ensemble des dépenses publiques. Dans ce cadre, Pierre Richard note dans son rapport sur la maîtrise des dépenses publiques locales que « les collectivités sont concernées par les difficultés d’ensemble des finances publiques, et en particulier 31 celles de l’Etat, car ce dernier est – de manière croissante – leur premier financeur » . Ainsi, la situation financière délicate de l’Etat laisse présager une baisse de ses dotations aux collectivités. A court terme, les dotations pourraient n’être indexées que sur l’inflation et non plus sur l’inflation et une part du taux de croissance. Les collectivités locales devront certainement faire face à une baisse des financements de l’Etat, cela dans un contexte où elles doivent assumer un nombre croissant d’interventions suite à l’Acte II de la décentralisation. La maîtrise des dépenses apparaît alors comme étant l’évolution indispensable de la gestion publique locale. B. La décentralisation conduit les collectivités locales à augmenter fortement leurs dépenses alors que les financements associés de l’Etat ne s’accroissent pas autant. 32 L’Acte II de la décentralisation , intervenu à compter de 2003, a considérablement augmenté les compétences des collectivités territoriales. Les transferts de charges intervenus successivement en 2005, 2006 puis en 2007-2008 vont se traduire par une hausse significative des dépenses locales, d’autant plus que certaines charges transférées sont de nature fortement inflationnistes. Dans le même temps, les ressources des collectivités risquent de ne pas progresser à la même vitesse, d’où une perspective de stagnation voire de baisse des marges de manœuvre des collectivités locales. 1. Les collectivités locales assument de nouvelles charges à vocation inflationniste. Parmi les compétences transférées depuis le début des années 2000 aux collectivités territoriales, plusieurs d’entre elles se caractérisent par des charges très importantes et qui vont probablement augmenter sensiblement à court et moyen termes. Les compétences 27 28 29 30 31 32 Cf. en annexe l’évolution des dépenses de gestion des collectivités locales (1995-2005) 1,4 point de pourcentage de plus par an en volume sur la période 1982-2005 (Source : RICHARD Pierre, op. cit.) Source : www.performance-publique.gouv.fr ème BOUVIER Michel, Les finances locales, Paris : LGDJ, Systèmes, 2005, 10 édition, 219p. ; p.14 RICHARD Pierre, op. cit. L’Acte II de la décentralisation est constitué d’un dispositif législatif renforçant les droits des collectivités locales et leur autonomie financière, élargissant la démocratie locale et étendant significativement les compétences des différents niveaux de collectivités. La révision constitutionnelle du 28 mars 2003 sur l’organisation décentralisée de la République a enclenché le processus de l’Acte II de la décentralisation. Trois lois organiques ont ensuite été adoptées sur le droit à l’expérimentation, les référendums locaux et l’autonomie financière des collectivités locales. La loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales transfère aux collectivités territoriales un grand nombre de compétences dans les domaines sociaux, de l’enseignement, de l’aménagement du territoire ou encore des transports. 18 Pittet Nicolas - 2007 Partie 1. L’enjeu commun de maîtrise des dépenses publiques conduit à l’adoption de démarches diverses de performance, dont les principes de la LOLF constituent une base de réflexions communes. transférées vont également se traduire par une hausse significative des dépenses de personnel, en particulier pour les départements et les régions, engendrant une rigidification des dépenses de ces collectivités. Des compétences transférées coûteuses et à risque inflationniste Depuis le début des années 2000, et en particulier avec l’Acte II de la décentralisation, les collectivités territoriales se sont vues transférer de nombreuses nouvelles compétences. Ces compétences constituent un poids majeur pour le budget des collectivités locales dans les années qui viennent. Les communes n’ont presque pas été concernées par ces transferts de compétences. En revanche, les départements et les régions doivent désormais assumer pleinement des compétences stratégiques et coûteuses. Ainsi, dans le domaine des transports, dès 2002, les régions se sont vues confier la compétence du transport ferroviaire régional. Les dépenses dans ce domaine sont passées 33 de 584 millions d’euros en 2000 à 2,8 milliards d’euros en 2006 . Cette compétence du transport ferroviaire régional engendre des dépenses d’investissement très importantes et qui risquent de fortement s’accroître au fur et à mesure de la rénovation du matériel existant et du développement du réseau. En 2005, les régions consacraient 17% de leurs dépenses au transport ferroviaire régional. Un autre domaine où le risque inflationniste est majeur est le domaine social, avec le transfert aux départements de la gestion de l’Allocation personnalisée à l’autonomie (APA), du Revenu minimum d’insertion (RMI) et du Revenu minimum d’activité (RMA) ou encore d’une partie de la politique en faveur des personnes âgées. Les dépenses d’aide sociale des départements sont donc passées de 13,6 milliards d’euros en 2000 à 27,7 milliards d’euros en 2006, soit une hausse de près de 50%. Le renforcement du rôle du département en matière sociale le rend de plus en plus dépendant des évolutions structurelles de la population et de la conjoncture économique. Les communes, également compétentes dans des domaines sociaux par le biais des Centres communaux d’action sociale, peuvent être confrontées à ce même risque d’augmentation significative des dépenses d’ordre social. D’autres compétences aux coûts importants sont transférées dans les domaines de l’aménagement du territoire ou encore de l’enseignement. Les départements sont chargés, depuis 2006, de la gestion et de l’entretien des routes nationales. 35 000 agents des directions départementales de l’Equipement (DDE) leur seront à cet effet transférés. Mais surtout, l’Acte II de la décentralisation transfère respectivement aux départements et aux régions la gestion des techniciens ouvriers de service (TOS) des collèges et des lycées. Déjà compétents pour les dépenses de fonctionnement et d’investissement des collèges et lycées, les départements et les régions prennent désormais en charge des dépenses de personnel qui vont fortement peser sur leurs dépenses de personnel globales. Le poids croissant des charges de personnel freine la dynamique de la dépense locale. Le transfert des 93 000 TOS des collèges et lycées aux départements et régions ainsi que le transfert d’agents des DDE aux départements augmentent de manière brutale les frais de personnel de ces deux types de collectivités. Pour la région, ce transfert conduit à faire passer ce niveau de collectivité d’une administration de mission à une administration de 33 Les données de ce paragraphe sont principalement extraites de LAIGNEL André, BOURDIN Joël, « Les finances des collectivités locales en 2006 », Rapport de l’Observatoire des finances locales, octobre 2006, Editeur : L’Action municipale Il est à noter, qu’avant 2000, quelques régions exerçaient la compétence du transport ferroviaire régional à titre expérimental. Pittet Nicolas - 2007 19 La LOLF story , les enjeux communs et les spécificités des démarches locales de performance par rapport à la LOLF. gestion, dans la mesure où, jusqu’à présent, les effectifs des régions étaient assez faibles et étaient surtout composés de personnels de conception. Ainsi, les régions enregistrent, 34 en moyenne, une hausse de 156% de leurs effectifs . A partir de 2005, une période de transition de deux ans, durant laquelle l’Etat continue à rémunérer les TOS, est observée si bien que le poids des TOS sur les frais de personnel des départements et régions n’est effectif qu’à partir de 2007. Cette charge de personnel nouvelle pour les départements et les régions transforme la structure des dépenses de ces collectivités. Les collectivités territoriales ont connu depuis les années 1980 une très forte hausse de leurs effectifs et de leurs frais de personnel. Ceux-ci sont passés de 20,4 milliards d’euros 35 en 1985 à 40,2 milliards d’euros en 2005 . La part des dépenses de personnel au sein des dépenses totales des collectivités territoriales est restée stable au cours de cette période, à un niveau d’environ 20%. Néanmoins, les récents transferts importants de personnels aux départements et aux régions vont entraîner un poids grandissant des frais de personnel sur les budgets de ces collectivités. En outre, dans de nombreuses communes, qui sont de loin les premiers employeurs de la fonction publique territoriale, les frais de personnel atteignent souvent 50% des dépenses de fonctionnement, voire entre 55% et 60% dans 36 certaines grandes communes . L’atteinte de ces ratios pose des questions en termes de dynamisme des dépenses des collectivités. En effet, les dépenses de personnel sont des dépenses assez rigides dans la mesure où elles augmentent structurellement sous l’effet de l’ancienneté et dans la mesure où il est difficile de faire baisser le poids de la masse salariale. Plus la part des dépenses de personnel est élevée dans les dépenses de fonctionnement, plus les marges de manœuvre en termes d’intervention des collectivités se réduisent. Dans ce contexte de hausse des dépenses de personnel des collectivités et de hausse des charges liées aux nouvelles compétences, les collectivités locales doivent faire face à une baisse de leurs marges de manœuvre financières. 2. Les marges de manœuvre financières des collectivités locales se réduisent. Lors des transferts de compétences de l’Etat vers les collectivités locales, un débat récurrent existe autour de la compensation financière de l’Etat qui ne serait pas à la hauteur des dépenses engagées par les collectivités. En plus de ce phénomène, le faible potentiel de croissance des recettes des collectivités les oblige à envisager d’autres marges de manœuvre financières, comme la maîtrise et la rationalisation de leurs dépenses. Une compensation des compétences transférées pas à l’hauteur des dépenses engagées Le processus de décentralisation engendre un débat récurrent autour de la compensation financière de l’Etat. Pourtant, depuis 2003, l’article 72.2 de la Constitution garantit que l’Etat compense tout transfert de compétences à hauteur des sommes qu’il consacrait, avant le 37 transfert, à cette compétence . Cette disposition de l’Acte II de la décentralisation constitue 34 CABELLIC Marion, « Finances : un avenir menacé, dans un contexte toujours favorable », La Gazette des communes, 12 fev 2007 35 36 Source : www.performance-publique.gouv.fr A la ville de Lyon, pour le budget primitif 2007, le rapport dépenses de personnel sur dépenses réelles de fonctionnement est égal à 59,35% (source : www.lyon.fr ) 37 La révision constitutionnelle du 28 mars 2003 a inséré à l’article 72.2 de la Constitution les dispositions suivantes : « Tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient 20 Pittet Nicolas - 2007 Partie 1. L’enjeu commun de maîtrise des dépenses publiques conduit à l’adoption de démarches diverses de performance, dont les principes de la LOLF constituent une base de réflexions communes. un engagement constitutionnel fort de l’Etat, qui était avant accusé, par les élus locaux, de se décharger sur les collectivités sans fournir de ressources financières suffisantes pour qu’elles assument leurs nouvelles compétences. Pourtant, malgré cette disposition constitutionnelle, de nombreux élus locaux accusent l’Etat de se désengager. En effet, l’Etat compense à hauteur des charges qu’il consacrait à l’exercice des compétences transférées. Or, à l’instar de ce qui a pu se passer dans les années 1980 lorsque l’Etat a transféré l’entretien des collèges et lycées, avant le transfert de compétences, l’Etat consacrait très peu de moyens aux compétences transférées. Dans les années 1980, les collèges et lycées transférés aux départements et régions étaient bien souvent dans de très mauvais états, l’Etat consacrant à leur entretien des sommes faibles. La prise de compétences par les collectivités s’est traduite par des investissements massifs, allant bien au-delà des compensations financières, afin de mettre en bon état les équipements transférés. Par conséquent, de nombreux élus locaux craignent que le même schéma ne se répète suite à l’Acte II de la décentralisation. Pour des compétences comme le transport ferroviaire régional ou les routes nationales, les collectivités doivent prévoir des dépenses importantes qui ne seront pas couvertes par les compensations financières étatiques. Cette situation est d’autant plus préoccupante que la croissance des ressources du secteur public local pour les années à venir semble faible. Un potentiel de croissance des ressources des collectivités faible Les principales ressources des collectivités locales sont composées de la fiscalité et des dotations de l’Etat. Pour ces deux types de recettes, le potentiel de croissance s’avère faible dans les années à venir. Sur le plan des dotations de l’Etat, il a déjà été évoqué que, compte tenu de la situation délicate des finances de l’Etat, il est prévisible que ses dotations aux collectivités locales stagnent, voire baissent. Sur le plan de la fiscalité, deux phénomènes laissent à penser que la fiscalité ne pourra fournir aux collectivités qu’une hausse faible de leurs recettes. D’une part, le secteur public local subit une perte progressive de son autonomie fiscale. Depuis la fin des années 1990, de nombreux impôts locaux ont été transformés par l’Etat en dotations, à l’image de la part régionale de la taxe d’habitation ou des réductions successives des bases de la taxe professionnelle. La révision constitutionnelle du 28 mars 2003 a voulu consacrer le principe d’autonomie financière des collectivités locales en disposant que les recettes fiscales et autres ressources propres 38 des collectivités représentent une part déterminante de l’ensemble de leurs ressources . Or, la définition des ressources propres ne garantit pas aux collectivités leur pouvoir décisionnel en matière fiscal car ces ressources peuvent comprendre des impositions dont 39 les collectivités ne définissent pas le taux et le tarif . Les ressources des collectivités dépendent donc de plus en plus du niveau des dotations de l’Etat, qui ne sont pas destinées à augmenter fortement. D’autre part, pour les ressources fiscales dont les collectivités maîtrisent toujours le levier, la hausse de la fiscalité est de plus en plus délicate à utiliser. En effet, les citoyens sont de plus en plus sensibles à la pression fiscale. De plus, à partir de 2005, les régions et 40 les départements ont augmenté de manière significative leurs taux de fiscalité pour faire consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi. » 38 39 Art. 72.2 de la Constitution Loi organique du 29 juillet 2004 40 Cf. en annexe l’évolution des taux de fiscalité locale (1996-2006) Pittet Nicolas - 2007 21 La LOLF story , les enjeux communs et les spécificités des démarches locales de performance par rapport à la LOLF. face aux charges nouvelles de la décentralisation. Ces hausses de fiscalité ne pourront pas néanmoins se poursuivre dans le temps, compte tenu de l’impopularité de ces mesures. Quant aux communes, la hausse de la fiscalité suit fréquemment le cycle électoral en intervenant au lendemain des élections mais ne peut plus être un levier à l’approche du renouvellement du mandat. Par conséquent, la fiscalité locale devient un levier de moins en moins efficace pour dégager des marges de manœuvre financières. Le contexte des finances locales, de plus en plus liées à la situation délicate des finances étatiques et devant assumer des charges de plus en plus fortes, exige la recherche de marges de manœuvre financières nouvelles. La hausse des recettes des collectivités ne semble pas être une possibilité dans la mesure où leur potentiel de croissance futur paraît faible. La recherche de la maîtrise des dépenses locales, par le biais d’une priorisation des actions et d’une rationalisation de la gestion, est donc un moyen de dégager de nouvelles marges de manœuvre. Par conséquent, les collectivités locales, comme l’Etat, s’engagent sur la voie du pilotage de la performance dans le but de maîtriser leurs dépenses et retrouver des marges de manœuvre pour agir. II. L’introduction d’une logique de performance publique dans la gestion de l’Etat et des collectivités locales Compte tenu du contexte d’ensemble des finances publiques, l’Etat et les collectivités locales se dirigent de manière concomitante vers la mise en place d’une logique de performance dans leur gestion budgétaire et financière. C’est la situation préoccupante des finances de l’Etat et la volonté des collectivités locales de dégager des marges de manœuvre qui a conduit à adapter à la gestion publique la notion de performance qui, jusqu’à présent, n’avait qu’une connotation liée à la gestion privée. Dès lors, la notion de performance publique revêt une finalité particulière : allouer le juste niveau de dépenses aux activités publiques. A. La performance : une logique nouvelle au sein de la gestion publique La performance est une notion fondamentalement liée à la gestion privée. Pourtant, certaines carences de la gestion publique ont pu trouver des voies d’amélioration par le biais d’une adaptation de la notion de performance. 1. Une notion profondément liée à la gestion privée Dans sa définition et sa logique, la performance est une notion fondamentalement liée au fonctionnement de l’entreprise privée. La définition de la notion de performance La définition usuelle de la notion de performance provient d’un mot anglais de l’ancien français, parformer, signifiant accomplir. Le dictionnaire donne la définition suivante de la performance : « résultat obtenu par un athlète dans une épreuve, chiffre qui mesure 41 ce résultat ; réussite remarquable ; résultat obtenu dans l’exécution d’une tâche » . Ces définitions usuelles de la performance soulignent bien l’inadaptation a priori de cette notion à l’action publique. En effet, les résultats d’une politique publique, comme une politique sociale, une politique culturelle ou encore une politique des transports, sont, la plupart du 41 22 Définitions du dictionnaire Larousse 2005 Pittet Nicolas - 2007 Partie 1. L’enjeu commun de maîtrise des dépenses publiques conduit à l’adoption de démarches diverses de performance, dont les principes de la LOLF constituent une base de réflexions communes. temps, difficilement mesurables par un chiffre. En revanche, les sciences de gestion donnent 42 la définition suivante de la performance : « réalisation des objectifs organisationnels » . Là aussi, il semble difficile d’adapter la notion de performance aux particularités de la gestion publique. En effet, les objectifs organisationnels d’une organisation publique sont difficiles à formaliser et à définir. L’Etat ou une collectivité locale a comme raison d’être et comme objectif la satisfaction de l’intérêt général dans son champ de compétence. Pour autant, il est très difficile de déterminer si la satisfaction de l’intérêt général est réalisée par une collectivité publique. La satisfaction de l’intérêt général se résume-t-elle à l’atteinte des objectifs politiques fixés ? La satisfaction de l’intérêt général a-t-elle des visées plus larges que les seuls objectifs politiques ? Par conséquent, la performance est avant tout une logique qui relève de la gestion d’une organisation privée. Une notion liée à la rentabilité et au profit La notion de performance est couramment utilisée dans la gestion des entreprises privées. En effet, les objectifs organisationnels des entreprises privées sont facilement identifiables : la réalisation du profit le plus important possible. En particulier pour les entreprises dont le capital est formé d’actionnaires, l’objectif est la rentabilité de l’entreprise dans le but de distribuer le montant le plus important possible de dividendes. Le résultat financier de l’entreprise en est son premier indicateur de performance. Dans cette optique, il est possible 43 de situer la performance de l’entreprise au carrefour de trois notions : la rentabilité : poursuite de la finalité ; le rapport qualité-prix :l’apport de la valeur aux clients ; la productivité : l’économie de consommation de ressources. En contrôle de gestion, la logique de performance peut être élargie à quatre axes formant la Balanced Score Card. Figure 1 : la Balanced Score Card (source : CHAPET Jean-Michel, op. cit. ) A consulter sur place au Centre de Documentation Contemporaine de l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon Les notions ainsi utilisées de profitabilité, qualité, développement et innovation sont des logiques de la gestion privée. Pourtant, un article de la Revue française de finances 44 publiques montre que la méthode de la Balanced Score Card a été transposée dans le contrôle de gestion de certaines collectivités locales, afin de définir les composantes d’un projet stratégique selon quatre dimensions : résultats financiers, processus internes, clients et apprentissage organisationnel. Les techniques relevant de la logique de performance dans la gestion privée sont donc transposables à des éléments de la gestion publique. 2. Une notion introduite dans l’action publique pour pallier des limites de la gestion budgétaire et financière publique 42 Définition citée par CHAPET Jean-Michel, De la recherche de la performance dans les collectivités territoriales, présentation pour la journée du 30 mai 2007 43 ibid 44 BEAULIER Marc, SALERY Yves, « 20 ans de contrôle de gestion dans les collectivités locales », Revue française de finances publiques, n°95, sept 2006 Pittet Nicolas - 2007 23 La LOLF story , les enjeux communs et les spécificités des démarches locales de performance par rapport à la LOLF. Certains principes de la gestion publique produisent des rigidités susceptibles d’être un frein à la recherche de marges de manœuvre financières et à la maîtrise des dépenses publiques. Par conséquent, la logique de performance est adaptée de la gestion privée à la gestion publique pour permettre de surmonter ces obstacles. Les rigidités de la gestion budgétaire et financière publique 45 Dans l’ouvrage Le management dans les organisations publiques, Annie Bartoli met en relief des « limites d’essence bureaucratiques » à la gestion financière et comptable traditionnelle. L’une de ces limites est la centralisation, qui concerne aussi bien la gestion financière de l’Etat que la gestion financière des collectivités locales. La centralisation se traduit par un recours systématique aux autorités de tutelle. Pour les collectivités, la centralisation est notamment visible par la dépendance qu’ont les collectivités par rapport à l’Etat pour leurs financements. Elle aussi visible, dans les grandes collectivités, par l’absence de responsabilisation des différents services sur la gestion des crédits. Par conséquent, la centralisation provoque une absence de responsabilités qui « conduit à une difficile intégration des variables économiques dans les raisonnements des unités publiques 46 et, vraisemblablement, à la génération de surcoûts » . La centralisation entraîne le fait que les surcoûts sont noyés dans l’ensemble des dépenses. Des actions correctrices ne peuvent donc que difficilement être mises en place. Annie Bartoli distingue également comme limite la lourdeur de gestion. Le principe d’annualité est une première lourdeur de la gestion budgétaire. Les nomenclatures comptables de l’Etat, avant la mise en œuvre de la LOLF, et des collectivités locales sont aussi des exemples de lourdeur, compte tenu de leur complexité et de leur manque de transparence. Ces nomenclatures contraignent à un regroupement des crédits selon la nature des dépenses, empêchant une vision selon les activités et les politiques publiques. Ces lourdeurs favorisent la reconduction automatique de moyens d’une année sur l’autre, soit des budgets de moyens. Enfin, Annie Bartoli parle d’une inadaptation de certaines règles de gestion budgétaire et financière. Là aussi, la règle de l’annualité est à citer, compte tenu du fait qu’elle est un frein à une gestion stratégique et prévisionnelle. Le principe de l’annualité peut également avoir un effet pervers en conduisant parfois à devoir surconsommer pour ne pas risquer d’être sous-doté l’année suivante. Par conséquent, pour dépasser ces limites de la gestion budgétaire et financière, les organisations publiques sont conduites à développer des outils relevant d’une logique de performance. Les buts recherchés de l’adaptation d’une logique de performance à la gestion publique Dans un contexte de forte rigidification des marges de manœuvre financières de l’Etat et des collectivités locales, la notion de performance a trouvé une adaptation à la gestion publique en vue de moderniser la gestion budgétaire et financière. La notion de performance publique apparaît dans le contexte où les organisations publiques sont confrontées à un effet ciseau : des attentes croissantes des usagers face à une faible augmentation des ressources. En 45 46 24 ème BARTOLI Annie, Le management dans les organisations publiques, Paris : Dunod, Management public, 2005, 2 édition, 419p. ibid ; p.171 Pittet Nicolas - 2007 Partie 1. L’enjeu commun de maîtrise des dépenses publiques conduit à l’adoption de démarches diverses de performance, dont les principes de la LOLF constituent une base de réflexions communes. 47 ce qui concerne l’Etat, la performance constitue « l’orientation idéologique de la LOLF » . En ce qui concerne les collectivités locales, l’ensemble des études, articles et rapports cités en introduction attestent de l’application de la notion à la gestion publique locale. La LOLF, d’une part, et les démarches locales de performance, d’autre part, ont comme objectif commun d’instaurer une culture et un pilotage de la performance à la gestion publique. Cela se traduit notamment par la volonté de faire passer la gestion budgétaire d’une logique quantitative de moyens à une logique qualitative de résultats. Les buts recherchés d’un pilotage de la performance dans les organisations publiques sont essentiellement de deux natures. Tout d’abord, il existe une nécessité de rationaliser les moyens engagés pour l’action publique. Cela signifie que les volumes de moyens engagés doivent être le plus adaptés possibles à l’action conduite et que les volumes de moyens peuvent être remis en cause d’une année sur l’autre en fonction de l’évolution de l’action. Cet objectif se rapproche donc de la définition donnée ci-dessus de la performance : l’économie de consommation de ressources. L’existence d’un budget de moyens rend difficile la remise en cause d’une année sur l’autre des moyens engagés. Ainsi, avant l’adoption par l’Etat de la LOLF, le critère de réussite d’une politique publique était la capacité d’un ministère à obtenir une augmentation de ses dépenses. En revanche, la logique de performance vise à interroger l’action publique sur comment les moyens engagés sont utilisés. Une vision budgétaire par politiques publiques facilite cette logique de gestion. Deuxièmement, l’adaptation de la notion de performance à la gestion publique a pour but d’interroger l’organisation publique sur ses finalités, le pourquoi de l’action publique. Dans un contexte où la gestion publique est de plus en plus soumise à une obligation de transparence de ses choix de gestion, les organisations publiques doivent pouvoir offrir aux citoyens une vision sur les raisons et les finalités de la dépense publique. Le pilotage de la performance vise à mettre en relation les moyens engagés par l’action publique avec les objectifs poursuivis. Le pilotage de la performance des politiques publiques est « une mise en tension de la gestion interne de la collectivité avec la finalité attendue de l’action publique en repositionnant l’usager-administré au cœur du dispositif de pilotage, et plus 48 généralement de management de la collectivité territoriale » . La performance publique interroge donc sur deux questions : la description des moyens engagés et la finalité de l’action publique. Les différentes dimensions et les deux types de mesure de la performance permettent de répondre à ces interrogations. B. Allouer les moyens pour atteindre les résultats attendus : les dimensions et la mesure de la performance La performance publique se comprend par la combinaison de trois notions : l’efficacité, l’efficience et la budgétisation. En outre deux niveaux de mesure de la performance sont distingués : la performance interne et la performance externe. 1. Les trois dimensions de la performance publique 47 BOUVARD Michel, « La mesure de la performance » in « Le budget 2006 en régime LOLF », Revue française de finances publiques, n°91, septembre 2005 48 Contribution de KPMG, « Objectifs, concepts et enjeux méthodologiques d’un système de pilotage par la performance », inAssociation des communautés urbaines de France, Groupe Caisse d’épargne, Démarches locales de performance : pratiques et enjeux – Principes consacrés par la LOLF, le rôle précurseur des collectivités locales, 112p. Pittet Nicolas - 2007 25 La LOLF story , les enjeux communs et les spécificités des démarches locales de performance par rapport à la LOLF. Le pilotage de la performance publique est la combinaison des notions d’efficacité, 49 d’efficience et de budgétisation . Ces trois notions permettent de faire le lien entre les trois finalités d’une logique de performance : les moyens, les objectifs et les résultats. Le système décrit est appelé triangle de la performance. Figure 2 : le triangle de la performance A consulter sur place au Centre de Documentation Contemporaine de l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon La notion d’efficacité L’efficacité est le rapport entre les objectifs fixés et les résultats atteints. Le concept d’efficacité suppose que des objectifs soient préalablement définis et que des indicateurs de résultats existent pour mesurer l’atteinte des objectifs. Dans la gestion publique, la difficulté est de déterminer les objectifs à atteindre de l’organisation. Ces objectifs peuvent être de nature politique mais, dans ce cas, ils sont étroitement liés à la définition par les élus d’un plan stratégique et sont liés dans le temps à un mandat électoral. Or, dans la gestion publique, un projet politique formalisé n’est pas systématiquement élaboré et relayé auprès des services opérationnels. Le projet politique, s’il existe, éclaire sur les priorités de l’organisation mais n’en recense pas toutes ses activités. Les objectifs, sur un plus long terme, peuvent se traduire par la recherche de cohérence entre les missions et la vocation de l’organisation publique. En outre, dans la gestion publique, la définition des objectifs dépend de différents niveaux. L’utilisation du concept d’arbre des objectifs permet ainsi de distinguer les différents niveaux d’objectifs qui peuvent exister dans une organisation publique. Figure 3: l’arbre des objectifs (source: Contribution de KPMG, « Objectifs, concepts et enjeux méthodologiques d’un système de pilotage par la performance », op. cit. ) A consulter sur place au Centre de Documentation Contemporaine de l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon La notion d’efficience L’efficience est le rapport entre le résultat obtenu et les moyens engagés. Annie Bartoli note que l’efficience heurte les valeurs traditionnelles du service public, étant donné que celui-ci ne peut s’arrêter à des questions de rentabilité. Cependant, dans le contexte de diminution des ressources publiques, la question du volume de moyens engagés est centrale. L’adoption d’une logique budgétaire de résultats vise ainsi à évaluer quels sont les résultats obtenus par l’action publique avec un certain volume de moyens. Cette logique permet d’ajuster les moyens, à la hausse ou à la baisse, en fonction des résultats souhaités. La notion de budgétisation La dernière notion mise en relief par le triangle de la performance est celle de la budgétisation ou programmation. Le rapport entre les moyens engagés et les objectifs fixés vise à programmer des moyens en fonction d’objectifs. La budgétisation revient à « définir une référence a priori concernant l’allocation des ressources en fonction d’une activité à 49 Ces trois notions sont notamment définies dans l’ouvrage d’Annie Bartoli (BARTOLI Annie, Le management dans les organisations ème édition, 419p.) publiques, Paris : Dunod, Management public, 2005, 2 26 Pittet Nicolas - 2007 Partie 1. L’enjeu commun de maîtrise des dépenses publiques conduit à l’adoption de démarches diverses de performance, dont les principes de la LOLF constituent une base de réflexions communes. 50 réaliser » . L’atteinte de la performance équivaut alors à une adéquation la plus forte possible entre la consommation de ressources et la prévision de dépenses. Le pilotage de la performance dans les organisations publiques revient donc à mettre en place des outils de gestion répondant à ces trois objectifs d’efficacité, efficience et budgétisation. Par la suite, l’atteinte de la performance de l’organisation publique est mesurée selon deux critères. 2. La mesure de la performance : le contrôle de gestion et l’évaluation La mesure de la performance publique se situe à deux niveaux différents : la performance interne, qui s’apparente au contrôle de gestion, et la performance externe, qui s’apparente à l’évaluation des politiques publiques. La conjugaison de ces deux types de mesures de la performance engendre la performance globale. La performance interne La mesure de la performance interne est le suivi de la production des services et des résultats sur le court terme. Elle se traduit par le pilotage des activités de l’organisation publique. De manière opérationnelle, la performance interne se traduit par la mise en place d’un système de contrôle de gestion interne à l’organisation. Le système de contrôle de gestion permet un suivi du fonctionnement des entités de l’organisation publique. La performance externe La mesure de la performance externe est le suivi des effets sur la société des choix et actions de l’organisation publique. La performance externe se traduit par un pilotage des objectifs. Elle vise à apprécier sur le long terme l’impact et les conséquences sur la société des activités publiques. De manière opérationnelle, la mesure de la performance externe passe par le biais de la démarche d’évaluation des politiques publiques. Cette démarche permet de mesurer, par rapport à l’environnement, l’impact des résultats de l’action publique et la pertinence des objectifs fixés. La situation financière délicate de l’Etat donne aux collectivités des perspectives de faible croissance de leurs recettes. Dans le même temps, le secteur public local doit assumer un nombre de charges croissant. Pour l’Etat comme pour les collectivités locales, l’enjeu est de maîtriser leurs dépenses publiques et d’objectiver leurs actions afin de dégager de nouvelles marges de manœuvre financières. C’est pour cette raison que le concept de performance, à l’origine fondamentalement lié à la gestion privée, a fourni des réponses théoriques à la rationalisation de la gestion budgétaire et financière publique. Cette logique de performance s’introduit dans la gestion publique par divers outils et méthodes en particulier développés au sein du secteur public local. Mais la logique de performance pénètre aussi désormais la réglementation par le biais de la LOLF. Chapitre 2. Pour maîtriser leurs dépenses, les collectivités locales ont mis en place des démarches de performance diverses alors que l’adoption par 50 BARTOLI Annie, op. cit. ; p.110 Pittet Nicolas - 2007 27 La LOLF story , les enjeux communs et les spécificités des démarches locales de performance par rapport à la LOLF. l’Etat de la LOLF a enclenché une réflexion globale autour de ces démarches. La logique de performance se traduit de manière opérationnelle par des démarches très diverses. Les collectivités locales ont depuis longtemps mis en place des démarches visant à moderniser leur gestion budgétaire et financière, notamment par le biais du contrôle de gestion ou de la gestion par les activités. La nouveauté, depuis les années 2000, est l’inscription dans la loi d’une logique de performance pour la gestion financière de l’Etat par le biais de la LOLF. La LOLF introduit un profond changement de logique de la gestion budgétaire et financière de l’Etat, que celui-ci commence tout juste à mettre en place. Pour autant, la mise en place de la LOLF a suscité un regain d’intérêt pour les démarches locales de performance. Alors que certains parlent de la mise en place d’une LOLF locale, il est en tout cas indéniable qu’entre les démarches locales de performance et la LOLF un partage des expériences enrichira la gestion publique. I. Les collectivités locales ont mis en place des démarches variées de modernisation de leur gestion financière visant à enclencher un pilotage de la performance. Un très grand nombre de collectivités locales, et en particulier les régions, départements, grandes villes et EPCI les plus importants, ont mis en place des outils et des méthodes de gestion budgétaire et financière qui se dirigent vers une logique de performance. A cet égard, Michel Bouvier affirme que « nombre de collectivités territoriales sont devenues de véritables laboratoires d’idées en matière de gestion publique et tandis que l’Etat en est encore, avec difficulté, à l’aube de la mise sur pieds d’une planification stratégique de son action, nombre de collectivités locales ont déjà entamé une 51 expérimentation en ce domaine depuis plusieurs années » . Ainsi, le secteur public local, au fur et à mesure du renforcement de sa fonction financière, a mis en place des outils permettant d’objectiver l’action publique et d’améliorer l’information financière sur les moyens engagés. Les systèmes mis en place sont ceux du contrôle de gestion ou encore des démarche de présentations analytiques du budget. En outre, la réforme des instructions comptables locales, à partir du milieu des années quatre-vingt-dix, a introduit des progrès en matière de transparence des informations financières. A. Le développement du contrôle de gestion interne au sein des collectivités locales Dans l’ouvrage Le contrôle de gestion dans le secteur public, le contrôle de gestion est 52 défini comme étant « le pilotage de la performance » . En effet, il vise à fournir des informations permettant de déterminer si l’organisation remplit ses missions en gérant au mieux ses ressources. La récente enquête réalisée par trois élèves administrateurs 53 54 territoriaux souligne que 81% des collectivités locales interrogées ont un contrôle de 51 52 53 ème BOUVIER Michel, Les finances locales, Paris : LGDJ, Systèmes, 2005, 10 édition, 219p. ; p.36 DEMEESTERE René, Le contrôle de gestion dans le secteur public, Paris : LGDJ, Systèmes, 2002, 196p. ; p.12 GRAIL Cédric, LESCAILLEZ Vincent, MENUT Philippe (élèves administrateurs territoriaux), L’amélioration des performances des collectivités territoriales : de l’intention à la pratique, 2007, Editeur : L’Action municipale 28 Pittet Nicolas - 2007 Partie 1. L’enjeu commun de maîtrise des dépenses publiques conduit à l’adoption de démarches diverses de performance, dont les principes de la LOLF constituent une base de réflexions communes. gestion interne. De plus, un article de la Revue française de finances publiques montre que le contrôle de gestion existe depuis longtemps dans le secteur public local puisqu’il 55 est intitulé « 20 ans de contrôle de gestion dans les collectivités locales » . Le contrôle de gestion dans les collectivités a pour objectif de mesurer l’atteinte de la performance. Il donne lieu à la mise en place d’outils variés d’une collectivité à une autre. 1. Les finalités et les conditions de mise en œuvre du contrôle de gestion dans les collectivités locales Levier essentiel des démarches locales de performance, le contrôle de gestion constitue un système de pilotage de l’organisation. Son développement au sein du secteur public local peut pourtant se heurter à plusieurs obstacles. Un système de pilotage de la performance de l’organisation Annie Bartoli livre la définition suivante du contrôle de gestion : « Le contrôle de gestion est formé des processus et systèmes qui permettent aux dirigeants d’avoir l’assurance que 56 les choix stratégiques et les actions courantes seront, sont et ont été cohérents. » Pour une collectivité locale, les choix stratégiques en termes de pilotage de la performance sont les objectifs définis et le volume de moyens consacrés à la réalisation de ces objectifs. Le contrôle de gestion est donc un processus transversal de la collectivité. Il contribue à la formalisation des objectifs opérationnels des différents services, en fonction du projet politique si celui-ci a été défini. Le contrôle de gestion a aussi pour rôle de construire, diffuser et faire vivre un système d’information (SI) qui permette à la collectivité de s’assurer que les ressources sont utilisées avec efficience et efficacité et de suivre ses objectifs. Le contrôle de gestion met à disposition des décideurs de la collectivité, exécutif et direction générale, les informations destinées à améliorer la démarche de pilotage de la performance de l’organisation. Le positionnement du contrôle de gestion au sein des collectivités est donc crucial pour pouvoir remplir efficacement ses missions. 57 54 Le contrôle de gestion interne s’est développé au sein de nombreuses collectivités locales. Dans les communes moyennes, la fonction du contrôle de gestion peut être exercée par la direction des finances ou par un cadre qui s’occupe exclusivement de cette mission. Dans les plus grandes collectivités, cette fonction est souvent remplie par un service qui a des positionnements variés. Le contrôle de gestion est ainsi parfois rattaché à la direction des finances. Il peut aussi constituer une direction à part entière sous la responsabilité d’un directeur général adjoint (DGA). Enfin, le contrôle de gestion peut être un service directement rattaché au directeur général des services (DGS) de la collectivité. Le Grand Lyon offre un exemple intéressant du développement du contrôle de gestion interne et donc de la montée en puissance du pilotage de la performance. Avant 2001, le contrôle de gestion interne était rattaché à la direction des finances et se contentait de réaliser un contrôle budgétaire. A partir de 2001, une mission de l’audit et du contrôle de gestion a été créée et placée sous l’autorité de la direction générale des services. Cette cellule a développé L’enquête réalisée pour le compte de l’AFIGESE, en 2006, a été effectuée auprès de 200 collectivités de plus de 50 000 habitants, dont 101 ont répondu au sondage. 55 BEAULIER Marc, SALERY Yves, « 20 ans de contrôle de gestion dans les collectivités locales », Revue française de finances publiques, n°95, sept 2006 56 Définition de H. BOUQUIN, citée par BARTOLI Annie, op. cit. ; p.145 57 Historiquement, la fonction de contrôle de gestion externe s’est développée avant le contrôle de gestion interne. En effet, le premier a pour rôle de prémunir la collectivité des risques financiers liés à ses satellites. Pittet Nicolas - 2007 29 La LOLF story , les enjeux communs et les spécificités des démarches locales de performance par rapport à la LOLF. le pilotage de la performance, en particulier par le biais de la démarche des centres de 58 responsabilités . Dans le but de détenir une plus grande légitimité et afin de conforter la démarche des centres de responsabilités, la mission de l’audit et du contrôle de gestion a été transformée en direction de l’évaluation et de la performance à compter de mars 2007. A la ville de Lyon, un autre positionnement est observé puisque la direction du contrôle de gestion est placée sous la responsabilité du DGA chargé des finances, du contrôle de gestion, des achats et des télécommunications et systèmes d’information. Il est intéressant de noter que la direction du contrôle de gestion travaille étroitement avec la direction des finances sur la démarche du PEF, qui constitue la démarche de performance de la Ville de Lyon. Ainsi, le contrôle de gestion est toujours fortement impliqué, voire est moteur, dans les démarches locales de performance. Pourtant, le développement du contrôle de gestion dans les collectivités a pu se heurter à un certain nombre d’obstacles qui ont ralenti sa mise en œuvre. Les conditions et difficultés de mise en œuvre du contrôle de gestion dans les collectivités locales Le développement du contrôle de gestion interne au sein des collectivités locales se heurte tout d’abord à un rattachement hiérarchique problématique. Quel que soit le positionnement choisi au sein de l’organisation, la création de la fonction contrôle de gestion a besoin du soutien et de l’implication de la direction générale. L’implication de la direction générale permet de donner une dimension transversale au contrôle de gestion et d’agir aussi bien dans les domaines financiers que dans les domaines qualitatifs. De plus, le contrôle de gestion fonctionne selon une logique descendante et ascendante : travail avec les services sur la fiabilisation des informations et des indicateurs et remontée des informations des services vers la direction générale. Le contrôle de gestion doit donc être conçu comme une interface au sein de la collectivité. Une autre condition du développement du contrôle de gestion est l’existence d’objectifs partagés au sein de la collectivité. Or, au sein des collectivités locales, la formalisation d’objectifs n’est absolument pas systématique et dépend de la volonté des élus et de la 59 direction générale. L’arbre des objectifs , nécessaire au pilotage de la performance de la collectivité, n’est souvent pas complet. A la Ville de Lyon, un Plan de mandat a été élaboré en 2001 par la municipalité. Pour autant, il n’est pas toujours aisé de décliner des objectifs opérationnels de ce Plan de mandat. Le contrôle de gestion doit enfin s’appuyer sur des indicateurs de mesure de l’activité. Cette mesure de l’activité est problématique suivant les types d’activité de la collectivité. La mesure de l’activité des fonctions supports relève d’un contrôle de gestion classique, par le contrôle budgétaire ou encore des indicateurs relatifs aux effectifs des ressources humaines. Un autre groupe d’activités des collectivités locales est les activités productrices de biens matériels ou de services identifiables. Pour cette catégorie, les indicateurs de mesure sont différents des précédents. Enfin, une troisième catégorie d’activités des collectivités donne lieu à la production de services difficilement quantifiables, où la formalisation d’objectifs et la définition d’indicateurs est délicate. Les outils du contrôle de gestion doivent donc s’adapter à ces particularités de l’action des collectivités locales. 2. Les outils du contrôle de gestion au sein des collectivités locales 58 59 30 Cette démarche des centres de responsabilités est décrite dans la deuxième partie du mémoire. Cf. figure 3 Pittet Nicolas - 2007 Partie 1. L’enjeu commun de maîtrise des dépenses publiques conduit à l’adoption de démarches diverses de performance, dont les principes de la LOLF constituent une base de réflexions communes. Alors que les tableaux de bord sont les outils privilégiés du contrôle de gestion dans les collectivités locales, la comptabilité analytique demeure un outil qui n’est développé que dans certains domaines. Actuellement, d’autres types d’outils se développent fortement sous l’effet du regain d’intérêt autour des démarches locales de performance. La large diffusion des tableaux de bord Les tableaux de bord sont les outils privilégiés du contrôle de gestion au sein des collectivités locales. Cet outil se définit comme étant « un ensemble d’indicateurs présentés simultanément et régulièrement à un public déterminé en vue de permettre une aide à la 60 décision » . Souvent, dans les grandes collectivités, les tableaux de bord sont élaborés conjointement entre le service du contrôle de gestion et les services opérationnels. Au Grand Lyon, la démarche du contrôle de gestion interne s’est accompagnée par la mise en place de tableaux de bord dans chaque direction. Le rôle de la direction de l’évaluation et de la performance est de veiller à la fiabilité des informations contenues dans les tableaux de bord et d’assurer la cohérence de l’ensemble du système. En outre, la direction de l’évaluation et de la performance est chargée de présenter régulièrement à la direction générale les tableaux de bord. 61 L’enquête sur L’amélioration des performances des collectivités locales a élaboré une typologie des objectifs observés à travers les tableaux de bord. Les types d’objectifs les plus présents sont les objectifs liés aux ressources, comme le suivi de l’exécution budgétaire ou encore de l’évolution de la masse salariale. L’enquête précise que, dans certains cas, le choix des termes pour désigner le tableau de bord est évocateur puisque certains sont intitulés maîtriser les dérives budgétaires. Le deuxième type d’objectifs suivis à travers les tableaux de bord sont les objectifs liés aux projets de mandature. Enfin, il existe des tableaux de bord qui rendent compte d’objectifs liés à l’activité des services. Plus rares et délicats à mettre en place, des objectifs sont aussi liés à la satisfaction du service rendu. Un développement limité de la comptabilité analytique La comptabilité analytique est un outil dérivé de la comptabilité générale qui consiste à classer les dépenses de la collectivité selon des familles homogènes de destination prédéterminées et à analyser le total de ces dépenses sur ces catégories. La comptabilité analytique permet d’obtenir des indicateurs de coûts des activités ou des services. Ce système n’est développé essentiellement que dans les services techniques des collectivités ou pour des activités qui présentent un risque financier qu’il est nécessaire d’identifier. L’introduction d’outils et de concepts nouveaux 62 Si d’autres outils classiques du contrôle de gestion peuvent être observés dans les collectivités, un nouveau contexte semble se dessiner actuellement pour la fonction contrôle de gestion. En effet, l’accélération actuelle des démarches locales de performance conduit à une implication forte des services chargés du contrôle de gestion. Le contrôle de gestion 60 Définition donnée par BEAULIER Marc, SALERY Yves, op. cit. 61 62 GRAIL Cédric, LESCAILLEZ Vincent, MENUT Philippe (élèves administrateurs territoriaux), op. cit. Le contrôle de gestion interne peut donner lieu à la réalisation de bilans d’activité, à des démarches de conduite de projet ou à des démarches qualité. Pittet Nicolas - 2007 31 La LOLF story , les enjeux communs et les spécificités des démarches locales de performance par rapport à la LOLF. 63 évolue désormais vers des indicateurs de performance , plutôt que vers de simples indicateurs d’activités. Les indicateurs de performance sont des indicateurs d’efficacité, permettant de comparer les résultats aux objectifs, et d’efficience, comparant les objectifs aux moyens mobilisés. A titre d’exemple, à la Ville de Paris, une démarche participative a été enclenchée, conduisant chaque direction à déterminer trois missions qu’elle remplissait et qui sont déclinées en trois objectifs opérationnels et trois indicateurs de performance. Par ailleurs, les démarches locales de performance se traduisent par l’adoption dans le secteur public local de nouveaux concepts comme le Balance Score Card ou les démarches ABM 64 et ABC . Cette dernière démarche est le point de départ de l’introduction d’une gestion par les activités. B. Le développement de présentations budgétaires analytiques dans de grandes collectivités La traduction la plus répandue des démarches locales de performance est l’adoption par de grandes collectivités d’architectures budgétaires personnalisées basées sur les politiques publiques. La similitude avec la démarche de la LOLF est ici évidente même si ces démarches des collectivités sont souvent issues d’une gestion par les activités, initiée dans les années quatre-vingt dix dans plusieurs collectivités locales. 1. La gestion par activités Adaptée aux spécificités de la gestion publique, la gestion par activité est une démarche novatrice pour les collectivités locales, qui se traduit par une utilisation des méthodes ABC et ABM. La méthode enclenche des présentations budgétaires nouvelles et améliore la transparence de l’activité de la collectivité. La mise en place de la gestion par activités Quelques collectivités ont mis en place une gestion par activités en adaptant les méthodes 65 ABC et ABM à la gestion publique . Les méthodes ABC et ABM visent à mettre en évidence, au sein des organisations, des processus ou des activités plutôt que des structures. Ces méthodes permettent de s’affranchir des organisations fonctionnelles existantes. La méthode ABC a, plus particulièrement, comme but de connaître le coût des activités et d’aider à construire le budget. La méthode ABM se centre sur l’optimisation de l’allocation des ressources, la rationalisation de l’organisation et la déclinaison de la stratégie. Les deux méthodes sont donc complémentaires et permettent d’appréhender ce que fait la collectivité et la manière et les moyens avec lesquels elle le fait. Les démarches placent le service rendu à l’usager-client au centre des préoccupations. Ces démarches sont des outils pour améliorer les performances de l’organisation, comme le montre le schéma ci-dessous. Figure 4 : schéma de la gestion par activités La Gazette des communes, 8 décembre 2003) 63 (source : « La gestion par activités », PARNAUDEAU Maud, « En route vers une culture du résultat », La Gazette des communes, 13 nov 2006 Cet article recense les différentes démarches de mise en place d’indicateurs de performance au sein des collectivités locales. Les exemples du Grand Lyon, de la Ville de Lyon, du Conseil général de la Mayenne ou encore de la Ville de Paris sont cités. 64 65 La méthode ABC signifie Activity based costing. La méthode ABM signifie Activity based management. « La gestion par activités », La Gazette des communes, 8 décembre 2003 Cette fiche pratique de la Gazette des communes fait le point sur la démarche de gestion par activités dans les collectivités locales. L’exemple du Conseil général de l’Hérault est développé. 32 Pittet Nicolas - 2007 Partie 1. L’enjeu commun de maîtrise des dépenses publiques conduit à l’adoption de démarches diverses de performance, dont les principes de la LOLF constituent une base de réflexions communes. A consulter sur place au Centre de Documentation Contemporaine de l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon La gestion par activités passe par plusieurs étapes. Tout d’abord, il est nécessaire de recenser et décrire les activités afin d’en définir la liste et les prestations et bénéficiaires du service public. La deuxième étape consiste à allouer les ressources aux activités en déterminant, pour chaque activité, les principales ressources qu’elle consomme. L’important est alors d’identifier les ressources qui nécessitent des arbitrages structurants, telles les dépenses de personnel. La dernière étape de la gestion par activités est le regroupement 66 des activités en processus . La mise en place de la gestion par activités permet donc de disposer d’une technique d’analyse des coûts facilitant l’élaboration du budget. Elle constitue aussi un outil de pilotage permettant de décliner les orientations stratégiques en activités opérationnelles. L'aboutissement à un budget par activités Au sein des collectivités locales, la gestion par activités s’est le plus souvent traduite par la mise en place, en complément de la présentation budgétaire réglementaire, d’un budget par activités. Le budget par activités permet d’avoir une vision de la répartition des crédits en fonction des activités de la collectivité, et par là même d’avoir une connaissance fine du coût des activités. Les présentations réglementaires par nature et par fonction ne permettent pas de disposer de ces informations. La Ville de Lyon avait mis en place, à la fin des 67 années 1990, un budget par activités. Les témoignages recueillis sur ce système louent la pertinence de cet outil pour avoir une connaissance précise du coût des actions menées et donc rationaliser les dépenses. Le système mis en place permettait de consolider au sein des activités à la fois les coût directs mais aussi les coûts de personnel et les coût des fluides. Ce système constituait une aide pour le pilotage budgétaire de la collectivité. Néanmoins, le système n’intégrait pas l’ensemble du budget de la Ville et ne structurait pas le logiciel de gestion financière. Au budget par activités a donc succédé une démarche beaucoup plus globale, la démarche du PEF, visant à structurer l’ensemble du budget en programmes et opérations, reflets des politiques publiques menées. 2. La segmentation des budgets locaux par politiques publiques La manifestation la plus visible des démarches locales de performance est l’élaboration, dans de nombreuses grandes collectivités, d’architectures budgétaires liées aux politiques publiques menées. Les architectures ainsi construites ont pour but de faire passer la préparation budgétaire à une logique de performance. Ces démarches sont structurantes de la gestion financière globale de la collectivité dans la mesure où elles conditionnent souvent le fonctionnement du logiciel de gestion financière. Le reformatage de l’information financière L’un des leviers principaux des démarches locales de performance est le reformatage des informations financières de la collectivité au sein de présentations personnalisées du budget. Ces démarches ont pour but de dépasser les contraintes imposées par les 66 67 Les processus sont les enchaînements logiques d’activités qui concourent à la réalisation d’une prestation unique. PITTET Nicolas, « Diagnostic de la démarche du Plan des engagements financiers de la Ville de Lyon », Rapport de stage à la Direction des finances de la Ville de Lyon dans le cadre du Master 2 pro Management du Secteur public : collectivités et partenaires, dec 2006, 126p. Lors du diagnostic du PEF, au cours d’entretiens avec des directeurs et des responsables administratifs et financiers de la Ville de Lyon, plusieurs d’entre eux ont souligné la pertinence du budget par activités qui existait avant le PEF. Pittet Nicolas - 2007 33 La LOLF story , les enjeux communs et les spécificités des démarches locales de performance par rapport à la LOLF. instructions comptables locales de présentation des crédits par fonction et par nature, qui ne reflète pas l’activité de la collectivité et n’autorise donc pas l’association du budget à 68 une démarche de performance. La plupart des grandes collectivités , tout en continuant à voter leur budget selon la réglementation par nature ou par fonction, organisent donc la préparation, les arbitrages, voire l’exécution, budgétaires à travers une présentation analytique du budget. Les arborescences analytiques internes mises en place permettent de lier le budget à l’arbre des objectifs de la collectivité. Ces démarches de segmentation du 69 budget permettent d’inscrire le budget dans le pilotage de la performance de la collectivité . En effet, à chaque niveau d’objectif correspond un niveau de l’architecture budgétaire. Le vocabulaire utilisé pour qualifier ces niveaux analytiques des architectures budgétaires est relativement proche d’une collectivité à une autre et est similaire au vocabulaire de la 70 LOLF . Le schéma suivant illustre la liaison entre la présentation budgétaire analytique et l’arbre des objectifs. Figure 5 : architecture des présentations analytiques des budgets locaux A consulter sur place au Centre de Documentation Contemporaine de l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon Les présentations ainsi élaborées permettent d’avoir une meilleure connaissance du coût des politiques publiques menées et des actions de la collectivité. Elles ont pour but de diriger les arbitrages budgétaires vers la recherche d’une juste allocation des moyens par rapport aux objectifs définis. La Ville de Lyon a enclenché une telle démarche-projet dès 2001 avec la mise sur pied du Plan des engagements financiers (PEF). Les objectifs visés alors étaient triples 71 : mieux connaître l’efficacité des actions : maîtrise des coûts par rapport aux objectifs du Plan de mandat ; optimiser l’allocation des ressources ; développer dans l’ensemble des services une culture de gestion. La démarche de mise en place du PEF a été portée par la direction des finances. Près de deux années de groupes de travail et de réflexions ont été nécessaires à l’aboutissement de la démarche, qui s’inscrivait dans le projet de changement du logiciel de gestion financière. Le PEF est entré en application pour le budget primitif 2003, ce qui signifie que chaque direction, en collaboration avec la direction des finances, a dû préalablement définir 72 les programmes et opérations qui relevaient de son champ de compétences . En effet, 68 FIEVET Frédéric et LAURENT Philippe, « Faut-il une LOLF pour les collectivités locales ? », Revue française de finances publiques, n°95, sept 2006 Cet article montre que la plupart des grandes collectivités locales ont pris l’initiative d’adopter une approche budgétaire sectorielle adaptée à leurs problématiques et objectifs propres. Il existe une réelle effervescence des financiers territoriaux autour de ces démarches, avec la volonté que ces démarches constitue une première étape à une démarche plus globale d’évaluation. 69 70 Cf. en annexe le pilotage de la performance avec la structure du PEF (Ville de Lyon) La LOLF a introduit un découpage du budget de l’Etat en missions/programmes/actions. 71 Objectifs exprimés par Olivier Nys, DGA à la Ville de Lyon (NYS Olivier, « Ce que la LOLF dit aux collectivités… L’exemple de la Ville de Lyon », Revue française de finances publiques, n°95, sept 2006) 72 A titre d’exemple, les programmes du cabinet du maire sont : « promotion image de Lyon », « promotion action municipale », « infos des citoyens », « infos de proximité », « infos de chantiers », « programmes et promotion des événements », « divers ». Au sein de la direction de l’enfance, un programme s’intitule « construire 700 places de crèches ». Il contient donc en lui-même un objectif 34 Pittet Nicolas - 2007 Partie 1. L’enjeu commun de maîtrise des dépenses publiques conduit à l’adoption de démarches diverses de performance, dont les principes de la LOLF constituent une base de réflexions communes. 73 les programmes et les opérations sont les niveaux de répartition des crédits . Chaque direction avait pour mission de rattacher ses programmes aux orientations politiques du Plan de mandat. Depuis 2003, la préparation budgétaire se fait donc selon une répartition 74 par programmes et opérations. Les arbitrages budgétaires sont également rendus par programmes avant que les crédits ne soient rebasculés dans la présentation réglementaire du budget par nature pour le vote du Conseil municipal. Cette structuration analytique du budget par programmes et opérations permet d’améliorer le pilotage budgétaire en facilitant la discussion entre les services opérationnels, les services fonctionnels, la direction et les élus. Le PEF constitue donc « le cœur du nouveau système de gestion de la fonction 75 financière entre les différentes directions de la Ville » . De nombreuses autres grandes collectivités ont mis sur pied une démarche similaire de présentation analytique du budget adaptée aux spécificités et aux objectifs politiques de la collectivité. Ces démarches sont le plus souvent initiées par l’administration et plus particulièrement pilotées par la direction des finances conjointement avec la direction ou le service du contrôle de gestion. La Région Bretagne a ainsi, depuis 2005, élaborer une nomenclature budgétaire stratégique par programmes avec une architecture missions/ 76 77 programmes/actions . L’arborescence construite contient douze missions et soixante 78 programmes . L’effort est aussi porté sur la clarification et l’amélioration des rapports budgétaires. Pour quelques uns des programmes, des indicateurs de performance sont 79 également mis en place . 80 Le Conseil général de la Mayenne a mis en place le projet appelé Nouvelle gouvernance avec là aussi un découpage du budget en missions/programmes/actions. La particularité au Conseil général de la Mayenne est une forte implication du président du Conseil général, Jean Arthuis, ancien ministre des finances, dans la démarche. Serge Huteau, contrôleur de gestion, affirme en outre que le projet « est largement inspiré de la er LOLF du 1 août 2001 et de sa logique sous-jacente, celle du new public management ». lié au Plan de mandat. Dans de nombreuses directions, la création des programmes s’est assez fortement calquée sur la structuration par activités qui existait précédemment. 73 Un programme regroupe plusieurs opérations et une opération peut regrouper plusieurs sous-opérations. Cf. en annexe l’architecture du PEF 74 Les fiches d’arbitrages sont structurées par programmes et opérations avec mention des montants alloués aux budgets des deux années précédentes et aux comptes administratifs (réalisé) et la proposition pour le budget en cours de discussion. 75 76 77 78 NYS Olivier, op.cit. Cf. en annexe l’organisation budgétaire mise en place à la Région Bretagne Cf. en annexe la liste des missions définies à la Région Bretagne La démarche de la Région Bretagne est ici très différente de la démarche de la Ville de Lyon. Les 12 missions choisies ne sont pas liées à un Plan de mandat mais sont destinées à être pérennes. Il n’y a également que 60 programmes. En revanche, à la Ville de Lyon, les programmes doivent se rattacher à des orientations stratégiques du Plan de mandat. De plus, il y a entre 500 et 600 programmes dans la mesure où chaque direction a été libre de définir le nombre de programmes qu’elle souhaitait. 79 80 Au budget primitif 2007, 81 indicateurs de performance sont mis en place sur 19 programmes. HUTEAU Serge, « La LOLF : un référentiel de la nouvelle gestion publiue transposable aux collectivités territoriales. Le projet de Nouvelle Gouvernance du conseil général de la Mayenne. », La Revue du Trésor, juin 2007 Pittet Nicolas - 2007 35 La LOLF story , les enjeux communs et les spécificités des démarches locales de performance par rapport à la LOLF. Un autre exemple de démarche de découpage du budget par politiques publiques est 81 celui de la Ville de Grenoble avec le projet Grand Angle . L’activité de la Ville a été découpée en onze politiques sectorielles qui se subdivisent en programmes, opérations et 82 tranches de financement. Benoit Rochas , directeur des finances, affirme que le projet a obligé les services à repenser la préparation budgétaire et à adopter une logique de gestion. Par ailleurs, l’exemple de la Ville de Grenoble souligne et rappelle que les démarches de reformatage de l’information financière dans des présentations analytiques s’inscrivent dans des approches globales de la gestion financière et ont souvent pour origine le changement de logiciel de gestion financière. Des démarches qui structurent l’ensemble de la gestion financière par le biais du système d’information financier L’élaboration de présentations analytiques des budgets locaux va la plupart du temps de pair avec la structuration du système d’information financier selon cette présentation. Le reformatage de l’information financière opéré structure donc l’ensemble de la gestion financière. La préparation et le suivi de l’exécution budgétaire se fait par le biais de l’architecture analytique choisie. L’usage de la répartition réglementaire des crédits par nature ou par fonction n’intervient que pour le vote du budget, du compte administratif et des décisions modificatives. En effet, l’élaboration de présentations budgétaires analytiques est souvent initiée par un changement du logiciel de gestion financière. Dans ce cas, le cahier des charges du nouveau logiciel contient comme critère une présentation analytique des crédits par programmes et actions. Les crédits sont enregistrés dans le logiciel selon cette structure analytique mais détiennent un code pour pouvoir être rebasculés par nature et par programme. La présentation analytique devient l’outil de travail et d’analyse de la gestion financière de la collectivité. Les fournisseurs de logiciels de gestion financière pour les collectivités locales se sont donc fortement investis dans la construction de produits permettant une segmentation analytique des crédits. A la Ville de Lyon, la construction du PEF est directement liée à la mise en place 83 du nouveau logiciel de gestion financière Astre GF. Le fournisseur du logiciel a dû répondre à une commande la Ville qui était de permettre une gestion budgétaire et financière avec une présentation des crédits par programmes et opérations. Le logiciel fourni permet des capacités d’analyse étendues. Les programmes et opérations doivent, en effet, pouvoir gérer les crédits de manière pluriannuelle aussi bien en fonctionnement qu’en investissement. Les programmes doivent aussi consolider les crédits de fonctionnement et d’investissement, de dépenses et de recettes qui relèvent d’une même activité. Le logiciel 84 offre aussi des possibilités d’analyses transversales et géographiques des crédits . A la Ville de Grenoble, en 2006, le projet de structurer le budget par programmes et opérations est aussi né du changement de logiciel de gestion financière. La Ville était confrontée à une obsolescence de son ancien logiciel de gestion financière. L’obligation 81 82 83 84 Du nom du nouveau logiciel de gestion financière mis en place. Entretien avec Benoît Rochas à la mairie de Grenoble le 27 juin 2007 Il s’agit de l’entreprise GFI Informatique. Touts ces possibilités citées du logiciel utilisé par la Ville de Lyon ne sont pas véritablement exploitées à l’heure actuelle. En effet, au cours des premières années de fonctionnement du logiciel, de graves dysfonctionnements se sont déroulés sur son utilisation, compliquant la gestion financière de la Ville. Aujourd’hui, le logiciel ne parvient toujours pas pleinement à fournier les requêtes de suivi budgétaire des crédits par programmes et opérations. 36 Pittet Nicolas - 2007 Partie 1. L’enjeu commun de maîtrise des dépenses publiques conduit à l’adoption de démarches diverses de performance, dont les principes de la LOLF constituent une base de réflexions communes. de changer de logiciel a été l’occasion d’envisager une restructuration de la discussion budgétaire. Le logiciel Grand Angle, qui était proposé à la Ville, permettait de gérer les crédits par programmes et opérations. La direction des finances a vu que ce logiciel était « l’occasion de sortir la gestion financière de la Ville d’une logique de répartition des crédits par services pour se diriger vers une logique de mise en adéquation des objectifs et des 85 moyens » . Parmi les autres collectivités qui choisissent de structurer leur budget par politiques publiques, le système d’information financier de la collectivité est également au cœur de la démarche, à l’instar du projet de la Région Bretagne. Les démarches locales de performance sont donc toutes des initiatives propres des collectivités menées selon des méthodologies et des outils différents. Ces démarches ne concernent pas les obligations réglementaires comptables auxquelles les collectivités locales se soumettent, même si des réformes des instructions comptables locales ont pu introduire des avancées en termes de modernisation de la gestion budgétaire et financière. C. Des avancées introduites par les instructions budgétaires et comptables locales réformées Au contraire de la LOLF, les démarches locales de performance ne sont pas des réformes de la réglementation en vigueur sur la gestion financière locale. Tout en développant des outils visant à améliorer le pilotage de la performance, les collectivités locales doivent continuer à se soumettre aux instructions budgétaires et comptables votées par le législateur, la M14, la M52 et la M71. Ces instructions déterminent notamment la manière dont les crédits doivent être présentés pour le vote des documents budgétaires locaux. Elles fixent également les règles comptables de la gestion financière locale. A partir du milieu des années 1990, les instructions comptables locales ont été réformées par le législateur en vue de les rapprocher 86 des normes du Plan comptable général de 1982 . La réforme des instructions a aussi permis de moderniser la gestion budgétaire et financière locale dans le sens de la prévention des risques financiers et de l’amélioration des présentations fonctionnelles des budgets. 1. La prévention des risques financiers Compte tenu des scandales financiers qui se sont déroulés dans certaines collectivités 87 au début des années 1990 , les objectifs de l’élaboration des nouvelles instructions budgétaires et comptables des collectivités locales étaient la détection et la prévention 88 des risques financiers que ces dernières sont susceptibles d’encourir . Pour cela, les instructions réformées ont cherché à améliorer la sincérité des comptes et le respect du principe de patrimonialité. Les nouvelles instructions obligent ainsi les collectivités locales à disposer d’un niveau d’autofinancement obligatoire minimum par le biais de l’amortissement budgétaire obligatoire. Ce mécanisme est une opération budgétaire d’ordre 85 86 Propos tenus par Benoît Rochas lors d’un entretien le 27 juin 2007 Les instructions précédentes étaient la M11 (communes), la M12 (départements) et la M51 (régions). Cf. en introduction pour les dates de vote des M14, M52 et M71. 87 « L’affaire d’Angoulême » symbolise les risques de surendettement auxquels ont été confrontées plusieurs communes au début des années 1990. En effet, la Ville d’Angoulême se trouvait dans l’impossibilité de rembourser toutes les dettes qu’elle avait contractées et avait des dépenses de fonctionnement qui explosaient. 88 FIEVET Frédéric et LAURENT Philippe, « Faut-il une LOLF pour les collectivités locales ? », Revue française de finances publiques, n°95, sept 2006 Pittet Nicolas - 2007 37 La LOLF story , les enjeux communs et les spécificités des démarches locales de performance par rapport à la LOLF. de section à section qui conduit la collectivité à avoir un niveau minimum incompressible d’autofinancement. 2. De nouvelles présentations fonctionnelles Les nouvelles instructions comptables permettent une présentation du budget selon une nomenclature fonctionnelle, présentant les crédits par grandes politiques publiques. Les régions, départements et communes de plus de 10 000 habitants ont la possibilité de voter leur budget selon cette présentation fonctionnelle à la place de la présentation 89 par nature . Pourtant, ces présentations fonctionnelles ne semblent pas véritablement devenues des outils d’analyse pour les collectivités locales. En effet, la présentation fonctionnelle a été élaborée par l’INSEE, qui a donc élaboré un cadre calé sur celui de l’Etat. La comptabilité fonctionnelle ne reflète donc pas véritablement les spécificités de chaque type de collectivités et souffre d’une rigidité d’utilisation. Dans le contexte de la mise en œuvre de la LOLF par l’Etat, beaucoup de collectivités locales souhaitent poursuivre et accentuer les diverses démarches locales de performance mises en œuvre. Compte tenu de l’inadaptation de la comptabilité fonctionnelle locale, de nombreuses collectivités ont développé leur propre présentation analytique du budget. Celle-ci, conjuguée à un système de contrôle de gestion, a fait naître dans les collectivités des projets globaux de pilotage de la performance. Mais, contrairement à la LOLF, le vote des documents budgétaires locaux doit toujours se faire par une présentation réglementaire par nature ou fonction. Sous l’effet de la mise en place de la LOLF, d’aucuns posent donc la question de la mise en place d’une LOLF locale ou, au moins, de permettre aux collectivités locales de voter leur budget selon leur propre présentation fonctionnelle adaptée à leurs spécificités. II. La LOLF constitue une réforme fondamentale de la Constitution financière de l’Etat, dont les principes sont de plus en plus considérés comme un référentiel pour la gestion publiqu.e. Depuis la loi de finances 2006, le budget de l’Etat est entièrement régi par les dispositions er de la LOLF, votée le 1 août 2001. C’est un changement complet de logique de gestion budgétaire et financière qu’opère l’Etat à la fois sur le plan de la gestion et sur le plan de l’équilibre entre les pouvoirs. Ces changements majeurs ne peuvent qu’avoir un impact significatif sur l’ensemble de la gestion publique, y compris la gestion des collectivités locales. Bien que les collectivités aient mis en place depuis plusieurs années leurs propres démarches de performance, certains principes inscrits dans la LOLF peuvent constituer des bases de réflexion communes entre l’Etat et le secteur public local dans le but de moderniser dans le même sens la gestion financière publique. A. La LOLF entérine un changement de logique de la gestion et des rapports entre les pouvoirs de l’Etat mais sa mise en œuvre récente ne permet pas d’en évaluer les impacts. Parfois qualifiée de révolution pour le fonctionnement de l’Etat, la LOLF obéit à deux logiques principales : réformer le cadre budgétaire pour l’orienter vers les résultats et renforcer la transparence pour revaloriser le Parlement dans ses compétences financières. 89 38 Dans ce cas, la présentation par nature doit figurer en annexe du budget. Pittet Nicolas - 2007 Partie 1. L’enjeu commun de maîtrise des dépenses publiques conduit à l’adoption de démarches diverses de performance, dont les principes de la LOLF constituent une base de réflexions communes. Les impacts de ces deux logiques ne peuvent toutefois pas encore être mesurés dans la mesure où la réforme n’est entrée pleinement en vigueur que récemment, ce qui pose une première limite aux volontés parfois affichées de transposer des principes de la LOLF au secteur public local. 1. Une nouvelle architecture budgétaire pour l’Etat La nouvelle architecture budgétaire fait passer le budget d’un acte d’autorisation de moyens à un acte visant à servir de cadre à la mesure de l’efficacité des politiques publiques. Une architecture par politiques publiques L’Ordonnance du 2 janvier 1959 présentait le budget de l’Etat par ministères et par nature de charges au sein de 850 chapitres. Le vote du budget était réalisé par ministères, par titres et par mesures nouvelles, ce qui revenait à reconduire automatiquement d’année en année près de 95% du budget sous forme de services votés. La LOLF a voulu mettre fin à cette logique de moyens en mettant en place une nouvelle architecture budgétaire basée sur les politiques publiques menées par l’Etat. Trois niveaux d’architecture budgétaire ont ainsi été élaborés : 90 à chaque politique publique correspond une mission , qui est l’unité de discussion et de vote du Parlement (article 7 de la LOLF) ; les missions sont divisées en programmes, qui constituent l’unité d’autorisation et d’exécution des politiques publiques par l’administration ; les programmes sont déclinés en actions. Le découpage budgétaire est donc indépendant du découpage ministériel. La loi de finances pour 2006, la première pour laquelle l’ensemble des dispositions de la LOLF sont appliquées, contenait 34 missions pour le budget général, dont 8 missions interministérielles, et 132 programmes. A l’intérieur des programmes, la répartition par nature des crédits est indicative, sauf en ce qui concerne les dépenses de personnel puisque le montant voté constitue un plafond. La nouvelle architecture offre donc une analyse du budget par politiques publiques, permettant d’enclencher une évaluation de l’efficacité de l’action publique. Une logique de performance associée au budget A chaque programme de la loi de finances « sont associés des objectifs précis, définis en fonction des finalités d’intérêt général, ainsi que des résultat attendus et faisant l’objet 91 d’une évaluation » . Les programmes du budget de l’Etat obéissent donc à une logique de performance associant la trilogie objectifs/moyens/résultats. Les Projets annuels de 92 performance (PAP) , associés à chaque programme, en présentent les objectifs et les moyens. Les Rapports annuels de performance (RAP) sont eux centrés sur les résultats constatés au moment de la loi de règlement. La LOLF est donc le cadre d’une meilleure visibilité de la performance de l’action étatique, ce qui accroît les possibilités de contrôle budgétaire et financier du Parlement. 90 91 92 Cf. en annexe liste des missions et programmes du budget de l’Etat Art. 7 de la LOLF Art. 51.5 de la LOLF Pittet Nicolas - 2007 39 La LOLF story , les enjeux communs et les spécificités des démarches locales de performance par rapport à la LOLF. 2. Un nouvel équilibre des pouvoirs de l’Etat Un article de La Revue française de finances publiques montre que la LOLF « implique un réajustement dans les relations entre les pouvoirs politiques » et qu’elle introduit « une 93 modification interne à chacun de ces pouvoirs » . Ces deux changements majeurs se traduisent principalement par une revalorisation des pouvoirs budgétaires et financiers du Parlement et par l’enclenchement d’une vaste réforme de la gestion publique. Revalorisation du Parlement dans ses pouvoirs financiers L’un des motifs principaux de la LOLF était de renforcer les pouvoirs parlementaires d’action et de contrôle du budget de l’Etat. Le Parlement est d’ailleurs l’initiateur de la réforme budgétaire, notamment par le biais de la proposition de loi organique déposée par le député Didier Migaud le 11 juillet 2000. Avec la LOLF, le Parlement dispose de nouveaux moyens d’actions en matière budgétaire et financière. Il discutera des crédits des missions 94 dès le premier euro. Le Débat d’orientation budgétaire est désormais institutionnalisé . Les informations à destination du Parlement au moment des discussions budgétaires sont 95 enrichies : diffusion du rapport économique, social et financier , d’annexes explicatives 96 dont les PAP ou encore d’exposés des motifs du Projet de loi de finances étoffés . Mais 97 surtout, le droit d’amendement des Parlementaires est élargi dans la mesure où les Parlementaires peuvent redéployer des crédits entre programmes d’une même mission et peuvent supprimer ou créer des programmes, à condition de ne pas augmenter le montant des crédits de la mission. Les pouvoirs de contrôle du Parlement sont également étendus, lui permettant de remplir pleinement l’une de ses missions principales qu’est l’autorisation budgétaire. Ainsi, les membres habilités des commissions des finances disposent de pouvoirs de 98 contrôle étendus . De plus, par le biais des RAP, le gouvernement présente au Parlement 99 les résultats de l’exécution budgétaire . Le Parlement est donc revalorisé dans ses compétences financières. Ce changement sera véritablement effectif si les Parlementaires s’approprient la réforme, à l’instar de l’Etat qui doit s’approprier la réforme de la gestion publique. La gestion publique réformée La LOLF est le moteur d’une réforme profonde de la gestion publique. L’Etat doit tout d’abord rénover la chaîne de la dépense publique pour tenir compte de la nouvelle comptabilité. Les contours des missions et programmes obligent aussi à une définition du rôle des ministres, des directeurs d’administrations et des responsables de programme par rapport à cette nouvelle organisation budgétaire. Avec la LOLF, l’Etat a choisi de piloter la réforme de l’Etat par le biais du budget. Ainsi, à partir de 2005, la direction générale de la modernisation de 93 94 95 96 97 GARIAZZO Olivier, « La LOLF et l’équilibre des pouvoirs », Revue française de finances publiques, n°94, mai 2006 Art. 48 de la LOLF Art. 50 de la LOLF Art 51 de la LOLF Art. 47 de la LOLF 98 99 40 Art. 57 de la LOLF Art. 54 de la LOLF Pittet Nicolas - 2007 Partie 1. L’enjeu commun de maîtrise des dépenses publiques conduit à l’adoption de démarches diverses de performance, dont les principes de la LOLF constituent une base de réflexions communes. l’Etat est créée au sein du ministère de l’économie et des finances. La LOLF ouvre donc de nombreuses perspectives en matière de réforme de l’Etat mais son impact ne peut pas encore être mesuré compte tenu de sa mise en œuvre récente. 3. Un recul insuffisant pour évaluer l’impact des changements dans la gestion budgétaire et financière de l’Etat Le budget 2006 est le premier budget conçu, voté et exécuté selon les dispositions de la LOLF. Alain Lambert et Didier Migaud ont tiré des premiers enseignements de la mise en œuvre de ce budget dans un rapport intitulé La mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances. A l’épreuve de la pratique, insuffler une nouvelle dynamique à la 100 réforme . Ils pointent une série de dysfonctionnements qui ont pu apparaître dans cette mise en œuvre. En particulier, la mise en œuvre des principes de la LOLF se heurterait à une complexité accrue des procédures de prépartion des budgets et d’exécution des dépenses. La complexité est amplifiée par le fait que le système d’information financière de l’Etat n’est pas unifié. En outre, la logique de performance et de pilotage n’a pas été encore véritablement mise en œuvre. Alain Lambert et Didier Migaud montrent ainsi que « la gestion par la performance reste une démarche balbutiante ». Le changement de logique de construction et d’exécution du budget de l’Etat d’une logique de moyens à une logique de performance n’a pas encore eu lieu. Un récent article de La lettre du cadre territorial le montre puisqu’il y ait affirmé que « les logiques de contrôle a priori prédominent encore, au 101 détriment du développement de véritables démarches d’évaluation partagée » . Compte tenu des dysfonctionnements relevés de la mise en place de la LOLF et des progrès majeurs à réaliser par l’Etat sur le pilotage de la performance, il n’est pas encore possible de mesurer l’ampleur des changements qu’entraînera la LOLF sur la gestion de l’Etat. Pourtant, malgré ce manque de recul, il existe des volontés de transposer la LOLF au secteur public local. B. Sans qu’il soit souhaitable de créer une LOLF locale, des points de convergence existent entre les principes de la LOLF et les démarches locales de performance. Que ce soit par le biais de rapports législatifs, comme le rapport d’Alain Lambert 102 103 et de Didier Migaud , ou par des prises de position de cadres territoriaux , l’idée est actuellement avancée de faire avancer les démarches locales de performance à l’aide d’une réglementation nationale. L’expression LOLF locale est ainsi parfois utilisée schématiquement. Si l’ensemble des acteurs semble s’accorder sur le fait que l’idée d’une LOLF locale n’est pas souhaitable, beaucoup mettent cependant en relief le fait que les démarches locales de performance peuvent s’enrichir des principes de la LOLF. 1. Le rejet de l’idée d’une LOLF locale 100 LAMBERT Alain, MIGAUD Didier, « La mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances. A l’épreuve de la pratique, insuffler une nouvelle dynamique à la réforme », Rapport au gouvernement, oct 2006, 79p. 101 102 103 er DRESSAYRE Philippe, « Mise en œuvre de la LOLF : premiers enseignements », La lettre du cadre territorial, 1 mai 2007, n°337 LAMBERT Alain, MIGAUD Didier, op. cit. PORTAL Eric, « Développer la démarche locale de performance », La Gazette des communes, 18 dec 2006 Pittet Nicolas - 2007 41 La LOLF story , les enjeux communs et les spécificités des démarches locales de performance par rapport à la LOLF. Bien que l’expression LOLF locale circule, les acteurs des finances publiques et de la gestion des collectivités locales rejettent l’idée d’une réglementation nationale contraignante qui étendrait aux collectivités les principes de la LOLF. Alain Lambert et Didier Migaud affirment bien, dans leur rapport d’évaluation de la mise en œuvre de la LOLF, que « l’Etat est généralement perçu comme n’ayant guère de leçons à donner aux collectivités territoriales en matière de gestion financière ». Eric Portal, DGA de la Région Centre et président de l’AFIGESE, est tout à fait d’accord avec cela lorsqu’il écrit dans une tribune de La Gazette des communes que l’Etat « doit prendre le temps d’en évaluer (de la LOLF) les effets sur ses modes de gestion et les résultats qui en découlent. Cela devrait lui éviter de se transformer 104 en éventuel donneur de leçons. » L’idée semble donc exclue qu’une nouvelle génération d’instructions comptables locales, s’inspirant des principes de la LOLF, soit imposée aux collectivités. En effet, la démarche de la LOLF est une démarche très aboutie auprès d’un seul acteur, l’Etat. Or, les démarches locales de performance, même si elles ont des caractéristiques communes, sont des démarches multiformes, correspondant chacune à des projets propres des administrations des collectivités. En outre, la diversité des collectivités locales rend peu souhaitable d’étendre une logique de performance et une démarche complexe à tous les types de collectivités. En effet, alors que les grandes communes et EPCi ont des enjeux communs avec la gestion des départements et des régions, la majorité des petites communes et EPCI ne sont pas concernés par des principes véhiculés par la LOLF. La multiplicité des acteurs locaux ne rend pas souhaitable d’imposer une réglementation nationale autour des principes de la LOLF. En revanche, l’idée fait son chemin d’une réglementation qui permettrait aux collectivités d’avoir davantage de libertés dans le vote de leur budget ou dans leur démarche d’évaluation. 2. Un enrichissement mutuel entre les démarches locales de performance et la démarche de la LOLF La LOLF introduit dans la loi des avancées significatives sur le plan de la gestion publique financière. Ces avancées sont parfois similaires à des démarches que des collectivités locales avaient préalablement mises en œuvre. Cette complémentarité entre les démarches de l’Etat et des collectivités locales pourrait être poursuivie par un enrichissement mutuel des expériences. Dans leur rapport, Alain Lambert et Didier Migaud proposent qu’une réglementation permette de renforcer les démarches locales de performance. Deux directions principales sont alors explorées : la segmentation du budget par politiques publiques et la connexion entre la sphère budgétaire et la démarche d’évaluation. Donner plus de liberté aux collectivités dans la gestion de leur nomenclature budgétaire L’un des traits communs entre la démarche de la LOLF et les démarches locales de performance est le redécoupage des budgets par politiques publiques. Pour les collectivités locales, ces présentations analytiques des budgets ne peuvent pas être utilisées pour le vote. Ainsi, Alain Lambert et Didier Migaud proposent de donner aux collectivités le droit de voter et d’exécuter le budget dans leur propre nomenclature. Ils proposent aussi que la présentation fonctionnelle des collectivités locales soit adaptée à une structure de type missions/programmes/actions. Par conséquent, le découpage des budgets selon une logique de résultats semble être une orientation commune prise par les collectivités locales 104 42 ibid Pittet Nicolas - 2007 Partie 1. L’enjeu commun de maîtrise des dépenses publiques conduit à l’adoption de démarches diverses de performance, dont les principes de la LOLF constituent une base de réflexions communes. et l’Etat. Néanmoins, les collectivités et l’Etat doivent ensemble travailler à ce que les architectures budgétaires mises en place ne complexifient pas la gestion publique par une multiplication des niveaux. La connexion entre la sphère budgétaire et la démarche d’évaluation L’adoption d’une logique de performance, qui confronte les moyens engagés pour l’action avec les objectifs et les résultats de l’action, est aussi un but commun poursuivi par l’Etat et les collectivités locales. Ces dernières ont parfois développé des systèmes de contrôle de gestion importants pour lier la gestion budgétaire à la logique de conduite de l’action selon la trilogie objectifs/moyens/résultats. L’Etat, quant à lui, a introduit des outils intéressants pour piloter la performance de l’action publique par le biais des PAP et des RAP. Compte tenu du déficit d’outils de mesure de l’activité au sein des instructions comptables locales, Alain Lambert et Didier Migaud proposent donc que cette méthode des PAP et des RAP soit partagée entre l’Etat et les collectivités locales. Au sein des collectivités, le budget est souvent perçu comme l’acte budgétaire essentiel alors que moins d’attention est donnée au compte administratif. A l’instar de la LOLF qui entend revaloriser la loi de règlement, la poursuite des démarches locales de performance pourrait notamment passer par un 105 renforcement des comptes administratifs , qui permettrait de mesurer les résultats de l’action. Les collectivités locales et l’Etat sont engagés de manière parallèle et de manière complémentaire dans de profondes réformes de leur gestion budgétaire et financière. Si les démarches locales de performance sont très diverses, elles se caractérisent néanmoins par des traits communs avec la démarche de la LOLF. Ainsi, au-delà des aspects comptables et financiers étudiés ci-dessus, une orientation commune des démarches locales de performance est la recherche de responsabilisation des gestionnaires financiers pour renforcer la logique de performance. La LOLF et les démarches locales de performance ont donc en commun des démarches managériales. 105 La Région Bretagne affiche ce point comme l’un des objectifs de son projet de pilotage de la performance. Pittet Nicolas - 2007 43 La LOLF story , les enjeux communs et les spécificités des démarches locales de performance par rapport à la LOLF. Partie 2. La responsabilisation des gestionnaires comme levier commun des démarches locales de performance et de la LOLF pour améliorer le pilotage budgétaire et le dialogue de gestion Chapitre 3. A l’instar de la LOLF, une orientation commune des démarches locales de performance est le levier de la responsabilisation des gestionnaires financiers. « L’enjeu majeur pour la mise en œuvre d’une véritable démarche de performance 106 réside dans la capacité de l’administration à développer sa fonction managériale. » Par ses propos, Serge Huteau, contrôleur de gestion au Conseil général de la Mayenne, met en relief le fait, qu’au-delà des aspects budgétaires et financiers, les démarches locales de performance se traduisent par des réformes des modes de management de la collectivité. Le management est la manière de piloter une organisation. Ainsi, les collectivités locales qui enclenchent des démarches locales de performance ont comme objectif commun de faire évoluer leur mode de management vers une responsabilisation des gestionnaires. Cette orientation prise par les collectivités peut être mise en parallèle avec le changement profond que constitue la création de la fonction de responsable de programme au sein des services de l’Etat. I. La LOLF et les démarches locales de performance ont en commun d’identifier des niveaux de responsabilité managériale. L’un des leviers du pilotage de la performance est le développement des responsabilités des gestionnaires des organisations publiques afin que ceux-ci se sentent impliqués par les objectifs de l’organisation et la maîtrise des dépenses engagées. Ainsi, pour Alain Lambert, l’une des priorités de la LOLF est la responsabilisation de l’administration sur la gestion des crédits : « Il s’agit d’une réforme de management. Une administration sera toujours plus 107 efficace si elle est plus responsable. » Cette recherche de responsabilisation est visible 106 HUTEAU Serge, « La LOLF : un référentiel de la nouvelle gestion publiue transposable aux collectivités territoriales. Le projet de Nouvelle Gouvernance du conseil général de la Mayenne. », La Revue du Trésor, juin 2007 107 Propos d’Alain Lambert cités par BARTOLI Annie, Le management dans les organisations publiques, Paris : Dunod, Management ème public, 2005, 2 édition, 419p. ; p.375 44 Pittet Nicolas - 2007 Partie 2. La responsabilisation des gestionnaires comme levier commun des démarches locales de performance et de la LOLF pour améliorer le pilotage budgétaire et le dialogue de gestion aussi bien au sein des services de l’Etat, suite à la mise en place de la LOLF, qu’au sein des services de nombreuses collectivités locales. A. Les finalités et les impacts en termes de management de la responsabilisation des gestionnaires publics La recherche de responsabilité managériale des gestionnaires publics introduit une nouvelle forme de responsabilité au sein des organisations publiques avec de nouvelles finalités liées au pilotage de la performance. Ce changement entraîne des modifications profondes de l’organisation et du management des services de l’Etat et des collectivités, avec des impacts sur les organigrammes et sur le fonctionnement de la fonction publique. 1. La volonté de lier dans une même main les objectifs et les moyens en accordant une liberté dans la gestion des crédits L’un des leviers du pilotage de la performance est d’impliquer tous les acteurs de l’organisation publique dans l’atteinte de la performance. Cette implication la plus large possible conduit à créer, au sein des organisations publiques, une forme de responsabilité qui n’existait pas jusqu’à présent. Ainsi la responsabilité des gestionnaires, ou responsabilité managériale, vise à associer les gestionnaires de l’organisation au système de pilotage reposant sur la trilogie objectifs/moyens/résultats. Une nouvelle forme de responsabilité La gestion publique implique l’exercice de plusieurs formes de responsabilité dans la mesure où les personnes publiques agissent au nom de l’intérêt général et manipulent des deniers publics. Ces formes de responsabilités s’exercent aussi bien pour les élus, qui sont mandatés par le biais du mandat représentatif pour prendre les décisions publiques, que pour les fonctionnaires et agents publics qui sont chargés, au sein des administrations, de mettre en œuvre les décisions publiques. Tout d’abord, les élus, qu’ils le soient au niveau national ou au niveau local, exercent une responsabilité politique. Cette responsabilité est remise en cause à chaque élection. La responsabilité politique s’exerce devant le corps électoral et devant l’assemblée d’élus, que ce soit l’Assemblée nationale ou l’assemblée d’une collectivité locale (conseil municipal, conseil communautaire, conseil général et conseil régional). Les élus, membres d’un exécutif, peuvent aussi voir leur responsabilité pénale mise en jeu, en cas de violation du Code civil. Enfin, les élus ordonnateurs, comme 108 109 les ministres et les chefs d’un exécutif local , ont une responsabilité financière et une 110 responsabilité personnelle et pécuniaire en cas de gestion de fait . Les agents publics, fonctionnaires de l’Etat ou fonctionnaires territoriaux, sont également responsables sur plusieurs plans. Leur responsabilité peut être mise en cause sur le plan pénal en cas de faute personnelle de l’agent public. Le statut de la fonction publique définit une responsabilité disciplinaire de l’agent. Il y a une faute disciplinaire de 108 109 110 Maire, président d’un EPCI, président de conseil général, président de conseil régional La responsabilité financière est mise en jeu devant la Cour de discipline budgétaire et financière. La gestion de fait est définie légalement par l’article 60.XI de la loi de finances du 23 février 1963. Elle constitue une infraction aux règles de la comptabilité publique et un délit pénal. La gestion de fait est le fait qu’une personne, sans avoir la qualité de comptable public ou sans agir sous son contrôle, s’ingère dans le recouvrement de recettes affectées ou destinées à un organisme public doté d’un poste comptable. La gestion de fait a également lieu lorsqu’une personne reçoit ou manie directement ou indirectement des fonds et valeurs extraits irrégulièrement de la caisse d’un organisme public. Pittet Nicolas - 2007 45 La LOLF story , les enjeux communs et les spécificités des démarches locales de performance par rapport à la LOLF. l’agent public lorsque son comportement entrave le bon fonctionnement du service ou porte atteinte à la considération du service dans le public. La faute disciplinaire est sanctionnée 111 par une sanction qui doit être proportionnée à la faute commise. Enfin, la responsabilité financière de l’agent public peut être mise en cause, notamment en cas de gestion de fait. Par conséquent, la responsabilité managériale des gestionnaires qui est mise en œuvre à travers la LOLF et à travers certaines démarches locales de performance ne correspond absolument à l’un des types de responsabilités habituellement rencontrés dans la gestion publique. La responsabilité managériale n’entraîne pas de sanctions prévues par la loi. Ce nouveau type de responsabilité s’inscrit dans la logique de performance, qui veut que, face aux citoyens, l’organisation publique puisse justifier ses dépenses en fonctions de ses objectifs et en fonction des résultats obtenus. La maîtrise des dépenses publiques et la lutte contre le gaspillage de l’argent public est ainsi de la responsabilité de chaque agent public. L’organisation publique doit être en mesure de justifier que, pour une activité déterminée, elle a alloué un volume de moyens en adéquation avec les résultats et les objectifs. L’implication des gestionnaires publics à la logique de performance Les gestionnaires publics sont les agents, la plupart du temps des cadres de l’organisation, chargés de concevoir et d’encadrer la mise en place et la gestion des politiques publiques et des services publics. Ces agents engagent donc des moyens financiers à travers les personnels qu’ils encadrent ou encore à travers les marchés publics qu’ils engagent. La plupart du temps, dans l’organisation publique, les gestionnaires n’avaient pas de connaissance précise du montant total des crédits qu’ils dépensaient, compte tenu de la présentation des budgets par nature. Or, la logique des démarches locales de performance et de la LOLF conduit à ce que les budgets, présentés selon une architecture missions/ programmes/actions, reflètent le coût des actions publiques menées. Dans ce contexte, les gestionnaires de l’organisation publique deviennent garants de la mise en œuvre opérationnelle des programmes dont ils ont la charge, aussi bien sur le plan financier que sur le plan des résultats. La finalité poursuivie par cette responsabilisation est de déterminer le juste niveau de décision au sein de l’organisation publique pour que les ressources soient maîtrisées et leur utilisation optimisée. Ce nouveau mode de management vise à diffuser dans l’ensemble des services de l’organisation publique une culture de gestion et de résultats, afin que ce ne soient pas seulement les élus et les hauts fonctionnaires qui soient impliqués dans le 112 pilotage de la performance. Annie Bartoli note ainsi que les démarches de management dans l’organisation publique ont un double aspect : la responsabilisation de tous les acteurs de l’organisation, à travers des approches participatives et des dispositifs d’évaluation des individus basés sur des objectifs ; la responsabilité managériale de tous les niveaux d’encadrement. Ce nouveau mode de management conduit à une transformation profonde des fonctions de cadre dans les organisations publiques. Ainsi, André Barilari, Inspecteur général des finances, définit de cette manière la responsabilité qui découle de la mise en œuvre de la LOLF : « La responsabilité repose sur la jonction dans une même main d’objectifs (cibles de résultats) et de moyens (enveloppe de crédits) et dans 111 er Les sanctions disciplinaires sont classées en quatre groupes. Elles vont de l’avertissement et du blâme (1 groupe) jusqu’à ème ème ème la révocation (4 groupe), en passant par différents types d’exclusions (2 et 3 groupe). 112 46 BARTOLI Annie, op. cit., p.383 Pittet Nicolas - 2007 Partie 2. La responsabilisation des gestionnaires comme levier commun des démarches locales de performance et de la LOLF pour améliorer le pilotage budgétaire et le dialogue de gestion la liberté d’emploi de ces moyens (fongibilité et marges de manœuvre) avec pour contrepartie le fait d’assumer ces résultats, c’est-à-dire les conséquences du succès 113 et de l’échec. » Cette nouvelle forme de responsabilité pose donc des enjeux majeurs pour le fonctionnement des organisations publiques. 2. Les changements organisationnels induits par la responsabilisation des gestionnaires Le développement d’une nouvelle forme de responsabilité des gestionnaires dans les organisations publiques se heurte à des rigidités de la gestion publique. D’une part, le droit de la fonction publique peut être un frein à l’accroissement des libertés accordé aux gestionnaires publics. D’autre part, les organigrammes des administrations de l’Etat et des administrations locales doivent s’adapter aux contours des nouvelles fonctions de responsables de programmes. Des rigidités du droit de la fonction publique 114 Le droit de la fonction publique peut entrer en conflit avec la demande de liberté entraînée par la responsabilisation des gestionnaires publics. En effet, la responsabilité va de pair avec une marge de manœuvre accordée dans l’exercice des compétences. En outre, la responsabilité conduit à la récompense ou à la sanction de l’atteinte ou de la non atteinte des objectifs fixés. Sur ces deux plans, le statut de la fonction publique risque de dresser des rigidités. D’une part, les gestionnaires seraient susceptibles de vouloir disposer de marges de manœuvre dans la gestion des ressources humaines. En effet, les ressources humaines sont les principales ressources consommées par les services publics. Les gestionnaires, dotés de responsabilités managériales, seraient donc susceptibles de souhaiter avoir le choix de leurs collaborateurs afin de constituer des équipes cohérentes et compétentes pour mener l’action publique. Or, le droit de la fonction publique impose des règles spécifiques pour le recrutement, la nomination sur l’emploi et l’avancement des fonctionnaires. Les gestionnaires ne disposent donc pas d’une totale liberté de choix de leurs collaborateurs. D’autre part, afin de faire assumer les résultats aux gestionnaires responsables, les organisations publiques souhaiteraient pouvoir moduler les rémunérations en fonction des succès ou des échecs. Sur ce plan également, le droit de la fonction publique dresse des obstacles dans la mesure où les traitements sont fonction de l’ancienneté et de la 115 progression dans les échelons de la grille statutaire. Néanmoins, Benoît Chevauchez , membre de l’Institut de la gestion publique et du développement économique, montre que des progrès existent pour assouplir ces règles contraignantes de la fonction publique. Il souligne que, suite à la réforme budgétaire de la LOLF, « à un budget de performance doit être symétriquement associée une fonction publique de performance ». L’adaptation des organigrammes des administrations au nouveau mode de management 113 BARILARI André, « La réforme budgétaire et la responsabilisation des acteurs », Revue française de finances publiques », n°91, sptembre 2005 114 Loi du 13 juillet 1983 portant statut général de la fonction publique, loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives aux fonctionnaires territoriaux 115 CHEVAUCHEZ Benoît, « Réforme de l’Etat : les perspectives ouvertes par la LOLF », in FERRANDON Benoît (sous la direction de), Budget de l’Etat et finances publiques, Paris : La documentation française, Cahiers français, n°329, nov-dec 2005, 86p. Pittet Nicolas - 2007 47 La LOLF story , les enjeux communs et les spécificités des démarches locales de performance par rapport à la LOLF. Comme les règles de la fonction publique, les organigrammes des administrations d’Etat et des grandes collectivités locales opposent des rigidités à la logique de responsabilisation des gestionnaires. Les administrations des grandes collectivités, comme les administrations 116 de grandes villes ou de départements , peuvent être comparées à des administrations de l’Etat. En effet, ces types d’administrations sont fortement structurés par des organigrammes pyramidaux. Ils se caractérisent souvent par un fonctionnement bureaucratique, c’est-àdire une stricte définition des règles et du travail de chacun et un système hiérarchique qui contrôle tout. Dans ce cadre, l’identification de niveaux de responsabilité managériale est rendue délicate dans la mesure où cela va à l’encontre des circuits pyramidaux de décision. De plus, la reconnaissance de responsabilités des gestionnaires sur la mise en place d’actions publiques conduit à insuffler de la transversalité dans l’organisation. En effet, les actions publiques dépendent rarement d’une direction unique. Or, dans les grandes administrations locales et de l’Etat, la transversalité entre services fonctionne peu. Par ailleurs, la responsabilisation des gestionnaires conduit à repenser les rôles 117 respectifs des directions dites opérationnelles et des directions dites fonctionnelles . Ces dernières exercent traditionnellement une autorité quasi exclusive sur les ressources budgétaires et humaines. André Barilari distingue quant à lui, pour l’Etat, les directions de missions des directions de moyens : « Les ministères étaient le plus souvent organisés au niveau central en distinguant des directions de missions et des directions de moyens. Les premières envoyaient des directives opérationnelles (…) sans être suffisamment proportionnées aux moyens disponibles, les deuxièmes géraient les moyens de manière 118 trop autonome sans lien organique avec les finalités. » Or, dans le cadre d’une responsabilisation des gestionnaires, la gestion des moyens doit être associée au pilotage de l’action. La responsabilisation entraîne un partage de la gestion des ressources entre les directions fonctionnelles et les directions opérationnelles. Les processus de l’administration se voient donc profondément transformés. A la fois l’Etat et les collectivités locales conduisent donc des transformations organisationnelles pour mettre en œuvre cette responsabilisation des gestionnaires. B. Les caractéristiques de la mise en œuvre de la responsabilisation des acteurs au sein des services de l’Etat et des collectivités locales La LOLF et les démarches locales de performance se traduisent par la mise en place de modes de management déconcentrés. Au sein des services l’Etat, la LOLF crée une nouvelle chaîne de responsabilités avec à sa tête le responsable de programme. Au sein des services des collectivités locales, la responsabilisation passe souvent par un processus de déconcentration de la gestion au sein des services. 1. La création par la LOLF de la fonction de responsable de programme, doté de marges de manœuvre importantes La LOLF introduit un nouvel acteur dans la gestion budgétaire et financière étatique : le responsable de programme. Cette nouvelle fonction participe pleinement au pilotage de la performance dans la mesure où le pilotage des objectifs du programme est associé 116 Les services de grandes villes ou de départements emploient plusieurs milliers d’agents et sont fortement structurés par directions et services au fonctionnement assez étanches les uns des autres. 117 118 48 Par exemple, les directions des finances ou les directions des ressources humaines. BARILARI André, op. cit. Pittet Nicolas - 2007 Partie 2. La responsabilisation des gestionnaires comme levier commun des démarches locales de performance et de la LOLF pour améliorer le pilotage budgétaire et le dialogue de gestion à l’allocation des moyens au sein de la fonction du responsable de programme. Un management par objectifs est ainsi instauré. En outre, le responsable de programme exerce son action en déléguant ses responsabilités à des responsables de budgets opérationnels de programme (BOP). La mise en place d’un management par objectifs La mise en place d’un management par les objectifs se manifeste par la nomination par les ministres des responsables de programmes au sein de l’administration. Le responsable de programme est chargé de piloter la mise en œuvre du programme en déclinant les objectifs au sein des différentes administrations concourrant au programme et en gérant l’allocation des moyens. Il élabore les objectifs stratégiques du programme et rend compte des résultats obtenus. Le responsable de programme est souvent un directeur d’administration centrale. La fonction de responsable de programme est éminemment transversale dans la mesure où celui-ci exerce ses compétences budgétaires sur l’ensemble des administrations contribuant à la mise en œuvre du programme. Le mode de management instauré est donc tout à fait nouveau au sein des services de l’Etat, d’autant plus qu’une chaîne de responsabilités est mise en place par les responsables de programmes. La mise en place d’une chaîne de responsabilité financière La mise en œuvre opérationnelle du programme est réalisée par délégation du responsable de programme aux différents responsables de BOP. Les BOP « prolongent le programme en assurant la déclinaison opérationnelle des actions et des crédits qui lui sont liés et 119 des objectifs et indicateurs » . Ainsi, un programme est décliné en plusieurs BOP. Des responsables de BOP pilotent ce cadre de gestion, ce qui crée un nouveau niveau de responsabilisation. Les BOP peuvent eux-mêmes être divisés en unités opérationnelles. Cette organisation ne se cale pas forcément sur les structures administratives. Par conséquent, le responsable de programme doit mettre en place une chaîne de responsabilité avec un dispositif de contrôle de gestion précis, qui permette d’évaluer les performances des différents services. Le cadre de gestion ainsi instauré est plus responsabilisant et plus exigeant en termes de compte-rendu des résultats attendus. La mise en place de la fonction de responsable de programme fait donc évoluer les structures et les procédures des services de l’Etat dans le sens d’une déconcentration des moyens. Cette évolution est aussi visible au sein des services de grandes collectivités locales. 2. La responsabilisation des gestionnaires au sein des collectivités locales passe souvent par la déconcentration de la gestion. Au sein des grandes collectivités locales, les administrations se réforment profondément dans le sens d’une déconcentration de la gestion. La déconcentration de la gestion est le transfert de compétences de gestion des directions fonctionnelles vers les directions opérationnelles. Les compétences de gestion sont les fonctions support de la collectivité : finances, ressources humaines, marchés publics ou encore informatique. La déconcentration de la gestion vise à rendre l’administration plus réactive et plus rapide grâce à des circuits de décision et d’intervention plus courts. Elle s’inscrit dans une logique d’optimisation de l’utilisation des moyens en rapprochant les acteurs chargés des arbitrages 119 DUPRAT Jean-Pierre, SIMMONY Marc, « Les budgets opérationnels de programme », Revue française de finances publiques, n°93, fev 2006 Pittet Nicolas - 2007 49 La LOLF story , les enjeux communs et les spécificités des démarches locales de performance par rapport à la LOLF. et ceux chargés d’évaluer les besoins. Les compétences transférées dépendent du choix de la collectivité du degré de déconcentration qu’elle souhaite réaliser. La déconcentration de la gestion est réalisée par la définition des grands processus de gestion de la collectivité et par le partage des activités de ces processus entre les directions opérationnelles et les directions fonctionnelles. La déconcentration de la gestion conduit donc à transformer les rôles respectifs des directions fonctionnelles et des directions opérationnelles. En effet, la déconcentration se traduit par le renforcement des compétences des directions opérationnelles sur le plan de la gestion. Des services ressources ou gestion sont créés au sein de ces directions afin que les ressources soient pilotées directement par la direction qui les consomme. A titre d’exemple, une collectivité qui fait le choix de déconcentrer la fonction financière est amenée à déconcentrer la chaîne de mandatement des dépenses publiques et de titrement des recettes. La déconcentration peut aller jusqu’à confier l’ensemble de la chaîne de la dépense publique, mandatement compris, aux directions opérationnelles. Dans ce cas, la direction des finances ne conserve plus qu’un rôle de contrôle et de consolidation de l’ensemble des informations. La déconcentration conduit donc à transformer le rôle des directions fonctionnelles de fonctions de gestion vers des fonctions d’appui, de conseil et de contrôle auprès des directions opérationnelles. La Ville de Lyon a ainsi opéré une large déconcentration de sa fonction financière depuis le début des années 2000. Des postes de Responsables administratifs et financiers (RAF) ont été créés au sein de chaque direction opérationnelle. A la direction des finances, des Secteurs ont été créés afin de suivre, apporter un appui et coordonner l’activité des différents RAF. Un autre exemple de déconcentration de la gestion peut être donné par le 120 Conseil général de l’Isère . La démarche mise en place dans cette collectivité est duale : une déconcentration de la gestion vers les directions opérationnelles, par la création de pôle ressources, et une déconcentration des directions opérationnelles vers des unités territoriales, visant à une territorialisation de l’action. Quel que soit le type de déconcentration mené, ces démarches se traduisent par un accroissement des responsabilités des directions opérationnelles puisqu’elles sont conduites à piloter directement les ressources. La déconcentration de la gestion casse les lignes hiérarchiques traditionnelles des administrations locales en responsabilisant les services non seulement sur leurs activités mais aussi sur les ressources afférentes à ces activités. Dans ce contexte, les démarches locales de performance s’inscrivent très souvent dans le cadre d’un projet global de déconcentration de la gestion. Cette déconcentration permet de responsabiliser les gestionnaires sur les moyens et les objectifs de l’action publique. La LOLF et les démarches locales de performance apparaissent donc comme étant des projets de structure. En effet, il est nécessaire de diffuser le système de pilotage de la performance au sein de l’ensemble de l’organisation par le biais d’une responsabilisation des gestionnaires. Cette responsabilisation donne lieu à de vastes mouvements de déconcentration de la gestion. Au sein des collectivités locales, la responsabilisation est un levier privilégié des démarches locales de performance et est mise en œuvre avec des formes différentes d’une collectivité à une autre. II. La responsabilisation des gestionnaires constitue la pierre angulaire des démarches locales de performance. 120 Source : GIRIAT Mathilde, « La déconcentration de la gestion au Conseil général de l’Isère : vers une amélioration du service public de proximité », Rapport de stage-mission longue durée soutenu le 14 septembre 2005, IEP de Lyon, 85p. 50 Pittet Nicolas - 2007 Partie 2. La responsabilisation des gestionnaires comme levier commun des démarches locales de performance et de la LOLF pour améliorer le pilotage budgétaire et le dialogue de gestion « La transposition des principes de la LOLF dans les collectivités locales est avant tout un projet organisationnel et de conduite du changement avant d’être un chantier comptable 121 et financier. » Ces propos soulignent donc qu’une des caractéristiques principales des démarches locales de performance est d’être des projets d’adaptation des structures des collectivités à une culture de gestion et une logique de performance. Les démarches menées cherchent à instaurer dans les organigrammes des collectivités des mécanismes de responsabilisation sur le pilotage de l’action. Parmi les démarches locales de performance, on peut observer que la mise en œuvre de ces mécanismes de responsabilisation passe, la plupart du temps, par des chantiers comptables et financiers. Néanmoins, l’exemple du Grand Lyon, montre que la responsabilisation peut aussi être initiée par un projet de réforme du management de la collectivité. A. Des démarches locales de performance dont la porte d’entrée est la gestion budgétaire La plupart des démarches locales de performance observées actuellement ont comme point de départ une réforme budgétaire et financière. Cette réforme se traduit par l’adoption d’une logique de résultats pour la construction et l’exécution du budget. Le but poursuivi est que les moyens financiers soient alloués en fonction des objectifs poursuivis par l’action publique et en fonction des résultats obtenus précédemment. Pour cela, les démarches locales de performance mettent en place des niveaux de responsabilité liés à la segmentation analytique du budget réalisée. Le budget devient ainsi un acte de management majeur de la collectivité. 1. La segmentation analytique du budget permet d’identifier des responsables à chaque niveau de l’architecture budgétaire. En parallèle au découpage analytique du budget, les collectivités identifient des niveaux de responsabilité. Chaque niveau de responsabilité définit ses objectifs propres. A la base de la chaîne de responsabilité ainsi instaurée, les gestionnaires sont responsabilisés sur le pilotage opérationnel des actions. Une déclinaison des responsabilités en fonction de la déclinaison budgétaire Le chapitre 2 du mémoire mettait en avant que les présentations analytiques du budget élaborées au sein des collectivités locales étaient déclinées en fonction de l’arbre des 122 objectifs de la collectivité . Dans ce cadre, en élaborant une segmentation analytique de leur budget, les collectivités locales identifient, pour chaque niveau de l’architecture budgétaire, un responsable identifié : Le Maire et son équipe sont responsables des orientations politiques de la collectivité et donc du niveau budgétaire de la mission. Le DGS et les directeurs de la collectivité sont responsables des orientations stratégiques et donc du niveau budgétaire du programme. 121 Cabinet Mazars, « Le cadre budgétaire » inAssociation des communautés urbaines de France, Groupe Caisse d’épargne, Démarches locales de performance : pratiques et enjeux – Principes consacrés par la LOLF, le rôle précurseur des collectivités locales, 112p. 122 Cf. figure 5 : architecture des présentations analytiques des budgets locaux Pittet Nicolas - 2007 51 La LOLF story , les enjeux communs et les spécificités des démarches locales de performance par rapport à la LOLF. Les directeurs et chefs de service sont responsables de la mise en œuvre opérationnelle des actions et donc du niveau budgétaire de l’action/opération. Cette déclinaison des responsabilités conduit à ce que la préparation budgétaire donne lieu à une discussion autour des objectifs de l’action conduite par la collectivité. Les démarches locales de performance donnent donc lieu à une formalisation des responsabilités des différents acteurs de la collectivité. Ces démarches sont néanmoins subordonnées à la définition des différents types d’objectifs et, en premier lieu, à la définition par le maire et son équipe d’un Plan de mandat qui définisse les priorités politiques de la collectivité. La déclinaison des responsabilités est aussi conditionnée par la mise en œuvre de procédures de dialogue entre les différents niveaux de responsabilités, voire à une contractualisation. La démarche du PEF de la Ville de Lyon a conduit à formaliser les différents niveaux de responsabilités en fonction de l’architecture budgétaire. Le tableau suivant montre donc les différents niveaux de responsabilité et les processus de définition des objectifs. Figure 6 : les niveaux de responsabilité identifiés avec la mise en place du PEF Source : NYS Olivier, « Ce que la LOLF dit aux collectivités… L’exemple de la Ville de Lyon », Revue française de finances publiques, n°95, sept 2006 A consulter sur place au Centre de Documentation Contemporaine de l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon La mise en place du PEF s’est donc traduite par la volonté de faire coller l’architecture budgétaire aux différents niveaux de responsabilité qui existent au sein de la collectivité. Au Conseil général de la Mayenne, le projet de Nouvelle gouvernance a aussi cherché à adosser les responsabilités à l’architecture budgétaire. Ainsi, les périmètres de compétence des commissions d’études, composées des élus du département, ont été redéfinis pour coller aux missions du budget. Le rôle des présidents de commission a été renforcé pour devenir l’interlocuteur des responsables administratifs des programmes. En effet, une nouvelle fonction de responsable de programme a été créée au sein des services du Conseil général. La création de fonctions de responsable de programme à dimension transversale Les démarches locales de performance donnent lieu à la création de fonctions de responsables de programme, qui sont placés à la base du pilotage opérationnel des actions. La création de ces fonctions est la conséquence de la déconcentration de la gestion. Les responsable de programme appartiennent aux directions opérationnelles mais ont des compétences en termes de gestion budgétaire et financière. En effet, les responsables identifiés pilotent les crédits du et des programmes qui sont sous la responsabilité des directions auxquelles ils appartiennent. Les responsables doivent rendre compte des objectifs opérationnels et de la consommation des crédits du programme aux autres niveaux de responsabilité identifiés dans la collectivité. Ce type de fonction introduit dans la collectivité un management transversal étant donné que les responsables identifiés sont à l’interface entre la direction opérationnelle et les directions fonctionnelles. Des rapports transversaux se créent également par la création d’un réseau des responsables de programme au sein de la collectivité. Le rôle de la direction des finances est alors de faire vivre et de coordonner ce réseau dans le but que les procédures et la stratégie financières de la collectivité soient mises en œuvre de la même façon d’une direction à une autre. 52 Pittet Nicolas - 2007 Partie 2. La responsabilisation des gestionnaires comme levier commun des démarches locales de performance et de la LOLF pour améliorer le pilotage budgétaire et le dialogue de gestion Ce nouveau mode de management apparaît, avec des modalités différentes, dans plusieurs grandes collectivités. A la Région Bretagne, des responsables de programme ont été identifiés dans chaque direction. Ils ont un rôle « d’interface privilégiée entre les 123 directions et les directions ressources pour l’exécution opérationnelle des programmes » . Le responsable de programme a ainsi notamment comme rôle de : formaliser la présentation des objectifs opérationnels du programme ; formaliser la déclinaison du programme en actions ; formaliser les réalisations attendues par action ; évaluer les moyens nécessaires à l’action. L’action des responsables de programme est coordonnée par les directeurs et les DGA. Le conseil général de la Mayenne a aussi choisi de créer une telle fonction de responsable de programme. Celui-ci coordonne l’action des différents services qui contribuent à la réalisation du programme. La Ville de Lyon n’a pas fait le choix d’utiliser cette notion de responsable de programme. En revanche, depuis la mise en œuvre de la déconcentration de la fonction financière, il existe au sein de chaque direction des Responsables administratifs et financiers. Dans ce cadre, l’un des objectifs du PEF était d’accompagner cette déconcentration de la fonction financière. Le découpage du budget en programmes/ opérations devait doter les RAF d’un outil pour avoir une vision financière des activités de leur direction et permettre une gestion financière qui responsabilise les directions. Chaque RAF est donc responsable des programmes et opérations qui relèvent de sa direction du point de vue de la préparation et de l’exécution budgétaire. Les RAF sont donc chargés de construire des outils de suivi budgétaire des programmes et opérations pour pouvoir en rendre compte. 2. Faire du budget un acte managérial Olivier Nys, DGA à la Ville de Lyon, utilise cette expression « d’acte budgétaire 124 managérial » pour décrire le rôle qu’il entend donner au PEF. En effet, le découpage analytique du budget de la collectivité et l’identification de responsables de chaque niveau du découpage budgétaire doivent permettre d’évaluer les résultats de l’action publique. Au terme de l’année, les responsables savent s’ils ont réussi ou échouer dans leur action. Le budget devient un outil de management dans la mesure où il confère à chaque direction une autonomie financière en contrepartie de l’atteinte des objectifs de la collectivité. Pour autant, les démarches locales de performance n’ont pas encore véritablement mis en place ce nouveau mode de management. Comme le montre le prochain chapitre du mémoire, ce nouveau mode de management est conditionné par la mise sur pied d’un dialogue de gestion riche au sein de la collectivité. Par ailleurs, des collectivités ont choisi d’utiliser le levier de la responsabilisation des gestionnaires pour améliorer la performance, non pas par le biais de la gestion budgétaire, mais par le biais de la contractualisation. B. Une démarche locale de performance dont la porte d’entrée est le management : l’exemple du Grand Lyon 123 MORDRELLE JC, Organiser le cadre budgétaire et comptable des collectivités autour de la finalité de la dépense – Contraintes et objectifs (Conseil régional Bretagne), présentation pour la journée du 30 mai 2007 124 NYS Olivier, op. cit. Pittet Nicolas - 2007 53 La LOLF story , les enjeux communs et les spécificités des démarches locales de performance par rapport à la LOLF. 125 Le Grand Lyon est l’exemple d’une démarche locale de performance originale où la responsabilisation des gestionnaires a été également un moyen privilégié pour mettre en place un système de pilotage de la performance. Alors que beaucoup de collectivités ont privilégié pour cela la réforme budgétaire, la démarche du Grand Lyon n’a pas comme point de départ cette voie. En effet, le système de pilotage de la performance mis en place s’est traduit par la constitution de chaque direction en un centre de responsabilité. Ces centres de responsabilité sont mis en place par le biais d’une contractualisation entre le DGS et les services. La contractualisation donne lieu à l’affectation de moyens mais n’est pas allée jusqu’à segmenter le budget du Grand Lyon par centre de responsabilité. 1. La contractualisation autour d’objectifs entre le DGS et les centres de responsabilité La démarche des centres de responsabilité du Grand Lyon s’inscrit dans un projet global de changement interne pour l’administration, appelé projet Chrysalis. L’un des changements les plus significatifs introduit par ce projet a été la mise sur pied de centres de responsabilité 126 au sein de chaque service de la Communauté urbaine . Un centre de responsabilité est « une unité organisationnelle où chaque responsable s’engage à atteindre un certain niveau de performance en contrepartie d’une mise à disposition de moyens préalablement 127 définis » . La mise en place de centres de responsabilité vise à « responsabiliser plus fortement les cadres en leur donnant une plus grande autonomie dans la gestion de leurs 128 moyens » . Ainsi, la direction générale du Grand Lyon a fixé plusieurs objectifs aux centres de responsabilité dans une note de cadrage du 4 juin 2003 : permettre au sein de chaque direction d’identifier les marges de progrès techniques, organisationnelles, opérationnelles et leur impact en termes budgétaires et financiers ; repenser les activités et les modes opératoires pour dégager des marges pour financer des nouveaux développements. La réalisation de ces objectifs se fait par le biais d’une contractualisation entre le DGS 129 et les responsables des centres de responsabilité . Au début de chaque année civile, des contrats de responsabilité sont signés entre le DGS et chaque centre de responsabilité. Ces contrats contiennent des objectifs propres à l’activité des centres de responsabilité. Au préalable à la signature du contrat, des discussions sont engagées, dès le mois de juin, entre les centres de responsabilité et la direction générale, par le biais de la direction de 130 l’évaluation et de la performance . Les centres de responsabilité doivent élaborer un plan d’action pour l’année et, conjointement avec la direction générale, définir les objectifs à 125 La communauté urbaine de Lyon est un EPCI qui regroupe 57 communes de l’agglomération lyonnaise. Le Grand Lyon exerce des compétences très importantes pour l’agglomération : développement économique, déplacements urbains, propreté ou encore gestion de l’eau. Pour remplir ses missions, l’EPCI emploie plus de 4 500 agents et a un budget 1,484 milliards d’euros (budget 2006). 126 127 La démarche des centres de responsabilité avait été lancée dès juin 2003, en aval du projet global Chrisalis. GREGOIRE Emeric, PITTET Nicolas, « Le système de pilotage du Grand Lyon », Monographie réalisée dans le cadre du Master 2 pro Management du Secteur public : collectivités et partenaires, avril 2006, 32p. 128 SOUBEYRAN DE SAINT-PRIX Claude, « Rapport de stage sur la mise en place de centres de responsabilité au Grand Lyon », Stage d’observation réalisé au Grand Lyon dans le cadre de la formation initiale d’administratieur territorial, nov 2004 129 130 54 Cf. en annexe le fonctionnement des centres de responsabilité Avant mars 2007, cette direction était la mission audit et contrôle de gestion. Pittet Nicolas - 2007 Partie 2. La responsabilisation des gestionnaires comme levier commun des démarches locales de performance et de la LOLF pour améliorer le pilotage budgétaire et le dialogue de gestion 131 atteindre pour réaliser ce plan d’action . Le contrat de responsabilité contient aussi les 132 types d’indicateurs qui permettront de mesurer l’atteinte des résultats. Cette démarche des centres de responsabilité s’inscrit donc dans une logique de performance dans la mesure où la définition des objectifs et des résultats à atteindre est assortie d’une allocation de moyens. 2. L’allocation de ressources aux centres de responsabilité Le but de la mise en place des centres de responsabilité est de remplir les objectifs fixés au meilleur coût pour la collectivité. Les centres de responsabilité visent donc à susciter des logiques d’efficience et d’efficacité. Des dépenses sont donc affectées aux centres de responsabilité. Les dépenses propres aux activités des centres de responsabilité sont intégrées dans des enveloppes par centre de responsabilité. Leur exécution est faite par 133 les directions. Les dépenses d’administration générale , continuent d’être exécutées par les directions fonctionnelles, mais sont réparties par centre de responsabilité au moment de la contractualisation et sont appelées dépenses affectables. Les centres de responsabilité ont donc une vision de leurs moyens financiers et une liberté de gestion pour les dépenses affectées. La contractualisation détermine un certain niveau de moyens en contrepartie d’une liberté de gestion dans l’utilisation de ces moyens. Le nouveau mode de management ainsi mis en place introduit des instances de dialogue autour du pilotage de la performance de la collectivité entre la direction générale et l’ensemble des services. La démarche devra être complétée par la liaison de cette contractualisation autour d’objectifs et de moyens avec le processus de gestion budgétaire. 3. La poursuite de la démarche : lier la démarche des centres de responsabilité à la gestion budgétaire Jusqu’à présent, la contractualisation entre la direction générale et les centres de responsabilité s’est faite hors du processus de la préparation budgétaire. Le Grand Lyon a fait le choix de mettre en place un dispositif de pilotage de la performance qui soit indépendant de la gestion budgétaire et financière. En effet, les réunions préparatoires des objectifs figurant aux contrats de responsabilité ne sont pas connectées aux conférences budgétaires. Les dépenses affectées aux centres de responsabilité ne concernent actuellement que des dépenses de fonctionnement interne et non des dépenses liées aux politiques dont sont chargées les directions. Par conséquent, le système actuel ne permet pas de passer des objectifs aux justes moyens. La poursuite de la démarche des centres de responsabilité va donc se diriger vers une connexion entre les discussions autour des objectifs et les discussions budgétaires. La poursuite de la démarche entraîne donc une transformation substantielle des processus du Grand Lyon. Comme la LOLF qui est un moteur de la réforme de l’Etat, la véritable nature des démarches locales de performance est d’être des réformes de structure. Ces réformes se traduisent par la formalisation de niveaux de responsabilité au sein des collectivités auxquels sont assignés des objectifs et des moyens. La responsabilisation mise en place vise à associer l’ensemble des services de la collectivité au pilotage de la performance. 131 La direction générale fixe aussi des objectifs transversaux communs à tous les centres de responsabilité, comme la maîtrise de l’absentéisme ou l’amélioration de la qualité du mandatement. 132 Quatre type d’indicateurs sont utilisés : indicateurs de moyens, indicateurs d’activité, indicateurs de performance et indicateurs d’impact. 133 Ces dépenses sont les dépenses de masse salariale, de fourniture de bureau ou encore de gratification des stagiaires. Pittet Nicolas - 2007 55 La LOLF story , les enjeux communs et les spécificités des démarches locales de performance par rapport à la LOLF. Les démarches menées mettent en avant de profonds changements des modes de management et des processus des administrations locales. Par conséquent, il est indéniable qu’un décalage existe entre les projets et leur mise en œuvre opérationnelle. En effet, la poursuite des démarches locales de performance est conditionnée par la mise en œuvre d’un dialogue de gestion formalisé au sein de la collectivité qui implique la participation des agents et des élus. Chapitre 4. La responsabilisation des gestionnaires financiers est un moyen d’améliorer le dialogue de gestion et d’amplifier le pilotage de la performance des collectivités locales. L’accentuation des démarches locales de performance passe par la poursuite des démarches de responsabilisation au sein des collectivités. En effet, ces démarches de responsabilisation obligent les collectivités à adapter leurs processus et leurs structures, en vue d’instaurer un mode de management où les responsables disposent de réelles marges de manœuvres sur l’utilisation des moyens en contrepartie d’objectifs d’efficacité et d’efficience. La mise en place de ces nouveaux modes de management se heurte à des difficultés inhérentes au fonctionnement traditionnel des administrations locales. Mais le dépassement de ces difficultés est nécessaire pour mettre en place un dialogue de gestion efficace, gage d’un pilotage de la performance de la collectivité. I. La nécessité de stabiliser les modes de management mis en place pour garantir l’approfondissement des démarches locales de performance Les démarches locales de performance se heurtent souvent à des obstacles d’ordre organisationnel et d’ordre réglementaire. Ces obstacles conduisent souvent à ce que les démarches locales de performance n’ont pas les impacts attendus sur le fonctionnement de la collectivité en termes d’amélioration de la performance. D’une part, les collectivités qui ont expérimenté une segmentation analytique de leur budget doivent stabiliser cette architecture et les processus qui permettent de lier l’architecture propre de la collectivité aux obligations réglementaires. D’autre part, les collectivités qui ont créé des fonctions de responsable de programme ou des centres de responsabilité doivent mieux définir leur rôle et les procédures d’intéressement aux résultats. A. La stabilisation des segmentations analytiques des budgets locaux La segmentation analytique des budgets locaux accompagne la déconcentration de la gestion et la responsabilisation dans la mesure où elle permet aux différentes directions des collectivités d’avoir une connaissance du coût des politiques menées. Néanmoins les coûts des politiques publiques dépendent de l’action conjointe de plusieurs directions. Les segmentations analytiques se heurtent ainsi souvent à la nécessité de devoir dépasser les structures administratives. L’appropriation de ces présentations budgétaires analytiques est aussi gênée par le nécessaire respect des règles comptables 56 Pittet Nicolas - 2007 Partie 2. La responsabilisation des gestionnaires comme levier commun des démarches locales de performance et de la LOLF pour améliorer le pilotage budgétaire et le dialogue de gestion 1. La difficulté de l’affranchissement de l’architecture budgétaire du découpage administratif des services Pour être pertinentes et servir le pilotage de la performance de la collectivité, les architectures budgétaires construites doivent consolider les coûts complets de chaque politique publique. Or, la difficulté de consolider les crédits provenant de plusieurs directions et la difficulté de répartir les crédits des fonctions supports conduisent à ce que les architectures construites reflètent le découpage administratif et non les politiques de la collectivité. Le défi de la transversalité Les politiques publiques menées par les collectivités locales relèvent, la plupart du temps, de la compétence conjointe de plusieurs directions de la collectivité. Le découpage des budgets locaux dans des présentations analytiques par politiques publiques oblige donc à réunir, au sein d’un même programme, les crédits provenant de directions différentes. Les démarches locales de performance conduisent à instaurer davantage de transversalité entre les services des collectivités. Comme il a été étudié dans le chapitre précédent, le rôle des responsables de programme est bien de coordonner l’action des différents services concourrant à une même politique publique. Or, ces modes de fonctionnement se mettent en place difficilement au sein des collectivités. Il est délicat de trouver un découpage budgétaire pertinent regroupant l’ensemble des moyens concourrant à une même politique. Le poids des structures administratives conduit à créer des programmes qui reflètent non pas les politiques menées mais les découpages administratifs. A la Ville de Lyon, l’écriture du PEF a eu comme effet pervers de produire un PEF par directions. En effet, en 2003, dans le but d’une appropriation de la démarche du PEF par les services, les directions ont été laissées libres d’écrire les programmes et opérations relevant de leurs activités. Le résultat s’est traduit par un manque de coordination, de transversalité et de cohérence d’ensemble du PEF. Chaque direction a 134 donc écrit un nombre variable de programmes avec des logiques diverses . Au total, le PEF regroupe plus de 500 programmes, ce qui ne garantit pas une meilleure connaissance du coût des politiques publiques menées. Actuellement, les directions des finances et du contrôle de gestion de la Ville de Lyon ont donc entrepris d’améliorer le PEF en vue du prochain mandat municipal. Cette amélioration passe notamment par une réduction du nombre de programmes. Elle passe aussi par une meilleure ventilation du coût des fonctions supports. La difficulté de la ventilation du coût des fonctions supports Les développements précédents du mémoire ont montré que les démarches locales de performance modifiaient les rôles respectifs des directions fonctionnelles et des directions opérationnelles. L’une des modifications opérée est la nécessité d’un partage de la gestion des crédits relevant des directions fonctionnelles. En effet, le découpage analytique du budget de la collectivité ne permettra une véritable responsabilisation des gestionnaires que si ceux-ci ont une connaissance et une marge de manœuvre sur les crédits des ressources consommées. En effet, les programmes construits dans les architectures analytiques ne peuvent informer sur le coût réel des politiques publiques que s’il y a une connaissance 134 Certaines directions ont regroupé leurs activités dans un petit nombre de programmes alors que d’autres directions ont construit plus d’une dizaine de programmes. Il y a eu un manque de définition du contenu et du volume des programmes par la direction générale et la direction des finances. Pittet Nicolas - 2007 57 La LOLF story , les enjeux communs et les spécificités des démarches locales de performance par rapport à la LOLF. du coût des ressources consommées par programmes. Les ressources consommées par les politiques publiques sont essentiellement composées de coûts de personnel et de coûts de fluides. Il est donc nécessaire que les présentations analytiques des budgets puissent opérer une ventilation des coûts de personnel et des coûts de fluides par programmes. Pour cela, un travail transversal entre les directions opérationnelles et les directions des ressources humaines et techniques est indispensable. La ventilation de la masse salariale est ainsi cruciale pour que les programmes reflètent le coût réel des actions de la collectivité. En outre, s’il n’y a pas de connaissance ni de maîtrise des responsables opérationnels sur le coût du personnel, il ne peut y avoir une véritable responsabilisation des gestionnaires sur le pilotage de l’action. La responsabilisation est également limitée par le respect obligatoire des règles des instructions budgétaires et comptables locales. 2. Les contraintes d’ordre réglementaire limitent la possibilité de doter les gestionnaires d’importantes marges de manœuvre. La logique de responsabilisation vise à améliorer la performance de la collectivité en réunissant dans de mêmes mains des objectifs et des moyens associés et en octroyant une plus grande liberté dans la gestion des crédits. Or, dans les collectivités locales, ce mode de management se heurte à certaines règles budgétaires édictées par les instructions comptables locales. Tout d’abord, les instructions comptables exigent une présentation des 135 crédits, dans tous les documents budgétaires , par nature et par fonction. Le vote des 136 documents budgétaires doit être réalisé selon une de ces deux présentations . Ainsi, lorsqu’une collectivité élabore une présentation budgétaire analytique personnalisée, elle ne peut pas voter son budget avec cette présentation et elle est obligée d’élaborer les présentations réglementaires. Les collectivités qui mettent en place des démarches locales de performance gèrent donc trois présentations budgétaires différentes. Mais surtout, la comptabilité locale freine les gestionnaires dans leurs marges de manœuvre au cours de l’exécution budgétaire. En effet, toute modification du budget est soumise à un vote du Conseil municipal. Les gestionnaires financiers n’ont donc pas de possibilité de fongibilité de crédits d’un chapitre budgétaire à un autre sans une approbation du Conseil municipal. Ainsi, lorsque le budget a été voté par nature, toute augmentation ou toute réduction du montant d’un chapitre budgétaire doit être approuvée par le biais d’une décision modificative. Lorsqu’une collectivité choisit de gérer son budget avec une présentation analytique personnalisée, elle laisse souvent la liberté aux directions opérationnelles de pouvoir faire des virements d’un programme à un autre. Or, cette liberté est fortement entravée si le virement souhaité entraîne également un virement d’un chapitre à un autre. Dans ce cas, le virement n’est possible que si le Conseil municipal l’approuve dans une décision modificative. Les marges de manœuvre des responsables de programme sont donc fortement réduites sur le plan de la liberté de gestion des crédits, ce qui pose des questions sur l’étendue de leurs responsabilités. B. La définition du rôle des responsables de programme La déconcentration de la gestion dans les collectivités locales ou encore la création de fonctions de responsables de programmes ou de centres de responsabilités bouleverse le 135 Les différents documents budgétaires des collectivités locales sont : le budget primitif, le budget supplémentaire, les décisions modificatives et le compte administratif. 136 La plupart des collectivités votent leur budget par nature. Les communes de moins de 10 000 habitants n’ont pas le choix du mode de présentation et doivent voter leur budget obligatoirement par nature. 58 Pittet Nicolas - 2007 Partie 2. La responsabilisation des gestionnaires comme levier commun des démarches locales de performance et de la LOLF pour améliorer le pilotage budgétaire et le dialogue de gestion fonctionnement traditionnel des grandes administrations locales. Ces démarches obligent à un fonctionnement plus transversal entre les services et à une objectivation de l’action. Serge Huteau, contrôleur de gestion au Conseil général de la Mayenne, met ainsi en avant que « la nouvelle gestion publique doit s’entendre également comme une nouvelle gestion des ressources humaines qui contribue à mobiliser chacun dans la démarche de 137 performance et à reconnaître l’implication personnelle » . Néanmoins, il est difficile de déterminer l’ampleur des marges de manœuvre laissées aux responsables de programme. De plus, la piste de l’intéressement aux résultats est encore une voie peu explorée au sein des collectivités locales. 1. La détermination de l’ampleur des marges de manœuvre accordées aux responsables de programme Annie Bartoli note que la LOLF et les démarches de modernisation au sein du secteur public 138 mènent à « l’émergence du manager public » . Le manager est un responsable, au sein de l’organisation, à qui des objectifs sont fixés mais qui détient une certaine autonomie dans le pilotage de l’action. Par conséquent, la formalisation, dans le cadre de démarches locales de performance, de niveaux managériaux disposant de référentiels d’objectifs clairs et de moyens financiers attribués rentre dans cette évolution de l’émergence du manager public. La volonté dans les grandes collectivités est que l’ensemble des agents contribue au pilotage de la performance. Pour cela, des fonctions de responsable sont identifiées, voire des centres de responsabilité sont constitués. Les collectivités doivent donc s’attacher à développer les compétences dans le domaine de la définition d’objectifs, de l’animation d’équipes et du pilotage des actions. Pour autant, la création de ces fonctions et de ces entités de responsabilité ne doit pas déboucher à être des coquilles vides. Toute responsabilité doit s’accompagner d’une réelle marge de manœuvre dans la gestion, et notamment la gestion financière et la gestion des ressources humaines. Une difficulté à cela est posée, comme il a été étudié précédemment, par les règles de droit public qui régissent le fonctionnement des collectivités locales. Seuls les élus ont le pouvoir final de décision au sein des collectivités locales, dans la mesure où l’action publique et la dépense publique sont légitimes grâce à l’élection et la responsabilité politique. Dans ce contexte, le processus de prise de décision au sein des collectivités locales se déroule essentiellement par le dialogue entre l’exécutif et la direction générale de la collectivité. Cependant, la formalisation des processus au sein des collectivités permet de déconcentrer la gestion et de déléguer des responsabilités aux gestionnaires. Les difficultés de la responsabilisation résident pourtant dans l’équilibre à trouver entre la centralisation totale de la gestion des ressources de la collectivité et une déconcentration trop forte qui ne garantirait plus une cohérence de l’action de la collectivité. Par conséquent, la réponse à cet équilibre est la mise sur pied d’un dialogue de gestion qui implique l’ensemble des niveaux hiérarchiques de la collectivité pour impliquer tous les niveaux de responsabilité au pilotage de la performance. De plus, la montée en puissance de la responsabilisation réside dans la capacité des collectivités à instaurer un management transversal et à travailler en mode projet. A cet égard, le Grand Lyon a entrepris de renforcer son fonctionnement par centres de responsabilité en fixant une cartographie des processus de la collectivité, qui permette d’obtenir un consensus sur les responsabilités de chacun et sur les procédures de 137 HUTEAU Serge, « La LOLF : un référentiel de la nouvelle gestion publiue transposable aux collectivités territoriales. Le projet de Nouvelle Gouvernance du conseil général de la Mayenne. », La Revue du Trésor, juin 2007 138 BARTOLI Annie, op.cit. ; p.376 Pittet Nicolas - 2007 59 La LOLF story , les enjeux communs et les spécificités des démarches locales de performance par rapport à la LOLF. dialogue entre les différents niveaux. En outre, pour impliquer tous les agents au pilotage de la performance, des collectivités expérimentent l’intéressement aux résultats. 2. La voie de l’intéressement aux résultats Le pilotage de la performance au sein des collectivités locales et la responsabilisation qui l’accompagne posent la question de la modulation des rémunérations en fonction de l’échec ou du succès sur les objectifs fixés. L’implication des agents à l’amélioration de la performance de la collectivité locale peut passer par la mise en place de mécanismes qui établissent un lien entre la contribution de chacun aux résultats du service et la rétribution qui en est tiré. Ces projets d’intéressement se traduisent par une forme nouvelle de gestion des ressources humaines au sein des collectivités locales : la gestion par objectifs. Les collectivités qui mettent en place de telles solutions doivent explorer les quelques possibilités de modulation de la rémunération des agents qu’offrent les statuts de la fonction publique territoriale. La mise en œuvre de la gestion par objectifs Le contrôleur de gestion du Conseil général de la Mayenne fait le constat suivant : « Le niveau de réalisation des objectifs globaux au sein d’un programme n’est que la conséquence de l’activité des agents de la collectivité. Ne pas reconnaître leur contribution 139 à la performance conduit à terme à une démobilisation. » Par conséquent, le pilotage de la performance d’une collectivité locale passe par l’implication de chacun des agents. La déclinaison des objectifs de la collectivité selon l’arbre des objectifs peut donc aller jusqu’à la définition d’objectifs personnalisés par agents de la collectivité. Ces pratiques introduisent des nouveautés majeures dans la gestion des collectivités locales. En effet, le mode de gestion des ressources humaines le plus répandu est la notation basée sur l’ancienneté et l’attribution d’indemnités et de primes sur une base égalitaire. Néanmoins, des nouveaux outils de gestion des ressources humaines se développent au sein du secteur public local. La pratique de l’entretien d’évaluation annuel est généralisée. L’adaptation du régime indemnitaire selon la valeur professionnelle des agents se développe. Mais, au préalable d’un intéressement des agents au résultat, il est indispensable de définir très clairement les résultats attendus. La gestion par objectifs passe par la mise en place de contrats d’objectifs 140 personnalisés . Ces dispositifs permettent une reconnaissance du rôle des agents au sein de la collectivité locale et une stimulation des performances. Le contrat d’objectifs est conclu entre l’agent et son supérieur hiérarchique. Il contient trois types d’informations : les objectifs à atteindre, les moyens à disposition pour atteindre ces objectifs et les indicateurs d’évaluation. Il est nécessaire que les co-contractants soient absolument d’accord sur ces trois dispositions. Dans le cadre des démarches locales de performance, les contrats d’objectifs peuvent être une déclinaison des missions et programmes définis par l’architecture budgétaire par politiques publiques. A l’image de ce qui a été entrepris au Grand Lyon, les contrats d’objectifs peuvent être définis pour tout un service. Les contrats d’objectifs constituent ainsi une étape préalable à la modulation des rémunérations des agents en fonction des résultats. 139 HUTEAU Serge, op. cit. 140 60 Source : « Le contrat d’objectifs personnalisé », cours du Master MSPCP d’Anne Blanc-Boge, 2006-2007 Pittet Nicolas - 2007 Partie 2. La responsabilisation des gestionnaires comme levier commun des démarches locales de performance et de la LOLF pour améliorer le pilotage budgétaire et le dialogue de gestion Les possibilités offertes par les statuts de la fonction publique territoriale pour la modulation des rémunérations Le Conseil général de la Mayenne est la collectivité locale qui semble le plus avoir avancé sur l’intéressement des agents aux résultats dans le cadre de sa démarche locale de performance. Le Conseil général a souhaité impliquer tous les agents au pilotage de la performance de la collectivité par une reconnaissance institutionnelle et financière. Deux outils principaux sont utilisés pour cela. D’une part, le rythme d’avancement d’échelon permet de faire avancer plus ou moins vite les agents en fonction de leur mérite et de 141 leur contribution à l’atteinte des résultats. D’autre part, le régime indemnitaire du 142 Conseil général a été totalement refondu. Serge Huteau montre que le niveau des primes peut désormais être modulé en fonction de trois composantes : la fonction exercée, la performance collective et la performance individuelle. La performance collective dépend des résultats du programme sur lequel intervient l’agent. Tous les agents, quel que soit leur grade, touchent la prime si les résultats obtenus sont conformes aux objectifs fixés. La performance individuelle est appréciée dans le cadre de l’entretien annuel d’évaluation en fonction des objectifs fixés. Le dispositif mis en place au Conseil général de la Mayenne est intéressant dans la mesure où il souligne que les statuts de la fonction publique territoriale laissent des possibilités importantes à une rémunération au mérite. L’intéressement financier des agents devrait permettre de mettre en mouvement l’ensemble de la collectivité vers un pilotage de la performance. Le fonctionnement de ce système est pourtant fortement conditionné par l’existence d’un dialogue de gestion riche et efficace au sein de la collectivité afin que les objectifs soient partagés par tous. II. La démarche de responsabilisation entraîne la mise en place d’un dialogue de gestion, gage d’une mobilisation de la collectivité dans le pilotage de la performance. Les démarches locales de performance, telles que décrites dans ce mémoire, engendrent au sein des collectivités territoriales des changements profonds dans le management des administrations. Les démarches de contrôle de gestion, d’objectivation de l’activité ou encore de reformatage de l’information financière au sein de présentations budgétaires analytiques engendrent des concertations accrues entre les différents niveaux hiérarchiques de la collectivité. Dans ce contexte, des niveaux de responsabilité managériale sont identifiés. Le dialogue de gestion est ainsi une notion utilisée pour qualifier les processus de concertation et de décision mis en place au sein des collectivités qui entreprennent de mobiliser leurs services vers le pilotage de la performance. Le cabinet KPMG définit ainsi la notion de dialogue de gestion : « l’ensemble des processus d’échanges, entre niveaux hiérarchiques ou managériaux, relatifs aux moyens, résultats et objectifs constitutifs 143 de la performance de l’action publique » . Le dialogue de gestion désigne donc les 141 Dans la fonction publique territoriale, la rémunération des agents est composée du traitement correspondant au grade et à l’échelon de l’agent, complété d’un éventuel régime indemnitaire déterminé par la collectivité. 142 143 HUTEAU Serge, op.cit. KPMG, « Objectifs, concepts et enjeux méthodologiques d’un système de pilotage par la performance » inAssociation des communautés urbaines de France, Groupe Caisse d’épargne, Démarches locales de performance : pratiques et enjeux – Principes consacrés par la LOLF, le rôle précurseur des collectivités locales, 112p. Pittet Nicolas - 2007 61 La LOLF story , les enjeux communs et les spécificités des démarches locales de performance par rapport à la LOLF. échanges entre les acteurs de la collectivité locale qui permettent d’enraciner durablement la démarche de performance. Son efficacité au sein de la collectivité dépend de deux grands types de facteurs : l’existence d’un système d’information riche qui permette d’évaluer les résultats de l’action publique et la mobilisation de l’ensemble des acteurs au sein d’un cycle de gestion accepté par tous. A. Le dialogue de gestion est conditionné par l’existence d’un système d’information riche nourri d’indicateurs. Le système d’information d’une organisation est « l’ensemble des ressources, règles et 144 procédures pour acquérir et traiter l’information utile au pilotage de l’organisation » . Il permet d’avoir une vision sur les résultats obtenus par l’organisation et constitue la base du dialogue de gestion entre les différents niveaux managériaux. Le SI permet d’apprécier la contribution des services aux objectifs de l’organisation. L’existence d’un système d’information efficace est ainsi une condition indispensable à la qualité du dialogue de gestion et au pilotage de la performance d’une collectivité locale. L’efficacité du SI dépend de sa capacité à réunir des indicateurs divers reflétant l’activité de la collectivité. La qualité du SI dépend aussi de sa capacité à recouper et consolider les informations utiles au pilotage de la collectivité. Les indicateurs, ainsi produits, sont réunis au sein de tableaux de bord qui doivent être régulièrement produits pour engager le dialogue de gestion entre services, direction générale et élus de la collectivité. 1. Les différents types d’indicateurs et la difficulté de produire des indicateurs liés à l’ensemble de l’action publique René Demeestère définit ainsi la notion d’indicateurs : « Par indicateur, on entend une information quantifiée qui aide à connaître l’état d’un système d’activités (qui peut être un centre de responsabilités, ou un projet, ou un processus…) qu’un responsable est 145 chargé de piloter, ainsi que l’état de son environnement. » Les indicateurs ont donc à la fois une dimension liée à la performance interne et une dimension liée à la performance externe. Ils fournissent une aide à la décision dans le cadre du dialogue de gestion. plusieurs types d’indicateurs sont traditionnellement distingués : les indicateurs de moyens, de résultats, d’objectifs, d’environnement mais aussi des indicateurs plus complexes d’efficience, d’efficacité et d’impact. Quel que soient les types d’indicateurs adoptés, l’important est que l’indicateur permette de formuler un jugement sur la façon dont l’objectif, auquel il est lié, est atteint. L’indicateur est produit par les services opérationnels qui pilotent l’action dans le but de rendre compte des résultats de l’action aux niveaux hiérarchiques supérieurs. Dans le cadre des démarches locales de performance, les projets mis en place visent 146 à fixer des indicateurs aux missions et programmes du budget . Ceci est une condition à la réussite d’une logique de performance dans la mesure où les crédits ainsi inscrits par politique publique sont objectivés et leurs résultats peuvent être évalués. Pourtant, l’avancement des démarches locales de performance n’a pas toujours permis de réussir à déterminer des indicateurs par programme du budget. En effet, il est difficile d’objectiver l’action publique lorsque celle-ci est constituée d’activités récurrentes et régaliennes. Il 144 145 Source : cours de contrôle de gestion du Master MSPCP d’Anne Blanc-Boge, 2006-2007 DEMEESTERE René, Le contrôle de gestion dans le secteur public, Paris : LGDJ, Systèmes, 2002, 196p. ; p.101 146 Par comparaison, l’Etat, avec la LOLF, s’est fixé comme but de lier trois catégories d’indicateurs à chaque programme du budget : un objectif d’efficacité socio-économique, un objectif de qualité de service et un objectif d’efficience de gestion. 62 Pittet Nicolas - 2007 Partie 2. La responsabilisation des gestionnaires comme levier commun des démarches locales de performance et de la LOLF pour améliorer le pilotage budgétaire et le dialogue de gestion existe donc un clivage au sein des politiques publiques entre celles qui sont ponctuelles et liées à un objectif précis et celles qui relèvent de la gestion de services publics dont l’activité est difficilement objectivable. Le dialogue de gestion dépend donc de la capacité des différents niveaux de responsabilité de la collectivité à se mettre d’accord sur des indicateurs pertinents. La pertinence du système d’information dépend aussi de sa capacité à consolider les informations utiles pour le pilotage. 2. La capacité du système d’information à consolider les informations de gestion de la collectivité Le dialogue de gestion entre les différents niveaux hiérarchiques de la collectivité serait enrichi si des informations sur la gestion sont consolidées. Les informations sur la gestion de la collectivité sont les informations liées au budget, aux ressources humaines ou encore aux marchés publics. Le SI de la collectivité doit être en capacité de consolider ces informations lorsqu’elles ont une incidence l’une sur l’autre. Cela implique que les logiciels de gestion de la collectivité soient connectés entre eux. A titre d’exemple, lorsqu’un service de la collectivité conclut un marché public, celui-ci a une incidence sur les finances de la collectivité et peut même avoir une incidence pluriannuelle. Le SI de la collectivité doit 147 donc pouvoir recouper ces informations. A la Ville de Lyon, le diagnostic sur le PEF avait notamment souligné que l’absence de connaissance des montants de masse salariale par programme rendait ces programmes peu représentatifs du coût réel des actions conduites. L’évolution du PEF travaillera donc à ce que le système d’information puisse ventiler les coûts de masse salariale par programme. La consolidation des informations financières et de gestion permet donc d’améliorer l’analyse sur le pilotage de l’action. Les indicateurs et les consolidations ainsi produites sont utilisés dans le cadre du dialogue de gestion grâce à une formalisation sous la forme de tableaux de bord. 3. La formalisation de tableaux de bord base des échanges entre les différents acteurs du dialogue de gestion « Un tableau de bord est un ensemble d’indicateurs se rapportant à une même entité (un centre de responsabilité, un projet, un processus,…), utilisé par la même équipe ou par le même responsable, organisé de façon cohérente à des fins de mesure et de maîtrise des 148 149 performances de cette entité. » Le tableau de bord est ainsi l’outil privilégié, au sein des collectivités locales, pour rendre des comptes sur les résultats obtenus et dialoguer avec les différents niveaux hiérarchiques. Le tableau de bord structure l’information utile pour la prise de décision et constitue un outil de coordination et de concertation avec la ligne hiérarchique. Dans le cadre des démarches locales de performance, les tableaux de bord, qui structurent le système d’information de la collectivité, doivent être liés à la structure budgétaire en missions/programmes. Ils doivent retracer les résultats de ces missions et 147 PITTET Nicolas, « Diagnostic de la démarche du Plan des engagements financiers de la Ville de Lyon », Rapport de stage à la Direction des finances de la Ville de Lyon dans le cadre du Master 2 pro Management du Secteur public : collectivités et partenaires, dec 2006, 126p. 148 149 DEMEESTERE René, op. cit. ; p.103 Le tableau de bord contient généralement quatre éléments essentiels : un tableau rassemblant les indicateurs pertinents ; un graphique pour présenter l’information la plus représentative des données du tableau ; un commentaire clair, précis et concis donnant des indications sur les actions achevées, en cours et à venir ; un encart de références avec les coordonnées de l’émetteur et les sources utilisées. Pittet Nicolas - 2007 63 La LOLF story , les enjeux communs et les spécificités des démarches locales de performance par rapport à la LOLF. programmes et faire le point sur la consommation des crédits. Le tableau de bord permet le dialogue entre les niveaux de responsabilité. Il est produit par les responsables de programme pour permettre la concertation avec les responsables des objectifs stratégiques et des objectifs politiques. L’ensemble des tableaux de bord constituent le SI permettant le pilotage de la performance de la collectivité. Dans son mémoire sur les démarches de gestion par les activités, Fabien Hild affirme à cet égard « qu’un système de pilotage ne se résume pas à la simple identification d’indicateurs mais bel et bien à la mise en tension 150 de ces derniers par différents acteurs » . La mise en tension se produit ainsi par la mobilisation de l’ensemble des acteurs de la collectivité au sein du dialogue de gestion. B. Le dialogue de gestion est conditionné par la mobilisation de tous les acteurs de la collectivité au sein d’un cycle de gestion. Processus d’échange, relatif aux volumes de moyens mis à disposition des entités de la collectivité et aux objectifs qui leur sont assignés, le dialogue de gestion nécessite l’implication de tous les acteurs de la collectivité, des élus aux agents. Cette implication des acteurs est facilitée si le dialogue de gestion s’inscrit dans un cycle déterminé qui assure la pérennité du système de pilotage de la performance. 1. L’implication de tous les acteurs de la collectivité dans une logique de conduite du changement La réussite du dialogue de gestion dépend d’une mobilisation de tous les acteurs, y compris 151 les élus, dans « une logique de conduite du changement orientée vers la performance » . L’implication nécessaire des élus de la collectivité Les démarches locales de performance actuellement menées se caractérisent par une relative absence des élus dans le processus de pilotage de la performance des collectivités. Les projets mis en œuvre sont le plus souvent initiés et pilotés par l’administration. Or, l’exécutif de la collectivité locale est le décideur des politiques et actions menées par l’organisation. Une démarche qui vise à objectiver l’action et à allouer les moyens en fonction de ces objectifs nécessite donc forcément une impulsion de l’exécutif de la collectivité pour légitimer la démarche de performance. La démarche de performance, qui réforme la gestion budgétaire, concerne également les membres de l’exécutif de la collectivité qui sont responsables de leurs crédits dans leurs domaines de compétences. De plus, la déclinaison des objectifs de la collectivité nécessite la formalisation d’objectifs politiques, qui déterminent les priorités de la collectivité. Cette détermination d’objectifs politiques se fait souvent à l’occasion de la définition d’un Plan de mandat par le Maire et sa majorité municipale. A la Ville de Lyon, un Plan de mandat a été élaboré par la majorité municipale en 2001. Le PEF a été bâti sur la base de ce Plan de mandat. Or, les élus n’ont pas été impliqués dans l’élaboration du PEF, ce qui a nuit à l’appropriation de la démarche par l’ensemble de la collectivité et n’a pas favorisé l’adoption d’une logique de conduite de changement. La mise en tension de la démarche de pilotage de la performance dans une logique de conduite du changement 150 HILD Fabien, « L’amélioration de la performance de l’action publique par la mise en œuvre d’une démarche de gestion par les activités », Mémoire pour le Master professionnel Management du Secteur public : collectivités et partenaires, mémoire soutenu le 8 septembre 2005, 130p. 151 64 KPMG, op. cit. Pittet Nicolas - 2007 Partie 2. La responsabilisation des gestionnaires comme levier commun des démarches locales de performance et de la LOLF pour améliorer le pilotage budgétaire et le dialogue de gestion La mise en place d’un dialogue de gestion orienté vers le pilotage de la performance est une démarche novatrice au sein des collectivités locales. Les collectivités ont depuis longtemps mis en place des outils et méthodes pour améliorer la performance de l’organisation. Mais la novation dans les démarches locales de performance actuelles réside dans leur aspect systémique. Ces démarches entendent mobiliser l’ensemble de la collectivité vers le pilotage de la performance, notamment par la voie de la responsabilisation des acteurs. Les modes de management mis en place sont constitués de principes qui modifient profondément les pratiquent traditionnelles de la gestion publique. Dans ce cadre, il est indispensable que le dialogue de gestion s’inscrive dans une logique de conduite de changement. Pour cela, la démarche doit être partagée et impulsée par un management fort. L’ensemble des agents de la collectivité doit pouvoir percevoir l’enrichissement personnel que la démarche peut lui apporter. Cette appropriation du changement au sein de la collectivité sera facilitée si la démarche de performance s’inscrit dans un cycle pérenne et stable du dialogue de gestion. 2. L’instauration d’un cycle de gestion qui pérennise le pilotage de la performance de la collectivité Dans sa contribution à l’étude de l’Association des Communautés urbaines de France sur les démarches locales de performance, le cabinet KPMG met en relief que « les démarches réussies sont celles qui ont su poser les points d’ancrage avec les grands 152 processus structurants qui rythment la vie de la collectivité » . C’est pour cette raison que les démarches locales de performance passent souvent par une réforme budgétaire. Le défi pour la stabilisation des démarches entreprises est donc de pérenniser l’ancrage du pilotage de la performance dans les grands processus de la collectivité. Cela nécessite une adaptation des processus de la collectivité mais aussi une adaptation des modes de gestion et des modes de pensée des acteurs des collectivités locales. Les démarches locales de performance induisent donc un changement profond des modes de fonctionnement et de management des collectivités locales. 152 KPMG, op. cit. Pittet Nicolas - 2007 65 La LOLF story , les enjeux communs et les spécificités des démarches locales de performance par rapport à la LOLF. Conclusion Ce mémoire traite d’un sujet qui est fortement discuté et débattu au sein du secteur public dans son ensemble. De nombreux rapports, articles, études et colloques sont produits sur les thèmes de l’amélioration de la performance de la gestion publique, et plus particulièrement sur les démarches de performance au sein du secteur public local. La difficulté résidant dans le choix d’un tel sujet est donc d’apporter des éléments originaux aux débats actuels. Le mémoire entend tout d’abord mettre en relief la nécessité pour les collectivités locales de piloter leur gestion budgétaire et financière dans le sens d’une maîtrise des dépenses publiques. En effet, les collectivités locales sont conduites à assumer de plus en plus de compétences stratégiques et coûteuses. Le processus de décentralisation n’est susceptible que de s’accentuer dans les années à venir. Dans le même temps, les collectivités locales sont confrontées à une situation financière de l’Etat très préoccupante compte tenu du niveau des déficits et de l’endettement publics. Ainsi, bien qu’actuellement en bonne santé financière, les collectivités locales doivent prévoir une stagnation, voire une baisse, de leurs ressources. Par conséquent, assez paradoxalement, les collectivités locales sont contraintes, tout comme l’Etat, à maîtriser leurs dépenses publiques dans le but de dégager de nouvelles marges de manœuvre financières. C’est dans ce contexte que la notion de performance, qui naturellement ne correspond pas à l’activité du secteur public, s’est développée au sein de la gestion publique dans son ensemble. En effet, il apparaît indispensable que l’Etat et les collectivités locales adoptent une nouvelle logique pour gérer leurs budgets et leurs finances. Jusqu’à il y a peu, le secteur public n’avait pas l’habitude de remettre en cause les moyens financiers engagés pour une politique d’une année sur l’autre en fonction des résultats obtenus. Le critère de réussite d’une politique publique était souvent le critère de la hausse des crédits engagés. Or, cette logique inflationniste ne correspond plus à une gestion publique dont les finances sont placées sous contrainte. Ainsi, la mise en œuvre d’une logique de performance vise à objectiver l’action publique et à adapter les moyens financiers en fonction de ces objectifs et des résultats obtenus. Les collectivités locales ont mis en place divers outils pour piloter leur performance. Mais l’adoption par l’Etat de la LOLF a un retentissement majeur compte tenu de la révolution que constitue la LOLF pour la gestion budgétaire et financière de l’Etat. Michel Bouvier souligne donc que le contexte actuel est propice à « autant de facteurs favorables au développement d’une logique de responsabilité s’appuyant sur une culture de résultat qui devrait, er sous l’impulsion de la loi organique du 1 août 2001 relative aux lois de finances 153 irriguer l’ensemble du secteur public dans les années à venir » . Le mémoire entend donc mettre en avant le développement de cette logique de responsabilisation des cadres et gestionnaires du secteur public sur la gestion financière. Cette nouvelle logique constitue une orientation commune prise par les démarches locales de performance et revêt des enjeux communs avec les dispositions de la LOLF. Le travail de découpage des budgets locaux en présentations analytiques personnalisées par politique publique vise en grande partie à identifier des responsabilités financières à chaque niveaux hiérarchiques de la collectivité locale. Ainsi, en dotant de responsabilités financières les 153 66 ème BOUVIER Michel, Les finances locales, Paris : LGDJ, Systèmes, 2005, 10 édition, 219p. ; p.36 Pittet Nicolas - 2007 Conclusion gestionnaires, qui mettent en œuvre de manière opérationnelle les politiques publiques, les décisions sont prises au plus près de l’action publique. Ce système de pilotage de la performance conduit à la mise en place d’un processus de dialogue de gestion qui permet les discussions et les arbitrages au sein de la collectivité. Les élus ont une place majeure à prendre dans ce dialogue de gestion étant donné qu’ils sont les dépositaires de la légitimité de l’action publique. Les démarches locales de performance sont donc, en plus d’être des démarches de modernisation de la gestion financière, des réformes profondes du management et des processus des collectivités locales. Néanmoins, ces réformes importantes ne doivent pas perdre de vue les finalités de la performance publique. La performance en elle-même n’a pas de sens. La performance publique ne doit pas devenir une sorte d’idéologie qui irrigue l’ensemble du secteur public. Dans ce cas, les démarches de performance risqueraient d’être vues schématiquement comme des démarches qui cherchent avant tout à diminuer la dépense publique et l’intervention de l’Etat et des collectivités locales. Or, le pilotage de la performance n’a pas pour but une diminution des dépenses publiques mais une répartition de ces dépenses plus efficace et efficiente, c’est à dire en fonction des objectifs fixés et en fonction des résultats obtenus de l’action publique. La mise en place d’un système de pilotage de la performance vise à allouer les moyens financiers publics là où les objectifs sont prioritaires pour l’amélioration de la vie collective afin d’obtenir des résultats significatifs. Dans le même temps, le système de pilotage de la performance doit avoir la capacité de remettre en cause des moyens financiers là où l’action publique n’obtient pas de résultats. Si l’on observe le secteur public local à un niveau macroéconomique, l’amélioration de la performance voudrait que les moyens financiers soient répartis autrement. En effet, compte tenu du nombre important d’échelons de collectivités locales, plusieurs collectivités exercent leurs compétences dans les mêmes domaines. Il se produit, pour certaines politiques publiques, un saupoudrage des moyens financiers par plusieurs collectivités au lieu d’investissements massifs par une collectivité qui serait entièrement compétente. Par exemple, lorsqu’un EPCI est créé entre plusieurs communes et que celuici prend la compétence du logement ou du développement économique, les communes continuent parfois à exercer leurs compétences dans ces domaines. En outre, les départements et les régions sont également susceptibles d’intervenir sur ces politiques sur ce même territoire. Pittet Nicolas - 2007 67 La LOLF story , les enjeux communs et les spécificités des démarches locales de performance par rapport à la LOLF. Liste des sigles Démarche ABC Démarche ABM AFIGESE AP/CP APA BOP DDE DGA DGS DGCP EPCI LOLF PAP PEF (Ville de Lyon) PPI PSC RAF (Ville de Lyon) RAP RMA RMI SI TOS UE UEM 68 Activity based costing Activity based management Association finances gestion et évaluation des collectivités locales Autorisation de programme / Crédit de paiement Allocation personnalisée à l’autonomie Budget opérationnel de programme Direction départementale de l’équipement Directeur général adjoint Directeur général des services Direction générale de la comptabilité publique Etablissement public de coopération intercommunale er Loi organique relative aux lois de finances du 1 août 2001 Projet annuel de performance Plan des engagements financiers Programmation pluriannuelle des investissements Pacte européen de stabilité et de croissance Responsable administratif et financier Rapport annuel de performance Revenu minimum d’activité Revenu minimum d’insertion Système d’information Technicien ouvrier de service Union européenne Union économique et monétaire Pittet Nicolas - 2007 Bibliographie et sources Bibliographie et sources Bibliographie générale Sur les finances publiques CHOUVEL François, Finances publiques 2006, Paris : Gualino, Mémentos LMD, 2006,229p. FERRANDON Benoît (sous la direction de), Budget de l’Etat et finances publiques, Paris : La documentation française, Cahiers français, n°329, nov-dec 2005, 86p. Sur les finances locales ème BOUVIER Michel, Les finances locales, Paris : LGDJ, Systèmes, 2005, 10 édition, 219p. ADANS Bernard, BOYER Bénédicte, LAURENT Philippe, La comptabilité communale, ème Paris : LGDJ, Politiques locales, 2003, 3 édition, 115p. LAIGNEL André, BOURDIN Joël, « Les finances des collectivités locales en 2006 », Rapport de l’Observatoire des finances locales, octobre 2006, Editeur : L’Action municipale Bibliographie et sources spécialisées Sur la LOLF et le budget de l’Etat « Le budget 2006 en régime LOLF », Revue française de finances publiques, n°91, septembre 2005 BARILARI André, « La réforme budgétaire et la responsabilisation des acteurs », Revue française de finances publiques », n°91, sptembre 2005 DUPRAT Jean-Pierre, SIMMONY Marc, « Les budgets opérationnels de programme », Revue française de finances publiques, n°93, fev 2006 GARIAZZO Olivier, « La LOLF et l’équilibre des pouvoirs », Revue française de finances publiques, n°94, mai 2006 LAMBERT Alain, MIGAUD Didier, « La mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances. A l’épreuve de la pratique, insuffler une nouvelle dynamique à la réforme », Rapport au gouvernement, oct 2006, 79p. Pittet Nicolas - 2007 69 La LOLF story , les enjeux communs et les spécificités des démarches locales de performance par rapport à la LOLF. Sur le thème de la transposition de la LOLF dans les collectivités locales et les démarches locales de performance ADANS Bernard, « LOLF et M14 : deux façons de réformer la comptabilité publique », Revue française de finances publiques, n°93, fev 2006 BOUVIER Michel, « Les collectivités locales : initiatrices et partenaires d’une nouvelle gouvernance financière publique », Revue française de finances publiques, n°95, sept 2006 LAMARQUE Danielle, « Evaluation et gestion de la performance dans les collectivités territoriales », Revue française de finances publiques, n°95, sept 2006 NYS Olivier, « Ce que la LOLF dit aux collectivités… L’exemple de la Ville de Lyon », Revue française de finances publiques, n°95, sept 2006 FIEVET Frédéric et LAURENT Philippe, « Faut-il une LOLF pour les collectivités locales ? », Revue française de finances publiques, n°95, sept 2006 GRAIL Cédric, LESCAILLEZ Vincent, MENUT Philippe (élèves administrateurs territoriaux), L’amélioration des performances des collectivités territoriales : de l’intention à la pratique, 2007, Editeur : L’Action municipale RICHARD Pierre, « Solidarité et performance. Les enjeux de la maîtrise des dépenses publiques locales », Rapport sur les enjeux de la maîtrise des dépenses publiques locales à Jean François COPE, ministre délégué au Budget et à la Réforme de l'Etat, Porte parole du gouvernement et Brice HORTEFEUX, ministre délégué aux Collectivités territoriales, dec 2006, Editeur : L’Action municipale « La relance du débat sur la modernisation de la comptabilité publique locale : compte financier unique, certification des comptes, LOLF collectivités locales », Le répertoire des finances locales, n°1, janvier 2007 HILD Fabien, « L’amélioration de la performance de l’action publique par la mise en œuvre d’une démarche de gestion par les activités », Mémoire pour le Master professionnel Management du Secteur public : collectivités et partenaires, mémoire soutenu le 8 septembre 2005, 130p. HUTEAU Serge, « La LOLF : un référentiel de la nouvelle gestion publiue transposable aux collectivités territoriales. Le projet de Nouvelle Gouvernance du conseil général de la Mayenne. », La Revue du Trésor, juin 2007 ème Documents issus de la 2 journée financière des Communautés urbaines du 30 mai 2007 ( www.communautes-urbaines.com ): Association des communautés urbaines de France, Groupe Caisse d’épargne, Démarches locales de performance : pratiques et enjeux – Principes consacrés par la LOLF, le rôle précurseur des collectivités locales, 112p. CHAPET Jean-Michel, De la recherche de la performance dans les collectivités territoriales, présentation pour la journée du 30 mai 2007 MADINIER Jean-Gabriel, Démarches locales de performance. L’exemple du Grand Lyon, présentation pour la journée du 30 mai 2007 MORDRELLE JC, Organiser le cadre budgétaire et comptable des collectivités autour de la finalité de la dépense – Contraintes et objectifs (Conseil régional Bretagne), présentation pour la journée du 30 mai 2007 70 Pittet Nicolas - 2007 Bibliographie et sources Sur le contrôle de gestion dans les collectivités locales BEAULIER Marc, SALERY Yves, « 20 ans de contrôle de gestion dans les collectivités locales », Revue française de finances publiques, n°95, sept 2006 DEMEESTERE René, Le contrôle de gestion dans le secteur public, Paris : LGDJ, Systèmes, 2002, 196p. Sur le management dans le secteur public BARTOLI Annie, Le management dans les organisations publiques, Paris : Dunod, ème Management public, 2005, 2 édition, 419p. « Vingt ans de décentralisation. Où en est aujourd’hui le management public territorial ? », Les cahiers du groupe Bernard Brunhes, n°10, sept 2002 Sur des exemples d’expériences et de projets mis en œuvre dans des collectivités locales PITTET Nicolas, « Diagnostic de la démarche du Plan des engagements financiers de la Ville de Lyon », Rapport de stage à la Direction des finances de la Ville de Lyon dans le cadre du Master 2 pro Management du Secteur public : collectivités et partenaires, dec 2006, 126p. SOUBEYRAN DE SAINT-PRIX Claude, « Rapport de stage sur la mise en place de centres de responsabilité au Grand Lyon », Stage d’observation réalisé au Grand Lyon dans le cadre de la formation initiale d’administratieur territorial, nov 2004 GREGOIRE Emeric, PITTET Nicolas, « Le système de pilotage du Grand Lyon », Monographie réalisée dans le cadre du Master 2 pro Management du Secteur public : collectivités et partenaires, avril 2006, 32p. Un grand nombre de documents (présentations Power point, notes et documents internes, rapports) sur des démarches de performance mises en place dans plusieurs collectivités locales ont été consultés et utilisés. Ces documents concernent les collectivités suivantes : la Ville de Lyon ; la Ville de Grenoble ; le Conseil régional de Bretagne ; le Conseil général de la Mayenne ; la Ville de Paris ; la Ville de Bordeaux. Articles de presse DRESSAYRE Philippe, « Mise en œuvre de la LOLF : premiers enseignements », La er lettre du cadre territorial, 1 mai 2007, n°337 KLOPFER Michel, « Finances : bilan de 25 ans de décentralisation », La Gazette des communes, 26 fev 2007 Pittet Nicolas - 2007 71 La LOLF story , les enjeux communs et les spécificités des démarches locales de performance par rapport à la LOLF. CABELLIC Marion, « Finances : un avenir menacé, dans un contexte toujours favorable », La Gazette des communes, 12 fev 2007 PORTAL Eric, « Développer la démarche locale de performance », La Gazette des communes, 18 dec 2006 PARNAUDEAU Maud, « En route vers une culture du résultat », La Gazette des communes, 13 nov 2006 « La gestion par activités », La Gazette des communes, 8 décembre 2003 « Finances : la responsabilisation des responsables », La Gazette des communes, 11 nov 2002 Entretiens Ce mémoire se base notamment sur l’expérience acquise lors d’un stage réalisé au sein des services de la Ville de Lyon en décembre 2006. Le stage avait pour objet la réalisation d’un diagnostic sur la démarche du Plan des engagements financiers de la Ville de Lyon. Pour la réalisation du diagnostic, un grand nombre d’entretiens ont été menés avec des Adjoints au Maire, le DGS, des DGA, des directeurs, des Responsables administratifs et financiers et des cadres des directions des finances et du contrôle de gestion. L’exploitation exhaustive de ces entretiens est retracée dans le rapport de stage. Entretiens informels avec des consultants du cabinet KPMG Secteur public (structure d’accueil du stage long de fin de Master) : Jean-Christophe LANGLOIS, Fabien HILD. Entretien avec Benoît ROCHAS, directeur des finances de la Ville de Grenoble, le 27 juin 2007, sur son avis sur les démarches locales de performance et sur la démarche mise en place à la Ville de Grenoble. Durée de l’entretien : 2 heures. Plusieurs entretiens avec Claude SOUBEYRAN, directeur des finances de la Ville de Lyon et directeur du mémoire, et Louis-Antoine SOUCHET, directeur-adjoint des finances de la Ville de Lyon, sur le sujet du mémoire et sa progression. Sites Internet www.afigese.fr Association finances gestion évaluations des collectivités territoriales www.communautes-urbaines.com Association des Communautés urbaines de France www.colloc.minefi.gouv.fr Site sur les collectivités territoriales du Ministère de l’Economie et des finances www.performance-publique.gouv.fr Site sur les finances publiques du Ministère des comptes publics www.vie-publique.fr Site proposé par la Documentation française www.legifrance.gouv.fr Site du service public de la diffusion du droit 72 Pittet Nicolas - 2007 ANNEXES ANNEXES Annexe 1 : L’évolution des dépenses de gestion et des taux de fiscalité des collectivités locales Source : cours de prospective financière de Sandra De PINHO du Master MSPCP Annexe 2 : L’architecture du PEF de la Ville de Lyon Pittet Nicolas - 2007 73 La LOLF story , les enjeux communs et les spécificités des démarches locales de performance par rapport à la LOLF. Annexe 3 : Le pilotage de la performance avec la structure du PEF (Ville de Lyon) Annexe 4 : Les 12 missions de la segmentation analytique budgétaire de la Région Bretagne Annexe 5 : Schéma de l’organisation budgétaire à la Région Bretagne Annexe 6 : Les missions et programmes du budget général de l’Etat (PLF pour 2006) Annexe 7 : Les centres de responsabilité du Grand Lyon Ces annexes sont à consulter sur place au Centre de Documentation Contemporaine de l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon 74 Pittet Nicolas - 2007 Résumé Résumé Le secteur des collectivités locales est actuellement parcouru d’importants débats sur la recherche de l’amélioration de la performance des collectivités, dans un contexte où leurs marges de manœuvre financières tendent à se réduire. Ces débats ont été largement suscités par l’adoption par l’Etat d’une réforme fondamentale de sa gestion budgétaire et financière, la LOLF votée en 2001 et mise en œuvre de façon complète avec le budget 2006. L’adoption de la LOLF a mis en lumière, voire a redynamisé, les démarches des collectivités locales visant à améliorer le pilotage de leur performance. La performance publique vise à objectiver l’action publique et à allouer les moyens en fonction de ces objectifs et des résultats obtenus. Les démarches locales de performance se traduisent ainsi par la mise en place d’outils et de méthodes de modernisation de la gestion budgétaire et financière mais aussi par des changements de mode de management dans le sens d’une responsabilisation des gestionnaires. Mots-clefs Etat – LOLF Collectivités locales – finances locales – performance publique Démarches locales de performance – gestion budgétaire – responsabilisation Pittet Nicolas - 2007 75