Le conseil de discipline

Transcription

Le conseil de discipline
LE CONSEIL DE DISCIPLINE : L’ULTIMA RATIO DU POUVOIR
DISCIPLINAIRE DU CHEF D’ÉTABLISSEMENT ?
Dominique LOPEZ
Si l’École est rentrée dans l’État de droit et le développement des pratiques citoyennes, le conseil de discipline se pose, en théorie, comme un instrument à vocation pédagogique essentiellement. La procédure oblige le chef d’établissement à s’assurer que les
droits de chacun sont respectés, comme le primus inter pares, au sens politique de l’impartialité.
Les sanctions disciplinaires prononcées par le conseil de discipline sont explicitement
énoncées dans les textes. Elles concernent des atteintes aux personnes ou aux biens ainsi
que des manquements graves aux obligations des élèves. La gravité des manquements
constatés, la multiplicité des faits d'indiscipline de la part d'un élève peuvent conduire tout
membre de la communauté éducative (et non pas simplement un professeur ou le CPE) à
saisir le chef d'établissement.
Les sanctions se distinguent des punitions (retenues, travail supplémentaire) selon
une dichotomie bien connue depuis 2000, ce qui a abouti à une hybridation entre droit et discipline.
Le chef d'établissement peut choisir de donner une punition ou une sanction en fonction de la gravité de la faute, qu'il lui revient à ce moment là d'évaluer, selon les procédures
définies par le règlement intérieur. Il s’adapte à l’évolution des comportements engendrés
par des déterminants économiques, sociaux et surtout moraux.
Il doit faire face à la situation plus précaire d’un grand nombre d’actifs et la fragilisation de liens familiaux ainsi qu’à la remise en cause de l’autorité morale et intellectuelle des
personnels avec la montée d’attitudes d’incivilité, voire de violence ou, parfois, de délinquance ensuite.
La recherche d’un nouvel équilibre entre les droits et les devoirs des élèves et ceux
des adultes, enfin, avec l’entrée du droit dans les établissements (nouveaux droits accordés
aux élèves, prise en compte accrue des principes généraux du droit dans les procédures disciplinaires et réécriture des règlements intérieurs, "judiciarisation") et, parallèlement, la disparition progressive des "mesures d’ordre intérieur" (la jurisprudence montrant en effet que le
juge administratif se réserve de plus en plus la possibilité de contester au fond, et plus seulement sur la forme, les sanctions disciplinaires).
La direction de l’EPLE se trouve donc au centre de la procédure disciplinaire, en recourrant à la tenue de conseils souvent longs et usants pour les acteurs de terrain 1. Elle doit
faire face à tant à la multiplication des textes législatifs et réglementaires que de l’effondrement des régulations sociales et morales traditionnelles2.
Le conseil de discipline garde, par ailleurs, l'image d'une justice brutale et sans appel
avec une lourdeur procédurale et le risque d'annulation de ses décisions pour vice de forme 3.
Dans ce cadre, comment s’inscrit-il dans une stratégie visant à renforcer son pouvoir disciplinaire dans son établissement et quelles sont ses limites ?
Une réflexion doit être menée sur la pratique de la sanction, considéré comme un sujet
tabou et honteux pendant bien longtemps4. Les missions de l’École, évolutives, de plus en
plus exigeantes obligent les personnels de direction à repositionner leurs prérogatives en la
matière.
Comment donc dans les faits les chefs d’établissement utilisent-ils cette arme disciplinaire ? Existe-t-il d’autres voies permettant de réguler les incivilités ou les actes de violence
au sein de l’EPLE, permettant ainsi un traitement tout aussi efficace de ces dysfonctionne1 Gérard MAMOU, Bernard TOULEMONDE Aspects juridiques de la direction d'établissement scolaire, in Diriger,
animer, piloter un établissement scolaire, un état du débat, ESEN, CRDP Bourgogne, 2006, p 171-176.
2 L’EPLE et ses missions, rapport IGAENR, décembre 2006, p 16.
3 Christian VITALI La vie scolaire, Hachette éducation, 1997, p 151.
4 Eirick PRAIRAT, Questions de discipline à l’école et ailleurs, éditions ERES, 2005, p 100.
ments ?
En se basant sur le corpus juridique existant, nous essayerons de montrer qu’il existe
encore des voies peu utilisées qui peuvent juguler ou prévenir des situations de crise, des
actes déviants ou de simples transgressions adolescentes.
Le chef d’établissement, seul gardien du bon fonctionnement du conseil de
discipline
Les textes érigent les personnels de direction comme les dépositaires de l’autorité
coercitive, mais surtout comme gardien du bon fonctionnement de la justice rendue au cœur
de l’EPLE.
Les usagers du service public, ainsi que les avocats présents parfois devant ces instances contestent cette absence de séparations des pouvoirs, impropre à la démocratie.
Un juriste, un peu excessivement, s’indigne : "le président du conseil de discipline cumule les casquettes. Il représente l'autorité de poursuites et celle de jugement. C'est impensable en droit. Il n'y avait aucun débat contradictoire possible. Et le principe d'un procès
équitable était totalement nié"5. Déposé en avril 2010, le rapport Bauer (président du conseil
d’orientation de l’observatoire de la délinquance) prône dans le même sens que la présidence du conseil de discipline soit confiée à quelqu’un extérieur à l’établissement, sans préciser à qui.
La cour européenne des droits de l’homme rejette les demandes invoquant l'article 6
de la Convention garantissant un procès équitable. Lorsque les requérants se plaignent de
certains manquements au niveau de la procédure disciplinaire estimant que le chef d'établissement, qui saisit et préside le conseil de discipline, rassemble les qualités de juge et partie
à la procédure disciplinaire, la cour répond que la décision du conseil de discipline, confirmée par le recteur d'académie, a été soumise au contrôle du tribunal administratif et de la
cour administrative d'appel, lesquels sont des organes jouissant de la compétence de pleine
juridiction, et devant lesquels la requérante a pu librement et utilement faire valoir l'ensemble
de ses arguments6.
Le chef d’établissement veille au respect des droits et des devoirs de tous les
membres de la communauté scolaire et assure l'application du règlement intérieur selon l’article R421-10 du code de l’éducation. A l'égard des élèves, il peut prononcer seul les sanctions mentionnées à l'article 8 du décret n° 85-924 du 30 août 1985 relatif aux établissements publics locaux d'enseignement.
Ainsi, le chef d’établissement est responsable de l’ordre dans l’établissement et assure
la sécurité des personnes et des biens. Il veille au bon déroulement des enseignements et
au respect des droits et devoirs de la communauté scolaire.
Il fait appliquer le règlement intérieur, engage les actions disciplinaires et intente les
poursuites devant les juridictions compétentes7.
5 Article de Marie Joëlle GROS dans LIBERATION, le 15 juin 2004.
Pour les chefs d’établissement une telle instance est "lourde et contraignante", convient Philippe Guittet, à la tête
du SNPDEN, syndicat majoritaire des personnels de direction. Voir aussi comment les parents d’élèves accordent
de l’importance au droit et à une discussion contradictoire Bertrand Geay, La remise en ordre symbolique de l’institution Les conseils de discipline dans l’enseignement secondaire, Actes de la recherche en sciences sociales
2009/3 (n° 178). Le Seuil.
6 CEDH, 30 juin 2009, Bayrak c. France (n° 14308/08) pour des affaires touchant au voile.
7 Voir en particulier les textes suivants :
Circulaire n° 96-248 du 25 octobre 1996 relative à la surveillance des élèves (RLR : 551-0C) .
Circulaire du ministère de la justice n° 98-50088C du 15 juillet 1998, relative à la politique pénale en matière de
délinquance juvénile.
Loi n° 2000-196 du 6 mars 2000 instituant un Défenseur des enfants et circulaire n° 97-119 du 15 mai 1997 relative à la prévention des mauvais traitements à l’égard des élèves.
Circulaire n° 97-175 du 26 août 1997 et circulaire n° 2001-044 du 15 mars 2001 relatives aux violences sexuelles
(RLR : 506-1).
Circulaire n° 97-199 du 12 septembre 1997 et circulaire n° 98-177 du 3 septembre 1998 (BOEN n° 33 du 25 septembre 1997) relatives au bizutage.
La réunion d’un conseil de discipline ne constitue qu’une petite parcelle du pouvoir disciplinaire du chef d’établissement. Il doit demeurer un acte exceptionnel et solennel. Il se
tient pour le prononcé de sanctions exclusivement. "Il demeure aujourd’hui l’autorité au pouvoir de contrainte décisif, habilité à exclure l’élève définitivement de l’établissement" 8.
Pour cette raison, une première obligation pèse sur le chef d’établissement. Ce dernier
devra adapter son règlement intérieur en vue d’une meilleure appropriation par la communauté éducative. Il veillera au respect des procédures dans l’organisation du conseil de discipline.
Le chef d'établissement interprète de façon ouverte les règles administratives. Toute loi
est sujette à interprétation et en conséquence à sa propre interprétation des prescriptions. Il
mène un véritable travail d'équilibriste9.
Adaptation du règlement intérieur
La première tâche d’un personnel de direction consiste à s’assurer que le règlement intérieur de l’établissement soit connu, accepté et adaptable aux différentes situations possibles. La sanction est d’autant mieux acceptée qu’elle est connue de tous. Cela suppose
des échanges et une communication autour de ce texte aujourd’hui, ce que des auteurs ont
appelé la désacralisation des règles. Beaucoup d’acteurs de l’EPLE confondent en effet, le
conseil de discipline avec la sanction d’exclusion susceptible d’être prise étiquetant l’élève
de "prévenu" avant même la tenue de l’instance10.
L’établissement doit conserver le cursus disciplinaire de l’élève. Le registre des sanctions constitue à la fois un repère et une mémoire du traitement des faits d'indiscipline dans
l'établissement. Lorsque le professeur ou les autres membres de l'équipe éducative font appel au chef d'établissement, ils doivent être en mesure de fournir toutes les informations né cessaires à la prise en charge de la situation. Toutefois, ils ne peuvent toutefois se substituer
au chef d'établissement et ne peuvent donc exiger a priori une sanction particulière. Cette situation permet d’éviter une surenchère ou des décisions prises sous l’empire d’émotions incontrôlées.
En pratique, les processus d’élaboration du dit règlement évoluent selon des modalités
de concertation autoritaire (limité à l’équipe de direction) à la démocratie la plus ouverte (association de tous les acteurs sans projet déterminé par le chef d’établissement).
D’après les enquêtes, les élèves sont rarement associés à l’opération de mise à jour
du règlement intérieur. Ils ressentent un sentiment d’inutilité11.
Le chef d’établissement rappelle la loi pour préserver l’identité et la cohésion du
groupe. Toute infraction met en péril le groupe dans son existence sociale, car la loi est ce
qui nous relie par la dialectique des droits et des devoirs.
La circulaire de rentrée 2010 rappelle aussi que les chefs d’établissement pourront proposer le renforcement des sanctions des règlements intérieurs, afin d’affirmer l’autorité des
professeurs et de l’institution scolaire. L’État souhaite garantir dans les textes la protection
de ses agents et la paix dans l’enceinte scolaire.
Les personnels de direction se retrouvent en première ligne pour composer avec les
effets puissamment destructurants de l'entropie sociale et de la crise économique et politique, des familles décomposées et recomposées avec plus ou moins de réussite et d'équilibre12.
Ces règles actives et vivantes définies au sein de l’EPLE, possèdent une qualification
contractuelle reconnue par les tribunaux, en particulier administratifs. Sa rédaction nécessite
une attention particulière et un respect des normes juridiques supérieures, (lois européennes
et nationales, décrets, circulaires).
Avec la montée des contentieux et l’intervention du juge dans le domaine scolaire en
matière de libertés publiques depuis 1989, le chef d’établissement doit prendre contact avec
les cellules juridiques du Rectorat qui ont une mission de conseil en la matière.
8 Yann BUTTNER et André MAURIN, le droit de la vie scolaire, 3ème édition, Dalloz, 2007, p 205.
9 Francis TILMAN Nouria OUALI, Piloter un établissement lectures et stratégies de la conduite du changement
scolaire à l'école. De Boeck université, Bruxelles, 2001, p 42.
10 Pierre MERLE in Le droit et l’école : de la règle à la pratique, Presses universitaires de Rennes, 2003, p 34.
11 Pierre MERLE ibid.
12 Gérard MAMOU, Bernard TOULEMONDE ibid.
L'avocat Thierry Lévy donne une explication au malentendu qui oppose hommes de loi
et pédagogues : "les avocats viennent gripper les rouages d'une justice interne, qui fonctionne un peu comme on juge en famille. Et personne n'apprécie qu'un tiers vienne mettre
son nez dans des affaires qu'on considère privées". Pourtant, rappellent ces auxiliaires de
justice, le droit ne s'arrête pas aux portails des écoles13.
Ce règlement doit, ensuite, pouvoir s’imposer à tous. Chacun doit pouvoir y adhérer et
reconnaître sa valeur normative et chaque adulte s’y référer pour asseoir la légitimité de ses
décisions. Une révision régulière de ce texte s’avère importante pour actualiser avec l’ensemble des personnels de l’établissement et les élèves les règles valables pour tous. Le régime des sanctions indique clairement les limitations du droit à punir qui sera présenté au
conseil d’administration de l’établissement pour validation
Il s’agit d’éviter que l’inadaptation de certaines dispositions du règlement, devenues caduques par l’existence d’un nouveau contexte matériel ou humain rendent inopérantes l’appropriation de ce texte. Ce n’est toutefois pas un contrat entre élève et adultes, car il supposerait qu’il se négocie entre parties égales. Or, certains personnels ont un statut particulier.
Nous sommes plus sur un terrain symbolique, lorsque les acteurs retiennent l’idée que ce règlement s’impose à tous.
Le conseil de discipline se réunit à la demande d’un membre de la communauté éducative. L’enseignant, placé au centre des violations des règles de vie commune, doit maîtriser la situation en cours. Les statistiques indiquent que bon nombre de faits répréhensibles
naissent dans la classe, espace délimité et clos. Or, celui-ci est sous l’autorité exclusive du
pédagogue, à l’abri des regards des autres membres de la communauté éducative.
Le professeur, comme acteur de premier plan et souvent exposé à des violences ou
des perturbations, dispose de moyens pour assurer de bonnes conditions de travail et
d’écoute. Il doit redoutablement intéresser ses élèves dans un espace réduit (classe) sur un
temps court ou fixé à l’avance alors que l’attention, la motivation et la forme physique de son
auditoire est parfaitement aléatoire.
Des auteurs ont pointé les incohérences et l’arbitraire des décisions sur des faits analogues en matière de sanction dans un même établissement 14. Cette constatation oblige les
acteurs de ce dernier à développer une démarche réflexive sur les pratiques, avec une obligation de les modifier régulièrement pour une meilleure harmonisation.
Appropriation du règlement intérieur
Différents auteurs, notamment Reasoner, évoquent le fait qu’il est difficile de faciliter le
développement de l’estime de soi dans un environnement qui ne présente pas des qualités
de sécurité physique suffisantes. Ainsi, l’apprentissage des compétences psychosociales serait rendu difficile dans un contexte où l’insécurité est source de tensions et de malaise. Le
règlement intérieur doit reposer sur la règle des 5C : clair, concret, cohérent, congruant et
conséquent15.
Le règlement intérieur produit du sens et favorise l’intégration en structurant tout autant
les apprenants que la communauté éducative, en commençant par les parents qui doivent
lire et signer ce document. Depuis vingt ans, la mission d’éducation et de socialisation
confiée aux EPLE est donc devenue plus difficile, comme le note un rapport de l’inspection
générale, pour plusieurs raisons qui ne sont pas sans rejaillir dans la réalité quotidienne des
EPLE16.
Les sanctions ont une finalité éthique et de préservation de l’identité du groupe. Lorsqu’elles sont appliquées, elles méritent d’être expliquées pour s’assurer que la transgression
13 Article de Marie Joëlle GROS dans LIBERATION, le 15 juin 2004.
14 Bernard DEFRANCE, Sanctions et discipline à l'école, La Découverte, 2003, 212 pages.
Agnès GRIMAULT-LEPRINCE, Les exclusions de cours au collège. Les effets du contexte local et des représentations enseignantes des élèves , CREAD, Centre de Recherches sur l’Education, les Apprentissages et la Didactique Université Rennes 2 / IUFM de Bretagne.
15 REASONER, R., (1982), Building Self-Esteem : Elementary Ediction, California,Consulting Psychologists
Press Inc in intervention LIBEAU MOUSSET, Regards croisés sur la communauté éducative, ESEN.
16 Pour Alain WARZEE, l’intégration des normes de l’école qui peuvent apparaître contraignante sont porteuses
d’émancipation, de réalisations personnelles et de liberté intellectuelle. Un des premiers objectifs est l’éducation à
la sociabilité. (Alain WARZEE, le système éducatif en France, CNED, 2006, p 173).
des règles et les écarts à la norme admise est perçue dans sa globalité. Le juge administra tif vérifie aussi que le chef d’établissement a bien respecté cette étape préalable17.
Une procédure strictement encadrée
Le chef d’établissement est le garant du bon fonctionnement du conseil de discipline
en s’assurant que sa composition soit correcte et que les cas d’incompatibilités de membres
soit respectés.
Il vérifie tout d’abord, les règles de désignation des membres. Les représentants
des personnels, des parents et des élèves sont élus en leur sein par les membres du CA appartenant à leurs catégories respectives. La durée du mandat est d'une année. Il expire le
jour de la première réunion du CA qui suit son renouvellement. Pour chaque membre élu, un
suppléant est élu dans les mêmes conditions.
Il est dommage au regard des textes, qu’une place ne soit pas réservée à des personnels médicaux ou sociaux, voire des éducateurs hors de l’établissement, car la vision par les
autres membres du conseil de la faute serait mieux cernée et comprise.
Il est intéressant de remarquer que depuis 2004, l’adjoint au chef d’établissement a été
introduit ce qui renforce l’équipe de direction dans sa gestion disciplinaire, ainsi que l’augmentation des professionnels de l’éducation passant de 2 à 4 (personnels d’enseignement et
d’éducation)18. Il préside le conseil de discipline en cas d’absence du chef d’établissement.
Mais qu’en est-il lorsque ce dernier est impliqué dans l’affaire jugée ? Doit-il systématiquement laisser sa place à son adjoint et que doit-il faire s’il n’en possède pas ?
La composition est différente selon les établissements scolaires sous contrat sur le
plan de l’instruction. L’aumônier ou le directeur des études figure par exemple dans la liste
de certains collèges privés.
En cas d'empêchement ou parfois lors d'interdiction de siéger pour certains membres
comme un parent élu dont l'enfant est traduit devant le conseil de discipline 19, délégué élève
ou de classe20, il est fait appel aux suppléants.
Il est fondamental de respecter le principe d’impartialité des membres, principe généraux du droit, consacré par la jurisprudence administrative, figurant aussi dans l’article 6 de
la convention européenne des droits de l’homme. L’instance se doit par conséquent d’être
dans la plus grande neutralité et objectivité possible.
Le principal ou le proviseur doit veiller à convoquer les membres du conseil de discipline par lettre recommandée précisant la date de la réunion. La convocation adressée
huit jours au moins avant la date de la séance (huit jours à compter de la notification) en indiquant le nom de l’élève en cause et les faits reprochés, ainsi que la possibilité de consulter le
dossier de l’élève en cause auprès du chef d’établissement. Ce délai constitue une formalité
substantielle considérée comme des mesures préparatoires au sens du droit administratif.
Pour l'exercice de leur mandat dans les différentes instances, les représentants des
parents d'élèves sont destinataires des mêmes documents que les autres membres. Tout représentant des parents d'élèves doit pouvoir rendre compte des travaux du conseil de discipline où il siège, dans les conditions de diffusion définies en concertation entre le directeur
d'établissement et les associations de parents d'élèves.
17 Le règlement intérieur rappelle que la mise en oeuvre d'une procédure disciplinaire est précédée d'un dialogue
avec l'élève, en matière de ports de signes religieux CE 295671 05/12/2007 BESSAM ; CE 270229 26/10/2005
CHAIN, L'absence d'un matériel spécifique indispensable à la participation efficace à un cours (équipement exigé
pour la pratique de l'EPS, pour suivre un cours d'enseignement professionnel, équipement lié à la sécurité...) peut
être la raison d'une exclusion : ses modalités doivent être définies préalablement dans le règlement intérieur.
18 Circulaire N°2004-176 du 19-10-2004. En cas de pluralité d’adjoints, le chef d’établissement est libre de choisir celui qu’il désire voir siéger.
19 Un parent d’élève, membre du conseil de discipline, dont l’enfant est traduit devant celui-ci, est remplacé par
un suppléant pour la réunion au cours de laquelle l’élève doit comparaître. Un élève faisant l’objet d’une sanction
disciplinaire en cours ne peut siéger dans un conseil de discipline, ni en qualité de membre de celui-ci ni en qualité de délégué de classe, jusqu’à intervention de la décision définitive. Décret du 18 décembre 1985.
20 Un élève ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire d'exclusion temporaire ne peut plus siéger à un conseil
de discipline, ni en qualité de membre de celui-ci en qualité de délégué de classe, jusqu'à la fin de l'année scolaire. Dans les cas visés aux alinéas 2 et 3 ci-dessus, l'élève est remplacé, le cas échéant, par son suppléant.
Lorsqu'un membre du conseil de discipline a demandé au chef d'établissement la comparution d'un élève devant
ce conseil, il est remplacé par un suppléant pour la réunion au cours de laquelle l'élève doit comparaître.
De ce fait, la préparation du dossier disciplinaire doit recueillir tous les soins en mentionnant les faits détaillés chronologiquement et les motifs de poursuite, ainsi que la qualification de la faute.
La procédure de passage devant le conseil de discipline est précisément définie par le
décret n°85-1348 du 18 décembre 1985, en particulier par son article 6 pour ce qui concerne
les modalités de mise en œuvre du principe du contradictoire.
Le chef d'établissement précise (dans la lettre de convocation adressée par pli recommandé au moins huit jours avant la séance du conseil de discipline) à l'élève appelé à comparaître les faits qui lui sont reprochés et lui fait savoir qu'il pourra présenter sa défense oralement ou par écrit, ou se faire assister par la personne de son choix. Si l'élève est mineur,
cette communication est également faite aux personnes qui exercent à son égard l'autorité
parentale ou la tutelle, afin qu'elles puissent produire leurs observations. Elles sont entendues, sur leur demande, par le chef d'établissement et par le conseil de discipline. Elles
doivent être informées de ce droit.
L'élève cité à comparaître, son représentant légal et la personne éventuellement chargée de l'assister pour présenter sa défense peuvent prendre connaissance du dossier auprès du chef d'établissement.
La tenue d’un conseil de discipline obéit à une procédure bien précise. Parents, élèves
se voient garantir la préservation de leur droit à l’information.
En tant que décision administrative individuelle défavorable infligeant une sanction, la
décision du chef d’établissement ou du conseil de discipline doit être motivée. Elle doit comporter les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de cette décision (cf.
articles 1 et 3 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 sur la motivation des actes administratifs
et amélioration des relations entre l’administration et le public).
La décision étant un acte administratif individuel, elle doit être notifiée personnellement
par lettre recommandée avec accusé de réception aux responsables légaux si l’élève est mineur, à l’élève lui-même s’il est majeur. Il est indispensable de connaître le jour précis où
l’élève reçoit la décision. En effet, c’est à compter de cette date que commenceront à courir
les délais de recours gracieux, hiérarchique ou contentieux. Le délai ne pourra courir que si
sont mentionnés les voies et délais de recours au verso de la notification de décision. La fréquence des appels des familles souvent pour vice de forme dramatise les situations21.
Les règles de quorum peuvent contraindre au report du conseil de discipline qui ne
peut siéger valablement, que si le nombre de présents est égal à la majorité des membres
composant le conseil. Une feuille d’émargement l’atteste.
Si le quorum n’est pas atteint, le conseil ne peut pas délibérer. Il est convoqué pour
une nouvelle réunion qui doit se tenir dans un délai minimum de 8 jours (même en cas d’ur gence) et maximum de 15 jours. Il pourra alors délibérer valablement quel que soit le nombre
des membres présents.
Des délibérations strictement encadrées
La séance n’est pas publique. Pour certains cas, il est dommage que d’autres élèves
ne puissent assister à la séance qui aurait une portée pédagogique, préventive et génératrice de comportements citoyens. Elle prolongerait le travail mené par les enseignants en
éducation civique, sur la base du socle de compétences, c'est-à-dire l’acquisition de compétences sociales et civiques.
Le conseil de discipline doit respecter les droits de la défense, c'est-à-dire permettre à
l'élève en cause de présenter des observations écrites ou orales à sa demande, de se faire
assister ou représenter (article 24 de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits
des citoyens dans leurs relations avec les administrations), Les membres du conseil ont pour
obligation de discuter les éléments de preuve de manière contradictoire afin de vérifier la
réalité des faits et, par conséquent motiver la sanction. Le non-respect des droits de la défense, l'absence de motivation, une erreur sur la matérialité des faits peuvent entraîner l'annulation par le juge de la décision de sanction.
21 Yves de Saint Do, Marie Ange Henry, Donatelle Pointereau, Le rôle pédagogique du chef d’établissement,
Berger Levrault, édition 2006, p 91-92.
Le chef d’établissement donne lecture des témoignages écrits qui peuvent prendre des
formes diverses22. Un témoignage d'élève pourra être anonymé par l'administration, avant
que de figurer dans ce dossier. Il s’agit parfois de protéger des personnes vulnérables ou fragiles qui refuseraient d’apporter des éléments de compréhension des faits.
Les preuves recueillies par la gendarmerie ou la police pourront alors être utilisées
pour prouver la matérialité des faits devant un conseil de discipline dans le cadre de perquisitions ou de fouilles.
Le conseil de discipline peut entendre, en tant que de besoin, des personnels qualifiés,
susceptibles d’éclairer ses travaux (circulaire 2004) Les auditions de témoins se déroulent en
présence de l’élève poursuivi. Le décret du 18/12/1985 prévoit que le chef d'établissement
convoque "le cas échéant, les témoins ou les personnes susceptibles d'éclairer le conseil sur
les faits motivant la comparution de l'élève".
En revanche, l’audition de témoins par le conseil de discipline, si elle a lieu, doit se dérouler en présence de l’élève poursuivi23.
Lorsqu'un élève fait l'objet de poursuites disciplinaires pour des faits distincts, les deux
procédures peuvent être jointes et le conseil de discipline peut statuer par une seule décision, à l’instigation du chef d'établissement24.
En vertu du principe de proportionnalité, le fait que l'intéressé ait déjà été sanctionné
ne justifie pas à lui seul une sanction lourde pour un nouveau manquement d'une faible gravité. A cet égard, le registre des sanctions qui doit être tenu et qui recense, de manière anonyme, les sanctions prononcées avec l'énoncé des faits et circonstances qui les ont justifiées, peut servir d'outil de référence et de régulation.
Ces principes rejaillissent sur la tenue du conseil de discipline : le président rappelle le
déroulement des faits qui ont amené l’élève à comparaître devant l’instance, mais il ne peut
se prévaloir d’une quelconque sanction antérieure pour asseoir sa décision sauf dans le cas
d’un sursis.
Les juridictions administratives contrôlent surtout les moyens relatifs à la légalité externe de la décision d'exclusion définitive. Ils vérifient que la phase de dialogue préalable a
bien été respectée et que les garanties de la procédure contradictoire devant le conseil de
discipline ont également été respectées25.
Le conseil de discipline délibère et décide en présence des seuls membres ayant voix
délibérative. Le conseil prend sa décision à la majorité des suffrages exprimés, à bulletins
secrets, plusieurs fois si nécessaire. En cas de partage des voix, le président du conseil a
voix prépondérante.
Si la sanction proposée n’est pas votée, le chef d’établissement met aux voix les autres
sanctions figurant dans l’échelle des sanctions en commençant par la sanction immédiatement inférieure à la sanction proposée, jusqu’à ce que l’une d’entre elles recueille l’accord de
la majorité.
Même si aucune sanction n’est votée, le conseil de discipline est réputé avoir donné
son avis. Le chef d’établissement peut faire appel de cette décision auprès du recteur. Le
conseil de discipline, dès lors, ne se prononcera que sur une sanction à la fois.
La décision finale doit être motivée et notifiée à l'élève et à son représentant légal le
jour même de la tenue du conseil. Elle est ensuite confirmée par pli recommandé. Un procès
22 - lettres ou déclarations écrites rédigées et signées par des élèves relatant les faits ;
- compte rendu établi par le conseil de discipline lui-même sur l'audition de certains témoins au cours de l'enquête
administrative, soumis à leur signature ;
- rapports de l'administration qui mentionnent les témoignages recueillis auprès d'élèves nommément désignés (il
est préférable dans ce cas que le témoignage ait été recueilli en présence d'au moins deux adultes qui pourront
attester de sa validité) ;
- témoignage d’un ou plusieurs adultes à qui des élèves se seront confiés sous couvert de l’anonymat, lorsque les
circonstances de l'affaire justifient une particulière prudence. Néanmoins ces témoignages peuvent difficilement
constituer le seul fondement de la sanction, ils ne peuvent venir que corroborer d’autres éléments de fait ;
- utilisation d’une bande de vidéosurveillance, sous réserve que la présence de la caméra ait été signalée avant
l’enregistrement (réponse DAJ-02-288 du 10/09/02).
23 Conseil d’État, 7 mars 2005, M. Zarnado.
24 Le cumul d’infractions est prévu par la circulaire du 21 mai 2009.
25 CAA Nancy, 24 mai 2006, M Yasar, n° 05NC01283.
verbal (dont la forme est imposée – voir textes officiels et boîte à outils) est rédigé et une copie envoyée au rectorat dans les 5 jours.
Les délibérations du conseil de discipline strictement encadrées renforcent aussi le
pouvoir du président dans l’élaboration de la sanction finale.
La décision du conseil de discipline peut être déférée, dans un délai de 8 jours, au recteur d’académie par le représentant légal de l’élève ou par ce dernier s’il est majeur ainsi que
par le chef d’établissement.
L’appel devant le recteur est un recours préalable obligatoire. Si les requérants ne
l’exercent pas, ils rendent irrecevable un recours direct devant le juge administratif.
Si la sanction est confirmée en appel par le recteur, l’élève ou son représentant légal
s’il est mineur, peut former contre les décisions du recteur portant exclusion temporaire ou
définitive de l’élève, un recours contentieux devant le tribunal administratif, dans un délai de
deux mois à compter de la date de réception de la dite décision.
Si l'exclusion temporaire de l'établissement prononcée par le chef d'établissement ne
peut excéder la durée de 8 jours, l'exclusion temporaire, prononcée par le conseil de discipline, ne peut excéder la durée d'un mois. Ces sanctions d'exclusion peuvent être assorties
ou non d'un sursis total ou partiel. A noter que les périodes de vacances scolaires sont
comptabilisées ce qui peut réduire considérablement la sanction dans certains cas, de telle
sorte que l’utilisation du sursis partiel n’est pas une pratique répandue car elle apparaît
comme inopérante dans les faits
La récidive n'annule pas le sursis : un nouveau manquement justifiant une sanction,
qu'il soit ou non de même nature que le précédent, commis pendant la période de sursis,
donne lieu à l'engagement d'une nouvelle procédure disciplinaire.
Les faits ayant justifié les sanctions antérieurement prononcées, notamment celles prononcées avec sursis, pourront être pris en compte pour décider de la nouvelle sanction qui
doit être infligée.
Enfin, la règle de la confidentialité est applicable à tous les membres du conseil de
discipline, intervenants et témoins.
Toutes les personnes ayant participé à un conseil de discipline sont soumises à l'obligation du secret en ce qui concerne les faits et documents dont elles ont eu connaissance,
ainsi que le déroulement des débats et délibérations. Il s’agit de ne pas enfermer l’élève
dans un rôle ou lui porter préjudice, en révélant des informations relatives à sa sphère privée
ou de mettre en péril sa scolarité, en le stigmatisant par rapport aux élèves26.
La réunion du conseil de discipline dépend par ailleurs de la situation en cours. S'il y a
urgence, et notamment en cas de menace ou d'action contre l'ordre dans les enceintes et locaux scolaires de l'établissement, le chef d'établissement, peut prendre toutes dispositions
nécessaires pour assurer le bon fonctionnement du service public. Il doit, lorsque les tensions exacerbées menacent la sérénité de l’établissement délocaliser la tenue du conseil de
discipline dans un lieu autre que celui de l’établissement.
Cette possibilité, rarement utilisée dans les faits, s’impose afin que la sérénité règne au
sein de l’instance délibérante tant au niveau du déroulement de la séance et que de l’énoncé
des sanctions.
Le chef d’établissement peut enfin utiliser les mesures conservatoires et exclure l’auteur de l’acte quelques jours, sans dépasser huit, en attendant la réunion du dit conseil.
Cette dernière mesure se révèle souvent apaisante envers la communauté qui a subi un préjudice moral important. Souvent employée, elle possède l’avantage de séparer physiquement l’auteur de l’acte et la victime pour éviter un nouvel incident.
En réalité, les chefs d’établissement doivent faire face à plusieurs écueils dans l’organisation de tels conseils disciplinaires qui touchent autant à la psychologie individuelle que
collective des parties.
26 Selon le décret no 85-1348 du 18 décembre 1985 Art. 3. - Avant l'examen d'une affaire déterminée, si la nature des accusations le justifie et que les deux tiers au moins des membres du conseil le demandent, les délégués de classe qui ne sont pas majeurs se retirent dudit conseil.
Tout d’abord, un acte répréhensible suscite un émoi à géométrie variable. Les individus
perçoivent différemment un événement choquant ou des faits qui ont un retentissement sur
la communauté éducative parmi ses membres par rapport à ceux qui en sont plus éloignés
de la violence ou la dégradation au premier abord. Ces derniers attendent avec émotivité
souvent une réactivité et une fermeté face à la violation de la règle.
Or, si sanction il y a, elle est apparaît trop différée pour les victimes et trop rapide pour
la personne mise en cause. En cas de non tenue du conseil de discipline malgré une saisine
émanant d’un membre de la communauté éducative, il est possible d’imaginer que ce dernier
serait en droit aussi de saisir le juge administratif.
En fait, la sanction poursuit trois fins essentiellement : une fin politique rappelant la
centralité de la loi, une fin éthique pour anticiper sur la personne un sujet responsable et une
fin psychologique pour signifier une limite et réorienter un comportement à la dérive27.
Elle ne doit pas chercher à entretenir un rapport d’emprise de l’adulte sur l’élève, elle
doit au contraire rappeler que la loi est une instance impersonnelle. Une fin éthique également : elle doit apprendre à l'enfant, immergé dans un espace social, que ses actes ont des
conséquences auxquelles il doit répondre. Enfin, un objectif psychologique : une sanction
doit être un coup d’arrêt. Elle doit marquer une limite dans un fantasme de toute puissance,
une dérive violente ou une attitude régressive 28. Il est regrettable que d’autres élèves de
l’établissement ne puissent pas assister au conseil de discipline dans des affaires qui ne
touchent pas l’intégrité physique ou morale des personnes, comme par exemple pour des
déclenchements répétés d’alarme, des dégradations de matériels, “taggage” ou absentéisme (voir supra). Cette publicité permettrait de forger des comportements responsables et
citoyens.
Le soutien aux victimes s’est développé progressivement. Il apporte depuis dix ans
matière à intégrer au moment de délivrer la sanction. Devenant, depuis 1999, un des axes
forts du plan de lutte contre la violence, il revient au conseil de discipline d’apporter une réponse cohérente aux actes perpétrés, sans léser la personne ayant enduré une souffrance
physique ou morale29.
Pour ces raisons, le délai de convocation du conseil de discipline fixé actuellement,
pourrait être allongé ou raccourci selon la gravité de l’affaire, la passion ou la tension présente aux moments des faits, les disponibilités des membres ou simplement pour mieux examiner en amont certains cas. Il renforcerait l’indépendance de l’établissement placé dans un
environnement particulier, avec des phénomènes aux causes parfois très différentes.
Si l’on considère qu’il faut éviter toute automaticité de la sanction, cette souplesse serait la bienvenue. Elle permettrait une adaptation au contexte, plus de recul et de sérénité
pour les membres du conseil. Les affaires judiciaires ne sont pas traitées dans l’immédiat,
sauf cas de référé30. Pourquoi en serait autrement pour des violences ou des incidents perpétrés contre l’institution scolaire ? Il paraît important de laisser choisir de manière autonome
le rythme ou la fréquence dans l’application des sanctions sans l’insérer dans un carcan temporel étroit.
L’effacement automatique de la sanction concerne toutes les sanctions, hormis l’exclusion définitive. Il s'applique un an après la décision de la sanction, à compter de la date de
notification. L'effacement automatique concerne la sanction prononcée elle-même, mais pas
les faits.
27 PRAIRAT Eirick, Questions de discipline à l’école et ailleurs, p 101-102.
28 PRAIRAT Eirick. La sanction en éducation. 3e ed. Paris : PUF, 2007 (coll Que sais-je?).
PRAIRAT Eirick. Sanction et socialisation. Idées, résultats, problèmes. Paris : PUF, 2001.
29 Circulaire n° 97-136 du 30 mai 1997 relative à la protection juridique des personnels de l’éducation nationale
(RLR 610-7 E). Elle affirme le principe selon lequel un fonctionnaire faisant l’objet d’attaques ou d’agressions à
l’occasion de l’exercice de ses fonctions bénéficie de la protection juridique de l’administration. S’agissant des
dommages causés aux véhicules des personnels de l’Éducation nationale, une procédure simplifiée d’indemnisation, permettant un règlement rapide du sinistre, est mise en place par voie de conventions passées entre l’État et
les compagnies d’assurance.
Circulaire n° 99-034 du 9 mars 1999 : (RLR : 552-4) convention Éducation nationale/ INAVEM (institut national
d’aide aux victimes et de médiation) sur l’aide aux victimes.
30 Art. 9 (idem). - Lorsqu'un élève est traduit devant le conseil de discipline ou le conseil de discipline départe mental et fait l'objet de poursuites pénales en raison des mêmes faits, l'action disciplinaire peut, en cas de
contestation sérieuse sur la matérialité de ces faits ou sur leur imputation à l'élève en cause, être suspendue jusqu'à ce que la juridiction saisie se soit prononcée.
Ensuite, l’amnistie des sanctions ne s'applique qu'aux faits antérieurs à une date fixée
par la loi. En sont généralement exceptés les faits contraires aux mœurs. Elle est une mesure légale qui fait disparaître le caractère répréhensible des faits accomplis.
Les juridictions administratives sont compétentes pour juger les litiges opposant une
personne à l’État, à une collectivité territoriale ou à un établissement public. Leur mission est
de faire respecter le droit par les administrations, les services publics et de réparer les dommages que ceux-ci aient pu causer.
Le chef d’établissement doit rester vigilant sur les modalités d'application de
l’exclusion
Toute mesure qui a pour effet d'écarter durablement un élève de l'accès au cours et qui
serait prise par un membre des équipes pédagogique et éducative en dehors des procédures réglementaires est irrégulière et susceptible d'engager la responsabilité de l'administration.
Toute décision d'exclusion temporaire ou définitive doit être accompagnée de mesures
destinées à garantir la poursuite de la scolarité de l'élève et à faciliter sa réintégration.
L'élève doit faire l'objet d'un suivi éducatif.
Un élève exclu définitivement doit, ensuite, pouvoir terminer le cursus scolaire engagé,
en particulier lorsque l'élève est dans une classe qui se termine par un examen. Cela suppose que l’établissement trouve une solution pour que l’apprenant se trouve dans une situation d’égalité avec les autres apprenants. Cela pose des problèmes lorsque l’élève est exclu
définitivement d’un lycée professionnel ou un lycée avec des options particulières. Il est difficile pour le chef d’établissement de retrouver les mêmes conditions d’apprentissage pour
l’élève exclu, surtout à proximité du domicile de l’élève exclu.
Comme le signalent certains auteurs, les établissements scolaires ont encore une trop
grande habitude de travailler seuls et de piloter les actions. Les personnels ne pensent pas
toujours à créer des liens avec les structures extérieurs pour préparer l’avenir, élaborer des
partenariats ou demander des conseils avec les missions locales, les associations de formation, les maisons de quartier en particulier31.
Ces mesures visant à maintenir la scolarité malgré l'exclusion temporaire de l'établissement ou l'absence temporaire prennent des formes très diverses. L’essentiel, en la matière, est de préserver la continuité des apprentissages, même en dehors de l’établissement,
en espérant que l’élève exclu saura tirer parti de la sanction.
Lorsque l’élève est définitivement exclu de l’établissement, les textes prévoient si
l’élève n’a pas atteint l’âge de 16 ans, l’obligation de rechercher un nouvel établissement, en
tenant des possibilités de transport et d’accueil, des formations proposées. Ces mesures
visent à assurer le suivi éducatif et éviter un ostracisme social préjudiciable dans la construction du futur citoyen.
L’établissement doit donc participer, en liaison avec l'inspection d’académie, à la recherche rapide d'une solution de rescolarisation, transmettre à l'élève de copies de cours et
d'exercices pendant la période de déscolarisation par exemple. Cela oblige le chef d’établissement à anticiper la décision finale du conseil de discipline, en prévoyant des options possibles ou un établissement préparant le même diplôme.
La portée de la sanction est-elle, ensuite, évaluée dans les EPLE convenablement ?
Existe-t-il un bilan et un suivi des élèves sanctionnés ou exclus de l’établissement au sein de
l’autorité décisionnaire en premier lieu ? Là encore, le manque de temps et l’absence d’outils
communs aux établissements scolaires permettant de connaître précisément la trajectoire
disciplinaire de l’individu incriminé impactent sévèrement certaines études.
La marque émotionnelle d’un passage en conseil de discipline est aussi variable selon
les élèves qui sont en construction ou ayant développé une culture différente de l’école et de
la société en fonction de leur système de valeurs. Le sursis prononcé parfois a-t-il un effet
salvateur ou renforce-t-il l’idée de l’impunité ? Peu d’investigations infirment ou confirment
l’effet pédagogique du sursis, d’où l’idée qu’à travers cette sanction se dessine un véritable
31 TARTAR GODDET Edith, Prévoir et gérer la violence scolaire, op cit p 196 et suivants.
pari du conseil de discipline vis à vis de l’auteur incriminé. Ce dernier n’amende pas toujours
son comportement ou n’évolue pas vers plus de maturité.
D’autre part, il ne faut pas négliger l’impact de l’exclusion définitive, engendrant souvent un soulagement parfois, après le départ du “fautif” de l’établissement. Elle masque hypocritement un échec de la fonction éducative dans l’EPLE ou l’impuissance des pédagogues à traiter le problème éducatif, en liaison avec la famille de l’intéressé.
Les évaluations de l’enseignement dans les académies conduites par les deux inspections générales montrent que l’activité des établissements scolaires dans ce domaine est
principalement tournée vers la lutte contre l’absentéisme et l’indiscipline, qui occupe une part
croissante du temps d’activité des CPE.
Quant à la transmission des valeurs, elle semble reposer davantage sur des outils (règlement intérieur, conseil de la vie lycéenne – CVL), que sur une véritable stratégie. L’EPLE
agit souvent dans l’urgence et de manière curative, face au décrochage, au mal-être familial
des élèves, aux problèmes de santé32.
La multiplication des conseils de discipline traduit l’exacerbation de déviances ou de
résistances au sein de la communauté, incapable de mettre en place des mécanismes de
prévention modulés, individualisés face à des individus en manque de repères. Comme le signale DEWEY, si l’exclusion peut représenter une mesure convenable, elle n’est pas la solution la plus efficace, car elle renforce les causes de l’attitude antisociale des individus, le désir d’attirer l’attention ou de se faire valoir33.
Des mesures alternatives existent, par exemple, pour éviter des réunions successives
du conseil de discipline pour des faits qui pourraient être traités autrement que par ce biais.
Le chef d’établissement utilise des mesures alternatives au conseil de discipline
La lecture des textes incite, toutefois, à penser que le conseil de discipline doit demeurer l’exception pour traiter une violation du règlement intérieur. Les acteurs du système scolaire disposent, en théorie, d’une pléthore de possibilités pour juguler dysfonctionnements,
conflits ou préjudices au sein de l’enceinte scolaire.
L'article L 921-1 du Code de l'éducation prévoit que les enseignants sont responsables
de l'ensemble des activités scolaires des élèves et, à ce titre, une décision d'exclusion de
cours peut tout à fait être prise en fonction de l'intérêt général et pour assurer la continuité
des activités de la classe.
Justifiée par un comportement inadapté au bon déroulement d'un cours, l'exclusion
ponctuelle doit demeurer exceptionnelle et donner lieu systématiquement à une information
écrite au conseiller principal d'éducation ainsi qu'au chef d'établissement. Elle s'accompagne
d'une prise en charge de l'élève dans le cadre d'un dispositif prévu à cet effet de manière à
assurer la continuité de la surveillance. Il s'agit d'une réponse ponctuelle qui relève de la responsabilité professionnelle de l'enseignant.
Toutefois la répétitivité d'une exclusion doit amener l'équipe éducative à s'interroger sur
une prise en compte collective des difficultés que rencontre l'élève fréquemment exclu. Il
convient enfin de souligner que l'exclusion d'un ou plusieurs cours d'un élève prise, à titre de
punition, par les personnels enseignants ou de direction, trop systématiquement répétée ou
pour plusieurs jours consécutifs, s'apparenterait à une sanction, et ne relèverait plus des mesures d'ordre intérieur.
L’article R 511-2 du code l’éducation prévoit que “préalablement à la mise en œuvre
d'une procédure disciplinaire, le chef d'établissement et l'équipe éducative recherchent, dans
la mesure du possible, toute mesure utile de nature éducative”.
Des mesures préventives à la disposition de la communauté éducative
Les mesures de prévention visent à prévenir la survenance ou à éviter la répétition
d'actes répréhensibles. Toutes les mesures qui permettent d'assurer la continuité de l'enseignement sont des mesures d'accompagnement d'une punition ou d'une sanction. Elles
32 L’EPLE et ses missions, rapport IGAENR, décembre 2006.
33 J DEWEY Expérience et éducation in Eirick PRAIRAT, Penser la sanction, 1999, IRTS.
peuvent être très diverses et cette palette de possibilités doit permettre de répondre efficacement aux situations des élèves.
Tout d’abord, l’engagement écrit ou oral de l'élève. Cette solution a pour avantage de
désamorcer rapidement un conflit et permet au terme d’un contrat de rappeler les obligations
du contractant. Un rappel à ce texte signé formalise et codifie certains rapports sociaux.
La mise en place d'un tutorat éducatif ou pédagogique ensuite. Ce procédé possède
l’avantage de construire une politique préventive individualisée avec un référent reconnu et
accepté par l’élève. Il nécessite souvent quelqu’un d’expérimenté et de confiance pour cette
mission de longue haleine.
Dans certains cas, éventuellement, une collaboration avec les personnels de services
concernés par une action d'aide éducative en milieu ouvert (AEMO) reste une intéressante
opportunité d’ouverture de l’établissement vers son environnement, même si elle n’est pas
gérée par la communauté éducative.
D’autres solutions existent. Il peut s'agir d'une réponse immédiate apportée à un comportement perturbateur : classement de documents, rangement de livres... Ce peut être également la participation à un projet pédagogique dans une classe que l'élève a perturbée
Nous pouvons citer l’aide à la mise en page informatique d'un projet, la prise en charge d'un
élève plus en difficulté, ou la participation à l'organisation d'activités de lecture-écriture, à
l'animation de clubs.
Le juge administratif considère que la condition liée à l’urgence s’applique à l’élève déscolarisé. Pendant toute période d'exclusion d'un établissement, quelles que soient ses modalités et sa durée, un calendrier de suivi et de rendez-vous avec toutes personnes et services concernés (professeur principal, conseiller principal d'éducation, conseiller d'orientation
psychologue, service de la scolarité de l'inspection d’académie, etc.) peut utilement être organisé.
Il convient de noter que les assistantes sociales jouent un rôle important en matière de
suivi éducatif et social. À ce titre, elles peuvent être des interlocutrices privilégiées tant au près des familles que des élèves, pour l'application de ces mesures d'accompagnement.
Les établissements scolaires face à de plus en plus d’élèves mineurs défavorisés, en
proie à des difficultés familiales, n’ont plus d’interlocuteur. Ces élèves ne se font pas assister
ou parfois sont carrément absents le jour du conseil de discipline.
Or, ce n’est qu’à partir de règles éprouvées, connues, identifiées et acceptées, qu’il est
possible d’envisager un espace de médiation, de négociation et d’arbitrage, et non l’inverse.
L’interprétation de la règle, si elle précède son application, n’a alors plus de sens 34. Les acteurs doivent donc élaborer un projet éducatif en clarifiant leurs valeurs communes, mais
aussi à les hiérarchiser, en s’interrogeant sur son identité35.
Les commissions de vie scolaire régulent de nombreuses déviances avec succès
La composition et le rôle de la commission de vie scolaire doivent être soumis en
conseil d'administration et inscrits dans le règlement intérieur. Prévues par la circulaire du 27
mars 1997, les commissions de vie scolaire (appelées encore parfois commissions éducatives ou commissions disciplinaires, voire commissions de mise en garde) ont été mises en
place dans les collèges et lycées. Elles interviennent dans certains établissements, après
l’échec d’autres dispositifs préventifs qui n’ont pas de réalité juridique exogène à l’EPLE,
comme des commissions de mise en garde.
Ces commissions ont pour but de revenir sur les écarts de conduite de l’élève qui comparait. Elles ne se prononcent pas obligatoirement sur une sanction (notamment si elle a
déjà été appliquée) mais elle a pour objectif de faire prendre conscience à l’élève de ses pro-
34 Intervention de Mme Laurence LIBEAU MOUSSET Regards croisés sur la communauté scolaire Violences,
régulation, prévention , ESEN, mars 2007.
Comme le remarque Hanna Arendt, l’éducation est ainsi le seul domaine où l’autorité n’est pas une construction
idéologique mais une nécessité anthropologique. Et constitue donc une obligation morale.
35 Monica GATHER THURLER, Innover au cœur de l’établissement scolaire, éditions ESF, 2000, p 132.
blèmes de comportement et d’amener un changement d’attitude. Elle peut déboucher sur la
signature d’un contrat et / ou la mise en place d’une fiche de suivi.
Une très large marge d'appréciation est laissée à l'établissement en ce qui concerne
son organisation. Aucune règle de composition précise n’est fixée, ni dans son fonctionnement, seules ses compétences sont définies36.
La nature des mesures que cette commission peut proposer implique l'engagement
personnel de l'élève à l'égard de lui-même comme à l'égard d'autrui et fait appel à sa volonté
de participer positivement à la vie de la communauté scolaire.
En pratique, ces commissions existent dans les établissements scolaires, mais elles
fonctionnent de manière variable. Elles alourdissent le travail quotidien des acteurs (multiplication de réunions, perturbation du service public si les commissions sont réunies durant les
heures d’ouvertures de l’établissement), sans que les résultats soient immédiatement visibles ou profitables à court terme. Ces instances aboutissent sur des engagements porteurs
d’évolutions positives, mais déçoivent les coupeurs de têtes dans les établissements37.
Au-delà de leur aspect chronophage, les commissions s’établissent comme des organes médiateurs face à des actes ne respectant pas le règlement intérieur de l’établissement. Elles permettent aux membres d'une équipe pédagogique ou éducative d'examiner ensemble la situation d'un élève dont le comportement est inadapté aux règles de vie dans
l'établissement. Ces commissions sont particulièrement adaptées et pertinentes pour le cas
d'élèves ayant des attitudes perturbatrices répétitives qui relèvent souvent de "manquements
mineurs", mais dont l'accumulation constitue une gêne pour la communauté et pour l'élève
lui-même dans ses apprentissages38.
Elles rappellent la loi dans l’établissement, en entendant l’élève qui pourra sceller
éventuellement des engagements écrits ou oraux, sous couvert d’un contrat. Devant cette
commission, l'élève entendra les reproches qui lui sont faits et devra expliquer son attitude.
La finalité de cette procédure est d'amener l'élève à prendre conscience des conséquences
de son comportement et à appréhender positivement le sens des règles qui régissent le
fonctionnement de la vie sociale dans l'établissement.
Dans d'autres cas, il peut se révéler utile d'obtenir de l'élève un engagement fixant des
objectifs précis et évaluables en termes de comportement et de travail scolaire. Le projet se
construit avec tous les acteurs sociaux, de santé et d’orientation présents au cœur de
l’EPLE. Les mesures d'accompagnement sont aussi prévues, pour apporter une réponse
face à des violations du règlement intérieur. Elles visent surtout à aider l’auteur des faits à
une prise de conscience de sa déviance et lui apporter un secours face à des situations de
détresse, afin qu’il puisse s’intégrer dans la communauté scolaire ou ne pas s’en exclure.
Les mesures d’accompagnement peuvent prendre la forme de devoirs, exercices, révisions.
Elles peuvent consister en un accueil et travail scolaire à effectuer en dehors de l'horaire des
cours.
Le projet d’accompagnement de l’élève n'entraîne, en tout état de cause, aucune obligation soumise à sanction au plan juridique. Il doit se composer de la mise en place d'un suivi de l'élève par un ou plusieurs tuteurs. Si l'élève fait l'objet d'une mesure d'action éducative
en milieu ouvert (AEMO), ce travail de suivi se fait en collaboration avec les personnels des
services concernés.
La commission de vie scolaire ne doit pas être assimilée par l'élève à un conseil de
discipline, auquel elle ne se substitue en aucun cas. Pour cela, il vaut mieux éviter d'employer le terme discipline dans la désignation de cette commission. Surtout, elle ne peut prononcer aucune sanction. Ces commissions ont-elles un impact sur le comportement d’élèves
ayant commis des actes répréhensibles ? Les outils statistiques manquent sur ce point.
La réparation comme une des réponses pédagogiques
36 Ces commissions sont souvent composées du chef d’établissement ou de son adjoint, la CPE du niveau
concerné, le professeur principal de la classe, un professeur volontaire extérieur à la classe, et, le cas échéant,
l’assistante sociale et l’infirmière. Selon la nature des faits il peut être demandé à l’élève d’être accompagné de
son représentant légal.
37 Yves de Saint Do, Marie Ange Henry, Donatelle Pointereau , Le rôle pédagogique du chef d’établissement, op
cit, p 92.
38 DUBREUIL Bertrand. Collèges en milieux populaires : “Ces mots qui veulent nous changer”. Paris : L’Harmattan - Editions Licorne, 2000 sur le décalage entre le milieu familial et l’école.
La notion de réparation est indissociable de la notion de responsabilité personnelle.
Celui qui manifeste le désir de réparer est en position de responsabilité par rapport à ses
actes : il les reconnaît et les assume au point de souhaiter, dans la mesure du possible, en
annuler les conséquences. C'est aussi un signe en direction de la victime ou tout simplement
un geste de bonne volonté pour signifier que l'on entend rester membre d'un groupe.
Proposer une réparation alternative ou cumulée avec une punition ou une sanction à
l'élève fautif, c'est donc lui permettre de prendre conscience de sa responsabilité et d'éviter
de recommencer. Il s’agit aussi de combattre l’idée de châtiment hérité de notre culture du
Moyen âge qui serait la seule alternative pour réparer le dommage causé.
La réparation est un moyen de montrer la portée de la violation de la règle commune.
Elle donne un sens particulier à l’acte répréhensible commis par l’élève en attirant son attention sur le dommage qu’il a causé à la communauté scolaire directement ou indirectement.
Cette démarche, fondée sur le dialogue et la persuasion, peut permettre à l'intéressé de
mieux appréhender la portée de ses actes, et le préjudice qui en est résulté pour la collectivité. La réparation proposée doit avoir un lien explicite avec sa qualité d'élève et prendre en
compte la nature de sa faute. Il nécessite l’accord préalable de l’intéressé et de sa famille.
Travail d'intérêt collectif ou d’intérêt général
Il peut être une alternative ou un complément à une punition ou une sanction. Il nécessite l'accord préalable de l'intéressé et de sa famille 39. Il peut s'agir de faire réparer à l'élève
le dommage qu'il a causé à un bien, dans la mesure où cela s'avère possible. Les travaux
peuvent aussi concerner l'amélioration du cadre de vie. Ces travaux doivent, dans tous les
cas, être en rapport avec les capacités de l’élève40. Ils doivent être exempts de tout caractère
humiliant ou dangereux et accomplis sous la surveillance d'un personnel de l'établissement
qualifié41. Ces conditions limitatives forcent les établissements scolaires à trouver des solutions originales face à la montée de parents procéduriers.
La circulaire n°97-085 du 27 mars 1997 stipule, de manière très réaliste, en effet, "qu’il
peut également être proposé à l'élève de réparer le dommage qu'il a causé, en effectuant
une prestation au profit de l'établissement. Cette démarche, fondée sur le dialogue et la persuasion, peut permettre à l'intéressé de mieux appréhender la portée de ses actes, et le préjudice qui en est résulté pour la collectivité. Elle est ainsi susceptible de se révéler plus efficace, pour l'amendement de l'élève, que le prononcé d'une sanction n'entretenant qu'un rapport abstrait avec le tort causé".
Elle ajoute, avec humilité, "qu‘il conviendra bien évidemment de faire primer la portée
symbolique et éducative de la démarche sur le souci d'une réparation intégrale du préjudice
causé". Ce texte laisse toute latitude aux responsables éducatifs d’élaborer une panoplie
pour s’assurer de la valeur pédagogique de la réponse apportée à un manquement.
La question se pose, si ce mode de gestion de l’acte fautif produit un effet dissuasif sur
l’élève. D’autre part, lorsqu’il s’agit de régler un litige avec présence d’une victime, il n’a pas
certain que la réparation couvre la totalité du préjudice subi par le plaignant. Seule l’absence
de récidive ou le changement radical de comportement de la part de l’élève peuvent justifier
ce choix et le légitimer aux yeux de la communauté. C’est un pari variable selon les individus.
La réparation peut prendre des formes d’un travail ou une remise en état, mais aussi
sous l’aspect d’excuses formulées à l’encontre de l’agressé ou des engagements futurs. Il
39 GAYET Daniel. L’école contre les parents. Paris : INRP, 2000, 124 p. (Enseignants et chercheurs). L’analyse
des courants d’études portant sur les relations écoles-familles conduit l’auteur à recenser les actions entreprises
par quelques établissements scolaires pour faciliter les contacts dans l’intérêt de l’enfant. Selon lui, il s’agit d’examiner les relations familles-école du point de vue de l’enfant lui-même et de rechercher ensemble, parents et enseignants, des solutions.
40 Circulaire n°97-085 du 27 mars 1997.
Circulaire n°2000-105 du 11 juillet 2000 - Titre II 2.4.
Circulaire n°2000-106 du 11juillet 2000 - Titre II 2.4.
41 MIGEOT-ALVARADO Judith. La relation école-familles : "Peut mieux faire". Paris : ESF, 2000, 119 p. (Pratiques & enjeux pédagogiques). Il convient de ne pas perdre de vue que pour favoriser l’autonomie de l’enfant-élève, milieu familial et milieu scolaire doivent rester distincts.
s'agit là de provoquer une explication, seul à seul ou en présence d'un médiateur (conseiller
principal d'éducation, professeur principal, chef d'établissement, adjoint, parents), entre chacune des parties pour qu'elles reconnaissent la position de l'autre. Il ne faut pas mettre sur le
même plan l'agresseur et l'agressé et obtenir l'accord préalable de la victime. Selon l'objectif
visé, la démarche de médiation peut déboucher sur une conciliation, une ferme mise au
point, une "contractualisation" avec la famille.
Un engagement fixant des objectifs précis en termes de comportement et de travail
scolaire est souvent prévu. Sa forme varie. Il est signé par l'élève, et selon les cas par sa famille, le professeur principal, le chef d'établissement, le médiateur ou l'éducateur. Des rappels à ce contrat émaillent la scolarité des élèves ayant des comportements répréhensibles.
Par contre, il serait intéressant d’introduire la notion de réhabilitation issue du droit romain. En matière judiciaire, elle permet à un individu condamné à une peine d’arriver à obtenir, au moyen de sa bonne conduite, que sa condamnation soit effacée par une décision de
justice. La communauté éducative disposerait ainsi d’un levier pédagogique au sein de
l’EPLE, non délimité dans le temps, ouvrant une issue positive et évolutive pour l’élève sanctionné.
Conclusion
Il résulte donc que le conseil de discipline se conçoit comme une arme à portée limitée
sur le plan pédagogique, car elle se trouve en concurrence avec des multiples mesures alternatives qui peuvent engendrer une modification du comportement, une prise de conscience
et une formation citoyenne de l’élève. Le chef d’établissement peut choisir de concert avec
les personnels enseignants et vie scolaire des solutions moins expéditives et traumatisantes,
de surcroît moins pesantes pour toutes les parties.
Il n’en demeure pas moins que le conseil de discipline par sa solennité, son caractère
exceptionnel et les interactions qu’il crée entre la communauté scolaire et l’apprenant présente un rôle primordial dans la régulation des rapports sociaux et l’apprentissage de la responsabilité. Le conseil de discipline ne doit nullement devenir anodin, ne doit pas se banaliser, ne doit pas être un exutoire, un défouloir, une compensation42.
Il doit apparaître comme une singularité dans la panoplie des recours possibles, parce
qu’il regorge d’un impact émotionnel auprès la communauté éducative et peut marquer durablement un établissement scolaire.
Il ne doit pas se poser comme une instance visant à exclure des individus ayant transgressé des règles essentielles de la vie en commun, mais comme un moyen de remédier à
des carences et des incivilités dont les adolescents n’ont pas toujours conscience. Il s’agit
donc dans les établissements d’instaurer une veille efficace face à ces comportements déviants et conserver un dialogue permanent avec des individus et leur environnement fragiles,
Certains adolescents peu suivis par les familles ou asociaux ne possèdent pas les codes qui
leur permettront de réussir sur les lieux de travail ou leur proche environnement. Tous les
adultes les possèdent-ils ?
Cette surveillance protectrice doit s’accompagner de la mobilisation de tous les acteurs
du système éducatif. La dichotomie bien française entre les enseignants et la vie scolaire
doit s’estomper face au principe fondamental que dans l’EPLE, tout le monde éduque, pas
simplement que les pédagogues. La veille éducative et le suivi personnalisé des élèves
consomment de l’énergie, de la patience et du temps. Mais l’enjeu n’est-il pas de taille ?
Au demeurant, il s’agit aussi de soulager le chef d’établissement dans le déroulement
des procédures disciplinaires. La multiplication et la lourdeur des conseils des disciplines
dans certains EPLE incitent à conférer à l’adjoint, dans le cadre d’un partage des tâches,
plus de prérogatives pour réunir cette instance pour certains faits.
La procédure de réunion et de tenue du conseil de discipline se trouve être contrai gnante et rigide. Elle renforce les comportements anxiogènes. Elle n’aide pas toujours à produire un résultat salvateur pour l’élève. Il faut dédramatiser cette instance en rendant sa
composition et son fonctionnement plus souple, à géométrie variable, en fonction de chaque
apprenant. La justice n’est pas l’école, mais une école perçue sans justice échouerait dans
ses missions fondamentales.
42 "A quoi sert le conseil de discipline ? ", GARDY BERTILI, le café pédagogique, 15 mai 2009.
Dominique LOPEZ
Docteur en droit public, proviseur adjoint
Académie de Clermont-Ferrand

Documents pareils