7 Jours Filpac CGT d`été

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7 Jours Filpac CGT d`été
7 Jours Filpac CGT d’été
Que fête-t-on au juste, à Londres, aux « Jeux olympiques » ?
Le sport ?
Les 10 490 athlètes de 26 disciplines, espérant gagner les 4 700
médailles disponibles, concourent-ils, selon les termes du serment
olympique, pour l’honneur du sport, la gloire de leur drapeau dans
un « esprit chevaleresque » (sic), vierge de tout dopage ? Ces Jeux,
ce serait un bric-à-brac improbable de spécialités sportives dont la
seule unité serait la beauté du geste désintéressé, car l’important, ce
serait d’y participer…
Quand même, une certaine inégalité règne entre athlètes, non ? Quel
rapport entre les multimillionnaires du tennis olympique - 1 000
dollars le coup de raquette - et les lanceurs de marteau ouzbeks ou
kirghizs ? Un marteau, c’est une boule d’acier de 16 livres (7,257
kilos) pour les hommes et de 4 kilos pour les femmes (qui n’ont
droit à l’engin que depuis 1985), reliée à une poignée par une corde
à piano. L’athlète doit l’expédier le plus loin possible. Allez parler
de la gloire du sport munis de votre « marteau », du côté de Wimbledon ou de Roland Garros…
De drôles d’anachronismes côtoient des spécialités hyper médiatiques. Le « pentathlon moderne » est
inscrit au menu des Jeux depuis 100 ans (1912, Stockholm). Créée par Pierre de Coubertin, la
discipline comporte les 5 épreuves du « soldat idéal » imaginé par le baron : tir, escrime, natation,
équitation, course à pied. Patton termina 5e de ce concours en 1912. Un monument historique, et
confidentiel. Cette délicieuse survivance « olympique » voisine avec les tonitruant et si lucratifs basket
et football.
Le sport a ses riches et ses pauvres. Sa renommée ne dépend que de sa médiatisation, c’est-à-dire de
sa capacité à générer sur les chaînes de télé du temps libre pour que le cerveau capte la publicité. Tant
pis pour le canoë kayak ou les barres asymétriques. De là à conclure que le sport, aux Jeux
olympiques, n’est qu’un prétexte… Mais à quoi ?
L’esprit olympique ?
Trop fastoche : au moment où le dernier relayeur du 4 + 100 mètres nage libre touchait en vainqueur le
bord du bassin (cocorico), les derniers bastions de la résistance à Alep tombaient sous les
bombardements de l’armée du dictateur syrien. La trêve olympique… Mais à défaut, une part de rêve ?
Ceux qui angoissent d’être enrôlés de force dans l’armée de chômeurs ont-ils un répit ? Celui que
procure tout spectacle vivant bien monté : le sport n’est-il pas né du vieux mot desport, se déporter, se
distraire de la réalité quotidienne.
Le comité international olympique est l’opérateur principal de l’olympisme. Depuis 1984 - les jeux de
Los Angeles -, le CIO s’est transformé en Big Brother du capitalisme. Sous l’impulsion de Juan
Antonio Samaranch, ancien élu et militant du dictateur espagnol Francisco Franco, le CIO devient une
entreprise, mettant fin officiellement à l’amateurisme sportif.
Ses revenus actuels sont de l’ordre de 5,5 milliards de dollars (période Turin 2006 JO d’hiver, Pékin
2008 JO d’été). Il a organisé un « Programme Top Sponsors », qui génère 957 autres millions. 11
firmes guident l’entreprise olympique : Coca-Cola, Acer, Atos, General Electric, Mc Donald’s,
Omega, Panasonic, Procter et Gamble, Samsung, Visa, Dow Chemical. Les firmes américaines sont
majoritaires. Comme le CIO « redistribue » une part de ses revenus aux comités olympiques
nationaux, devinez qui se taille la part du lion ?
Les multinationales derrière les 5 anneaux, bien sûr. Mais à Londres, l’horreur économique bat
son plein. Quelques exemples :
‐
Lakshmi Mittal, porteur de la flamme parce qu’il a confié au CIO 18 millions d’euros et a
offert le symbole monumental des jeux, l’Orbit Tour, une structure d’acier rouge ? Rouge des
emplois détruits dans les hauts fourneaux à Liège Seraing, dans les aciéries de Florange, à
Schifflange – Rodange (Luxembourg)
‐
Dow Chemical, l’un des 11 sponsors majeurs, est l’heureux propriétaire de l’usine d’Union
Carbide à Bhopal. En 1984 - décidément -, 25 000 personnes étaient assassinées par les
émissions de gaz toxique.
‐
La British Petroleum (BP), qui arrose les Jeux de la manne pétrolière, a commis l’une des
plus grandes pollutions en 2010, par un forage désastreux dans le golfe du Mexique. Sans
compter Rio Tinto célèbre pour l’exploitation impitoyable des mineurs de fond, et tant
d’autres.
‐
Les théocraties du golfe arabo-persique ont tant de poids financier qu’il leur a fallu
quelques minutes pour amender la charte olympique : le voile est désormais autorisé dans les
compétitions féminines. Le Qatar ne va-t-il pas organiser bientôt la coupe du monde de foot ?
Alors on célèbre quoi, aux Jeux olympiques ?
Les Jeux olympiques de l’ordre établi
Aux Jeux de l’ère moderne, on vient se congratuler entre
entrepreneurs de taille mondiale. Quelle réussite d’avoir
transformé l’énergie sportive en valeur lucrative
mondialisée, de fonder l’esprit du capitalisme sur la
sélection naturelle qu’organise la compétition. Il n’en restera
qu’un, le plus fort…
Le sport, entre les mains du CIO, est devenu une machine à cash pour les investisseurs, une illusoire
mécanique de la réussite sociale pour les pauvres. Un Slamdog Millionair grandeur planétaire. Et tant
pis si l’olympisme du baron de Coubertin reposait sur l’amateurisme éclairé des rejetons de la
bourgeoisie, envoyés sur le terrain y cultiver leurs muscles atrophiés par l’oisiveté.
L’olympisme, dirigé par un Comité International Olympique coopté, réfugié en Suisse, a toujours
épousé l’esprit du temps. Il n’a pas hésité à confier à Adolf Hitler deux fois les Jeux : ceux d’hiver en
février 1936 à Garmisch-Partenkirchen, ceux de l’été 1936 à Berlin. Désormais, le drapeau olympique
couvre de ses anneaux une opération idéologique. Puisque les dieux du capitalisme sont tombés sur la
tête, les athlètes sont chargés, le temps d’une quinzaine commerciale, de leur fournir une parade
mondiale à leur gloire.
Les droits audiovisuels de transmission rapportent au CIO environ 4 milliards de dollars. Les jeux sont
virtuels : ils n’existent que par la télévision, reine des batailles de l’opinion. La Grande-Bretagne, en
pleine récession comme le Vieux Continent, avait bien besoin d’une opération de communication à
cette hauteur.
D’autant que les milliards jetés dans la bataille par la municipalité londonienne et le gouvernement de
Sa Majesté seront payés comme d’habitude par les contribuables. Il n’y a qu’aux Jeux qu’on fait
semblant de distribuer de l’or (les médailles sont en alliage). Le système, le vrai, en accumule.
Toujours plus.

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