Discours de S.E. M. Juan Antonio Samaranch Président du Comité
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Discours de S.E. M. Juan Antonio Samaranch Président du Comité
92e Session DISCOURS DE S.E. M. JUAN ANTONIO SAMARANCH PRÉSIDENT DU COMITÉ INTERNATIONAL OLYMPIQUE P our la première fois de son histoire, le CIO se retrouve rassemblé, pour sa 92e Session, à Istanbul, la légendaire — la ville d’or — pont jeté à travers les siècles entre l’Europe et l’Orient. Terre de passage, mais aussi terre de contacts et d’échanges, la Turquie a, au travers des siècles, acquis une identité toute particulière, dont la tradition sportive est l’un des éléments les plus solides. Monsieur le Président, il n’était alors pas étonnant de voir la Turquie s’intéresser dès l’origine à l’entreprise ambitieuse de Pierre de Coubertin, la rénovation des Jeux Olympiques. Votre pays peut s’enorgueillir à juste titre de compter parmi ceux qui rejoignirent très vite le Mouvement olympique moderne. L’enthousiasme de Selim Siri Tartan et de ses successeurs, comme membres du CIO, permirent ainsi à la Turquie, Jeux Olympiques après Jeux Olympiques, de remporter bon nombre de lauriers. Peut-être est-ce cette expérience des combats que vous avez menés pour votre indépendance qui vous a donné cette réputation de lutteur redoutable, et permis de briller si justement dans les sports traditionnels ou la force, le courage et la loyauté s’expriment le mieux, comme la lutte. L’accélération de l’évolution de nos sociétés respectives a cependant, depuis plusieurs décen236 nies, considérablement modifié cette situation. L’émergence bienvenue de nouveaux pays, l’accession au sport d’un nombre grandissant d’hommes et de femmes, la multiplication des centres d’intérêt, l’apparition de nouvelles activités, ont souvent ébranlé ces fondements traditionnels. C’est là, je crois, que le renforcement attentif de notre unité peut prendre tout son sens et toute sa valeur. Vous savez tous que notre famille olympique est une très grande famille, et nous en sommes fiers. Mais avec la multiplication de ses membres, il était naturel que le nombre de ses problèmes augmente et que leur acuité grandisse. J’ai souvent profité de cette tribune annuelle pour lancer des avertissements et appeler à des actions communes. Cette année encore, à quelques mois des Jeux de 1988, permettez-moi de recourir une nouvelle fois à cette formule. Plus que jamais, mes amis, notre unité est notre sauvegarde. Je ne parle pas ici d’une unité de façade que le moindre problème sérieux lézarde et met en danger, mais d’une unité profonde — je dirais presque viscérale — entre nous tous, membres du Comité International Olympique, des Fédérations sportives Internationales qu’elles soient olympiques ou reconnues, et des Comités Nationaux Olympiques, sans oublier les Comités d’organisation des Jeux dont l’importance réelle est souvent méconnue et les responsabilités énormes. Je suis heureux de dire qu’il me semble que cette nécessité absolument vitale commence à être reconnue et comprise, et je voudrais ici en particulier remercier tous les membres du CIO pour le soutien sans faille et l’appui constant qu’ils ne cessent de me donner, contribuant ainsi à accroître de façon sensible le prestige de notre mouvement. Face aux difficultés du monde actuel et aux appétits divers suscités par la place de plus en plus importante accordée au sport et au Mouvement olympique dans le monde entier, il est essentiel, je le répète, que toutes les organisations qui se réclament des idéaux olympiques se concertent et adoptent une attitude commune. C’est à mon avis la condition qui nous permettra non seulement de résister à ces dangers, mais surtout de les dépasser et d’atteindre une nouvelle dimension dans notre développement. Le 1er janvier 2001, nous entrerons dans le troisième millénaire de l’ère chrétienne. Ai-je besoin de rappeler que les Jeux Olympiques sont nés voici près de 2800 ans et que, ici même, dans cette partie occidentale de l’Asie qui a vu la naissance de bien des civilisations, des compétitions sportives fort importantes se déroulaient régulièrement il y a près de 4000 ans. Depuis plus de 2800 ans, l’idée olympique a cheminé dans l’esprit des hommes, passant d’un continent à l’autre, d’une civilisation à une autre, prenant tout au long de ce périple des formes diverses, revêtant des vêtements dissemblables, se pliant à des règles mouvantes et souvent contradictoires selon les époques. Par ce rappel je voudrais seulement souligner que les individus ont peu d’importance face à l’histoire. Ce qui compte est le résultat final, l’aboutissement des efforts que des milliers et des milliers d’hommes, des milliards devrais-je dire maintenant, à travers le monde entier, ont consenti avec enthousiasme pendant des années pour développer leur mouvement et faire triompher ses idéaux, tout en répondant le plus exactement possible aux exigences variées de leur temps. «Vérité en deçà de la frontière, mensonge au-delà », dit un proverbe français. Que voilà une maxime qui s’applique bien à l’histoire du sport, non seulement d’un pays à un autre, mais encore d’une période à une autre. J’ai souvent mis l’accent sur la nécessité pour le Mouvement olympique et le CIO d’être le pont qui unit des conceptions, des sensibilités différentes. Ce sont cette constance, ce lien à travers les siècles, qui font l’originalité de notre beau Mouvement olympique. C’est cela qui transcende le sport pour en faire un élément de société, une parcelle de cet humanisme international que chacun recherche plus ou moins inconsciemment. C’est cela que nous devons continuer de chérir et de sauvegarder, et non pas les avatars successifs de cette idée. Monsieur le Président, avant de terminer, permettez-moi d’oser affirmer que c’était cette conception de nos idéaux que partageaient ceux de vos compatriotes qui ont suivi notre chemin et nous ont permis d’avancer jusqu’ici. Selim Siri Tarcan, Burhan Felek et Suat Erler sont des noms que les membres du Comité International Olympique connaissent bien. Ceux qui les portaient appartenaient véritablement à notre famille, et je tenais à leur rendre ici un hommage tout particulier. Je ne saurais non plus manquer de rappeler ici l’impeccable organisation des VIes Jeux Méditerranéens dans la ville d’Izmir en 1971, pour lesquels le Comité Olympique Turc reçut de façon tout à fait justifiée la Coupe olympique. Enfin, je souhaiterais remercier tous ceux qui ont contribué à la parfaite préparation de cette 92e Session, et d’une façon toute particulière, notre cher collègue et ami Turgut Atakol, membre du CIO et président du CNO, qui, en dépit de difficultés de santé, a tenu à veiller personnellement à chaque détail de notre accueil. Qu’il trouve ici l’expression de toute notre gratitude et de notre plus sincère amitié. 237