À la Coordination Nationale des Intermittents et
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À la Coordination Nationale des Intermittents et
À la Coordination Nationale des Intermittents et Précaires et la CGT spectacles. Je reçois votre appel à la grève pour la soirée du 6 décembre. Intermittent moimême, je suis solidaire du mouvement et ai montré et prouvé cette solidarité ces dernières années à plusieurs reprises, en particulier en me mettant moi- même en grève quand beaucoup d'autres le refusaient. Cette fois-ci, je suis devant un vrai problème, crucial et particulier. Je joue, seul, sur la grande scène du Théâtre du Rond-Point une suite de six spectacles, soit dix-huit heures de théâtre. Tout repose sur mes simples forces d'homme. Si je loupe un seul - je dis bien: un seul- de ces spectacles, la mémoire s'efface et le système s'effondre. En effet, vu le calendrier que l'alternance implique, aucune solution de remplacement n'est possible. Mercredi 6 décembre, c'est "Avignon 68". Je ne l'ai plus donné depuis le 17 novembre, soit presque trois semaines. Si cette représentation déjà "limite" sur le plan de la mémoire, saute, celles du 16 et du 27 décembre sauteront aussi. Ce n'est pas une mais trois soirées qui seront condamnées, le spectacle tué et le récit interrompu. Pour parler vulgairement, je l'ai dans le cul. Et avec moi le public qui, en majorité, a pris les six billets. Je me sens comme un funambule à cinquante mètres en l'air, à qui on annonce qu'on va couper la lumière et relâcher les câbles qui tendent son fil. Je vous prie, je vous supplie de comprendre que ce travail et cette œuvre, fait, pensés, voulus, choisis par un intermittent, qui racontent la jeunesse et le combat d'un intermittent, auxquels il a consacré toutes ses forces et sa vie, ne peuvent se retrouver anéantis au dernier moment par un mouvement dont l'objet et la raison première sont la défense du statut des intermittents… S'il s'agissait d'un spectacle "normal", je ferais grève évidemment, et suis prêt à l'expliquer moi-même au public avant le début du spectacle. Je suis prêt surtout à lui exprimer ma profonde solidarité avec le mouvement et lui lire un texte qui explique clairement le pourquoi et les raisons de cette action. J'espère que vous entendrez mon appel. Je vous salue fraternellement. Philippe Caubère. Le 4 décembre 2006.