des aspects fiscaux de la societe unipersonnelle
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des aspects fiscaux de la societe unipersonnelle
Des aspects fiscaux de la SUARL DES ASPECTS FISCAUX DE LA SOCIETE UNIPERSONNELLE A RESPONSABILITE LIMITEE Aref REKIK* Enseignant à la Faculté de Droit de Sfax Sommaire I- Le régime d’imposition de la personne morale A- Lors de la constitution de la SUARL B- Lors du fonctionnement de la SUARL II- Le régime d’imposition de l’associé unique A- La cession des parts sociales de l’associé unique B- La rémunération de l’associé unique ********** « Notre économie est trop fiscalisée »1. Ce constat témoigne l’absorption par le droit fiscal de la majorité des réalités économiques2. Etant un nouveau né3 en droit des sociétés, la société unipersonnelle à responsabilité limitée (SUARL) a-t-elle fait l’objet d’un statut particulier en droit fiscal tunisien? Conçue comme « l’outil idéal » pour l’exploitation des petites et moyennes entreprises à caractère familial, la société à responsabilité * 1 2 3 E-mail : [email protected] A. OMRANE, préface à la RTF n° 1, 2004, p. 5. Le législateur tunisien a prévu un régime fiscal d’intégration des résultats spécifique aux groupes de sociétés, institué par la loi n° 2000-98 du 25/ 12/ 2000 portant loi de finances pour la gestion 2001. Il a consacré un régime fiscal pour les groupements d’intérêt économique par la loi n° 2001-123 du 28/ 12/ 2001 portant loi de finances pour la gestion 2002. Il a institué, aussi, un régime fiscal propre aux opérations de fusion et de scission des sociétés par la loi n° 2003-80 du 29/ 12/ 2003 portant loi de finances pour la gestion 2004. A. OMRANE, « Le droit tunisien des sociétés entre l’archaïsme et la modernité », Etudes Juridiques n° 10, Faculté de Droit de Sfax, 2003, p. 126. 147 Des aspects fiscaux de la SUARL limitée (SARL) peut, après la promulgation du CSC4, être créée avec un seul associé. En effet, l’article 2 du CSC évoque, dans son alinéa 2, la possibilité de créer une SUARL5. Cette innovation dont « l’importance ne doit pas être sous-estimée puisque constituant une tentative sérieuse de dépassement des structures classiques prévues par le code de commerce de 1959, risque cependant, d’être un simple faux-semblant »6. Ainsi, tout en choisissant la forme de SUARL7, le législateur tunisien n’a pas affirmé pour autant le caractère institutionnel de la société8. Envisagée en sa qualité de société unipersonnelle, la SUARL constitue une brèche fondamentale au droit commun des sociétés9. En effet, procédant incontestablement d’un 4 5 6 7 8 9 Jusqu’à la date d’entrée en vigueur du CSC, le droit tunisien était resté attaché à la conception contractuelle de la société puisque l’article 1249 du COC ne définissait pas seulement la société comme un contrat, mais aussi et surtout exige « deux ou plusieurs personnes » pour la constituer, ce qui entraînait comme conséquence logique la nullité de la société créée unipersonnelle. Voir, A. OMRANE, « Les problèmes suscités par l’entrée en vigueur du CSC », Etudes Juridiques n° 9, Faculté de Droit de Sfax, 2002. Les articles de 90 à 92 et de 148 à 159 du CSC traitent de la SUARL, et les articles 23 et 93 du même code évoquent la transformation de la société devenue unipersonnelle en SUARL. A. OMRANE, « Le droit tunisien des sociétés entre l’archaïsme et la modernité », op. cit., p. 126 Selon certains, l’admission de la SUARL, en droit tunisien, n’est pas une nouveauté au sens vrai du terme, puisque à côté des sociétés nationales (sociétés qui n’ont plus que l’Etat comme associé unique), l’article 136 ancien du code de commerce disposait que la dissolution de la société anonyme doit être prononcée par le juge à la demande de tout intéressé lorsqu’un an s’est écoulé depuis l’époque où le nombre des associés est réduit à moins de 7. C’est dire que pendant le délai d’un an avant la dissolution, la société peut fonctionner avec une seule personne. Voir, S. BOUSSARSAR, « Les droits des associés non gérants dans la société à responsabilité limitée », mémoire DEA, Faculté de Droit de Sfax, 2002-2003, p. 7. L’article 2 du CSC continue encore de définir la société comme un contrat. Ce caractère contractuel de la société est d’ailleurs confirmé par l’article 3 du CSC qui dispose dans son alinéa 1er qu’ « à l’exception de la société en participation, le contrat de société est rédigé par un acte sous seing privé ou un acte authentique ». Le caractère institutionnel de la société est plus affirmé en droit français (article 1832 du code civil français tel que modifié par la loi n° 85-697 du 11 /07/ 1985). N. BRAHMI ZOUAOUI, « La société unipersonnelle à responsabilité limitée ou la technique juridique limitée ? », La Presse de Tunisie, 4 avril 2001. 148 Des aspects fiscaux de la SUARL acte de volonté unilatéral, la SUARL est de nature à s’opposer à la définition classique de la société où celle-ci apparaît comme un contrat supposant le concours au moins de deux volontés. La consécration de la SUARL10, en droit tunisien, a été justifiée par la nécessité d’être en harmonie avec le développement législatif sur le plan international11. En effet, instituant plus tardivement le phénomène de la société unipersonnelle, le droit tunisien ne devrait pas manquer de tirer profit des expériences du droit comparé12. Il est unanimement admis que la SUARL n’est qu’une variante de la SARL13 même si elle a été révélée, à travers les travaux préparatoires du CSC14, comme une nouvelle forme de société15. C’est ainsi que l’article 148 du CSC dispose expressément que « le régime juridique des SARL est applicable aux SUARL sous réserve des dispositions contraires prévues au présent titre ». 10 11 12 13 14 15 Le législateur tunisien, instituant la SUARL, dans le CSC, avait utilisé pour la désigner le qualificatif « société », et ce dans toutes les dispositions qui en sont afférentes, contrairement au législateur français ayant utilisé le qualificatif « entreprise » en vue de la désignation de ladite technique. En effet, le législateur français, dans la loi n° 85-697 du 11 juillet 1985, parle de « l’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée » (EURL). La 12ème directive du conseil de l’Union Européenne relative à la SUARL est venue coordonner les législations des pays membres. Voir, S. MOUSOULAS, « La SUARL communautaire, appréciation de la 12ème directive du conseil en matière des sociétés », Rev. Soc. 1990, p. 395. Le droit allemand, qui est l’origine de la société unipersonnelle dans le droit moderne, a admis la possibilité de création d’une société avec un associé unique, et ce par la loi du 11/ 07/ 1980. En droit français, l’EURL a été consacrée par la loi n° 85- 697 du 11 juillet 1985 (JO 12 juillet 1985, p. 7862 ; JCP 1985, III, 57435). J.J DAIGRE et M. ROUSSILLE, « EURL », Juris- Classeur sociétés, 2000, fasc 82- 10. Débats de la chambre des députés, séance du 31 octobre 2000, n° 4, p. 60. C’est ainsi que le livre III du CSC intitulé « les SARL » est divisé en trois titres, un titre 1er intitulé « dispositions générales » ( les articles 90 à 92 ), un titre deux consacré à la SARL ( les articles 93 à 147 ) et un titre III consacré à la SUARL ( les articles 148 à 159 ). 149 Des aspects fiscaux de la SUARL « Société en main unique » ou encore « SARL unijambiste »16, la SUARL se distingue de l’entreprise individuelle17 d’un point de vue juridique et fiscal. Juridiquement, alors que l’entreprise individuelle n’a pas de structure juridique propre puisqu’elle se confond avec la personne de l’exploitant18, la SUARL jouit de la personnalité morale19. Elle a un patrimoine, et ce contrairement à l’entreprise individuelle. En effet, la consécration de la SUARL est de nature à supposer une reconnaissance indirecte de la possibilité de créer des patrimoines d’affectation en matière commerciale20. De surcroît, si dans l’entreprise individuelle la responsabilité de l’entrepreneur est toujours illimitée puisqu’il est tenu des dettes de son entreprise sur la totalité de son patrimoine21, elle est au contraire limitée à son apport dans la SARL unipersonnelle. Celle-ci a été créée pour permettre à l’associé unique de limiter sa responsabilité aux biens qu’il entend affecter à son exploitation. En effet, l’associé unique, comme la collectivité des associés dans la SARL classique, sa responsabilité est limitée à son apport. Il n’est plus redevable du passif social sur son patrimoine personnel. L’associé ne supporte les pertes qu’à concurrence de son 16 17 18 19 20 21 M. COZIAN, A. VIANDIER et F. DEBOISSY, « Droit des sociétés », LITEC, 16ème éd., Paris, p.503. L’entreprise individuelle est celle qui « répond à l’initiative privée d’une personne physique habitée par le désir ou le souci d’exercer à titre individuel une activité économique d’entreprise…elle est dépourvue de structure juridique organisée et cohérente. Elle relève plutôt du statut de la personne physique entrepreneur qui se rallie au régime de l’artisan ou du commerçant selon le type d’activité exercée et les modalités d’exercice de cette activité », droit pratique de l’homme d’affaire, ordre des avocats à la cour de Paris, éd. Dalloz 1994, p.93, cité par N.ABDEDDYEM, « La création des sociétés commerciales en droit fiscal », mémoire DEA, Faculté de Droit de Sfax, 1998-1999. M. COZIAN, « Les métamorphoses fiscales de l’entreprise individuelle », JCP, éd.E, n°26, p.295. Cette jouissance résulte de l’article 4 du CSC. S. MELLOULI, « Y-a-t-il un patrimoine d’affectation en droit tunisien ? », A.J.T, 1990, n°3, p.21. Dans l’entreprise individuelle, il y a fusion des passifs où tout répond de tout, voir : J. J. DAIGRE, « De l’utilité de l’EURL » in « L’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée », journée d’étude de l’institut de droit de l’entreprise de la faculté de droit et des sciences sociales de poitiers (18 février 1986), op. cit., p. 506. 150 Des aspects fiscaux de la SUARL apport22. L’entrepreneur qui souhaite isoler une partie de ses avoirs devra en faire apport à une personne morale. La création d’un être moral distinct, malgré « la dose évidente d’hypocrisie »23 qu’elle comporte, permettra à l’entrepreneur de faire échapper une partie de ses avoirs à l’emprise de ses créanciers personnels. Grâce à l’écran de la personnalité morale, les créanciers sociaux ne peuvent poursuivre le patrimoine personnel de l’associé unique24. Fiscalement, l’intérêt majeur de la SUARL par rapport à l’entreprise individuelle est qu’elle est soumise à l’impôt sur les sociétés (IS) alors que la seconde est soumise à l’impôt sur le revenu (IR). Du fait de la confusion qui existe entre le patrimoine de l’entreprise et le patrimoine privé de l’entrepreneur, la totalité des bénéfices réalisés se trouve imposée au nom de l’exploitant à l’IR. L’entreprise individuelle est une entité fiscalement transparente25. L’exploitation d’une entreprise sous la forme individuelle s’accompagne aujourd’hui d’impositions très lourdes au regard desquelles le régime fiscal des sociétés peut sembler plus avantageux26. En effet, afin de restreindre les risques encourus par les entrepreneurs individuels27, la SUARL offre le maximum d’avantages de la SARL et permet d’éviter les inconvénients de l’entreprise individuelle28. 22 23 24 25 26 27 28 J. PAILLUSSEAU, « L’EURL ou des intérêts pratiques et des conséquences théoriques de la société unipersonnelle », JCP 1986, éd. E, 14684, p. 223. J. LECALVEZ, « Les incertains contours du patrimoine de l’entrepreneur individuel », Dalloz 2000, n° 10, p. 151, cité par M. KOSSENTINI, « Le patrimoine fiscal d’affectation de l’entrepreneur individuel », RTF n° 1, 2004, p. 39. Y. GUYON, « Droit des affaires », ECONOMICA, Paris, 2001, p. 550. H. KRID, « L’imposition de l’entreprise individuelle », Mémoire DEA, Tunis II, 1998-1999, p.4. G. TOPFER, « La fiscalité et le choix de la forme sociale de l’entreprise », Thèse, Paris, 1970, p.3. J.M MIT, « L’EURL, régime fiscal » in « L’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée », journée d’étude de l’institut de droit de l’entreprise de la faculté de droit et des sciences sociales de poitiers ( 18 février 1986 ), JCP, éd. E, 1986, p.493. J. de FAULTIER, P. ROQUET, « L’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée », éd. Delmas, 9ème édition, 2002, p.11. 151 Des aspects fiscaux de la SUARL Or, étant une variante de la SARL, le régime de la SUARL, aligné sur celui de la SARL, ne risque-t-il pas d’être fiscalement moins avantageux par rapport au régime d’imposition de l’entreprise individuelle ? Tel que conçu par le législateur tunisien, les aspects fiscaux de la SUARL sont différents de ceux de l’entreprise individuelle. En effet, la spécificité au niveau de la forme juridique de la SUARL par rapport à l’entreprise individuelle a des répercussions fiscales non négligeables. La particularité de la SUARL se vérifie aussi bien lors de l’imposition de la personne morale (1ère partie) que lors de l’imposition de l’associé unique (2ème partie). I- LE REGIME D’IMPOSITION DE LA PERSONNE MORALE La SUARL est une société commerciale par la forme29. Cette forme juridique rend les aspects fiscaux de la SUARL différents de ceux de l’entreprise individuelle. La constitution de la SUARL (A) ainsi que son fonctionnement (B) témoignent cette divergence. A- Lors de la constitution de la SUARL Alors que l’entreprise individuelle n’est soumise au moment de sa création à aucune imposition particulière30, la constitution d’une SUARL entraîne l’exigibilité des droits d’enregistrement. En effet, à l’instar du régime de la SARL, l’acte unilatéral de volonté instituant une SUARL est obligatoirement soumis à la formalité de l’enregistrement selon un droit fixe. Aux termes de l’article 3 du code des droits d’enregistrement et de timbre (CDET), « doivent être enregistrés dans un délai de 60 jours à compter de leur date…les actes sous seing privé constatant la formation…d’une société… ». De même, l’article 23 n° 19 du CDET prévoit que les actes de constitution des sociétés sont soumis au paiement d’un droit fixe de 100 dinars. L’exigibilité des droits d’enregistrement pour la création d’une SUARL est une conséquence logique de sa jouissance de la 29 30 L’article 150 du CSC prévoit que la SUARL est une société commerciale par la forme, quel que soit l’objet de son activité. P. SERLOOTEN, « Droit fiscal des affaires », tome III du « Traité de droit commercial » de G. RIPERT et R. ROBLOT, LGDJ, 5ème éd, 1997, p. 116. 152 Des aspects fiscaux de la SUARL personnalité morale. Cette reconnaissance de la personnalité juridique se révèle dans le fait que la SUARL a un patrimoine autonome, et ce contrairement à l’entreprise individuelle. En effet, pour l’entreprise individuelle si le droit fiscal a pu consacrer, d’une manière implicite, la réalité économique du dédoublement patrimonial de l’entrepreneur individuel, il n’en reste moins vrai que cette consécration n’est pas absolue. Le droit fiscal n’a pas pu rompre avec la théorie civiliste de l’unité du patrimoine. Le patrimoine de l’entrepreneur individuel n’est, en réalité, qu’une « universalité indivisible »31. Néanmoins, la SUARL fournirait un moyen juridique de réalisation d’un patrimoine d’affectation32 et, par là même, la dissociation de la propriété et de l’exploitation33. En effet, par application de l’article 90 du CSC, toute personne physique dispose de la possibilité de constituer un patrimoine commercial d’affectation distinct de son patrimoine personnel en créant un nouveau sujet de droit, la SUARL. Cette dernière a donc un patrimoine distinct de celui de l’associé de telle sorte que les biens et valeurs nécessaires pour son exploitation, sont « apportés » par l’associé. Il y a, ainsi, une mutation de propriété du patrimoine de l’associé apporteur au patrimoine de la société. La SUARL est propriétaire des biens qui composent son actif et exploite ces biens comme tout propriétaire. Le doyen RIPERT affirmait « la société est créée pour exploiter, elle n’existe que pour cela et la propriété n’est que le moyen de réaliser l’exploitation : c’est une propriété affectée »34. L’institution de la SUARL suppose que l’associé unique réalise un apport à la société, c'est-à-dire, il procède à une dotation de valeur au profit de la personne morale qu’il entend créer. Cette 31 32 33 34 M. KOSSENTINI, « Le patrimoine fiscal d’affectation de l’entrepreneur individuel », article précité, p. 51. Le patrimoine d’affectation signifie qu’on reconnaît à une même personne juridique la possibilité d’avoir en plus de son patrimoine personnel un patrimoine spécifique dit patrimoine d’affectation. KETCHEDJIAN, « L’entreprise individuelle et le droit fiscal : un nouveau sujet de droit ? », R.S.F, 1974, p.419. G. RIPERT, « Aspects juridiques du capitalisme moderne », LGDJ, Paris, 2ème éd, 1951, p.269, cité par KETCHEDJIAN, « L’entreprise individuelle et le droit fiscal : un nouveau sujet de droit ? », précité. 153 Des aspects fiscaux de la SUARL mutation de propriété est soumise aux droits d’enregistrement. Lorsque l’associé reçoit en échange de son apport des parts sociales comme une simple contrepartie, cet apport est réputé pur et simple35. Qu’ils soient en numéraire ou en nature, les apports purs et simples donnent lieu à un droit fixe de 100 dinars36. Lorsque les apports donnent droit au profit de l’associé à une contrepartie qui ne sera pas soumise aux aléas, ou aux risques de l’entreprise, ces apports sont réputés à titre onéreux37. Les apports s’apparentent davantage à une vente38. Les apports à titre onéreux sont assujettis aux droits de mutation ordinaires pour les immeubles ou les droits immobiliers. En effet, l’apport à titre onéreux donne ouverture au droit proportionnel de 5%39 majoré éventuellement du droit complémentaire de 3% pour défaut de mention de l’origine de propriété et des références de l’enregistrement de la précédente mutation. L’imposition des mutations consécutives à la constitution d’une SUARL par des droits d’enregistrement pourrait rendre le régime de l’entreprise individuelle plus avantageux dans la mesure où cette dernière n’est pas soumise, lors de sa création, à des droits d’enregistrement. En effet, qualifié par le professeur TROTABAS comme un impôt « patrimonial »40, le droit d’enregistrement ignore totalement la distinction entre patrimoine privé et patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel. Ainsi, les droits d’enregistrement n’ont pas prétendu frapper le passage des biens du patrimoine privé au patrimoine professionnel de l’entrepreneur, ou l’opération inverse, sous couleur de transmission de propriété ou de 35 36 37 38 39 40 Les apports sont purs et simples lorsqu’ils sont uniquement rémunérés par des titres sociaux ; actions ou parts d’intérêt exposés à tous les risques de l’entreprise. A. YAICH, « Les impôts en Tunisie », éd. A. YAICH, 2003, p. 550. Les apports à titre onéreux sont ceux qui sont rémunérés par un équivalent soustrait aux risques sociaux. G. TOPFER, « La fiscalité et le choix de la forme sociale de l’entreprise », Thèse, Paris, 1970, p.15. Article 20 n° 7 du CDET. L. TROTABAS, « Essai sur le droit fiscal », RSLF, 1928, n°1, p.205. 154 Des aspects fiscaux de la SUARL mutation de jouissance41. « Ni le retrait d’un bien vers le patrimoine privé, ni son apport vers le patrimoine professionnel n’est observé par les droits d’enregistrement qui restent jusque là fidèles à la théorie de l’indivisibilité du patrimoine »42. B- Lors du fonctionnement de la SUARL Alors que le droit fiscal ne reconnaît pas à l’entreprise individuelle la qualité de contribuable43, la SUARL jouit de la personnalité fiscale. En effet, en tant que l’une des formes de la SARL, la SUARL est personnellement soumise à l’IS. La soumission de la SUARL à l’IS se fait sans aucune adaptation à la situation particulière de la société unipersonnelle. Les dispositions relatives à l’IS seront applicables à la SUARL. D’après l’article 45 du CIR, l’impôt sur les sociétés s’applique aux sociétés visées à l’article 7 du CSC44 à savoir les sociétés commerciales de par leur forme juridique y compris les SUARL45. Etant une société opaque46, la SUARL est imposée, contrairement à l’entreprise individuelle, sur l’ensemble des bénéfices réalisés au cours de l’exercice social, qu’ils soient appréhendés ou non par l’associé unique. Or, dans l’entreprise individuelle, ce n’est pas 41 42 43 44 45 46 KETCHEDJIAN, « L’entreprise individuelle et le droit fiscal : un nouveau sujet de droit ? », article précité, p.458. M. KOSSENTINI, « Le patrimoine fiscal d’affectation de l’entrepreneur individuel », article précité, p. 50. H. AYADI, « Droit fiscal : IRPP et IS », CERP, Tunis, 1996, p.209. L’article 7 du CSC dispose que « sont commerciales par la forme et quelque soit l’objet de leur activité, les sociétés en commandite par actions, les sociétés à responsabilité limitée et les sociétés anonymes ». M. MAALAOUI, « Mémento impôts directs de Tunisie », Price Water House Coopers, 2004, p.215. « Une société est fiscalement opaque quand le droit fiscal accepte toutes les conséquences de la personnalité morale et notamment le rigorisme de la double imposition de la société et des associés. Les sociétés opaques sont dotées de la pleine personnalité juridique et fiscale, ce sont des contribuables à part entière soumis à l’IS. Le critère de ces sociétés opaques réside dans la responsabilité limitée des associés, ce qui signifie bien que la personnalité des associés s’efface devant celle de la société ». Voir : M. COZIAN, « Images fiscales : transparence, semi-transparence, translucidité et opacité des sociétés » in « Les grands principes de la fiscalité des entreprises » LITEC, Paris, 1999. 155 Des aspects fiscaux de la SUARL l’entreprise qui est le débiteur de l’impôt sur les bénéfices, mais c’est l’entrepreneur, en tant que personne physique, qui devra payer l’IR sur son revenu global et non sur les seuls résultats de l’entreprise47. Le commissaire du gouvernement Poussière avait affirmé que « l’impôt de droit commun est établi au nom d’une personne juridique qui est l’exploitant, le sujet de l’impôt n’est pas l’entité économique que constitue l’entreprise »48. Etant soumis à l’IS, le bénéfice de la SUARL, comme celui de la SARL, sera déterminé conformément aux règles prévues pour l’imposition des personnes physiques soumises à l’impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels et commerciaux (BIC)49. Le législateur tunisien a exigé que toutes les personnes morales imposables à l’IS, soient soumises au régime du bénéfice réel50 qui implique la tenue d’une comptabilité régulière et fiable51. Néanmoins, l’entreprise individuelle peut bénéficier aussi bien du régime réel que du régime forfaitaire d’imposition qui présente l’avantage de dispenser l’entreprise de tenir une comptabilité conforme à la législation comptable. L’avantage de la soumission au régime forfaitaire consiste dans l’allègement des contraintes fiscales imposées à l’entreprise. Etant une société commerciale par la forme, la SUARL est tenue de payer l’IS au taux de 30%52. Or, l’entreprise individuelle, quant à elle, sera soumise à l’IR selon un barème progressif qui varie 47 48 49 50 51 52 P. SERLOOTEN, « Droit fiscal des affaires », op. cit, p.253. Concl. Sur CE 1er juillet 1964, req. n°50236, DF. 1968, n°17 bis, 136. L’article 48 (nouveau) du CIR prévoit que « les dispositions des articles 10 à 20 du présent code sont applicables à l’impôt sur les sociétés… ». Il s’agit, en réalité, des articles 10 à 15 puisque les articles 16 à 20 ont été abrogés. Voir : M. MASTOURI, « Droit fiscal de l’entreprise : l’imposition des revenus et des bénéfices », éd. CLE, 2000, p.253. A. YAICH, « Les impôts en Tunisie », op. cit., p. 147. L’article 62 du CIR prévoit que « sont assujetties à la tenue d’une comptabilité conforme à la législation comptable des entreprises, les personnes morales visées à l’article 4 et à l’article 45 du présent code …». Voir : A. YAICH, « La théorie fiscale », éd. A. YAICH, 2002, p. 165. Le taux de l'IS de 35% est remplacé par le taux de 30%, loi n° 2006-80 du 18 décembre 2006 relative à la réduction des taux de l'impôt et à l'allégement de la pression fiscale sur les entreprises, JORT n° 101 du 19 décembre 2006, p.4300. 156 Des aspects fiscaux de la SUARL en fonction de l’importance du revenu imposable, au nom du contribuable. Cette progressivité de l’impôt peut être avantageuse pour l’entreprise individuelle lorsque ses bénéfices sont faibles. En effet, « plus le revenu est élevé plus le taux d’imposition est fort avec un taux maximum de 35% du revenu imposable »53. En droit français, l’EURL est soumise à un régime d’imposition qui varie en fonction de la qualité de l’associé unique. Lorsque ce dernier est une personne physique, l’EURL relève du régime fiscal des sociétés de personnes, sauf option pour l’IS54. Lorsque l’associé unique est une personne morale, l’EURL sera obligatoirement assujettie à l’IS55. En cas de résultat déficitaire de la SUARL, le déficit reste bloqué chez la société qui peut l’imputer en avant (jusqu’au quatrième exercice)56. En aucun cas, le déficit n’est transmis à l’associé unique57. Toutefois, lorsque l’entreprise individuelle connaît un exercice déficitaire, ce déficit ne peut pas être reporté sur l’exercice suivant. Mais l’avantage est que le déficit subi dans le cadre de l’entreprise individuelle est imputé sur le revenu global de l’entrepreneur. En effet, la compensation des bénéfices et des déficits de l’entreprise 53 54 55 56 57 A. YAICH, « Les impôts en Tunisie », op. cit., p. 63. Article 8- 4ème du CGI. Article 209 du CGI. En droit tunisien, l’associé unique doit être une personne physique. C’est ainsi que l’article 149 du CSC dispose qu’« une personne physique ne peut être associée unique que d’une seule SUARL. Une SUARL ne peut avoir pour associé unique une personne morale ». Cette disposition avait été considérée par la doctrine française comme une atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie et à la liberté d’entreprendre. Voir : G. FLORES et J. MESTRE, « L’EURL », Revue des sociétés 1986, p.15. Aux termes de l’article 48 paragraphe 9 du CIR, le déficit enregistré au titre d’un exercice, et dégagé par une comptabilité conforme à la législation comptable des entreprises, est considéré comme une charge de l’exercice suivant et déduit du bénéfice réalisé pendant ledit exercice. Si ce bénéfice n’est pas suffisant pour que la déduction puisse être intégralement opérée, l’excédent du déficit est déduit du bénéfice réalisé pendant le deuxième exercice qui suit l’exercice déficitaire. S’il existe un reliquat, il peut être reporté jusqu’au quatrième exercice. P. SERLOOTEN, « BIC, imposition des membres des sociétés unipersonnelles », Juris-Classeur, 1999, fasc 260-20, p.3. 157 Des aspects fiscaux de la SUARL individuelle est généralisée à l’ensemble des revenus de l’entrepreneur d’origines différentes58. Ainsi, les déficits sont pris en charge par le patrimoine général de l’exploitant individuel. Ils peuvent être résorbés par les autres revenus. Si le revenu global est insuffisant pour absorber la totalité du déficit constaté dans le résultat de l’entreprise individuelle, le surplus sera reporté sur l’année suivante sur le revenu global de l’entrepreneur et non sur les seuls bénéfices de l’entreprise individuelle59. II- LE REGIME D’IMPOSITION DE L’ASSOCIE UNIQUE Le législateur tunisien a, semble-t-il, pris en considération la spécificité de la SUARL d’être une entité créée par un seul associé. Ainsi, l’article 31 parg II du CIR a prévu qu’« à l’exception des sociétés unipersonnelles à responsabilité limitée prévues par le code des sociétés commerciales, l’appropriation des actions ou des parts sociales par un seul associé constitue un cas de cessation d’activité ». Toutefois, si le régime de cession des parts sociales de l’associé unique (A) est différent par rapport au régime de cession dans le cadre de l’entreprise individuelle, il n’en reste pas moins vrai que le régime de rémunération de l’associé unique (B) ne présente aucune particularité par rapport à la rémunération de l’entrepreneur individuel. A- La cession des parts sociales de l’associé unique La législation fiscale n’a prévu aucune disposition spécifique en ce qui concerne les plus-values générées par les cessions60 de parts sociales61 de l’associé unique de la SUARL. Il s’ensuit que le régime des plus-values de cession des parts sociales de l’associé unique qui est identique à celui de l’associé de la SARL, est distinct du régime de cession dans le cadre de l’entreprise individuelle. En effet, vu la 58 59 60 61 KETCHEDJIAN, « L’entreprise individuelle et le droit fiscal : un nouveau sujet de droit ? », article précité, p.457. Article 8 du CIR. Bien qu’elle ne soit pas définie par le législateur, la cession peut être généralement entendue comme étant toute « transmission entre vifs, du cédant au cessionnaire, d’un droit réel ou personnel, à titre onéreux ou gratuit », voir : G. CORNU, « Vocabulaire juridique », PUF, 2ème éd., 1990. Conformément à l’article 92 du CSC, les parts sociales sont les titres émis par les SARL, qu’elles soient unipersonnelles ou pluripersonnelles, et attribués aux associés en contrepartie de leur participation au capital desdites sociétés. 158 Des aspects fiscaux de la SUARL confusion patrimoniale de l’entrepreneur individuel, l’apport d’un bien du patrimoine privé au patrimoine professionnel n’a pas été regardé comme une opération de cession et reste dès lors sans conséquences fiscales62. Toutefois, l’opération de retrait d’un bien du patrimoine professionnel vers le patrimoine privé a été fiscalement qualifiée de cession génératrice d’une plus-value imposable63. En effet, l’article 11 du CIR pose le principe de l’imposition de la plusvalue réalisée par toutes les entreprises individuelles peu importe qu’elles réalisent des BIC, des BNC ou des BAP. Puisque l’associé de la SUARL ne peut être qu’une personne physique64, la cession de ses parts peut être à l’origine d’une plusvalue devenue imposable à partir du 1er janvier 2004 et ce, conformément à l’article 31 bis du CIR65. La plus-value de cession des parts sociales sera imposée dans la catégorie des « revenus de valeurs mobilières »66. La plus-value de cession des parts sociales réalisée par l’associé unique de la SUARL obéit à des règles d’assiette qui lui sont particulières67. En effet, conformément à l’alinéa 2 de l’article 33 du CIR tel qu’ajouté par l’article 61 de la loi de finances pour la gestion 2004 « la plus-value visée à l’article 31 bis du présent code, est égale à la différence entre le prix de cession des actions ou des parts sociales d’une part, et leur valeur d’acquisition d’autre part et provenant des opérations de cession réalisées au cours de l’année précédent celle de l’imposition après déduction de la moins-value résultant des opérations susvisées ». 62 63 64 65 66 67 M. KOSSENTINI, « Le patrimoine fiscal d’affectation de l’entrepreneur individuel », article précité, p.49. Note commune n°34, texte n° DGI 98/57, p.327. Article 149 du CSC. Ajouté par l’article 61-1 de la loi n° 2003- 80 du 29 décembre 2003, portant loi de finances pour la gestion 2004. La loi n° 2003- 80 du 29 décembre 2003 portant loi de finances pour la gestion 2004 a étendu le champ d’application de l’impôt au titre des revenus des valeurs mobilières à la plus-value de cession des actions et des parts sociales ne faisant pas partie d’un actif professionnel et ce pour les opérations de cession intervenant à partir du 1er janvier 2004. M. KOSSENTINI, « La plus-value en droit fiscal tunisien », Thèse de Doctorat, Faculté de Droit de Sfax, 2006. 159 Des aspects fiscaux de la SUARL Si l’associé unique de la SUARL a réalisé au cours de la même année civile des moins-values de cession de parts sociales, la plusvalue imposable est déterminée en déduisant du montant global des plus-values réalisées, le montant total des moins-values enregistrées au titre des opérations de cession de la même année68. En effet, le législateur tunisien a admis la déductibilité de la totalité du montant de la moins-value réalisée69. Cette déduction ne sera permise qu’en cas d’existence d’une plus-value réalisée au cours de la même année permettant de déduire le montant de la moins-value réalisée. Lorsque l’associé unique de la SUARL réalise au cours d’une année civile une plus-value nette de cession de ses parts sociales, cette plus-value ne sera pas totalement imposable. En effet, conformément à l’article 38 n°18 du CIR, qui est inséré sous le titre « exonérations », « ne sont pas soumis à l’impôt : 18- la plus-value prévue par l’article 31 bis du présent code dans la limite de 10.000 dinars par an ». D’après ces dispositions, la plus-value globale ainsi déterminée est exonérée à hauteur de 10.000 dinars annuellement. Dans le cas où la plus-value de cession des parts sociales réalisée par l’associé unique au cours d’une année serait inférieure à 10.000 dinars, cette plus-value sera exonérée. Mais, dans le cas où le montant de la plus-value serait supérieur à 10.000 dinars, la plus-value sera imposable pour la fraction supérieure à ce montant70. La plus-value de cession des parts sociales réalisée par l’associé unique de la SUARL n’est pas soumise aux taux progressifs d’imposition du revenu global. Elle est plutôt soumise à un taux de nature proportionnelle qui lui est spécifique. Elle sera soumise à un 68 69 70 Note commune n° 27, texte n° DGI 2004/ 31, p. 181. Contrairement à la législation américaine et canadienne qui n’ont pas accepté la déduction des moins-values de cession des valeurs mobilières que dans la limite de 50% de leur montant, voir : M. KOSSENTINI, « La plus-value en droit fiscal tunisien », op. cit., p. 333. En droit fiscal français, conformément à l’article 150 O-A du CGI, la plus-value de cession des titres n’est pas imposable pour sa fraction inférieure à 15000 Euros. 160 Des aspects fiscaux de la SUARL taux proportionnel de 10% du montant de la plus-value71. Aucune avance ou retenue d’impôt n’est imputable sur l’impôt dû au titre de la plus-value de cession des parts sociales72. La plus-value de cession des parts sociales ne fait pas partie de la déclaration annuelle. Elle fait plutôt l’objet d’une déclaration spécifique et ce conformément à l’article 60 du CIR73. D’après les dispositions de cet article, la déclaration spéciale de la plus-value a un caractère annuel dans la mesure où elle doit être déposée au plus tard le 25 février de l’année suivant celle de la réalisation de la plus-value. Toutefois, l’annualité de la déclaration de la plus-value de cession des parts sociales ne signifie nullement que le contribuable est obligé de déposer cette déclaration de manière périodique74. En effet, si le contribuable n’a pas réalisé au cours d’une année civile une plusvalue, il ne sera pas obligé de déposer une déclaration. Dans un souci de faciliter les opérations de transmission d'entreprises, la loi de finances pour la gestion 200775 a prévu un régime fiscal de faveur pour les cessions de parts sociales aussi bien en matière d'IS qu'en matière des droits d'enregistrement. En effet, l'article 13 de la loi de finances a ajouté à l'article 38 du CIR un numéro 19 qui prévoit l'exonération de la plus-value de cession totale des parts sociales détenues par un gérant majoritaire, en l'occurrence l'associé unique de la SUARL, suite à l'atteinte par ce dernier de l'âge 71 72 73 74 75 L’article 44 III 3) du CIR, complété par l’article 62 de la loi de finances pour la gestion 2004, dispose que « par dérogation aux dispositions des paragraphes I et II du présent article : 3- La plus value visée au deuxième alinéa de l’article 33 du présent code est soumise à l’impôt sur le revenu au taux de 10% de son montant ». Note commune n° 27, texte n° DGI 2004/ 31, op. cit., p. 182. En droit français, la vente des parts sociales de l’EURL soumise à l’IS donne lieu à une imposition de la plus-value réalisée par le vendeur, personne physique, sur les titres sociaux. Cette plus-value est imposée à 16 %. Lorsque le vendeur est une personne morale, la plus-value réalisée lors de la cession est alors imposée au titre des plus-values professionnelles. L’article 60 1) alinéa a bis du CIR prévoit que « le délai prévu à l’alinéa a susvisé s’applique à la déclaration de la plus value visée à l’article 31 bis du présent code ». M. KOSSENTINI, « La plus-value en droit fiscal tunisien », op. cit. p. 343. Loi n° 2006-85 du 25 décembre 2006, portant loi de finances pour l'année 2007, JORT N° 103 du 26 décembre 2006, p.4380. 161 Des aspects fiscaux de la SUARL de retraite ou suite à son incapacité de poursuivre la gestion de la société76. De même, l'article 19 de la loi de finances a ajouté au code des droits d'enregistrement et de timbre un article 52 ter qui prévoit l'exonération des droits d'enregistrement sur les successions, la transmission des parts sociales suite au décès du dirigeant de l'entreprise à savoir l'associé unique de la SUARL77. B- La rémunération de l’associé unique Aux termes de l’article 48 paragraphe V alinéa premier du CIR, « les rémunérations allouées aux associés gérants, ne sont pas admises en déduction pour la détermination de l’impôt dû par les sociétés à responsabilité limitée, lorsque la majorité des parts sociales est possédée par l’ensemble des gérants ». Etant une variante de la SARL, les dispositions de l’article 48 paragraphe V sont applicables à la SUARL. L’associé étant unique, ses fonctions de gérant entreront dans le cadre d’une gérance majoritaire. Pour cette raison, la rémunération de l’associé unique qui assure les fonctions de gérant78 ne sera pas déductible du bénéfice imposable. De même, concernant l’entreprise individuelle, l’article 14-7 du CIR n’admet pas en déduction pour la détermination du bénéfice le salaire de l’exploitant individuel. L’impossibilité pour l’entrepreneur individuel de rémunérer son travail à la tête de l’entreprise est souvent présentée comme étant la conséquence de l’absence de la personnalité fiscale 76 77 78 Le bénéfice de cet avantage exige que l'entreprise cessionnaire doive poursuivre l'exploitation de l'entreprise ou de l'unité acquise pendant une période de trois ans commençant à partir du premier janvier de l'année suivant celle de l'acquisition desdits actifs. Il est à remarquer que les cas d'incapacité de poursuivre la gestion de l'entreprise seront fixés par décret. L'article 52 ter du CDET prévoit que le bénéfice de l'exonération est subordonné à la possession par le dirigeant de participations supérieures à 50% au capital de l'entreprise et l'engagement des héritiers de continuer l'exploitation durant une période de trois ans au moins. Article 154 alinéa 1 du CSC prévoit que « l’associé unique ne peut déléguer la gestion sociale à un mandataire », contrairement au droit français où la gérance de l’EURL peut être confiée à un tiers (article L 223-18 alinéa 2 du code de commerce). 162 Des aspects fiscaux de la SUARL puisqu’il y aurait confusion entre le créancier et le débiteur de ce salaire79. Selon la doctrine administrative80, les rémunérations des gérants associés majoritaires, bien que non déductibles du résultat fiscal, chez la société payante, sont imposables entre les mains du bénéficiaire. La non déductibilité de telles rémunérations des bénéfices sociaux peut être fondée sur le fait que les gérants en question sont les véritables maîtres de l’affaire et travaillent pour leur propre compte81. Ainsi, les rémunérations des gérants associés majoritaires sont également soumises à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de valeurs mobilières82. En droit français, le régime fiscal des rémunérations de l’associé unique diffère selon que l’EURL est soumise à l’IR ou à l’IS. En effet, lorsque l’EURL est soumise au régime fiscal des sociétés de personnes, la rémunération de l’associé unique n’est pas déductible des résultats de la société. En revanche, lorsque l’EURL est assujettie à l’IS, la rémunération allouée au gérant associé unique sera déductible du bénéfice imposable à condition que cette rémunération ne soit pas excessive par rapport à la fonction exercée c’est à dire qu’elle correspond à un travail effectif83. L’associé unique, par définition majoritaire, est imposable à l’impôt sur le revenu, pour les rémunérations déductibles du bénéfice imposable84, non pas dans la catégorie des traitements et salaires, mais dans la catégorie des rémunérations allouées au gérant majoritaire des 79 80 81 82 83 84 P. SERLOOTEN, « De la prétendue personnalité fiscale de l’entreprise individuelle », Dalloz 1984, Chronique, p.179. Note commune n° 16, DGI 95/ 23, p. 145. Voir, A. YAICH, « Les impôts en Tunisie », op. cit., p. 164. M. KETATA, « Le statut fiscal des dirigeants de sociétés », mémoire de DEA, Faculté de Droit de Sfax, 1996- 1997, p. 38. H. AYADI, « Droit fiscal, impôt sur le revenu des personnes physiques et impôt sur les sociétés », CERP, 1996, p. 186. P. SERLOOTEN, « BIC, imposition des membres des sociétés unipersonnelles », Juris-Classeur, 1999, fasc 260-20, op. cit., p.4. J. de FAULTRIER et P. ROQUET, « Entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée », op. cit., p. 158. 163 Des aspects fiscaux de la SUARL SARL pluripersonnelles85. Il ne bénéficie pas du régime d’imposition des salariés comme le gérant minoritaire ou le président directeur général de la société anonyme86. Le montant imposable de cette rémunération est constitué par l’intégralité des sommes perçues par le gérant associé. 85 86 Article 62 du CGI. J. PAILLUSSEAU, « L’EURL ou des intérêts pratiques et des conséquences théoriques de la société unipersonnelle», op. cit., p.225. 164