Fin de vie - aspects juridiques.
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Fin de vie - aspects juridiques.
LA FIN DE VIE ASPECTS JURIDIQUES INTRODUCTION 1. Affaires médiatisées a. L’affaire Vincent Humbert Septembre 2000 : Vincent Humbert, un jeune pompier, est victime d'un grave accident de la route, le rendant aveugle, muet et tétraplégique mais gardant toute sa lucidité. Il est hospitalisé. Novembre 2002 : Grâce à ses voies de communications fonctionnelles (ouïe et pouce droit), VH à l'aide de son animatrice Chantal rédige une requête de «droit de mourir» au Président de la République, afin d'abréger ses souffrances et celles qu'il perçoit chez sa mère. Septembre 2003 : Sa mère, Marie Humbert, annonce son intention de l'aider. Elle passe à l'acte en lui donnant d'importantes doses de penthiobarbital de sodium. Il entre dans un coma profond et est alors admis dans le service de réanimation du Dr. Frédéric Chaussoy. Marie Humbert est immédiatement arrêtée et placée en garde à vue. Elle sera libérée le lendemain. Le surlendemain après discussion et accord avec la famille, le Dr Chaussoy décide d'arrêter toute mesure de réanimation et d'injecter du chlorure de potassium, entraînant le décès de son patient. Janvier 2004 : Le Dr. Chaussoy et Marie Humbert sont mis en examen - Dr. C pour «empoisonnement avec préméditation» - Marie Humbert pour «administration de substances toxiques». Février 2006 : Le Juge d'instruction rend une ordonnance de non-lieu b. L’affaire tramois et chanel L'infirmière Chantal Chanel, 40 ans, et le Dr Laurence Tramois, 35 ans, sont accusées d'avoir, le 25 août 2003, respectivement administré et prescrit une injection létale de potassium à Paulette Druais, 65 ans, atteinte d'un cancer du pancréas en phase terminale. Dans un réquisitoire d'environ 1 heure 30 l'avocat général demande - 2 ans de prison avec sursis à l'encontre du Dr Tramois, accusée de complicité d'empoisonnement, - 1 an de prison avec sursis contre Chantal Chanel, qui répondait du chef d'empoisonnement. « Pour l'infirmière Chantal Chanel il est évident que vous devez prononcer la peine minimale », déclarait l’avocat général ajoutant qu'outre le sursis, les jurés pourraient assortir leur peine d'une "non inscription au casier judiciaire" afin de lui éviter une "sanction administrative". Il avait ensuite demandé aux jurés de faire "une distinction concernant Laurence Tramois", estimant qu'elle était "plus responsable", Laurence Tramois - Condamnée à un an de prison avec sursis, - La condamnation n’a pas été inscrite à son casier judiciaire. L'infirmière Chantal Chanel a été acquittée. 2. Préparation de la loi. Les évènements médiatiques suscitent l’émotion de la France entière, Les questions de la fin de vie prennent une ampleur particulière de nombreux débats chargés d’émotion, qui ont permis des évolutions positives. Ils ont notamment conduit la société française à s’interroger sur la place qu’elle fait aux personnes malades et aux mourants alors que pendant longtemps, en France, comme dans d’autres pays essentiellement latins, on constatait un très grand déficit de la réflexion et de l’action sur la façon de développer la qualité de vie des malades et de répondre à la multiplicité des besoins des patients, souvent dépossédés d’eux-mêmes. 3. Références législatives et réglementaires : Loi du 22 avril 2005 dite « Loi Léonetti » relative aux droits des malades et à la fin de vie - décret du 6 février 2006 relatif aux directives anticipées, à la procédure collégiale, et au projet d’établissement ou de service social ou médico-social en matière de soins palliatifs Ces lois et décrets sont insérés dans le code de la santé publique. Objectifs de la loi : Pour tous les malades : - Interdiction de l'obstination déraisonnable. - Autorisation de suspendre un traitement ou de ne pas l'entreprendre dans des conditions déterminées Établir un équilibre entre les droits du malade et la responsabilité du médecin - I) Les directives anticipées Interdiction de l’obstination déraisonnable (=acharnement thérapeutique) Chaque personne a le droit, compte tenu de son état de santé et de l’urgence des interventions que celui-ci requiert, de - Recevoir les soins les plus appropriés et de - Bénéficier des thérapeutiques efficaces. Les actes de prévention, d’investigation ou de soins ne doivent pas lui faire courir de risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté. Ils ne doivent pas non plus être poursuivis par une obstination déraisonnable. Lorsqu'ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou n'ayant d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris. Dans ce cas, le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa vie en dispensant les soins visés à l'article L. 1110-10 soins palliatifs 1. Critères de l’obstination déraisonnable. L’obstination déraisonnable (Ancienne terminologie : « acharnement thérapeutique ») Définition dans la loi selon des critères de : – utilité – proportionnalité – objectif du traitement « En toutes circonstances, le médecin doit s'efforcer de soulager les souffrances du malade, les traiter par des moyens proportionnés à son état et l'assister moralement. Il doit éviter toute obstination déraisonnable dans les investigations ou la thérapeutique et peut se limiter aux seuls soins palliatifs lorsque la synthèse des éléments cliniques et para cliniques montre que poursuivre les soins ou en entreprendre d'autres ne peut plus bénéficier au malade et aurait pour seule conséquence de le maintenir artificiellement en vie. » Code de déontologie médicale. 2. Obstination déraisonnable : ce qu’il faut éviter. L'erreur par défaut : Pathologie curable mais le médecin renonce trop tôt aux soins ; L'erreur par excès : Le médecin « impose » au malade des investigations invasives, « sans visée thérapeutique » et des soins douloureux, difficiles à supporter pour le malade, afin de prolonger sa vie de quelques jours dans des souffrances supplémentaires inutiles TA Nîmes, 02 juin 2009 II) Le double effet 1. Définition Le malade est en phase terminale d’une affection grave et incurable le traitement antalgique que lui administre le médecin est susceptible d’avoir comme effet secondaire d’abréger sa vie, Le médecin doit, au préalable, informer le patient (sauf opposition de sa part). Le cas échéant informer la personne de confiance, la famille ou à défaut, un des proches. Information sur état général du patient + du « double effet » possible. La procédure est inscrite dans le dossier médical. 2. Consentement du patient. - Pas de formulaire d’information et de consentement à faire signer au malade, - Pas de décharge de responsabilité à faire signer. - Consigner dans le dossier que l’information est faite Pas de consentement de la personne de confiance, de la famille ou de l’un des proches. Il s’agit de recueillir l’avis de ces personnes. /!\ Attention /!\ Le médecin peut-être conduit à passer outre une opposition de la personne de confiance, de la famille ou de l’un des proches. 3. Double effet et euthanasie. L’intention du médecin ne doit pas être létale. Sur ce point, l’article L. 1110-5 CSP est clair le traitement peut avoir pour effet secondaire d’abréger la vie du patient mais ce n’est pas l’objectif recherché. III) Le droit d’interrompre ou de refuser tout traitement. 1. Loi du 4 mars 2002 : Droit au refus de soin. « Toute personne prend avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu'il lui fournit, la décision concernant sa santé » => institue une concertation avec le patient, en l'associant à la décision médicale. Nécessité pour le médecin « de respecter la volonté de la personne après l'avoir informée des conséquences de ses choix». Cependant, dans l'hypothèse où la « volonté de la personne de refuser ou d'interrompre un traitement met sa vie en danger, le médecin doit tout mettre en œuvre pour la convaincre d'accepter les soins indispensables. » /!\ Attention /!\ « Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne » et celui-ci peut être retiré à tout moment. L. 1111-4 CSP in fine Article 36 du CDM : « lorsque le malade, en état d'exprimer sa volonté, refuse les investigations ou le traitement proposé, le médecin doit respecter ce refus après avoir informé le malade de ses conséquences. » 2. Limitation et arrêt de traitement. a. Le patient conscient et capable d’exprimer sa volonté. Personne, en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable, quelle qu'en soit la cause, décide de limiter ou d'arrêter tout traitement, Le médecin - l’informe des conséquences de son choix, - transcrit la décision du malade dans son dossier et respecte cette décision. - il s’assure de la prise en charge des souffrances et de l’accompagnement du patient et des proches : lutte contre la douleur + SP b. Le patient inconscient, hors d’état d’exprimer sa volonté / procédure collégiale. La décision de limitation ou d’arrêt est prise - Par le médecin en charge du patient, - Après concertation avec l’équipe de soin (ensemble des personnels médicaux et paramédicaux ayant pris en charge le patient) si elle existe, - Sur l’avis motivé d’au moins un médecin appelé en qualité de consultant, - Après consultation des directives anticipées et/ou de la personne de confiance - Information de la personne de confiance, de la famille ou des proches de la décision prise Le médecin consultant La qualité de médecin « consultant » n’est pas précisée, il ne doit pas y avoir de lien hiérarchique entre les deux médecins. La notion de consultant renvoie à un médecin qui dispose des connaissances, de l’expérience, et, puisqu’il ne participe pas directement aux soins, du recul et de l’impartialité nécessaires pour apprécier la situation dans sa globalité. Ce praticien est étranger à l’équipe en charge du patient et s’il doit être compétent dans le domaine de l’affection en cause, il n’est pas obligatoirement un spécialiste ou un expert de la question ». • Si l’un de ces deux médecins l’estime utile, un deuxième avis de consultant peut être demandé. • In fine, la décision appartient au seul médecin en charge du patient, elle doit être motivée. Le médecin en charge du patient Doit rechercher des souhaits antérieurement exprimés par le malade à travers d’éventuelles directives anticipées. Sa décision n’est pas liée par ces directives, mais l’article R. 1111-20 CSP prévoit qu’il doit en tenir compte après en avoir vérifié la validité. Le médecin en charge du patient / la personne de confiance La personne de confiance, lorsqu’elle est désignée, doit également être consultée - son avis prime sur les décisions d’investigations, d’intervention ou de traitement sur tout autre avis non médical à l’exception des directives anticipées A défaut, la famille et les proches sont entendus. C’est bien l’opinion qu’aurait exprimée le patient qui est demandée en premier lieu. Toutes les explications nécessaires sont apportées, avant et au moment de la décision + accès DM Traçabilité : Les étapes de cette procédure et les éléments qui motivent la décision => inscription au DM du patient. Les noms et qualités des personnes consultées sont mentionnés, le(s) médecin(s) consultant(s) rédige(nt) son (leur) avis et le signe(nt). IV) Les directives anticipées. 1. Définition Les directives anticipées sont des documents écrits, datés et signés par leur auteur identifié par l’indication de ses nom, prénom, date et lieu de naissance. Elles sont les instructions que donne par écrit une personne majeure et consciente, sur les conduites de limitation ou d'arrêt de traitement qu'elle souhaite voir suivre au moment de la fin de sa vie, dans le cas où elle serait incapable de s'exprimer. - Les directives anticipées ne sont en principe pas orales. Si elles ne sont pas signées ou datées, elles ne sont pas valides ! - Pas de directives anticipées pour les mineurs. - Concernent uniquement la fin de vie, ne sont pas des testaments de fin de vie. - Pas de possibilité à priori de prendre des dispositions sur le don d’organe par exemple. Les directives anticipées n’ont qu'une valeur indicative. Elles doivent avoir été établies moins de trois ans avant l'état d'inconscience. 2. Lorsque l’auteur ne peut écrire et de signer lui-même le document Il peut demander à deux témoins dont la personne de confiance lorsqu’elle est désignée, d’attester que le document qu’il n’a pu rédiger lui-même est l’expression de sa volonté libre et éclairée; - Ces témoins indiquent alors leur nom et qualité et leur attestation est jointe aux directives anticipées. - Le médecin peut, à la demande du patient, faire figurer en annexe de ces directives, au moment de leur insertion dans le dossier médical, une attestation constatant qu'il est en état d'exprimer librement sa volonté et qu'il lui a délivré toutes informations appropriées. 3. Durée de validité Les directives anticipées peuvent, à tout moment, être soit modifiées, partiellement ou totalement, soit révoquées sans formalité. Leur durée de validité de trois ans est renouvelable par simple décision de confirmation signée par leur auteur sur le document ou, en cas d'impossibilité d'écrire et de signer, par des témoins le cas échéant. Toute modification intervenue dans le respect de ces conditions vaut confirmation et fait courir une nouvelle période de trois ans 4. Conservation Dans le dossier de la personne constitué par un médecin de ville, qu'il s'agisse du médecin traitant ou d'un autre médecin choisi par elle, ou, en cas d'hospitalisation, dans le dossier médical. Les directives anticipées peuvent également être conservées par leur auteur ou confiées par celui-ci à la personne de confiance ou, à défaut, à un membre de sa famille ou à un proche. Dans ce cas, leur existence et les coordonnées de la personne qui en est détentrice sont mentionnées, sur indication de leur auteur, dans le dossier constitué par le médecin de ville ou dans le dossier médical hospitalier. 5. Il faut informer sur l’existence de directives anticipées. Toute personne admise dans un établissement de santé ou dans un établissement médico-social peut signaler l'existence de directives anticipées. Cette mention ainsi que les coordonnées de la personne qui en est détentrice sont portées dans le dossier médical.