Parlez-vous belge ? Apprendre le français en Belgique, c`est
Transcription
Parlez-vous belge ? Apprendre le français en Belgique, c`est
Parlez-vous belge ? Apprendre le français en Belgique, c’est aussi être confronté à certaines particularités lexicales de la région francophone : bienvenue au pays des belgicismes ! Les linguistes belges ont toujours eu le souci de décrire ce qui distinguait le français de Belgique du français de France, une démarche typique de ceux qui partagent une langue fortement unifiée et normalisée mais qui sont éloignés du centre parisien et qui ont conscience de ne pas toujours pratiquer la norme du plus grand nombre. Cette démarche s’est longtemps faite dans un esprit puriste et la chasse aux belgicismes a connu des heures de gloire. Mais l’approche corrective (« Ne dites pas…, mais dites… ») a fait place à une attitude descriptive. Il est d’ailleurs frappant de constater que de plus en plus de mots régionaux atterrissent chaque année dans les pages du Larousse ou du Robert, leur donnant ainsi une légitimité, à défaut d’être utilisés dans l’Hexagone. Mais quels sont ces fameux mots belges auxquels s’intéressent les lexicographes ? Il faudrait tout d’abord commencer par nuancer le caractère belge car en réalité, on constate des différences entre les régions, liées à l’évolution historique. Mais pour simplifier les choses, on dira que le français de Bruxelles a été influencé par des dialectes germaniques (flamand) alors qu’en Wallonie, ce sont des dialectes romans (wallon) qui ont laissé des traces dans le vocabulaire. C’est ainsi que l’on trouvera des doublets comme smoutebolle/croustillon (beignet), plattekeis/maquée (fromage blanc) ou encore dikkenek/grandiveux (prétentieux, péteux). On ne s’attardera ici que sur les mots communément employés dans toute la région francophone de Belgique. Certains belgicismes renvoient tout simplement à une réalité propre à la Belgique et n’ont donc pas d’équivalent en France. Dans le domaine politique ou administratif, on citera le bourgmestre, l’échevin, l’asexué linguistique, la communautarisation, … Les plaisirs de la table belge proposent des exclusivités telles que le waterzooi, les carbonnades, les pralines, le cuberdon, le cramique, le cougnou, la trappiste, … On devinera que la réalité du navetteur qui prend le ring pour aller travailler à Bruxelles n’est pas exactement la même que celle du banlieusard sur le périphérique. Et que dire de celle du gamin sur son cuistax sur la digue de Knokke ? On trouve également des mots communs qui évoluent différemment en France et en Belgique. Ainsi la dénomination des repas sous la forme déjeuner/dîner/souper a été en vigueur en France jusqu’à la fin du XVIIIe siècle et a commencé à se modifier suite à une évolution dans le rythme des repas initiée par Paris pour devenir petit-déjeuner/déjeuner/dîner. Les Belges ont conservé l’ancienne dénomination, même si l’usage parisien s’impose dans les secteurs comme la restauration, les hôtels et dans les contextes formels. De même, le clignoteur a été utilisé quelque temps en français commun mais a été supplanté par clignotant en France alors que le premier terme est toujours employé en Belgique. Le terme endéans a pu être employé en France naguère mais son emploi est aujourd’hui spécifique à la Belgique francophone. La vie quotidienne apporte également son lot de particularismes avec des mots tels que essuie (serviette, essuie-main), torchon (serpillère), ramassette (pelle à poussière), assiette profonde (assiette creuse), … Le domaine de l’habitation n’est naturellement pas en reste étant donné que tout le monde sait que le Belge a une brique dans le ventre. Nous avons épinglé le bel étage (rez-de-chaussée surélevé), le tapis plain (moquette), le feu ouvert (âtre, cheminée), la clinche ou clenche (poignée de porte) ou encore le boiler (chauffe-eau), pour ne citer qu’eux… L’école et l’université constituent un terreau très fertile. Nos étudiants étrangers ne le savent peut-être pas lorsqu’ils paient leur minerval (droit d’inscription) et achètent leur syllabus (cours polycopié) qu’ils doivent mettre dans une farde (classeur), sans oublier qu’ils ne devront pas trop brosser (sécher les cours) et devront tout de même un peu bloquer (bûcher, potasser, réviser). Les professeurs quant à eux connaissent bien ces différences qu’ils peuvent d’ailleurs constater entre les manuels des éditeurs belges et français. Leur position ? Enseigner la réalité belge puisque c’est celle que l’étudiant rencontrera lorsqu’il devra payer septante cents pour des chicons. Mais, loi du nombre oblige, il apprendra également que les endives coûtent soixante-dix centimes à Paris. Dans les modules supérieurs, le programme précise que les étudiants doivent être confrontés aux différentes variétés du français dans toute la Francophonie. Et pour finir, quand on leur a demandé quel était leur belgicisme favori, les professeurs ont avoué avoir un petit faible pour pistolet, crolles, sacoche, septante/nonante ou couque au chocolat et si certains ont déploré la réalité typiquement belge de la drache, d’autres lui ont reconnu des qualités esthétiques qui mouillent bien plus que la pluie ! Nous vous recommandons l’excellent Dictionnaire des belgicismes de Michel Francard, paru en 2010 aux éditions De Boeck Duculot. L’éditeur vous propose même un petit quiz en ligne pour « tester vos connaissances et révéler le Belge qui est en vous. » http://deboeck.qualifio.com/ Bon amusement !