aux bonnes affaires

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aux bonnes affaires
ANALYSEIMMOBILIER
M A L G R É L’A L O U R D I S S E M E N T D E L A F I S C A L I T É
SUR LES SECONDES RÉSIDENCES
En France, l’heure est
aux bonnes affaires
Le marché immobilier français est enrhumé. Un coup de froid qui touche particulièrement
les secondes résidences — qui ne se sont jamais vraiment remises de la crise de 2008.
Même si les prix ne s’effondrent pas, ce sont clairement les acheteurs qui ont la main.
Ainsi que l’embarras du choix. BENOÎT MATHIEU
E
ntre le Belge et le
Français, cela a
toujours été une
histoire houleuse,
faite de hauts et de
bas, mêlant affection sincère,
humour qui tache, solide dose
de condescendance et brin d’exaspération. Certes, les années
1980 et 1990 sont loin, et avec
elles les fameuses blagues belges
débitées avec un accent douteux jamais pratiqué en dehors
de l’Hexagone, de même que les
innombrables cierges que la
Belgique brûlait en espérant
qu’aucun Français ne gagne la
moindre compétition sportive
afin de ne pas en entendre parler durant des décennies. A présent, les clichés ont perdu de leur
vigueur. Si le Belge se surprend
encore à dénigrer de temps à
autre le «Franchouillard», c’est
essentiellement dû à la force
de l’habitude. Quant à «l’ami
belge», il est plutôt bien vu outreQuiévrain, considéré comme
cool voire branché, même si la
tentation est forte d’encore (un
peu) le regarder de haut.
Entre le Belge et la France, par
contre, c’est autre chose! Bien
plus qu’une amourette de vacances, une véritable passion sans
nuages — mais de vacances toujours. Il faut dire que tout, ou
presque, est là, à portée de voi44 4 JUILLET 2013 | WWW.TRENDS.BE
ture: le soleil, les vagues, la haute
montagne, la culture et la gastronomie. Ce n’est pas pour rien
que la France pullule de secondes résidences: plus de trois millions, selon des estimations qui
commencent à dater. Les années
2000 ont vu débarquer un flot
de nationalités étrangères désireuses de passer leurs vacances
à la française. En tête caracolent
CÔTE D’AZUR
«Il faut considérer
cette zone comme
un investissement
‘confort’, réalisé
dans un but
d’agrément plus
que de rentabilité.»
Alain Requier,
directeur commercial
de Twin Properties
France
les Britanniques, même s’ils se
sont faits nettement plus rares
depuis la crise de 2008. Avec les
Italiens, les Suisses et les Allemands, les Belges figurent dans
le peloton de tête des amateurs
de briques françaises. Autre donnée qui circule: 100.000 ménages belges seraient propriétaires
d’une seconde résidence en
France.
Cigales ou Grande Bleue: le Sud de la France
C’est le Sud qui compte le plus de résidences secondaires.
«Il attire un étranger sur deux», rapporte Alain Requier
(Twin Properties). «Le Var, les Alpes maritimes, le Vaucluse
avec son Lubéron, les Bouches-du-Rhône avec les Baux
de Provence ou Saint-Rémy sont les destinations les plus
visées», rapporte Philippe Coessens (The Best For You).
Côté ouest, de Montpellier à la frontière espagnole,
les acquéreurs sont devenus une espèce rare, tirant les prix
vers le bas. Même la Côte d’Azur, destination prisée,
commence à tirer la langue. Les négociations peuvent
se faire rudes. «Depuis le début de l’année, le nombre
de secondes résidences vendues a chuté de 30%, poursuit Alain Requier. Les biens restent plus longtemps
sur le marché mais les prix ne connaissent pas de chutes
impressionnantes. Si certains propriétaires doivent accepter de revoir leurs exigences à la baisse, c’est parce qu’ils
s’étaient montrés trop gourmands.» Philippe Coessens
ne dit pas autre chose. «Cela met plus de temps, mais
un bien qui a les pieds dans l’eau n’a pas bougé et vaut
toujours entre 15.000 et 20.000 euros le mètre carré.
Et il continue à en arriver, du
Belge! «Sur la Côte d’Opale, les
Belges pèsent 60 % des transactions impliquant des secondes résidences», soulève Alain
Requier, directeur commercial
de Twin Properties France. Mais
a-t-il toujours raison, ce Belge?
Et la villa entre 500.000 et 850.000 euros avec une belle
vue, pas forcément sur mer, se vend toujours.
C’est pour les tout gros biens dépassant le million d’euros
que les choses sont devenues plus compliquées.»
C’est un fait: la Côte d’Azur n’est pas à la portée
de n’importe quelle bourse. «200.000 euros de côté
ne suffisent pas, tranche Alain Requier. Par le passé,
le prix de la vue sur mer doublait tous les 15 ans. Cela
pourra encore être le cas pour un bien à 300.000 euros
sur la Côte d’Opale, mais c’est nettement moins évident
pour une villa à un million sur la Côte d’Azur.
Tout dépend de l’optique dans laquelle on investit.
A présent, il faut considérer cette zone comme un investissement ‘confort’, réalisé dans un but d’agrément plus
que de rentabilité.» Pour Philippe Coessens, afin de réaliser une bonne affaire, c’est du côté du Languedoc
qu’il faut regarder. «La région qui monte le plus et
se situe sous les prix pratiqués par la Côte d’Azur.
C’est là que cela se passe. Vous pouvez y construire
une villa de 150 mètres carrés pour 450.000 euros.»
THINKSTOCK
Ces derniers temps, l’immobilier français semble accumuler
les bémols, couacs et autres
mauvaises nouvelles. Prix sous
pression, ventes en baisse. Sans
oublier un assaut fiscal mené
tambour battant par François
Hollande. Est-il seulement
DEAUVILLE
Endroit couru, il subit
à présent des décotes
allant de 10 à 20%,
mais affiche encore
une progression
des prix comprise
entre 60 et 100%
sur 10 ans.
encore intéressant d’investir
dans l’immobilier français ?
Trends-Tendances fait le point.
Un marché immobilier en
petite forme. En 2012, le nombre de logements anciens vendus était de 12% inférieur au
score de 2011, relèvent les notaires français. Voire nettement
plus, le début du cru 2012 ayant
été dopé par l’annonce de la
réforme du régime d’imposition
frappant les plus-values immobilières. Sinon, le nombre de
transactions aurait plutôt dégringolé de 20% sur un an. Pas
fameux. Au rayon prix, les nouvelles sont moins moroses. Lors
du quatrième trimestre 2012, les
notaires ont vu les prix médians
des appartements perdre 1,3%
et celui des maisons, 2,1%, et ce
par rapport à la même période
de 2011. Sur Paris, les notaires
ont inventé le concept de «stabilité baissière» afin de qualifier
l’état du marché.
La glissade devrait se poursuivre, prédit le Crédit Foncier.
Tandis que le Crédit Agricole
souligne que les fondamentaux
du marché sont, eux, toujours
favorables: demande forte, pas
d’excédent d’offre ni de bulle
du crédit, sans oublier des taux
historiquement bas. «Dire qu’il
y a une crise est sans fondement, analyse Laurent Vimont,
président de Century 21 France.
En 2011, le nombre de transactions était historiquement haut:
environ 850.000 ventes contre
650.000 en 2012. Prenez un mois
de juillet, où le mercure affiche
34 degrés. On appelle ça une
canicule. Dit-on pour autant qu’il ≤
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Montagne:
du succès
et des prix en
dents de scie
Forcément, ce n’est pas
la Baraque de Fraiture
qui comblera les envies
d’altitude du Belge.
La montagne a donc toujours la cote et les grandes
stations de sports d’hiver
résistent plutôt bien, même
si certaines ont connu,
en 2012, de légères baisses,
n’empêchant pas leurs
proches voisines de grimper, elles. «Les prix pratiqués
peuvent aller de 3.000
à 30.000 euros le mètre
carré, à Courchevel
notamment», détaille
Philippe Coessens.
En moyenne, comptez
entre 3.000 et 7.000 euros
le mètre carré.
donnait ce grain de folie, a plié
bagage pour ne plus revenir,
Britanniques en tête. Autre
solide frein: les récents changements de fiscalité ont jeté un
coup de froid. Du sud au nord,
d’est en ouest, le nombre de
transactions est en berne, trébuchant parfois de plus de 30%.
Les biens isolés dans la campagne, loin de tout, ont été les
premiers touchés. Le front s’est
depuis quelques mois étendu
aux propriétés de luxe.
Avec quel impact sur les prix?
Variable. A la baisse, mais pas
toujours. «Bien souvent, un propriétaire de seconde résidence
n’est pas tenu de vendre son bien
si son prix ne rencontre pas
d’amateur», estime Laurent
Vimont. N’empêche: des biens
qui s’éternisent sur le marché,
des prix à la baisse ou qui stagnent: l’heure est sans doute aux
bonnes affaires (lire les encadrés
p. 45, 46 et 47). En gardant à l’esprit que ceux qui ont fait des
PG
fait froid, un an plus tard, parce
que le thermomètre n’atteint
‘que’ 26 degrés? Je ne pense pas.
Il y a, par contre, une crise du
logement, puisqu’il en manque
800.000 en France. Alors, bien
sûr, les prix sont légèrement à
la baisse, mais on est loin de
l’apocalypse annoncée par certains économistes. Ces dernières
années, le marché a trop monté,
c’était l’euphorie. Il a à présent
touché un plafond de verre et
subit une correction à la baisse.
Il faut donc s’attendre à une
période de stagnation des prix
pendant quelques années, voire
de baisse si les taux d’intérêt se
mettaient à grimper.»
Côté immobilier neuf, la situation est différente. Les prix n’ont
pas glissé car les promoteurs
hexagonaux ont à cœur d’éviter
tout excédent. «Les promoteurs
ne construisent que si c’est
vendu; il n’y a donc pas de stock,
explique Laurent Vimont. S’il y
a moins de 60% de réservé, le
chantier est annulé.» En 2012,
la promotion de logements a
baissé de 20%. Un phénomène
toujours d’actualité en ce début
2013, le premier trimestre ayant
enregistré un recul de 11,2% (sur
un an) du nombre de mises en
chantier. Les professionnels du
secteur tablent sur une reprise
en 2014.
Gros coup d’arrêt pour les
secondes résidences. Le marché français des secondes résidences a beau être l’un des plus
denses au monde, il ne représente toutefois que 7% des ventes. Un marché bien particulier.
Qui, de 2002 à 2007, a connu des
années un peu folles, quand la
moindre bastide, le moindre
pigeonnier, même perdu dans
la cambrousse, pouvait faire
l’objet de folles enchères. Puis
la crise de 2008 est passée par
là, marquant un sévère coup
d’arrêt de l’activité. A vrai dire,
malgré de périodiques embellies, le marché ne s’en est jamais
vraiment remis. Surtout qu’une
partie de sa clientèle, qui lui
REPORTERS
ANALYSEIMMOBILIER
ALAIN REQUIER
«Depuis le début
de l’année, le nombre
de secondes
résidences vendues
a chuté de 30%
à la Côte d’Azur.»
affaires «en or», ce sont ceux qui
ont investi avant la flambée des
prix des années 2000. «Même
si des endroits courus comme
Saint-Jean-de-Luz ou Deauville
subissent à présent des décotes
allant de 10 à 20%, ils affichent
encore une progression des prix
comprise entre 60 et 100% sur
10 ans!», rappellent les notaires.
Une fiscalité alourdie, mais
pas toujours inintéressante.
C’est le sujet qui fâche. Pas tant
le renforcement de la fiscalité,
mais plutôt la valse-hésitation
qui prévaut depuis l’arrivée du
capitaine Hollande. «Ne pas
savoir où l’on va, c’est cela le
pire!», peste Philippe Coessens,
managing director de The Best
For You, société belge spécialisée dans la seconde résidence
française. C’est certain: la hausse
des taxes n’a pas fait du bien au
marché. Delà à effaroucher le
Belge? «Les gens hésitent, mais
ne renoncent pas pour autant.
La France reste la France.»
Voici un petit catalogue des
douloureuses qui attendent le
propriétaire non-résident:
• Assez classiques, les taxes
foncières et d’habitation, variables selon les communes, peu-
CÔTE D’OPALE
Elle est 30 %, voire
40%, moins chère
que la côte belge.
«Globalement,
les prix n’y diminuent
pas; je les vois
au contraire grimper
pour une quinzaine
d’années, jusqu’à
ce qu’ils rattrapent
ceux du littoral
belge.» Alain
Requier, directeur
commercial de Twin
Properties France
vent tout de même peser jusqu’à
quelques milliers d’euros par an.
• Le célèbre ISF, à savoir impôt
de solidarité sur la fortune, qui
frappe tous les patrimoines
dépassant 1,3 million d’euros
(immobilier y compris).
• Les revenus locatifs (du
moins, ceux que vous déclarez)
sont également soumis à l’impôt, à un taux de 5,8%. Notez
que la France et la Belgique ont
signé un accord évitant les doubles taxations. Sachez par ailleurs que les deux pays se parlent. «Si j’achète de l’immobilier
en France, la Belgique sera forcément au courant», précise
Alain Requier.
• C’est là que réside la polémique: la taxation sur la plusvalue a été revue et corrigée
(lisez: alourdie) par le nouveau
président. Aux 19% de base se
sont ajoutés 15,5% de prélèvements sociaux auxquels les nonrésidents échappaient jusquelà. Cerise sur le gâteau, une
taxation supplémentaire (dont
le taux varie de 2 à 6%) frappe
les plus-values exceptionnelles,
c’est-à-dire dépassant les
50.000 euros. Autrefois de 15
ans, le délai qui ouvrait les
portes de la prescription est
passé à 30 ans! Allez, un peu de
baume sur le cœur: la taxation
reste dégressive dans le temps
et après cinq ans, un forfait de
15% de la valeur d’acquisition
peut être déduit. Dernier acte
de la pièce: François Hollande
envisage une certaine marche
arrière afin de redonner un
coup de fouet au marché, qui a
mal encaissé le choc. A savoir
réduire le délai d’exonération
à 22 ans et instaurer un abattement exceptionnel pour 2014.
A confirmer.
• Ne fuyez pas, des bonnes
nouvelles existent. Si, si. Prenez
les droits d’enregistrement en
Belgique, oscillant entre 10 et
12,5%. Outre-Quiévrain, on
La mer du Nord, mais
avec l’accent français et
le dépaysement en plus
«Au nord du pays, la Côte d’Opale a du succès
auprès des Belges, constate Philippe Coessens.
Cela va de Bray-Dunes, à côté de La Panne,
jusqu’à la Baie de Somme.» Avec un avantage
de taille, au rayon prix (lire également le dossier
de couverture). Oui, les stations les plus courues
pratiquent — forcément — des tarifs un brin
plus élevés que leurs voisines, comme Hardelot
où le mètre carré touche rapidement les 3.500
euros. Mais toujours sans commune mesure
avec la Belgique. «La Côte d’Opale est 30%, voire
40% moins chère que son homologue belge,
s’enthousiasme Alain Requier. Globalement,
les prix n’y diminuent pas; je les vois au contraire
grimper pour une quinzaine d’années, jusqu’à
ce qu’ils rattrapent ceux du littoral belge.»
Un peu plus loin, trop loin peut-être pour
les Belges, les stations plus huppées et courues
par les Parisiens, comme le Touquet ou Deauville,
voient elles aussi les transactions diminuer et
les amateurs plus prompts à la négociation —
sans pour autant subir de décote. A Deauville,
le mètre carré moyen affiche toujours 4.800 euros.
La Bretagne devient, elle, plus abordable, offrant
des petites maisons dans des villages de pêcheurs
pour 150.000 à 200.000 euros. Plus bas, le long
de l’Atlantique, l’heure est aux baisses de prix
plus marquées.
appelle ça des droits de mutation. Au taux de 5%.
• Du positif toujours. Certes,
la fiscalité sur les donations a été
renforcée; cela ne l’empêche pas
de rester intéressante. Il existe
ainsi un abattement de 100.000
euros par enfant par parent —
libre de droits, donc, si ce n’est
les frais de notaires. Autrement
dit, un couple avec deux enfants
peut donner pour 400.000 euros
de nue-propriété à ses enfants,
sans payer de droits. Et recommencer tous les 15 ans, délai de
la «purge fiscale».
Comment financer l’achat?
Ça y est. Vous êtes décidés. A
vous la seconde résidence. Mais
comment financer votre achat?
Faut-il frapper à la porte d’un
établissement belge, qui risque
de rechigner à l’idée de prendre
une hypothèque en France?
Tenter sa chance auprès d’une
banque française, qui ne vous
connaît pas, vous? «La solution
idéale? Passer par une banque
belge et mettre en garantie un
bien belge qui est libre d’hypothèque ou peut encore le supporter», suggère Alain Requier.
La seconde résidence reste libre
de toute dette. «Pas d’hypothèque à lever si on veut revendre
le bien. Et pas de dette transmise
s’il est mis au nom des enfants.
Et puis, une dette en Belgique
est fiscalement déductible.» Pas
de briques qui puissent supporter le poids de l’investissement?
Regardez ce qui pourrait constituer une garantie: portefeuille
de titres ou assurance groupe.
«Si ce n’est pas possible, il y a
peu de chances qu’une banque
belge prenne une hypothèque
en France», tranche Philippe
Coessens. A moins que le responsable des crédits n’ait des
vues sur votre fille. Que faire,
dès lors? Passer le seuil d’une
banque française. «C’est la solution la plus souvent utilisée. Ce
n’est pas plus compliqué qu’en
Belgique; la concurrence est
même plus rude entre banques,
ce qui est bon pour les taux.» z
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