La recherche de l`ellipse d`aire maximale inscrite dans un polygone

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La recherche de l`ellipse d`aire maximale inscrite dans un polygone
La recherche de l’ellipse d’aire maximale inscrite
dans un polygone
Kaitong HU, Omar ALAOUI
Résumé
La recherche de l’ellipse d’aire maximale inscrite dans un polygone
convexe est étudiée par Steiner au XIXe siècle dans le cas d’un triangle. Il
a établi des propriétés élémentaires sur l’ellipse portant son nom, comme
étant la seule inscrite dans un triangle, tangente aux côtés de ce triangle
en leur milieu.
Pour les triangles et les parallélogrammes, l’idée repose principalement
sur l’utilisation des applications affines, laissant le rapport des aires invariant. Une caractérisation précise de l’ellipse d’aire maximale inscrite est
donnée par le théorème de Marden dans le cas du triangle.
On étend dans un premier temps la propriété des triangles aux parallélogrammes avec un résultat similaire. Pour un quadrilatère quelconque,
le résultat ne se généralise pas malheureusement. On opte donc pour une
méthode plus calculatoire. L’extension pour un polygone ayant au moins
5 côtés est basée sur le théorème de Brianchon.
1
Le Théorème de Marden
Dans cette partie on montre que pour un triangle, la caractérisation de l’ellipse d’aire maximale inscrite est donnée par le théorème de Marden. Cette
ellipse est appelée l’ellipse de Steiner.
1.1
Ellipse de Steiner : Existence et unicité
Proposition 1. Pour tout triangle ABC, il existe une unique application affine
bijective qui transforme ABC en un triangle équilatéral donné.
Lemme 1. L’ellipse d’aire maximale inscrite dans un triangle équilatéral est
unique et correspond au cercle inscrit.
Démonstration. Voir la preuve du lemme 4(démonstration similaire).
Proposition 2. L’ensemble des ellipses inscrites dans un triangle quelconque
est non vide admettant un unique maximum pour la relation d’ordre induite sur
les aires des ellipses.
1
Démonstration. Le cercle inscrit existe donc l’ensemble est non vide. Le maximum est atteint par l’image réciproque du cercle inscrit dans un triangle équilatéral quelconque.
Définition 1. L’ellipse de Steiner d’un triangle est l’unique ellipse tangente à
chacun des côtés en leur milieu.
Démonstration. L’ellipse existe car elle peut être interprétée comme l’image
réciproque du cercle inscrit dans un triangle équilatéral : le cercle étant tangent
en les milieux, et une application affine préserve la tangence et les milieux.
Trois points de passage et trois tangences suffisent pour caractériser entièrement
l’équation de l’ellipse, elle est donc unique.
Proposition 3. Parmi toutes les ellipses inscrites dans le triangle, l’ellipse de
Steiner est celle qui a une aire maximale.
1.2
Théorème et propriétés
Lemme 2. Soit f une similitude directe du plan. Soit P un polynôme de degré
n unitaire. Notons a1 , a2 , · · · an ses racines complexes et b1 , · · · bn−1 les racines
complexes de sa dérivée. Posons Q le polynôme de degré n unitaire de racines
f (a1 ), · · · , f (an ). Alors les racines de la dérivée de Q sont f (b1 ), · · · , f (bn ).
Lemme 3. Considérons une ellipse de foyers F1 et F2 et un point A situé
extérieur de l’ellipse. Traçant les deux tangentes de l’ellipse passant par A, les
points tangents sont notés respectivement T1 et T2 . Alors, ]F1 AT1 = ]F2 AT2 .
Remarquons que l’égalité des angles dans lemme 3 est une condition nécessaire et suffisante pour les tangentes.
Théorème de Marden. Si les zéros z1 , z2 , z3 d’un polynôme du troisième
degré à coefficients complexes P (z) ne sont pas alignés, alors les racines du
polynôme dérivé sont les foyers de l’ellipse de Steiner.
Démonstration. Quitte à effectuer une homothétie, rotation ou translation, nous
pouvons nous ramener au cas où z1 = −z2 = 1 et <(z3 ) > 0 et cela sans
modifier l’emplacement des racines de la dérivée d’après le lemme, donc sans
modifier la position de l’ellipse recherchée. En exploitant les propriétés optiques
de l’ellipse(c’est-à-dire, un rayon lumineux qui passe par un des foyers, lorsqu’il
est réfléchi, passe par l’autre foyer), il suffit de vérifier que, en notant y1 , y2 les
deux racines du polynôme dérivé :


arg(y1 ) + arg(y2 ) = π
−z1
−z1
arg( yz21 −z
) = arg( yz32 −z
)
1
1


y1 −z2
y2 −z2
arg( z1 −z2 ) = arg( z3 −z2 )
En effet : les trois sommets du triangle vérifient x3 − z3 · x2 − x + z3 = 0
donc y1 , y2 vérifient 3x2 − 2z3 · x − 1 = 0. Donc y1 · y2 = − 13 qui est négatif,
2
c’est-à-dire arg(y1 ) + arg(y2 ) = π. Ensuite, on translate z1 à l’origine, les trois
sommets du triangle vérifient x3 − (z3 + z2 ) · x2 + z3 z2 · x = 0 donc y1 , y2
2
= z32 est un réel positif, c’est-à-dire
vérifient 3x2 − 2(z2 + z3 )x + z2 z3 = 0. y1z·y
3
−z1
−z2
−z2
−z1
) = arg( yz32 −z
). Idem pour arg( yz11 −z
) = arg( yz32 −z
).
arg( yz21 −z
1
1
2
2
On montre donc que l’ellipse ayant pour foyers passant par le milieu est
en fait tangente à ce côté, puis que cette ellipse est aussi tangente aux deux
autre côtés. Par symétrie, l’ellipse est tangente aux côtés et en leur milieu aussi.
Donc, l’ellipse coïncide avec l’ellipse de Steiner. Un schéma plus démonstratif
est proposé pour le cas du parallélogramme.
Proposition 4. Le rapport de l’aire de l’ellipse sur celle du triangle est égale
π
, environ 0, 6046.
à 3√
3
Proposition 5. On peut montrer de même que l’ellipse d’aire maximale circonscrite√ à un triangle existe et est unique. Le rapport d’aire est un invariant
égal à 34π3 , environ 0, 4135.
Proposition 6. L’ellipse d’aire minimale circonscrite à un triangle est également l’ellipse de Steiner du triangle image de ABC par un homothétie de
rapport 2 et de centre le centre de gravité de ABC.
2
Extension : le parallélogramme
Dans cette partie, nous allons essayer de généraliser le théorème de Marden
avec un résultat similaire pour la caractérisation de l’ellipse inscrite.
2.1
Ellipse maximale : Existence et unicité
Lemme 4. Parmi toutes les ellipses inscrites dans un carré, le cercle inscrit
est celui qui a une aire maximale.
Démonstration. Montrons d’abord que parmi tous les quadrilatères circonscrits
à un cercle donné, le carré a l’aire minimale.
Soit C un cercle quelconque dans le plan et ABCD un quadrilatère circonscrit. Notons E, F, G, H les pieds de la perpendiculaire de O respectivement aux
quatre cotés AB, BC, CD, DA. Notons α = ∠AOE, β = ∠BOF , γ = ∠COG
et ω = ∠DOH. Puisque
AABCD =
1
·r·(AB +BC +CD+DA) = r2 ·(tan(α)+tan(β)+tan(γ)+tan(ω))
2
et comme la fonction tangente est strictement convexe sur ]0, π2 [, on a alors :
tan(α) + tan(β) + tan(γ) + tan(ω) ≥ 4 · tan(
√
α+β+γ+ω
π
) = 4 · tan( ) = 2 2
4
4
L’égalité est atteinte si et seulement si α = β = γ = ω, i.e. ABCD est un
carré.
3
Montrons ensuite que parmi toutes les ellipses inscrites dans un carré donné,
c’est le cercle qui a l’aire maximale.
Soit E une ellipse inscrite dans un carré ABCD. Prenons une affinité orthogonale telle que l’image de E soit un cercle, noté O. L’image d’un carré
F GHI est un parallélogramme. Si l’ellipse E n’est pas le cercle inscrit du carré
ABCD, le projecteur n’est pas l’identité donc l’image du carré ABCD n’est
pas un carré. Alors le rapport d’aire n’est pas optimal. Donc, parmi toutes les
ellipses circonscrites à un carré donné, le cercle a pour l’aire maximale.
Proposition 7. Soit un carré quelconque. Pour tout parallélogramme ABCD,
il existe une unique application affine bijective qui transforme ABCD en carré.
Proposition 8. Soit ABCD un parallélogramme quelconque. L’ensemble des
ellipses inscrites dans ABCD est non vide admettant un unique maximum pour
la relation d’ordre induite sur les aires des ellipses.
Théorème 1. Si les zéros z1 , z2 , z3 , z4 d’un polynôme du quatrième degré
à coefficients complexes P (z) forment un parallélogramme, alors il existe une
unique ellipse inscrite dans le parallélogramme de sommets z1 , z2 , z3 , z4 et
tangente aux côtés du parallélogramme en leur milieu. De plus, notons y1 , y2 , y3
les trois racines du polynôme dérivé, elles sont alignées. L’une de ces racines
coïncide avec le centre de l’ellipse, les deux autres coïncident avec les
deux foyers de l’ellipse.
Démonstration. De même que pour le triangle, on exploite les propriétés optiques de l’ellipse pour montrer le résultat.
Tout d’abord, quitte
à translater le parallélogramme, nous pouvons nous
P
ramener au cas où
zi = 0. Le polynôme s’écrit P (x) = x4 + b · x2 + d et le
3
polynôme dérivé s’écrit P 0 (x) = 4x
P + 2b · x. Notons y1 , y20 , y3 les trois racines
du polynôme dérivé, nous avons
yi = 0 et O ∈ Z(P ), i.e. (y1 , y2 , y3 ) =
(y1 , O, −y1 ).
Quitte à utiliser une translation et une homothétie, nous pouvons aussi nous
ramener au cas où z1 = −z2 = 1 et <(z3 ) > 0 et <(z4 ) > 0. Il suffit de vérifier :
4
arg(y1 ) + arg(y3 ) = π
y1 − z1
z4 − z1
) = arg(
)
z2 − z1
y3 − z1
z1 − z2
y1 − z2
) = arg(
)
arg(
z3 − z2
y3 − z2
arg(
(1)
(2)
(3)
(1) montre que l’ellipse ayant pour foyers passant par le milieu de z1 , z2 , est en
fait tangente à ce côté, (2), (3) montre que cette ellipse est aussi tangente aux
deux autres côtés en utilisant la proposition 4. Par symétrie, l’ellipse est tangente
à côté z3 , z4 en son milieu aussi, et de même pour le côté z2 , z3 . Donc, l’ellipse
que nous venons de construire coïncide avec l’ellipse inscrite d’aire maximale
dans le parallélogramme.
2.2
Un rapport invariant
Proposition 9. Le rapport d’aire entre l’ellipse d’aire maximale inscrite et le
1
parallélogramme est un invariant égal à 4π
.
Proposition 10. On peut montrer de même que l’ellipse d’aire minimale circonscrite à un parallélogramme existe et est unique. Le rapport des aires est
aussi un invariant égal à π2 .
Proposition 11. L’ellipse d’aire minimale circonscrite à un parallélogramme
ABCD est également l’ellipse d’aire minimale inscrite
√ dans le parallélogramme
image de ABCD par une homothétie de rapport 2 et de centre le centre de
ABCD.
3
3.1
Cas d’un n-gone
Etude sur les quadrilatères convexes quelconques
Puisque un quadrilatère quelconque est déterminé par trois vecteurs, donc il
n’existe pas en général d’application bijective affine qui le transforme en carré.
Théorème de Brianchon. Les diagonales joignant les sommets opposés d’un
hexagone sont concourantes si et seulement si cet hexagone est circonscrit à une
conique .
5
Une preuve de ce théorème se fait avec la transformation par inversion en
admettant le théorème de Pascal.
Proposition 12. Si, dans un pentagone quelconque ABCDE circonscrit à une
ellipse, nous traçons deux diagonales AD et BE qui ne partent pas d’un même
angle, elles se croiseront en un point I situé sur la droite CP , où P est le point
tangent du côté opposé à C.
Démonstration. Il suffit d’appliquer le théorème de Brianchon sur l’hexagone
réduit ABCDEP .
Proposition 13. Soit ABCD un quadrilatère convexe, soit E un point sur le
segment AB. Supposons qu’il existe une ellipse ξ passant par E et tangente aux
quatre côtés. Nous pouvons construire les trois autres points tangents avec la
méthode suivante :
1. Tracer deux diagonales du quadrilatère et noter I leur intersection.
2. Tracer la droite passant par E et I, noter G l’intersection de (EI) avec
(CD).
6
3. Relier G et B, G et A. Noter respectivement P , Q l’intersection de (AG)
avec (BD) et (BG) avec (AC).
4. Tracer la droite passant par C, P et la droite passant par D, Q. Noter F
l’intersection de (CP ) avec (AD), noter H l’intersection de (DH) avec
(BC).
Alors, l’ellipse ξ est tangente au quadrilatère ABCD en (E, F, G, H).
Démonstration. Supposons que l’ellipse soit inscrite dans le quadrilatère ABCD
et soit tangente en E, F, G, H.
Appliquons le théorème de Brianchon sur l’hexagone réduit ADGCBE, nous
avons (AC), (EG), (BD) sont concourantes. Etant donné E, G est l’intersection
de (EI) et (CD). Ensuite, prenons un point sur l’arc HG, noté R. Dessinons la
tangente de l’ellipse en ce point qui joint CD et AC respectivement en Q et P .
Appliquons la proposition 12 sur le pentagone ADQP B, nous avons alors AP,
EQ, BD sont concourantes. Nous faisons glisser le point R sur l ?ellipse de telle
7
sorte qu’il se rapproche du point H. Comme BHC est la tangente de l’ellipse
en H, lorsque R se rapproche de H, Q se rapproche de C et P se rapproche de
H. Remarquons que AP, EQ, BD sont toujours concourantes. Ainsi, à la limite,
lorsque R rejoint H, nous avons la concourance de (AH), (EC), (BD). Donc,
pour construire H, il suffit de relier EC, en notant M l’intersection de (EC) et
(BD), et H est l’intersection de (AM ) et (BC).
Proposition 14. Le rapport d’aire entre ellipse d’aire maximale inscrite et le
quadrilatère est inférieur ou égal à π4 , l’égalité est atteinte si et seulement si le
quadrilatère est un parallélogramme.
La généralisation du théorème de Marden pour les parallélogrammes n’est
plus valable pour un quadrilatère quelconque. Considérons le polynôme P (x) =
(x−1−i)(x−1+i)(x−i)(x+i), lorsque tend vers 0, le polynôme P tend vers
P (x) = x2 ((x − 1)2 + 1). Le polynôme P (x) admet deux racines complexes non
réelles. Par continuité des racines du polynôme, les racines de P tend vers celles
de P (x). Or, l’ellipse inscrite d’aire maximale dans P tend vers un segment de
l’axe x lorsque tend vers 0, nécessairement il existe assez petit tel qu’il y a
une racine de P qui n’est plus dans l’ellipse inscrite d’aire maximale. D’où la
proposition suivante.
Proposition 15. La généralisation du théorème de Marden n’est pas valable en
général pour un quadrilatère quelconque.
8
3.2
Unicité
Proposition 16. Pour un polygone ayant plus de 4 arêtes, s’il existe une ellipse
inscrite, alors elle est unique.
Démonstration. Si une ellipse est inscrite dans un n-gone, avec n supérieur ou
égal à 5, en prolongeant deux côtés non parallèles, l’ellipse est alors inscrite
dans un m-gone, avec m strictement inférieur à n. Et l’unicité d’une telle ellipse
est prouvée pour m inférieur ou égal à 6, ce qui prouve l’unicité de l’ellipse
donnée.
4
Conclusion
Le théorème de Marden pour un triangle peut se généraliser pour un parallélogramme. Par contre, aucune relation n’est évidente entre l’ellipse d’aire
maximale inscrite dans un quadrilatère quelconque et les racines du polynôme
dérivé. Il existe cependant une méthode géométrique pour obtenir l’ellipse inscrite connaissant un seul point de tangence, ce qui permet de trouver l’ellipse
inscrite d’aire maximale. Pour un pentagone, hexagone ou plus, le théorème de
Brianchon permet d’affirmer l’unicité sous réserve d’existence.
On peut également poursuivre cette étude et étudier les ellipsoïdes inscrites
dans des pyramides en utilisant notamment les résultats démontrés. L’espace
qui nous est accordé pour ce travail ne nous permet pas de détailler ici nos
résultats obtenus...
Références
[1] H.Dörrie (1995). 100 Great Problems of Elementary Mathematics, Their
History and solution. New York, Dover Publications.
[2] Dan Kalman (2008). An Elementary Proof of Marden ?s Theorem The Mathetatical Association of America, Monthly 115
[3] Fiche de Brianchon à l’école Polytechnique présentée dans les Mémoires de
Gire Céline, Faculté des Science de Nancy.
[4] Alan Horwitz (2005). Ellipses of Maximal Area and of Minimal Eccentricity
Inscribed in a Convex Quadrilateral. The Australian Journal of Mathematical Analysis and Applications, Volume 2, Issue 1, Article 4, pp.1-12
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