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actes
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1
SOmmaire
I pages 4
Liste des inter venants
I pages 5 à 12
Introduction et discour s d’ouver ture
p. 5 p. 6 à 7
p. 8 à 9 p. 10 p. 11 p. 12 p. 12 Ouverture des 4 èmes Assises des Risques Technologiques
Michel Pascal
Jacques Vernier
Pascale Pavy
Pascal Monbailly
Philippe Lefait
Jean-Louis Borloo
I pages 13 à 33
Plénière du matin - Actualité des Risques
I pages 34 à 37
Inter vention du grand témoin
Patrick Lagadec
I pages 38 à 47Atelier s
p. 38 à 59
p. 60 à 79
p. 80 à 97
p. 96 à 111
p. 112 à 129
p. 130 à 147
p. 148 à 161
Avertissement
Les Actes sont une retranscription des débats qui se sont tenus lors des 4èmes Assises Nationales des Risques Technologiques. Cette
retranscription se veut fidèle, même si certains passages ont été raccourcis. Les propos ne sont là que pour refléter les débats et
n’engagent pas la responsabilité des organisateurs, ni ne reflètent leur position.
Remerciements
Les organisateurs des Assises tiennent à remercier tout particulièrement les inter venants, les pilotes des ateliers et plénières, les
rapporteurs des ateliers, Cédric Bourrillet, Patricia Blanc, Laurent Michel, Pascal Monbailly, Karine Grimault, Frédéric Baudouin, les
partenaires et membres des comités de pilotage pour leur présence, leur investissement et la qualité des échanges, constants tout
au long de la préparation des Assises.
2
Atelier
Atelier
Atelier
Atelier
Atelier
Atelier
Atelier
1
2
3
4
5
6
7
-
Maîtrise de l’urbanisation
La maîtrise du vieillissement
Compétences et formation
Instances de concertation
Evaluation des risques sanitaires
Post-accidentel
Réforme de l’Etat et ICPE
I pages 162 à 169
Restitution des atelier s
I pages 170 à 189
Plénière de l’après-midi - Devenir des industries à risques
I pages 190 à 195Conclusion
I pages 196 à 199
Glossaire
3
Ouverture des 4èmes Assises Nationales
des Risques Technologiques
Liste des intervenants
4
I Jean-Luc Andr ieux p.102
I Jean-Rémi Gouze p.69, p.177
I Mar yse Arditti p.121, p.171
I André Hermann p.104
I Sandra Ashcroft p.172
I Philippe Hubert p.133
I Claude Barbay p.149
I Jean-Marc Jaubert p.64
I Dominique Becouse p.45
I Aleksandar Jovanovic p.62
I Patr icia Blanc p.112
I Loïc Kerambrun p.130
I Yves Blein p.98, p.175
I Jean-Luc Lachaume p.131
I Pierre Bois p.80
I Patrick Lagadec p.34
I Jacky Bonnemains p.15
I Philippe Lalart p.48
I Jean-Louis Bor loo p.12
I Jacques Le Marc p.85
I Cédr ic Bour illet p.70
I Philippe Ledenvic p.178
I Ber nard Chambon p.15
I Philippe Lefait p.5
I Ian Conroy p.153
I Michel Lesbats p.96
avoir ici une anecdote personnelle.
I Jean-Paul Cressy p.66
I Yann Macé p.61
Il se trouve que j’ai été enfant dans
I Nicolas De Warren p.176
I Laurent Michel p.17, p.190
cette région et qu’à l’époque tout
I Michel Delebarre p.175
I Pascal Monbailly p.11
ce qui s’appelait écologie et déve-
I Jean Des Deser ts p.152
I Sébastien Mounier p.116
loppement durable se résumait à un
I Jean-Jacques Dumont p.150
I Michel Pascal p.6
I Philippe Essig p. 78
I Pascale Pavy p.10
I Philippe Fanucci p.119
I Philippe Prudhon p.131
I Henr i Forest p.17
I Monique Sené p.132
I Nicolas Fourr ier p.149
I Serge Tarassioux p.45
Grenelle de l’environnement. Vous êtes ici pour faire
I Peter Fr ijns p.50
I Jacques Ver nier p.8, p.14
encore avancer les choses , pour faire le point, pour essayer
I Chr istine Gilloire p.42
I Jean-Pierre Vidal p.83
de réfléchir ensemble, comme vous l’ont dit les slogans du film vidéo que vous
I Gar y Ginsberg p.123
I Jean-Claude Weiss p.148
venez de voir. A la fin de cette jour née, à nouveau, des progrès auront été faits
I Jérôme Goellner p.38
I Jean Wencker p.100
et que nous sommes loin, très loin maintenant de ce Monsieur qui se promenait
I Dominique Gomber t p.115
I Maureen Wood p.87
Philippe Lefait,
Journaliste animateur
Mesdames, Messieurs, je suis heureux
de vous retrouver aujourd’hui pour
ces 4èmes Assises Nationales des
Risques
Technologiques. Les
qua-
trièmes, c’est beaucoup. Je voudrais
vélo hollandais, à un costume en velours
et à une écharpe rouge pour se protéger
des frimas. Je me dis que 40 ans plus tard,
on a fait énor mément de progrès . De manière
emblématique, aujourd’hui, cela
s’a ppelle
le
avec son costume en velour s sur un vélo hollandais .
5
Discours d’ouverture
Michel Pascal,
6
Directeur de la DREAL Nord-Pas-de-Calais, Secrétaire général des Assises
Monsieur le Sous-préfet de Douai, représentant Monsieur le Préfet de Région, Préfet
du Nord, Monsieur le Maire de Douai, Madame la Présidente, représentante de
Monsieur le Président du Conseil Régional du Nord-Pas-de-Calais, Monsieur
le Directeur général de la Prévention des Risques, Mesdames et Messieurs.
C’est un très grand honneur et un très grand plaisir d’ouvrir cette quatrième édition des Assises Nationales des Risques Technologiques. Vous
êtes nombreux, plus de 900 inscrits, malgré les difficultés de transport
auxquelles vous avez dû et devrez faire face. Je suis donc d’autant
plus heureux que vous soyez présents. Cette fois encore les DREAL,
héritières des DRIRE, se sont mobilisées pour vous proposer ce temps
d’échange, de dialogue, de confrontations d’idées, d’avancées collectives que constitue ce rendez-vous bisannuel.
Dans cette région dotée de quatre-vingt installations Seveso, de trois
SPPPI, la tradition du dialogue est forte. C’est à ce titre que le Nord-Pasde-Calais accueille naturellement cette manifestation.
Nous avons cette année décidé d’ouvrir les Assises à des thèmes nouveaux, comme les risques sanitaires ou encore le vieillissement. Nous avons
aussi souhaité donner à ces Assises une touche de parangonnage par la
présence d’intervenants étrangers dans presque chaque table ronde ou atelier.
Je salue également la présence de notre Grand Témoin, Patrick Lagadec qui nous
donnera sa vision élargie sur le thème que nous allons traiter aujourd’hui.
Nous avons souhaité également favoriser l’interactivité pendant les tables rondes. Je vous
demanderai donc, exceptionnellement, de ne pas éteindre totalement vos téléphones
portables, puisque vous verrez qu’ils vous seront utiles pour la bonne marche de celles-ci.
Je souhaite excuser l’absence de Jean-Louis Borloo, Ministre d’Etat, Ministre de l’Ecologie, de
l’Energie, du Développement durable et de la Mer. Il est retenu à Paris mais il a tenu à nous
délivrer un message. Il m’a fait savoir combien il aurait aimé être parmi nous pour ce dialogue.
Les DREAL, successeurs des DRIRE, des DIREN et des DRE, disposent en leur sein de compétences
variées qui permettent de mieux gérer la question du risque. L’organisation de ces Assises est en
droite ligne avec ce qu’elles doivent au-delà de leurs missions régaliennes, c’est-à-dire la pé-
dagogie, l’information, l’accompagnement qui font partie de leur boîte à outils. C’est aussi
montrer la capacité des entreprises à gérer et réduire elles-mêmes les risques. L’année 2010
nous a rappelé de manière dramatique combien le risque était présent dans nos vies. La
tempête Xynthia et les inondations dans le Var ont remis brutalement en lumière la nécessité
de mieux conjuguer l’urbanisation des territoires et la prise en compte des risques. Plus près
de nous, la pollution en Hongrie ou les événements du Chili, nous ont montré combien la
préparation aux risques et sa gestion était importante.
Les DREAL sont fières du chemin parcouru depuis deux ans. Elles se sont beaucoup mobilisées
sur les PPRT, bien qu’il reste beaucoup de travail à faire. Un enseignement important de ces
deux années est de montrer que cette démarche permet d’atteindre le premier objectif de
la politique des risques, à savoir la réduction des risques grâce à un dialogue approfondi entre
les industriels et les parties prenantes (les élus, les associations, les représentants des salariés, les
riverains et bien sûr l’Etat). Leurs missions se sont accrues notablement. Les moyens humains ont
accompagné cette augmentation des missions, même si souvent des regards extérieurs
estiment que ces moyens ne sont pas toujours à la hauteur des besoins. Si le premier responsable de la maîtrise des risques est bien le chef d’entreprise ou le directeur de l’usine, l’Etat
est là pour en quelque sorte apporter une garantie supplémentaire dans la bonne gestion
de ceux-ci. Et je veux former des vœux pour que les réformes en cours puissent maintenir
cette mission essentielle de l’Etat qui concerne la sécurité de nos concitoyens.
Je terminerai en remerciant tous ceux qui nous ont aidé, et ils sont nombreux, à préparer ces
Assises : les membres du Comité de pilotage, Pascal Monbailly, Président de l’Union des Industries Chimiques Nord – Pas-de-Calais et Président de l’Association Nationale des Risques Technologies, Jacqueline Istas, Présidente de Nord Nature Environnement, Jacques Vernier ainsi que
Michel Durousseau pour la ville de Douai, Christian Poiret, pour la Communauté d’Agglomération de Douai, Daniel Percheron, Président du Conseil Régional, tous les industriels partenaires,
l’Europe, Laurent Michel, Jérôme Goellner, Patricia Blanc et Cédric Bourrillet de la Direction
Générale de la Prévention des Risques, qui nous ont fait confiance pour cette manifestation,
toutes les DREAL qui co-organisent les Assises avec la DREAL du Nord-Pas-de-Calais. Je veux
vous remercier pour votre présence qui est un formidable encouragement à poursuivre notre
action. Et comment ne pas terminer en remerciant les équipes de la DREAL, Frédéric Baudouin
et Karine Grimault, et bien évidemment Gustave Defrance, Président du Comité de pilotage
toujours attentif à la préparation et dont l’efficacité n’a d’égal que sa bonne humeur.
Je vous souhaite une excellente journée.
7
Discours d’ouverture
Jacques Vernier, M
a i re
d e D o u a i , P r é s i d e n t d u C o n s e i l S u p é r i e u r d e l a P r é ve n t i o n des Risques
Te c h n o l o g i q u e s
Monsieur le sous-préfet, Mesdames, Messieurs. Je voulais vous dire que c’est avec
un très grand plaisir que je vous accueille très nombreux comme d’habitude à ses
quatrièmes Assises Nationales des Risques Technologiques. Je le fais, vous le savez
à un double titre, d’une part comme Maire de Douai et vice-président de la
Communauté d’Agglomération du Douaisis, qui vous accueille d’ailleurs dans
un lieu qui appartient à la Communauté d’Agglomération du Douaisis.
Je voulais excuser le Président de cette Communauté qui sera parmi nous tout
à l’heure, mais qui n’est pas là au début de notre colloque pour vous accueillir.
Je le fais donc à titre de maire de cette bonne ville et je le fais aussi et surtout au
titre, vous le savez, de mes fonctions environnementales nationales, Président de ce
qui s’appelait naguère le Conseil Supérieur des Installations Classées et qui s’appelle
aujourd’hui le Conseil Supérieur de la Prévention des Risques Technologiques (le nouveau
vocable est d’ailleurs plus en accord avec nos Assises des Risques Technologiques), et comme
Président de la Commission interministérielle du Transport des Matières Dangereuses.
Nous tenons ce colloque en 2010. 2010, nous ne l’avons peut-être pas assez dit, c’est le bicentenaire de la première grande loi sur les établissements dangereux, incommodes. En 1810, dès
cette date là, vous vous rendez compte, on avait pris conscience du danger de certaines
installations. Il y aura d’ailleurs dans quelques semaines un colloque célébrant, rappelant le
bicentenaire de cette loi de 1810.
Un peu de la même manière que lors des secondes Assises, en 2006, nous avions remarqué
la coïncidence avec le centenaire de la terrible catastrophe minière de Courrières non
loin d’ici, qui est, il faut bien le dire, la plus grande catastrophe industrielle et minière qu’ait
connu l’Europe avec vous le savez, environ 1 100 personnes décédées dans cet accident.
Des catastrophes qui peuvent encore avoir lieu d’ailleurs au Chili, en Chine, dans les mines,
montrent que dans le domaine minier aussi les risques industriels continuent d’être extrêmement présents.
8
Je voulais pour terminer vous donner mon sentiment sur l’évolution de ces deux dernières
années qui se sont écoulées depuis les troisièmes Assises. J’en dirai un peu plus tout à l’heure,
lors de la table ronde. Il me semble que l’on a beaucoup avancé : les Plans de Prévention des
Risques Technologiques ont avancé, les études de dangers qui doivent être faites dans les lieux
où il y a une concentration de transport de matières dangereuses vont pouvoir déboucher
maintenant sur des prescriptions préfectorales dans les gares de triage (malheureusement il
n’y en a plus beaucoup), dans les ports, dans les ports maritimes, dans les ports fluviaux, dans
les parkings routiers ou autoroutiers. Nous avons réuni en 2009 après les dernières Assises, une
table ronde sur les risques industriels qui a permis de mettre au point et de faire déboucher un
certain nombre de modifications législatives ou réglementaires très importantes. Je disais tout
à l’heure que le Conseil Supérieur des Installations Classées s’est transformé en Conseil Supérieur de Prévention de Risques Technologiques. Ce n’est pas seulement un changement de
vocable, c’est parce que désormais notre Conseil Supérieur intègre aussi la problématique
des canalisations de transport de matières dangereuses, et demain celle des installations
nucléaires de base. En matière de canalisations, nous sommes en train d’étudier des textes
considérables, notamment des textes sur le vieillissement des canalisations, de même qu’il y
a des textes d’ailleurs sur le vieillissement des usines dans le cadre du Plan anti-vieillissement,
qui a été initié par l’Etat. Puis en matière de canalisations, nous sommes en train de faire des
textes sur les risques d’endommagement des canalisations par les engins de travaux publics,
tant il est vrai que les grands accidents de canalisations ont été dus à des manœuvres erronées
en matière de travaux publics. Ces deux années ont aussi été marquées par le lancement de
la nouvelle procédure d’enregistrement pour les installations classées. Je dirai toute à l’heure
avec force combien je pense que peut-être cette procédure a été mal comprise et combien
je pense que, loin d’être une régression en matière de protection de l’environnement, je pense
profondément que cela peut être un progrès. Je dirai tout à l’heure, autour de la table ronde,
pourquoi. En tout cas, beaucoup de modifications, beaucoup d’avancées dans les domaines
législatifs et réglementaires. Je pense et je suis sûr que cette journée nous permettra d’en
attester, d’en faire le bilan et nous permettra aussi de constater qu’il y a peut-être, et
encore, un certain nombre de lacunes, car ce sont des domaines dans lesquels il est
important de toujours progresser.
Je voulais vous remercier toutes et tous dans votre diversité, de votre présence. Je resterai avec
vous bien entendu toute la journée. Je suis persuadé que nos débats seront comme d’habitude
extrêmement fructueux et productifs.
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Discours d’ouverture
Pascale Pavy, P re m i è re
v i c e - p r é s i d e n t e d e l a c o m m i s s i o n a m é n a g e m e n t d u t e r r i t o i re, tour isme,
e nv i ro n n e m e n t , p l a n c l i ma t a u C o n s e i l R é g i o n a l
Monsieur le sous-préfet, Monsieur le maire,. Monsieur le directeur de la DREAL. Mesdames
et Messieurs. J’ai le plaisir de vous accueillir dans cette région Nord-Pas-de-Calais, au
nom de notre président Daniel Percheron. Je ne sais pas si la durée de votre séjour
vous amènera à pleurer ce soir au moment de partir, perturbés par le regret de
nous quitter aussi vite. N’hésitez pas à revenir, vous serez toujours bien accueillis
et vous aurez à découvrir une grande diversité culturelle, naturelle, patrimoniale et économique dans cette région.
La question des risques technologiques relève d’une compétence de l’Etat.
Nous ne développons pas directement de politique sur ce sujet, mais tout se
tient. Vous abordez dans vos ateliers l’urbanisation, la formation, la concertation.
Tout ceci fait partie de ce qui nous motive. Cette région a vécu une très forte industrialisation qui a apporté des richesses mais qui a été aussi lourde de conséquence,
le modèle n’étant pas durable à l’époque. Il y a de lourdes conséquences à la fois pour
les femmes et pour les hommes, pour l’environnement, pour l’économie aussi. Aussi ce n’est
pas par hasard que notre région a été pionnière dans la volonté de développer des politiques
plus soucieuses des êtres humains, de l’environnement, de l’économie et de la concertation.
C’est ici qu’est né le premier parc régional naturel de France. C’est aussi ici cette année qu’a
été créé le premier observatoire régional de la biodiversité. Toutes nos politiques sont déclinées
autour d’un schéma régional d’aménagement et de développement du territoire qui a été
travaillé avec tous pendant des années et auquel se raccrochent toutes les politiques : schéma
des transports, schéma de la formation, schéma du développement économique qui avait sa
plénière avant-hier, Trame Verte et Bleue etc. Tout se tient vers un développement équilibré le
plus possible de notre région.
Nous avons ici 1 629 établissements soumis à autorisation, dont 116 carrières, 840 établissements
soumis à la Taxe Générale sur des Activités Polluantes (TGAP), 75 inspecteurs équivalents à temps
plein. Il y a de quoi faire et il y a de quoi échanger. Je vous souhaiterai une très bonne journée
et de fructueux échanges.
10
Pascal Monbailly, Président de l’Association Nationale des Risques Technologiques
et Président de l’UIC Nord - Pas-de-Calais
Monsieur le sous-préfet, Monsieur le maire de Douai,. Mesdames et Messieurs les élus, représentants des collectivités. Mesdames et Messieurs,
représentants des services de l’Etat et des associations, chers collègues
industriels et leurs représentants. Mesdames et Messieurs. Je tiens à vous rassurer immédiatement. Je ne vais pas vous faire subir un discours supplémentaire.
En effet, je crois que comme moi vous êtes impatients de participer activement aux
différents ateliers et tables rondes organisés pour vous aujourd’hui. Néanmoins, en tant que
président de l’Association de gestion de ces Assises, je me devais de formuler quelques
remerciements. En effet, merci aux nombreuses personnalités qui nous font l’honneur d’intervenir
dans les ateliers et plénières de ce jour. Merci aux membres des Comités de pilotage national
et régional, leur aide a été précieuse afin d’organiser une opération de cette envergure. Merci
aux nombreux agents de l’Etat des DREAL et des SPPPI qui ont préparé cette journée et en
assurent le bon déroulement. Merci aux nombreux partenaires moraux et financiers sans qui les
Assises ne pourraient avoir lieu tous les deux ans et être d’une telle qualité. Surtout merci à vous,
participants, qui vous êtes déplacés en nombre malgré les difficultés inhérentes aux grèves
actuelles. Nous comptions hier plus de 900 inscrits. Je pense qu’aujourd’hui nous ne devons pas
être loin des 800 personnes. Cela montre l’intérêt que tous les acteurs de la prévention des risques
que vous êtes, portent aux thématiques qui vont être développées aujourd’hui. Le nombre de
participants aux Assises est de plus en plus élevé au fil du temps. Cela atteste le développement
d’une culture commune de la sécurité et d’une volonté largement partagée de dialogues. C’est
d’ailleurs parce que je partage complètement cette volonté d’échange et de débats sur la
prévention des risques que j’ai immédiatement accepté de présider l’Association de gestion
des Assises et ce aux côtés de la DREAL, de Nord Nature Environnement et de la ville de Douai.
D’ailleurs, merci à Michel Pascal, à Jacqueline Istas et à Michel Durousseau pour leur collaboration.
Je terminerai ce propos en tant qu’industriel de la chimie, en vous disant que comme moi, la
profession et l’ensemble de mes collègues industriels, sommes en permanence engagés sur le
front de la prévention afin de conforter la sécurité sur nos sites. Aussi je veux dire aux industriels
présents aujourd’hui dans cette salle, et je sais qu’ils sont nombreux, montrons cet engagement
dans les échanges que nous allons avoir durant les travaux de cette journée. À tous ici présents
je vous souhaite d’excellents débats, et encore une fois merci pour votre confiance.
11
Discours d’ouverture
Philippe Lefait,
Journaliste animateur
Tout à l’heure, Michel Pascal excusait l’absence de M. Jean-Louis Borloo, le Ministre d’Etat,
ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer. La technologie
permet aussi tous les rapprochements. La preuve, le Ministre d’Etat est là.
Jean-Louis Borloo, M
inistre d’Etat, Ministre
de l’écologie, de l’énergie, du développement durable
et de la mer
12
Tout d’abord, je tiens à saluer et remercier notre directeur régional et toute l’équipe de
la DREAL du Nord-Pas-de-Calais, Michel Pascal bien entendu, le président de l’association des maires des communes à risques Yves Blein, les représentants de FNE et de l’UIC,
Jacqueline Istas et Pascal Monbailly, et puis bien entendu le maire de Douai, Jacques
Vernier, Christian Poiret, Président de l’agglomération, et le Président de la région Daniel
Percheron. Organisées par la DREAL du Nord-Pas-de-Calais, sur un sujet qui est complètement dans l’actualité, en tous cas de ces deux dernières années de manière très forte,
dans le Nord-Pas-de-Calais, à Douai, c’est-à-dire au bout de la rue pour un Valenciennois,
vous imaginez toutes les raisons qui me font regretter de ne pas être là. L’actualité parfois
commande. C’est une réunion qui est extrêmement importante. Ce moment d’échange
est important parce que c’est l’une des missions des plus compliquées du service public.
Elle est compliquée pour plusieurs raisons. D’abord parce que c’est au fond une culture
relativement récente dans l’opinion publique et le soutien de l’opinion publique. Ensuite,
parce qu’avant qu’un problème se pose, nous sommes forcément un peu attaqués sur
notre soi-disant incompréhension des enjeux économiques, des règles jugées tatillonnes
qui attaquent notre compétitivité. Après c’est : « mais, nous l’avions tellement dit. C’était
tellement insensé de laisser de tels risques. ». Vous et nos équipes ont un travail extraordinairement difficile, mais vital, (dans tous les sens du mot. Je rappelle que nous venons de
passer deux années assez difficiles, à la fois sur l’ensemble des risques (je pense à Xynthia
et aux crues du Var), mais aussi aux matières industrielles (l’oléoduc de Crau, la plateforme de Carling et quelques incidents dans plusieurs raffineries). Nous voyons bien que
le processus qui s’était accéléré ou intensifié plutôt après AZF est évidemment toujours
d’actualité. Nos agents sont sur tous les fronts : le
plan de lutte contre les risques liés au vieillissement
industriel (je rappelle que la moyenne d’âge des
canalisations d’hydrocarbures est supérieur à 40
ans), la mise en œuvre des 38 mesures définies avec
les industriels et le rôle-clé joué évidemment par l’inspection des installations classées dans ce cadre.
Sur les PPRT (un travail très difficile de longue haleine)
335 ont été prescrits sur un total de 420. L’objectif pour 2011
est qu’évidemment les PPRT soient approuvés si possible dans
un taux de l’ordre de 60%. En tous les cas, les préfets ont reçu les
instructions tout à fait claires dans ce sens, et vous savez qu’ils s’appuient évidemment
massivement sur les inspecteurs des installations classées et sur tous les acteurs que vous
représentez. Tout ceci nécessite une évolution de notre culture administrative, la transversalité du Ministère. Culture en matière de convenance bien entendu par la généralisation des Commissions Locales d’Information sur les sites à risques. On l’a vu dans la
table ronde un peu historique sur les risques industriels avec ces 33 recommandations
intégrées dans la loi Grenelle II et les textes réglementaires, puis l’élaboration du plan
anti-endommagement des canalisations et des réseaux lors des chantiers. Je ne parle
pas du débat public sur les nanotechnologies qui a été extrêmement bien préparé, bien
mené mais qui a eu des difficultés que chacune et chacun connaît.
Vous faîtes un travail extrêmement difficile qui fait appel à de la prévisibilité (rien de
plus difficile que cela, non seulement à analyser, mais à faire partager). Cela s’appuie
sur des équipes qui sont scientifiquement de très bonne expertise (ce que personne
ne conteste). Il faut le faire partager, c’est ce qu’il y a de plus difficile. Mais vous savez
trouver les mots et les formules. On ne peut pas aller au risque zéro. L’objectif est d’être
si possible à zéro victime dans tous les cas. On ne peut pas, dans beaucoup de cas,
agir sur les causes mais on peut en limiter les conséquences, notamment humaines. Le
risque existe, mais n’est évidemment pas une fatalité.J’ai la conviction que dans un
certain nombre de cas, cette analyse par le risque entraîne aussi des modifications qui
améliorent la compétitivité des sites industriels. C’est un tout difficile à appréhender.
Cela fait que j’aurais été ravi d’être au fond un peu à la maison. Je vous souhaite dans
tous les cas de bonnes Assises.
13
Plénière 1
moment. Il y a eu des textes sur les sanctions
et sur les contrôles.
Actualité des Risques
I Philippe Lefait
Vous nous dîtes que c’est plutôt bien, plutôt
actif et cela donne des résultats. Jacky Bonnemains, êtes-vous aussi optimiste ?
I Philippe Lefait, Journaliste
animateur
Nous par lons maintenant de l’actualité des r isques technologiques . Il s’est
passé beaucoup de choses depuis deux
ans . Dans un ra pide tour de ta ble, je voudrais vous demander, aux uns et aux autres ,
comment, à votre niveau d’exper tise et de
responsa bilité, vous avez perçu l’actualité
de ces deux der nières années . Jacques Vernier, vous êtes la puissance accueillante.
Nous sommes chez vous . Comment, au-delà
des responsa bilités d’élu, avez-vous perçu
ces deux der nières années ? Vous souligniez
dans votre propos introductif, la qualité et
la substance de que ce qui s’était passé
depuis deux ans .
I Jacques Ver nier, Maire de Douai,
Président du Conseil Supér ieur de la
Prévention des Risques Technologiques
14
J’ai été chargé par l’Etat de présider
une ta ble ronde sur les r isques industr iels
réunie juste avant l’été 2009 , i l y a p e u
a p r è s 1 5 m o i s . N o u s a v o n s t r a va i l l é a v e c
tous les groupes du Grenelle, c’est-à-dire
les industriels, les élus, les syndicats de
s a l a r i é s , l e s organisations de défense de
l’environnement et le milieu associatif. En
l’espace de trois mois, puisque nous voulions
enfer mer nos travaux dans un délai très bref,
nous avons proposé 33 mesures, qu’elles
soient législatives, réglementaires, ou même
parfois il s’agisse de la rédaction de guides.
Nous avons fait le bilan de ces 33 mesures
proposées à l’été 2009, un an après, au mois
I Jacky Bonnemains, Président de
l’association Robin des bois
de Juin 2010, en présence de la Secrétaire
d’Etat Chantal Jouanno. Pratiquement 90%
des mesures proposées étaient soit sur les
rails, soit déjà dans la loi Grenelle II, soit dans
des décrets. Ces mesures sont diverses.
Certaines concernaient les Plans de Prévention des Risques Technologiques, notamment
pour combler certaines des principales
lacunes de ces PPRT. La très grande lacune
qui a été pointée par l’Association des maires
concernés, l’Association AMARIS, c’était que
lorsqu’on devait faire des travaux dans les
habitations proches d’une usine à risques,
l’aide financière pour ces travaux était très
faible. Il n’y avait qu’un crédit d’impôt de
15 %. Nous avons milité pour que ce crédit
d’impôt soit augmenté et pour qu’il y ait des
aides des collectivités locales et des industriels, qu’il faut remercier. C’est un exemple.
Puis il y a eu des mesures en dehors des PPRT,
pour la meilleure infor mation du public. Nous
avons proposé par exemple que, quand on
lance une enquête publique pour une installation classée, l’arrêté d’enquête, le rapport du commissaire enquêteur et le résumé
non technique de ce qu’il va se passer dans
cette installation soient mis en ligne. Nous
souhaitons aller vers une infor mation plus
diffusée avec les moyens technologiques du
Je ne suis pas là pour distribuer des médailles ou
des blâmes, mais pour relever que depuis deux
ans, l’accident qui nous a le plus frappé et qui,
à notre avis, a eu le plus de conséquences sanitaires, sociales et économiques, s’est produit
dans une installation qui était à peine soumise
à déclaration. L’incendie s’est produit dans le
département de la Loire en plein été 2008. Ses
conséquences ont été découvertes plusieurs
mois après. L’incendie de Saint-Cyprien, un vulgaire incendie si l’on peut dire, de bois traités
sur un ancien site pollué, a provoqué la ruine
de plusieurs exploitants agricoles, l’abattage
de 2 300 vaches, de plusieurs moutons et d’un
cheval. De mon point de vue, c’est le plus gros
incident technologique survenu depuis les dernières Assises Nationales des Risques
Le site, très imprégné par les PCB, ne faisait
pas l’objet de fiche BASOL, ni d’une communication claire aux pompiers de Saint-Etienne.
Les pompiers se sont servis des terres polluées
pour éteindre tout doucement l’incendie. Pendant plusieurs semaines, un véritable réacteur
à dioxines et à PCB s’est déclenché clandestinement dans ce département urbanisé et
dans cette région à la fois urbaine et rurale.
A la base, il y a donc une mauvaise information des services de secours, une mauvaise
transmission de l’information. Je dois dire, sans
vanité aucune, que s’ils avaient lu l’inventaire
de l’atlas des sites terrestres pollués de Robin
des bois paru au mois de Mai 2008, ils se seraient rendus compte que ce site de SaintCyprien était une véritable bombe à retardement en cas d’incendie. Je m’excuse auprès
des syndicalistes ou des directeurs d’usines
qui sont éventuellement présents et qui ont
été victimes dans leurs sites de blessures ou
de mortalités, mais cet incendie de Saint-Cyprien est très représentatif. Le gouvernement
en a tiré, on en a tiré tous ensemble les retours d’expér ience. E n c e m o m e n t m ê m e ,
une circulaire aux préfets est sur le point d’être
finalisée. Elle va les inciter à vér ifier que les
incendies d’une certaine importance n’auront
pas de conséquence sanitaire sur les productions agricoles ou potagères, sur les eaux et
sur le bétail. Ce signal de Saint-Cyprien a été
identifié par le -inistère. Les incendies en général sont le domaine le moins sur veillé par les
instances diverses. Nous en parlons souvent
avec Jacques Vernier au sein de l’ex-CSIC.
Heureusement, les incendies vont devenir
un domaine particulièrement sur veillé, leurs
conséquences en particulier.
I Philippe Lefait
Ber nard Chambon, vous êtes past-président
de l’Union des Industr ies Chimiques . Ra pidement, comment jugez-vous ce qui s’est
passé dans ces deux der nières années ?
I Bernard Chambon, Past-président de
l’Union des Industries Chimiques
Beaucoup de choses ont été faites au cours
de ces deux dernières années. Nous avons
parlé des PPRT, des plans pour lutter contre
le vieillissement des installations et des
canalisations , du Grenelle de l’Environnement… Rarement autant d’initiatives ont
é t é l a n c é e s s u r l e fo n d a u c o u r s d ’ u n e
p é r i o d e a u s si courte, même si tout n’a pas
15
Plénière 1
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é t é fa i t . S u r l a fo r m e , i l y a eu aussi une
g ro s s e p ro g re s s i o n a u c o u r s de ces deux
a n s . Au t o u r d e l a t a b l e , d i ff é rents acteur s
p e u ve n t a vo i r d e s d i ve rg e n c e s sur la façon
d ’ a p p r é h e n d e r l e s p ro b l è m e s et avoir pour
a u t a n t u n e g ra n d e c o nve rg ence dans la
p r i s e e n c o m p t e d e l a r é a l i té du r isque
e t d e l e u r s re s p o n s a b i l i t é s e n la matière.
C e q u i a é t é fa i t a u c o u r s d u Grenelle de
l ’ E nv i ro n n e m e n t o u p l u s r é c e mment avec
l ’ a d m i n i s t ra t i o n , n o t a m m e n t sur le vieillis s e m e n t d e s i n s t a l l a t i o n s , m ontre que le
d i a l o g u e e x i s t e , q u e l e s d i fférentes part i e s p re n a n t e s s e p a r l e n t , a l or s que l’on
d i t s o u ve n t , s u r t o u t e n c e m o ment, que le
d i a l o g u e n ’ e s t p a s s u ffi s a n t C’est un gros
p ro g r è s p a r ra p p o r t à c e q u i existait il y a
quelques années.
Je remarque en troisième point, que tout
ceci s’est fait dans une période économiquement catastrophique. Nous avons connu
et nous connaissons encore la plus grave
crise économique depuis 1929 qui touche
de tas d’autres aspects au-delà de l’économie comme les matières premières et l’énergie. C’est un rapport de force qui change
complètement sur la planète. On aurait pu
prendre le prétexte de tout cela pour lever
le pied, m a i s c e l a n ’ a p a s é t é l e c a s :
c h a c u n a assumé ses responsabilités et
cela montre qu’il y a une volonté forte. Je
ter minerai en disant que comme souvent
en France, on a toujours tendance à voir
le verre à moitié v i d e . I l y a e n c o r e b e a u c o u p d e c h o s e s imparfaites, les difficultés
de la mise en place des PPRT, tout le monde
les connaît. Mais il faut voir le bon côté des
choses. Tout ce qu’on vient de dire montre la
volonté de tous les acteurs et une réalité des
efforts qui mériteraient vraiment d’être plus
valorisés. M a i s q u a n d o n vo i t , e n p a r t i c u l i e r
p o u r l’industrie qui est la mienne, le degré
d’hostilité ou de crainte par rapport à cette
industrie, il y a encore beaucoup de choses
à faire pour convaincre nos concitoyens des
efforts que nous faisons en la matière.
I Philippe Lefait
Pensez-vous que s’engager dans la prévention créé de la compétitivité ? C’est ce que
disait Jean-Louis Bor loo en introduction.
I Bernard Chambon
Oui, tout à fait. Je crois que le Ministre d’Etat
a très bien posé le problème. Il y a deux
sujets. Il y a un sujet évident, qui est de
répondre aux risques et à la population de
plus en plus demandeuse et exigeante dans
ce domaine, c’est parfaitement légitime.
C’est d’ailleurs la condition pour que des
industries comme les nôtres se maintiennent
dans des pays développés comme le nôtre.
Pa r a i l l e u r s , i l y a l e r é a l i s m e é c o n o m i q u e :
t o u t n ’ e s t p a s fa i s a b l e a u m ê m e m o m e n t ,
à l a m ê m e v i t e s s e . O n a u ra l ’ o c c a s i o n d ’ y
r eve n i r p a rc e q u ’ à t ra ve r s l a p ro b l é ma tique de l’enregistrement, il y a des débuts
de réponses.
I Philippe Lefait
Je vous entends tous . On est entré
fo rc é m e n t d a n s l ’ a i re d u d é b a t , d a n s
l’aire de la concertation. Le Grenelle
e n e s t l e p ro t o t y p e p a r fa i t .
Henr i Forest, vous êtes secrétaire confédéral en charge de la santé au travail
à l a C F D T. C o m m e n t a v e z - v o u s p e r ç u
ces deux dernières années ? Comment
percevez-vous le débat dont le Grenelle
1 et le Grenelle II sont actuellement le
prototype, la réussite ?
I Henri Forest, Secrétaire confédéral en
charge de la santé au travail à la CFDT
L’impression que l’on a en tant qu’organi sation syndicale, c’est la place pr ise en ce
qui concer ne les débats techniques . Il y a
énor mément de progrès sur des problèmes
techniques relatifs aux installations . Par
contre, à propos de la place de l’homme
dans les installations (ce qui anime beaucoup les organisations syndicales , puisque
ce sont les salar iés qui font fonctionner les
installations), le débat a été un peu juste. Il
a commencé pendant ces deux der nières
années, au cours des tables rondes, il
mér ite encore d’être pour suivi. La place de
l’homme dans la maintenance des installations , dans l’exploitation des installations ,
le rôle des salar iés en tant qu’instance
d’aler te lor squ’il y a des dysfonctionne ments , des signaux faibles qui a pparaissent
dans les installations , mér ite encore de
faire l’objet d’amélioration dans le débat
des acteur s . On a été, nous , organisation
syndicale, un peu pr ivé de débats pendant
ces deux années .
I Philippe Lefait
On est plus dans la procédure, dans le
règlement que dans l’humain.
I Henri Forest
Peut-être au dépens de ce qui se passe
au sein des entreprises, avec la place des
hommes au sein des entreprises. Il faut faire
les deux. On ne peut pas imaginer qu’une
installation fonctionne sans les hommes et
avec uniquement des contre-mesures du
point de vue technologique. Nous avons un
certain nombre de propositions à faire pour
améliorer les choses. Dans le débat public
autour des installations, la place des orga-
nisations syndicales est complexe. On n’a
peut-être pas suffisamment abordé, en tout
cas de notre point de vue, sur le fond ce
qu’elles peuvent a p p o r t e r d a n s l e d é b a t
public pour éclairer les citoyens sur ce qui
se passe dans les entreprises, avec leur point
de vue. Cela mérite d’être aussi creuser dans
la suite des débats.
I Philippe Lefait
Laurent Michel, vous représentez ici le ministère. Comment initiez-vous la politique des
risques ? Comment l’avez-vous vécue dans
les deux dernières années ? Pouvez-vous
aussi intégrer dans votre réponse ce qu’ont
dit Messieurs Bonnemains et Henri Forest ?
I Laurent Michel, Directeur Général
de la prévention des Risques, Ministère
de l’Ecologie, de l’Energie,
du Développement durable et de la Mer
Sur les deux dernières années, on constate
le travail et les avancées, soit sur des cadres
qui ont évolué suite à la Table Ronde sur les
risques industriels par exemple, concernant
des éléments législatifs ou réglementaires,
soit sur du concret, comme les études de
dangers, les investissements qui en ont résulté
au moins jusqu’à 2007-2008, pér iode pour
laquelle nous avions les chiffres alors que
pour 2009, nous ne les avons pas encore. Sur
cette période, il y a eu une forte augmentation, autour de 250 voire 300 millions d’euros
d’investissements dans les industries Seveso,
ce qui n’est pas rien. Du côté de l’Etat, nous
avons poursuivi le renforcement des effectifs
d’inspection des installations classées avec
154 postes créés sur trois ans. La production
et l’activité de concertation se sont intensifiées. Nous avons cité la Table Ronde sur
les risques industriels, le Plan de modernisa-
17
Plénière 1
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tion d e p r é v e n t i o n d u v i e i l l i s s e m e n t d e s
installations . Le Plan de prévention des
endommagements autour des réseaux
v a b i e n t ô t ê t r e fi n a l i s é , u n d é c r e t e s t e n
voie d’être signé et le deuxi è m e s u i t . L e
Plan national santé environnement sur
le volet « prévention des r i s q u e s c h roniques », que ce soit dans l’industrie ou
par d’autres sources , a été adopté.
La crise économique n’a pas aidé. Je ne
d i ra i s p a s q u e c e l a a a m e n é u n r e c ro q u e v i l l e m e n t d e s a c t e u r s , ma i s c e l a a m è n e
c l a i r e m e n t d e s i n t e r ro ga t i o n s e t c e l a s e
c o m p r e n d . Certaines entreprises passent la
crise à peu près bien, mais même celles-là
o n t d e s s i t e s q u i s e d e m a n d e n t s ’ i l s vo n t
investir là ou ailleurs, avec plus d’incertitudes
en ce moment, ce qui peut rendre les décisions d’investissement ou de participation aux
PPRT compliquées. Il en va de même pour
l e s fi n a n c e s d e s c o l l e c t i v i t é s l o c a l e s q u i
doivent inter venir sur les PPRT. Aujourd’hui,
on est un peu devant le mur et on se dit que
l’on avance, les études sont faites. On n’est
pas dans le meilleur contexte. Dans le fond,
la difficulté n’est pas de partager les enjeux,
mais de partager les moyens et le tempo.
C’est peut-être à cause de ce contexte
qu’au niveau des industriels apparaît et
ressort la complexité des choses. Les entreprises ont moins de temps pour se pencher
sur l’appropriation de la réglementation.
Nous avons quelque chose à faire pour aider
les uns et les autres à mieux s’approprier les
textes, notamment les entreprises qui sont les
premiers acteurs à la source. On peut aussi
essayer de les simplifier.
Sur ce qui a été évoqué par Jacky Bonnemains, le sujet de l’impact post-accidentel
était sur les radars depuis un certain temps.
Jacky Bonnemains va piloter les travaux sur
les déchets post-catastrophes. Nous sommes
en train de nous les approprier et nous avons
anticipé une circulaire. Désor mais, à chaque
fo i s q u ’ i l y a d e g ro s i n c e n d i e s a ve c d e s
métaux ou des déchets, il y a des réflexions
et nous vérifions les retombées. Au-delà du
cas particulier, cela illustre bien le besoin de
vigilance et de vérification per manentes.
Ce n’est pas que l’énor me montagne qui
va vous tomber sur la tête, c’est peut-être la
petite branche. C’est un peu le métier des
uns et des autres d’être vigilants et attentifs
à ces signaux.
Sur ce qu’a dit Monsieur Forest, le Grenelle
et les diver ses ta bles rondes ont per mis
d’intégrer les syndicats de salariés, de plus
en plus impliqués avec, pour certains, des
découvertes de sujets plus ou moins avancés.
Certains sujets sont plutôt bien connus des
organisations syndicales, d’autres moins. Au
niveau local, beaucoup de syndicats participent aux SPPPI. Il faut s’approprier les uns les
autres. Nous avons dérivé de la table ronde
des risques industriels un groupe de travail
sur l’implication des salariés dans la prévention des risques. Ce groupe est animé par
Jacques Vernier.
Je vois des éléments intéressants de
l’échange de tous les acteur s su r le Plan
de prévention des endommagem ents des
canalisations ou des réseaux. C’est multi-acteurs : ce sont les exploitants de réseaux, les
maîtres d’ouvrage, les entreprises de travaux
(la FNTP par exemple est très active) et avec
une forte participation des organisations syndicales (du moins certaines) qui s’expriment
sur le rôle des salariés dans ces différentes
entreprises. Le plan ne satisfait peut-être pas
encore beaucoup de monde, mais il prend
en compte des aspects sur la for mation des
acteurs qui encadrent les chantiers, condui-
sent des engins font des cartographies... Ce
qui me marque dans ce plan, c’est l’aspect organisation-responsabilité des uns et des autres
ainsi que les outils pour faciliter cela. Ce n’est
pas le tout de dire que le conducteur d’engins
est responsable de ne pas percuter, il faut qu’il
puisse être formé et il faut que l’organisation
autour de lui donne les bonnes informations.
Nous pouvons arriver à faire les choses, même
si ce n’est pas toujours simple. Dans un certain
nombre de cas, il faut que les uns et les autres
s’approprient les sujets et les acteurs.
I Jacques Vernier
Je voulais dire mot en écho aux propos du
représentant de la CFDT. Lors de la table
ronde sur les risques industriels, l’implication
des salariés dans la prévention des risques
a été identifiée comme thème majeur. Les
salariés qui travaillent dans une usine sont
p a r fo i s l e s p r e m i e r s o b s e r va t e u r s d e c e
q u i n e fo n c t i o n n e p a s . C e l a d i t , l e r ô l e d e s
salariés dans la prévention des risques est un
sujet difficile et lourd. Nous n’avons pas tranché cela dans les 33 mesures dont je parlais
tout à l’heure et nous avons créé un groupe
de travail post-table ronde industrielle pour
étudier ce sujet. Le groupe de travail « implication des salar iés dans la prévention
des r isques » s’est réuni quatre fois . Je l’ai
per sonnellement présidé. Les agents de la
Direction Générale du Travail étaient présents . Le Directeur Général du Travail luimême est venu avec Laurent Michel à l’une
des réunions pour lancer ce groupe de
travail. Nous avons préconisé des mesures
concrètes . Par exemple, première mesure
concrète : dans la loi Bachelot du 30 juillet
2003, les représentants du per sonnel et les
comités d’hygiène et de sécur ité peuvent
déclencher des exper tises en matière de
sécur ité du travail. Malgré cette possibilité
prévue dans la loi, cela n’était pas mis en
œuvre car il manque des décrets d’application. La Direction Générale du Travail s’est
engagée à ce que cette possibilité d’expertise devienne une réalité.
Pour le reste, nous avons buté sur une difficulté majeure pour faire avancer nos travaux. La
Direction Générale du Travail nous a dit qu’il
y avait un grand chantier propre au monde
du travail, concernant les instances représentatives du personnel. Vous savez qu’il y
a les Comités d’Entreprises d’une part, les
Comités d’Hygiène et de Sécurité et des
Conditions de Travail d’autre part. L’agenda
social est en train d’être discuté entre l’Etat,
les entreprises et les syndicats. Il y aura une
refonte de ces instances, voire une fusion.
Certaines des mesures que nous proposons
pour donner plus de pouvoirs au CHSCT en
matière par exemple de droit d’alerte, de
facilité d’horaires doivent donc attendre ces
réfor mes.
I Philippe Lefait
L’Etat temporise… Cela donne un syndicat
un peu frustré avec les réser ves exprimées
tout à l’heure.
I Jacques Vernier
Nous aussi nous avons été un peu frustrés de
cette épée de Damoclès.
I Henri Forest
Ce n’est pas une question de frustration de
telle ou telle organisation syndicale, le débat
ne se pose pas là. Il faut avancer. Les querelles
entre les Ministères, c’est important mais il faut
avancer sur le terrain. Sans parler de la façon
de refaire les textes, il y a, peut-être, à texte
constant, certaines pratiques qui peuvent
19
Plénière 1
évoluer par rapport au fonctionnement des
organisations syndicales, en relation avec les
employeurs et les inspecteurs des installations
classées. Le dialogue entre organisations
syndicales et inspecteurs des installations
classées a énor mément progressé depuis
quelques années. Mais ce n’est pas encore
un dialogue évident. Les organisations syndicales ont davantage l’habitude de travailler
avec les inspecteurs du travail, ce qui n’est
pas encore le cas avec les inspecteurs des
installations classées. Les syndicats sont des
acteurs pouvant faire remonter des infor mations et être courroie de transmission dans un
certain nombre de préconisations. A réglementation constante, quelque chose peut
déjà évoluer. Les ser vices de la Direction des
risques professionnels y travaillent. Nous ne
demandons pas plus de réglementation sur
les institutions représentatives du personnel.
C’est peut être un objectif à atteindre, mais nous
portons nos propositions davantage sur la façon
dont on met en musique de ce qui se passe.
I Philippe Lefait
Nous avons le résultat à la question « comment percevez-vous la gestion des risques
industr iels au cour s des deux der nières années ? » : 21 % ont voté « très positive », 57%
« en progrès », 15 % « inchangée », 7% en
recul. Qui veut commenter autour de cette
table ronde ces résultats ? Monsieur Bonnemains, avez-vous un commentaire sur les
78 % pour le « très positif » et « en progrès » ?
8 votant sur 10 considèrent que ce qui a été
fait est positif. Vous réfléchissez ?
I Jacky Bonnemains
20
Non, j’écoute. Je ne suis pas un adepte de
ces référendums flashs , mais j’en prends
note, j’enregistre. La réaction me semble
cohérente. À notre niveau, nous l’avons
bien senti. Depuis deux ans , nous passons ,
les associations de façon générale, un
temps fou en réunion inter ministér ielle, du
CSIC, du Haut Comité sur le Nucléaire, de
suivi des Comités opérationnels , du Grenelle de l’Environnement, du Grenelle de la
Mer, en consultations diver ses avec tout le
monde, avec le MEDEF, avec la CGT, avec
la CFDT, avec les représentants des différents ministères… C’est plus que du débat,
c’est de la concer tation, de la discussion,
de l’empathie aussi à la longue. C’est la
meilleure connaissance des points de vue
et des contraintes de chacun. Que ce soit
considéré comme un progrès ne m’étonne
pas . C’est encourageant. Mais chacun voit
encore trop midi à sa por te. En car icaturant,
le MEDEF devrait prendre le bleu de chauffe
de la CGT et de la CFDT et des autres syndicats pendant plusieur s semaines et la
CGT devrait prendre le costume trois pièces
des d i r e c t e u r s , d e fa ç o n à c e q u e c h a c u n a p p r e n n e n o n s e u l e m e n t à s e p a r l e r,
m a i s a p p r e n n e à c o n n a î t r e l e s d i ffi c u l t é s .
Ce serait bien que les gens du MEDEF viennent gérer France Nature Environnement ou
Robin des bois pendant 15 jour s ou un mois .
C e l a l e u r a p p r e n d ra i t t o u t e s l e s d i ffi c u l t é s q u e n o u s r e n c o n t ro n s . I l n ’ y a p e u t ê t r e p a s a s s e z d e vo l o n t é d e p a r t a g e r
n o n s e u l e m e n t l e s c o n n a i s s a n c e s , ma i s l e s
c o n t ra i n t e s d e c h a c u n .
Le cœur de mon propos , c’est le lien social
parce que le développement dura ble c’est
l e l i e n . L a p r é ve n t i o n d e s r i s q u e s t e c h n o l o g i q u e s e t n a t u r e l s e s t u n fo r m i d a b l e o u t i l p o u r r e - t r i c o t e r l e l i e n s o c i a l , a ve c l e s
collectivités, les exploitants, les ouvriers,
les associations et les Ministères.
I Philippe Lefait
J’ai vu Monsieur Forest et Monsieur Chambon essayer de changer de costume, mais il
y a un problème de taille.
Les questions de la salle nous arrivent : Le
nouveau régime d’enregistrement n’est-il
pas un recul en matière de prévention des
risques ? Quelle maîtrise d’urbanisation autour des nœuds d’infrastructures ? Considère-t-on les émissions de gaz à effet de serre
comme r isque majeur et pr ior itaire, à pré venir, ou plutôt en second ordre ?
Arrêtons-nous sur le régime de l’enregistrement. Quand parler ne suffit pas pour faire
une politique, quand il faut avancer, on a un
régime d’enregistrement. Qui veut dire un
mot sur le régime d’enregistrement ?
I Jacques Vernier
Je ne suis pas l’auteur du régime d’enregistrement. Un certain nombre d’entreprises
font partie de ce régime d’enregistrement
e t n o u s c o m m e n ç o n s à vo i r a d o p t e r d e s
arrêtés de prescriptions pour ces entreprises
soumises à enregistrement. On peut en faire
l’inventaire. Je comprends qu’il ait fait peur
notamment au monde associatif, en tout cas
à une partie du monde associatif, à cause
des conditions dans lesquelles il a été crée.
Vous savez que, c’est ici même, dans cette
salle, que le Président de la République a
annoncé le Plan de relance de l’économie.
C’était en décembre 2008. La création
d u r é g i m e d ’ e n r e g i s t r e m e n t fa i t p a r t i e
d e s mesures annoncées par le Président de
l a R é p u b l i q u e p o u r s i m p l i fi e r l e d ro i t d e s
installations classées, pour qu’une partie
des installations classées ne soit ni dans le
régime de l’autorisation qui est un régime
assez lourd, ni dans le régime de la déclaration qui est un régime peut-être trop
facile, mais dans un régime inter médiaire. Le
péché originel du régime d’enregistrement,
dans l’esprit de certains, est de simplifier les
choses et par conséquent de protéger moins
l’environnement.
J’ajoute deux choses : Les prescr iptions , les
sécur ités et les protections imposées aux
entrepr ises soumises à l’enregistrement sont
les mêmes que celles imposées aux usines
soumises à autor isation. C’est vér ifia ble
maintenant car les arrêtés de prescr iptions
pour les installations soumises à l’enregistrement sont publiées. C’est uniquement
l a p ro c é d u r e q u i e s t s i m p l i fi é e . L e s p r e s criptions sont les mêmes. J’apprécie ce
q u e d i t u n d e s c o l l a b o ra t e u r s d e L a u r e n t
Michel pour définir à quoi s’a pplique l’enregistrement. Pour reprendre sa comparaison, e n m a t i è r e d ’ é l e c t r i c i t é , l e s r i s q u e s
électriques sont connus de chacun. A
c h a q u e i n s t a l l a t i o n é l e c t r i q u e , fa i t - o n
une procédure lourde avec consultation
de ceci et cela ? En matière d’électr icité, les normes s’imposent urbi et orbi
à tout le monde. On publie ces normes
et point barre. On peut réglementer un
certain nombre d’installations classiques
qui sont un peu toujours les mêmes, par
l’édition de prescriptions de normes une
fo i s p o u r t o u t e s , s a n s e n q u ê t e , s a n s d é b a t ,
c e l a s ’ a p p l i q u e p o i n t b a r r e . L e fa i t q u e
ces nor mes soient éta blies , prescr iptives ,
i n t a n g i b l e s e s t p a r fo i s u n e a u s s i g ra n d e
protection pour l’environnement, plus
que des nor mes flexibles comme celles
qu’on voit dans d’autres installations .
Ce que je dis n’est plus une analyse
p r o s p e c t i v e et théor ique, mais une analyse
q u e l ’ o n p e u t v é r i fi e r a u v u d e s p r e m i e r s
arrêtés de prescriptions pour ces installations
soumises à l’enregistrement.
21
Plénière 1
I Bernard Chambon
22
Je partage assez largement ce que vient
de dire Monsieur le maire de Douai. Mise à
part les conditions dans lesquelles ce nouveau
process a été mis en place, c’est typiquement
le sujet auquel nous allons être de plus en
plus confrontés : le principe du réalisme.
Nous avons à la fois des exigences croissantes qui ne sont pas discutables sur le plan
de la protection des risques, par ailleurs il
y a le réalisme non seulement d’une situation économique mais aussi de la diversité
des entreprises qui ont appliqué toutes ces
prescriptions. Il va falloir trouver une for mule
intermédiaire entre l’autorisation et la
déclaration. Je crois qu’il y a 45 000 sites qui
relèvent de l’autor isation, 450 000 de la
déclaration et il y a 1 100 sites Seveso. Dans
le cas de la chimie, nous sommes relativement peu impactés par le procédé d’enregistrement que l’on trouve pour le stockage
des polymères par exemple. On est plutôt
dans des régimes plus contraignants. Je suis
plutôt à l’aise pour en parler mais cela me
semble aller dans la bonne direction pour
quatre raisons. Cela va dans le sens de la simplification qui est absolument nécessaire. Il est
évident qu’un patron de PME n’est certes pas
confronté simplement aux problématiques
des risques et technologies, mais aussi à une
complexité de la réglementation fiscale et
sociale considérable. C’est facile pour un
représentant d’un grand groupe comme le
mien de dire « et bien on gère » parce que
nous avons des experts et des équipes pour
digérer toutes ces réglementations . C’est
totalement différent pour un patron de PME.
Or nous savons tous , et la cr ise l’a bien
montré, à quel point ce tissu de PME est vital pour l’économie de notre pays. Dans la
chimie, 80 % de nos adhérents s o n t d e s e n -
t r e p r i s e s d e m o i n s d e 3 0 0 personnes et
sont donc confrontées à ces problèmes. La
simplification de la procédure et le raccourcissement dans les délais sont très positifs.
Même la façon dont le système d’enregistrement a été conçu est positif : l ’ e x p l o i t a n t
d o i t l u i - m ê m e d é m o n t r e r s o n aptitude à
maîtriser son exploitation, ce n’est pas un
tier s qui por te un jugement sur sa capacité
à exploiter correctement. C’est intéressant
parce que sur le plan pédagogique, c’est
beaucoup plus engageant et responsabilisant pour lui. Cela per met aux équipes, en
particulier la DGPR, de se concentrer sur
les installations à plus haut risque, sans
dégrader l’exigence en matière de prévention des risques technologiques. L’effort de
prescriptions standardisées fait que, quel
que soit le contexte, ces prescriptions seront
appliquées. Cela me paraît être une bonne
initiative. Elle est en cours de déploiement
puisque la circulaire vient de sortir. Il y a un
certain nombre d’arrêtés qui vont préciser
dans chacun des domaines concernés, les
prescriptions technologiques. Il serait intéressant dans trois ans de faire un bilan de ce
processus, de voir s’il a effectivement bien
rempli les objectifs pour lesquels il a été fait,
sans dégrader le niveau d’exigence. Si cela
dégrade le niveau d’exigence, il est évident
que ce processus sera remis en cause tout
de suite.
Il y a encore des choses que l’on peut simplifier. Je prends juste un exemple : Le processus
de refus tacite fait que si le préfet ne répond
pas, c’est un refus. Cela pourrait être inversement un processus d’autorisation tacite. On
peut encore améliorer les procédures, mais il
faudra d’abord démontrer, pendant cette période de trois ans, que le processus ne dégrade
pas le niveau d’exigence technologique.
I Jacques Vernier
Dans le régime d’enregistrement, non seulement
les prescriptions sont aussi exigeantes, mais il y
a une révolution administrative : l’entreprise doit
justifier, point par point, qu’elle répond à ces
exigences et comment elle y répond. Cela
est une innovation complète .
I Laurent Michel
C ’ e s t u n e p ro c é d u r e p l u s s i m p l e e t p l u s
rapide. Ce n’est pas la déclaration, c’est
une procédure d’autorisation explicite avec
une possibilité de refus. C’est une procédure
où, s’il n’y a pas d’enquête publique, il y a
quand même une infor mation du monde
extérieur. Il y a effectivement l’encadrement de ces activités par arrêté ministériel,
des prescriptions standards qui per mettent
de r e v i s i t e r d e s s e c t e u r s q u i n ’ é t a i e n t
p a s forcément prioritaires par exemple qui
étaient réglementés dans chaque arrêté
préfectoral, sans forcément qu’il y ait des
bases. Cela per met finalement de rénover
la réglementation.
Le point extrêmement important que l’on
trouve d’ailleurs dans d’autres textes, dans
d ’ a u t r e s p a y s e u ro p é e n s , vo i r e d a n s d e s
directives, c’est la possibilité de s’adapter
aux circonstances locales, si besoin, s’il y a
des enjeux environnementaux, que ce soit
par rapport à la nature ou par rapport à la
présence d’habitants, tout enjeu environnemental fort, peut permettre au préfet d’exiger
le basculement en procédure d’autorisation,
avec l’examen approfondi, l’étude d’impact
et l’étude de dangers. Même si l’on reste
dans une procédure d’enregistrement, on
peut renforcer les prescriptions standards
dans l’arrêté préfectoral d’enregistrement.
En ter mes de contrôle par l’administration,
dans nos orientations internes, en plus de
la justification du re s p e c t p a r l ’ e n t re p r i s e ,
ils devront être co n t r ô l é s a ve c l a m ê m e
fréquence minimal e q u e l e s i n s t a l l a t i o n s
classées soumises à a u t o r i s a t i o n n o n p r i or itaires . On classe le s f r é q u e n c e s d ’ i n s p e ction minimale en fo n c t i o n d e s n a t u re s d e
r isques . Les installa t i o n s c l a s s é e s s o u m i s e s
à enregistrement seront contrôlées autant q u e
celles à autor isatio n . U n c e r t a i n n o m b re d e
secteur s vont y ren t re r, n o u s ve r ro n s c o m ment cela marche p o u r t i re r l e s re t o u r s
d’expér ience.
I Philippe Lefait
Je prends une question envoyée par SMS sur
la cinquantaine de PPRT approuvé. Combien
de convention de financement tripartite ont
été signées ?
I Laurent Michel
Pour l’instant il y en a, je crois, moins de
cinq voire guère plus d’une. Le travail est en
cours. Après le PPRT, il faut répartir l’addition. Le PPRT fixe les mesures foncières ou les
mesures d’investissement de réduction des
risques supplémentaires qui peuvent être
prises en charge par la convention tripartite.
Le mécanisme prévoit que l’Etat se prononce,
« lance le jeu ». Les préfets consultent le ministère et ce denier dit une martingale bien
connue « 25, 33 ou 40% de prise en charge
de l’Etat ». Les travaux sont en cours car bon
nombre de ces PPRT sont approuvés depuis
fin 2009 ou 2010. Il s’agit pour les préfets
d’élaborer la convention tripartite. C’est un
des points faibles du dispositif. Il y a eu des
réflexions dès le début, dès la loi de juillet
2003, sur la façon de boucler le financement.
La convention tripartite à signer n’est pas un
arrêté du préfet qui ordonne à un industriel
de payer 37%, à l’Etat 37 et à la ville 26. Ce
23
Plénière 1
n’est pas un arrêté préfectoral qui fixe cela.
Il y a donc eu des réflexions en particulier
dans la table ronde « risques industriels » qui
ont amené à valider l’idée suivante : en cas
d’absence d’accord au bout d’un certain
temps constaté dans les bonnes for mes par
le préfet, on aurait une répartition forfaitaire
par tiers, les collectivités ayant la répartition
au prorata de la contribution économique
territoriale perçue. Ceci nécessite une modification législative qui soit le vecteur de portage. La loi dans laquelle on va l’insérer est
en cours d’identification.
C’est un peu une des fr ustrations que j’ai :
le but est tout proche et on est là, on va
le toucher, mais il se dérobe un peu. Nous
avons ces 56 PPRT a pprouvés aujourd’hui et
nous allons en avoir beaucoup d’autres . Il
faut que l’on arr ive vite à cette convention
tr ipar tite, d’autant plus que ceux-là sont des
PPRT petits et moyens . On règle l’urbanisation future, mais derr ière, il a des ha bitants
et des activités économiques qui attendent.
Certains nous disent que le PPRT étant
approuvé, ils sont prêts à partir. Certains ne
sont pas contents, mais d’autres comprennent qu’il y a des risques et que, pour leur
maison et leur activité économique, ce n’est
pas bien de rester. Quand payons-nous ? Si
o n u n b l o c a g e d e c e t t e c o nve n t i o n , l e t r i p a r t i s m e n e j o u e p a s s o n r ô l e p a rc e q u ’ i l
fa i t p e s e r s u r l e s r i ve ra i n s s o n i n c a p a c i t é
à m e t t r e d ’ a c c o r d l e s p a r t e n a i r e s . Au d e l à d u m é c a n i s m e b a l a i q u i p e r m e t t ra i t
a u t o r i t a i r e m e n t a u p r é fe t d e c o n s t a t e r
l e s a c c o r d s e t d e l ’ i m p o s e r, i l fa u t q u e l e s
discussions en cours débouchent vite à la
s i g n a t u r e d e c e t t e c o nve n t i o n s u r t o u s l e s
P P R T a p p ro u v é s .
24
I Philippe Lefait
La troisième partie de ce débat est « demain, comment fait-on ? Comment avancet-on ? ». Nous avons une question de l’association ABRIS SEVESO : un PPRT induit des
contraintes aux riverains en rien responsables,
leurs biens sont dépréciés. Celui qui cause le
risque ne devrait-il pas payer ? Voilà les préoccupations de la salle. Nous avons vu que
la concertation et le débat, comme le disait
Monsieur Bonnemains il y a une seconde, sont
utiles et qu’il y a de bons résultats approuvés
par 60 % des personnes dans la salle qui estime qu’il y a du progrès.
Le troisième aspect des choses est « que peuton faire dans les deux ans qui viennent ? ».
Nous avons fait le bilan des deux ans passés.
Dans les deux prochaines années, que faiton ? On nous fait par venir cette question :
« considère-t-on les émissions de gaz à effet
de serre comme risque majeur et prioritaire
à prévenir ou plutôt à second ordre ? ».
I Laurent Michel
Nous avons la volonté d’avancer en France,
en Europe et à l’international mais nous
ne maîtrisons pas encore totalement, nous
seuls Français, le fait de faire aboutir tous
les accords. La ligne directrice fixée par le
Grenelle de l’environnement, c’est d’avancer
de manière volontariste sur tous les secteurs,
les réglementations thermiques par exemple.
La loi est là et les décrets vont suivre. Divers
dispositifs mélangent incitation et obligation
pour faire faire des économies d’énergie. Une
deuxième période des certificats d’économies
d’énergie va toucher les vendeurs d’énergie
et ainsi de suite. Nous essayons de travailler
sur tous les secteurs. Pour le secteur industriel, le cadre européen des quotas des gaz
à effet de serre, s’étale sur une période qui
va j u s q u ’ à l a fi n 2 0 1 2 . Pa r ra p p o r t à l a
précédente période, les quotas ont été
p l u t ô t s é v é r i s é s e t c o n t i n u e n t à e n t ra î n e r
c e t t e d y n a m i q u e d e p ro g r è s l a p a r t d e s
entreprises.
U n e a u t r e p é r i o d e a é t é vo t é e a u n i ve a u
e u ro p é e n . E l l e a é t é a d o p t é e fi n 2 0 0 8 s o u s
l a p r é s i d e n c e f ra n ç a i s e . E l l e va é l a r g i r l e
champ des entreprises soumises à quotas.
N o u s é t i o n s u n p e u t ro p s u r l a b a s e d e s
émissions historiques. Les allocations que
Monsieur Chambon doit suivre de près,
d o i ve n t ê t r e p l u s s u r l e b e n c h ma r k d y n a m i q u e . Pa r ra p p o r t à d e s n o t i o n s , vo u s
p ro d u i s e z t a n t d e e t i t s p o i s , vo u s a ve z
d ro i t à t a n t d e C O 2 p o u r c e q u e vo u s
respectez de meilleures techniques. Cela
va r e c r é e r u n e n o u ve l l e d y n a m i q u e d e l a
part des entreprises. Ce n’est pas simple
selon les secteurs. Il y a des secteurs qui
s o n t u n p e u p l u s e n d i ffi c u l t é q u e d’autres.
Disons que les marges de progrès coûtent
plus cher dans cer tains secteur s que dans
d’autres . Le sujet du gaz à effet de serre,
j’en ai a bordé quelques facettes , mais il en
a d’autres , comme le développement des
énergies renouvela bles .
I Bernard Chambon
Au cours de la période précédente qui va
se ter miner en 2012, c’est-à-dire la période
Kyoto, l’industrie, en particulier l’industrie
chimique, a fait des efforts considérables
de réduction de gaz à effet de serre. Nous
avons réduit de moitié les émissions de gaz à
effet de serre, alors que la production pour
la même période a considérablement augmenté. Des efforts très importants ont déjà
été faits. De plus, dans le nouveau schéma
ETS européen, nous nous sommes engagés
sur une base de moins 20 % réduction de gaz
à effet de serre, ce qui représente (encore
u n e fo i s d a n s u n c o n t e x t e d e r é a l i s m e
é c o n o m i q u e ) u n e ffo r t t r è s i m p o r t a n t d e
la part des entreprises, notamment des
entrepr ises chimiques françaises . C’est
un coût d’à peu près 1 milliard d’euros .
C e r t a i n s n o u s disent que l’on pourrait aller
a u - d e l à , j u s q u ’ à m o i n s 3 0 % . C ’ e s t l e g ra n d
débat qui a lieu aujourd’hui. Nous, nous
disons que, atteind re c e s 3 0 % s e ra e x t r ê mement difficile te c h n o l o g i q u e m e n t . Cela
supposerait des ruptures technologiques
fortes que nous n’avons pas la possibilité
de faire, sauf encore à mettre beaucoup
plus d’argent sur le sujet. On se retrouverait
avec les contraintes économiques dont on
parlait tout à l’heure. C’est bien que l’Europe soit exemplaire, il faut qu’elle soit suivie par les autres. L’Europe représente 17 %
des émissions de gaz à effet de serre de la
planète, mais si les pays émergents et ceux
qui ont largement émergé comme la Chine
ne sont pas dans des efforts identiques, nous
nous pénaliserons pour notre industr ie. Nous
avons toujour s dit que 30 %, c’est peut-être
faisable, mais il faut des accords contraignants pour les grands pays concurrents et
notamment les pays émergents.
I Philippe Lefait
Ce qui s’est passé en Hongrie peut-il arriver
en France ? Monsieur Bonnemains avez-vous
un avis sur la question ?
I Jacky Bonnemains
Ce qui s’est passé en Hongrie (je ne parle
p a s s e u l e m e n t d e b o u e s ro u g e s , c e l a p e u t
ê t r e d e s b o u e s j a u n e s , d e s s a u mu r e s , d e s
bassins de décantations d’anciennes ind u s t r i e s m i n i è r e s ) , o u i , c e l a p e u t a r r i ve r e n
F ra n c e e t c ’ e s t d é j à a r r i v é e n F ra n c e .
25
Plénière 1
Il suffit pour avoir une vision non pas exhaustive, mais synthétique, de consulter la base
Aria du BARPI, de taper « digue », « barrage »,
« rupture de digues » : une vingtaine de fiches
passent à l’international, dont 5-6 en France.
Il y un site à Narbonne mettant en œuvre des
matières radioactives, puis quelques autres
dont je n’ai pas le souvenir précis. Dans le
cadre de la directive sur la gestion des résidus des industries, des activités extractives,
la France est en train de faire un inventaire
de ses sites oubliés, voire abandonnés, qui
sont des réser voirs de déchets et qui peuvent dans certains cas présenter dès maintenant, des signes de faiblesse, de fissures et de
déversements sur des activités agricoles ou
des lotissements, des habitations. Je pense
à plusieurs sites, par exemple à ex-Metaleurop, parce que Metaleurop, ce n’est pas que
dans le Nord-Pas-de-Calais. Il y a des mines
Metaleurop dans les Alpes ou dans les Pyrénées. Je pense à des résidus d’extraction
d’uranium ou de mines d’uranium. Le site des
Bois Noirs dans le Massif Central présente
des risques comparables de submersion et
d’inondation. En pratique, oui, cela peut arriver en France. C’est arrivé en France. C’est
arr ivé aux Etats-Unis . C’est arr ivé par tout. Là
encore, je ne vais pas voler à son secour s ,
mais c’est un des domaines où le ministère
avec les petits moyens qu’il a, est en train
de travailler et de faire un inventaire.
I Laurent Michel
26
Il y a plusieurs sites de stockage de ce type.
Ce sont plutôt des anciennes activités arrêtées. Il y en a d’autres. Ce sont des activités
qui tournent. Certaines, ce sont des déchets,
d’autres, ce sont des effluents plus ou moins
liquides. Nous avons déjà eu il y a quelques
années, dans une autre organisation admi-
nistrative, des recensements de l’ensemble
de ces outils. Ils peuvent être réglementés
soit par le Code minier, soit par l’installation
classée à laquelle ils sont rattachés. Je ne
jurerais pas que cela n’arrivera jamais parce
qu’il ne faut jamais avoir cette prétention.
Mais nous avons déjà pas mal d’actions,
dans chaque site, suivi au travers de l’arrêté
préfectoral. Nous sommes face à un risque
non nul. Cela doit être sur nos radars, par mi
les priorités, utilisées non pas comme
u n e c o n t r a i n t e m a i s c o m m e u n e o p p o rtunité. C’est une directive qui demande
des inventaires .
Il se trouve qu’en s’appuyant sur d’anciennes équipes, des anciennes DRIRE qui
contrôlaient les barrages hydroélectriques,
nous avions commencé ce travail. Nous
rassemblons dans les DREAL l’ensemble du
contrôle des barrages qu’ils soient hydroélectriques ou non, des digues le long des
fleuves ou l’eau en bord de mer qui nous
pose certains problèmes que vous connaissez. Ces équipes vont être renforcées numériquement dans les DREAL et seront à disposition. Elles sont déjà à disposition de leurs
collègues des inspecteurs des installations
classées dont la compétence technique
n’est parfois pas centrée sur cela. J’illustre
l’intérêt de bien regarder le sujet sous toutes
les facettes et de s’entourer des meilleures
compétences et des regards différents. Tout
n’est sûrement pas parfait et nous continuerons à faire les inventaires , des contrôles , si
besoin des prescr iptions y compr is dans les
sites qu’a évoqué Jacky Bonnemains .
I Jacky Bonnemains
Pas plus tard qu’hier, au siège de l’ADEME,
différents sites menaçants ont été passés
en revue. En par ticulier, celui de Saint-Lau-
rent-Le-Minier dans le Gard présente des
r isques impor tants complètement oubliés ,
de déver sements stér iles très très r iches
en ar senic et en plomb, notamment dans
un affluent de l’Hérault, du fleuve côtier.
Nous nous sommes a perçus qu’il y avait
des r isques de fragilisation de digues des
bassins de décantation et de pollution
de la Vis , affluent de l’Hérault, d’une manière massive. Il faut être attentif sur tout
en pér iode de cr ue et d’inondation. Si les
gaz à effet de serre sont, comme on le dit,
comme on le croit, comme on le pense, responsa bles d’un dérèglement climatique et
d’une multiplication des inondations et des
cr ues , ces vieilles digues et vieux réser voir s
doivent faire en conséquence, dans les années à venir, l’objet d’une sur veillance et
d’une maintenance accr ue. Le problème,
c’est qu’à Saint-Laurent-Le-Minier, il n’y a
plus per sonne. C’était Penarroya, c’était
Metaleurop. Il y a simplement l’Etat. Les industr iels sont par tis gentiment.
I Philippe Lefait
Nous avons justement une question SMS.
Monsieur Bonnemains parlait des « petits
moyens du Ministère ». Laurent Michel, avezvous les moyens de votre politique ?
I Laurent Michel
Cette question est toujours difficile. Sur les
années 2008 à 2010, dans le contexte que
l’on connaît du budget de l’Etat, il y avait
déjà dans cette période des questions importantes d’arbitrage à faire entre les priorités.
Le ministère a per mis à la Direction Générale
de la Prévention des Risques, en particulier
à ses ser vices déconcentrés, de créer de
l’ordre de 155 postes en inspection des installations classées, une quarantaine d’autres
au total sur d’autres risques comme le bruit,
les canalisations etc, 90 postes environs sur
les risques naturels dont 40 sur le contrôle des
digues et barrages. Il y a eu une priorisation
forte au niveau des moyens humains et financiers pour accompagner ce mouvement, y
compris à l’ADEME, compétente pour les sites
orphelins sur lesquels il faut inter venir. C’est
malheureux de devoir inter venir, mais l’Etat
assume ses responsabilités. Je ne sais pas si
il y en a à Saint-Laurent-Le-Minier mais c’est
juste à côté à Saint-Sébastien-d’Aigrefeuille
où l’ADEME inter vient avec des crédits renforcés par le Grenelle de l’environnement, sur
les sites de pollueurs orphelins. On est pass é d ’ u n r y t h m e d e 1 0 à 2 5 m i l l i o n s d ’ e u ro s
par an.
Nous avons été tout à fait entendu par nos
ministres. Quoiqu’il en soit, nous avons des
priorités. Nous nous devons d’être le plus
efficaces possible, chacun dans nos organisations. Nous devons avoir un système
d’infor mation nous per mettant de travailler
efficacement. Il faut aussi, comme le disait
la question, se déployer à la fois sur l’instruction technique, sur les contrôles et sur la
concertation. On peut avoir le sentiment, en
centrale ou au niveau local, que tout ceci est
beaucoup, que c’est difficile à arbitrer. Sur
l’aspect concertation et appropriation au
sujet des PPRT, tout le monde a en tête que
ce n’est pas qu’une étude technologique.
Nous avons bien intégré cela. C’est en essayant de faire de la concertation en amont,
d’expliquer en amont que l’on avance. Les
moyens in fine sont ce qu’ils sont. Ils ont été
renforcés. Comparé à ce que nous avions et à
d’autres homologues européens, nous avons
atteint un niveau d’une bonne moyenne des
pays. Cela ne veut pas dire que cela ne soit
pas complexe à gérer au quotidien, il faut
27
Plénière 1
toujours un peu se réorienter dans l’action.
C’est cela aussi la réalité.
I Philippe Lefait
Parlons du transport des matières dangereuses, canalisations de transport de gaz.
Quelles suites ont été données aux accidents
sur venus sur des canalisations de transport
de gaz ? Avance-t-on en la matière ?
I Jacques Vernier
28
Je l’ai un peu dit tout à l’heure. Depuis
que le Conseil Supér ieur de Prévention des
Risques Technologiques inclut non seulement les installations classées , mais aussi
les canalisations , nous avançons très for t
sur une amélioration de la réglementation
dans deux domaines . Laurent Michel et plusieur s autres inter venants ont déjà par lé de
la lutte contre le vieillissement de cer taines
installations . C’est vrai, pour le vieillissement d’installations industr ielles , d’usines ,
mais c’est vrai aussi pour le vieillissement
des canalisations , qui seront soumises à
r ythme plus impor tant à des inspections pér iodiques , pour voir comment elles vieillissent. Des textes impor tants sont en cour s de
finalisation, nous les avons discuté ces dernier s mois , sur les r isques , la prévention des
r isques d’endommagement des canalisations par les engins de travaux publics . Par
exemple, avant de faire les travaux publics ,
dans un cer tain nombre de cas et pour
cer taines canalisations , nous prévoyons de
faire une visite de recollement sur le terrain entre l’exploitant de la canalisation
et l’entrepr ise de travaux publics pour voir
exactement ce que l’on va faire. Pour les
entrepr ises de travaux publics , elles devront
respecter un guide de bonnes pratiques
obligatoires pour faire les travaux de telle
ou telle manière. Il y aura un cer tificat de
for mation pour les inter venants et conducteur s de travaux qui, lor squ’ils s’a pprocheront des canalisations , devront avoir subi
cette for mation cer tifiée.
I Jacky Bonnemains
De même que la sous-traitance est un fléau
en matière de sécurité et de prévention des
accidents dans les usines, c’est un grand
risque dans l’industrie des travaux publics où
il y a une grande fragmentation des responsabilités, des sous-traitants et des intervenants
encore moins identifiée que dans les usines.
A notre avis, elle est fortement responsable
de la méconnaissance des problèmes, des
risques et de la méconnaissance des localisations des canalisations de transport de
matières dangereuses (gaz, hydrocarbures et
autres).
Questions de la salle
I Daniel Vig ier, Fédération Régionale
Auvergne, Nature et Environnement
D a n s l e s e n t r e p r i s e s à r i s q u e s , l a d é t e rmination des scénarios d’accident, de
l a p ro b a b i l i t é e t d e l a g ra v i t é s o n t fa i t s
par l’exploitant, sous la super vision de la
D R E A L . N e c ra i g n e z - vo u s p a s q u ’ i l y a i t
une partialité dans cette détermination ?
I Laurent Michel
C’est la qualité de ses analyses que ce soit
celles des études de dangers ou les études
d’impacts. Il est important de revenir à la
base de la responsabilité de l’exploitant
dans la prévention des risques chroniques
ou accidentels. Rappelons que c’est lui qui
connaît son installation. Bien entendu, nous
devons avoir un regard critique au sens du
questionnement, pas pour le plaisir de critiquer
l’industriel, sur la conformité de ses analyses de
dangers aux bonnes règles de l’art. Nous avons
grandement encadré et facilité cela en travaillant avec des fédérations professionnelles,
des experts comme l’INERIS ou des cabinets
d’ingénierie, sur les principaux risques que l’on
doit identifier dans un GPL etc. Il y a aussi la
lecture critique par l’Inspection des Installations Classées, qui a été fortement renforcée
au niveau des risques technologiques.
Il est possible de faire appel à d’un regard
extérieur, la tierce expertise. Certains parfois
disent qu’elle a été trop souvent utilisée ou
de manière non ciblée, mais nous y tenons
car elle permet de regarder tel ou tel point le
scénario, même s’il n’y a pas que le scénario
qui compte, il y a des mesures de prévention.
C’est le système que l’on a : élaboration par
l’industriel des analyses de risques, propositions
de mesures de maîtrise des risques, regard critique, possibilité de tierce expertise, et in fine,
cela nous est arrivé, y compris sur des PPRT,
de dire « non. Vous avez oublié tel scénario.
Pour nous, il existe. Cela fait une zone de tel
ordre de grandeur. Vous estimez que tel risque
n’existe pas. On pense qu’il existe et qu’il faut
mettre telle mesure de prévention ». N’oublions
pas cette faculté de trancher qu’a le préfet sur
proposition de ses services.
Tout cela est en progrès permanent. Cela ne
doit pas être non plus simplement de l’analyse
de scénarios, cela doit servir à nourrir les investissements, la maintenance et l’identification
des points critiques. Tout cela est un outil. Ce
n’est pas pareil qu’il y a 25 ans, quand on découvrait tous cette démarche. Nous avons fait
de grands progrès dans ces analyses et nous
veillons à ce qu’elles donnent une qualité pas
seulement du document de l’analyse, mais
pour l’action.
Robert Trouvilliez, Représentant de Béthune
Nature et secrétaire général de Nord Nature
Je représente une association locale, Béthune
Nature et je suis en même temps secrétaire
général de Nord Nature. En vous écoutant, on
a l’impression que les associations ne sont plus
utiles puisque tous les risques sont neutralisés.
En fait, nous, on aimerait bien avoir les Assises
Nationales de la Suppression des Risques.
Deuxième chose : il y a 30 ans, l’association Nord Nature existait déjà depuis 10 ans
pour lutter à la fois contre les pollutions et
les aberrations concernant la nature. A
l’heure actuelle, les associations ont encore
beaucoup de grain à moudre. Je cite par
exemple, l’usine de RECYCO, toute neuve.
Les associations ont dû monter au créneau
pour supprimer la pollution intolérable au
niveau des poussière à Isbergues. C’est une
honte parce que c’est une usine qui vient de
s’installer. Peut-on penser que l’on manque
de prévisibilité quand on va construire une
usine électrique qui va déverser 1,4 millions
de tonnes de CO2 près d’Arras ? Peut-on admettre cela ? Ne peut-on pas changer de
technologies pour avoir des usines propres,
même pour les usines en train de s’installer ss? J’aurais encore beaucoup de questions, mais j’arrêterai là.
I Jacky Bonnemains
Un associatif répond un associatif. Les Assises des suppressions des risques, je n’y crois
pas, surtout depuis que j’ai lu qu’un avion de
chasse indien s’était crashé sur un camion
d’hydrocarbures sur une autoroute entre
Bombay et je ne sais quelle ville en 1984,
depuis que j’ai lu un dossier sur les déchets
dans l’espace, depuis que j’ai appris qu’un
bateau allemand avait failli couler en plein
océan Pacifique après avoir reçu des dé-
29
Plénière 1
bris de satellites. Les risques et les sources
de risques sont tellement innombrables que
les combinaisons sont tellement infinies, que
la notion de prévisibilité dont parlait tout à
l’heure notre ministre, est effectivement très
difficile à cerner. La suppression des risques,
c’est impossible.
Sur la pollution des usines neuves, récentes
ou portées par le privilège accordé aux activités de recyclage, c’est une excellente
question. Ce n’est pas dans votre région
Monsieur, mais en Seine Maritime, il y a une
usine que France Nature Environnement,
Robin des bois et d’autres, ont dans le collimateur depuis maintenant une vingtaine
d’années, qui s’appelle CITRON, Centre International de Traitement et de recyclage
des Ordures Nocives. Cette usine, financée
par des intérêts suisses, prétend depuis une
quinzaine d’années recycler à tout va, tout,
l’impossible, l’inutile parfois, les déchets électroniques, les DEEE, les lampes au mercure,
tout ce que l’on peut imaginer de moderne
comme déchets. Cette usine a été victime
en 10 ou 15 ans de cinq incendies au moins.
Le dernier a eu lieu la semaine dernière et,
semble-t-il, lui à porter un coup mortel, mais
c e n ’ e s t p a s s û r, l a b ê t e v i t e n c o r e . L e s
industr ies du recyclage, les industr ies de
la prétendue moder nité, peuvent être
extrêmement dangereuses et contrep r o d u c t i v e s p o u r l ’ e n v i r o n n e m e n t . Il y a
des innovations perçues comme des progrès
qui ne sont absolument pas maîtrisées et qui
peuvent déclencher des risques non-anticipés et des pollutions graves. On pense bien
évidemment aux nanotechnologies.
I Serge Milville, Association Mazingarbe
Demain
30
J’apprécie le développement qui se dé-
roule, c’est d’un très haut niveau. C’est utile.
C’est nécessaire. Mais je voudrais que l’on
revienne sur quelque chose qui est un plus
terre à terre. Je représente l’Association
Mazingarbe Demain, association locale de
Mazingarbe, c’est l’association Citoyenneté
2000. Nous sommes concernés. J’ai travaillé
sur le premier PPRT signé en France. C’est
peut-être à ce PPRT que l’on faisait allusion
tout à l’heure en disant que la première
convention financière tripartite a été signée.
I l s e m b l e ra i t q u ’ i l n ’ y e n a i t p a s d ’ a u t r e s
actuellement.
Premièrement, quand nous avons commencé
à travailler sur le PPRT, je me souviens que le
sous-préfet de Lens, Monsieur Reuter nous a
dit qu’il fallait s’adapter aux risques. Je suis
désolé, ce n’est pas inscrit dans la Constitution. Quand on y réfléchit un peu et que
l’on analyse la situation actuelle, on nous
demande de nous adapter à tellement de
choses, depuis le risque au traitement des ordures ménagères en passant par les précarités. On est submergé d’obligations d’adaptation et cela finit par faire beaucoup. On
n’en peut plus. Bientôt on va craquer.
Deuxième chose, il y a une contradiction en
ce qui concerne le PPRT. Au début, immédiatement après Toulouse, dans notre commune,
à cause des deux sites Seveso, on a laissé
entendre qu’il faudrait envisager un plan de
protection qui couvrirait peut-être environ
80% du territoire de la commune. Puis, j’ai
suivi, j’ai essayé de comprendre les études
très intéressantes , ce qui n’était pas toujours facile avec les grands spécialistes du
ministère et de la DREAL, des ingénieurs qui
répondaient toujours à nos questions. Nous
nous sommes aperçus que le PPRT, dans sa
conclusion, ne couvrait plus que le territoire
occupé par les usines. Comme si, en cas de
risques majeurs, d’un seul coup, le tout s’arrêtait aux palissades et aux grillages autour
des usines, un peu comme pour Tchernobyl.
La contradiction, elle est dans le fait que le
plan prévisionnel d’inter vention, lui prend
encore en compte les risques majeurs. Le
risque majeur est encore considéré comme
pouvant se produire, avec des autocar s venant tous azimuts, sortant non seulement des
usines, mais aussi du territoire de la commune
et qui concernent les communes voisines.
On comprend parce que le risques majeur,
quant il s’agit de définir le PPRT, c’est tellement rare, c’est tellement exceptionnel
qu’on le met à la corbeille. Or, à Toulouse,
on ne l’a pas mis dans la corbeille. Les riverains sont les victimes du post-PPRT. Tout
ce que l’on a dit jusqu’alors, c’est très bien
mais maintenant que nous avons le PPRT et
qu’il est signé, figurez-vous qu’une route se
trouve dans le périmètre de protection du
PPRT. Alors, cette route est maintenant interdite à la circulation. Les gens qui empruntent cette route, très nombreux, à voiture, à
bicyclette ou à pied, sont envoyés sur des
routes qui elles sont très dangereuses. Pour
la route en question, il n’y a jamais eu d’accident. Maintenant interdite à la circulation,
on envoie les gens sur des axes routiers extrêmement dangereux. Depuis trois ans que
le PPRT est signé, nous n’avons pas de solu tion, nous attendons . Je suis invité demain
à la sous-préfecture de Lens , pour discuter
avec le Maire de Mazingarbe, le Président
du Conseil Général, un représentant de la
DREAL pour voir comment pallier cette interdiction de circulation.
Dernière chose, un récent article de presse
sur la Fédération Nord Environnement ou la
Fédération Nationale, évoquait que le riverain est quelque part, passez moi l’expres-
sion, le dindon de la farce. Pour améliorer la
sécurité de son habitation, il faut qu’il paye
les travaux, alors qu’il paye déjà en tant
que contribuable dans la commune puisque
dans la convention tripartite, la collectivité
est partie prenante pour payer. Je n’arrive
pas saisir. Je n’arrive pas comprendre. Il n’y a
pas de logique. Les installations sont venues
se mettre à côté des habitations. On subit le
risque. On subit les pollutions. Et il faut payer,
payer… C’est encore une contradiction.
I Alain Rouzies, Président de l’UFC Que
Choisir de Haute-Nor mandie, membre
de divers CLIC et membre du CODERST
Mon témoignage est aussi une interrogation.
Nous avons sur notre territoire à Rouen une
usine qui s’appelle Grande Paroisse Normandie.
Cela fait écho à AZF. Nous avons constaté
une façon d’appréhender les risques à l’intérieur de l’usine et évidemment avec des
risques de débordements à l’extérieur, tout
à fait peu prévoyante. GPN a été contrôlé
il y a un an à peine par les inspecteurs de
l’ex-DRIRE qui ont constaté qu’une partie
de l’usine risquait de s’effondrer sur un rack
d’ammoniac avec tout ce que vous pouvez
imaginer autour. Si cette fissure apparue dans
cette tour était récente, nous aurions compris. Mais cette fissure datait d’une dizaine
d’années. Nous sommes dans une usine qui a
connu indirectement dans nos groupes, une
catastrophe qui représente un exemple national. Et on continue à ne pas avoir cette
culture de prévention quand un dysfonctionnement se présente. Le dysfonctionnement
n’est pas tombé du ciel. Il a été constaté. Les
syndicats ont joué le jeu. Ils ont fait leur travail d’alerte. Il sera intéressant qu’on arrive
à des conclusions qui dépasseront les petits
problèmes de for me sur la représentation
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Plénière 1
des salariés, comité d’entreprise ou CHSCT,
peu importe. Il faut donner dès le départ un
droit d’alerte pour les salariés. Les salariés,
il y a trois ans ou quatre ans, ont demandé
des expertises, ils ont alerté. Rien n’a été fait,
jusqu’au moment où la DRIRE a mis le paquet et a fini par obtenir que quelque chose
soit fait. Mais regardons le raisonnement qu’il
y a derrière. C’est le raisonnement qui fait
que sur Rouen, juste après Toulouse, on a enfin réussi à trouver une solution au problème
de ce fait d’ammoniac énor me qui menaçait l’ensemble de l’agglomération sur une
installation qui avait eu une autorisations
de la loi de 1976… J’alerte sur l’idée que le
risque est déjà à l’intérieur de l’usine et vous
en êtes responsable.
Ma deuxième remarque est relative à CITRON
et à la responsabilité de l’Etat. J’ai assisté au
CODERST où l’autorisation d’extension de
l’usine CITRON a été donnée. En face de
nous , Monsieur le Préfet de région, qui n’a
pas un rôle tout à fait anodin au niveau du
ministère, nous a mis la pression pour dire
« oui » à ce dossier Il a pris à parti les associations
parce qu’elles essayaient de voir comment
cela se passait réellement dans cette entreprise. C’est inadmissible. Nous ne voulons
pas la mort du pécheur mais nous tenons à
ce que le pêcheur s’amende. Ce n’est pas
ce qui s’était passé puisqu’on arrive à la
conclusion actuelle, la mise en cause de responsabilité de l’Etat en l’occurrence.
I Philippe Lefait
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Je voudrais que l’on conclue sur ce qui
vient d’être dit. Nous avons tous bien perçu la masse de concer tation qu’il y avait
encore à imaginer pour que chacun puisse
faire le miel de son combat, notamment s’il
est associatif.
I Bernard Chambon
Je ne peux pas répondre à tout ce qui a
été dit dans le détail, d’autant qu’il y a
des exemples très concrets qu’il faudrait
connaître pour pouvoir en par ler. Sur le
plan d e s p r i n c i p e s , l a g e s t i o n d e s r i s q u e s ,
c o n t ra i r e m e n t à c e q u e p e n s e l e d e r n i e r
i n t e r l o c u t e u r, n ’ e s t p a s s i m p l e m e n t d e l a
gestion. Il y a un sens de responsabilité visà - v i s d e n o s c o n c i t oye n s e t l a r e s p o n s a bilité sociale d’une entreprise. La gestion
du risque, c’est aussi une gestion économ i q u e . S i j a ma i s u n e c a t a s t ro p h e d u t y p e
d e c e l l e q u e vous évoquiez se produisait,
ce serait une catastrophe pour l’entreprise,
y compris sur le plan économique. Intégrer
ces risques fait absolument partie du management et de la gestion de l’entreprise. Les
Conseils d’administration qui, il y a quelques
années se consacraient pour ces sujets, aujourd’hui font des analyses très précises, y
compris des risques techniques et industriels.
Le plan de la lutte contre le vieillissement des
installations répond en partie aux problèmes
que vous soulevez. Puis, je rappelle que les
CHSCT, depuis quelques années, ont le droit
d e fa i r e a p p e l à d e s e x p e r t i s e s p o u r c e s
situations. Dernière chose, pour faire prendre
conscience de ce que représente les efforts
que font les industriels : deux tiers des investissements en France dans l’industrie chimique
sont des investissements de maintenance et
de mise en conformité hygiène-sécurité-environnement. Cela pose d’autres problèmes par
rapport aux investissements de croissance,
mais cela montre la réalité d’un effort continu
sur de nombreuses années.
I Jacky Bonnemains
L’usine Grande Paroisse dont Monsieur Rouzies parlait à côté de Rouen, fait partie des
dinosaures de l’industrie européenne et française. Comme chacun sait, les dinosaures ont
beaucoup de difficulté à s’adapter aux ères
modernes.
Autant le vieillissement du personnel n’est
pas forcément un handicap -puisque le personnel quand il a beaucoup d’expérience
dans une entreprise, devient une véritable
mémoire, qui ne devrait pas quitter l’usine
sans avoir à se débriefer en quelque sorte-,
autant le vieillissement des canalisations, des
bacs, des vannes et autres infrastructures est
un véritable danger. Je ne crois plus à l’argumentation du représentant de la chimie qui
dit « vous savez un industriel, il est particulièrement conscient des risques pour son image et
pour ses finances ». Quand les usines arrivent
à un âge de retraite, les industriels les laissent
sans véritablement plan de renouvellement et
de maintenance, en sachant bien mieux que
les ouvriers à quelle date elle va fermer. Après
ils s’en lavent les mains. C’est à l’Etat et aux
riverains de se démerder avec des sites qui
ne sont plus actifs mais qui restent dangereux,
parce que ce sont des sites pollués.
I Jacques Vernier
J’apporte deux réponses aux deux questions
posées. La première c’est que précisément, le
Plan anti-vieillissement se traduit par des arrêtés
en cours de discussion et d’élaboration. Le
Plan anti-vieillissement des usines d’une part,
des canalisations d’autre part, vont permettre
de répondre à cette problématique de fissure
non découverte, par exemple. La deuxième
chose que je voudrais dire à la personne de
Mazingarbe, c’est que l’on avait bien identifié
dans les Assises précédentes et dans la table
ronde sur les risques industriels, le fait que les
habitants devant faire des travaux chez eux,
n’étaient pas suffisamment indemnisés. C’est
la raison pour laquelle le crédit d’impôt très
faible (de 15%) a été porté à peut-être 36,
vo i r e 4 0 % . C ’ e s t a u s s i p o u r c e l a q u e l e s
collectivités locales et les industriels ont accepté
de participer aux travaux qui seront faits chez
les habitants. Nous avons beaucoup progressé
par rapport à il y a quelques mois.
I Laurent Michel
A propos du vieillissement et de la maintenance,
on peut avoir des tas de cas : le défaut non détecté pour faute d’organisation ou faute de
technique parce que c’est des choses que
l’on n’avait probablement pas identifiées. La
science progresse encore, le défaut détecté.
On peut avoir décidé de détecter ce genre
de défaut et on n’y est pas arrivé parce
qu’il peut y avoir tel genre de problèmes ou
parce que l’on a mal priorisé. Il peut y avoir
des cas que j’estime minoritaires, où on
décide peut-être de ne pas faire ou de faire
plus tard. Cette question n’est pas univoque.
On la regarde parce qu’on a lancé un plan
en dépit des années, elle existait avant,
elle existera après. Il ne faut pas non plus
qu’elle masque, je pense, les progrès accomplis. Quand j’étais plus jeune, j’avais un
patron qui a débuté sa carrière dans le couloir de chimie à Lyon, à la DRIRE, le ser vice
des mines de l’époque. Il me disait qu’une
nuit par semaine il allait faire une enquête
d’accidents. On en est, fort heureusement,
plus tout à fait là. Mais on a des sujets évolutifs complexes où la vigilance, chacun à
son rôle, c’est vrai, moi c’est mon métier et
je suis persuadé que sans réglementation et
sans contrôle, cela avancerait moins bien. Je
suis aussi persuadé que sans industriel motivé, ce serait aussi beaucoup moins bien.
33
Grand témoin
Patrick Lagadec, Directeur de recherche à l’Ecole Polytechnique
34
J’ai bien conscience de l’ampleur du champ à couvrir en matière de sécurité industrielle, des difficultés
à surmonter, de débats à engager et poursuivre. La maîtrise des risques exige un travail patient, multiforme, ouvert, inscrit dans la durée. Pourtant, je vais encore ajouter d’autres défis. Je le fais dans la
fonction et la responsabilité qui sont les miennes, à savoir une exploration continue des territoires
encore mal cartographiés qui se situent par-delà ces horizons, où la statistique n’a pu s’établir,
où les règles du jeu et « best practices » sont encore inexistantes. C’est d’autant plus crucial que
ces défis se rapprochent désormais à des vitesses en accélération croissante. Bien entendu, ce
type de regard n’a pas à se substituer au premier, plus classique – il vient comme une exigence
supplémentaire, de plus en plus vitale car tout défaut d’anticipation a des coûts de plus en
plus colossaux. La démarche est ici assez différente de nos logiques conventionnelles, si à l’aise
dans nos cultures. Le point essentiel n’est pas d’avoir la cartographie définitive et la somme des
bonnes réponses. Il s’agit d’abord d’avoir la faculté de questionnement hors des scripts habituels, une faculté suffisamment entraînée pour qu’elle puisse nourrir à tout moment la capacité
à inventer des chemins non tracés lorsque le « hors cadre » fait irruption. Au nombre des questions
de départ à toujours entretenir, il y a par exemple celles-ci : Quels sont les nouveaux types de
risques ? Quels angles morts : quelles hypothèses de travail spontanées nous empêchent de détecter
les signaux ? Quels sont les univers dans lesquels nous devons travailler aujourd’hui ? Quelles conditions
générales des contextes dans lesquels s’inscrivent nos activités peuvent-elles profondément transformer la
maîtrise des risques, le pilotage des crises ?
J’ai trouvé cette photo à Chamonix : « Attention ! Vous quittez la zone balisée ». Autrement dit, pour nous
ici : « Attention, à partir de maintenant, nous n’avons plus la carte ». Et il semble bien que, de plus en plus
souvent désormais, nos grands systèmes et organisations se retrouvent démunies de repères, avec pour
seule défense : « Que vouliez-vous que l’on fît, c’était exceptionnel ! ». Le problème est précisément que
la mutation des contextes nous conduit à devoir faire face, de plus en plus souvent, à cet exceptionnel
permanent. Et comme ce type de constat ne cesse de se reproduire, de façon toujours plus fréquente, il
y a lieu de s’interroger : et si nous étions, effectivement, mal préparés à affronter ces nouveaux terrain de
risques et de crises ? C’est précisément le constat de la commission d’enquête de la Chambre des Représentants aux Etats-Unis, qui écrit en conclusion de son rapport sur Katrina : « Mais pourquoi apparaissonsnous toujours en retard d’une crise ? ». Le piège est ici de s’enfermer dans les réponses du passé – plus de
statistiques, plus de plan, plus de communication, plus de centralisation, etc. La première exigence est de
re-cartographier les problèmes. L’expertise systématique des cas émergents donne déjà quelques points
de repères.
L’hypercomplexité. Ainsi de Katrina. C’est d’abord un cyclone – le vent. Mais ce n’est pas là l’essentiel.
Il faut rapidement comprendre que l’eau est le facteur critique, avec non pas un débordement des
levées, mais leur destruction, ce qui est qualitativement différent. Et tout s’enchaîne et s’empile : rupture
totale de tous les réseaux vitaux, à commencer par les communications (l’électronique fait très mauvais
ménage avec l’eau, ce qui constitua une surprise majeure sur le terrain) ; une trentaine d’accidents
dans des installations type « Seveso », avec un épandage de produits pétroliers à la hauteur du tiers
de l’Exon-Valdez ; des problèmes de maintien de l’ordre difficiles à qualifier (et qui ne rentraient pas dans
les schémas habituels, qu’ils fussent ceux des autorités ou ceux des sociologues des catastrophes) ; des
populations abandonnées voire hors écran radar des autorités (mais sur les écrans de télévision dans le
monde entier) ; des effets-dominos impressionnants avec par exemple le risque de black-out énergétique
sur toute la côte Est des Etats-Unis ; des effets stratégiques comme l’interrogation sur la possibilité de récupérer le Mississipi et le port de La Nouvelle-Orléans… Bref, voici pris à revers notre culture de gestion des
catastrophes, le plus souvent (même si on s’en défend toujours) fondée sur des catégorisations d’événements bien spécifiques. Soudain, voici l’hypercomplexité à l’œuvre, qui laisse souvent impuissant. Le
« toutes choses égales par ailleurs » ne fonctionne plus.
L’inconcevable. Ainsi des Tours Jumelles, le 11 septembre : elles qui étaient tenues pour indestructibles ;
elles dont le plan d’urgence stipulait que le seul danger serait une évacuation générale, les voici bientôt
qui s’effondrent. Ainsi de l’anthrax, en 2003, lorsque l’on découvre que ce n’est pas tant la lettre contaminée qui pose problème que les machines de tri postal, qui expulsent les spores, et opèrent une contamination générale – « Leur arme, c’est mon réseau ». Que s’ajoute à cela des comportements sociaux
aberrants, avec dépôts de milliers d’enveloppes contenant de la poudre blanche, et le tableau devient
rapidement ingérable dans les codes habituels. Surtout si les réponses sont totalement contradictoires,
volatiles, incompréhensibles, mais médiatisées – avec le nombre des cas de fausses lettres piégées augmentant comme le carré du nombre de reportages télévisés.
Le mélange des genres, les interactions surprises. Ainsi cet été de ces feux de tourbes qui font mauvais
ménage avec les centres nucléaires russes.
La vitesse. Ainsi de ces épidémies qui traversent les océans à la vitesse du jet. Ou, comme on l’a vu voici
quelques mois à Wall Street, un problème informatique qui, en 7 millisecondes fait dérailler le système, qu’il
faut rapidement débrayer – ce qui, heureusement est possible dans ce domaine, mais ne le serait pas
dans d’autres.
Les failles sociétales. C’est sans doute une question de plus en plus critique. Des « ondes de mort » incompréhensibles qui conduisent aussi bien à des déchainements de terrorisme, à des ruptures générationnelles, à des cohortes de suicides, à des effacements de liens sociaux jusqu’alors tenus pour donnés.
On se retrouve dans un environnement extraordinairement surprenant, que l’on ne sait plus comment
aborder. A la Nouvelle-Orléans, on a remarqué que les seuls à pouvoir un peu communiquer étaient les
jeunes – ils parlent SMS couramment, le seul vecteur qui survivait encore. Sur tel front de banlieue avec
voitures en feu, on tente de faire une leçon civique sur le thème « Il n’est pas bien de brûler des voitures,
mettez-vous à la place du propriétaire ». Si la réponse vient : « N’importe quoi, c’est la mienne ! », c’est
soudain l’incompréhen¬sion totale, la plongée dans un autre univers. On sait comment « effacer » un aéroport européen, mais on n’a rien de prêt pour un nuage affectant l’ensemble du continent ; et soudain
l’expertise se montre bien ténue : on sait des choses sur les cendres volcaniques, mais que sait-on sur ces
cendres précises ? Le temps que l’on repose convenablement la question, que l’on s’y retrouve dans les
amas d’organisations à « coordonner », il y a déjà des millions de personnes bloquées aux quatre coins du
monde, et les autres hubs mondiaux qui se voient asphyxiés – ce n’est plus une question de Business Continuity sur une plateforme, c’est le modèle de fond qui pose problème ; et de cultures organisationnelles par
35
Grand témoin
36
trop décalées pour rester en capacité d’action.
Certes, on peut tenter des jokers et des faux-semblants. L’argument désespéré est celui de l’exceptionnel :
« C’était véritablement exceptionnel ! ». Le problème, on l’a dit, c’est que lorsque l’exceptionnel frappe
tous les mois, chacun finit par se demander si l’exceptionnel est bien dans l’événement déstabilisant ou
dans les moments de relative stabilité. L’autre argument pavlovien est de tout rejeter sur le défaut de communication. Il aurait suffi de « communiquer ». Là encore, on sent bien qu’on est loin du but, et l’argument
de l’insuffisance de communication risque bientôt de devenir un facteur de basculement dans la perte
de confiance. Car chacun sent bien que le décisif n’est pas là.
En réalité, nous sommes aux prises avec un monde du risque et de la crise très différent de celui que nous
avons connu. Un monde qui suppose d’autres grilles de lecture, d’autres registres d’anticipation et de
pilotage, d’autres formes de préparation et d’enseignement. Non à la place des références précédentes,
mais en supplément – en dépit de toutes les contradictions que cela impose.
Quelques points de référence peuvent être plantés comme premiers pitons-repères.
1. Le questionnement : Ces nouveaux univers n’appellent pas d’abord à réunir toutes les réponses, pour ne
pas être surpris, mais bien à ouvrir toutes les questions difficiles, pour s’habituer à naviguer en terre inconnue. Et cela bien entendu, non pour une esthétique de l’esprit mais bien pour conduire des démarches
opérationnelles tout à fait concrètes. Et ce questionnement doit d’abord s’exercer sur les angles morts,
non sur les sujets tenus hors agendas, ne pouvant pas faire l’objet d’examen, encore moins de débat
ouvert.
2. L’expertise : Certes, il est bon d’avoir des connaissances solides. Mais en terrain non conventionnel, le
plus crucial est d’avoir des experts entraînés à clarifier au plus vite les limites des connaissances à disposition, et à partager cette expertise de l’incertitude et plus encore de l’inconnu. Ce qui doit changer et la
pratique de l’expertise et la relation experts-décideurs.
3. Une autre culture du signal : Nous sommes habitués à considérer que la recherche de signaux faibles
est la pointe avancée de l’excellence. C’est exact pour les domaines connus : comment détecter le plus
précocement les signaux connus avant qu’ils ne deviennent massifs et difficiles à traiter. C’est piégeant
pour les domaines émergents : il ne suffit plus de mettre un amplificateur devant le signal pour pouvoir le
mesurer comme habituellement ; le défi est de pouvoir détecter des signaux « aberrants », « sauvages »,
non repérables avec nos radars habituels.
4. De nouvelles démarches en pilotage des crises : Notre culture de crise est le plus souvent ancrée sur
l’idée que l’événement appelle d’abord l’application de plans bien définis, cela protégeant de la surprise. Notre surprise désormais est que les crises ne rentrent plus dans les plans préparés. Le cas du H1N1
est sans doute le plus emblématique à cet égard. Et l’on entend rapidement les acteurs se désespérer : « La
crise refuse de rentrer dans les plans ! que voulez-vous qu’on fasse ? ». La rupture à effectuer est d’ordre intellectuel et opérationnel. J’ai ainsi plaidé pour le développement de la démarche de Force de Réflexion
Rapide. Un groupe de personnes hybrides, entraînées à réfléchir et proposer sur « feuille blanche », en
appui aux décideurs notamment, à partir de quatre interrogations de base : 1. De quoi s’agit-il ? 2. Quels
sont les pièges à éviter ? 3. Avec quelles cartes d’acteurs va-t-on travailler ? 4. Quelles sont les quelques initiatives clés que l’on peut engager pour injecter sens, confiance, capacité dans le système en grande difficulté, en perte d’ancrage ? En terrain refusant viscéralement le questionnement, ce type de démarche
est inacceptable et on le mesure jour après jour.
5. De nouvelles alliances : Nous avons été habitués à considérer que les populations devaient être « rassurées » – « Tout est sous contrôle ». Nous avons, surtout pour les éventualités lourdes, été habitués à prôner
la centralisation hiérarchique. Avec, tout de même, quelque information pour assurer le besoin d’information, devenu politiquement sensible. Il va nous falloir considérer, de plus en plus, des approches bien plus
multiples, ouvertes, granulaires, mobilisant des dynamiques bottom-up qui vont devenir vitales. Mais sans
démission des étages supérieurs. Les nouveaux moyens de communication Internet ont d’ailleurs d’ores et
déjà pulvérisé nos grilles habituelles de lecture et de pilotage.
6. De nouvelles formations, de nouveaux exercices : De façon générale, les préparations offertes en gestion de crise consistent à exposer les principes à appliquer, les pratiques validées, les éléments de langage
convenus – à donner toutes les réponses. Il faut opérer désormais largement à l’inverse pour ces nouveaux
univers des risques et crises en émergence. Il nous faut entraîner les uns et les autres à ouvrir des questions,
à être surpris, à conserver leur intelligence et leurs capacités de pilotage alors que les ancrages et règles
usuelles ont été pulvérisés. En matière d’exercice, il nous faudrait ajouter aux tests visant à vérifier des
aptitudes de base, des exercices visant le renforcement des capacités collectives de confrontation à l’inconnu, d’invention rapide, de mise en œuvre d’alliances nouvelles avec les acteurs de terrain, les citoyens,
etc. Que l’on songe par exemple à des exercices nucléaires qui intégreraient pleinement l’utilisation d’Internet par les acteurs, les jeunes, etc. On pourrait découvrir de stupéfiants horizons qui inviteraient à revoir
d’urgence nos repères et fonctionnement habituels.
7. De nouvelles formations initiales : Pour l’heure, ces questions touchant des univers aussi mal stabilisés,
aussi mal connus, ne faisant pas l’objet de bibliographies passées à la postérité, ne font guère partie des
cursus d’excellence. L’argument le plus fréquent est qu’il y a déjà tellement de contenus solides à faire
absorber que l’on n’a guère de temps pour explorer des contrées aussi étranges, qui ne satisfont pas au
minimum exigé de toute discipline candidate à enseignement. Faute de préparation de ce nouveau
type, le futur dirigeant aura toute chance de « décrocher » brutalement dès qu’il sera en présence de
questions pour lesquelles il n’a pas déjà ses réponses, ses réponses d’excellence. Et c’est ainsi que les
cercles en charge « craquent » en situation ; ou se protègent de tout questionnement en anticipation –
avec rejet fréquent de tout porteur de question, qui s’aventure aujourd’hui à transgresser la règle : « venez
avec les réponses connues, ne venez pas nous affoler avec des questions ».
Ce sont là, assurément, des perspectives difficiles. Mais nous n’avons guère le choix. Si l’on ne met pas tout
en œuvre pour maîtriser ces terres inconnues, elles nous y entraîneront entravés.
A la veille du passage au XXème siècle, aux Etats-Unis, un certain nombre de pionniers ont eu une vive
conscience de la nécessité de refonder la santé publique pour pouvoir affronter les défis dont on commençait à percevoir les signaux d’approche. C’était peu avant, effectivement, la pandémie de 1918.
Ces pionniers durent créer une nouvelle université pour travailler sur le sujet, trop dérangeant pour les
enseignes prestigieuses trop sûres de leur excellence. Ils créèrent ainsi Baltimore, et les autres universités
finirent par suivre. L’objectif, tel que résumé dans le livre de John Barry sur la pandémie de 1918 était de
grande hauteur : « Produire des personnes qui seraient capables de produire de nouvelles pensées, de
nouvelles pratiques, pour traiter les nouveaux défis ».
Nous avons à l’évidence devant nous, aujourd’hui, les mêmes sauts à franchir. C’est là un défi de toutes les
époques ayant à vivre des périodes de mutation.
37
Atelier 1
I Jérôme Goellner
Maîtrise de l’urbanisation
Investissement • mesures
foncières • délaissement renforcement du bâti • expropriation convention de financement tripar tite•loi
B ac h e l ot • PLU • u r ba n i s m e n é g a tif • acceptabilité•développement
urbain•développement économique
I Olivier Pia, Animateur
N o u s a l l o n s e s s a ye r d e p l a c e r ce moment
s o u s l e s i g n e d u d é b a t . N o u s allons dresser
l e d é c o r s u r l e s P P R T, ra p p e l e r comment ils
fonctionnent. Nous parlerons des nouveautés.
Nous allons commencer avec Jérôme Goellner.
En deux mots, les PPRT, pour que tout le monde
ait le même niveau d’information dans cette
salle, à quoi cela correspond ?
I Jérôme Goellner, Chef du ser vice
r isques technologiques au Ministère de
l’écologie
38
Je pense que tout le monde connaît le
d i s p o s i t i f d e s P P R T q u i a é t é vo u l u p a r
l a l o i d i t e B a c h e l o t d e 2 0 0 3 . J e ra p p e l l e
simplement que les PPRT est ce qui vient
u n e fo i s q u e l a p r é v e n t i o n d u r i s q u e a é t é
menée au maximum dans les installations
industrielles. La première priorité est de
réduire le r isque au maximum dans les
i n s t a l l a t i o n s i n d u s t r i e l l e s . U n e fo i s c e t ra -
va i l fa i t , i l p e u t s u b s i s t e r d e s r i s q u e s r é siduels à l’extérieur de l’établissement.
S o u s l ’ a u t o r i t é d u p r é fe t , l e P P R T v i s e à
a s s u r e r l a c o e x i s t e n c e e n t r e l e s é ve n t u e l s
risques résiduels de l’activité industrielle
e t l a v i l l e , l ’ u r b a n i s a t i o n p ro c h e . L e P P R T
v i s e à ma î t r i s e r l ’ u r b a n i s a t i o n n o u ve l l e
autour des installations industrielles dans
c e s z o n e s . C e t t e ma î t r i s e d e l ’ u r b a n i s a t i o n e x i s t a i t d é j à . L a n o u ve a u t é i n t ro d u i t e
par le système PPRT de la loi de 2003,
c’est la possibilité, si la situation appara î t c o m m e i n a c c e p t a b l e , d e r eve n i r s u r
l’urbanisation existante. Cela peut aller
j u s q u ’ à i m p o s e r d e s m e s u r e s fo n c i è r e s
qui, dans les zones de risques les plus imp o r t a n t e s , p e u ve n t a l l e r j u s q u ’ à l ’ e x p ro p r i a t i o n d ’ h a b i t a t i o n , é ve n t u e l l e m e n t l e
d é l a i s s e m e n t o u l e r e n fo rc e m e n t d u b â t i
existant.
I Olivier Pia
Il faut peut-être ra ppeler que les PPR T
concer nent 670 éta blissements in dustr iels ,
plus de 900 communes en France , et cela
représente, je crois , 9 millions d’h a bitants ,
est-ce bien cela ?
Non, quand même pas 9 millions d’ha bi tants… il n’y a pas 9 millions d’ha bitants
dans les zones de PPR T, heureusement. Je
pense que ce sont toutes les zones qui
peuvent être concer nées par un plan d’inter vention quel qu’il soit. Les PPR T touchent
900 communes . Il y a 420 PPR T et il y a de
l’ordre de 650 installations Seveso. Mais
comme il peut y avoir plusieur s PPR T sur
le même site, cela fait 420 PPR T. C’est la
feuille de route actuelle.
I Olivier Pia
J’avais cru noter que 100 % des PPRT
auraient dû être a pprouvés d’ici la fin
2010. Où en sommes-nous ?
I Jérôme Goellner
J e dirais même que la loi de 2003 pré voyait l’échéance de 2008. Les par lementaires ont été extrêmement ambitieux. A
l’époque, la charge de travail et toute la
démarche technique de méthodes néces saires pour l’éla boration de ces PPR T ont
été mésestimées . Nous sommes à 337 PPR T
prescr its . En matière d’a pprobation, nous
en sommes à 56 PPR T.
I Olivier Pia
La loi précise également que, d’ici fin 2011,
60 % des PPR T devront avoir été validés ,
avoir été a pprouvés par les préfets . Nous
en sommes aujourd’hui, grosso modo, à
15 – 20%. Est-ce bien cela ?
I Jérôme Goellner
L e M i n i s t r e d ’ E t a t y fa i s a i t a l l u s i o n d a n s
son inter vention : les objectifs fixés dans
des circulaires envoyées par le Ministre
a u x p r é f e t s s o n t e ff e c t i v e m e n t d ’ a r r i v e r
à la quasi prescription de l’ensemble
des PPRT pour 2011 et à un taux d’approbation de 60 % en 2011. En sachant
qu’on en est à 337 prescrits, compte
tenu de la durée nor male des discussions, c’est un objectif qui reste ambitieux mais qui est tena ble si tous les
e ff o r t s s o n t f a i t s a u n i v e a u l o c a l e n t r e
l’ensemble des par tenaires au niveau
d e s i n s t a n c e s d e c o n c e r t a t i o n q u i fo n c tionnent autour de l’éla boration de ces
P P R T.
I Olivier Pia
Les démarches de concer tation peuvent
prendre un cer tain temps . Dans la mise en
place d’un PPRT, si j’ai bien compr is , l’Etat
et l’industr iel identifient les r isques . Derr ière
ces r isques , on fait une sor te de car tographie, on identifie des zones . En deux mots ,
quelles sont les zones autour d’un PPRT ? Je
crois qu’il y a des couleur s qui ont été identifiées ou des noms , des dénominations .
I Jérôme Goellner
Je ne vais peut-être pas rentrer dans les détails de la démarche technique. C’est basé
comme vous l’indiquez sur les études d e
dangers qui sont élaborées par les industr iels , avec un contrôle de l’Etat et
a u b e s o i n d e s t i e r c e s e x p e r t i s e s d e c e rtains aspects de ces études. Ces études
débouchent sur des cartes d’aléas qui
s o n t p r é s e n t é e s p a r l ’ i n d u s t r i e l a u x p e rsonnes qui sont ensuite impliquées dans
l’éla boration du PPRT et qui distinguent
t o u t u n e n s e m b l e de zones .
39
Atelier 1
I Olivier Pia
J’ai lu qu’il y a des zones mor telles . Est-ce
bien cela ?
I Jérôme Goellner
Au p l u s p r è s d e s i n s t a l l a t i o n s , i l peut y avoir
d e s z o n e s o ù i l y a d e s r i s q u es plus import a n t s q u e d ’ a u t re s , n o t a m m e nt la zone des
e ffe t s m o r t e l s , d e s e ffe t s i r r éver sibles , en
fo n c t i o n d e l ’ i m p o r t a n c e d e s danger s prés e n t és p a r l ’ i n s t a l l a t i o n .
I Olivier Pia
J’ai lu qu’une zone mor telle est une zone
dans laquelle l’expropr iation des habitations et des entrepr ises est quasi obligatoire.
Une zone de danger s définit la zone où des
travaux de protection sont à mener par les
r iverains . Les zones de recommandation sont
les zones où les travaux sont recommandés
mais non-obligatoires .
I Jérôme Goellner
40
Il y a tout un guide qui détermine cette
d é m a r c h e e t d é fi n i t u n c a d r e d a n s l e q u e l
la concer tation peut avoir l i e u . I l n ’ y a
p a s u n e fo r m u l e u n i q u e é t a b l i e a u n i v e a u
n a t i o n a l q u e l ’ o n a p p l i q u e s a n s r é fl é c h i r.
C’est au cas par cas. Sachant que la démarche et la doctr ine choisies au niveau
n a t i o n a l d é fi n i s s e n t u n c a d r e c o n s i d é r a n t q u e , q u a n d l e r i s q u e e s t t r è s fo r t , i l
fa u t a l l e r n o r m a l e m e n t j u s q u ’ à l ’ e x p r o pr iation des per sonnes les plus proches .
Ensuite, quand on s’éloigne, dans le cas
où le r isque reste impor tant mais moindre,
on peut imaginer une procédure de délaissement. On va ver s la désu r b a n i s a t i o n
de la zone sans imposer les départs des
h a b i t a t i o n s . U n p e u p l u s l o i n , l e r e n fo r-
cement du bâti est éta bli de manière
o b l i g a t o i r e o u s i m p l e m e n t c o n s e i l l é . Par
ailleur s , il y a des mesures de limitation
des constr uctions nouvelles avec, au plus
près des installations , l’interdiction str icte
de toute constr uction. Un peu plus loin encore, on peut admettre cer tains types de
constr uctions moyennant cer taines précautions à prendre. On a donc des doctr ines
définies au niveau national mais une par t
assez large laissée à la concer tation et aux
décisions locales en fonction du contexte.
La démarche PPRT, ce n’est a bsolument pas
une doctr ine unique qui est éta blie au niveau national et que l’on a pplique bêtement, si je puis dire, sans tenir compte de
l’urbanisation existante. Les collègues des
Directions Dépar tementales des Terr itoires
examinent avec les DREAL au cas par cas la
situation de l’urbanisation existante et de la
vulnéra bilité du bâti existant pour proposer
à la concer tation différents types de mesures envisagea bles .
I Olivier Pia
L’actualité fait que l’on parle financement,
soit en matière d’expropriation, soit d’aide
accordée aux riverains des sites concer nés
par les PPRT. C’est un sujet d’actualité parce
que c’est en cours de lecture à l’Assemblée
Nationale, au Parlement. Que peut-on dire
aujourd’hui sur le financement des expropriations et des travaux engagés par les riverains ? Il y a un projet de loi qui est à l’étude,
qui sera peut-être amendé. Que pouvonsnous déjà dire sur le projet de loi ?
I Jérôme Goellner
Cela a été évoqué un peu ce matin. Le
pr incipe de financement des mesures pré -
vues par le PPR T indique d’a bord que les
travaux de réduction du r isque dans les
installations industr ielles , qui sont prescr its
par l’Etat, par l’Inspection des Installations
Classées , aux industr iels , ceux-là sont pr is
en charge par les industr iels eux-mêmes .
Comme le disait Laurent Michel, cela
représente des sommes significatives ,
i l l u s t r a n t la démarche de réduction du
r isque qui est menée. Ce n’est pas parce
qu’un PPR T n’est pas a pprouvé qu’il n’y a
pas eu une démarche lourde préala ble de
réduction du r isque dans les installations .
Ensuite, pour ce qui est des mesures du
PPR T, il y a effectivement les mesures dites
fo n c i è r e s , d ’ e x p r o p r i a t i o n o u d e d é l a i s s e m e n t . L a l o i a p r é v u u n c o fi n a n c e m e n t
tripartite par l’Etat, les industriels et les
c o l l e c t i v i t é s de ces mesures foncières . La
loi n’ayant pas défini de manière, dans
l’état actuel des choses , une clé de finan cement unique. Et ça doit donc faire l’objet
de convention financière au cas par cas .
Une des améliorations qui a été décidée et
discutée dans le cadre de la ta ble ronde
des « r isques industr iels » et qui a reçu un
assez large consensus de l’ensemble des
par ticipants , c’est que, si effectivement au
bout d’un cer tain temps , il n’y a pas de
signature de cette convention financière,
pour que ça ne s’éter nise pas , il y ait in
fine, une mesure forfaitaire qui par tagerait
en trois par ts égales ce coût des mesures
foncières . C’est un des points qui pourrait
faire l’objet de modifications législatives à
une cer taine échéance, dans le cadre de
la loi de finances pour l’année prochaine.
Il y a d’autres types de mesures sur lesquelles
la table ronde « risques industriels » a imagi -
né une amélioratio n d u d i s p o s i t i f d e fi n a ncement. C’est le ca s p a r e x e m p l e p o u r l e s
renforcements du b â t i e x i s t a n t a u x q u e l s j e
faisais allusion tout à l ’ h e u re , e n p a r t i c u l i e r
pour les ha bitation s o ù a u d é b u t l a s e u l e
disposition prévue é t a i t u n c r é d i t d ’ i m p ô t à
hauteur de 15 %. Il e s t p l a fo n n é p a r a i l l e u r s
assez for tement. La l o i G re n e l l e I I a d o p t é e
cet été, a prévu que c e t t e p a r t i c i p a t i o n d e
l’Etat à la réalisatio n d e c e s m e s u re s p a sserait à 40 %. C’es t q u e l q u e c h o s e q u i fi gure dans la loi vot é e . Pa r a i l l e u r s , l a t a b l e
ronde « r isques indu s t r i e l s » a l a rg e m e n t d é battu de la par ticip a t i o n d e s i n d u s t r i e l s e t
des collectivités à c e s m e s u re s d u re n fo rcement du bâti de s h a b i t a t i o n s e x i s t a n t e s
et a suggéré qu’il p u i s s e y a vo i r à c ô t é d e
cette par ticipation d e l ’ E t a t s o u s fo r m e d e
crédit d’impôt, une a u t re c o nve n t i o n , u n e
convention de finan c e m e n t b i p a r t i t e e n t re
les industr iels et le s c o l l e c t i v i t é s q u i p re ndraient en charge é ga l e m e n t u n e p a r t i e
de ces coûts de ren fo rc e m e n t d u b â t i p o u r
les ha bitations .
I Olivier Pia
Si je vous comprend s b i e n , c e l a s e ra i t a u s s i
une négociation au c a s p a r c a s , P P R T p a r
PPR T, cette conven t i o n b i p a r t i t e ? O u c e l a
serait inscr it dans la l o i ?
I Jérôme Goellner
Cela reste à discute r a u Pa r l e m e n t e t c e l a
a été discuté large m e n t d a n s l e c a d re d e
la ta ble ronde des « r i s q u e s i n d u s t r i e l s » .
Cela doit encore êt re d i s c u t é a u Pa r l e m e n t ,
peut-être d’ici la fi n d e l ’ a n n é e , d a n s l e
cadre de la loi de fi n a n c e s . D ’ a u t re s p e rsonnes autour de ce t t e t a b l e s ’ e x p r i m e ro n t
peut-être sur ces p ro p o s i t i o n s . E t i l y a d i f-
41
Atelier 1
f é re n t e s p o s s i b i l i t é s . C e l a p e ut être soit un
t a u x fo r fa i t a i re o u p l u s p ro b a blement une
fo u rc h e t t e à l ’ i n t é r i e u r d e l a q uelle on doit
p o u vo i r t ro u ve r u n e ma rg e d’ada ptation.
L à a u s s i l e s s i t u a t i o n s p e u ve nt être diffé re n t e s d ’ u n s i t e à l ’ a u t re .
I Olivier Pia
C h r i s t i n e G i l l o i re , vo u s ê t e s membre du
b u re a u d e l ’ a s s o c i a t i o n I l e - d e-France En v i ro n n e m e n t . Vo u s c o n n a i s sez par ticul i è re m e n t b i e n l e s u j e t d e s P PR T car vous
ê t e s , e n t re a u t re , m e m b re d e deux CLIC,
l e s C o m m i s s i o n s L o c a l e s d ’ I n for mation et
d e C o n c e r t a t i o n . J ’ a i v u q u e l’association
F ra n c e N a t u re E nv i ro n n e m e n t avait sor ti un
c o m mu n i q u é d e p re s s e , o ù e l l e dénonce le
fa i t q u e l e s h a b i t a n t s , s e l o n elle, devront
p a ye r p o u r r é a l i s e r d e s t ra va ux dans leur s
h a b i t a t i o n s , q u a n d c e t t e d e r nière se situe
d a n s u n e z o n e d e d a n g e r s . L’ a ssociation va
m ê m e p l u s l o i n , e l l e p a r l e m ême de tr iple
p e i n e . J e p r é s u m e q u e vo u s a pprouvez ce
c o m mu n i q u é s o r t i p a r F ra n c e Nature Envi ro n n e m e n t ?
I Chr istine Gilloire, Membre du bureau
de l’association Ile-de-France
Environnement
42
Pleinement. L’association que je représente
aujourd’hui c’est Ile-de-France Environnement, j’ai aussi un historique très précis en
Seine-et-Marne, sur 15 ans de CDH (Conseils
Départementaux d’Hygiène), plusieurs années
de Conseil Supérieur des Installations Classées
et de pilotage du réseau industriel de FNE. J’ai
un souvenir très précis des dernières Assises de
Douai, il y a deux ans, dont le sujet principal
portait sur les questions de financement. J’ai
e u l a s e n s a t i o n , j e l ’ a i m ê m e dit à cette
tr ibune, d’un jeu de patates chaudes où
per sonne ne voulait payer en réalité. Evi demment, on comprend parce que le sujet des PPR T et des conséquences de la loi
Bachelot sont extrêmement complexes.
J e s u i s e ffe c t i ve m e n t t r è s c o n t e n t e d u
d o s s i e r d e p r e s s e s o r t i p a r F ra n c e N a t u r e
E nv i ro n n e m e n t . J ’ e s p è r e q u ’ i l y a u ra d e s
e ffe t s p o s i t i f s e t j e va i s vo u s e x p l i q u e r u n
p e u l e c o n t e n u d e s d e ma n d e s d e F ra n c e
N a t u r e E nv i ro n n e m e n t q u e j e p a r t a g e t o talement. Ce que Jérôme Goellner vient
d e d i r e à p ro p o s d e s fa m e u x 4 0 % i s s u s d e s
p ro p o s i t i o n s G r e n e l l e , n e c o n c e r n e q u ’ u n
certain type d’habitants, c’est-à-dire les
p ro p r i é t a i r e s r é s i d a n t d a n s l e u r s h a b i t a t i o n s . M a i s é v i d e m m e n t , c e n ’ e s t p a s fo rc é m e n t l e c a s d e c h a c u n . Q u i d d e s p ro priétaires bailleurs et de ceux qui louent,
q u i n e s e ra i e n t p a s c o n c e r n é s p a r c e t t e
mesure ? Les logements sociaux, les HLM
en particulier sont très nombreux autour
d e s s i t e s S eve s o e t n e s o n t p a s c o n c e r n é s
n o n p l u s . O n vo i t b i e n l e t y p e d e p o p u l a tion que toutes ces mesures concernent.
De plus, il n’y a rien de prévu pour les entreprises situées dans les zones.
I Olivier Pia
Quelles sont les propositions que vous faites ?
I Chr istine Golloire
C’est d’élargir les fameux 40 %...
I Olivier Pia
Vous les gardez ceux-là quand même ?
I Chr istine Gilloire
Oui. Et nous demandons plus . Nous deman dons que les 60 % restants soient financés .
Notre demande est basée sur un pr incipe
de responsa bilisation. Pourquoi on par le
de tr iple peine ? Les per sonnes qui ha bitent à proximité des Seveso subissent les
nuisances au quotidien. Il y a des camions ,
des pollutions diffuses liées au fonctionne ment de ces installations , le r isque d’être
victime d’un accident grave. Et le fait de
devoir par ticiper financièrement au renforcement de leur ha bitation pour essayer de
vivre, je dirai, dans une sérénité un peu plus
grande, c’est quand même quelque chose.
Se dire « Je suis là aujourd’hui dans ma
maison. J’aime ma maison. Je suis dans ma
commune. Je suis bien. J’ai mes amis . J’ai
mes ha bitudes . Je vis là. Je suis peut-être
né là. Puis tout d’un coup pour pouvoir res ter là, il va falloir que je paye », cela paraît
totalement injuste socialement.
Le pr incipe de responsa bilisation, c’est
quoi ? Elle est parfaitement par tagée cette
responsa bilité. Les élus qui ont délivré assez souvent des per mis de constr uire sans
se poser suffisamment de questions et sont
parfois soumis à des pressions impor tantes .
Les industr iels peuvent agir sur le r isque,
c’est eux qui ont la responsa bilité. Puis ,
l’Etat a autor isé le fonctionnement des installations Seveso. Donc nous estimons que
la responsa bilisation et le financement
complémentaire des 60 % doivent être as sumés par l’industr iel et la collectivité.
I Olivier Pia
Est-ce que l’on connaît le montant moyen
des travaux à réaliser pour des r iverains qui
se seraient situés dans une zone de dan ger s ? Vous les avez estimé ces travaux ?
I Chr istine Gilloire
Oui, a bsolument. O n t ra va i l l e d a n s u n c omité de suivi des PP R T a ve c A M A R I S , l ’ a s s ociation des élus de s c o m mu n e s c o n c e r n é s .
Nous nous sommes b a s é s s u r l e u r é t u d e q u i
estime, dans cer tai n e s c o m mu n e s , l e c o û t
des travaux à 10 0 0 0 e u ro s . I l p e u t s ’ a g i r
de mesures de renfo rc e m e n t , s e l o n l e t y p e
de r isque. S’il s’ag i t d ’ u n r i s q u e d ’ e x p l o sion, il faut renforce r l e v i t ra g e , s o i t m e t t re
du tr iple vitrage, s o i t p o s e r d e s fi l m s , s o i t
renforcer le cadre, c ’ e s t - à - d i re l a s t r u c t u re
de l’installation de l a fe n ê t re d a n s l e mu r.
Pour le r isque de n u a g e t ox i q u e , i l s ’ a g i t
de prévoir dans l ’ h a b i t a t i o n u n e p i è c e
de confinement où l e s p e r s o n n e s , d è s l o r s
qu’elles sont infor m é e s d u r i s q u e o u d è s
lor s qu’elles le voie n t , p e u ve n t s e r é f u g i e r
en attendant que c e l a s e p a s s e . C e n ’ e s t
pas évident que, d a n s c h a q u e ma i s o n i l
y ait ce type de p i è c e , u n e p i è c e d e s u rvie. Concer nant le r i s q u e d ’ i n c e n d i e , c ’ e s t
moins précis dans l a m e s u re o ù i l s ’ a g i t d u
temps qu’il faut po u r s ’ e n a l l e r. C e t y p e d e
r isque pose plutôt l a q u e s t i o n d e l ’ i n fo r mation des population s . Pa rc e q u e j e m e ra p pelle des fameuses p l a q u e t t e s d i s t r i b u é e s
aux populations , je d i ra i s q u e l ’ e ffi c a c i t é
de ces plaquettes m e p a ra î t a s s e z fa i b l e .
Les gens n’entende n t p a s l e s e s s a i s d e s i rène. Quand il y a d e s e x e rc i c e s d ’ i n c e ndie de sécur ité, les p a re n t s s e p r é c i p i t e n t
dans les écoles che rc h e r l e u r s e n fa n t s . I l y
a énor mément de t ra va i l à fa i re …
I Olivier Pia
… d’infor mation et de sensibilisation. Nous
allons donner la parole à Dominique
B e c o u s e directeur technique raffinage environnement et sécur ité pour l’Union Fran-
43
Atelier 1
çaise des Industr ies Pétrolières . Il représente
aujourd’hui le monde assez large des industr iels et les industr iels par ticulièrement
c o n c e r n é s p a r l e s P P R T. C ’ e s t un sujet qu’il
c o n n a î t b i e n p u i s q u ’ i l a s s u re le suivi des
P P R T p o u r l ’ U F I P. Q u e r é p o n d ez-vous à la
d e ma n d e d e C h r i s t i n e G i l l o i re et plus larg e m e n t c e l l e d e s a s s o c i a t i o n s soit de prot e c t i o n d e l ’ e nv i ro n n e m e n t s oit des assoc i a t i o n s d e r i ve ra i n s q u i d e mandent que
l e s i n d u s t r i e l s m e t t e n t l a ma i n à la poche,
a u p o r t e - m o n n a i e p o u r fi n a n cer une par tie
d e s t ra va u x q u i s e ro n t à r é a liser dans les
z o n e s d e d a n g e r s ? S u r vo s s i tes à propre m e n t p a r l e r, vo u s i nve s t i s s e z p our les rendre
p l u s s û r s . M a i s q u ’ e n e s t - i l d es travaux à
r é a l i s e r p a r l e s r i ve ra i n s ?
I Dominique Becouse, Directeur
t e c h n i q u e r a ff i n a g e e n v i r o n n e m e n t
et sécurité pour l’UFIP
To u t d ’ a b o rd , j e t i e n s à e x c u s er Jean-Louis
S c h i l a n s ky, p r é s i d e n t d e l ’ U F IP, qui devait
ê t re i c i à ma p l a c e e t q u i s ’ é t ait fait un devo i r d ’ ê t re l à a u j o u rd ’ h u i , mais l’actualité
l u i a fi x é d ’ a u t re s p r i o r i t é s .
44
Po u r r é p o n d re à c e s q u e s t i o n s , je dirai que
l e m o n d e i n d u s t r i e l m e t d é j à la main à la
p o c h e … L e m o n d e i n d u s t r i e l met la main
à l a p o c h e d ’ u n e p a r t e n i nvestissant pour
r é d u i re l e s r i s q u e s à l a s o u rc e. On évalue
a c t u e l l e m e n t à p l u s d e 3 0 0 millions d’eu ro s l e s i nve s t i s s e m e n t s d e c e t te nature de p u i s l a p ro mu l ga t i o n d e l a l o i Bachelot. En
c e q u i c o n c e r n e l e s m e s u re s foncières , le
m o n d e i n d u s t r i e l m e t l a ma i n à la poche et
m e t t ra l a ma i n à l a p o c h e , d ans le cadre
d e s c o nve n t i o n s d e fi n a n c e m ent des PPR T,
pour par ticiper en gros à hauteur d’un
tier s , sur toutes les mesures d’expropr iation
et de délaissement. En ce qui concer ne les
travaux de renforcement du bâti, nous avi ons fait le même diagnostic :la loi Bachelot
2003 disait que les propr iétaires devaient
payer ces travaux avec une aide tout à
fait symbolique, puisque c’était 15% d’un
maximum de 10 000 euros , sous for me de
crédit d’impôt, et que le propr iétaire devait payer tout le reste. On se rendait bien
compte que c’était ina pplica ble. Et dans
les mêmes groupes de travail que Chr is tine Gilloire, nous avons aussi défendu le
pr incipe que le crédit d’impôt soit remonté
d’une par t de 15 à 40 %, et que d’autre
par t, la par ticipation soit de 40 % de 30 000
euros et non pas de 10 000. Après , il y a
le reste. Et nous avons convenu ensemble
que l’on pourrait demander effectivement
aux industr iels et aux collectivités locales
de prendre une par tie de ce complé ment. Pour l’instant, nous avons proposé
de prendre, avec les collectivités locales ,
chacun 20 %. Il restera quelque chose de
l’ordre de 20 % qui seraient à la charge des
propr iétaires , sauf si l’on trouve mieux loca lement. Si nous mettons du double vitrage,
cela va aussi a ppor ter une amélioration
de confor t, une valor isation du bien. Il nous
semble donc logique que le propr iétaire
soit un petit peu intéressé par ces travaux.
I Olivier Pia
Serge Tarassioux, vous êtes Maire de PierreBénite, ville de 10 000 ha bitants située dans
la banlieue lyonnaise. Vous êtes par ticuliè rement concer né par les PPR T avec le site
chimique d’Ar kema et le por t Édouard Her-
r iot. Qu’aur iez-vous envie de répondre à
Dominique Becouse et à Chr istine Gilloire
quant à la répar tition des frais qui reste raient à la charge des uns et des autres ?
Les collectivités , en tout cas la vôtre, seraient-elles prêtes à prendre en charge
une par tie des travaux à réaliser dans un
premier temps chez les propr iétaires pr ivés ,
mais peut-être élargir ensuite ver s les pro pr iétaires bailleur s ?
I S e r g e Ta r a s s i o u x , M a i r e d e P i e r r e Bénite et membre de l’association
AMARIS
Cela ferait une quadr uple peine pour les
ha bitants , parce que, aux trois que vous
avez ajouté, j’ajouterai les impôts locaux
qui seraient plus impor tants . Je plaisante
bien évidemment ! Je pense que la loi
Bachelot a prévu qu’il y ait une convention tr ipar tite entre l’Etat, l’industr iel et les
collectivités locales pour les mesures que
j’a ppelle d’urbanisme négatif, c’est-à-dire
d’expropr iation et de délaissement. Elle
n’a pas inclus ce que j’a ppelle l’urbanisme
positif, c’est-à-dire l’ada ptation du bâti à
la situation qui est posée. Il me semble qu’il
faut regarder les coûts globaux.
Et puis il y a tout ce qui n’est pas en core prévu, on a par lé des locataires , des
bailleur s sociaux. Ne sont pas prévus les
entrepr ises , les équipements publics des
collectivités locales . Dans le pér imètre de
notre PPR T, il y a la mair ie, l’annexe de la
mair ie, des écoles , une salle de spectacle
etc. Nous venons de faire des travaux pour
constr uire une annexe de la mair ie, j’ai 40
000 euros prévus en plus pour anticiper les
travaux à venir. Pour le moment, nous les
payons seul. Cela va m ê m e p l u s l o i n , p a rc e
qu’on a créé une s a l l e d e r é u n i o n d o n t o n
n’a pas besoin, po u r p o u vo i r fa i re l a s a l l e
de confinement. D o n c j e p r é f è re u n e a p proche globale de l ’ e n s e m b l e d e s c o û t s
qui me semblerait p l u s j u s t e a u s e i n d e l a
convention.
I Olivier Pia
Vous évoquez l’école, peut-être une crèche,
un hôpital ou une maison de retraite, situés
dans une zone de danger s en ce qui vous
concer ne. Qui devrait prendre en charge
les travaux de rénovation à vos yeux ?
I Serge Tarassioux
C’est compliqué à faire… Par exemple, il y
a des entrepr ises qui sont en grande difficulté et si on leur demande plus de financement, elles vont par tir. Il faut réfléchir à
cette accepta bilité. Il y a d’autres entrepr ises comme Ar kema à Pierre-Bénite qui
font des bénéfices et qui ont les moyens
de pouvoir investir. Il me semble que cela
devrait relever de la solidar ité de l’agglomération et nationale. Ce qui est fa br iqué
à Pierre-Bénite ser t à l’ensemble des ha bitants de notre pays . Après , que les collectivités locales puissent payer, elles le payent
déjà dans les travaux sur leur s bâtiments ,
dans le fait que les projets soient retardés ,
dans le fait qu’on a des contraintes terr ibles
parce que dans le centre-ville notamment
on ne peut pas détr uire pour reconstr uire
et ça coûte plus cher de réha biliter que de
reconstr uire…
I Olivier Pia
Si vous voulez bien, nous allons voir quelques
images de Pierre-Bénite. Une première photo
45
Atelier 1
nous permet de comprendre la notion de
PPRT chez vous. Quel est le périmètre concerné en ce qui concerne votre commune ?
I Ser ge Tarassioux
O n vo i t b i e n q u ’ h i s t o r i q u e m ent la ville et
l ’ u s i n e s e s o n t d é ve l o p p é e s de manière
c o n c o m i t a n t e . O n vo i t l ’ u s i n e dans le fond
e t d eva n t l e b â t i m e n t ro u g e , c’est la mai r i e . J u s t e à c ô t é s e t ro u ve n t l es écoles . La
s a l l e j a u n e , c ’ e s t l a s a l l e d e spectacle.
O n vo i t b i e n q u e l ’ o n e s t e n plein frotte m e n t . J e c ro i s q u e l ’ o n d eva nce peut-être
d ’ a u tre s c o m mu n e s .
I Olivier Pia
O n va vo i r a u s s i u n e a u t re photo qui va
n o u s m o n t re r p l u s l ’ e nv i ro n n e ment.
I Ser ge Tarassioux
L à , c ’ e s t e n fa c e d e l a p h o t o qu’on a vue
t o u t à l ’ h e u re .
I Olivier Pia
U n e t ro i s i è m e p h o t o o ù l ’ o n voit le site.
N o u s vo yo n s q u ’ i l y a p a s b e a u c o u p d e
l o g e m e n t s s o c i a u x s u r vo t r e t e r r i t o i r e .
I Ser ge Tarassioux
C ’ e s t l ’ a u t re p a r t i e q u i e s t p r è s de l’usine. Il
y a à l a fo i s l e c e n t re v i l l e e t p uis le quar tier
d e l o g e m e n t s s o c i a u x p o u r l equel il n’y a
p a s d e fi n a n c e m e n t d e p r é v u .
I Olivier Pia
46
Vo i l à l ’ u s i n e . Q u e l e s t l e p é r imètre de la
z o n e d o n t n o u s p a r l i o n s t o u t à l’heure qui
c o n c e r n e vo t re c o m mu n e , l a zone mor telle
et la zone de danger ?
I Ser ge Tarassioux
Cela va évoluer, mais pour le moment l’ensemble du centre-ville est concer né par
des mesures soit d’expropr iation (pour le
moment 280 logements), soit de travaux.
Ce qui est a bsurde, c’est que l’on sait que
ces pér imètres vont baisser soit par la pr ise
en compte d’une étude en trois dimensions
par l’Etat, soit par le confinement de l’ate lier en question. Si l’on compare d’un point
de vue économique, aujourd’hui on aurait
120 millions de mesures foncières contre
20 millions de travaux de confinement.
Le choix est évident pour tout le monde,
sauf que pour des raisons de discussions ,
d’échanges et d’anticipation des batailles
financières qui vont avoir lieu, tout est dans
l’attente, sur tout les projets de la ville…
Le projet de rénovation du centre-ville,
par exemple, est bloqué parce que nous
sommes
sous
contraintes . Aujourd’hui
nous avons un projet mais nous avons de
grandes difficultés à le mettre en œuvre.
L’Etat vient de me refuser l’extension d’un
par king de 25 places , alor s qu’il ne s’agit
pas d’un ajout mais d’un remplacement de
places que nous avions enlevées ailleur s .
Un per mis de constr uire pour un commerce
en plein cœur du centre-ville vient aussi de
nous être refusé. C’est complètement incoh é r e n t p o u r l e s h a b i t a n t s . L e s p ro j e t s d e s
particuliers sont aussi bloqués. Il y a des
r iverain qui veulent faire des travaux ou qui
veulent vendre. Pour autant, nous savons
que les pér imètres seront réduits .
Il y a une autre incohérence avec l’autoroute
A7 : elle passe de l’autre côté de l’usine et
elle génère beaucoup de trafic l’été. Ces
usagers doivent passer à côté de nous…
Der nière incohérence, je viens d’a pprendre
qu’il y a une fuite de gaz en plein cœur du
centre-ville. Depuis la pr ivatisation de GDF,
il n’y a plus d’entretien systématique des
réseaux et nous n’avons plus la car te des
réseaux. Par conséquent, quand nous fai sons des travaux, nous avons régulièrement,
tous les mois ou tous les deux mois des accidents . Pour les r iverains , c’est compliqué
de subir des contraintes tout en disant, il y
a l’autoroute, il y a ces problèmes-là. C’est
très difficile à comprendre.
I Olivier Pia
Je présume que vous attendez finalement
avec impatience que l’on revoit peut-être
le pér imètre de ce PPR T et que les négociations , les concer tations reprennent très
ra pidement ?
I Ser ge Tarassioux
Oui, et que l’on réfléchisse peut-être de
manière un peu plus globale. J’en par lais
sur le financement. J’en par le aussi sur le
projet urbain. Aujourd’hui on analyse des
situations parcelle par parcelle. Je ne sou haite pas qu’il n’y ait plus d’ha bitants dans
le centre-ville. Par contre, pour pouvoir le
rénover, pour pouvoir faire en sor te que la
ville bouge, il y a des endroits où il faut faire
des constr uctions nouvelles ou il faut peutêtre rajouter des ha bitants . Si on réfléchit à
l a p a r c e l l e , e t c ’ e s t c e q u e fo n t l e s s e rvices de l’Etat aujourd’hui, on nous int e r d i t t o u t . Nous avons proposé depuis des
années , un projet global sur le centre-ville
qui per met de dire que l’on va déplacer
le centre de gravité de la commune pour
l’éloigner petit à petit en faisant en sor te
que l’on prenne en compte l’avis des gens .
Penser de manière p l u s g l o b a l e , c ’ e s t r é fl é chir aussi à la qual i t é d e v i e d e s h a b i t a n t s
parce que dans les n u i s a n c e s , vo u s p a r l i e z
de la pollution, ma i s q u a n d o n e s t d a n s
une ville qui ne peu t p a s s e r é n ove r, q u a n d
les bâtiments publi c s n e p e u ve n t p a s b o u ger, on subit une p e i n e s u p p l é m e n t a i re .
J’a ppelle à un dial o g u e q u i r é fl é c h i s s e d e
manière plus glob a l e . Te r r i t o r i a l i s e r, c ’ e s t
l’espr it de la loi. En c o re fa u t - i l a r r i ve r à l e
mettre en œuvre d a n s l a r é a l i t é .
I Olivier Pia
Est-ce que vous ne re m e t t e z p a s e n c a u s e ,
quelque par t, le mo d e d e c a l c u l d u r i s q u e
qui a été mis en p l a c e d a n s vo t re c o mmune ?
I Ser ge Tarassioux
Je vous propose d e u x r é fl e x i o n s . L a p remière réflexion s’in s p i re d u b o n s e n s d e s
ha bitants .
Cer tain s
r i ve ra i n s
habitent
Pierre-Bénite depui s d e s a n n é e s e t t o u t l e
monde sait que la s é c u r i t é s ’ e s t a m é l i o r é e .
L’entrepr ise a inve s t i d e s m i l l i o n s c h a q u e
année. Les r iverain s q u i y t ra va i l l e n t l e
voient bien. Et ils on t d u ma l à c o m p re n d re
que nous allons a vo i r e n c o re p l u s d e
contraintes qu’avan t , a l o r s q u e l a s i t u a t i o n
s’est améliorée et q u e l e s r i s q u e s à l ’ i n t ér ieur de l’usine ont d i m i n u é . M a d e u x i è m e
réflexion est que la d i re c t i o n d ’ e n t re p r i s e
et les représentants d e s s a l a r i é s s o n t d ’ a ccord. J’ai tendance à l e s c ro i re p a rc e q u e
cela n’arr ive p a s s o u v e n t . Q u a n d i l s n o u s
disent que, sur l’atelier en question, qui
est le plus impactant pour la ville, la probabilité qu’il y ait un accident est très
fa i b l e m a i s q u ’ i l s v e u l e n t b i e n fa i r e l e s
t r a va u x d e c o n fi n e m e n t m ê m e s ’ i l s n ’ e n
47
Atelier 1
voient pas bien l’utilité, je p e n s e q u ’ i l y
a aussi besoin de réfléchir g l o b a l e m e n t ,
en se posant la question de l’acceptab i l i t é d e s r i s q u e s e t l a q u e s t ion de l’intér ê t é c o n o m i q u e . N ’ o u b l i o n s pas que l’on
e s t s u r d e s p ro d u c t i o n s q u i vont peut-être
s ’ a r r ê t e r s o u s p e u , e n fo n c t i o n de la renta b i l i t é d e t e l o u t e l e n d ro i t . J ’ aimerais que
l ’ o n p u i s s e p a s s e r d ’ u n e v i s i on « parcelle
p a r p a rc e l l e » à u n e v i s i o n p l u s globale qui
p re n d e n c o m p t e l a c o e x i s t e nce du déve l o p p e m e n t u r b a i n e t d u d é veloppement
é c o n o m i q u e . E t i l m e s e m b l e que c’est
possible.
I Olivier Pia
P h i l i p p e L a l a r t , vo u s ê t e s l e patron de la
D i re c t i o n D é p a r t e m e n t a l e d e s Terr itoires et
d e l a M e r d u N o rd . S u r c o m bien de PPR T
t ra va i l l e z - vo u s s u r vo t re t e r r i t oire et avec
vo s é q u i p e s ?
I Philippe Lalar t, Directeur de la DDTM
du Nord
Sur le dépar tement du Nord, nous avons
16 PPRT prescrits, soit des PPRT sur une
entrepr ise, soit des multi-sites . Cela va
de l’entreprise isolée à la zone industr ielle de Dunkerque, avec un multi-site
assez compliqué. Aujourd’hui trois PPRT
sont a pprouvés , quatre de plus seront
a p p ro u v é s d ’ i c i l a fi n d e l ’ a n n é e . N o u s
e s p é ro n s e n a p p ro u ve r 1 5 a va n t l a fi n
2011 sur les 16 prescrits.
I Olivier Pia
48
Vo u s a ve z à c ô t é d e vo u s u n ma i r e q u i e x prime un certain nombre de regrets par
ra p p o r t à l a m i s e e n p l a c e d e c e s P P R T,
qui connaît des soucis, des blocages.
Ave z - vo u s r e n c o n t r é l e s m ê m e s c a s s u r
vo t r e t e r r i t o i r e ?
I Philippe Lalar t
O u i . J e d i ra i s q u e c e t e x e m p l e e s t r e p r é s e n t a t i f. S i l ’ o n fa i t l e p a ra l l è l e a ve c l e s
a u t r e s r i s q u e s q u e l a D D T M t ra i t e , à s a vo i r l e s r i s q u e s n a t u r e l s , t e c h n o l o g i q u e s
e t m i n i e r s , n o u s i n t e r ve n o n s s u r l a p r i s e
en compte de l’enjeu quand l’aléa est
c o n n u . L a d i ffi c u l t é d u r i s q u e t e c h n o l o gique, on l’a vu, c’est que l’aléa n’est
p a s fi g é . C ’ e s t u n a l é a q u i e s t « n é g o c i é »
a ve c l ’ i n d u s t r i e l , c ’ e s t - à - d i r e q u e l ’ i n d u s t r i e l fa i t s e s p r e m i e r s e ffo r t s p o u r g é r e r l e
risque au sein de son installation. Ensuite,
i l p e u t y a vo i r d e s é vo l u t i o n s . J ’ a i e n t e n d u
tout à l’heure par le Monsieur de Mazing a r b e , q u ’ a u d é b u t t o u t é t a i t r e c o u ve r t ,
e t à l a fi n o n e s t r e n t r é à l ’ i n t é r i e u r d e
l’activité, de l’entreprise. C’est quelque
p a r t l ’ u n e d e s d i ffi c u l t é s q u e n o u s a vo n s ,
c ’ e s t - à - d i r e q u a n d o n c o m m e n c e à a vo i r
des études d’aléas, on doit commencer la
c o n c e r t a t i o n , o n d o i t c o m m e n c e r l e p a rt e n a r i a t , e t t o u t e l a d i ffi c u l t é c ’ e s t q u e
c e l a n e fo n c t i o n n e q u e s i l e p a r t e n a r i a t
c o m p l e t fo n c t i o n n e , e n t r e l ’ i n d u s t r i e l , l e s
r i ve ra i n s e t o r g a n i s m e s a s s o c i é e s , l a C L I C
e t c . C ’ e s t t o u t u n t ra va i l d e c o n c e r t a t i o n ,
d ’ i n fo r ma t i o n , d e p r i s e d e c o n s c i e n c e d u
r i s q u e , e t c e n ’ e s t p a s fa c i l e p o u r l ’ h a bitant de comprendre que c’est au mom e n t o ù l ’ i n d u s t r i e fa i t d e s e ffo r t s p o u r
gérer son risque, que l’on vient en plus
c r é e r u n e c o n t ra i n t e q u i n ’ e x i s t a i t p a s o u
p e u a va n t . Ava n t , l e s c h o s e s é t a i e n t b i e n
d é l i m i t é e s a ve c d e s z o n e s Z 1 , Z 2 , r e p r é s e n t é e s p a r d e s c e rc l e s . C ’ é t a i t fa c i l e à
comprendre. Maintenant les choses sont
c o m p l i q u é e s . Pa r e x e m p l e , i l fa u t p r e n d r e
en compte les cinétiques lentes, les cinét i q u e s ra p i d e s , l e s e n d ro i t s o ù i l e s t p o s s i b l e d ’ é va c u e r l a p o p u l a t i o n , l e s e n d ro i t s
o ù i l n e fa u t p l u s c o n s t r u i r e , l e s e n d ro i t s o ù
o n va fa i r e d u d é l a i s s e m e n t . To u t c e l a s e
négocie au fur et à mesure. Ce n’est pas
p o u r r i e n q u e l e s P P R T a p p ro u v é s d a n s l e
Nord sont ceux des petites entreprises assez isolées où il y a peu d’urbains. A mon
a v i s , l e P P R T, l e p l u s c o m p l i q u é , c e l u i d e
D u n k e r q u e , n e s o r t i ra p a s a va n t 2 0 1 2 . I l
est au milieu d’une zone urbanisée un village complètement au milieu des zones
de risque.
I Olivier Pia
Nous avons bien compr is , depuis ce matin,
qu’il y avait énor mément de concer tation
et d’échange. Néanmoins , sur le terrain,
est-ce que vous ressentez des points de
fr iction avec les élus , avec les citoyens ,
avec les industr iels ? Quels sont ces pr inci paux points de fr iction ?
I Philippe Lalar t
Les élus ont des projets de développement de leur collectivité. Quand nous
venons ajouter des zones de contraintes ,
a l o r s q u e n o u s a vo n s q u e l e s z o n e s d e
r i s q u e é vo l u e n t , i l p e u t y a vo i r u n p o i n t
de fr iction. Au dépar t, nous bloquons
beaucoup de choses en se disant aux
é l u s d e n e p a s s ’ e n fa i r e , q u e l a g e s t i o n
du r isque sera plus claire et que celuic i va d i m i n u e r. M a i s c o m m e n t e x p l i q u e r
à u n e c o l l e c t i v i t é q u ’ i l fa u t q u ’ e l l e r e tarde ses projets parce que nous attend o n s u n e é t u d e va l i d é e ? C e n ’ e s t p a s
t o u j o u r s fa c i l e .
Po u r l e s h a b i t a n t s , c ’ e s t e x a c t e m e n t c e
q u e n o u s a vo n s e n t e n d u . I l s n e s e s e n t e n t p a s r e s p o n s a b l e s d u r i s q u e , p o u rtant ils doivent suppor ter les frais d’amén a g e m e n t , vo i r e l ’ e x p r o p r i a t i o n . U n P P R T
réussi qui marche, c’est un PPRT compr is
et a pprouvé par l’ensemble des acteur s .
Cela prend du temps . Dans l’organisation de l’Etat, la DDTM inter vient parce
qu’elle a en charge les projets d’urbanisme, les contacts avec les collectivités et l’accompagnement de celles-ci
sur leur s projets d’aménagement. Nous
a vo n s l ’ h a b i t u d e d e c e t t e c o n c e r t a t i o n
avec les ha bitants et avec les collectivit é s . N o u s fa i s o n s l ’ i n t e r fa c e s u r l ’ a s p e c t
technique de spécialistes, d’experts de
la DREAL qui gèrent avec l’industr iel le
risque lui-même. Nous co-animons et
co-pilotons l’aspect concer tation avec
la DREAL. La partie enjeu, analyse des
projets , accompagnement de la collect i v i t é d a n s l ’ é vo l u t i o n d e s o n p r o j e t d e
d é v e l o p p e m e n t , c e n ’ e s t p l u s t o u t à fa i t
inclus dans la démarche du PPRT mais
c’est nécessaire pour trouver des solutions , des compromis et quelque par t sur
le bon choix.
I Olivier Pia
Nous allons donner l a p a ro l e à n o t re d e rnier inter venant, Pe t e r F r i j n s . Ave c l u i , n o u s
allons nous penche r s u r l a fa ç o n d o n t l e s
sites industr iels son t g é r é s a u x Pa y s - B a s e t
notamment sur cet t e p ro b l é ma t i q u e d e l a
maîtr ise de l’urban i s a t i o n . Pe t e r F r i j n s t ra vaille au sein du Min i s t è re d u L o g e m e n t , d e
l’Aménagement du Te r r i t o i re e t d e l ’ E nv i ronnement des Pay s - B a s . E x i s t e - t - i l , c o m m e
en France, ce que n o u s a p p e l o n s c h e z
49
Atelier 1
n o u s l e s P P R T, d e s P l a n s d e P r évention des
Risques industriels ?
I Monsieur Peter Fr ijns , Ministère du
Logement, de l’Aménagement du Territoire
et de l’Environnement (Pays-Bas)
50
E s t - c e q u e n o u s a vo n s d e s instr uments
c o m m e l e s P P R T ? N o n . M a i s je pense que
n o u s s o m m e s c o n f ro n t é s a u x mêmes défi s . L a s é c u r i t é c o m m e n c e a u niveau de
l ’ u s i n e , a ve c d e s i n s t a l l a t i o n s et des opéra t i o n s s û re s , c o m m e n o u s l ’ a vo ns déjà ment i o n n é . N o u s a p p e l o n s c e l a l e « State of the
A r t » . Dans notre système, l’autorisation environnementale est un endroit où vous pouvez
mettre en place ce « State of the Art » (les
r è g l e s d e l ’ a r t ) . B i e n s û r, n o u s devons gére r c e r i s q u e . A p r è s a vo i r r é u s si à atteindre
c e n i ve a u « S t a t e o f t h e A r t », nous choi s i s s o n s d ’ a j u s t e r l e s l o i s e x i s t antes , les lois
q u i é t a i e n t d é j à u t i l i s é e s p o u r les nuisances
s o n o re s e t p o u r l a p o l l u t i o n de l’air. Aussi,
j ’ a i b e a u c o u p d e re s p e c t p o ur votre pays
q u i a c e t t e a p p ro c h e g l o b a l e via les PPR T.
N o u s a vo n s c o m m e n c é p l u s « petit », en
a j u s t a n t n o t re l o i e nv i ro n n e mentale exis t a n t e . N o u s a vo n s c o n s t r u i t et développé
u n c a n eva s q u e l e s a u t o r i t é s locales comp é t e n t e s p e u ve n t u t i l i s e r. C e cadre peut
ê t re a d a p t é s e l o n l e s b e s o i n s et est régul i è re m e n t a c t u a l i s é . L e s n o u ve lles décisions
q u i d o i ve n t ê t re p r i s e s s ’ a d a ptent à notre
connaissance des risques.
B i e n s û r, n o u s c o n n a i s s o n s quelques an c i e n s c o n fl i t s , d e s e n d ro i t s q u i ne sont pas
p a r fai t s , q u i d o i ve n t ê t re rev u s . On ne peut
p a s e m p ê c h e r c e l a . E n g é n éral, au final,
n o u s d evo n s p re n d re d e s m e s ures complé m e n t a i re s . C e s m e s u re s , l e plus souvent,
s o n t t ro u v é e s d a n s l ’ u s i n e p ar l’industr iel.
Les industr iels doivent financer beaucoup
de choses . Nous avons un système dans
notre loi qui per met de réser ver un cer tain
espace pour les projets de l’industr iel, qui
freine l’urbanisation d’une par tie du pays ,
spécialement dans les por ts , à Rotterdam
ou à Amsterdam par exemple.
Cela évite qu’un industr iel déjà installé ne
soit forcé à déménager à cause des ha bitations qui s’a pprocheraient de plus en
plus . Nous n’avons pas de PPR T mais nous
exerçons une préemption dans nos plans
régionaux d’urbanisation.
I Olivier Pia
Est-ce qu’aux Pays-Bas , on est tenu d’in demniser ? Est-ce qu’il y a d’a bord des
travaux obligatoires dans cer tain es zones
proches des sites industr iels à r isq ue ? Estce que les par ticulier s sont tenus de réaliser des travaux dans leur s ha bitations ? Si
oui, qui les finance ?
I Peter Fr ijns
Nor malement, quand le r isque est trop élevé, les industr iels doivent d’a bord rechercher les mesures à prendre. Comme je l’ai
indiqué précédemment, l’industr ie et ses
activités doivent être en confor mité avec
le « state of the Ar t ». Nous avons un long
histor ique et nous avons pu faire évoluer
de nombreuses législations . Cela fait 25
ans que nous travaillons sur le sujet, il n’y
a plus tellement d’énor mes conflits . Mais
lor squ’il y en a un, nous regardons l’usine
en premier. Est-ce qu’ils sont en confor mité
avec le « state of the ar t » ? Et même s’ils
le sont, est-ce qu’il ne serait pas possible
de trouver des mesures pour aller encore
plus loin ? Cette par tie au delà du « state
of the ar t » s’a ppelle l’assainissement. Elle
peut être compensée en bout de cour se
par le gouver nement.
Mais si vous par lez de détr uire des maisons
existantes , ça devient plus compliqué. Cela
a déjà dit ici, vous vous retrouvez face à
une combinaison d’assainissement et d’in vestissement - Du fait qu’il soit possible que
la destr uction de ces maisons augmente la
valeur du site industr iel, car cet espace
supplémentaire offre l’oppor tunité de
développer de nouvelles activités indus tr ielles . Dans ce cas , vous êtes confronté à
un process très compliqué avec des négo ciations complexes sur qui doit financer et
comment.
Ce que j’a pprécie le plus à propos des PPRT,
c’est qu’ils donnent une stratégie régionale.
Je pense que c’est une bonne chose. Nous
essayons de faire cela aux Pays-Bas , mais
les choses sont très différentes et difficiles .
Ce que j’aime dans l’a pproche hollandaise,
c’est que nous commençons petit et nous
essayons de faire évoluer un système déjà
existant. Ainsi, les changements sont déjà
en place pour les prochaines décisions .
Nous prévenons ainsi l’émergence de nouveaux problèmes et nous essayons de faire
cela en étant le moins intr usif possible.
Q uestions de la salle
I Pierre Dequet, Ecole des Mines de
Par is
Je ne vais pas vous poser une question
sur les r isques technologiques mais sur les
r isques inondation qui peuvent induire des
r isques technologiques en sachant qu’il y
a 13 000 communes et 300 agglomérations
touchées par les r isques inondation. J’ai
entendu par ler d’u n n o u ve a u s e r v i c e , l e
ser vice central d’hy d ro m é t é o ro l o g i e d ’ a p pui à la prévention a u x i n o n d a t i o n s . J ’ a i merais que l’on m’ e x p l i q u e l e fo n c t i o n n ement de ce nouvea u s e r v i c e .
I Jérôme Goellner
Le SCHAPI est un se r v i c e d e l a D G P R e t q u i
est localisé à Toulo u s e . I l fa i t d e l a p r é v i sion, c’est le Météo F ra n c e d e l ’ i n o n d a t i o n .
Il s’agit d’un ser vic e d e l ’ E t a t q u i a s s u re l a
prévision du r isque i n o n d a t i o n .
Vo u s s a v e z q u e l ’ i n o n d a t i o n , d a n s l e
temps, se constatait plus qu’elle ne
s e p r é vo ya i t . L’ o b j e c t i f e s t d e fa i r e e n
sor te que l’inondation puisse se prévoir
à l ’ a va n c e , n o t a m m e n t s u r l a b a s e d e
données météo et de modèles de calcul,
d e fa ç o n à c e q u e l ’ o n p u i s s e i n t e r v e nir en temps et en heure, et avant que
l’eau n’arr ive, dans la mesure du poss i b l e . L’ o b j e t d u t r a v a i l d u S C H A P I e s t d e
d é fi n i r l a d o c t r i n e , d e d é fi n i r l e s m o d è l e s
au niveau national, sachant qu’il existe
dans chaque bassin un ser vice de prévision des crues. Ce n’est plus une constatation des cr ues mais un ser vice de prévision des crues, un ser vice de l’Etat assuré
soit par la DREAL, soit par une direction
départementale.
Donc le SCHAPI o rga n i s e c e l a . L’ E t a t e s saie donc de s’occ u p e r d e l a p r é ve n t i o n
du r isque inondatio n e t d e s e s é ve n t u e l l e s
conséquences , y co m p r i s b i e n s û r s u r l ’ a c t ivité industr ielle. Ce l a fa i t p a r t i e d e s é t u d e s
de danger s : les ind u s t r i e l s , p a s s i m p l e m e n t
les sites Seveso ma i s t o u t e a c t i v i t é i n d u s tr ielle soumise à au t o r i s a t i o n , d o i ve n t t e n i r
51
Atelier 1
c o m p t e d e s é ve n t u e l s r i s q u e s inondations
dans leurs études de dangers.
B i e n s û r, o n n ’ i m p l a n t e p a s d’industr iel
e n z o n e i n o n d a b l e , ma i s i l y a des install a t i o n s i n d u s t r i e l l e s q u i s o n t en zone inon d a b l e , e t p u i s i l y a a u s s i d e s installations
i n d u s t r i e l l e s , q u i p a r n a t u re , ( je pense aux
p o r t s ) s o n t q u a n d m ê m e a u b ord de l’eau,
e t q u ’ o n p e u t d i ffi c i l e m e n t mettre ailleur s
q u ’ a u b o rd d e l ’ e a u , e t d a n s l esquels il faut
p re n d re l e s p r é c a u t i o n s a d h oc, y compr is
e n c a s d ’ i n o n d a t i o n , ma i s a u s si qu’on peut
en cas de séisme etc.
I l y a q u a n d m ê m e d e s t e c h n i ques pour as s u re r l a p r é ve n t i o n d e s r i s q u e s inondation,
à c o m m e n c e r p a r m e t t re d e s stockages de
p ro d u i t s t ox i q u e s h o r s d ’ e a u ; et puis il y
a a u s s i t o u t u n e n s e m b l e d e plans d’interve n t i o n . C ’ e s t s û re m e n t a u s si perfectible
y c o m p r i s d a n s l e m o n d e i n dustr iel, mais
c’est pris en compte.
I Monsieur Giannocarro, Directeur de
l’Institut des Risques Majeur s
(Grenoble)
52
L’inter vention des Pays-Bas est intéressante
puisque l’on voit très clairement, et également dans l’histor ique dans la prise en
compte des r isques en France dont l’urbanisme, des pratiques de pr ise en compte du
r isque technologique hor s procédure PPR.
La question que je pose aujourd’hui à l’ensemble des inter venants , c’est qu’on le sait,
on a d’une par t les installations fixes, mais
on a des gares de tr iages , et prochainement à cour t ter me se posent les problématiques de la canalisation et de leur prise en
c o m p t e d a n s l e s d o c u m e n t s d’urbanisme,
a ve c l e s e n j e u x q u e c e l a va occasionner
pour les collectivités ; et là on ne va plus
être à 900 communes concer nées . Quand
on connaît les kilomètres qu’il peut y avoir
en ter mes de canalisations qui vieillissent,
cela a été signalé je crois dans la mati née. Quelle pr ise en compte des r isques
hor s procédure PPR ? Et l’enjeu c’est, ne
faut-il pas inventer une procédure ra pide
pouvant identifier les bonnes pratiques de
pr ise en compte de ces r isques hor s pro cédure PPR directement dans les documents d’urbanisme, au regard des bonnes
pratiques qu’on a dans cer tains dépar te ments en France, sur la problématique du
r isque naturel (Savoie, Haute-Savoie, Isère)
qui per mettent for t de car tes des aléas , de
pouvoir intégrer dans l e s d o c u m e n t s d ’ u rbanisme (il y a une circulaire de 2004
qui existe pour la problématique r isque
n a t u r e l ) ces éléments de connaissance ;
sur tout que c’est encore plus compliqué
que le r isque naturel. Quid de la pr ise en
compte des r isques technologiques hor s
procédure PPR ? Je par le de façon élargie,
hor s installation fixe.
I Philippe Lalar t
Dans le dépar tement du Nord, nous avons
éta bli des doctr ines de pr ise en compte du
r isque dans les documents d’urbanisme et
même sans document d’urbanisme, dans
l’a pplication du droit des sols pour les
r isques naturels , les r isques inondation, les
r isques de r uissellement etc. Nous sommes
en train de réfléchir à ce que l’on peut
mettre en place dans les secteur s du type
des gares de tr iages . Il y en a une qui n’est
pas loin dont on par le régulièrement juste ment. C’est ce que je disais tout à l’heure,
la difficulté, c’est que quand on a connais -
sance du r isque, on doit le prendre en
compte dans l’urbanisme.
Sur les r isques technologiques , aussitôt que
l’on a connaissance du r isque et avant de
prescr ire le PPR, il faut concer ter, il faut in for mer. Et c’est dans cette pér iode-là alor s
que l’on ne peut pas arrêter le temps et où
il y a des tas de gens qui en profitent pour
déposer un per mis au der nier moment pour
essayer de lutter contre l’avancement du
temps et avoir des autor isations avant que
l’on commence à mettre des contraintes .
On a toujour s ce problème-là. Et nous , ain si que les élus , nous sommes demandeur s
de doctr ines qui per mettent de gérer les
petites pér iodes transitoires , qu’il y ait un
PPR T prescr it ou non prescr it, et qu’il y ait
une installation identifiée ou non, on ne
sera pas dans les mêmes sujets .
Sur les infrastr uctures , transpor t de ma tières dangereuses , tout ceci est en cour s
de réflexion. On y viendra ra pidement.
I Jérôme Goellner
La démarche consistant à prendre en
compte les r isques dits technologiques di ver s dans l’urbanisme, elle n’est pas nouvelle, elle existe et elle est actée dans le
code de l’urbanisme. C’est notamment
l’ar ticle R 111-2, qui dit clairement que
le maire, responsa ble en matière d’urbanisme, qu’il doit prendre en compte les dif férents types de r isques dans les décisions
qu’il prend en matière d’urbanisme. L’Etat,
lui, a l’obligation de four nir aux maires les
éléments dont il dispose en matière de
connaissance des r isques . Cela, c’est la dé marche nor male. C’est celle qui s’a pplique
en dehor s des PPR T où la démarche est un
peu l’inver se puisque là c’est le préfet qui
reprend le relais . M a i s c ’ e s t l a d é ma rc h e
qui s’a pplique de ma n i è re h a b i t u e l l e e n
matière de canalis a t i o n d e t ra n s p o r t , e n
matière d’installati o n i n d u s t r i e l l e n o n - S e veso seuil haut, pou r l e s q u e l l e s i l n ’ y a p a s
de PPR T, mais ça n e ve u t p a s d i re q u e o n
ne s’occupe pas du r i s q u e .
Pour les canalisatio n s d e t ra n s p o r t , i l y a
maintenant de ma n i è re s y s t é ma t i q u e , d e s
por tées à connais s a n c e p a r l ’ E t a t d e s
r isques présentés p a r c e s c a n a l i s a t i o n s d e
transpor t tels qu’ils o n t é t é é t u d i é s p a r l e s
exploitants de ces c a n a l i s a t i o n s d a n s l e s
études de sécur ité – c e l a rev i e n t a u x é t u d e s
de danger s . Ces po r t é s à c o n n a i s s a n c e s e
font en a pplication d e l a r é g l e m e n t a t i o n .
Il y a une plus gra n d e l a t i t u d e p o u r l e s
collectivités sur la ma n i è re d e p re n d re e n
compte ces r isques .
L’Etat donne des c o n s e i l s d a n s c e s p o rtés à connaissanc e , i l i n d i q u e q u e c e
n’est pas raisonna b l e d e c o n s t r u i re d e s
éta blissements receva n t d u p u b l i c à t ro i s
mètres d’une can a l i s a t i o n d e t ra n s p o r t .
Mais évidemment, c ’ e s t à l a c o l l e c t i v i t é d e
prendre cela en c o m p t e s e l o n l e s c a ra ctér istiques dans les q u e l l e s e l l e e s t . I l n ’ e s t
pas raisonna ble d’i n t e rd i re d e c o n s t r u i re à
côté d’une canalis a t i o n d e t ra n s p o r t . Pa r
exemple, il y a des c a n a l i s a t i o n s d e t ra n s por t d’hydrocarbure s q u i l o n g e n t l a S e i n e
à Par is . On n’interd i t p a s d e c o n s t r u i re a u
bord de la Seine à Pa r i s . D ’ u n a u t re c ô t é
dans une commun e r u ra l e o ù i l y a u n e
canalisation de tra n s p o r t , i l e s t b o n q u e l e
maire sache qu’il y a u n e c a n a l i s a t i o n l à
et qu’il y a des r isq u e s . Q u a n d i l a l e c h o i x ,
plutôt que de cons t r u i re u n n o u ve a u l o t i s sement au dessus d e c e t t e c a n a l i s a t i o n , i l
est mieux de le me t t re a i l l e u r s .
53
Atelier 1
I S e r g e Ta r a s s i o u x
J ’ e n t e n d s c e q u i e s t d i t e t j ’ a i m e ra i s b i e n
ê t r e d a n s c e p a y s - l à , p a rc e q u e l a l o i B a c h e l o t i n t ro d u i t u n t ro i s i è m e l a r ro n e n t r e
l’Etat et l’industriel, c’est la collectivité locale et derrière elle, ce sont les habitants.
O n s e s o u v i e n t t o u s d e l ’ a c c i d e n t d e To u louse et de la réaction des habitants. On
n e d o n n e q u e d e s c o n t ra i n t e s a u ma i r e
e t o n n e s u i t m ê m e p a s s e s p ro j e t s … Pa r
e x e m p l e , j ’ a i e nvoy é u n p ro j e t g l o b a l e t
o n n ’ a t o u j o u r s p a s e u d ’ a v i s . C e p ro j e t
global prend en compte l’urbanisation de
d é ve l o p p e m e n t d e l a v i l l e . I l y a l a c a r t e
des aléas et la carte des enjeux. La carte
des enjeux ne peut pas être que des périm è t r e s o ù l ’ o n p e u t fa i r e c e c i à t e l e n d ro i t
e t o n n e p e u t r i e n à t e l a u t r e e n d ro i t .
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J e c ro i s q u ’ i l y a u n v ra i d i a l o g u e à i n s t a u r e r a fi n d e p r e n d r e e n c o m p t e l ’ a v i s d e s
h a b i t a n t s , a i n s i q u e l a t e m p o ra l i t é des projets . Si je suis aussi vindicatif c’est que mon
centre-ville par t en « cacahuète » p a rc e q u e
l ’ h a b i t a t s e d é t é r i o r e e t l e s c o m m e rc e s s e
c o m mu n a u t a r i s e n t . L à , n o u s s o m m e s t o u s
d eva n t u n e r e s p o n s a b i l i t é s o c i a l e . L e s
p ro b l è m e s n e s o n t p a s s u s p e n d u s , n ’ a t tendent pas. Je ne presse pas pour que le
P P R T s e r é a l i s e . I l fa u t q u ’ i l s o i t b i e n r é a l i s é
et que les périmètres soient réduits autant
q u e p o s s i b l e , ma i s q u e d a n s l ’ i n t e r va l l e , i l
fa u t q u e n o u s p u i s s i o n s a vo i r u n e d i s c u s s i o n q u i n e s o i t p a s u n e fi n d e n o n - r e c evo i r
à t o u t e p ro p o s i t i o n . S i n o n c ’ e s t i n c o m p r é hensible. Le risque qu’il y a derrière, et qui
c o m m e n c e à a r r i ve r c h e z m o i , a l o r s q u e
cela n’était pas le cas depuis des décennies, c’est que des gens se disent qu’il
fa u t q u e l ’ e n t r e p r i s e s ’ e n a i l l e , a u v u d e s
c o n t ra i n t e s . C e l a p o s e u n p ro b l è m e p o u r
n o t r e p a y s , e n t e r m e s d e d é ve l o p p e m e n t
économique. Je sais qu’en Inde ou les
p a y s l i m i t ro p h e s , l e s l é g i s l a t i o n s n e s o n t
p a s l e s m ê m e s . E s t - c e q u e n o u s vo u l o n s
c e m o n d e - l à ? J e n e c ro i s p a s . N o u s a vo n s
d o n c t o u t i n t é r ê t à fa i r e e n s o r t e q u e l e s
habitants puissent comprendre et analys e r. E n c o r e fa u t - i l q u ’ i l p u i s s e y a vo i r l e s
espaces pour cela.
D e r n i è re c h o s e , j e p e n s e q u ’ i l fa u t q u e
l’on arrive à prendre en compte -ce
sera peut-être la prochaine loi- ce qui
e x i s t e s u r l e s t e r r i t o i re s . Q u a n d o n fa i t
de la boxe, si on a un masque, on ne
reçoit pas le coup de la même manière
que si on ne l’a pas. Dans une ville,
quand il y a un système automatisé
d’alerte, quand les exercices ont été
fa i t s , q u a n d l e s b â t i m e n t s s o n t a d a p tés, il y a malgré tout des phénomènes
pour lesquels on sait que la crise n’aur a p a s l e m ê m e e ff e t s i e l l e s u r v i e n t .
Les scientifiques a ppellent cela la résil i e n c e . M a i s i l fa u t p r e n d r e e n c o m p t e
la capacité d’un territoire et celle des
h a b i t a n t s à s ’ a d a p t e r. J e c r o i s q u ’ i l
fa u d ra i t a r r i ve r à l e p r e n d r e e n c o m p t e
s i n o n l e s e ff o r t s q u i s o n t f a i t s s e r o n t
vains . Je pense à une école qui est
juste à côté de la mairie où on leur demande de remettre en place ce qu’on
appelle les PMS, les Plans de Mise en
Sûreté. Ils se demandent à quoi cela
a ser vi puisqu’ils n’ont r ien vu avancer
et qu’au contraire, ils ressentent que
l’école est menacée. Je pense qu’il
fa u t a r r i ve r à p re n d re e n c o m p t e l ’ a v i s
des habitants, leurs temporalités, leurs
ma n i è re s d e fa i re , e t c ’ e s t l e d é fi . Au jourd’hui, malheureusement ce n’est
p a s l e c a s o u c ’ e s t i n s u ff i s a m m e n t .
I Christine Gilloire
F ra n c e N a t u r e E nv i ro n n e m e n t , d a n s s o n
d o s s i e r d e p r e s s e q u e vo u s l i r e z c e r t a i n e m e n t a ve c a t t e n t i o n , fa i t d e s p ro p o s i t i o n s
t r è s p r é c i s e s e t t r è s i n n ova n t e s . J e l ’ e s p è r e
e n t o u t c a s . L a C o m m i s s i o n E u ro p é e n n e
v i e n t d e r e c o n n a î t r e q u ’ u n e s u bve n t i o n
d’Etat à des industries pour les meilleures
techniques disponibles n’est pas redeva b l e d ’ a t t e i n t e à l a c o n c u r r e n c e .
N o u s voyo n s b i e n l a d i ffi c u l t é i n t e n s e
d a n s c e t t e t a b l e ro n d e : i l y a d e s c h o s e s
qui sont insurmontables si cela continue
c o m m e c e l a . L e s P P R T s e ro n t u n fi a s c o . J e
n ’ a i m ê m e p a s e u l e t e m p s d e fa i r e l e t o u r
d e s p ro b l è m e s . I l y a a u s s i d e s m e s u r e s d e
r e c o m ma n d a t i o n d o n t j e n ’ a i p a s e n c o r e
parlées.
Au lieu de mettre de l’argent public
p o u r e x p r o p r i e r, p o u r f a i r e d e s m e s u r e s
préventives , si l’on finançait, si l’on ai dait les entreprises à mettre en place
les meilleures techniques disponibles,
je crois que tout le monde y gagnerait,
absolument tout le monde, toutes les
composantes de la société.
I Olivier Pia
Vo u s vo u l e z d i r e q u e vo u s s o u h a i t e z q u e
l ’ o n i nve s t i s s e u n ma x i mu m d ’ a rg e n t , e t
n o t a m m e n t p o u r q u o i p a s d e l ’ a rg e n t p u -
blic, le plus vite possible directement sur
l e s s i t e s p l u t ô t q u e d e r é a l i s e r d e s t ra va u x
chez les particuliers ou les écoles.
I Christine Gilloire
O u i , p a r t o u t o ù c ’ e s t p o s s i b l e . N o u s a vo n s
u n e x e m p l e t r è s p r é c i s c o n c e r n a n t l a p ro d u c t i o n d e c h l o r e à p a r t i r d ’ é l e c t ro l y s e
à b a s e d e m e rc u r e . C ’ e s t u n d o s s i e r q u i
e s t e n c o u r s , j e c ro i s q u e l a c o n c l u s i o n
n ’ e s t p a s e n c o r e l à ma i s o n va ve r s c e l a
J e ve u x q u ’ i l y a d ’ a u t r e s t e c h n i q u e s n o n
p o l l u a n t e s e t q u i p e r m e t t ra i e n t t r è s c e r t a i nement de réduire les zones concernées.
C e l a e s t q u e l q u e c h o s e d e p o s i t i f. To u t l e
m o n d e a à y ga g n e r.
I H e n r i A l l a r d , Président d’une
association de défense de l’environnement
dans le Gard
Je suis président d’une association de défe n s e d e l ’ e nv i ro n n e m e n t d a n s l e G a r d .
L e v i l l a g e d e S a l i n d r e s e s t d ’ a i l l e u r s é vo q u é d a n s l e d o s s i e r d e p r e s s e d e F ra n c e
N a t u r e E nv i ro n n e m e n t . L e p ro b l è m e e s t l e
s u i va n t : l e s ma i r e s a u s s i b i e n q u e l ’ E t a t
e t l e s i n d u s t r i e l s o n t u n i n t é r ê t c o m mu n
e t c o nve rg e n t , à s a vo i r d é p e n s e r l e m o i n s
d ’ a rg e n t p o s s i b l e . E n c e q u i c o n c e r n e l e
v i l l a g e d e S a l i n d r e s , n o u s n o u s r e t ro u vo n s
a ve c u n e u s i n e R h o d i a S eve s o I I d o n t l e
p é r i m è t r e d e p ro t e c t i o n é t a i t d e 1 8 0 0
m è t r e s . Au j o u r d ’ h u i , e n u t i l i s a n t l a l é g i s lation, on a utilisé une modélisation 3D
qui limite la zone des dangers à 320-330
mètres. On se moque tout simplement du
m o n d e . C e q u e j e d e ma n d e , u n P P R T, q u e l
d o i t ê t r e s o n b u t ? L e b u t , e s t - c e d e fa i r e
é c o n o m i s e r d e l ’ a rg e n t ? N o t r e va l e u r, l a
55
Atelier 1
v i e h u ma i n e a u n e c e r t a i n e va l e u r. E s t - c e
q u e l ’ o n d o i t p ro t é g e r l a v i e h u ma i n e o u
p ro t é g e r l e s i n t é r ê t s d e c e r t a i n s ? Vo i l à
ma q u e s t i o n .
I Marc Senant, France Nature Environnement
Je voulais revenir sur la qu e s t i o n q u ’ a
posée Christine Gilloire et apporter
un ou deux éléments préalables. Sur la
réduction du r isque à la source, on nous
a n n o n c e u n c h i ff r e d ’ i n v e s t i s s e m e n t d e
l’ordre de 300 millions sur trois ans . C’est
v r a i q u e l e c h i ff r e p a r a î t c o n s i d é r a b l e .
Mais si on le ramène à une année et à
l ’ e n s e m b l e d e s s i t e s c o n c e r n é s , c e l a fa i t
une moyenne d’investissement de 150
000 euros par site. Cela per met un peu
d’avoir une idée plus précise d e c e q u e
cela représente.
C’est sûr que l’action sur le risque
industriel a un coût, mais c’est sans
c o m p t e r q u e l e b i l a n fi n a n c i e r d ’ A Z F d é passe largement les 2 milliards d’euros
s u r l e s a t t e i n t e s a u x b i e n s . O n vo i t b i e n
que l’inaction a un coût qui peut être
bien plus élevé. C’est aussi pour replacer
le débat.
56
Je souhaite apporter une précision sur
l’aspect immoral des travau x s u p p o r t é s
p a r l e s p a r t i c u l i e r s . N o u s l ’ a vo n s d é j à l ’ a
déjà dit, mais il y a sur tout un r isque, vu
l e p r o fi l d e s p o p u l a t i o n s q u i v i v e n t a u t o u r
de ces Seveso, que ces trava u x n e s o i e n t
jamais menés . Et c’est là le pr incipal problème. C’est pour cela que l’on insiste
vraiment sur une pr ise en charge. Sans
cela, on risque tout simplement d’ann u l e r l e s e ff e t s v o u l u s p a r l a l o i . C ’ e s t
un point vraiment impor tant pour nous .
J ’ a u r a i s vo u l u s a vo i r u n p e u p l u s q u e l l e
est la position des uns des autres sur la
p o s s i b i l i t é d e r é a ff e c t e r l ’ a r g e n t d ’ o r i gine publique sur des mesures de réduction à la source ou sur la conver sion ver s
des techniques plus modernes qui sont à
mettre en œuvre ?
I Dominique Becouse
300 millions, c’est ce qui a déjà été dép e n s é . C e l a n e va p a s s ’ a r r ê t e r l à p u i s q u e
l e s m e s u r e s d e r é d u c t i o n à l a s o u rc e , n o u s
c o n t i n u o n s à e n i d e n t i fi e r a u f u r e t à m e s u r e q u e n o u s a va n ç o n s d a n s l e s é t u d e s
d e d a n g e r s . D o n c , l e s i nve s t i s s e m e n t s n e
vo n t p a s s ’ a r r ê t e r l à .
S u r l e s m e s u r e s s u p p l é m e n t a i r e s , u n e fo i s
q u e l ’ o n a fa i t l e s é t u d e s d e d a n g e r s ,
q u a n d o n v o i t l e s c o û t s l e s m e s u r e s fo n c i è r e s e t u n e fo i s q u e l ’ o n a m e s u r é c e t
enjeu, on se dit que peut-être, en investissant encore plus au sein de l’usine, on
va réussir à moindre coût à maîtr iser le
risque encore mieux. Ce sont les phases
qui sont en cours et sur lesquelles nous
avançons . Nous sommes dans le cadre
d e s c o n v e n t i o n s d e f i n a n c e m e n t t r i p a rt i t e L’ a r g e n t d u f i n a n c e m e n t t r i p a r t i t e
s e r a i t m i e u x u t i l i s é p o u r fa i r e p l u s d e
travaux au sein de l’industr ie plutôt que
de couvr ir des mesures d’expropr iation
p a r c e q u ’ i l y a u r a i t m o i n s à d é p e n s e r,
c’est bien ce qui est prévu dans la loi
Bachelot.
I Jérôme Goellner
Sur ces mesures supplémentaires, je
confir me qu’il y a des travaux qui
doivent être réalisés par l’industriel,
qui sont prescrits et qui sont pris en
charge complètement par l’industriel. Il est possible que l’on se rende
compte dans un certain nombre de
cas qu’il est possible d’aller au-delà
et aller au-delà, ce n’est pas simplement mettre le confinement que l’ind u s t r i e l d e v r a i t fa i r e . D a n s u n c e rtain nombre de cas, on imagine par
exemple le déplacement de l’industriel quand il est trop près d’une agglomération.
Collectivement,
c’est
une meilleure solution que d’exproprier les habitants proches. Dans un
certain nombre de cas, c’est possible.
Ca ne l’est pas toujour s pour les grosses
usines chimiques. Cependant, le déplac e m e n t d e l ’ i n s t a l l a t i o n e s t t o u t à fa i t
envisagea ble pour les stockages d’explosif ou de GPL parce que cela représente un coût moindre que les mesures
f o n c i è r e s l o u r d e s d a n s u n P P R T. C e t t e
démarche est prévue comme cela par
l a l o i . L’ E t a t n e p e u t p a s i m p o s e r à u n
industr iel la fer meture de son install a t i o n o u l ’ o b l i g e r à s e d é p l a c e r. L a
France est un Etat de droit et le préfet
ne peut pas ordonner la fer meture d’un
site qui serait là depuis 30 ans , même
si sa situation vis-à-vis de l’urbanisation
n’est pas acceptable.
C e p e n d a n t , d a n s l e c a d r e d u P P R T, i l e s t
t o u t à fa i t p o s s i b l e , a ve c l e m ê m e fi n a n cement tripartite, d’organiser le déplac e m e n t d e c e t i n d u s t r i e l . C ’ e s t e ff e c t i vement le dispositif que nous sommes
en train d’imaginer dans le cas de Jarr y
pour citer cette commune.
J’ajoute que la loi Grenelle II qui a été
i d e n t i fi é e d a n s l e c a d re d e l a t a b l e
r o n d e « r i s q u e s i n d u s t r i e l s » , v a n o u s p e rm e t t re d e s i m p l i fi e r g ra n d e m e n t l a p ro c é d u r e d a n s c e c a s . E n e ff e t , t e l l e q u e
la loi de 2003 était écr ite, pour arr iver à
c e d i s p o s i t i f, i l fa l l a i t f a i r e d e u x p r o c é d u r e s . I l fa l l a i t fa i r e u n p r e m i e r P P R T q u i
disait « on expropr ie 500 maisons », pour
e n s u i t e e n fa i r e u n s e c o n d p o u r d i r e
« n o n , fi n a l e m e n t o n va d é p l a c e r l ’ i n dustriel à l’origine du risque plutôt que
d’expropr ier les 500 maisons ». C’était
une démarche en deux temps totalement illisible et totalement incompréhensible pour le commun des mor tels . La
l o i G re n e l l e e n m o d i fi a n t l a l o i B a c h e l o t
sur ce point-là, per met dorénavant de
fa i r e u n e s e u l e p r o c é d u r e . D e p l u s , s i l e s
décrets d’application sortent à temps,
nous pourrons adopter cette démarche
p o u r l e c a s d e J a r r y.
I Renaud Holt
J e s u i s c h a r g é d e p r o j e t s P P R T, n o t a m ment sur le plan de prévention des
r isques technologiques EPV Antargaz. Je
t r a va i l l e à l a D D T M d u N o r d s o u s l ’ a u tor ité de Monsieur Lalar t. Je voulais rebondir sur les problématiques soulevées
p a r M o n s i e u r Ta r a s s i o u x c o n c e r n a n t l ’ i n tégration raisonnée des r isques dans
l’aménagement du territoire, chose sur
l a q u e l l e j e s u i s t o u t à fa i t d ’ a c c o r d s u r l e
p r i n c i p e . J e s o r s d ’ a i l l e u r s d ’ u n e fo r m a t i o n q u i n o u s fo r m e à l ’ a p p r o c h e g é o s y s témique de l’intégration dans les terr i-
57
Atelier 1
toires du r isque. Mais je vois u n p ro b l è m e
par ra ppor t à cela. C’est un peu les dél a i s q u i s o n t fi x é s d a n s l a r é a l i s a t i o n d e s
PPRT qui sont, je pense, incompatibles
avec l’intégration raisonnée du r isque
dans les territoires. Sur ce principe de
l’intégration raisonnée du r isque dans
l’aménagement du territoire, je pense
q u ’ i l fa u d ra i t s e ra p p ro c h e r p l u s d e s
communautés de communes et des coll e c t i v i t é s a fi n d e s e r é u n i r e t d e p ro fi t e r
justement des documents d’urbanisme
tels que les Plans locaux d’urbanisme.
Cela per mettrait de réfléchir avec les
communes dans une démarche globale
sur l’aménagement du territoire pour diminuer les risques.
ce que j’appelle l’urbanisme du risque.
Nous sommes en ce moment en train de
tester s u r d e u x s i t e s ; i l y e n a u n d a n s
l ’ Av e s n o i s e t u n d a n s l e s F l a n d r e s I n térieures. Nous testons avec des collectivités une approche de projets de
développement à grande échelle et
la prise en compte du risque. Dans un
cas, il y a un PPRI approuvé : dans
l’autre cas , nous avons la connaissance des risques et il n’y a pas de
PPR. Nous regardons ensemble comment gérer la problématique du risque
et l’interface avec les projets de développement de la commune. Nous
sommes vraiment sur cette problématique-là en ce moment.
Je souhaite dire une deuxième chose sur
l’acceptabilité du risque, chose dont on
ne parle pas beaucoup. C’est aussi un
point à éclaircir car on voit q u e l e s p roba bilités de sur venance des accidents
s o n t d e s p r o b a b i l i t é s p a r fo i s q u i s o n t l e s
m ê m e s q u e l e s p r o b a b i l i t é s q u e vo u s
avez, vous actuellement, de m o u r i r e n c e
moment. On se retrouve donc avec des
choses que l’on ne comprend pas toujours.
I Jean-Bernard
Vire
I Philippe Lalart
Le délai réglementaire est de 18 mois,
mais nous avons la possibilité de rep r e n d r e u n a r r ê t é p o u r p r o l o n g e r. N o u s
avons déjà signalé à plusieur s repr ises
q u e l ’ o n s e ra a m e n é à l e fa i re p o u r l e s
cas les plus compliqués.
58
J’ajoute
une
deuxième
précision
sur
Pezer il,
Mairie
dure de délaissement c’est la possibilité
p o u r u n p r o p r i é t a i r e d e s e d é fa i r e d e s o n
b i e n à u n p r i x q u i s e r a é va l u é p a r l e s s e rvices des domaines , sans tenir compte
de l’existence du risque. Ceci est donc
une protection du propr iétaire contre la
n o n - d é va l o r i s a t i o n d e s o n b i e n .
tôt tendance à aller dans le sens d’une
valor isation du bien. Ce que je dis est
cr itiqua ble, je le reconnais bien volontiers. Mais ce que je peux dire, c’est que
globalement, on ne constate pas de dépréciation majeure de la valeur du bâti,
en dehor s des proximités immédiates .
B i e n s û r, q u a n d i l y a e x p r o p r i a t i o n ,
c’est aussi sans tenir compte du risque.
I l y a e n s u i t e e ff e c t i v e m e n t c e q u i e s t
plus loin, qui n’est pas soumis à risque
nul puisqu’il y a des recommandations
o u d e s p r e s c r i p t i o n s d e r e n fo r c e m e n t , l a
demande est souvent de dire « mais les
biens vont perdre de leur s valeur s . Qui
compense les per tes de valeur s de ces
biens ? »
I S e r g e Ta r a s s i o u x
de
Le troisième pilier de ce qui vient d’être
dit, c’est « et demain ? ». Puisque le français est attaché aux droits de propr iété,
d e s t r a va u x vo n t ê t r e m e n é s p o u r a m é liorer les conditions d’habitat et pour le
p r o t é g e r. M a i s l o r s q u ’ i l s ’ a g i r a d ’ a vo i r
une transaction, qui viendra ha biter à la
p l a c e ? O n a fa i t d e s t r a va u x i m p o r t a n t s ,
la propr iété est grevée avec les r isques
qui seront bien connus et per sonne ne
v i e n d r a y h a b i t e r. A - t - o n p r é v u u n d i s p o s i t i f p o u r q u e l e fo n c i e r s o i t r e p r i s p a r l ’ i n dustriel, la collectivité ou par quelqu’un
d’autre ?
I Jérôme Goellner
Jusqu’à présent, quand le risque est sig n i fi c a t i v e m e n t i m p o r t a n t , i l y a c e t t e
procédure de délaissement. La procé-
Il y en a eu pas mal d’études qui ont
é t é fa i t e s j u s q u ’ à p r é s e n t p o u r e s s a y e r
d’évaluer la dévalor isation de biens
q u i s e r a i e n t s o u m i s à d e t e l s c a s . To u t e s
m o n t r e n t q u ’ e n fa i t i l n ’ y a p a s v r a i m e n t d e p e r t e d e va l e u r s i g n i fi c a t i ve
dans ces cas-là. Ces biens continuent à
se vendre. Ce que je vais dire est peutê t r e p r o v o c a t e u r, v e u i l l e z m ’ e n e x c u s e z
e t l e p r e n d r e a v e c d e s p i n c e t t e s . C e rtains discours ont tendance à dire que
la limitation des constr uctions nouvelles
d a n s c e s z o n e s - l à p r o v o q u e u n e c e rt a i n e r a r é fa c t i o n d e l ’ o ff r e d e s b i e n s s u r
le marché. Cela peut se traduire par une
certaine augmentation du prix. Certains
disent même qu’ils ont une maison où il
a é t é i n t e r d i t d e c o n s t r u i r e e n fa c e , c e l a
fa i t d o n c u n e z o n e v e r t e d o n t o n e s t
sûre qu’elle va rester ver te. Cela a plu-
Cela doit dépendre sur tout des endroits .
Mais il est vrai que l’on n’enregistre pas
de baisse. Au contraire, il y a une hausse
parce qu’il y a d’autres phénomènes qui
fo n t l e p r i x d u m a r c h é e t c e l u i - c i n ’ e s t
p a s s i g n i fi c a t i f d a n s l a fi x a t i o n d u p r i x .
C e p e n d a n t , l à o ù l e s g e n s o n t d e s d i ff i cultés, c’est dans le temps de l’incertitude : il y a des gens qui se n’achètent
pas à cause de l’incertitude. Quand les
t ra va u x s e ro n t r é a l i s é s , c e l a s e ra fa i t .
Peut-être que la loi changera encore ?
C e q u i e s t fo r t p o s s i b l e . M a i s a u j o u r d ’ h u i ,
l’incer titude pose problème. Les incohérences ne sont pas comprises par les
gens. Je parlais tout à l’heure d’autoroute A7, des par kings… Je r igole mais
cela m’attr iste parce que les projets de
la ville sont bloqués. Les gens, en tant
que ha bitant, citoyen et propr iétaire
s o u ff r e n t d e l a s i t u a t i o n d a n s l a q u e l l e
nous sommes aujourd’hui.
59
Atelier 2
équipements ? Une autre question que l’on
pourra se poser porte sur la régulation dans un
système où la responsabilité des acteurs doit
être recherchée, mais où on peut faire face
à des effets indésirables allant parfois jusqu’à
des accidents majeurs.
LA MAITRISE DU VIEILLISSEMENT
obsolescence • maintenance
ca n a l i s at i o n • fac t e u r h u m a i n
m é c a ni s m e s d e d é gr a d a t ion
cinétique • gouvernance • plan
d e m o d e r n i s at i o n • r e c h e r c h e
L e vi e illi s s e m e n t, d é fini t ion
d’un sujet multi-facettes ,
multi-facteurs
I Thomas Ailleret, Adjoint au chef du
ser vice prévention des risques, DREAL
Lorraine
60
Une installation vieillie est une installation qui
ne répond plus aux performances qui sont attendues d’elle. Il peut y avoir plusieurs causes
à cela. La première est que les performances
ont changé, la deuxième est que les attentes
ont changé. Cette différence entre l’attente
et la réalité correspond plutôt à un phénomène d’obsolescence, lequel phénomène
ne rentre pas directement dans le cadre de
l’atelier d’aujourd’hui, mais que l’on évoquera
à l’occasion. Nous souhaitons plutôt aborder
aujourd’hui le vieillissement comme un phénomène de modification progressive d’un ou
de plusieurs constituants d’une installation et
qui fait sortir cette installation et l’exploitation de cette installation du champ opératoire
prévu. En gros, l’installation ne fonctionne plus
comme elle a été prévue. Cette modification
et ces changements peuvent entraîner des effets indésirables qui peuvent aller d’un arrêt de
production à un incident voire à des accidents.
Les différents acteurs qui sont autour de la
table aujourd’hui ont des prismes de vision tout
à fait différents sur ce sujet : l’expert technique
va avoir une vision sur ce qu’est que le vieillissement d’un équipement soumis à un cycle de
contraintes. L’industriel, lui, va avoir une focalisation relativement importante sur les arrêts de
production et les baisses de productivité que
peut subir son installation. L’Etat et, dans des
mesures un peu différentes, les associations
voire les syndicats, vont se poser des questions
sur les incidents, les accidents, sur l’augmentation éventuelle des rejets dans le milieu naturel. Le dernier acteur « grenellien » que je n’ai
pas encore cité, ce sont les collectivités territoriales et par elles, le public. Elles vont se poser
des questions plus orientées sur des accidents
majeurs par exemple.
Nous essayerons aujourd’hui de répondre aux
questions : que connaît-on du vieillissement
aujourd’hui ? Et comment doit-on le réguler ?
Nous allons être amenés à nous poser certaines sous-questions : quelle est la nature du
vieillissement d’un équipement, quelle relation
entre l’équipement et l’installation ? Comment
généraliser la compréhension que nous avons
du vieillissement d’un équipement au vieillissement d’une installation, tout en sachant que le
vieillissement de l’installation est un peu plus
que la somme des vieillissements de tous les
Vieillissement ou maintien de
la condition opérationnelle :
un pr oblème complexe
I Ya n n M a c é , d i r e c t e u r d e s r i s q u e s
accidentels à l’INERIS
L’INERIS est un institut national en charge
de la prévention, de l’identification et de
la maîtrise des risques industriels. Ce que je
vous propose, c’est de parler un peu plus
dans cet atelier, non pas de vieillissement,
mais plutôt de ce que l’on appellerait dans
certaines industries, le maintien en condition
opérationnelle. Cela met un double éclairage au sujet, qui est l’arbitrage per manent
et quotidien : comment maintenir des équipements tout en gardant une efficacité, une
productivité, je dirai même plus, une rentabilité des opérations.
Pourquoi parlons-nous de cela aujourd’hui ?
Il s’agit d’un enjeu à très grande échelle,
d’un enjeu national qui a été identifié et
clairement établi ce matin. On parle de milliers d’établissements porteurs de risques, de
dizaines de milliers de kilomètres de canalisations avec un âge du parc qui peut être
très significatif (un âge moyen de plus de
40 ans, avec des installations qui ont parfois plus que 50 ans). On parle d’opérations
réalisées par des grands groupes qui ont des
moyens, de l’expérience et un retour d’expérience, et qui sont déjà sensibilisés. Mais
on parle aussi d’opération réalisées par des
PME de parfois de quelques dizaines de per-
sonnes et qui doivent traiter les mêmes problématiques.
L’enjeu est donc là. Cela nous concer ne tous ,
soit en tant qu’exper t, soit en tant que professionnel, voire même en tant que r iverain.
Alors comment répondre à cet enjeu ? On
doit traiter d’un sujet complexe puisqu’un
certain nombre d’objets techniques très différents inter viennent (canalisations , tuyauteries, ou systèmes instr umentés de sécur ité,
réser voirs atmosphér iques , d’équipements
sous pression etc.) et qui mettent en œuvre
des technologies très différentes (béton,
métallurgie, électronique, mécanique etc.),
sans par ler de la diver sité des méthodes
d’inspection qui sont associées à ces
éléments.
Cet enjeu est de grande complexité de par
les technologies impliquées . Il peut y avoir
une grande complexité pour une même
technologie parce qu’elle peut être opérée dans des conditions très diver ses , parce
elle est au contact de produits plus ou moins
agressifs, plus ou moins corrosifs , avec des
températures d’opération qui peuvent aller
de moins 100° à plus de 500° selon les cas ,
dans des environnements pas toujour s très
accessibles pour faire de l’inspection et
encore moins de la maintenance. Il peut y
avoir des canalisations enterrées , des tuyauteries calorifugées ou installées en grande
hauteur donc inaccessibles , des éléments
dans des milieux encombrés , sur des racks .
Plusieurs tuyauteries peuvent coha biter et
interagir entre elles. Et donc c’est une complexité qu’il faut gérer.
Je ne serai pas exhaustif si je ne parlais pas de
la dimension humaine qui est liée à la gestion
61
Atelier 2
de la politique d’exploitation, de la politique
de maintenance associée à cela. C’est un
facteur de complicité et donc éventuellement
un facteur de risque, mais c’est aussi la clé du
succès.
On est face à un problème complexe. Y a-til une solution ? Je n’ai pas la solution mais
je pense par contre qu’on a plusieurs leviers
à notre actif, que l’on doit avoir la volonté
d’activer. Je partirais en fait de choses qui ont
été évoquées dans le cadre du Forum économique mondial de Davos ; en commençant
simplement par l’aspect responsabilité. On ne
gagnera que si on se sent tous responsables de
cet aspect vieillissement, tous responsables au
sens du développement durable, c’est-à-dire
à la fois en termes de conscience environnementale, mais aussi en prenant en compte la
dimension économique qui a été évoquée tout
à l’heure, de façon plus ou moins polémique
et la dimension humaine. Je voudrais rappeler
que l’on parle non seulement de concertation
qui implique à la fois les industriels, les pouvoirs publics, les experts, les riverains, mais aussi
d’une autre dimension, la dimension historique.
Quand on prend des décisions en la matière, il
faut avoir en tête que c’est pour des dizaines
d’années ; il y a vraiment une conscience à
prendre en matière de prise de décision transgénérationnelle, afin de prendre si possible les
meilleures décisions sur le très long terme, et
non pas avec une simple vision sur le retour sur
investissement à court terme. Et là se trouve
notre axe de progrès.
62
Il y a un autre volet de l’aspect humain sur lequel il faut que l’on évolue : la maintenance.
C’est l’affaire de tous, du manager, des décideurs, des investisseurs etc. Mais c’est aussi
l’affaire au quotidien des opérateurs sur le
terrain, qui sont là pour détecter les signaux
faibles. Malheureusement, je crains que la notion d’opération de maintenance ne soit pas
une opération vue comme une valorisation. Ce
que l’on valorise, en France, ce sont les gens
qui vendent, qui produisent, qui créent. Est-ce
que l’on valorise quelqu’un qui maintient un
outil dans son état de fonctionnement optimisé ? Je pense que cela peut passer aussi par
une valeur d’identification et de mobilisation
des gens, mais aussi de reconnaissance et de
valorisation de l’effort fait en la matière.
I Geneviève
animatr ice
Hermann,
Journaliste
Vous avez déjà des débuts de solutions à nous
proposer. Je pense que vous avez lancé des
pistes. Je vais donner la parole à Aleksandar Jovanovic qui va revenir sur la définition
du vieillissement telle qu’on l’entend en Allemagne. Vous avez dit que c’était un problème
émergent, pour autant, c’est un problème ancien. Je vous laisse nous dire ce que vous en
pensez.
L e vi e illi s s e m e n t d e s in s ta l l at ion s : L’ org a ni s at ion d u
s u ivi d u vi e illi s s e m e n t e s t u n
e nj e u t r è s ac t u e l
I Aleksandar Jovanovic, Président
directeur général chez Steinbeis
A d va n c e d R i s k Te c h n o l o g i e s G m b H
Je viens de Steinbeis Advanced Risk Technologies. C’est un organisme en Allemagne, actif
aujourd’hui dans à peu près 50 pays du monde,
dont le siège est à Badenwürtenberg. Cet organisme a en charge le transfert de technologies. Nous sommes nombreux aujourd’hui à
s’occuper de ce problème-là, mais peut-être
une chose particulière nous caractérise : avec
à peu près 6 000 personnes engagées dans
le réseau de Steinbeis, le principe est toujours
celui de l’habileté, dans le sens où toutes nos
activités sont basées sur des initiatives qui
commencent sur une base économique. Notre
mission est de faire le transfert de technologies
d’une manière durable.
Le problème du vieillissement signifie que l’on
est toujours très content de travailler avec un
groupe de personnes « âgées » sur ce problème. Pourquoi ? Parce que, en principe, cela
veut dire que ce sont des experts qui savent de
quoi on parle, qui connaissent le problème et
qui se demandent comment le public n’arrive
pas à comprendre que le vieillissement des installations est un problème. Je pense que tout le
monde, à commencer par nous, doit se sentir
concerné quand il voit un groupe de jeunes
se préoccuper de l’installation qui pose problème. En effet, il est bien probable que l’expérience qui a été mise dans cette installation,
dans la connaissance que l’on a d’elle, dans
les matériaux, dans les solutions techniques, ne
seront pas disponibles à ce moment-là. Et c’est
ainsi que l’on commence, comme c’est le cas
dans certains secteurs des technologies, à voir
le problème du vieillissement non pas comme
un « vieux problème des vieux » mais comme un
« nouveau problème de risques émergents », et
que l’on est surpris de voir à quel point les messages que vous venez d’entendre pendant la
session plénière sont actuels.
Je vous montre le livre dont vous avez vu le
titre lors de la présentation du directeur de la
recherche de l’Ecole Polytechnique. Nous devons commencer à penser aux choses qui sont
difficiles à imaginer.
Je finirai mon intervention en disant qu’il faut
se préparer à ces situations inédites. Il faut
s’ouvrir et ouvrir l’esprit à ces messages et aux
signaux faibles. Ceci est effectivement un paradoxe car les systèmes de sécurité sont faits
aujourd’hui pour être sûrs, pour être comme
le château où toutes les choses sont en ordre
mais les signes faibles ne sont pas nécessairement leurs points forts. Le dernier message est
qu’il faut le faire au niveau européen parce
que les dangers et les aléas causés par le
vieillissement ne vont pas s’arrêter aux grilles
d’une usine ou aux limites de la responsabilité
des DREAL ou même aux limites de l’Etat.
I Geneviève Hermann
Existe-t-il des différences de pratiques entre la
France et l’Allemagne ? En quoi chaque pays
pourrait-il profiter l’un de l’autre ?
I Aleksandar Jovanovic
Vous connaissez le nom officiel d’Allemagne,
c’est RFA, République Fédérale. Cela veut
dire que le système de sûreté et de sécur ité
est organisé sur un pr incipe fédéral, très décentralisé, des fois très pr ivé. En France, tous
les systèmes centraux et centralisés ne sont
pas toujours facile à comprendre pour ceux
qui viennent d’ailleur s . Les deux ont des a pproches extrêmes parfois et, comme dans la
vie, la voie vers la solution ou le compromis
n’est peut-être pas fixé mais flexible. Cela
peut, surtout au niveau européen, per mettre
d’agir en respectant l’intérêt économique
privé des personnes d’un côté, l’intérêt public général de l’autre. Cela va être un défi
dans le futur aussi dans le domaine du vieillissement. L’exemple de la constr uction de la
nouvelle gare de Stuttgar t qui a provoqué
des protestations nous donne une bonne
idée des surprises qui sont devant nous .
63
Atelier 2
I Thomas Ailleret
Je crois que nous pouvons retenir de cette première partie le constat que le problème est à
la fois technique et difficile, complexe et qu’il
mérite une réflexion pas seulement technique.
On retient l’enjeu et la nécessité de réfléchir
sur l’implication et la responsabilité de tout le
monde. Les transferts de compétence sur ces
sujets, à la fois de la technologie vers l’industrie et d’une génération à l’autre, doivent permettre d’avancer sur ce sujet.
I Geneviève Hermann
Nous allons donner la parole aux gestionnaires
et aux personnes qui vivent le problème sur le
terrain. Jean-Marc Jaubert, vous êtes confronté au problème du vieillissement. Certains incidents dont Donges ont été dus à un problème
de vieillissement sur une canalisation. Vous préférez parler d’obsolescence. Pourquoi ? Obsolescence et vieillissement recouvrent-ils la
même chose ?
Le vieillissement vu
par un gestionnaire
Les modes de dégradation
concernent plusieurs
« fonctions » dans les industries.
I Jean-Marc Jauber t, Directeur de la
sécur ité industr ielle chez Total
64
Je suis directeur de la sécurité industrielle
du groupe Total et je connais bien la chimie
puisque j’ai pris ma fonction en tant que directeur de la sécurité industrielle après la catastrophe d’AZF, dans la chimie. Pendant quelques
années, j’ai assumé cette responsabilité. Pour
faire le lien avec l’obsolescence, j’ai commencé ma carrière d’exploitant, en gérant des unités haute pression de polyéthylène, qui avaient
à l’époque une capacité de l’ordre de 100 000
tonnes par an et qui sont aujourd’hui arrêtées
ou en cours d’arrêt tout simplement parce
qu’elles ont été remplacées par une autre
technologie « phase gaz » et basse pression,
beaucoup plus performantes, avec une capacité décuplée. C’est le phénomène d’obsolescence qui impacte d’une certaine manière
positivement le vieillissement puisqu’il implique
un renouvellement les installations, et cela est
lié aux investissements, on peut effectivement
lutter contre ce qu’on appelle le phénomène
de vieillissement.
Ce qui nous préoccupe aujourd’hui, ce sont
des installations qui ne sont pas renouvelées
ou qui restent « en l’état » : comment lutte-ton contre ce mécanisme dit de vieillissement ?
Je ferai également une remarque de vocabulaire. Je n’aime pas le terme de vieillissement.
En tout cas, je le trouve à la fois trompeur et
négatif. Il faut plutôt parler de mécanisme
de dégradation. Notre rôle d’industriels est
d’abord de connaître et de maîtriser ensuite
les mécanismes de dégradation qui peuvent
être des phénomènes de corrosion, de fatigue,
d’usure, et qui peuvent avoir des cinétiques relativement différentes, des cinétiques rapides
ou, plus souvent, des cinétiques lentes. C’est
pour cela que l’on aime bien parler du terme
de vieillissement. Mais ce terme est réducteur
et ne permet pas, me semble-t-il, d’aller au
fond des choses.
Vous faisiez également le lien avec des accidents récents. Dans la présentation écrite de
notre atelier, étaient mentionnés un certain
nombre d’accidents. Cette liste est intéressante parce qu’elle illustre la difficulté du propos. Quand on parle de l’accident de Carling
qui est arrivé l’an passé, cela n’a strictement
rien à voir avec un problème de vieillissement.
Quand on parle de l’accident de La Crau SPSE,
i l s ’ a g i t e ffe c t i ve m e n t d e p h é n o m è n e s d e
fatigue qui étaient parfaitement identifiés. Je
ne peux pas dire parfaitement suivis, la preuve
est qu’il y a eu un événement, mais en tout cas
suivis par des experts, en particulier de l’Ecole
des Mines de Paris. Ceci était donc connu, répertorié, suivi, probablement d’ailleurs mal calculé en termes de vitesse de fatigue, puisqu’il
y a eu un problème. Dans ce cas, il s’agit de
cinétiques longues de plusieurs années. L’accident de Donges a causé une pollution de plusieurs centaines de tonnes de fioul lourd dans
la Loire. Il a été un sinistre lourd pour un groupe
comme Total puisque il fait écho à ce que tout
le monde a vécu avec la catastrophe de l’Erika. Cet accident était lié à un phénomène de
mécanismes de dégradation probablement
relativement courts, en tout cas pas de l’ordre
de plusieurs années. Il y avait une fuite d’eau
avec un mécanisme de corrosion accélérée.
Vous voyez que le facteur temps peut être relativement différent. Si on adopte un vocabulaire
trop simpliste, on peut rapidement louper un
certain nombre de problématiques et surtout
de bonnes solutions.
Ceci dit, notre rôle d’industriel est de faire en
sorte que ces accidents n’arrivent pas, il y a
donc eu un échec. Notre rôle est de faire en
sorte que nous sachions maîtriser justement ces
mécanismes de dégradation dont on parle.
Pour un industriel, le sujet des mécanismes de
dégradation, pour reprendre ce terme que je
préfère, est loin d’être un sujet récent. Je dirais
même qu’il est au cœur de notre fonction et
qu’il est géré de manière relativement pragmatique, par trois types d’organisations dans
une usine. La première organisation, celle dont
on a parlé il y a quelques instants, est la fonction « exploitation-maintenance ». Nos personnels d’exploitation, nos personnels de main-
tenance sont là pour observer la vie de leurs
installations et pour intervenir sur les dysfonctionnements et réparer. La deuxième fonction
ne dépend pas de la fonction « exploitationmaintenance » ; c’est la fonction « inspection technique », une fonction indépendante,
souvent rattachée au directeur de site. Cette
fonction regroupe des experts très pointus, qui
ont une très bonne connaissance de mécanismes de corrosion et de fatigue de métal.
Ils ont pour rôle de regarder sur le long terme
l’évolution de l’installation. Ils ont aussi pour
rôle de faire des préconisations en matière de
prévention. Ces fonctions sont souvent, en tout
cas c’est le cas dans les gros sites, composés
d’experts reconnus par l’autorité de contrôle.
La troisième fonction est la fonction « sécurité », qui, là encore, est indépendante, de
« l’exploitation-maintenance ». Elle a pour rôle
d’être à l’écoute et de regarder les signaux
faibles. Malheureusement, je dois dire qu’il y
a souvent des signaux forts qu’il faut traiter
en priorité, avant de traiter les signaux faibles.
Cette fonction a autorité pour intervenir, pour
éventuellement arrêter les installations, pour
faire des retours d’expérience et pour analyser les accidents et les quasi accidents. Fort
heureusement, il y a plus de quasi accidents.
Cela nous permet d’analyser sereinement
les dysfonctionnements. Dans cette dernière
fonction « sécurité », n’oublions pas le rôle essentiel des Comités d’Hygiène de Sécurité et
des Conditions de Travail (CHSCT), des représentants du personnel et de nos partenaires
sociaux. Ils ont, au travers de cette instance
extraordinairement impor tante, le rôle de
lanceur d’alerte, le rôle de discussion avec
la direction de l’usine, et qui est, là encore,
totalement indépendant. Les CHSCT, dans les
usines où ils fonctio n n e n t b i e n , s o n t d ’ u n e
richesse très importante.
65
Atelier 2
Il y a donc trois organisations qui sont autonomes et qui permettent de maîtriser ce mécanisme de vieillissement.
I Geneviève Hermann
Vous avez fait la transition pour me permettre
de donner la parole à Jean-Paul Cressy de la
CFDT qui voulait justement mettre l’accent sur
ce facteur humain. Pour vous, on voit souvent
l’humain comme la source du problème. Mais
c’est peut-être aussi la solution, un début de
solution.
Impor tance du facteur
humain et organisationnel
besoin de formation
et d’émulation
I Jean-Paul Cressy, Fédération Chimie
Energie CFDT
66
J’appartiens à la Fédération Chimie Energie
CFDT qui couvre à peu près 80 % des sites avec
servitude, classés Seveso haut ou bas et des
centrales nucléaires. Voilà pourquoi nous nous
intéressons particulièrement aux risques industriels majeurs dans notre fédération. J’en suis
délégué général en charge de ces questions.
Nous essayons de pousser nos mandants à se
former car si on devient membre de CHSCT par
élection, on n’est pas immédiatement compétent sur ces questions. C’est un des axes très
forts que essayons de développer. Ce n’est pas
toujours facile ; le frein ne vient pas toujours
que des directions d’ailleurs, les réticences
viennent aussi parfois de nos collègues. Se former, vous le savez bien, ce n’est pas toujours
facile, c’est technique… La CFDT pousse à la
formation et s’investit dans des réseaux afin de
participer aux réflexions avec l’INERIS ou l’ICSI.
A côté de cela, nous avons un réseau de militants que l’on anime sur cette question. Notre
rôle, bien entendu, est d’avoir une représenta-
tion syndicale de l’approche des salariés du
risque de façon à le confronter avec la vision
de la direction et aux visions du contrôle. Chacun a un éclairage tout à fait respectable, mais
nous essayons d’apporter des éléments pour
pousser la réflexion. J’ai bien aimé la présentation de Patrick Lagadec, Grand témoin, qui
rappelait ce matin le travail qu’il fallait faire sur
les fonctionnements et la gestion de l’imprévisible. Je pense qu’il y a beaucoup de plans, de
consignes, de certification comme les normes
ISO. Mais en fait, là où interviennent fortement
la compétence et le professionnalisme des salariés, quel que soit leur niveau, c’est leur capacité à répondre à quelque chose qui n’est
pas prévu. Dans une installation, il y a énormément de faits imprévus, certains peuvent
en être choqués. Ce qui est important en tout
cas, c’est de pousser ceux qui sont opérationnels et ceux qui savent réagir au bon moment,
qui empêchent les divergences ; ce sont là les
grandes forces que l’on peut développer. Les
enquêtes nous fournissent des retours d’expérience sur ce qui n’a pas fonctionné et ce qui
n’est pas le plus visible. Nous menons actuellement un gros travail avec plusieurs organismes
sur ce qu’on appelle les facteurs humains et
organisationnels du travail et de la sécurité,
qui sont pour nous absolument essentiels. Une
fois que l’on a fait cette analyse-là, on avance
sur les questions d’organisation. Je pensais que
j’allais être le seul à en parler, mais je vois que
d’autre intervenants ont dit des choses sur la
maintenance et sur l’organisation de l’entreprise. Effectivement, c’est un domaine que
nous souhaitons développer. La CFDT souhaite
avoir une vision et apporter un débat dans
la discussion, voire négocier sur le sujet. Il y a
quelques tensions avec la direction sur cette
question, mais c’est un autre sujet. Je pense
que quand on dit que l’on veut porter cela,
on veut dire que l’on s’y intéresse et que l’on
veut se mettre d’accord sur les formes et des
choses à améliorer. Quand on se met d’accord
sur une organisation , c’est pour pouvoir la juger après.
L’idée est de ne pas avoir seulement une vision
déterministe ou probabiliste, mais d’être dans
un dynamisme qui permet d’intégrer toutes ces
dimensions de gouvernance, d’organisation
d’entreprise et d’évaluation. C’est sûrement
un élément essentiel de la compréhension et
de la connaissance sur comment est gérée la
sécurité et comment est prise en compte la sécurité de l’entreprise.
I Geneviève Hermann
Il y a des problèmes techniques, nous l’avons
vu. Il y a aussi des problèmes humains organisationnels. Christian Lecussan, représentant
l’association francilienne des industriels, va
nous expliquer les besoins des industriels pour
pouvoir avoir l’organisation, les compétences
voulues quand on n’est pas une entreprise
comme Total ou quand on ne travaille pas
dans le nucléaire.
Quel accompagnement pour les petits industriels dans le travail de prise en charge des
suites du plan de modernisation des
installations industrielles
Par Chr istian Lecussan, Directeur de
l’AFINEGE
Notre association est effectivement francilienne. Toutes les activités sont représentées
dans notre association : la chimie, l’industrie
du pétrole, l’automobile, l’extraction de granulats, les verriers... Des activités très variées
nous ont rejoints. Avant de diriger cette association, j’ai passé un certain temps de ma vie
dans la chimie, plus particulièrement dans la
chimie pharmaceutique.
Je voudrais citer une expérience pour rebondir sur ce qu’a dit Monsieur Jaubert tout à
l’heure sur la nécessité d’appréhender non
pas le vieillissement, mais les mécanismes de
dégradation. Il s’agit donc d’une petite expérience tout à fait personnelle sur un des
sites sur lequel je travaillais. On avait des
cuves où l’on stockait de l’ammoniac gazeux
sous forme liquide. Une était très très vieille,
l’autre relativement jeune. Quand on a fait les
inspections pour vérifier l’état de ces cuves,
on s’est aperçu qu’en fait la très vieille cuve
était en très bon état, mais c’était la nouvelle
qui ne l’était pas. J’ai appris qu’il y avait des
systèmes de fissuration sous contrainte entre
le métal et l’ammoniac qui étaient aléatoires
et qui ne dépendaient pas du tout de l’âge,
au contraire. Tous les experts me l’ont dit :
lors que l’on a une cuve qui est en bon état,
surtout, il faut la garder, même si elle est très
vieille. Cela, je ne l’ai appris qu’après, parce
que je ne suis pas du tout métallurgiste. Donc
ce n’est pas forcément une question d’âge.
C’est bien une fonction, une nécessité de
comprendre les mécanismes de dégradation
qu’il peut y avoir.
Je ne voudrais pas insister plus longtemps sur
cela, mais revenir plutôt sur le plan de modernisation des installations puisque c’est
notre sujet. Ce plan a démarré au mois de
janvier. Il a été annoncé en janvier mais il
est plus ancien que cela. Simplement, les
réactions que nous avons au niveau de l’association, par rapport à ce plan, est qu’il y
a de bonnes choses dedans. Surtout le fait
d’avoir impliqué les industriels dans sa mise
en œuvre et son déroulement a été appré-
67
Atelier 2
68
cié. Du fait d’avoir associé complètement
le monde industriel, il s’est énormément mobilisé. On ne peut que remercier aussi bien
les syndicats de la chimie que du pétrole, les
entreprises qui ont mobilisé énormément d’experts. Cela a permis la réalisation notamment
de guides qui vont servir à mettre en place ces
plans de modernisation. Cela nous paraît effectivement une chose extrêmement positive
et utile. Par contre, on a quelques inquiétudes
et quelques soucis. D’abord les soucis qu’ont
les entreprises : je vous l’ai dit tout à l’heure,
on a des grandes entreprises, on a des petites
entreprises. Toutes nos industries sont extrêmement variées, extrêmement diverses. Il n’y
a pas d’homogénéité, il n’y a pas de système
unique, il n’y a pas de cause unique pour les
uns ou pour les autres. J’aurais tendance à
dire, essayons de ne pas de faire d’amalgame
ou de comparaison avec le nucléaire. Ce sont
deux choses complètement différentes. Vouloir comparer les uns avec les autres ne nous
paraît pas une excellente chose. Essayons de
ne pas utiliser des rouleaux compresseurs systématiques pour tout le monde. Il y a effectivement des groupes qui ont peut-être plus de
moyens que d’autres, mais il y a aussi des entreprises qui sont toute petites. On a parlé des
Seveso, le plan de modernisation fait effectivement un lien aussi avec les SGS (Systèmes de
Gestion et de Sécurité) des sites Seveso. Mais
il y a des sites Seveso qui sont de toute petite
entreprise. Monsieur Chambon a rappelé tout
à l’heure que, ne serait-ce que dans la chimie,
80% des entreprises ont moins de 300 salariés.
Il y a des entreprises dans d’autres secteurs
que la chimie qui ne sont pas à ce niveau-là
de salariés et qui sont un petit peu craintives.
Quelque part, elles se disent : « quel est donc
ce mammouth qui va m’arriver sur le coin de
la figure, et comment je vais arriver à m’en sortir ? ».
Il y a forcément quelques inquiétudes et interrogations.
Nous sommes extrêmement favorables à l’arrivée des guides, plutôt qu’avoir un corpus réglementaire comme on a souvent l’habitude
de le faire en France. Vous n’avez qu’à prendre
les codes que vous pouvez connaître et que
vous pratiquez : le code de l’environnement
et le code de la sécurité. Vous mettez celui
d’il y a 10 ans à côté de celui d’aujourd’hui,
en prenant la même édition : vous verrez que
l’épaisseur n’est plus du tout la même. Il faut
être capable d’analyser et de digérer ce corpus réglementaire. Aussi, l’idée de partir sur
un système de guides est très bonne. Mais ces
guides vont devoir être mis en œuvre et appliqués. Une des craintes que nous avons est que
nous avons besoin de parler le même langage,
aussi bien au niveau des industriels qu’au niveau des organismes de contrôle. Il faut que
ces guides soient compris dans leur application, de la même façon par tout le monde. Ce
que nous aurions tendance à demander, c’est
d’ailleurs déjà pratiqué dans un cas ou deux,
ce sont des formations et des informations
avec des agents de l’administration, avec des
salariés de l’industrie afin que l’on ait tous la
même compréhension de ce qui est écrit. Les
guides doivent être applicables. On n’a pas
forcément des équipes complètes pour pouvoir, dans toutes les unités, détailler et décliner
tout ce qu’il y a. Donc il faut que ce soit clair,
facile d’utilisation.
Le dernier point sur lequel je voudrais insister,
en ce qui concerne les entreprises, petites et
moyennes, c’est qu’elles n’ont pas forcément
les ressources en interne pour mettre en œuvre
ce plan. Ce qui veut dire qu’elles vont faire appel à des cabinets conseils. Mais rien ne garantit la qualité du travail qui sera fait. Quelque
part, c’est quelque chose qui nous embête.
On l’a déjà vécu sur un certain nombre de
sujets. Je ne sais pas si en Ile-de-France c’est
différent d’ailleurs. Le marché est colossal, il y
a beaucoup d’entreprises. Même si quelqu’un
n’est pas bon, il arrive toujours à s’en sortir.
Quelqu’un qui est bon, il est plus facile effectivement de le reconnaître. C’est pour cela
que l’on a beaucoup parlé de ces expertises.
Laurent Michel est revenu ce matin sur cette
notion de tierce expertise. Quelque part, je dirai pourquoi pas, la tierce expertise, mais aussi
pourquoi ne pas aller plus loin, pourquoi ne
pas aller vers l’accréditation soit de services –
on a parlé des services d’inspection ; j’en ai
connu quelques-uns dans des usines où il y
a des personnes extrêmement compétentes,
certainement plus compétentes que dans des
cabinets extérieurs-, mais pourquoi ne pas aller jusqu’à l’accréditation de gens qui soient
capables effectivement de rendre ce service
aux entreprises.
I Geneviève Hermann
C’est un point important sur lequel nous
pourrons revenir tout à l’heure, au moment
des débats. On l’a vu, il y a un écart entre les
problèmes auxquels les PME et le nucléaire
sont confrontés. Mais les industriels peuvent
peut-être profiter d’un retour d’expériences
du nucléaire. Jean-Rémi Gouze peut peutêtre défendre ce point de vue.
Vision et stratégie
du nucléaire
I Jean-Rémi Gouze, Commissaire de
l’Autor ité de Sûreté Nucléaire
L’ASN, vous le savez, depuis 2006 est une autorité administrative indépendante. Le collège
des cinq commissaires auquel j’appartiens,
représente cette indépendance. Nous contrôlons en France à la fois la sûreté radioprotec-
tion médicale et ce que nous appelons « les
grosses bêtes », la sécurité nucléaire et les 58
réacteurs nucléaires sur le territoire français. Si
l’on regarde l’âge moyen du parc français et
l’âge moyen du parc mondial, nous voyons qu’il
y a des centrales nucléaires qui ont jusqu’à 42
ans dont certaines sont en Allemagne, ce qui
est paradoxal puisque c’est un des pays qui
voulait arrêter le nucléaire. Pourtant il a les
centrales les plus anciennes. En moyenne, le
parc nucléaire français est plutôt plus jeune
que la moyenne du parc mondial. La caractéristique de notre approche en matière
de sûreté dans le nucléaire et de gestion du
vieillissement, c’est que les autorisations d’installations nucléaires de base ne sont pas données pour une durée fixe, elles sont valables
par période de 10 ans ; et tous les 10 ans, nous
procédons à un examen qui tient compte de
l’évolution du vieillissement des équipements,
et qui nous permet de dire si oui ou non l’installation peut fonctionner 10 ans de plus.
Cet examen décennal n’est pas seulement fait
à l’année 10, mais il se prépare trois ans avant,
et il se poursuit deux ans après. Nous regardons
non seulement la conformité de la centrale à
la réglementation qui existait au moment où
elle a été autorisée, mais nous regardons aussi
l’évolution, le vieillissement et l’état de la centrale par rapport aux nouvelles techniques,
aux règles de l’art et au retour d’expériences.
Dans le nucléaire, nous avons eu des signaux
forts comme Tchernobyl, the Three Mile Island
et le 11 septembre, qui nous ont amené à faire
évoluer les règles de sûreté demandées aux
centrales. L’arrêt décennal est aussi l’occasion
de remettre à niveau et d’améliorer la sécurité
des centrales nucléaires.
Une caractéristique de ce parc de 58 centrales est qu’il est extrêmement homogène. Il
y a un seul exploitant jusqu’à présent (EDF) et
69
Atelier 2
une technologie générique (l’EPWR) ; c’est intéressant parce que nous pouvons avoir une
méthodologie générique de suivi du vieillissement. EDF a très tôt, depuis 40 ans, développé
un suivi très compétent et très fort de ce vieillissement. Mais il y a aussi un inconvénient fort :
dans l’hypothèse où nous trouverions un défaut générique qui s’applique à la totalité ou
à une partie du parc, un peu comme quand
une série de voitures doit être rappelée par le
constructeur, nous devrions proposer l’arrêt de
tout ou partie du parc nucléaire, ce qui serait
une décision lourde.
En ce qui concerne les équipements dans
les centrales, nous avons distingué trois types
d’équipements. Ceux qui sont fixes sont impossibles à changer et contribuent à la sûreté du
réacteur nucléaire. C’est le cas particulier de
la cuve qui contient le réacteur et du bâtiment
en béton qui l’abrite. Nous avons un débat important avec EDF tous les 10 ans afin de vérifier
si nous ne sommes pas dans la zone interdite de
la courbe, en particulier pour les défauts des
cuves. Il y a des défauts de fabrication et des
défaut qui se créent et l’irradiation augmente
les défauts et fragilise la cuve. Et il faut donc
regarder tous les 10 ans l’évolution de cette
courbe. Il y a par ailleurs les équipements très
coûteux, mais que l’on peut changer. C’est un
choix économique de la part de l’entreprise.
Par exemple, elle continue mais elle change
les générateurs de vapeur ou les couvercles de
cuves qui sont des équipements coûteux qu’il
faut amortir sur une longue durée. Enfin il y a les
équipements que l’on change au fil de l’eau,
les vannes, les tuyauteries, les moteurs qui eux
sont parties intégrantes des programmes de
maintenance.
70
Voilà donc la démarche que nous avons. Nous
pensons que la méthodologie mise au point
dans le nucléaire est un modèle tout à fait intéressant à transposer dans les industries dites
classiques, notamment les industries Seveso,
et celles qui sont concernées par le plan de
surveillance de vieillissement des installations.
Nous pensons aussi qu’il est extrêmement important, et je me réjouis de ce qui a été dit
par mon voisin, d’avoir une comparaison avec
l’étranger. Quand je parlais des retours d’expériences de Tchernobyl, et de the Three Mile
Island, nous avons beaucoup d’échanges
avec nos homologues, avec l’ambition d’avoir
la méthodologie la plus commune possible,
même si les normes ne sont pas les mêmes, sur
la gestion du vieillissement et sur le niveau de
sûreté que nous imposons à nos centrales.
I Geneviève Hermann
Nous l’avons dit, ce qui était intéressant dans
la démarche de ce plan, est qu’il est basé sur
des guides professionnels et non sur des corpus
réglementaires. Ces guides autour desquels
beaucoup d’industriels et de syndicalistes
entre autres ont participé. Il y a eu un certain
consensus sur cela, ce qui est un bon présage
pour la suite de la mise en œuvre.
Je laisse donc la parole à Cédric Bourillet pour
présenter ces guides, la manière dont ils ont
été menés et en quoi ils vont permettre de
lutter contre les mécanismes de dégradation,
pour ne pas prendre le terme de vieillissement.
Genèse et impor tance
du plan de modernisation
des installations industrielles
I Cédric Bourillet, Sous-directeur des
risques accidentels au Ministère en charge
du Développement Durable
A propos du plan vieillissement, pour ne rien
vous cacher, je pense que les choses sont parties en 2007-2008 d’un constat d’échec de la
part de l’administration et d’un peu des industriels. Nous sollicitons beaucoup le monde industriel et les responsables des risques sur un
certain nombre de domaines. Probablement
n’avons-nous pas assez regardé les sujets liés
aux mécanismes de dégradation, pour reprendre les termes. Il y a des mécanismes de
dégradation plutôt rapides et d’autres plutôt
lents, mais effectivement, notre portefeuille
installations industrielles vieillit… La statistique
que l’on a sorti il y a deux ans nous a montré, par exemple, que nos canalisations d’hydrocarbures font 9 000 kilomètres en France et
ont 45 ans de moyenne d’âge. Les grosses installations chimiques, les productions d’engrais,
les raffineries ont des âges largement comparables, voir largement supérieurs pour certains
des sites. Ce vieillissement des installations
fait qu’aujourd’hui il peut y avoir des mécanismes de dégradation qui ne présentent pas
de risques particuliers pour les deux, trois, cinq,
dix premières années de fonctionnement, et
qui aujourd’hui nous amènent face à de nouveaux défis qu’il s’agit, pour les industriels, de
maîtriser et pour l’administration de contrôler.
Il y a eu une série d’accidents en 2008. On a
commencé à en citer certains, mais j’en mettrai aussi en 2010. Je prends l’exemple de la
Hongrie, l’accident qui a eu lieu sur la digue,
pour en avoir parlé un tout petit peu avec que
mon homologue hongrois la semaine dernière.
Si les conséquences environnementales, humaines et économiques sont bien identifiées,
les causes le sont un peu moins. Mais nous avons
une certitude : l’accident est grosso modo dû
au mécanisme de dégradation, de vieillissement. Toutes les autres hypothèses (les pluies,
les contenus) ont déjà été mises à l’écart.
Cette série d’incidents, d’accidents et de
presque accidents des années 2008-2010,
nous ont signifié que nous avions probable-
ment sous-estimé un sujet côté administration. C’est peut-être aussi le cas chez certains
industriels selon les principes que rappelait
Jean-Marc Jaubert. Nous avons voulu mettre
en place ce plan qui s’est appelé finalement
le Plan de modernisation des installations industrielles, pour éviter le mot le vieillissement
pour d’autres raisons encore. Il a été élaboré
sur une année complète. Nous avons voulu associer beaucoup les industriels, les experts, les
chercheurs. Au total, ce sont 30 personnes qui
ont été mobilisées pour cette élaboration. On
a eu l’occasion de remercier l’ASN pour son
appui, car elle avait beaucoup d’avance, en
tout cas côté administration, sur la réflexion et
sur l’expertise de ces sujets-là. In-fine, le plan
a été complètement achevé le 13 janvier dernier. On l’a dit, il contient 38 actions orientées
entre un certain nombre de priorités, environ
une dizaine. La première, c’est de valoriser le
savoir-faire des professionnels et de laisser un
certain nombre d’éléments sous la plume des
professionnels dans des guides techniques qui
permettront de couvrir le plus intelligemment
possible l’intégralité du spectre qui est concerné, en prenant en compte la spécificité des
structures et des mécanismes de dégradation.
Cette première priorité est de valoriser l’acquis
professionnel et de la mettre au centre du dispositif des guides professionnels.
Le deuxième axe, c’est le facteur humain. Il y a
un certain nombre d’actions qui portent sur la
façon dont on doit s’organiser pour « adresser »
ces sujets, pour utiliser un anglicisme, mais aussi
pour s’organiser au quotidien. Tout à l’heure,
on citait les systèmes de gestion de sécurité
imposés aux les établissements Seveso Seuil
haut ; une des actions est de généraliser ces
outils aux canalisations de transport.
Troisième axe, ce sont les actions de recherche.
Aleksandar Jovanovic et Jean-Marc Jaubert
71
Atelier 2
le disaient, il y a des endroits où nous avons
été surpris par ce qui s’est passé, où tout n’a
pas été selon les plans voulus. Les industriels
se sont proposés de développer des efforts de
recherche ; l’Etat s’est proposé d’abonder les
fonds qui seront mis en place. Il y aura donc
tout un volet « recherche » c’est logique, dans
ce plan de vieillissement.
Sur le plan international, pour en avoir aussi
discuté un tout petit peu avec mes collègues,
mon sentiment est qu’il y a un Etat (parmi les
grands Etats) qui est plus avancé que nous sur
cette réflexion, pour le secteur non-nucléaire,
c’est le Royaume-Uni. Ils ont eux-mêmes sorti
un plan de vieillissement il y a à peu près de
deux ans. De ce fait, le Royaume-Uni puis la
France ont présenté leurs démarches. C’est
quelque chose qui est en train de prendre au
niveau européen. Par exemple, la Commission Européenne nous a présenté la semaine
der nière une étude qui n’est pas encore
publique (elle le sera dans deux semaines)
concer nant l’impact économique des accidents liés au vieillissement, et uniquement
au vieillissement, dans les raffineries européennes sur ces 10 der nières années. Un seul
chiffre : elle a estimé à 1,6 milliard d’euros
le coût qui a été généré par des accidents
liés au vieillissement dans ces raffineries.
Même au niveau européen, les études et les
réflexions commencent. Vous savez peutêtre que la Commission dépose son premier
projet de directive Seveso III dans quelques
semaines . Nous mettrons cela en musique
l’an prochain. Le sujet est lui aussi en train
de croître au niveau européen.
Questions de la salle
72
I Robert Trouvilliez, Secrétaire général de
Nord Nature Environnement, Président de
Béthune Nature
J’ai plusieurs questions concernant l’obsolescence des industries. On sent qu’il y a des obstacles financiers, des problèmes économiques
pour appliquer les solutions. Par exemple, dans
la région de Loos-lez-Lille, il y a une industrie
qui utilise encore le mercure pour faire du
chlore. Or, cette industrie devait arrêter d’utiliser le mercure en 2010. Elle a obtenu un délai supplémentaire, allant jusqu’à 2015. Une
autre question : On arrive à étudier le vieillissement des matériaux quand il s’agit de fabriquer un frigidaire, une machine à laver, pour
tout à chacun. Pourquoi on n’utilise pas ces
techniques pour avoir des usines qui vieillissent
beaucoup moins vite ? Pourquoi ne pas utiliser
l’acier inoxydable par exemple quand c’est
nécessaire. Je sais que la construction du pont
de Millau n’a pas utilisé d’acier inoxydable ; et
certainement il y aura là un vieillissement qui
va coûter très cher.
I Jean-Rémi Gouze
Je voudrais rebondir sur l’aspect nucléaire. La
courbe que j’ai montrée tout à l’heure correspond aux spécificités du nucléaire, des cuves
de réacteurs, de l’évaluation de la façon dont
la cuve évolue pendant les 30 ou 40 ans, voire
plus de sa vie. Il y a eu énormément de recherche et de développement faits en l’occurrence par EDF, sur la façon dont les défauts
de fabrication de la cuve ont évolué sous irradiation. La problématique est que ces défauts
sont si petits que l’on ne les a pas vus au moment de la fabrication, mais il faut les surveiller
en cours d’exploitation de la centrale. C’est un
cas très très spécifique. Vous avez raison, c’est
vrai qu’il faut énormément de connaissances
sur la façon dont les défauts et la cuve en l’occurrence évoluent pour s’assurer qu’il n’y aura
pas dans les 10 ans d’exploitation à venir pour
les centrales nucléaires, de risques pour la sûreté. Je pense que cela doit pouvoir se transposer aux industries classiques. On est dans
des sujets qui peuvent relever de la métallurgie, probablement moins pointus, mais non
moins difficiles car il y a tellement de nuances
d’acier que cela doit être délicat d’optimiser
à chaque coup.
I Yann Macé
Je pense que la recherche en la matière
existe, et depuis de très nombreuses années.
Il n’y a pas de problème là-dessus, plein d’instituts sont identifiés. Le problème que le sujet
est très complexe et concerne beaucoup de
technologies différentes. On n’a pas encore les
solutions ou les réponses à tous les problèmes.
Mais la recherche existe. Cela apparaît tout à
fait évident. Elle est présente à la fois chez les
industriels, dans les centres de recherche sur
des sujets très spécifiques, dans des instituts
du type institut national INERIS ou CETIM ou ce
genre de choses.
L’autre point dont nous pouvons discuter, c’est
effectivement la structure, les modalités ou
l’organisation qui met en commun cette recherche. De sorte que si nous arrivions à mutualiser d’avantage les efforts, segmenter un
peu plus ou focaliser les efforts des uns et des
autres sur des sujets différents mais complémentaires, on arriverait à avancer plus vite.
Mais la recherche encore une fois existe.
I Jean-Rémi Gouze
Je vais donner deux exemples concrets, je
pense que cela illustrera mieux la réponse à
vos interrogations. On lance un programme
de recherche, Cédric Bourillet l’a rappelé,
par exemple sur les canalisations, pour mieux
connaître les mécanismes de dégradation
des canalisations et mieux les inspecter. Aujourd’hui, pour inspecter une canalisation, un
des enjeux est de connaître la surface des
canalisations. Même si vous savez à quoi vous
attendre, il faut détecter l’endroit où vous
avez un problème. Quand vous devez détecter l’endroit sur plusieurs dizaines de milliers
de kilomètres de canalisations, il faut non pas
changer immédiatement tous vos milliers de kilomètres de canalisations, mais développer une
technologie qui vous permette de détecter suffisamment tôt des endroits où vous pourriez avoir
un problème. On a pour cela des racleurs instrumentés qui sont de grosses « bêtes » bardées
de technologies que vous mettez dans le pipeline, et que vous poussez sur des centaines et
des centaines de kilomètres. Vous enregistrez
les données. Un de nos problèmes aujourd’hui,
et c’est sur cela que va porter un des points
du programme de recherche lancé avec le
MEEDDM dans le cadre du plan de modernisation c’est de mieux analyser les données pour
mieux détecter ces phénomènes de corrosion.
Un autre exemple : nous nous sommes aperçus
récemment que l’on avait eu en France, des
fuites sur des bacs de bruts, par exemple sur
la raffinerie de Gonfreville l’Orcher de Total en
2009. Ces bacs avaient été inspectés à un moment relativement proche de l’accident. Cela
nous questionne énormément. Nos méthodes
d’inspection sont-elles fiables ? On s’est aperçu à cette occasion qu’on utilisait des méthodes d’inspection par ultrasons pour mieux
détecter justement les faiblesses des bases de
nos bacs et que l’on avait probablement des
progrès à faire sur l’interprétation de ces méthodes. On pouvait avoir une très bonne trace
ultrasons et dire que notre bac est bon, alor s
qu’en fait il y avait un problème. Il y a des
73
Atelier 2
choses à connaître dans ces domaines-là,
on s’y emploie.
I Christian Lecussan
Effectivement, je crois que l’essentiel a été dit.
C’est vrai qu’il y a beaucoup de recherche
qui se fait. C’est vrai qu’on ne sait pas tout.
Le rapport qu’il peut y avoir entre l’équipement et les substances ou produits chimiques
n’est pas systématiquement connu. J’ai encore un exemple pour illustrer mon propos.
On a utilisé un certain nombre de joints qui
contenaient certainement de l’amiante sur
les canalisations de transport de solvant ou
de transport de produit chimique. Quand
on a supprimé l’amiante, on a supprimé
ces joints-là. On a eu quelques fuites après
parce que l’on n’avait pas forcément le bon
joint qui allait avec le bon produit sur le bon
tuyau. Cela a nécessité d’avancer pas à
pas, d’avancer doucement, pour trouver les
solutions. On a fini par les trouver. Cette recherche existe, mais il n’y a pas de solution
évidente. Il n’y a pas de solution unique. Je
crois que c’est une multiplicité de sujets, de
problèmes sur lesquels il faut travailler pas à
pas.
I Yves Guedaden, Adjoint au maire à
Notre-Dame-de-Gravenchon, chargé
des risques technologiques
74
Je voulais poser une question plutôt à Monsieur Jaubert qui a évoqué la valorisation
des métiers de maintenance. Est-ce que
nous n’avons pas là un petit signe de l’abandon de la sous-traitance dans les métiers de
maintenance qui montrerait que les industriels se rendent compte qu’il y a un intérêt
à avoir des métiers pérennisés dans l’entreprise, par du personnel appartenant à cette
société, même si il est payé davantage que
dans les contrats de maintenance, que l’on
est gagnant avec cette fameuse expérience
et expertise ?
elles n’ont pas de contrats suffisamment
longs au sein d’une entrepr ise, le r isque est
de perdre cette expér ience.
I Jean-Marc Jaubert
I Jean-Paul Cressy
C’est effectivement une vraie problématique, mais je ne positionne pas le problème
tout à fait de cette manière. Il existe des entreprises de maintenance de très bon niveau
et de très grande qualité, tout particulièrement dans la zone où vous êtes et où le tissu
industriel très fort. Il faut par contre, que les
industriels qui font appel aux entreprises de
maintenance, soient elles aussi capables de
commander le travail avec des gens qui ont
l’expertise nécessaire. C’est un débat qui
est totalement ouvert ; et c’est très difficile
de savoir où on place le curseur du nombre
d’experts dans une entreprise. La problématique à laquelle nous sommes confrontés
chez Total, aujourd’hui, c’est de valoriser plus
le métier de nos experts techniques. Pour
avoir une bonne maintenance externalisée
ou sous-traitée (je n’aime pas le ter me soustraitance parce qu’il y a un ter me de rapport
dissymétrique), il faut avoir aussi, dans l’entreprise, des experts qui soient capables de
dialoguer avec elles et de leur demander le
bon travail. Et c’est un peu dans le manque
de dialogue que, je pense aujourd’hui, nous
avons souvent un problème.
Je ne peux pas passer à côté d’une question sur la sous-traitance. Je vais essayer de
ne pas être dogmatique sur cette question.
Ce qui est impor tant quand on regarde un
cer tain nombre d’incidents qui se sont passés et qui sont liés à la sous-traitance, c’est
que l’on revienne quand même sur la question d’organisation de l’entrepr ise.
Je crois que c’est très impor tant de travailler
là-dessus , et de regarder comment on ne
traite pas la question de la sous-traitance. Il
y a quand même un cer tain nombre de salar iés d’entrepr ises sous-traitantes qui sont
syndiquées à la CFDT. J’estime tout à fait
nor mal de les défendre aussi.
I Yves Guedaden
Cer tes , l’exper tise ou la compétence des
entrepr ises inter venantes est reconnue,
sur tout dans ce bassin-là, c’est évident. Je
par le plutôt d’expér ience. Et les exper ts
c’est bien, mais pour qu’ils acquièrent de
l’exper tise, il faut qu’ils passent du temps sur
le terrain. Si ces opérations de terrain sont
réalisées par des entrepr ises extér ieures , si
Par contre, ce qui me pose problème, c’est
effectivement le ra ppor t entre le donneur
d’ordre, l’entrepr ise utilisatr ice et l’entrepr ise extér ieure, je pense que là on a effectivement un vrai travail à faire sur les choix
de sous-traitance.
Quand on est sûr de la sous-traitance de
technicité, personne n’a de doute. La question derrière, c’est quand on est plus sur de
la sous-traitance appelée capacité, ou on
sous-traite parce que ce n’est pas l’objectif
prioritaire de l’entreprise. J’ai quelque chose
en tête, mais j’éviterais d’en parler, parce
que sensible et encore en procès actuellement. Je pense que c’est là que se posent
les vrais soucis, c’est comment est organisée
globalement l’entreprise avec ses différentes
fonctions. Pour terminer, au sein de l’ICSI, l’Institut pour une Culture de Sécurité Industrielle,
il y a un groupe d’échanges qui a traité de
la sous-traitance, où il y avait des syndicalistes, des entreprises et des chercheurs qui
ont fait un travail intéressant. Je vous invite
à consulter le guide qui en est sorti et à vous
appuyer dessus. Si l’on le mettait vraiment en
œuvre d’ailleurs je pense que l’on ferait un
gros progrès sur l’approche sécurité et l’intégration de la sécurité avec les entreprises
extérieures.
I Michèle Dupré, Sociologue industrielle
Je travaille sur la p r i s e e n c o m p t e d e s fa c teur s humains et o rga n i s a t i o n n e l s d a n s l a
prévention des r i s q u e s t e c h n o l o g i q u e s
dans la chimie, en l i e n n o t a m m e n t a ve c
l’INERIS , mais pas s e u l e m e n t . J e vo u d ra i s
faire plusieur s rema rq u e s . D ’ u n e p a r t , u n e
remarque sur le ti t re d e l ’ a t e l i e r q u i e s t
« la maîtr ise du vie i l l i s s e m e n t » , e t l à i l m e
semble que l’on es t a m b i t i e u x . J e p r é f è re
la refor mulation pro p o s é e p a r l e re p r é s e n tant de la DREAL, à s a vo i r q u e c o n n a î t - o n
du vieillissement ? E t c o m m e n t l e r é g u l e r
quand on est acteu r d e l ’ E t a t o u c o m m e n t
le gérer quand on e s t a c t e u r i n d u s t r i e l ?
C’est déjà une fo r mu l a t i o n b e a u c o u p
plus modeste. On vo i t b i e n , a u t o u r d e l a
connaissance du v i e i l l i s s e m e n t e t d e l a
difficulté de rendre l e v i e i l l i s s e m e n t v i s i b l e
dans l’entrepr ise, il y a d e s q u e s t i o n s q u i
sont de nature orga n i s a t i o n n e l l e . C ’ e s t - à dire, comment fait- o n p o u r fa i re re m o n t e r
la connaissance du v i e i l l i s s e m e n t d e s i n s tallations , du vieill i s s e m e n t d e s c h o s e s ?
On a par lé tout à l’h e u re d e s q u e s t i o n s d e s
opérateur s , de la re l a t i o n a ve c l a ma i n t e nance. Mais ces qu e s t i o n s d ’ o p é ra t e u r e t
de maintenance, l a p o s i t i o n d e s o p é ra teur s par ra ppor t à l a h i é ra rc h i e , l a fa ç o n
dont on fait remont e r l e s i n fo r ma t i o n s , t o u t
cela c’est tel ou te l m o d e o rga n i s a t i o n n e l .
75
Atelier 2
B i e n é v i d e m m e n t , q u a n d o n e st aux Assises
d e s r i s q u e s , c e s o n t e s s e n t i ellement des
i n g é n i e u r s . O n vo i t t r è s b i e n que les cherc h e u r s e n s c i e n c e s s o c i a l e s sont très peu
n o m b re u x . J e s u i s l à p a rc e que j’ai l’hab i t u d e d e t ra va i l l e r a ve c d e s ingénieur s . Il
y a de s e x p e r t i s e s t e c h n i q u e s qui sont sur
l e t e rra i n , i l y a d e s e x p e r t i s e s techniques
q u i s o n t a u t o u r d e s e n t re p r i ses . Mais il y
a p e u d ’ e x p e r t i s e s t e c h n i q u es reconnues
j u s q u ’ à p r é s e n t e n ma t i è re d ’ analyse orga n i s a t i o n n e l l e . O r, j e r é p è t e , l a façon dont
u n e o rga n i s a t i o n , y c o m p r i s des relations
a ve c l a ma i n t e n a n c e q u ’ o n vient d’a bord e r t o u t à l ’ h e u re - e t J e a n - Paul Cressy a
fa i t u n e r é p o n s e d ’ u n e n a t u re , il me semble
u t i l e e t i n t é re s s a n t e - , o n fa i t i nter venir des
s o u s - t ra i t a n t s , o n p e u t l e fa i re sur un mode
o rga n i s a t i o n n e l A o u s u r u n m ode organisat i o n n e l B o u s u r u n m o d e o rga nisationnel C.
E t c ’ e s t v ra i q u e c e s t ro i s m o des organisa t i o n n e l s n ’ a u ro n t p a s l e s m ê mes effets sur
la quantité de vieillissement.
Ju s t e u n e p e t i t e r e m a r q u e e n c o r e s u r l e s
mécanismes de dégradation ou vieillissement. Moi toute sociologue que je
suis, je constate bien sûr qu’il y a des
installations récentes qui tombent en
panne (je me souviens d’une entreprise
chimique dans laquelle les capteurs qui
devaient per mettre de mesurer le niveau
dans une installation n’étaient pas bons,
et que heureusement il y avait les piges
qui permettaient de mesurer encore). Il
est vrai que l’on constate dans les atelier s anciens l’intensité des inter ventions
de maintenance est beaucoup plus élevée, et pose là encore des problèmes
organisationnels.
76
I Jean-Marc Jauber t
I l n ’ y a p a s fo r m e l l e m e n t d e q u e s t i o n
dans vos propos , mais je vais évoquer
d e ma n i è re t o u t à fa i t h u m b l e p l u sieurs expériences que nous sommes
e s t e n t r a i n d e c o n d u i r e c h e z To t a l o ù
o n u t i l i s e e ff e c t i v e m e n t c e t t e s c i e n c e
qui est pour nous un domaine tout
à fa i t n o u ve a u , q u i e s t l a s o c i o l o g i e
des organisations. C’est vrai que l’on
s’aperçoit de plus en plus que l’on aurait intérêt à travailler avec ce métier
qui nous apporte beaucoup.
On a fait travailler une thésarde just e m e n t s u r u n e r a ffi n e r i e s u r c e s u j e t ,
pour qu’elle obser ve sur plusieurs mois,
les relations entre la maintenance et
l’exploitation, au niveau des inter venants. Et on apprend des choses tout
à fait déca pantes .
Deuxième exemple : Suite à deux a ccidents
mor tels qui sont arr ivés dans nos raffiner ies
en 2009 (en tout début d’année, puisque
en janvier à la fois à la raffiner ie de Flandre
et à la raffiner ie de Provence, on a connu
deux drames humains , deux a ccidents
mor tels), on a déclenché une opération
avec un professeur en sociologie du Qué bec, d’obser vation de terrain des relations
entre les opérateur s et le management,
pour essayer de constater quelle était la
perception de nos opérateur s en matière
de sécur ité et quelle était la perception du
management. Bien évidemment, quand on
regarde ce genre de choses , on obser ve
ce à quoi on s’attend, mais pas à cette in tensité, un décalage profond des percep tions . (et c’est là que c’est i n t é r e s s a n t . I l
n’y a pas de recette miracle)… Consta-
t e r d e m a n i è r e o ff i c i e l l e c e d é c a l a g e e t
le dire, c’est déjà une manière de le rég l e r e t d e fa i r e d i s c u t e r c e s p o p u l a t i o n s .
Donc on est à l’aube de l’utilisation de
ces techniques.
I Une personne de la salle
Je voudrais étendre le débat de sociologie des organisations sur au
moins de deux axes. On a parlé maintenance dans l’entreprise, je pense
que la problématique sociologique
dépasse aussi les bords de l’entrepr ise. On fonctionnera mieux si le système global (notamment public privé)
fonctionne correctement ; si il y a une
troisième partie du type des experts
avec laquelle les échanges fonctionnent bien également etc. Donc ceci
est la première dimension. Il n’y a pas
que l’aspect opérations de maintenance, mais au-delà de ça l’ensemble
du système.
Et puis, je le verrais aussi sur une autre
dimension, l’extension de la problématique sociologique, qui est sur le cycle
de vie. Au niveau organisationnel, ce
n’est plus de la sociologie de l’organisation. On traitera d’autant mieux
les problématiques de vieillissement,
de maintien en condition opérationnelle ou de gestion des mécanismes
de dégradation, si on traite ces sujets très en amont, c’est-à-dire dès
les premières éta pes de l’innovation,
donc dès les premières étapes de la
mise en place de nouvelles technologies, de la conception de nouvelles
installations ou de la gestion des modifications .
I Thomas Ailleret
Je crois que la question de l’organisat i o n e ff e c t i v e m e n t , o n e s t t o u s d ’ a c cord, est vraiment une question centrale
de sujet de vieillissement. On peut retenir que, après une prise de conscience
d’un certain constat d’échec, on est aujourd’hui vraiment dans cette pér iode
où on élabore la connaissance et où
on essaie de voir comment s’organiser
pour gérer ce problème, avec comme
objectif final d’a boutir à une vision
q u i s o i t l a fo i s d y n a m i q u e e t p a r t a g é e
e n t r e l e s d i ff é r e n t s a c t e u r s q u i p e u v e n t
être des acteur s de maintenance, d’exploitation. Ceci per mettra, quand cette
v i s i o n p a r t a g é e a u r a r é u s s i à é m e r g e r,
d e fa vo r i s e r fi n a l e m e n t l a r e s p o n s a b i lité des acteur s , dans un cadre qui aura
été arrêté, en accord les uns avec les
autres.
77
Atelier 3
Compétences et formation
société • recherche • enseignement supérieur • code du
t r ava i l • I n s p e c t i o n • f o r m a t ion c on t in u e e t ini t i a l e
I Olivier Hamoir, Animateur
Pour introduire le sujet, j’ai envie de vous faire
part d’un témoignage très rapide et vous verrez la liaison avec l’ICSI. Dans les radios de service public, les personnes sont formées pour
conserver l’antenne et diffuser les messages
des autorités en cas de crise. Le jour d’AZF, à
la radio de service public de Radio-France à
Toulouse, 40 personnes étaient formées justement pour conserver l’antenne en cas de crise.
AZF survient. Sur les 40 personnes présentes à
la radio, une vingtaine ont quitté les lieux pour
aller s’enquérir, pour aller voir si effectivement
leurs proches avaient été victimes de l’explosion. Voilà.
Cela pour vous dire que l’on parle de formation, on parle également aujourd’hui de la
manière dont on peut appréhender les risques.
C’est pour cela que je passe la parole à Philippe Essig pour nous présenter l’ICSI et les travaux qui ont été menés et qui ont commencé
après AZF. À quel moment l’ICSI est-il né ?
Culture de sécurité
I Philippe Essig, Président de l’ICSI
78
L’ICSI, c’est l’Institut pour une Culture de Sécurité Industrielle. On m’a demandé de par-
ler de son origine, de son adhérence, de son
mode de fonctionnement et surtout comment
il peut répondre à la question de notre atelier
« qu’attend-t-on en termes de compétence et
de formation dans le domaine des risques ? ».
En 3 minutes, c’est difficile de répondre à cette
question. Vous pourrez le consulter le site
www.icsi-eu.org pour avoir tous les détails.
Dans mon rapport au gouvernement, après la
catastrophe AZF, j’avais pointé un problème de
société et d’attitude que nous avons face au
risque inhérent à toute vie humaine, comme
vient de le rappeler Patrick Lagadec. En un
siècle, je crois que l’on est passé d’une culture
de la fatalité à celle de l’indifférence confortée finalement par la relative rareté du risque
d’incident grave, puis à la révolte si cet incident arrive (et c’est ce que j’ai entendu après
Toulouse « plus jamais ça ni ici, ni ailleurs »).
Ce n’est pas possible. Comment faire émerger
une culture de connaissances responsables et
de participation dans un tel environnement ?
Nous avons voulu prendre en charge cela.
L’ICSI est initialement le fruit de la réflexion de
cinq industriels, d’une université de Toulouse,
de collectivités territoriales de Midi-Pyrénées,
d’associations et de quelques personnalités.
Aujourd’hui, nous comptons une cinquantaine d’adhérents, parmi pratiquement tous
les grands groupes industriels, toutes les organisations syndicales représentatives, de nombreuses collectivités territoriales et leurs associations, des experts, des ONG, etc. Une petite
équipe travaille avec ce que nous appelons
des JRD (Jeunes Retraités Dynamiques), qui
font participer toute notre formation, notre recherche de l’expérience qu’ils ont acquise en
20 ans ou 30 ans de pratique industrielle.
Le problème n’est pas facile à traiter. Nous
sommes dans une société qui voudrait s’accrocher au mythe du risque zéro et avec un
Etat prescripteur, normalisateur, superviseur et
quelque peu moralisateur. N’oublions pas que
les industries sont nécessaires à la vie de notre
pays. Notre société civile est profondément
marquée par tous les dires des médias, surtout
quand il y a eu un accident ou un incident. La
recherche nationale est un petit peu dispersée
à droite à gauche. L’ICSI travaille dans cet environnement. Quels sont nos objectifs ? Nous
en avons trois :
- A ider à l’amélioration de la sécurité dans les
entreprises, par la prise en compte de tous
ces aspects, c’est donc une dimension multidisciplinaire.
- Favoriser un débat entre la source du risque
(l’industrie) et la société civile (l’environnement).
- A cculturer l’ensemble des acteurs aux risques
de la sécurité.
Nous travaillons avec des groupes d’échanges
où tous les acteurs peuvent se réunir pour discuter sur des thèmes. Je crois qu’il y a une
douzaine de groupes d’échanges qui se sont
réunis. Parmi ceux qui ont étaient les plus percutants, je citerai :
- Le retour d’expériences.
- L a sous-traitance dénoncée tout à l’heure
par Jacky Bonnemains, mais nécessaire, et
sur laquelle nous avons fait un travail formidable avec les organisations syndicales. Les
dernières réunions se sont tenues au siège de
la CGT et de la CFDT. C’est vous dire que l’on
a travaillé la main dans la main.
- Les facteurs humains et organisationnels de
la sécurité. 80-90 % des sources des incidents
sont de cette origine.
- La communication santé-environnement.
- Les compétences sécurité.
Que produisent ces groupes ? Ils produisent
d’abord des demandes de recherche. Nous
partons toujours du terrain. Quels sont les besoins du terrain en matière de recherche ?
Quelles sont les questions posées par les uns
ou par les autres en matière de recherche ?
Quels sont les besoins de connaissance pour
faire face à la vulnérabilité des systèmes industriels ? Quelles sont les conditions d’une
concertation efficace pour vivre ensemble
avec ces risques sans traumatisme ?
Pour conduire cette recherche, nous avons
eu la chance de pouvoir profiter, à partir de
2005, de la création d’une fondation. L’Etat
nous aide à la même hauteur les industriels qui
avaient créé cette fondation. La fondation, la
FonCSI prend en charge toutes les recherches
d’intérêt général, en partant d’appels à idées,
d’appels à manifestations d’intérêt, sur des
thèmes choisis par un comité scientifique de
très haut niveau. Nous faisons appel à tous les
laboratoires européens. Nous devons avoir une
quinzaine de thèses en cours de réalisation ;
et évidemment toutes leurs conclusions sont
totalement publiques. L’ICSI a conservé les recherches concernant des problèmes particuliers qui nous sont posés soit par un adhérent,
soit à la demande une collectivité territoriale.
79
Atelier 3
Une fois que l’on a fait ces recherches ou que
les groupes d’échanges ont terminé leurs travaux, il faut diffuser le produit de leur travail.
Cette diffusion passe d’abord par des cahiers
de la sécurité industrielle que vous pouvez
consulter sur notre site. Je vous incite à le faire
car nous nous attachons à ce que leur lecture
soit vivante, attrayante, accessible et efficace.
Puis, apparaissent les besoins en formation.
Nous avons deux sortes de formation : des formations diplômantes et des formations courtes.
Les premières sont des masters spécialisés,
nous en avons cinq, dont l’ICSI est opérateur
en partenariat avec des écoles ou des universités prestigieuses : ESCP de Paris, l’INSA de Toulouse, l’Ecole des Mines de ParisTech, l’INP de
Toulouse, l’Université, l’Ecole des Arts et métiers
de ParisTech etc... Dans le domaine de la formation continue, nous organisons des stages à
la demande ou sur catalogue ; ceux qui ont
le plus de succès d’ailleurs ce sont ceux qui
traitent de la prise en compte des facteurs humains et organisationnels.
80
Pour entrer dans l’application concrète sur
le thème de notre atelier, nous nous posons
quelques questions. Comment l’évolution de
la culture se traduit-elle en termes de compétence et de formation ? Nous sommes partis de
l’identification des besoins en compétences
nécessaires (savoir, savoir-faire, savoir-être).
Nous procédons par enquêtes auprès des entreprises en recherchant la manière dont elles
ont procédé pour l’acquisition et le maintien
des compétences et quelle est la place de la
sécurité dans les parcours professionnels. On
est obligé de constater que la Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences est
trop souvent centrée sur des emplois ou des
compétences rares et que la problématique
sécurité est en général absente, peu visible ou
alors diluée à l’intérieur de réflexions de portée trop générale. Cela nous montre le chemin
que nous avons encore à faire. En attendant
nous restons fermes dans notre conviction que
les facteurs humains et organisationnels sont à
la base de la sécurité dans l’entreprise.
I Olivier Hamoir
Les structures de formation, à savoir l’IRSN et
l’Ecole des Mines d’Alès vont nous donner leur
point de vue sur la formation dans le domaine
des risques. Je donne donc la parole à Pierre
Bois qui va nous dresser le portrait actuel de
l’Ecole des Mines d’Alès, ainsi que les formations que l’école propose dans le domaine des
risques.
I Pierre Bois, Directeur adjoint de l’Ecole
des Mines d’Alès
L’Ecole des Mines d’Alès est une école d’ingénieurs, avec un noyau dur d’ingénieurs de
formation initiale, recrutés sur concours et
qui vont au diplôme généraliste d’ingénieurs.
Comme tout établissement d’enseignement
supérieur, elle s’appuie sur des compétences
en recherche, qui sont aujourd’hui une partie
extrêmement importante de la visibilité, de la
crédibilité des établissements. L’offre de formation est également complétée par de la formation continue, tout simplement, parce que
la plupart des publics qui ont besoin d’être formés ne sont pas des gens qui démarrent leur
carrière, mais des gens qui sont déjà en situation de travail. La formation continue a donc
une importance extrême dans le domaine des
risques, surtout quand il s’agit de former les
nouvelles générations d’acteurs.
L’Ecole des Mines d’Alès, membre du groupe
des Ecoles des Mines, appartient à une structure plus large qui rassemble, sous la houlette
du Ministère de l’industrie, Ecole des Mines
et Ecole des Télécoms. Cela donne une visibilité à l’ensemble et une masse critique
aujourd’hui recherchée par grand nombre
d’établissements supérieurs. Le paysage mondial de concurrence dans l’enseignement
supérieur demande d’acquérir une masse
critique. Nous partageons un certain nombre
de compétences. J’aperçois ici de nombreux
représentants de l’Ecole des Mines de Paris qui a un rôle de locomotive à travers un
certain nombre de laboratoires particulièrement compétents en matière de maîtrise des
risques. Cette école a développé avec beaucoup d’avance l’approche sociologique
du risque, ce qui était une nouveauté il y a
encore peu d’années. C’est une des thématiques centrales de notre atelier, mais il faut
savoir que c’est une thématique nouvelle.
L’Ecole des Mines d’Alès, quant à elle, a une
offre qui englobe la formation initiale avec une
option « risques industriels » pour les élèves, un
master spécialisé pour des personnes déjà en
situation de travail, un certain nombre de formations continues faites sur mesure pour un
public de personnes venant des industries mais
qui peuvent également être des élus ou des associatifs. La formation continue s’adresse donc
à un public plus large. L’ensemble de ces compétences va bientôt se concrétiser à travers
la construction de l’Institut des Sciences des
Risques qui sera inauguré au mois de juin prochain. Ce dernier va matérialiser l’existence de
la construction d’un pôle de compétences sur
les risques, localisé sur Alès, qui aura pour vocation d’abriter un certain nombre de disposi-
tifs d’expérimentation : du matériel technique,
des équipes de recherche et des partenaires
que ce soit du pôle « risques » partagé entre
la région du Languedoc-Roussillon et la région
PACA, également des partenaires industriels
puisqu’une large partie de notre recherche est
orientée vers le transfert de technologies et la
création d’entreprises technologiquement innovantes. Des filières d’entreprises associées
au domaine du risque sont en train d’émerger.
Nous souhaitons jouer un rôle dans cette émergence. Voilà en gros le paysage qui s’impose
à nous.
I Olivier Hamoir
Quels besoins identifiez-vous ? Quelle est la demande des entreprises ?
I Pierre Bois
Les besoins sont extrêmement divers et hétérogènes, et c’est une des grandes difficultés
en matière de formation aux risques. D’abord
le public est très hétérogène, c’est-à-dire que
l’on a besoin de spécialistes techniques. Ils sont
assez faciles à former, on sait le faire. On leur
donne des compétences et on a du matériel. Il
y a beaucoup d’autres acteurs dans le risque.
Il y a des élus, des associatifs, des responsables
d’aménagement du territoire, donc des personnes qui ont besoin d’être familiarisées avec
le risque. Il y a surtout un public très divers qui
a besoin de se construire un langage commun
si l’on veut que la concertation soit efficace, si
l’on veut que la gouvernance à cinq prenne
une réalité. Ces publics très hétérogènes ont
des besoins différents. En revanche, ils ont au
moins un besoin commun, celui d’élaborer un
langage commun par une mise à niveau
collective.
81
Atelier 3
82
D’autre part, la science du risque elle-même
est très pluridisciplinaire. Au-delà des publics,
son contenu scientifique est un second facteur
d’hétérogénéité. On a de la science dure de
la modélisation (nuage gazeux, un front de
flammes), on a des besoins de compétences
en procédés, en techniques de prévention et
en aménagement du territoire, et on doit développer la concertation. Les besoins vont du
plus technique au plus sociologique et sont extrêmement variés.
tions-là. C’est ce qui continue à alimenter la
formation. Certaines entreprises ont pu profiter
é ga l e m e n t d ’ u n e b a i s s e d ’ a c t i v i t é p o u r
fo r m e r u n p e u p l u s p ro fo n d é m e n t l e u r p e rsonnel, d’autant plus qu’une partie des
fo r ma t i o n s s e fa i t à t i e r s - p a ya n t e t n e r e vient pas nécessairement cher à l’entrep r i s e , p u i s q u ’ i l y a d e s c o - p a ye u r s d a n s
c e s fo r ma t i o n s . C e l a a p e r m i s d e s t a b i l i s e r
l e p u b l i c d e c e s fo r ma t i o n s . N o u s n ’ a vo n s
pas obser vé de baisse de fréquentation.
Enfin, dernier point, les personnes elles-mêmes
et pas uniquement les structures, sont hétérogènes. Selon qu’elles représentent de grands
groupes industriels ou des PME par exemple,
les besoins sont très différents. Les grands
groupes ont besoin de gens qui sachent faire
les calculs. Les PME ont besoin d’un « homme à
tout faire du risque » qui soit à la fois capable
d’implémenter une culture du risque dans son
entreprise, mais également d’en parler à l’extérieur et de représenter son entreprise dans
des structures de concertation. Les besoins
sont aussi très différents selon la typologie
d’entreprise à laquelle on va s’adresser.
I Olivier Hamoir
L’offre de l’Ecole des Mines d’Alès, en matière
de formation « risques » est très spécifique, elle
jouit d’un marché qui est relativement stable.
La baisse de régime d’activité dans le secteur
industriel n’a pas diminué l’importance des
questions de risques puisque les sites sont toujours les mêmes. La préoccupation en matière
de risques n’a pas diminué. Nous avons par
ailleurs un public d’élèves, en quelque sorte,
le captif, qui, compte tenu de l’ambiance actuelle et de l’importance que prend le risque
au niveau sociétal, est attiré par ces forma-
Quelles spécificités avez-vous ? A l’Ecole des
Mines d’Alès, vous disiez que vous alliez mettre
en place des observatoires sur la gestion de
crise, avec deux cellules différentes, pour montrer que la manière dont on appréhende une
crise peut être complètement différente ou
appréhendée différemment d’un groupe à un
autre.
I Pierre Bois
La pédagogie de la gestion de crise est
quelque chose de très particulier. On a pu le
voir au travers des interventions de ce matin
et de la mise en perspective de Patrick Lagadec. Nous allons proposer au travers de l’Institut Sciences de Risques un outil original de formation à la gestion de crise puisque dans une
crise et compte tenu de son développement
et de l’imprévisibilité d’un certain nombre de
choses, il n’y a pas de bonne gestion de crise
qui s’apprenne dans une salle de cours. L’idée
est donc de présenter des scénarii de crise, des
« scénari de réalité virtuelle » - c’est un petit
peu oxymorique, mais c’est le mot. On appelle
aussi cela « Serious Games ». Deux équipes travaillent sur un même scénario dans deux salles
isolées, avec le même timing, avec des rôles et
une constitution analogues. On regarde comment évolue le scénario dans chaque équipe.
A la fin, les deux équipes comparent l’évolution
de leur scénario. Le bénéfice pédagogique
ne viendra pas de la comparaison de ce que
aura fait une équipe par rapport à une bonne
solution idéale, que l’on ne sait finalement pas
définir, mais il viendra de l’étude du différentiel
du résultat obtenu par les deux équipes, qui
auront réagi et traité leur crise différemment.
Le fait d’avoir dédoubler la mise en situation
pour la gestion de crise permet d’enrichir très
largement la pédagogie de l’exercice et de
développer de méthodes d’apprentissage. Les
quelques expériences que l’on peut commencer à avoir montrent que cela marche extrêmement bien.
I Jean-Pierre Vidal, Chef de la Division
Délégation aux Enseignements à l’IRSN
En quelques mots, l’IRSN est l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire. C’est un
établissement public de l’Etat, qui a un statut d’EPIC (Etablissement Public à caractère
Industriel et Commercial). Il est sous la tutelle
d’un certain nombre de Ministères, au premier
rang figurent le MEEDDM, la santé, l’industrie,
la recherche et la défense. Nous avons des
missions d’expertise et de recherche dans les
domaines de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, complétées par des missions de
service public et d’appui aux autorités pour la
partie expertise, pour l’Autorité de Sûreté Nucléaire dans le domaine de la radioprotection
et de la sûreté nucléaire, mais également pour
les préfets et les services qui y sont rattachés
quand ils sont confrontés à des problèmes liés
au rayonnement.
L’IRSN, c’est environ 1 700 personnes. Nous
sommes basés essentiellement sur trois gros
sites, deux en région parisienne, à Fontenayaux-Roses et au Vésinet, et un autre à côté
d’Aix-en-Provence, à Cadarache, en partageant des installations communes avec le CEA
(Commissariat à l’Energie Atomique). C’est un
budget d’environ 300 millions d’euros dont à
peu près la moitié est consacrée à des activités de recherche sur tous les volets de la radioprotection et de la sûreté nucléaire. Un élément a émergé au fil des années, comme l’ont
souligné les intervenants précédents, avec la
montée en puissance de l’approche, des réflexions, des recherches sur le facteur humain,
qui joue évidemment un rôle tout à fait important dans la maîtrise des risques. Au départ,
cette approche « facteur humain » était très
concentrée sur ce qui concernait les personnels opérant dans les installations nucléaires, en
particulier les réacteurs d’EDF. Au fil du temps,
cela s’est élargi pour atteindre aujourd’hui à
peu près tous les domaines. Aujourd’hui, un effort important est fait dans le domaine de la
médecine, dans certaines applications médicales utilisant les rayonnements immunisants
comme radiothérapie.
Dans le cadre de nos activités, notre décret
de création nous a confié des missions de
formation, de contribution aux actions de
formation à la radioprotection et à la sûreté
des personnels concernés par l’utilisation de
ce type d’installation. C’est la raison pour laquelle nous avons développé une activité de
formation continue au sein de l’établissement
Cette formation propose un certain nombre
de formations dans les différents domaines de
la radioprotection et de la sûreté, soit pour ré-
83
Atelier 3
pondre à des obligations réglementaires (en
particulier dans la radioprotection), soit pour
proposer des formations ciblées ou adaptées à
tel ou tel type de besoins dans ces domaineslà. A cela s’ajoute une contribution importante
des membres de l’IRSN à des enseignements
universitaires ou dans des écoles d’ingénieurs.
Dans la mesure où l’IRSN n’est pas un établissement comme l’est l’Ecole des Mines d’Alès par
exemple, nous fournissons des contributions à
un certain nombre d’enseignements du type
Master ou formation d’écoles d’ingénieurs.
Voilà en quelques mots le panorama de nos
activités centrées sur la recherche dans les domaines de la sûreté et de la radioprotection,
déclinées dans le cadre de l’expertise technique et de l’appui aux autorités dans les différents domaines et qui s’ouvrent sur l’extérieur
via le vecteur de la formation soit continue
(que nous organisons), soit par la participation
des enseignements dans des structures universitaires ou de l’enseignement supérieur.
I Olivier Hamoir
Quels sont les besoins que vous avez identifiés
auprès des entreprises ? Quelles sont les formations concrètes que vous leur proposez ?
I Jean-Pierre Vidal
84
Dans le domaine de la radioprotection, il y a un
volet de formations assez importante, qui ont
un caractère réglementaire fort, qui imposent
un certain nombre d’obligations de formation
pour les opérateurs utilisant des rayonnements
ionisants ou au sein des structures dans lesquelles elles se trouvent. L’RSN propose donc
ce type de formation. Par exemple, une formation est nécessaire dès lors qu’on veut remplir
les fonctions des personnes dites compétentes
en radioprotection, dans un établissement où
l’on utilise des rayonnements ionisants, quel
que soit son statut, quel que soit sa structure.
Il est nécessaire de former la personne qui va
organiser, sous la responsabilité de l’employeur
le suivi de la radioprotection dans l’établissement. Pour remplir ces missions-là, il y a une
formation obligatoire qui dure environ deux
semaines et qui doit être réalisée par des formateurs certifiés. L’IRSN répond à ces critères
et assure ce type de formation très demandée.
Un autre type de formation à caractère obligatoire s’est développé ces dernières années. Ce
sont des formations imposées par le Code de
la santé publique pour renforcer l’approche ou
la radioprotection des patients. Ces formations
sont destinées aux professionnels du monde
de la médecine qui utilisent des rayonnements
ionisants, que ce soit dans l’imagerie médicale ou la radiothérapie. Elles se sont mises en
place par cette obligation réglementaire qui
concerne donc tous ces personnels. L’IRSN fait
ce type de formation.
Depuis deux ans, à la demande du Ministère
du travail, l’IRSN est en charge de l’organisation d’un examen national dans le domaine de
la radiologie industrielle, le CAMARI (Certificat
d’Aptitude à la Manipulation des Appareils de
Radiologie Industrielle). Pour se présenter à cet
examen, il faut suivre au préalable une formation. Bien évidemment, l’IRSN ne fait pas cette
formation puisqu’il fait passer l’examen, mais là
aussi c’est un point de passage obligé dans ce
domaine d’exercice.
I Olivier Hamoir
Nous allons aborder maintenant la formation
du point de vue des salariés. Philippe Sau-
nier, délégué CGT à la raffinerie des Flandres,
s’excuse de ne pas pouvoir être présent évidemment en raison du mouvement social. Il a
indiqué dans le mail qu’il nous a adressé hier
soir que, durant cette période troublée de blocage, on se rend compte que certaines règles
de sécurité auxquelles on forme le personnel
sont bafouées. Il souhaitait que l’on en fasse
part ici. Je pense que vous aurez certainement
l’occasion d’en parler ou en tout cas de dire
comment vous percevez les formations de ce
point de vue.
Je souhaite poser une question à Jean-Pierre
Vidal sur la perception qu’ont les salariés des
formations en matière de sécurité. Comment
les vivent-ils ? Est-ce qu’ils les appréhendent ?
Quand il y a un caractère obligatoire, les sentez-vous complètement impliqués et réceptifs ? Comment faites-vous passer votre message ?
I Jean-Pierre Vidal
Dans un certain nombre de formations à caractère obligatoire, il peut y avoir plusieurs
approches. Je pense, par exemple, aux formations de personnes compétentes en radioprotection. En général, les salariés qui se présentent à ces formations sont volontaires dans
leur entreprise pour venir faire cette formation.
A priori, ils sont motivés, ils sont intéressés. Ils
sont toujours un peu inquiets parce qu’à la fin
il y a un contrôle des connaissances qui valide
cette formation, qui leur permet, si cela est nécessaire, de remplir leurs missions par la suite.
Mais globalement, la motivation est là. Il n’y a
pas trop de difficulté à entrer avec eux dans le
panorama de la formation et à leur présenter
les différents risques et la façon d’approcher la
maîtrise de ces risques.
Dans d’autres cas de figures, quand ce sont des
formations imposées à un domaine d’activité,
les gens viennent d’abord un peu contraints et
forcés, nous disant, mitigés : « Qu’est-ce qu’on
va apprendre ? Cela nous fait perdre du temps.
On a d’autres contraintes. C’est obligatoire,
alors on y vient, mais… ». Ils ne sont pas réceptifs, ils sont sur la défensive. Après c’est toute la
capacité qu’a l’intervenant à leur faire comprendre qu’il y a effectivement un caractère
obligatoire à cette formation mais que celleci présente malgré tout un intérêt pour qu’ils
puissent mieux prendre en charge leur sécurité. Il arrive à les intéresser et à les sensibiliser à
leur propre sécurité. Une fois que l’on est arrivé
à faire passer ce message-là, la mayonnaise a
pris ; et on peut considérer que la formation a
atteint son objectif premier.
I Olivier Hamoir
Nous allons voir avec Jacques Le Marc, si la
Direction Générale du Travail a la même perception.
I Jacques Le Marc, Direction Générale du
Travail
Je suis de la Direction Générale du Travail (DGT)
et je souhaite tout d’abord excuser Monsieur
Combrexelles, le directeur général du Travail,
qui ne pouvait pas être présent aujourd’hui. Il
devait être remplacé par Monsieur Lanouziere
qui a été appelé en urgence par le cabinet
du Ministre. Je les remplace pour représenter
la DGT. La DGT est l’administration centrale
du Ministère du travail dont l’objet premier est
de mettre en œuvre la politique du travail, y
compris la politique en matière de santé et de
sécurité au travail. C’est également à la DGT
85
Atelier 3
qu’est élaborée la réglementation du travail
et celle en matière de santé et de sécurité
au travail. Enfin c’est la DGT qui anime, coordonne l’activité des ser vices déconcentrés,
notamment de l’inspection du travail dans les
départements.
I Olivier Hamoir
Dans le domaine des risques, puisque c’est
votre domaine et c’est le secteur dans lequel
vous exercez, comment les formations sontelles vécues, appréhendées de la part des
salariés ?
I Jacques Le Marc
86
Je vous apporterai mon opinion sous un double
éclairage, celui de l’ancien inspecteur du travail que j’ai été pendant une quinzaine d’années, et qui a été présent dans les entreprises
au contact des salariés et des chefs d’entreprises ; mais également celui de la Direction
Générale du Travail. Les installations, les équipements dans les entreprises intègrent de plus
en plus, dès leur conception, les dispositifs de
sécurité maximum. On pourrait se dire qu’à
partir du moment où l’ensemble des composants de sécurité et de protection sont prévus à la conception, l’inter vention humaine
n’est plus nécessaire. Tout va rouler et il n’y
aura pas d’accident. Malheureusement, ce
n’est pas du tout comme cela. Il y a toujours
des défaillances qui n’étaient pas prévues et
des accidents sur viennent. On s’aperçoit que
malgré la performance des installations, la formation du personnel demeure naturellement
très importante : la formation des opérateurs
chargés du fonctionnement les installations et
de la maintenance, des responsables de la
sécurité, mais aussi la formation de personnes
auxquelles on ne pense pas tout de suite mais
qui sont pour moi indispensables, à savoir la
formation de l’encadrement.
Dans une entreprise, il ne peut pas y avoir des
personnes sensibilisées à la formation, qui ont à
l’esprit chaque jour la sécurité, si les personnes
qui leur donnent des ordres, les personnes qui
les encadrent, ne sont pas elles-mêmes formées et sensibilisées à la sécurité. Je me suis
aperçu de cela régulièrement, quand j’assistais aux réunions de Comité d’Hygiène de
Sécurité et des Conditions de Travail (CHSCT)
auxquelles sont invités les inspecteurs du travail. Lorsque nous abordions des questions de
risques importantes, on remarquait tout de
suite les entreprises dans lesquelles la prévention était vraiment une culture et lorsque l’encadrement lui-même était sensibilisé. Si l’encadrement n’était pas sensibilisé, on ne pouvait
pas demander aux opérateurs et aux ouvriers
d’avoir cette sensibilisation. La formation à la
sécurité est importante à tous les niveaux dans
l’entreprise.
I Olivier Hamoir
Vous constatez que ce n’est pas encore aujourd’hui une règle générale. Cette formation
du management progresse-t-elle ?
I Jacques Le Marc
Je pense que cela progresse. Un rapport a été
produit par William DAB qui travaille au Conservatoire National des Arts et des Métiers. On lui
avait demandé, le Ministère du travail notamment, de faire l’état des lieux sur la sensibilisation ou l’appréhension de la formation à la
sécurité dans l’encadrement (les ingénieurs,
les cadres) dans les entreprises. Il a fait son en-
quête et a produit son rapport qui présentait un
état des lieux un peu mitigé. Certes, une partie de l’encadrement est sensibilisée, formée à
la sécurité, mais encore de manière insatisfaisante. Dans certaines entreprises, ce n’est pas
du tout le cas. Forts de ce rapport, le Ministère
du travail, l’INRS, la CNAMTES, le CNAM (et j’oublie peut-être d’autres organismes qui m’en
excuseront) ont décidé de mettre en place ce
que l’on appelle le Réseau Francophone de
Formation à la Sécurité dont l’objectif est de
mettre en place, au travers de groupes de travail, un module de formation, un référentiel de
formation, qui sera accessible gratuitement à
toutes les écoles qui souhaitent le mettre en
place, de manière à ce que, dans toutes les
formations de grandes écoles, d’ingénieurs,
de cadres et de management d’une manière
générale, ce module sécurité-santé soit mis en
œuvre. Au même titre qu’aujourd’hui l’anglais
est indispensable, l’informatique est indispensable dans ces écoles, il faut que la formation
à la sécurité devienne indispensable, afin que
les jeunes en entreprise aient déjà acquis le
réflexe sécurité.
I Olivier Hamoir
Nous avons eu le regard de l’ancien inspecteur du travail. Quel est celui maintenant de
la DGT ?
I Jacques Le Marc
Il rejoint celui de l’inspecteur du travail. Tout
simplement, il faut accorder une place importante à la formation du personnel dans
les entreprises. La formation des salariés à la
sécurité, c’est d’abord pour leur propre santé, leur propre sécurité et pour celles de leurs
collègues de travail. La réglementation sur les
risques technologiques dans l’entreprise rejoint
cette obligation qui est fixée par le Code du
travail, de formation à la sécurité. Lorsque les
salariés prennent soin de leur santé et de leur
sécurité, ils le prennent au travers des gestes
de sécurité. Ils veillent au respect des règles
de sécurité pour que les installations fonctionnent bien et pour qu’il n’y ait pas d’accident.
Et si il y a un accident, cela va les toucher euxmêmes et leurs collègues de travail, mais aussi
l’outil industriel et l’environnement. Les obligations fixées pour les entreprises à risques rejoignent celles qui concernent la formation et la
protection des salariés.
I Olivier Hamoir
Je vous propose d’aller voir les travaux qui
ont été menés par la Commission Européenne
en matière de formation aux risques avec
Maureen WOOD.
I Maureen Wood, Attachée scientifique à
la Commission Européenne
Je suis très heureuse d’être invitée à cette réunion. La France fait une contribution très forte
au niveau européen à la politique en matière
de risques. Nous fournissons beaucoup d’outils que nous partageons avec les autres pays
membres, surtout la recherche. Pour me présenter un peu, j’appartiens au Major Accident
Hazards Bureau (MAHB) qui est un centre de
commande de recherches de la Commission
Européenne. Notre tâche et nos responsabilités sont d’apporter un soutien technique sur
la réglementation Seveso. Je suis à ce poste
depuis 2000. Je ne suis pas experte de la formation, mais je connais très bien les besoins
surtout chez les inspecteurs, parce que je gère
l’activité des inspecteurs au niveau européen.
87
Atelier 3
Il y a cinq ans, nous avons créé un groupe de
t r a va i l p o u r l e s i n s p e c t e u r s d o n t j e s u i s l a
secrétaire.
88
Les risques industriels et les risques technologiques sont bien complexes et variés. La
maîtrise des risques dépend d’un ensemble
complexe de facteurs, la mise en place d’un
procédé, l’entretien, les réparations, les interventions humaines ou celles de l’environnement naturel. On note que les récents accidents graves ont eu des origines communes.
Je peux faire référence à quelques exemples
comme l’accident à l’entrepôt de Buncefield
au Royaume-Uni ou à de Donges en 2008. Tous
les deux se sont produits à l’heure d’un chargement ou d’un déchargement. C’est un phénomène très connu et les risques associés à ce
phénomène sont connus. Ce type d’accident
se produit chaque année. À mon avis il faut
réfléchir au « pourquoi » et se demander ce
qu’on peut faire pour promouvoir et soutenir
les retours d’expériences et les résultats de nos
recherches, pour que, nous puissions mettre en
œuvre les résultats, d’une façon meilleure.
L’existence d’un cadre réglementaire qui va
au-delà des frontières nationales apporte
des avantages à cet égard. Chaque pays a
des points de vue différents et chaque pays
membre est un terrain d’essai. Chacun a son
expérience, ses outils, ses approches. Les pays
partagent leurs expériences avec tous leurs
efforts qu’ils portent au niveau européen pour
partager leurs résultats. Ils sont disponibles pour
que les autres puissent en profiter.
A la Commission Européenne, nous concevons
notre tâche de réaliser, de faciliter, la réalisation de ces avancées. Nous gérons ces coûts,
comme les coûts de travail des inspecteurs. Ce
groupe a un programme d’ateliers qui traitent
des thèmes prioritaires qui sont sélectionnés.
L’atelier de cette année en fait aura lieu la semaine prochaine et portera sur la gestion des
systèmes de sécurité : comment les inspectet-on ? Nous traitons aussi des sujets qui sont
importants pour les industriels, comme l’analyse des risques. Nous publions les conclusions
de ces ateliers. Par exemple, les précédents
ont couvert la gestion des risques aux entrepôts de stockage de pétrole, la gestion des
risques dans les raffineries et l’application de
la réglementation Seveso dans cinq secteurs
industriels : les fabricants pharmaceutiques,
les entrepôts LPG, les raffineries, les fabricants
de substances spécialisées. Nous faisons aussi
au niveau européen l’analyse des accidents :
nous collectons et diffusons les résultats qui
en sont tirés.
Tout cela, je sais que vous reconnaissez que
c’est très intéressant et qu’il est nécessaire
de faire ce travail. Mais nous sommes dans
un atelier de formation, je voudrais vous faire
réfléchir ; est-ce assez ? C’est un pas en
avant d’avoir un rassemblement au niveau
européen des retours d’expérience, des recherches, des résultats des recherches qui
sont produits à travers tous les pays membres.
C’est un véritable avantage. Mais ce n’est
pas assez d’avoir seulement un collecte de
ces informations. Parmi les inter ventions des
inter venants précédents, je me suis sentie
très liée à celle du Ministère du travail pour
qui il faut avoir une connaissance, une compréhension très forte chez les industriels. Ce
défi est réglé. Nous avons l’accès à toutes
ces informations beaucoup plus qu’auparavant grâce aux ordinateurs, aux réseaux
des risques, à l’inter vention de la Commis-
sion Européenne. Nous avons une prise de
conscience de la responsabilité de former
les gens qui travaillent dans le domaine des
risques.
Mais que va-t-on faire de ces informations ?
Je crois que le point critiquable du point de
vue des individus, c’est qu’il faut que les personnes sachent et comprennent bien comment utiliser toutes ces informations qui sont
disponibles. C’est un défi très important. Si on
voit se répéter les accidents, pourquoi n’ontils pas trouvé la façon d’évaluer les risques
comme il le faut ? Des formations, il y en a.
Comment peut-on affirmer que l’analyse critique et le résumé de ces informations sont
pertinentes à une situation spécifique ? Le
point que l’on peut critiquer c’est qu’il faut
développer la formation des ingénieurs et des
directeurs de ces exploitations. Du point de
vue de la recherche, je voudrais que l’on se
concentre sur la mise en œuvre. Nous avons
les informations et beaucoup de connaissance de notre sujet, mais est-ce que nous
savons comment former les personnes pour
qu’elles sachent, quand elles sont en face
d’une situation qu’elles ne connaissent pas
assez bien, les facteurs des risques ? Comment faire pour ce qu’elles analysent mieux
le risque qu’elles ont en face ? C’est une
question que je me pose.
I Philippe Essig
À l’écoute des inter ventions qui viennent de
se faire, je reviens sur les facteurs humains
et organisationnels. Pour le facteur humain
d’abord, il y a le facteur au niveau individuel.
J’ai commencé ma carrière professionnelle
juste au lendemain de la deuxième guerre
mondiale. J’ai été formé à ce moment-là
avec une méthode Training Working Industr y, qui avait été mise au point par l’armée
américaine pour former non pas ses cadres,
mais ses soldats. La formation insistait sur trois
choses dans l’exécution de chacune des
tâches. Il fallait que cette tâche soit faite
avec précision, facilement et en sécurité. Il y
a donc une formation individuelle, mais la sécurité fait partie complètement de l’exécution de la tâche individuelle. Il y a à la fois ce
qui va ressortir de l’humain et de l’organisationnel. C’est toute la chaîne de commandement. C’est la politique, la stratégie de l’entreprise. C’est un système qui est beaucoup
plus compliqué parce que la sécurité n’est
pas le seul aspect des problèmes posés à tout
un chacun. Elle est en confrontation permanente, que ce soit au niveau technique, économique, financier ou social, à tout ce que
vous voudrez, avec toutes les autres préoccupations de l’entreprise. C’est là que nous
avons pointé dans notre enquête du groupe
d’échanges, le fait que la formation sécurité
n’est pas perçue en tant que telle dans les
entreprises aujourd’hui. Elle est diffuse à l’intérieur de beaucoup de choses.
Je vais ajouter une dernière dimension qui
m’a été rappelée tout à l’heure par l’intervention de Patrick Lagadec. En matière de
sécurité, nous devons de plus en plus prendre
en compte l’incertitude. Nous ne sommes pas
encore préparés culturellement à cela. Il faudrait une formation à la prise de décision en
situation d’incertitude. C’est quelque chose
de très compliqué et de très complexe, qui
ressort d’ailleurs autant d’une attitude de
culture par rapport à la vie, à tout notre environnement, que d’une formation spécifique.
89
Atelier 3
Questions de la salle
I Daniel Vig ier, Fédération Régionale
Auvergne Nature Environnement
Vous avez par lé essentiellement des acteur s inter nes à l’entrepr ise que sont le personnel des fa br ications , la maintenance et
les cadres . Or, il existe une autre catégorie
d’acteur s qui inter viennent, qui ne sont pas
négligea bles du tout, ce sont les ser vices
extér ieur s en cas d’accident (la police, les
ser vices sanitaires etc.). Il y a une autre catégor ie que sont la population riveraine (ce
sont les futures victimes) et les collectivités
locales qui prennent des décisions qui peuvent plus ou moins aggraver la situation. Ces
trois acteur s dont vous n’avez pas parlé,
agissent non pas sur la probabilité que se
produise un accident, mais ils agissent sur la
gravité.
On est ici dans un atelier qui s’occupe de
for mation. Ce qui m’inquiète, c’est que ces
trois catégor ies d’acteur s , non seulement
ne corr igent pas la gravité, mais ils peuvent
même accentuer cette gravité. Je pense
qu’il faudrait commencer à envisager une
for mation justement pour prévenir cela.
90
Je voudrais ajouter un mot concer nant les
comités de concer tation. C’est vrai que la
gouver nance à cinq par t d’un bon sentiment. Mais il n’empêche que dans la réalité, ce que j’ai constaté, ce ne sont pas des
comités de concer tation, ce sont plutôt des
comités d’infor mation. On ne pourra rien
faire tant qu’il n’y aura pas cette for mation
qui est pour moi essentielle pour les associations de r iverains et essentielle pour la collectivité locale.
I Philippe Essig
Le service de sécurité, pour moi, est une entreprise en soi. Elle a un programme de travail et
doit faire face à toutes les situations que l’on
peut imaginer. Il y a des formations pour ces
services. Je vous corrige tout de suite, il en va
de même pour les élus. Justement, l’ICSI a préparé toute une série de formations pour permettre aux élus de réagir de la façon la plus
appropriée en cas d’accident ou d’incident.
Sur les comités locaux, je partage entièrement
votre sentiment. Je considère que la loi n’a pas
produit le lieu de concertation - concertation
et non information qui serait nécessaire. Je
vous renvoie à l’expérience qui a été lancée
par le maire de Feyzin, Yves Blein qui a créé
autour du site de Feyzin, une conférence riveraine qui fonctionne depuis à peu près un an
et demi ou deux ans de façon remarquable
avec une présence permanente de riverains
qui sont en dialogue avec les responsables de
l’usine, les élus et les services de sécurité. Nous
souhaitons que l’expérience de la conférence
riveraine de Feyzin fasse école dans toute la
France.
tant de les expliquer. Il me semble donc que
l’un des premiers enjeux en matière de formation sur les questions de risques, c’est de permettre aux stagiaires, quel que soit l’origine,
le panel (élu, association, technicien etc.), de
mesurer et d’appréhender l’ensemble des enjeux collectifs ou individuels, environnementaux, sociétaux, économiques et technologiques. Cette question des enjeux est reliée
à une autre question. Même si nous sommes
une école technique, nous ne sommes pas
insensibles aux questions philosophiques et
culturelles. Le moteur de l’action, c’est l’adhésion, l’engagement. Cela ne s’acquiert pas
simplement par la maîtrise d’une expertise
technique, mais par la référence à un système
de valeurs. Pourquoi des événements dangereux se répètent et que l’on ne tire pas les leçons du passé ? C’est parce que l’on perd
le sens et on oublie de se référer un système
de valeurs qui doit être, autant que faire se
peut, un système de valeurs guidé par l’intérêt
général. Je pense qu’il est très important de
comprendre que le moteur dans cette affaire,
c’est l’engagement autour d’un intérêt général compris, appréhendé, partagé, expliqué.
I Marc Focret, Directeur de l’Ecole
Nationale des Techniciens de l’Equipement
I Une personne de la salle
L’Ecole Nationale des Techniciens de l’Equipement relève du MEEDDM et forme des techniciens supérieurs qui sont affectés plutôt dans
les services opérationnels d’aménagement
durable du territoire au sens large. Vous abordez les questions de formation de manière un
peu fermée sur cette question des risques et
de la sécurité, m’a-t-il semblé. Un des fondamentaux en matière de formation, c’est la recherche de l’adhésion, de la compréhension,
en appréhendant les phénomènes et en ten-
J’ai passé pratiquement toute ma vie à former
des ingénieurs et à monter des écoles d’ingénieurs dans le cadre du Centre de l’Etudes
Supérieures Industrielles. Je le dirigeais au niveau national en 2001. Peu de temps après,
nous avons été interpellés par la métallurgie,
notamment la métallurgie lyonnaise qui nous
a demandé de réfléchir à ce que l’on pouvait
faire en matière d’appui à l’industrie dans le
domaine de la formation, puisque l’industrie
lyonnaise quelques mois après 2001 n’a pas été
bien. Ce qui m’a amené à faire homologuer
par la CGE, le premier master en gestion des
risques industriels en France. Depuis, j’ai quitté
le CESI, parce que j’ai fait de la formation aux
risques mon métier. Cela fait pratiquement 10
ans que je réfléchis essentiellement à cela.
Et je vais arriver tout de suite aux conclusions.
Ma conclusion est que bien évidemment, nous
avons besoin d’un corps d’ingénieurs sérieux,
solides, compétents pour continuer à avoir des
installations à peu près aussi fiables que celles
que l’on a aujourd’hui. Je crois que les systèmes physiques finalement n’ont pas démontré qu’ils étaient terriblement impliqués dans
les derniers accidents que nous avons eus. Si
on prend les accidents industriels – cela est
valable au niveau mondial quand on pense
à Tchernobyl ou Bhopal, mais plus particulièrement en France depuis 30 ans, 100 % des
accidents industriels, grands ou petits, comme
ceux auxquels vous faisiez allusion au niveau
des dépotages, ont pour origine des décisions
humaines qui ne sont pas nécessairement des
décisions liées à l’opérateur final. La personne
physique qui a été malheureusement à l’origine de l’accident d’AZF, le pauvre gars, il n’y
pouvait rien.
Je suis arrivé à la conclusion que l’essentiel des
besoins de formation dans ce domaine-là était
double. C’est tout d’abord l’encadrement. Je
crois que 90 % des accidents industriels pourraient être évités si l’encadrement avait la
connaissance : connaissance technique en
partie, mais surtout connaissance de sa responsabilité, connaissance organisationnelle
et peut-être un peu des comportements humains. L’autre aspect, on l’a évoqué, ce sont
les élus. Le maire est responsable en dernier
91
Atelier 3
lieu de toute la gestion des risques sur sa commune. Bien que certaines initiatives existent et
bien que cer tains maires soient tout à fait
remarquables dans ce domaine-là, on est obligé de dire qu’il n’existe pas encore suffisamment de culture de gestion du risque chez les
élus, même si cela commence à venir. C’est
d’ailleurs pour cela que nous avons créé un
site Internet qui ne fait que cela, il s’appelle
Sécurité Commune Info. On peut être une petite commune et avoir des sources de risques
tout à fait importantes sur sa commune, ne serait-ce qu’avec les camions de TMD. Les maires
sont complètement démunis de ce point de
vue-là.
I Olivier Hamoir
J’ai une question à poser à la Direction Générale du Travail : Est-ce que les sous-traitants qui
travaillent dans ses usines à risques bénéficient
de formation au même titre que les employés
staffés ?
I Jacques Le Marc
Je ne l’ai pas précisé tout à l’heure, le Code
du travail a fixé une obligation de formation à
la sécurité qui est à la charge des employeurs
à l’embauche ou au changement des techniques de travail. Il y a une partie du Code du
travail qui concerne les établissements à haut
risque, essentiellement les établissements classés Seveso. Il est effectivement prévu que le
responsable de l’entreprise utilisatrice qui fait
appel à des entreprises intervenantes, on va
dire des sous-traitants, doive former à la sécurité de manière renforcée les salariés de ces
entreprises sous-traitantes.
92
I Olivier Hamoir
Quel est votre constat ? Est-ce la réalité ?
I Jacques Le Marc
N’ayant pas eu un nombre important d’entreprises à haut risque sur le secteur sur lequel j’ai
pu être inspecteur du travail, je ne pourrais pas
me prononcer. J’avais notamment une raffinerie sur l’un de mes anciens secteurs. Je pense
que c’était fait d’une manière générale. Sincèrement, je ne peux pas vous donner plus de
précisions.
I Philippe Essig
Je vous renvoie simplement au cahier de sécurité sous-traitance rédigé par l’ICSI et auquel
ont participé de façon très étroite les organisations syndicales.
I Monsieur El Mahfoudi, Directeur de
l’Institut Spécialisé de Travaux Publics
d’Oudja (Maroc)
Je suis directeur de l’Institut Spécialisé de Travaux Publics d’Oujda au Maroc et je suis ici en
tant qu’invité de l’ENTE de Valenciennes. Ma
question a deux aspects. Le premier concernerait plus les interventions de ce matin. Je
m’interroge en fait sur la gestion des risques de
certaines industries qui explicitement sont des
industries faisant partie de la stratégie économique du pays mais qui ont implicitement
des effets assez néfastes sur la société et sur
l’être humain. Je ne citerai pas l’industrie des
arbres et tous les effets qu’elle a sur le monde,
je parlerai beaucoup plus de l’industrie des cigarettes. On sait très bien que la cigarette tue,
d’ailleurs on l’affiche clairement. On combat
la drogue, mais on évite de parler de certaines
industries dont on a la preuve qu’elles ont des
effets assez rétrogrades sur la santé du public
et sur cette vie tellement chère à la terre qu’il
faut préserver, qu’il faut sauvegarder. Le deuxième aspect de mon intervention concerne
la formation d’une population de bas âge, à
savoir les enfants qui sont les plus fragiles face
aux risques. Que fait-on pour préserver cette
population du risque de mettre en péril carrément la vie humaine et l’intelligence sur terre ?
I Y v e t t e T e l l i e r, R e p r é s e n t a n t e d e
l’IFFO-RME
Je représente aujourd’hui l’IFFO-RME, Institut
Français des Formateurs Risques Majeurs Protection de l’Environnement. Nous sommes en
grande majorité des membres de l’éducation
nationale, mais pas seulement. Nous avons
dans ce réseau des spécialistes du risque
(toute catégorie) aussi bien des collectivités,
des préfectures, tous les services de l’Etat qui
ont en charge la gestion des risques.
L’une de nos missions essentielles est d’assurer la formation préventive auprès des jeunes
dans les établissements scolaires, auprès des
populations (à la demande des collectivités si
nécessaire).
Pour protéger les enfants, nous avons la mise
en place des Plans Particuliers de Mise en Sûreté. Chaque école, chaque établissement scolaire, y compris chaque établissement d’enseignement supérieur, doit mettre en place une
organisation interne. Cette formation a été
également assurée au Maroc à la demande
du Ministère de l’éducation nationale du Maroc. Des représentants de l’IFFO-RME sont allés
former des personnels au Maroc pour mettre
en place les PPMS (Plan Particulier de Mise en
Sûreté. Quand on met en place le PPMS, nous
les accompagnons d’une éducation au risque
pour faire passer le message auprès des enseignants puisque l’on forme les enseignements.
Les messages passent aux enfants, ensuite les
enfants le passe dans les familles pour essayer
de les démultiplier.
Le rôle de l’inspection
I Olivier Hamoir
Dans cet atelier, nous souhaitions aussi aborder la question des services d’inspection. Vous
savez qu’ils sont très souvent mis en cause. On
parle de la jeunesse des inspecteurs, de leur
inexpérience, du fait qu’on leur demande d’intervenir sur différentes problématiques et sur
différents schémas alors qu’ils ne sont pas toujours formés. Est-ce un vrai problème au sein
des inspections ?
I Philippe Essig
C’était un problème que j’avais abordé dans
mon rapport au gouvernement après l’accident, la catastrophe AZF. Il est certain qu’en
France nous avons un réflexe naturel de nous
retourner vers l’Etat. L’Etat qui est protecteur.
Nous pensons que finalement la réglementation va être notre bouclier. S’il y a eu un accident, une catastrophe, c’est que soit la réglementation a été insuffisante ou soit qu’elle n’a
pas été appliquée. Le réflexe est de dire qu’il
faut augmenter les inspections. Ce réflexe est
typiquement français. Il est finalement mauvais. On a besoin d’un cadre réglementaire,
tout le monde est d’accord là-dessus. Ne cherchons pas à ce qu’il rentre dans les mini détails.
On a besoin d’avoir un œil extérieur et ça je
pense que votre expérience dans le domaine
social était très importante. Que cela puisse
être aussi un contrôle industriel, cela fera du
93
Atelier 3
bien. Mais ne croyons pas que ce soit une panacée. Il se trouve qu’après l’accident AZF,
le Ministère a doublé les effectifs d’inspecteurs de la DRIRE. Il a recruté instantanément
je ne sais plus combien, 500 ou 1 000 jeunes
ingénieurs. Quel que soit leur bonnes volonté, quel que soit leur formation initiale, ils
ne pouvaient pas rentrer avec compétence
dans les problèmes complexes d’une entreprise chimique. Cela avait soulevé un certain
nombre de problèmes.
I Pierre Bois
94
Je ne partage pas complètement ce point
de vue. J’ai beaucoup fréquenté et connu
les ser vices de l’inspection puisque c’était
mon métier avant d’être à l’Ecole des
Mines d’Alès. J’étais chef de ser vice régional de l’environnement industriel dans une
DRIRE. Pour apporter un peu de détail ou de
connaissance de terrain à propos de l’inspection, je dirais que l’Inspection des Installations Classées en France a deux forces et
trois faiblesses. Ses deux forces, c’est d’abord
un cursus de formation de base qui tient très
bien la route. Il y a une semaine technique,
il y a une semaine métier, un certain nombre
de modules techniques qui sont globalement
efficaces et qui couvrent bien l’ensemble
des questions techniques qui peuvent se poser quand on est amené à veiller à l’application des cadres réglementaires sur les sites
industriels. La seconde force est que, malgré
les recrutements qui ont eu lieu récemment,
la pyramide des âges est relativement stable.
Il y a une faculté de transmission d’expérience très importante dans ces ser vices. On
a presque partout une cohabitation assez
étroite et un vrai travail d’équipe entre les
inspecteurs expérimentés et ceux qui le sont
moins. Objectivement, il est très rarement reproché aux ser vices d’inspection d’être incompétents. D’après ce que j’ai pu obser ver,
c’est rarement leur compétence qui est mise
en cause.
En revanche, les ser vices d’inspection ont
trois faiblesses. La première qui est la rançon
du cumul des générations et de la pyramide
des âges, c’est que les générations ont été
formées avec des méthodes différentes. Les
anciens ont été formés à la nécessité du développement industriel, c’est-à-dire au développement industriel de l’après guerre qui
a duré extrêmement longtemps. Ceux qui
contrôlaient devaient aussi faire en sorte que
les industries se développent. Il y a eu une
réaction complètement opposée, c’était le
fruit d’une prise de conscience et d’une nécessité objective. Il a fallu mettre fin à une
situation souvent brocardée. On a donc une
gestion des inspecteurs qui est sur une ligne
très dure. Cela excluait en particulier le mot
« conseil » qui est devenu un véritable tabou
dans les ser vices d’inspection. Par conséquent, les dossiers étaient moins bien ficelés
et finalement les exploitants industriels répondaient moins bien aux attentes de l’inspection. On a un moyen terme qui se situe
entre les deux problèmes de générations.
Le deuxième défaut identifié ou faiblesse, est
un problème d’appréhension de la faisabilité, de la notion d’économiquement acceptable, qui aujourd’hui écrite dans la réglementation et très difficile à appréhender sur
la réalité économique des sites industriels, et
très difficile à concevoir.
Troisième faiblesse, c’est qu’il y a une grosse
faille, une ligne de fracture méthodologique
entre les réglementations relatives à l’usine
en fonctionnement (principalement IPPC), et
celles relatives à la prévention du risque majeur Seveso. IPPC se réfère à des documents
constamment mis à jour par construction, qui
sont les Brefs. Tandis que la réglementation,
au moins en France, concernant le risque majeur, s’appuie sur un corpus extrêmement serré de circulaires techniques, très détaillées.
On a une variété et une richesse de textes
à appliquer beaucoup plus grande que pour
l’autre. Cela pose des problèmes de méthodologie aux inspecteurs.
I Jean-Pierre Vidal
L’IRSN par ticipe à la for mation d’inspecteur s de la radioprotection et de la sûreté,
mais elle n’a pas la maîtr ise d’œuvre. Ceci
étant, je me retrouve assez bien dans les
propos de Monsieur Bois pour avoir été dans
une vie passée, inspecteur de la radioprotection. Effectivement il y a une activité de
for mation initiale, quand on rentre dans la
fonction qui est impor tante, qui s’est développée, et qui s’est mise en place dans la
radioprotection. Le souci, c’est de pouvoir
la maintenir, de l’enr ichir et de l’actualiser
au fil du temps par des for mations pér iodiques et des par tages avec (en dehor s
du contexte d’inspection) les par tenaires
ou les per sonnes qui sont dans les éta blissements qui sont contrôlés , de façon à essayer de faire la par t des choses , de savoir
effectivement comment les gens travaillent
et a ppréhender cette façon-là, et a près
mettre cela en per spective avec les obligations et les contraintes dont les inspecteur s
ont la charge.
I Olivier Hamoir
Madame Wood, quelles sont les actions de la
Commission Européenne sur ce sujet ?
I Maureen Wood
Je n’ai pas de solution. Je fais deux réflexions
issues de mon expér ience avec les inspecteurs au niveau européen. Cela s’a pplique
à l’industrie et aux inspecteur s . Les compétences exigées par les métier s de la gestion
du risque sont très var iées et très complexes .
Raffineries, fabricants d’engrais ou d’entrepôts sont très diverses .
Je crois qu’un ingénieur, for mé généralement dans une école, qui fait face à un
cer tain type d’éta blissements , doit avoir
beaucoup de temps pour se for mer afin de
bien connaître les r isques auxquels il est
confronté. Les spécialistes sont nombreux.
Comment peut-on soutenir nos exper ts par
ra ppor t à ses var iétés ? Il y a des stratégies
mais il faut les disséminer et les mettre en
œuvre dans plusieur s pays .
Par ailleur s , vous avez par lé de la culture
de sécur ité et des facteur s humains . J’ai
entendu des inspecteur s qu’ils ne sont pas
confiants en matière de science cognitive,
ils sont for més en science technique pour
la plupar t. Le problème est l’accès à des
exper ts de ce genre. Dans les ser vices liés
au Seveso, ils ont un assez bon accès à ces
exper ts , mais chez les industr iels , je me demande si cela est le cas .
95
Atelier 4
Instances de concer tation
SPPP I • p u b l i c • s o c i é t é c i vile • enquêtes publiques
c on s u l t a t ion inform a t ion
co-décision • dialogue
CL I C t r a n s p a r e n c e • L o i TSN
I William Giraud, Animateur journaliste
Cet atelier est consacré aux instances de
concertation et de transparence, à leur efficacité et leurs perspectives d’évolution. Certains
mots ont été entendus ce matin : transparence,
information, consultation, concertation. Alors
nous allons nous demander comment et pour
qui mettre en place la concertation. Comment
impliquer les non-sachant ? À quel moment du
processus peut-on identifier le mode d’implication à retenir en fonction du contexte ? Un
nouveau mode de concertation est à l’œuvre
et on a beaucoup misé dessus depuis plusieurs
années. Quelles premières leçons en tirer ?
Nous donnerons la parole à un représentant
des Secrétariats permanents pour la prévention des pollutions industrielles, aux élus, aux
associations, aux entreprises, sans manquer
d’aller voir ce qu’il se fait à l’étranger. Nous débattrons de ces questions ensemble dans une
seconde partie.
96
En préambule, nous allons regarder une vidéo
de cinq minutes qui a été réalisée par le S3PI
Artois. Ce film présente un exemple de mise
en place de concertation tout au long de la
procédure de la demande d’autorisation. La
Commission Nouveau Projet, proposée par le
SPPPI, permet à un industriel de se présenter et
de présenter son projet aux membres du SPPPI
(associations, collectivités, riverains).
La vidéo est disponible sur
www.assises-risques.com
I William Giraud
Voilà un exemple de la forme que peut prendre
la concertation. Nous le voyons bien à travers
cette vidéo, il s’agit à la fois de bien cibler les
supports d’information, de sensibiliser le public
et de ne pas hésiter à avoir recours aux SPPPI,
Secrétariats Permanents pour la Prévention
des Pollutions Industrielles. Ces SPPPI ont été
créés dans les années 70 et Michel Lesbats,
universitaire et responsable du SPPPI Presqu’île
d’Ambès, va nous en dire plus.
I Michel Lesbats, Animateur
Presqu’île d’Ambès
du
SPPPI
Vous vous demandez ce que vient faire un universitaire pour présenter les structures que l’on
appelle les SPPPI. C’est la première caractéristique des SPPPI : ils sont « Grenelliens » d’abord
par leur composition. Au sein d’un SPPPI siègent
tous les acteurs -ou parties prenantes- qui sont
impliqués au niveau d’un territoire dans le domaine du risque industriel au sens large. Il y a
bien sûr les industriels, les services publics, les
DREAL, mais pas que les DREAL, puisqu’il peut
y avoir les ARS, les Directions du Travail de l’Emploi, qui ont changé de nom récemment. Il y a
donc les services publics, mais aussi les associations de riverains ou de protection de l’environnement, les salariés, sans oublier les élus qui
sont garants du territoire, On peut trouver des
experts, des universitaires et des étudiants. La
caractéristique du SPPPI presqu’île d’Ambès est
d’amener les étudiants sur le terrain industriel
pour qu’ils travaillent concrètement. Ainsi, cinq
ou six acteurs se mettent autour d’une table et
discutent. De quoi ?
Ils discutent de ce dont ils veulent discuter. C’est
la deuxième caractéristique du SPPPI : ce n’est
pas une structure régalienne, ils ne s’intéressent
pas qu’à la déclinaison de la réglementation.
Cela, tous les acteurs du SPPPI savent très bien
faire. Souvent les associations « écologistes »
sont là pour piquer les gens au vif et faire avancer la situation. Les services publics sont là pour
faire des études très sérieuses sur les domaines
des risques industriels, les élus, pour diriger leurs
communes. Tout le monde sait faire cela. Par
contre, travailler ensemble sur des sujets choisis
ensemble, sur une zone de cohérence qui est
la zone du territoire, c’est déjà un peu plus rare.
Comme vous l’avez dit tout à l’heure, cela fait
près de 40 ans que les SPPPI fonctionnent. Ils ne
fonctionnent pas forcément de façon idéale,
mais ils ne fonctionnent pas si mal que cela.
Qu’y fait-on, à part traiter des sujets industriels
que l’on définit en commun ? On y fait un peu
ce que l’on a vu dans le film et je vais proposer
d’y faire quelque chose qui nous emmène un
peu plus loin. D’abord on y fait de l’information.
Vous savez ce que c’est que l’information :
c’est transmettre des données d’un émetteur
vers un récepteur. C’est un peu ce que j’essaie
de faire maintenant. Dans les SPPPI, on fabrique
donc des plaquettes pour informer le public. Le
public est celui qui ne connaît pas, celui qui est
profane, que l’on a besoin d’informer. On peut
aussi y faire de la communication. La communication, c’est un petit peu plus compliqué. Il
faut échanger des informations qui peuvent
être contradictoires. L’émetteur devient le récepteur, et réciproquement. Cette définition
de la communication est loin de ce que l’on
appelle la communication politique, ou même
la communication en situation de crise qui
consiste souvent non pas à échanger des informations, mais à dire ce que l’on fait. Or là
ce n’est pas cela du tout. Il s’agit d’échanger
des données de façon à définir ensemble des
objectifs partagés et / ou communs. C’est ce
que l’on appelle la concertation. Pour qu’il y
ait concertation, il faut de la communication
et de la confiance entre les acteurs dont j’ai
parlé tout à l’heure. A ce moment-là, on peut
espérer avoir de la véritable concertation, qui
n’est pas une simple consultation. Nous avons
tous connu la consultation : on nous écoute,
on nous demande notre avis d’universitaire,
d’étudiant… mais cet avis n’est souvent pas
pris en compte dans la décision !
Je reviens un peu sur l’idée que j’ai présentée tout à l’heure qui est que les SPPPI ne sont
une structure régalienne, contrairement à ce
que sont les CLIC, les Coderst, peut-être aussi
quelquefois les SCOT, les futures Commissions
de Suivi de Site, où l’on traite des problèmes
régaliens, des problèmes d’Etat, de responsabilité de l’Etat, à travers la loi et à travers la
réglementation. C’est essentiel mais ce n’est
pas suffisant pour que l’on puisse avoir une
efficacité en matière de gestion du risque industriel. Or, c’est ce que proposent les SPPPI
97
Atelier 4
depuis longtemps : essayer de se mettre sur
une piste de concertation. Finalement, c’est
quoi ? C’est faire fonctionner la société parce
que la société n’est pas un simple agrégat
de gens qui défendent leurs propres prés carrés. Elle est aussi une zone où l’on va pouvoir
échanger des informations, pour participer à
terme à ce que l’on pourrait appeler la codécision. Mais cela, c’est pour demain. La
codécision, c’est l’ensemble des partenaires
sociaux et sociétaux qui définissent la gestion
d’un territoire. Bien sûr nous avons nos élus et
n’oublions pas l’Etat qui est garant de la sécurité de l’ensemble des citoyens. Voilà un peu
ce que devraient être les SPPPI de demain.
I William Giraud
La parole est désormais à Yves Blein, président
d’AMARIS, vice-président du Grand-Lyon et
maire socialiste de Feyzin, grandement impliqué au niveau de sa commune et au niveau
des collectivités dans la concertation.
I Yves Blein, Maire de Feyzin et Président
d’AMARIS
98
AMARIS est une association qui regroupe des
communes ayant des entreprises classées Seveso seuil haut sur leur territoire. Le but est de
leur permettre de faire circuler l’information
entre elles pour qu’elles se dotent et qu’elles
échangent les ressources nécessaires qui sont
liées à ces situations particulières. Cela peut
être lié à l’appréciation de la relation avec
les industriels, à la relation avec les habitants
ou la façon d’animer le dialogue entre ces
parties prenantes qui n’ont pas toujours des
intérêts convergents. AMARIS aide à boucler la boucle avec les ser vices de l’Etat et
à mettre en place l’ensemble des dispositions
que cela peut concerner, dans le respect de
la sécurité des habitants qui est une des premières missions des collectivités, tout en liant
cela à la question du développement économique et à la question de l’emploi. Le rôle des
communes sur la question du risque industriel
est souvent réduit à celui de la sécurité. C’est
le plus flagrant, celui qui saute aux yeux et qui
est sans doute la priorité des priorités, mais il y
a aussi dans cette question d’animation et de
développement territorial, la question de la
présence de l’entreprise, de l’emploi qu’elle
représente, de la richesse pour le territoire.
Tout ça n’est pas exempt de notre réflexion.
I William Giraud
Vous abordez toutes ces questions à Feyzin au
travers d’une initiative locale : la conférence
riveraine. Expliquez-nous quels sont son principe, son fonctionnement et sa genèse.
I Yves Blein
J’aimerais réagir à l’exposé précédent sur
les SPPPI. Plusieurs instances de concertation
existent sur la question du risque industriel et
de la relation avec les habitants. Le SPPPI en
est une. Mais le niveau d’une agglomération,
comme c’est le cas pour nous à Lyon, n’est pas
un niveau qui permet à l’habitant d’intervenir
directement sans être représenté par les élus,
les associations ou autre. Il y a, dans la loi Bachelot, les CLIC, les Commissions Locales d’Information et de Concertation. Celle de Feyzin
réunit à peu près, autour de la raffinerie, une
trentaine de personnes parmi les autorités de
l’Etat, les services de sécurité et de secours,
les représentants des salariés, les représentants des élus, etc. Il y a deux habitants. Il est
inutile de vous dire que c’est compliqué pour
eux de prendre la parole. Il faut le dire. Les
CLIC sont sans doute un progrès en matière
de concertation, mais ils restent un espace de
dialogue très réduit pour des habitants qui ont
envie de comprendre et de s’intéresser à la
question du risque industriel et de la sécurité
qui les concernent. C’est pour cette raison
que sur ma commune (sur d’autres il peut y
avoir des appellations différentes), nous avons
installé une conférence des riverains. C’est
une conférence permanente qui regroupe
une cinquantaine de riverains représentatifs
des différents îlots de quartiers qui avoisinent
la raffinerie et qui fonctionne un peu comme
un cercle de progrès. Elle identifie les questions que les habitants se posent sur la pollution, le risque, l’érosion atmosphérique, les
odeurs et le bruit. On parle souvent du risque
mais ce n’est pas la première chose qui est
perçue par les riverains de l’installation industrielle. C’est souvent un thème pour eux
un peu secondaire, un bruit de fond, mais ce
n’est pas celui qui jaillit le plus souvent. Cette
conférence riveraine est installée pour une
durée de trois ans. Une des composantes du
risque est qu’il est parfois compliqué à comprendre, qu’il nécessite un fond de formation
commun pour pouvoir échanger et progresser
utilement ensemble. La première nécessité est
celle de la durée, pour que les habitants puissent aussi se former et acquérir les connaissances nécessaires à un dialogue.
Les citoyens doivent se former, comme les
élus locaux. Je suis de ceux qui combattent
l’idée qu’il y a les élus et les citoyens. Les élus
sont d’abord les représentants des citoyens. Ils
boxent dans la même catégorie. Evidemment
ils se forment aussi. Quand on est élu pour la
première fois, on est un néophyte complet,
sauf à avoir acquis par l’intérêt que l’on porte
à la chose publique, un certain nombre de
connaissances. Il faut vraiment considérer
que, y compris sur cette question du risque
industriel, on peut former les gens, et, somme
toute, c’est le vrai challenge qui se pose à
nous. Quand on parle d’acquisition d’une
culture de la sécurité du risque, c’est bien de
faire en sorte que cette question soit partagée, ne soit pas vécue seulement comme une
question pesante et angoissante quand il y a
un accident, puis retombe ensuite dans l’oubli
le plus complet. Il faut que nos concitoyens
qui sont confrontés à ces situations acquièrent une culture minimum de connaissances
de l’entreprise, de ses process, mais aussi de
leur capacité à se protéger.
I William Giraud
Pour conclure Monsieur le Maire, diriez-vous
que vous voyez le maire et peut être l’élu
d’une manière générale, comme le garant de
l’indépendance de cette concertation ?
I Yves Blein
Oui, parce que d’une certaine façon l’industriel et l’Etat sont soupçonnés par les habitants. L’industriel porte le pêché de vouloir
produire à l’abri des regards pour pouvoir
conduire tranquillement sa production. L’Etat
est soupçonné de vouloir réglementer sans
que l’on vienne lui dire comment il faut qu’il
fasse.
I William Giraud
Mais le Maire aussi a ses intérêts…
I Yves Blein
Oui, mais il est perçu des habitants comme
le représentant et le dépositaire de leurs intérêts. Cela le positionne un peu en situation
d’animateur du débat et non d’arbitre. Je ne
99
Atelier 4
pense pas qu’il soit de la responsabilité de
l’élu, ni de sa ca pacité, d’arbitrer sur des
situations comme celles-ci. L’arbitrage final
revient à l’Etat qui est d’une certaine façon
le seul détenteur de l’intérêt général et de
l’intérêt public. Par contre, cela met le maire
en situation d’animateur du débat, ce qui doit
être une de ses qualités premières dans une
telle situation, si tant est qu’il en ait la volonté.
Les dispositifs approfondis de concertation
nécessitent d’abord de la volonté. Les gens
ne se bousculent pas quand vous ouvrez la
porte pour venir parler du risque industriel, ce
n’est pas vrai. Il faut aller les chercher. Il faut
susciter leur intérêt. Il faut leur donner le goût
pour cette question-là. Cela nécessite de la
durée, de la formation. Le troisième élément
sur lequel je souhaiterais insister est que cela
nécessite des moyens. La concertation n’est
pas une science qui tombe du ciel. Il faut des
gens, il faut réunir des moyens qui sont coûteux et qu’il faut assumer pour conduire une
concertation de bonne qualité.
I William Giraud
Nous allons donner la parole à Jean Wencker
qui représente les associations. Elles sont nombreuses, nous les avons entendues s’exprimer
ce matin en plénière. Vous, au niveau des associations, vous avez deux exemples, j’allais
dire, de concertation : l’une réussie, et l’autre
plutôt ratée.
I Jean Wencker, Vice-président d’Alsace
Nature
100
J’ai un complément à apporter : je représente aussi le SPPPI de Strasbourg-Kehl qui a
une étendue internationale puisque la ville de
Kehl a été associée au SPPPI de Strasbourg.
Kehl est une ville d’à peu près 20 000 habi-
tants et se situe de l’autre côté du Rhin. Il est
évident que les entreprises et les industriels qui
sont sur la rive gauche ont aussi une influence
sur la rive droite. Lothaire Zilliox, son président,
m’a délégué pour vous apporter ses salutations et pour vous prier d’excuser son absence
à Douai aujourd’hui.
Alsace Nature est une fédération née en
1965. La participation à toutes les formes de
concertation est dans ses statuts. Il est donc
normal pour notre association de participer
aux enquêtes publiques et de donner nos avis
au nom du public le plus large.
A propos d’enquêtes publiques qui sont souvent très décriées, je vous cite juste deux
exemples. L’une à mon sens a été réussie
parce qu’il s’agissait en 2005 de se concerter
pour la construction d’une double ligne électrique qui devait conduire le courant en Lorraine. Cette concertation a été réussie parce
que RTE a contacté le monde associatif largement en amont de l’ouverture de l’enquête
publique. Ils ont négocié avec le Conservatoire des sites alsaciens pour définir le tracé
afin d’éviter un certain nombre de sites protégés particulièrement importants pour le patrimoine naturel. Par conséquent, une fois l’enquête publique ouverte, il n’y a plus eu lieu de
corriger ce tracé. Cette enquête concernait
quand même 86 communes, pourtant un seul
maire a émis un avis défavorable. Entre-temps,
ce maire a mesuré qu’au fond ses objections
étaient relativement bien prises en compte.
Globalement, ce débat autour de la ligne 400
000 volts Vigy-Marlenheim, a été, à mon sens,
une enquête réussie.
Par contre, il y a eu l’enquête autour du bar-
rage hydroélectrique d’Iffezheim sur le Rhin. Il
y a eu de la communication autour de cette
affaire. Le rapport Dambrine par exemple faisait le bilan du potentiel hydroélectrique qui
demeure. Ce rapport a été présenté à Bercy,
je ne sais plus si c’était le 18 ou le 17 janvier
2007, mais cela a été une grande messe où
tous les électriciens se sont rencontrés. Le rapport Dambrine mentionne qu’il y avait, sur le
Rhin, deux ouvrages hydroélectriques ne comportant que quatre turbines alors que cinq
avaient été prévues. La cinquième n’a pas
été construite dans les années 70 tout simplement parce que l’investissement d’une cinquième turbine ne fonctionnant que 50 jours
par an ne pouvait pas être amorti dans les
délais normaux.
Iffezheim est une usine allemande. Il y a 10 barrages hydroélectriques sur la partie franco-allemande du Rhin. La première à être équipée
est Iffezheim. L’enquête publique pour la mise
en place de la cinquième turbine a été ouverte fin 2008. Je me souviens m’y être rendu
le 9 janvier 2009. C’est assez cocasse, je me
suis retrouvé dans une luxueuse salle d’une
commune du nord de l’Alsace où trois enquêteurs m’ont accueilli comme le messie parce
que j’étais le premier citoyen qui se rendait
à l’enquête au bout de plusieurs semaines.
J’ai fait un certain nombre de remarques et
j’ai découvert avec stupeur que le projet prévoyait de fermer pendant neuf mois la passe
à poissons d’Iffezheim qui avait été inaugurée
en grande pompe en 2000.
I Jean Wencker
Il y a un plan international de restauration des
poissons migrateurs du Rhin. Ce plan a déjà
coûté plusieurs centaines de millions d’euros
! A cause de ce qui, à mon sens, était de la
pure paresse intellectuelle, les ingénieurs voulaient fermer cette passe pendant neuf mois.
Au passage je vous signale qu’elle est fermée
depuis 18 mois et elle est toujours fermée. Pour
moi, c’est absolument scandaleux. La faute
est moins du côté des autorités françaises
que des autorités allemandes. L’autorité administrative qui aurait dû mettre un cahier des
charges sur la passe à poissons sur le chantier,
c’était des autorités de Stuttgart et du bas
d’Ortenberg.
On ne peut pas faire le procès des techniciens
du génie civil, ils ne sont pas des experts piscicoles. Mais la responsabilité est aux autorités
administratives qui participent aux travaux de
la Commission internationale du Rhin et qui
ont des experts en matière piscicole parfaitement au courant des modalités de fonctionnement de la passe. Elles se devaient d’attirer
l’attention des industriels sur le fait que neuf
mois d’arrêt de la passe, est absolument incohérent avec la politique des états sur le Rhin. Il
aurait suffit de mettre en place un système de
pompes et de tuyauteries pour alimenter en
eau la passe en dépit des travaux. Je ne dis
pas que ce soit facile, mais cela aurait certainement permis de réduire la fermeture de la
passe à, admettons, une semaine, juste pendant le phasage de la mise en place de la turbine. Des tuyaux vous savez, cela se déplace.
En tout cas consulter le dossier de l’enquête
ne m’a permis de découvrir que les opérateurs avaient réellement cherché des solutions techniques pour maintenir la continuité
écologique du fleuve, leur obsession semble
avoir été de minimiser les coûts.
Pour conclure, c’est quand même un exemple
typique de ratage. Les autorités administratives n’ont pas fait leur devoir. On ne peut
101
Atelier 4
pas incriminer l’industriel. Ce qui est positif
dans cette affaire, c’est que le même travail
va être fait dans l’usine hydroélectrique qui
est en amont, à Gambsheim. EDF a sûrement
été attentif aux critiques qu’Alsace Nature a
faites sur Iffezheim, et sera plus-être plus vigilant quant à minimiser la durée de fermeture.
Des centaines de millions d’euros, les efforts
de centaines d’experts du monde associatif
et d’ailleurs, sur l’ensemble du cours du Rhin,
s o n t fi n a l e m e n t c o m p ro m i s à c a u s e d ’ u n e
n é g l i g e n c e a d m i n i s t ra t i ve d e s a u t o r i t é s
a l l e ma n d e s .
parence sur la Sûreté Nucléaire du 13 juin 2006
qui est accompagnée d’une loi sur le devenir
des déchets nucléaires. A la suite de cela, il y
a eu un décret de procédures en 2007 définissant comment les exploitants devaient communiquer et quel était le rôle de l’Autorité de
Sûreté Nucléaire dans la promotion de cette
communication et de la transparence. Pour
tout ce qui est du domaine des demandes
d’autorisation de création ou de démantèlement d’installations, il y a des procédures du
même type que celles qui ont été décrites ici
avec des enquêtes publiques.
I William Giraud
Nous avons été amenés à développer deux
sujets un peu particuliers dans le monde du
nucléaire et nous les alimentons de façon régulière au-delà des Commissions Locales d’Informations. Depuis les années 90, nous avons
mis en place des méthodes de travail avec
des groupes pluralistes. Le GRNC, Groupe Radioécologique Nord Cotentin fait référence
dans le monde du nucléaire. Il a été créé pour
amener une solution au grand problème de
l’évaluation des rejets de l’usine de la Hague.
Je ne vais pas refaire l’histoire, mais il y a eu
débat pendant des années sur ces rejets. Je
pense que l’Etat a eu la bonne initiative de
créer un groupe participatif sur ce sujet-là,
piloté par un expert et par une personnalité
reconnue. C’était une première initiative où
on rassemblait à la fois des industriels, des
scientifiques, des experts nationaux ou internationaux et des associations pour essayer
de décrire l’objet et de trouver une solution.
Il faut retenir qu’après un travail assez long,
le GRNC existe toujours en tant qu’institution
et il est entretenu. On est arrivé à trouver un
modèle pour qualifier effectivement l’impact
des rejets de la Hague. Aujourd’hui, on peut
Nous allons donner la parole au monde de
l’entrepr ise à traver s l’inter vention de JeanLuc Andr ieux. Vous êtes directeur sûreté,
santé, sécurité et environnement chez Aréva.
I Jean-Luc Andrieux, Directeur sûreté,
santé, sécurité et environnement chez
Aréva
102
Pour être complètement transparent, je dois
dire qu’au-delà de la fonction que j’occupe
aujourd’hui, j’ai été longtemps opérationnel,
puis directeur opérationnel et directeur de
grands sites, notamment dans l’usine d’enrichissement d’uranium Eurodif dans le sudest, à l’usine de la Hague connue par tout le
monde dans le nord Cotentin. J’ai aussi été
responsable des transports de matières nucléaires et de déchets radioactifs. Pour revenir sur le sujet, vous le disiez, le monde du
nucléaire fonctionne depuis toujours avec
une réglementation très précise et avec une
sur veillance très importante. Je signalerais
simplement que, dans ce domaine, la réglementation la plus récente date de 2006. Tout
le monde a entendu parler de la loi TSN, Trans-
dire que tout ce qui est transmis au grand public sur ce sujet-là se base sur un modèle qui
a été établi et inventé de façon participative.
C’est un très bel exemple et une très belle
réussite qui a d’ailleurs été reprise. Vous avez
peut-être aussi entendu dire que nous avions
remis cet été - c’est un « nous » très collectif - au Ministre Jean-Louis Borloo, un rapport
produit par un groupe un peu du même type,
le GEP Limousin. Il traite de l’impact des anciennes mines d’uranium dans le Limousin et
en France. Il fonctionne sur un modèle à peu
près identique à la composition du groupe
dont je vous parlais juste avant. On y a ajouté
formellement l’administration. Voilà donc la
deuxième initiative dans laquelle nous avons
été pleinement associés.
Il y a une démarche très importante qui est
lancée et qui vient de cette loi TSN de 2006.
Derrière cela, il y a des groupes institutionnels
qui ont été montés, notamment le Haut Comité à la transparence de l’information sur
la sûreté nucléaire. Il y a le Plan national de
la gestion des déchets des matières radioactifs. Un certain nombre de groupes de travail
sont initiés par rapport à cela. Monsieur Bonnemains qui faisait partie de la table ronde
de ce matin, est l’un des membres actifs de
ce Haut Comité. Monsieur Lallier qui je pense
que n’est pas avec nous, qui représente le
syndicat CGT, fait aussi partie de ce groupe.
Personnellement, j’en fais partie pour Aréva.
Dans l’animation de ce groupe, nous retrouvons l’administration : l’Autorité de Sûreté
Nucléaire, la DGPR et les Ministères qui sont
représentés en fonction des sujets traités. Il y
a aussi bien sûr le monde associatif très largement représenté avec cinq ou six associations
à dimension nationale, des syndicats profes-
sionnels, des experts, des personnalités internationales et le monde de l’entreprise.
Je considère que c’est un travail très positif
que l’on fait dans ce genre d’institutions. On
est dans l’échange et le partage. On progresse. Une personne comme Jacky Bonnemains est devenu un interlocuteur courant
pour moi. Nous communiquons fréquemment
et sur tout sujet qui le préoccupe. On sent que
l’on peut faire des choses. Par exemple, vous
pouvez consulter sur le site du Haut Comité
pour la transparence un dossier sur le sujet de
l’uranium appauvri, l’uranium de recyclage et
la relation avec la Russie. Même si au bout du
compte les associations n’ont pas vraiment
accepté de signer le document, nous avons
été capable de le traiter. Nous avons mené
à bien l’ensemble de la démarche qui a duré
des mois. On a échangé des mégaoctets de
documents les uns et les autres. Nous avons
réussi à écrire un document où l’on explique
clairement quel est le cycle du combustible,
quel est le positionnement de la Russie etc.
Je citerai tout de même deux limites du système. La gestion de ces groupes participatifs,
et cela est vrai pour les associations comme
pour nous, finit par être une charge de travail
qui vient non seulement s’ajouter, mais à laquelle il faut faire face. Il faut se donner les
moyens de le faire. On ne regorge pas d’experts capables de traiter un sujet comme
cela de façon généraliste. Les associations
pourraient le dire aussi. La deuxième limite est
qu’effectivement, quand on est dans le domaine de la transparence et notamment dans
nos métiers, on butte sur des sujets du type
confidentiel, défense, industriel et commercial. Je vous cite juste un sujet pour que vous
imaginiez les difficultés auxquelles on peut
103
Atelier 4
être confronté. J’ai été amené à présenter
devant le Haut Comité le sujet du transport
de matières nucléaires plutonium entre l’Angleterre et la France, avec des bateaux anglais, des emballages anglais et des camions
français. Comme c’est de la matière de catégorie 1, cela s’est fait sous la protection du
confidentiel défense. En plus de cela, l’installation dans laquelle on arrivait en France
avait été modifiée. Il y avait donc un dossier
de sûreté avec des limites de confidentialité
industrielle. Puis le client était allemand. Il a
fallu que nous trouvions ensemble les moyens
pour échanger suffisamment d’informations.
Nous devions aussi le faire au niveau du Haut
Comité. Mais réfléchissez à ce cas particulier
et demandez-vous comment résoudre cela.
Pour assurer la sécurité du transport, on utilise
le support de l’Etat qui impose, lui, la nontransparence, la non-communication et malgré tout il faut bien apporter de l’information
au public. Il faut prendre le risque de faire un
pas. Il y a le sujet des médias ), il y a un risque
d’amplification. On peut se trouver en opposition par rapport à la loi de façon très très
forte. Il faut aussi respecter son client.
I William Giraud
104
On voit le subtil équilibre entre tous ces impératifs. Vous le disiez, on devait accueillir
un représentant des syndicalistes. Leur présence en tant que représentants des salariés
est importante dans la concertation. Michel
Lallier de la CGT, qui d’ailleurs siège au Comité pour la transparence et l’information sur
la sécurité du nucléaire s’excuse de ne peut
pas être présent. Ses obligations syndicales,
avec le contexte que l’on a évoqué tout à
l’heure, le retiennent à Paris. Mais nous pourrons soulever quelques questions qu’il devait
aborder tout à l’heure dans la partie débat.
Nous allons donner tout de suite la parole
à André Hermann pour voir ce qui se fait à
l’étranger en matière de concertation. André Hermann est expert en Suisse, consultant et ancien chef du Bureau de protection
de la santé et de l’environnement du canton de Bâle, une zone frontalière entre la
Suisse, l’Allemagne et la France. Il va expliquer comment cela fonctionne. Ce ne sont
pas véritablement les mêmes démarches qui
sont entreprises d’un pays à l’autre. Les différences sont vraiment importantes.
I André Hermann, Consultant, ancien
chef du bureau de la protection de la
santé et de la sûreté des installations à
risques du canton de Bâle (Suisse)
Je suis retraité et j’étais responsable du
contrôle des denrées alimentaires et des installations que vous appelez Seveso, c’est-àdire les installations à risques dans le canton
de Bâle, avec entre autres toutes les grosses
firmes chimiques dont vous connaissez bien
les noms. Je travaille dans le groupe Travaux
pratiques (TP) EST de RES qui a la particularité
d’être composé de membres venant des trois
pays du Rhin supérieur. C’est grâce à cette
configuration que nous avons pu comparer
les approches des trois pays sur les thèmes
de la concertation et aborder les problèmes
de la communication. Comment font-ils en
Allemagne ? Comment font-ils en Suisse par
rapport à ce qui est fait en France ? Ce qui
m’a beaucoup impressionné en France, c’est
la mise en place de ces outils de concertation que sont les CLIC ou encore les Comités d’hygiène des entreprises qui sont très
engagés, mais peut-être ne résolvent-ils pas
tous les problèmes de confrontation avec le
grand public.
En Suisse et en Allemagne nous n’avons rien
de similaire. Il n’y a aucun outil, aucun moyen
décrété par une loi. Cela se fait, j’allais dire,
au coup par coup. Les comités ou les groupes
de travail se font et se créent en fonction
des thèmes qui nécessitent un débat. Il faut
peut-être rappeler qu’en Suisse comme en
Allemagne nous sommes une confédération
de cantons ou de Länder qui jouissons d’une
grande autonomie. Ainsi, la police, la santé et
l’éducation sont d’abord du ressort des cantons. En fin de compte, ce sont les communes
qui ont pouvoir de décision. Autrement dit, on
fait du « bottom up » et c’est la population
qui décide. Même pour les grands projets, que
ce soient des projets ferroviaires, des projets
nucléaires ou d’autres, c’est la population
qui a le dernier mot. Les associations peuvent
lancer un référendum pour s’opposer à n’importe quelle autorisation, à l’aide de quelques
milliers de signatures. Pour la Suisse, il suffit de
50 000 signatures récoltées en 100 jours, pour
faire obstacle à un projet. Cela étant, les industriels et les grandes entreprises savent très
bien qu’il faut d’abord convaincre le public.
C’est peut-être la chance que nous avons
aussi bien dans les Länder de l’Allemagne
que dans les cantons suisses. Cette force décisionnelle du public n’oblige pas seulement
à une concertation, mais à ce que l’on doit
atteindre : un consensus. C’est parce que l’on
cherche à trouver un consensus que les projets
sont en fin de compte relativement bien acceptés. Il faut toutefois faire remarquer qu’en
Allemagne existe une pression sociale: avec
l’ouverture des frontières vers l’est, beaucoup
d’industries ont quitté l’ouest, créant un pro-
blème d’emplois. Les Allemands sont peutêtre un peu moins critiques vis-à-vis de certains projets comportant des risques puisqu’ils
ont besoin de travail.
I William Giraud
Ce que vous nous expliquez, c’est qu’il y a un
aspect pragmatique et économique.
I André Hermann
Les Allemands sont pragmatiques. Ils sont
peut-être un peu plus sous la contrainte que
ne le sont les autres parce qu’ils ont ce problème de l’emploi. Mais ils ont aussi un outil
que nous n’avons pas en Suisse et que vous
n’avez pas en France qui s’appelle le « scoping ». Le « scoping », c’est ce qui a été montré avec la vidéo précédente.
Bien avant que le projet ne soit ancré et établi
sur plan, il y a une concertation ouverte à tout
public. N’importe quelle personne du grand
public peut faire ses remarques, faire des propositions ou des oppositions, avant que le
projet soit ‘bétonné’: il est encore modifiable.
Et ceci, je crois, est la grande force du côté
allemand. Par contre, en Suisse nous n’avons
pas de « scoping », mais nous créons des
groupes de travail spécifiques à des thèmes.
Prenons un exemple particulier, celui du dépôt de déchets nucléaires, un thème actuel
un peu partout. Depuis plus d’une année, la
confédération qui chapeaute le processus a
impliqué toutes les communes et tous les cantons, en trois étapes pour informer, sensibiliser
à la problématique en général, écouter les
doléances et essayer de trouver un consensus
bien en amont des concepts d’ingénierie et
de construction.
105
Atelier 4
Questions de la salle
I Eric Batailler, DREAL Poitou-Charentes
J’ai trois remarques. Une première porte sur
l’important travail de concertation et d’acculturation qui est fait, notamment dans le
cadre des CLIC. Nous avons souvent l’impression que ce travail ne redescend pas vers la
population. Comment faire pour que le rôle
de chaque membre des CLIC ou des SPPPI soit
effectivement mis en œuvre et permette une
acculturation générale de la population ? Je
retiens le principe de conférence des riverains
qui a été mis en place par Monsieur Blein qui
est une possibilité de réponse. Mais comment
faire pour que le principe de concertation dépasse les portes des CLIC et des SPPPI ? C’est
un vrai souci parce que nous nous apercevons
lorsque nous organisons des réunions et des
débats publics, qu’aucun travail d’acculturation de la population sur ces risques industriels
n’a été réalisé. En fait, tout le travail qui a été
mené dans le cadre des CLIC est à refaire lors
de ces débats publics.
I Michel Lesbats
106
Quand on a parlé de concertation ou d’information, on a en fait confondu deux niveaux.
Je m’en suis rendu compte à la suite de votre
inter vention. Le premier niveau est le niveau
de l’association entre les partenaires. L’INERIS
vient de publier un document sur la concertation pour réaliser des PPRT au sein des CLIC.
Ce document différencie deux choses, ce
que nous n’avons pas fait ici : l’association
et la concertation entre ceux qui ont l’habitude de discuter, de se concerter, à savoir
des représentants des industriels, du public,
des élus, etc., et ce que l’on pourrait appeler
la concertation directe auprès des citoyens.
Donc comment faire ? C’est de l’éducation,
c’est de la formation, c’est de la sensibilisation, c’est tout ce que vous voulez… Mais la
sensibilisation, c’est « rendre sensible à ». La
formation, c’est changer les paradigmes,
c’est-à-dire changer les façons de raisonner.
C’est un peu ce que nous allons essayer de
mener dans le club des SPPPI.
300, 400, 1000 ou 2000 personnes et une installation industrielle, c’est qu’il faut réussir à toucher au final. C’est auprès d’eux qu’il est important de développer une culture du risque.
Ceux sont les premiers concernés et les premiers à devoir être conscients de la situation
à laquelle ils vont éventuellement faire face.
Pour cela, nous sommes dans l’obligation,
je dirais, morale, d’inventer des espaces de
concertation qui n’existent pas dans les règlements aujourd’hui et qui agissent sur nos
postures. Dans ma commune la DREAL met sur
la table les décisions qu’elle entend prendre
en matière d’études de dangers. Au stade de
préparation d’un PPRT, on ne vient voir les élus
locaux que quand on commence à parler des
enjeux du territoire. Mais si on peut éviter de
les voir avant, quand on discute avec l’industriel de l’étude de dangers, on ne se porte pas
plus mal. Finalement, tant que c’est une histoire de techniciens, on en discute qu’entre
techniciens et on n’est pas « pollué » dans la
discussion et les arbitrages, par des néophytes
dont finalement on a plus envie de dire « mais
de quoi ils se mêlent. C’est un problème qui
est trop technique. Ils ne peuvent pas comprendre etc. ».
I Yves Blein
I Jean-Luc Andrieux
Les cadres habituels de la concertation aujourd’hui ne concernent pas le grand public.
Nous sommes bien obligés de le constater. Les
CLIC ne sont pas des outils de discussion avec
les riverains d’une installation industrielle car
ces derniers ne sont pas là pour poser des
questions et ne sont pas structurés. Quand
vous faites référence aux personnes qui prennent part à la concertation, ce sont déjà des
éléments structurés, sauf que quand on doit
gérer la question du voisinage entre 100, 200,
Je suis d’accord avec ce qui a été dit. Une
fois que l’on s’est concerté, il faut effectivement que chacun rayonne dans son milieu. La
concertation est importante et elle prend forcément du temps parce que c’est à ce stade
que le rapport de confiance entre les différentes parties peut s’établir. Après chacun fait
ce qu’il veut, ou ce qu’il peut.
Il va falloir que l’on invente, en particulier au
SPPPI, une façon d’aller plus vers les citoyens.
La réponse est qu’il doit y avoir une continuité de la concertation un peu institutionnelle,
qui quelquefois n’en est pas, mais qui peut en
être, elle doit être estimée. Je suis toujours un
peu le représentant de quelque chose quand
je suis au SPPPI. Quand j’ai fini mon SPPPI, mes
réunions de SPPPI ou de CLIC, quel est mon
travail ? Si je suis associatif, le travail c’est
d’aller dans les associations, d’aller expliquer
ce qui s’est passé, de faire une synthèse. Si je
suis industriel, c’est de regrouper de temps en
temps les industriels de la région pour discuter
de ces sujets. Si je suis maire, c’est d’organiser entre maires, avec l’aide de l’association
AMARIS, par exemple, une discussion, comme
cela a été le cas je crois hier soir, sur ces sujets.
I Eric Batailler
Quand nous échangeons avec la population,
nous nous apercevons d’un besoin grandissant d’approche intégrée du r isque et cela
nous est très régulièrement reproché. Il est
difficile d’avoir une a pproche saucissonnée du risque, en par lant simplement du
risque d’origine industr ielle et en oubliant
d’évoquer les risques d’or igine naturelle, les
risques liés au transpor t de matières dangereuses ou les autres types de r isques . Nous
manquons d’outils aujourd’hui pour évoquer
les risques de façon totalement intégrée et
pour répondre complètement aux besoins
de la population.
Enfin, la confrontation entre l’a pproche individuelle du risque, qui est l’a pproche systématique de la population, et notre discour s
plus sociétal de l’approche du r isque est très
souvent difficile. Nous avons besoin de faire
coïncider les deux a pproches et c’est extrêmement difficile.
I Une personne de la salle
Je suis présidente d’une association régionale de l’agglomération lilloise qui rayonne
aussi au niveau de l’Autor ité de Sûreté Nucléaire. Je suis admirative de ce qui se passe
en Suisse et du fait que ce sont les citoyens
qui emportent la décision. Nous n’avons pas
du tout cette culture. Cer tainement, les gens
sont for més dans ce sens et ont leur mot à
dire sans doute parce qu’ils reçoivent l’infor mation. On a bien entendu qu’en amont
des projets, les gens sont infor més . Ce n’est
pas du tout le cas chez nous . Dans les enquêtes publiques, quand un citoyen se rend
dans sa mairie et qu’il découvre le dossier
d’enquête publique, c’est un parcour s du
combattant pour pouvoir lire entre les lignes
et voir quel le chapitre va concer ner ses remarques.
107
Atelier 4
108
A propos de la loi de transparence, la TSN,
je participe à beaucoup de réunions de l’Autorité de sûreté sur les CODIRPA, Comités Directeurs Post-Accident. Je peux dire que,
contrairement à ce qui a été dit, ce n’est
pas si idyllique et la transparence n’est pas
aussi évidente. Nous avons beaucoup de difficultés à avoir certains documents. Monique
Sené, qui est dans la pièce à côté, pourrait
en témoigner. Les débats publics sur le choix
de l’énergie n’ont pas eu lieu, la gestion des
déchets est très particulière. Bien sûr Aréva
va dire que c’est dominé et que tout est fait
pour que le déchet ultime ne concerne pas
un grand volume. Il est grave que pour enfouir
des déchets de faible activité à vie longue,
l’ANDRA (Agence nationale pour les déchets)
n’ait pas pu trouver une seule commune qui
puisse accepter un volume d’enfouissement
de déchets. Pourquoi ? Parce qu’en amont
nous n’avons pas été concertés. Cela tombe
sur les gens en disant « chez vous, vous avez
de l’argile, on pourra vous déposer des déchets ». Ce n’est pas possible parce les gens
n’ont pas été informés en amont du projet.
Disons qu’en France nous n’avons pas l’approche du risque. Jusqu’à présent, le risque
était géré par d’autres et le citoyen était informé en dernier ressort. C’est là tout le travail
qu’il y a à faire : développer l’information et
faire participer les gens.
c’est que nous, nous voyons une différence
depuis la loi TSN. Vous parliez de la problématique des déchets. J’ai évoqué tout à l’heure
très rapidement le Plan national de gestion
des matières et déchets radioactifs. C’est
une institution qui est menée conjointement
par l’ASN (Autorité de Sûreté Nucléaire) et la
Direction générale de l’énergie et climat du
MEEDDM. Un décret va bientôt paraître sur
un plan de travail pour les trois ans à venir.
Vous trouvez dans ce groupe l’ensemble des
représentants de l’administration, des industriels, des associations... Aujourd’hui on considère que 85 % ou 90% des sujets sont au moins
évoqués et posés, depuis les anciennes mines
d’uranium du sol français jusqu’au stockage
des déchets impliquant l’ANDRA.
I Jean-Luc Andrieux
I Une personne de la salle
Je vous réponds en tant qu’industriel. Votre
question s’adresse plus largement à l’industriel et aussi à l’autorité qui définit la loi et
qui le sur veille. Je peux comprendre votre
remarque. Je n’ai pas vraiment d’avis sur ce
sujet-là parce que je n’y ai jamais participé.
Mais ce que je peux dire en tant qu’industriel,
J’ai beaucoup apprécié l’intervention de
Monsieur Blein. Je rêve d’avoir un maire
comme lui dans ma commune. Cela simplifierait beaucoup les choses. En ce qui concerne
la concertation. Monsieur l’universitaire, vous
avez beaucoup parlé de concertation et j’ai
beaucoup apprécié votre propos. Mais dans
On constate une impulsion dans ce sens-là, si
ce n’est une participation aux décisions. J’observe que les associations sont consultées, à
la fois sur des sujets comme celui que je viens
d’évoquer, et sur l’évolution de la réglementation. L’ASN est en train de revoir aujourd’hui
toute la réglementation sur les INB (Installations Nucléaires de Base) et les associations
sont sollicitées comme nous pour donner leurs
avis. C’est quand même un pas, me semble-til, important. Mais c’est peut-être à l’Autorité
de Sûreté elle-même de défendre cette position.
le cadre des enquêtes publiques, ce que je
souhaiterais c’est que le débat public soit
rendu obligatoire. Or il ne l’est pas. Il faudrait
revoir de fond en comble les démarches qui
permettent d’informer la population et faire
en sorte que la population puisse participer
et s’exprimer. Ce n’est peut-être pas le cas
dans toutes les régions mais il y a chez nous,
et en particulier dans le bassin minier auquel
j’appartiens, beaucoup à faire pour créer
une envie de s’exprimer chez les gens. Il faut
créer et développer la culture du débat qui
n’existe pas. Malheureusement, il y a aussi des
communes où les maires sont plutôt réticents,
voire qui souhaitent que les associations de
défense de l’environnement n’existent pas.
Pour les enquêtes publiques, je répète, il faudrait tout mettre en œuvre dans le bulletin
municipal pour prévenir les gens de la tenue
de l’enquête publique et du débat, que l’on
leur explique comment cela fonctionne, qu’ils
soient invités à participer et que des prospectus qui soient distribués. Il y a encore dans ce
domaine-là beaucoup à faire pour que la
concertation puisse vraiment exister.
Une dernière question, si vous me le permettez à Aréva, à propos de la centrale nucléaire
de Gravelines. On a parlé tout à l’heure de
conduites de tuyaux très âgées et qu’il faut
revoir tout cela. La centrale nucléaire de Gravelines n’est-elle pas elle-même tellement obsolète qu’elle peut inquiéter, d’autant qu’il s’y
produit régulièrement des incidents ? Savezvous quand sera-t-elle remplacée ?
I Michel Lesbats
Le débat public pour ce qui concerne le
SPPPI, nous pouvons l’aborder dans ce qu’on
pourrait appeler une commission qui s’intéresserait en fait aux nouveaux projets. Nous
pouvons imaginer que l’industriel vienne au
SPPPI par exemple avant de préparer son dossier, avant de faire la demande d’autorisation
d’exploiter et avant de lancer l’enquête publique, afin de travailler avec les partenaires
sur le terrain, très en amont, le plus en amont
possible. C’est la première proposition de ce
qu’on appelle les SPPPI.
Pour le reste, je n’ai pas de souvenir sur la
presqu’île Ambès d’une implication véritablement importante du SPPPI dans une enquête
publique. Nous pouvons y être, mais nous essayons d’anticiper. On participe peut-être à
certains débats mais nous ne l’animons pas.
Nous ne sommes pas là pour l’animer.
I Yves Blein
Nous parlons de processus, ce n’est pas des
choses qui sont le fait d’une génération spontanée. J’ai compris que monsieur faisait allusion à la situation de Mazingarbe. Elle a été
une des premières villes, sur l’impulsion du
docteur Urbaniak, son maire que je salue, à
créer l’association AMARIS pour permettre
que les communes se concertent, travaillent
entre elles, progressent sur cette question du
risque industriel. Elle a été une des premières
communes qui a fait l’objet d’un PPRT complexe. C’était évidemment facile, en milieu rural, quand on était un petit dépôt d’explosifs
dans un coin, de traiter le problème d’un PPRT
parce que finalement cela ne gênait personne. Mazingarbe a fait partie des premières
communes qui a mis en œuvre un PPRT avec
une grande entreprise et des habitations voisines. Le travail y a été fait d’excellente façon, mais en même temps, quand on est les
premiers, on essuie les plâtres. C’est vrai que
c’est complexe. La loi Bachelot, dans sa relation avec le projet de territoire pour les com-
109
Atelier 4
munes qu’elles sont invitées à retravailler, à
re-réfléchir, fait que l’on est souvent dans des
situations compliquées, qui exigent beaucoup
de travail et de la transparence de toute part.
Ce n’est pas toujours simple de l’obtenir de la
part des industriels et de la part des services
de l’Etat. Souvent l’élu est un peu à l’articulation de l’ensemble de ces sources et doit
les mettre en œuvre, faire en sorte qu’elles
soient harmonieusement articulées. Soyez sûr,
ce n’est pas toujours simple. Mais je sais que
ce travail là se fait à Mazingarbe.
I Jean-Luc Andrieux
En tant que représentant d’Aréva, je ne me
sens ni compétent, ni autorisé pour parler de
la centrale de Gravelines. Mais j’en profite
pour revenir sur le fondamental et sur la loi
TSN. Pour ce qui est de l’état de nos installations nucléaires, il y a toute la procédure d’autorisation d’exploitation et de démarrage qui
est imposée avec l’enquête publique. Ensuite
la loi TSN de 2006 définit précisément dans
quelles conditions des réexamens de sûreté
doivent être pratiqués. De mémoire, ce doit
être l’article 24 du décret de procédures de
2007 qui précise cela. Il impose évidemment
le dépôt d’un dossier très précis qui peut être
vu et rendu public dans certaines limites, mais
il y a possibilité de savoir. Il y a une règle, des
délais, des procédures, et la loi définit dans
quelle mesure la transparence se fait.
110
site n’était pas Seveso trois ans auparavant
mais il l’est devenu entre temps parce que le
stockage a augmenté son tonnage (au-delà
de 10 tonnes). Le PPRT a été fait pour 14,5
tonnes, il a été accepté. Aujourd’hui, avec le
même PPRT, ils veulent augmenter la capacité
et la multiplier par cinq. Il est inutile de dire
que les conditions de dangers sont multipliées
par cinq, notamment au niveau des transports. Sur le site par lui-même, l’industriel se
protège avec son PPRT, mais ne protège pas
les habitants autour. Il y a 100 à 150 maisons
voisines. On leur demande effectivement de
se protéger à leurs frais. Il a bien précisé qu’il
ne dépenserait pas un centime même pour
mettre un film sur les vitres des maison. Est-ce
que le PPRT est obligatoire ou est-ce qu’il est
autorisé pour 64 tonnes ?
I Yves Blein
Chaque dossier a ses caractéristiques, mais je
peux faire une précision. Le principe que pose
la loi s’agissant des installations existantes,
c’est qu’en aucun cas une autorisation nouvelle de fonctionnement ne peut être donnée
à une installation classée si elle rajoute du
risque au risque existant. C’est le principe de
base qui est normalement apprécié, de cette
façon-là, par les services de l’Etat, quand ils
instruisent une autorisation de fonctionnement, d’extension, d’accroissement, d’une
installation classée. Elle ne peut pas rajouter
du risque au risque qui existe déjà.
IJoseph Zucconi, Membre de l’association
Pas d’explosifs dans nos villages
I Monsieur Van De Vloet
Une question qui nous intrigue à propos des
PPRT. Un PPRT est accepté, avec des conditions d’acceptation sous réser ve et ces réser ves ne sont pas levées, il a été demandé
ensuite une augmentation de stockage. Le
Je suis responsable d’un projet en tant qu’officier de liaison à la province de Hainaut, en
Belgique. C’est un projet européen puisque
c’est une coopération entre les services
de pompiers, de secours, de police du côté
belge et du côté français. Ce projet fait suite
à la catastrophe de Ghislenghien et vise entre
autre, pour l’instant, à faire l’état des lieux
des risques transfrontaliers français et belges,
et d’autre part, à trouver les moyens d’y répondre. J’aimerais savoir si, dans l’expérience
de la Suisse ou dans l’expérience de l’Alsace
qui sont concernées par le transfrontalier, il
y a déjà eu ce type d’initiatives qui toucheraient la population de part et d’autre de la
frontière.
I André Hermann
Il existe des conventions pour les industries
susceptibles de mettre en danger les populations de l’autre côté de la frontière, des
conventions de consultation. On consulte le
pays voisin, on lui soumet un dossier d’une installation et il prend position sur ce dossier. Il
y a eu plusieurs exemples entre Bâle et l’Alsace, respectivement avec l’Allemagne, le
Bad-Wuttemberg. Ce n’est que de la consultation qui n’a pas de force d’obligation, mais
Je n’ai pas connaissance d’exemples où il n’y
a pas eu consensus en fin de partie au-delà
des frontières. Je tiens à relever le fait que
nous n’avons pas, en tant que pays étranger,
le moyen de faire pression quelle qu’elle soit,
sur une décision de l’autre pays.
I Jean Wencker
Lorsqu’une installation a un impact sur l’une
des rives du Rhin, la consultation du public sur
l’autre rive, je ne sais pas si elle est obligatoire, mais elle se fait. Ce que j’ai mentionné
tout à l’heure sur Iffezheim, si moi j’étais averti
de la mauvaise façon dont les choses ont été
conduites, c’est parce que les allemands ont
averti le préfet d’Alsace qui a organisé une
consultation du public dans deux ou trois
communes en France.
J’ai une anecdote. Il y a en face de Strasbourg
une aciérie. Un matin, à 10h00, j’ai vu arriver
la Mercedes du président de l’aciérie parce
qu’un associatif français avait émis une réserve dans un dossier d’enquête relatif à l’extension de l’usine. Cette réser ve avait bloqué
l’instruction, c’est la règle en Allemagne. Mais
il est évident que si l’on bloque l’instruction
d’un projet et qu’il s’avère que les réser ves ne
sont pas motivées, il peut y avoir des pénalités
financières énormes. Le PDG de l’entreprise
allemande était venu me prévenir qu’il est
extrêmement coûteux pour l’entreprise d’être
arrêtée pendant un mois ou deux mois, mais il
m’a aussi prié de prévenir l’associatif qui avait
écrit cette réserve dans le registre que si elles
n’étaient pas juridiquement défendables, il
risquait d’y perdre sa baraque. Il est évident
que j’ai fait mon devoir de président d’Alsace
Nature. Cet associatif est allé deux jours après
modifier son avis. Cela pour vous dire simplement qu’il y a de la concertation des deux
côtés du Rhin, dans un sens positif mais parfois
aussi coercitif.
I André Hermann
Si vous me le permettez en tant qu’étranger
qui observe de l’extérieur vos institutions et
la manière dont elles fonctionnent, j’aimerais
faire un constat. Les inter ventions au cours de
cet atelier ont montré un point commun: il
faut impérativement faire de la concertation
avant que les projets ne soient trop avancés,
avant d’entamer les processus de consultation très formalisés et structurés, tant que les
décisions ne sont pas encore prises et qu’il
existe une réelle marge de manœuvre.
111
Atelier 5
Evaluation des Risques Sanitaires
br uit de fond • territoire nuisance • modélisation
émission atmosphérique
• cumul
d e p o l l ua n t s • r i s q u e s a n i t a i r e
a ppro c h e glob a l e
I Jean-Michel Lobr y, A n i ma t e u r
112
Tro i s q u e s t i o n s s o n t t ra n s ve r s es à chacune
d e s i n t e r ve n t i o n s d e n o s i nv ités . La pre m i è re , c ’ e s t u n fa i t n o u ve a u e t il est import a n t d e vo i r c e q u e c e l a d o n ne : comment
l a p r i s e e n c o m p t e g l o b a l e d es r isques sur
u n t e r r i t o i re , d o n c l e c u mu l d e s effets sur un
z o n e , p e u t - e l l e a p p o r t e r d e nouveaux ré s u l t a t s ? L a s o m m e d e c h a c u n des r isques
e s t c e r t a i n e m e n t d i ff é re n t e des r isques
c u mul é s .
L e d e u x i è m e p o i n t s e ra d ’ aller voir sur
l e t er ra i n . I l e x i s t e d e s e x pér iences et
a u j o u rd ’ h u i , o n d é n o m b re une dizaine
d ’ é t u d e s r é a l i s é e s o u e n c o u r s de prépara t i o n . N o u s a vo n s d é j à u n p re m ier feed-back
s u r c e q u ’ i l s e p a s s e , s u r l e j eu d’acteur s ,
l ’ o rga n i s a t i o n , l e p i l o t a g e e t les résultats .
O n ve r ra a u t ra ve r s d e d e u x exemples , en
H a u t e - N o r ma n d i e e t à D u n kerque, com m e n t l e s é t u d e s s e p a s s e n t . Nous avons la
c h a n c e d ’ a c c u e i l l i r u n i nv i t é étranger qui
p a r t a g e ra s o n e x p é r i e n c e e n la matière.
Pa r a i l l e u r s , i l n ’ y a p a s d e c a dre réglement a i re a c t u e l l e m e n t c o n c e r n a nt ces études
e t o n s e c h e rc h e u n p e u s u r l es méthodes .
C ’ e s t c e l a q u e l ’ o n va e s s a ye r de déblayer.
Nous commençons avec Patr icia Blanc qui
est chef du Ser vice de la prévention de
nuisances et de la qualité de l’environne ment au MEEDDM. Avec vous , nous allons
regarder ce qui s’est passé sur si x études
de zone. Une analyse a été faite par l’INERIS et vous allez par tager cela. J’ai deux
ou trois questions liminaires . Pourquoi se
préoccupe-t-on de ce sujet aujourd’hui ?
R etour d’expér ience des é t u d e s
I Pa t r i c i a B l a n c , C h e f d u S e r v i c e d e
l a prévention de nuisances et de la qualité
de l’environnement au MEEDDM
Le questionnement sur l’impact sanitaire
des installations industr ielles ne date pas
d’aujourd’hui puisque, depuis des années ,
les industr iels doivent joindre aux études
d’impact, des évaluations de r isques sani taires . Mais ces évaluations de r isq ues sani taires , dans la très grande major ité des cas ,
concer nent une installation et l’impact sur
son environnement, et non pas une zone.
Un cer tain nombre de r iverains dans un
cer tain nombre de zones (on pense à Fossur-Mer, Dunkerque, Car ling etc. On y re viendra) ont émis des questions légitimes
sur l’impact sur leur santé du cumul des
pollutions qu’ils subissent, c’est-à-dire pas
d’une seule installation industr ie lle, mais
de toutes les installations industr ielles
d’une zone ; et pas seulement de l’indus tr ie mais aussi des transpor ts . Les transpor ts sur une zone sont à l’or igine d’une
par t impor tante de la pollution, notamment des émissions dans l’air. Les activités
agr icoles et les activités diffuses résiden tielles ter tiaires peuvent être à l’or igine de
pollutions également. Ce questionnement
initial des r iverains relayé par les associa tions de protection de l’environnement sur
les questions de cumul d’impact pose des
questions difficiles sur un plan scientifique
que tout le monde peut comprendre. Comment peut-on additionner l’impact du br uit
d’une installation avec l’impact de la pol lution chimique dans l’air de cette instal lation ?
Les premières études de zone per mettent
déjà de constater un cer tain nombre de
choses et que dans cer tains cas , on peut
effectivement, pour un polluant donné,
être en dessous de toutes les valeur s de
référence quand on regarde installation
par installation et dépasser les valeur s de
référence quand on regarde l’ensemble.
C’est du bon sens . J’enfonce des por tes
ouver tes .
Ce questionnement a été relayé au sein
d’un plan gouver nemental qui n’implique
pas que le gouver nement mais l’ensemble
des par ties prenantes . Il s’agit du Plan na tional santé environnement, éla boré en
2009 à l’issue d’une concer tation qui a
associé les associations , les industr iels , les
syndicats de salar iés , les collectivités locales et l’Etat. Ce plan a une pr ior ité or iginale qui est l’identification et la gestion
des points noir s environnementaux. L’idée
est qu’il y a, sur le terr itoire, des zones où
on cumule des pollutions , des r isques . De
plus , il y a parfois des problèmes sociaux
dans ces zones , c’est-à-dire que les popu-
lations n’ont pas t o u j o u r s a c c è s à l ’ é d ucation à l’environn e m e n t , n i c o n n a i s s a n c e
des r isques auxque l s i l s s o n t e x p o s é s . L a
difficulté de ce pla n , q u i e s t n o u ve a u p a r
ra ppor t au plan pr é c é d e n t , c ’ e s t l a p r i s e
en compte de ce s i n é ga l i t é s e nv i ro n n e mentales qui se dou b l e n t s o u ve n t d ’ i n é galités sociales .
Les six études de z o n e s q u i o n t fa i t l ’ o b jet d’un retour d’e x p é r i e n c e s a u n i ve a u
national, concer ne n t C a l a i s , D u n ke rq u e ,
Car ling, Fos-sur-Mer, L a c , L a v é ra e t Po r t - J é rôme. Pour l’enseig n e m e n t q u e l ’ o n p e u t
en tirer, je m’a ppuie s u r u n e é t u d e r é a l i s é e
par l’INERIS. Jacqu e s B u re a u q u i e s t l ’ u n
des auteur s de l’étu d e , a a c c e p t é d e ve n i r
aujourd’hui. Il pour ra r é p o n d re a u x q u e s tions ou compléter m o n p ro p o s .
Du point de vue du M i n i s t è re , n o u s c o n s t a tons que les études d e z o n e a p p o r t e n t d e s
éléments intéressan t s q u i s o n t c o m p l é m e n taires des études in d i v i d u e l l e s . I l fa u t d o n c
continuer à en réal i s e r. M a i s i l y a u n e c e rtaine pr udence à a vo i r d a n s l a m é t h o d o l o gie et en par ticulie r, i l fa u t fa i re b e a u c o u p
plus de vraies me s u re s d a n s l ’ e nv i ro n n e ment et un peu mo i n s d e m o d é l i s a t i o n . C e
que je veux dire c ’ e s t q u e d a n s u n c e rtain nombre des é t u d e s q u i o n t d é j à é t é
réalisées , nous avo n s t ra va i l l é s u r l a b a s e
de données parfois u n p e u a n c i e n n e s s u r
l’état des milieux. O n a m o d é l i s é , b e a u coup calculé, mais o n a fa i t a s s e z p e u d e
nouvelles mesures d a n s l ’ a i r, d a n s l e s s o l s
ou dans les végéta u x . Pa r fo i s , l e s r é s u l t a t s
sont un peu entach é s d ’ i n c e r t i t u d e s u r c e
point, alor s qu’en fa i t d e s m e s u re s p e r m e t tent de vér ifier, de c o n fi r m e r o u d ’ i n fi r m e r
les résultats des mo d è l e s .
113
Atelier 5
I l n e fa u t p a s h é s i t e r à re fa i re des mesures
q u a n d l e s m e s u re s s o n t u n p eu anciennes
o u fa i re d e n o u ve l l e s m e s u re s sur des subs t a n c e s p o u r l e s q u e l l e s o n n ’ a pas de rés u l t a t s , p a r e x e m p l e , n o t a m m ent dans l’air.
C e ra p p o r t s e ra p ro c h a i n e m e nt sur Inter net
e t s e ra b e a u c o u p p l u s p r é c i s que ce que
j e p e u x d i re a u j o u rd ’ h u i . I l y a un cer tain
n o m b re d e z o n e s s u r l e s q u e l l es les r isques
i n d u s t r i e l s p r i s i n d i v i d u e l l e ment n’excé d a i e n t p a s l e s va l e u r s d e r é f érence sani t a i re a u x q u e l l e s o n l e s c o m p are. Mais si on
a d d i t i o n n e l e r i s q u e i n d u s t r i e l et celui qui
e s t l i é a u t ra n s p o r t p a r e x e m ple, quand on
p a r l e d e l ’ a i r, q u e c e s o i t l e t ranspor t mar it i m e o u l e t ra n s p o r t ro u t i e r, o n peut arr iver
à d e s z o n e s d a n s l e s q u e l l e s le r isque de v i e n t p r é o c c u p a n t a u re ga rd des valeur s
d e r é f é re n c e d o n t o n d i s p o s e .
I Jean-Michel Lobr y
C ’ e s t l e c a s p a r e x e m p l e d e Calais où le
t ra fi c t ra n s ma n c h e i m p a c t e énor mément
l e s r é s u l t a t s . O n n e l ’ a va i t p as forcément
v u d a n s l e s é t u d e s i n d i v i d u e l les . J’en pro fi t e a u s s i p o u r d i re q u e s u r ces six zones ,
vo u s a ve z q u a n d m ê m e u n e h étérogénéité
a s s e z i m p o r t a n t e d a n s l e s r é s u l t a t s . L’ i n t e r- c o m p a r a i s o n n ’ e s t p a s f o r c é m e n t
évidente.
Une question de mesures , une question de
méthodes , une question d’acteur s et une
question de pilotage. Avez-vous aussi des
éléments sur le financement ?
C e q u i e s t i n t é re s s a n t , c ’ e s t que les subs t a n c e s q u i t i re n t l e r i s q u e , c omme on dit,
n e s o n t p a s fo rc é m e n t l e s mêmes d’une
z o n e à l ’ a u t re . I l fa u t re ga rd er beaucoup
d e s u b s t a n c e s . S i o n s e fo c alise que sur
q u e l q u e s t ra c e u r s , o n a u ra des résultats
s a n s d o u t e t ro p p a r t i e l s e t i n suffisants . Ce
q u i es t é ga l e m e n t i n t é re s s a nt mais com -
por te sa par t. C’est un tour de ta ble qui
est var ia ble d’une zone à l’autre selon la
configuration de la zone.
Les données dont je dispose sont de l’ordre
de 100 à 150 000 euros . Mais c’est une
moyenne et c’est assez par tiel. Ce n’est
pas forcément représentatif.
I Jean-Michel Lobr y
Le der nier point, c’est qu’il faut associer les
populations , les élus bien sûr de la zone,
les industr iels évidemment, l’ensemble des
par ties prenantes autour du pilotage de
cette étude. C’est un travail qui ne peut
pas se réaliser en chambre, mais qui doit
associer l’ensemble des par ties p renantes
et dans lequel la communication des résul tats vis-à-vis du public est évidemment un
élément très impor tant.
I Jean-Michel Lobr y
I Pa tr icia Blanc
114
pliqué, c’est que ces zones ou ces instal lations industr ielles évoluent énor mément.
Ce qui était vrai il y a cinq ans ne l’est
plus forcément maintenant parce qu’on ne
travaille plus les mêmes substances dans
les atelier s , les process ont changé. Il faut
réaliser ces études dans un la ps de temps
suffisamment cour t pour qu’elles aient un
sens au regard des évolutions industr ielles .
I Pa tr icia Blanc
C’est un des points les plus compliqués
puisque, quand on a affaire à une instal lation industr ielle, on a pplique le pr incipe
« pollueur-payeur » classique. L’exploitant
finance les études et les mesures de pré vention du r isque. Quand on a affaire à
plusieur s exploitants industr iels et en plus
à sources de pollutions diffuses comme
les transpor ts et l’ha bitat, le schéma de fi nancement est beaucoup plus compliqué.
Mais dans la plupar t des cas , nous avons
réussi à faire un tour de ta ble qui associe
les différentes par ties prenantes . L’Etat a p -
On lisait aussi dans votre ra ppor t qu’il y en
a qui sont tombés à 60 000 euros à peu
près parce que cela va se démultiplier.
En complément, Dominique Gomber t, les
difficultés que l’on rencontre aujourd’hui,
quelles sont-elles ?
I Dominique Gomber t, Comité national
de sécur ité sanitaire de l’alimentation,
de l’environnement et du travail
En complément de ce qu’a évoqué Patr i cia Blanc, je crois que trois grands enjeux
qui mér itent d’être mis en per spective. Il
y a un grand nombre d’enjeux techniques
autour de l’évaluation des r isques sani taires , autour de ces études de zone. J’en
ai identifié huit pr incipaux, sur lesquels je
vais passer très ra pidement. Il y a d’a bord
les enjeux des terr itoires . Comment définiton une zone ? Il y a tout un problème de
définition qui se pose. Quelles installations
prend-on en compte ? Jusqu’où on va ?
Comment définit-on un terr itoire homo gène en matière de pollution ? Il y a des
enjeux assez impor tants dans cette défini tion de la zone.
Ensuite, il y a des enjeux impor tants sur les
paramètres qu’on va s’attacher à suivre
en matière de caractér isation des r isques
sanitaires . Quels polluants ? Quels effets ?
Je crois que l’on a de gros enjeux concep -
tuels , toxicologique s e t m é t h o d o l o g i q u e s
en matière de mei l l e u re p r i s e e n c o m p t e
de cumul des effe t s d e s d i ff é re n t s p o lluants . C’est de la t ox i c o l o g i e t o u t à fa i t
subtile, qui mér ite d ’ ê t re m i s e e n œ u v re
pour mieux prendre e n c o m p t e j u s t e m e n t
ces synergies entre l e s d i ff é re n t s p o l l u a n t s .
Ensuite il y a aussi u n c e r t a i n n o m b re d e
difficultés méthodo l o g i q u e s s u r l e s i n c e rtitudes qui sont as s o c i é e s e n g é n é ra l a u x
paramètres , aux po l l u a n t s s u r l e s q u e l s o n
travaille, à leur gra n d e va r i a b i l i t é a u c o u r s
du temps , au cour s d e l ’ a c t i v i t é d e s d i fférents process au x q u e l s o n s ’ i n t é re s s e .
Ce sont des param è t re s e x t r ê m e m e n t i mpor tants qui vont p e r m e t t re d e vo i r d a n s
quelle « fourchette » d e r i s q u e o n s e s i t u e .
Le quatr ième enje u t e c h n i q u e i m p o r t a n t ,
c’est bien évidemm e n t l a n a t u re d e s s c é nar ii. On doit s’inté re s s e r à d e s p o l l u t i o n s
de caractère aigu, ma i s a u s s i a u x e x p o s itions de nature chro n i q u e . O n a v u t o u t à
l’heure, au cour s d e l a p re m i è re s é a n c e
plénière, qu’il y a a u s s i d e s e n j e u x q u ’ i l
faut anticiper, qui n e s o n t p a s t o u j o u r s p r i s
en compte dans les s c é n a r i o s q u i s o n t l ’ a n ticipation des cons é q u e n c e s d ’ a c c i d e n t s ,
et avec la pr ise en c o m p t e d e s e ffe t s s a n i taires qui peuvent ê t re a s s o c i é s à c e s s c é nar ios de nature ac c i d e n t e l l e .
Ensuite, il y a un p o i n t q u i a é t é é vo q u é
par Patr icia Blanc. Q u i d i t é t u d e d e z o n e ,
dit aussi vision de c u mu l d e n u i s a n c e s e t
de polluants . On s’e s t s o u ve n t i n t é re s s é a u
br uit et à la pollut i o n a t m o s p h é r i q u e . O n
peut s’intéresser au s s i à l a p ro b l é ma t i q u e
d’exposition aux champs électromagnét i q u e s . Au j o u r d ’ h u i , l e s m é t h o d o l o g i e s
s o n t a s s e z p e u ro b u s t e s s u r l a p r i s e e n
compte de l’ensemble de ces problémat i q u e s sanitaires . C ’ e s t c e q u ’ o n a p p e l l e
115
Atelier 5
116
d a n s c e r t a i n s c a s , l e « b u rd e n of disease »,
a ve c d e s a p p ro c h e s u n p e u nor mées au
niveau inter national mais avec peu
d’a pplication au niveau local. C’est un
enjeu qui ressor t souvent dans le cadre
des discussions publiques.
Patr icia Blanc a bien sûr par lé des enjeux
d e c a r t o g r a p h i e q u i r e n vo i e n t s o u ve n t à
l’outil de modélisation. Elle l’a souligné et
c ’ e s t t o u t à fa i t e s s e n t i e l , i l y a u n g ro s
e ffo r t d e r é c o n c i l i a t i o n d e s a pproches par
modélisation et de la métrologie sur le terrain réel. Ce sont réellement deux outils qui
doivent s’adosser l’un à l’autre pour a boutir
à une descr iption la plus précise possible
des enjeux sanitaires sur une problématique
de zone.
S e p t i è m e p o i n t , i l y a e ffe c t i ve ment la quest i o n d e l a p r i s e e n c o m p t e de ce qu’on
a p p e l l e d u b r u i t d e fo n d , c ’ est-à-dire des
i m p o r t s d e s p o l l u a n t s o u d e nuisances qui
p e u ve n t c o n c e r n e r l a z o n e d’étude. Ce
s o n t d e s p ro b l é ma t i q u e s q u i renvoient à
d e s s u j e t s t e c h n i q u e s a s s e z difficiles . Le
p o i n t l e p l u s i m p o r t a n t e t q u i cr istallise un
c e r t ai n n o m b re d e s d é b a t s l or squ’on rend
c o m p t e d e c e s é va l u a t i o n s a u public, c’est
l a q u e s t i o n « d e s p a ra m è t re s de caractér i s a t i o n d u r i s q u e » , c e q u e l ’ on a ppelle le
q u o t i e n t d e d a n g e r o u l ’ e x cès de r isque
i n d i v i d u e l . O n a s o u ve n t t e n dance à dire
q u a n d o n e s t e n d e s s u s c e n ’est pas bon,
q u a n d o n e s t e n d e ç à c ’ e s t bon. C’est un
p e u p l u s c o m p l i q u é q u e c e l a et il y a toute
u n e ma rg e d e d i s c u s s i o n e t d ’affinage des
s c é n a r i o s d ’ é va l u a t i o n d e s r i s ques qui doit
ê t re c o n d u i t e d a n s c e t t e o ptique là. Aud e l à d e c e s e n j e u x t e c h n i q ues , il y a un
a u t re p o i n t t o u t à fa i t i m p o r tant, ce sont
l e s c o n d i t i o n s d e l a m i s e e n œuvre. Ces
g ra n d e s a p p ro c h e s s a n i t a i re s , en par ticu-
lier sur des terr itoires complexes , doivent
se mettre en œuvre dans un cadre qui implique l’ensemble des par ties prenantes ,
dans une transparence la plus complète
possible.
Aujourd’hui même se discute, dans le cadre
du Haut conseil de la Santé Publique, un
ra ppor t sur cette problématique de mise
en œuvre des études de zone. Ce ra ppor t
donnera un cer tain nombre de lignes di rectr ices sur les conditions de leur réalisa tion et sur la façon dont on peut les utiliser,
les inter préter.
I Jean-Michel Lobr y
Notre discussion arr ive à point nommé
puisqu’a pr ior i, on va commencer à enca drer cette affaire et donner de la méthodologie.
Nous allons écouter deux témoignages sur
deux zones qui ont réalisé leur évaluation,
à savoir Por t-Jérôme, zone en contrebas du
pont de Nor mandie, puis on ira sur notre
littoral, avec Philippe Fanucci. Pourquoi
vous avez lancé cette étude ? Fin alement,
puisqu’on en est à l’initiative terr itor iale,
cela doit par tir d’un besoin, de la révéla tion d’un besoin. D’où est venu ce besoin ?
I Sébastien Mounier, Ingénieur à la
DREAL Haute-Nor mandie, Membre du
Haut Conseil de Santé Publique
Por t-Jérôme est une zone industr ielle portuaire qui se situe entre le Havre et Rouen,
plus proche du Havre, et qui présente
l’avantage d’être plus petite que celle du
Havre, Elle est sur une plaine et elle est as sez compact, restreinte en ter mes de géo métr ie.
Comment effectivement l’idée de faire
une évaluation des r isques sanitaires sur
la zone de Por t- Jérôme est-elle venue ?
Il peut y avoir plusieur s faits générateur s .
Cela peut être soit un appel sanitaire, soit
u n a p p e l e nv i ro n n e m e n t a l p a rc e q u e l ’ o n
c o n s t a t e q u e l e s m i l i e u x s o n t d é g ra d é s ,
s o i t u n a p p e l r é g l e m e n t a i r e . Po u r Po r t J é r ô m e , c ’ e s t u n m é l a n g e à l a fo i s d ’ u n
a p p e l e nv i ro n n e m e n t a l e t d ’ u n a p p e l r é glementaire.
En 2001 a été déposé au CODERST un dossier
de demande d’autorisation d’exploiter de
l’usine d’incinération d’ordures ménagères
de la zone, en remplacement notamment
de celle de Lillebonne. Comme il arrivait assez fréquemment à cette époque (ce n’est
pas si ancien, mais les dossiers étaient faits
comme cela), les risques exposés dans l’impact sanitaire avoisinaient les niveaux communément admis comme acceptables. S’est
posée la question de dire que si l’on autorisait une nouvelle exploitation avec déjà des
niveaux de risques proches de ceux du niveau acceptable, qu’en était-il sur le cumul
des expositions liées à l’ensemble des rejets
de la zone ? C’est là le point d’appel véritable de l’initialisation de la zone.
Après est venue la discussion sur les plans
régionaux de la qualité de l’air, ont suivi
les plans de protection de l’atmosphère et
le premier Plan national santé-environne ment, Tout cela a entraîné une dynamique
et Por t-Jérôme est tombé à point nommé
pour réaliser cette expér ience d’évalua tion des r isques sanitaires de zone. L’évaluation est ter minée et les résultats ont été
rendus en comité de pilotage, il y a trois
semaines environ.
Puisque l’étude a été l’une des premières ,
le pilotage a été très compliqué à mettre
en place. Il fallait i d e n t i fi e r l e s a c t e u r s , l e
pilote. Et, vous l’ave z é vo q u é t o u t à l ’ h e u re ,
il y a la question du fi n a n c e m e n t . L e c o m i t é
de pilotage a été m i s e n p l a c e s o u s l a p r ésidence du Sous-pré fe t d u H a v re e t d u p r é sident de la Commu n a u t é d e c o m mu n e s
Caux vallée de Sei n e , l a C o m mu n a u t é d e
communes de Por t - J é r ô m e . L e p i l o t a g e
en lui-même a été a s s u r é p a r l ’ e x - D R A S S ,
aujourd’hui ARS , le s A g e n c e R é g i o n a l e d e
Santé, et l’ex-DRIRE a u j o u rd ’ h u i l a D R E A L .
Ce comité de pilota g e a d é c i d é d e m e t t re
en place un comit é t e c h n i q u e , q u i l u i d e vait faire les choix e t p ro p o s e r l e s o p t i o n s
au comité de pilota g e ma i s d ’ u n p o i n t d e
vue technique.
I Jean-Michel Lobr y
Cela ne doit pas ê t re s i m p l e , j e s u p p o s e
que leur s attentes d o i ve n t ê t re d i ff é re n t e s ,
entre l’industr iel, le s é l u s , l ’ a s s o c i a t i o n s d e
r iverains . Comment ma n a g e - t - o n t o u t c e l a ,
sans r isquer de nive l e r p a r l e b a s ?
I Sébastien Mounier
Le gros avantage du comité de pilotage,
c’est qu’en variant à la fois et les sensibilités
et les compétences , on arr ive à faire émerger des idées novatr ices . Les discussions et
débats qui ont suivi à l’intér ieur de ces comités de pilotage, ont per mis de faire avancer l’étude et de faire évoluer l’étude au fur
et à mesure. La première idée que l’on s’en
était faite, ce n’est pas l’idée avec laquelle
on ressort aujourd’hui.
I Jean-Michel Lobr y
Combien l’étude a-t-elle coûté ? Est-on dans
la fourchette annoncée par Patr icia Blanc ?
117
Atelier 5
I Sébastien Mounier
L’ é t u d e a c o m p o r t é q u a t r e p h a s e s d i s t i n c t e s . O n a r r i ve p l u t ô t s u r l a fo u rc h e t t e
h a u t e , a u x a l e n t o u r s d e 1 5 0 - 2 0 0 0 0 0 e u ro s .
Mais il a été décidé en cours d’étude de
m e t t r e u n e p a r t i m p o r t a n t e s u r l a m é t ro l o g i e e t s u r l a m e s u r e d a n s l e s c o m p a rtiments, notamment les compartiments
a l i m e n t a i r e s , p o u r e s s a ye r d e c o r ro b o r e r
les résultats de la modélisation et de ce
à q u o i é t a i e n t e x p o s é s l e s r i ve ra i n s . R i e n
que cette partie-là, c’est entre 50 et 60
0 0 0 e u ro s . C ’ e s t c e q u i e x p l i q u e c e t t e i n fl a t i o n p a r ra p p o r t a u c o û t d e l ’ é t u d e .
118
L e s p l u s g ro s s e s d i ffi c u l t é s s e s o n t p r é s e n tées dans la mise en place même du comité de pilotage et dans la mise en place
d u fi n a n c e m e n t . Vo u s l ’ a v i e z é vo q u é ,
c’était loin d’être simple. D’une part, on
ne s’inscrit pas dans un cadre réglementaire où il est entendu que le pollueur est
p a ye u r ; e n s u i t e , o n e s t d a n s u n c a d r e d e
mu l t i - p o l l u e u r s , a ve c d e s mu l t i - a c t i v i t é s
p e u t - ê t r e p a s fo rc é m e n t i n d u s t r i e l l e s d u
r e s t e . M a i s p o u r c e c a s , l e c h o i x a é t é fa i t
d ’ é t u d i e r e x c l u s i ve m e n t l e s é m i s s i o n s a t mosphériques des industriels. Les attentes
s o n t d i ff é r e n t e s , s e l o n q u e l ’ o n e s t i n d u s triel, aménageur du territoire, élu d’une
c o m mu n e q u i a b r i t e c e s i n d u s t r i e s , r e p r é s e n t a n t d e l ’ E t a t , c h a rg é d ’ u n e m i s s i o n d e
p o l i c e o u d e r é g l e m e n t a t i o n p a r ra p p o r t
à la pollution.
L a p r e m i è r e d i ffi c u l t é d e l a m i s e e n p l a c e
d u p i l o t a g e p a s s é e , i l a fa l l u p a s s e r e n s u i t e l e s c o m ma n d e s p e r m e t t a n t d e r é a l i s e r l ’ é t u d e e t d e m e t t r e e n p l a c e l e fi n a n c e m e n t . E n g ro s , c e l a a d e ma n d é u n e
a n n é e . E n s u i t e , u n e fo i s q u e l a t e c h n i q u e
s ’ e s t d é fi n i e , c ’ e s t p r e s q u e s i m p l e s i c e
n ’ e s t q u e , p l u s o n a va n c e d a n s c e g e n r e
d’études et plus on est amené à se poser
d e s q u e s t i o n s , à p r e n d r e p o s i t i o n . L a p a rt i e l a p l u s s i m p l e fi n a l e m e n t , m ê m e s i e l l e
a u s s i a d e ma n d é u n e a n n é e d e t ra va i l , a
été le recensement de toutes les émissions
d e s i n d u s t r i e l s . L a p l a t e - fo r m e i n d u s t r i e l l e
représente 15 exploitants, essentiellement
p é t ro c h i m i q u e s m ê m e s ’ i l y a d ’ a u t r e s a c t i v i t é s c o m m e l e t ra i t e m e n t d e s u r fa c e
c h i m i q u e e t i n c i n é ra t i o n d e d é c h e t s i n dustriels ou ménagers. Plus de 150 polluants ont été recensés initialement. Nous
e n a vo n s r e t e n u 3 2 c o m m e é t a n t d e s p o l l u a n t s p o u va n t p o r t e r u n e n j e u s a n i t a i r e ,
p o u r e n i d e n t i fi e r s i x a u fi n a l d e l ’ é t u d e ,
q u i e u x s o n t v ra i m e n t p o r t e u r s d ’ i n t é r ê t
s a n i t a i r e e t s u r l e s q u e l s i l c o nv i e n t e ffe c t i ve m e n t d e p o r t e r n o t r e a t t e n t i o n .
U n e fo i s q u e l ’ o n a fa i t c e t t e é t u d e , a ve c
t o u t e s l e s d i ffi c u l t é s e ffe c t i ve m e n t t e c h n i q u e s c o m m e l a d é fi n i t i o n d e l a z o n e
(Qu’est-ce qu’une zone ? Comment la
d é fi n i t - o n ? O ù a r r ê t e - t - o n d e fa i r e c e s
é va l u a t i o n s ? C o m m e n t fa i t - o n l e s p r é l è ve m e n t s ? Q u e l l e s s o n t l e u r s r e p r é s e n tativités ? A quel moment de l’année ?
Q u a n d p r é l è ve - o n d e s l é g u m e s a ve c l e s
c o n t ra i n t e s s a i s o n n i è r e s ? ) , u n e fo i s q u e
tout cela a été mis, si j’ose dire, dans la
m o u l i n e t t e d e l ’ é va l u a t i o n q u a n t i t a t i ve
des risques sanitaires, on a abouti à un rés u l t a t . I l c o nv i e n t d e c o m mu n i q u e r c e r é s u l t a t p a rc e q u ’ o n e s t a l l é c h e z l e s g e n s
p o u r p r é l eve r i c i u n b o u t d e s o l , l à u n œ u f.
C e n ’ e s t p a s s i m p l e ma i s c e l a a é t é a s sez bien accepté. Les bureaux d’études
c h a rg é s d e c e s a ffa i r e s o n t a u s s i l ’ h a b i t u d e d ’ a l l e r vo i r d e s p e r s o n n e s p o u r fa i r e
l e s p r é l è ve m e n t s . M a i s l a c o m mu n i c a t i o n
et l’explication, l’expression des résultats,
p a r c o n t r e , c ’ e s t t o u t u n a u t r e m é t i e r.
I J e a n - M i c h e l L o b r y,
Il n’y a pas de boîte à outils qui vous aide ?
I Sébastien Mounier
N o n . I l y a e u d i ff é r e n t e s fa ç o n s d e fa i r e .
Il y a le retour d’expérience dont on s’inspire plus ou moins , mais les sensibilités sur
une zone, par exemple sur celle de Dunk e r q u e o u s u r c e l l e d e Po r t - J é r ô m e n e
s o n t p a s n é c e s s a i r e m e n t l e s m ê m e s . L’ i n dustrie présente n’est pas la même. Ce
ne sont pas non plus les mêmes enjeux.
Po u r t o u t d i r e , n o u s s o m m e s e n c o r e à l a
phase d’éla boration de la stratégie de
communication. Nous nous demandons :
« que dire ? Et comment le dire ? Estc e q u ’ o n p r é s e n t e e n b r u t l e s c h i ff r e s
d’indice du niveau de r isque ? ». Au niveau du comité de pilotage, les membres
s o n t p a r t a g é s . S i o n p r é s e n t e l e s c h i ff r e s ,
c o m m e n t l e s g e n s vo n t - i l s l e s p e r c e vo i r ?
Faut-il les associer à une échelle de référence, par ra ppor t à des r isques encour us
de la vie courante ? Comment expliquer
l e s n i v e a u x d ’ i n c e r t i t u d e ? S u r u n c h i ff r e
« br ut », il y a un niveau du r isque qui est
aujourd’hui connu, admis et acceptable
ou pas, selon que l’on est au dessus ou
en dessous d’un seuil, on passe ou on ne
passe pas. Or la vérité est beaucoup plus
complexe. Quand on connaît les incertitudes liées aux calculs, liées à l’expression même des valeur s qui ser vent de
référence au niveau psychologique, on
e s t e n d r o i t e ff e c t i v e m e n t d e s ’ i n t e r r o g e r s u r l a v a l i d i t é d e s r é s u l t a t s e t l a fa çon dont on l’exprime.
I Jean-Michel Lobr y
C ’ e s t u n p o i n t t r è s i m p o r t a n t . Vo u s , P h i l i p p e Fa n u c c i , s u r l e l i t t o ra l F l a n d r e , a ve z vo u s r e n c o n t r é l e m ê m e p ro b l è m e ?
Y a ve z - vo u s a p p o r t é d e s s o l u t i o n s ?
I P h i l i p p e Fa n u c c i , R e s p o n s a b l e H Q S E ,
S o c i é t é d e l a R a ffi n e r i e d e D u n ke r q u e
Naturellement, nous
a vo n s
rencontré
l e m ê m e t y p e d e p ro b l è m e . Po u r n o u s ,
l ’ é t u d e a é t é r é a l i s é e e n 2 0 0 4 . N o u s a vo n s
été, je pense, les pionniers vis-à-vis de ce
g e n r e d ’ é t u d e à a u s s i g ra n d e é c h e l l e . D u
point de vue du territoire, cela représent a i t 7 0 0 k i l o m è t r e s c a r r é s a ve c u n e p o p u l a t i o n é q u i va l e n t e à 2 1 0 0 0 0 h a b i t a n t s ,
t o u t e l a z o n e D u n ke r q u e e t s a c o u ro n n e .
L’ é t u d e c o n c e r n a i t 2 6 s i t e s i n d u s t r i e l s , 2 9 3
points de rejet. C’est une étude à très
g ra n d e é c h e l l e q u i r e g ro u p a i t d e s i n d u s t r i e s a u s s i d i ff é r e n t e s q u e l a m é t a l l u rg i e ,
l e s i n d u s t r i e s c h i m i q u e s o u p é t ro l i è r e s .
D’un point de vue pilotage, dans le dunke r q u o i s , i l y a u n e s t r u c t u r e t r è s fo r t e , l e
S P P P I , q u i a é t é l e m o t e u r. D a n s c e g e n r e
d’étude, les SPPPPI sont le moteur car ils
o n t l ’ a va n t a g e d e d é j à r e g ro u p e r l e s p a rties prenantes.
I Jean-Michel Lobr y
Insistons sur cela : partir du SPPPI amène
à l ’ a p p ro c h e g l o b a l e q u i e s t u n e ga ra n t i e
d ’ e ffi c a c i t é . C ’ e s t u n b o n m o d e d ’ e m p l o i .
I P h i l i p p e Fa n u c c i
C ’ e s t l ’ a va n t a g e . O n n e s ’ e s t p a s r é e l l e ment posé la question du comité de pilotage. On utilisé au mieux le SPPPI, puisque
c ’ e s t u n é l é m e n t f é d é ra t e u r e t u n ga g e
d e t ra n s p a r e n c e .
119
Atelier 5
I Jean-Michel Lobr y
J e vo u s p o s a i s l a q u e s t i o n d e la communi c a t i o n e t d e l a d i ffi c u l t é d e communiquer.
C o m m e n t ç a s ’ e s t p a s s é p o u r vous , au nive a u d e s p a r t i e s p re n a n t e s ?
I Philippe Fanucci
L a c o m mu n i c a t i o n s ’ e s t fa i t e via le SPPPI
e t v i a d e s r é u n i o n s q u i o n t p u être menées .
O n pa r l a i t t o u t à l ’ h e u re d es problèmes
d ’ a c t u a l i s a t i o n . A p a r t i r d u m oment où on
a va i t d é j à l e s o u t i l s d e s i mu l a tion, on a fait
u n e a c t u a l i s a t i o n e n 2 0 0 7 s u r les données
d e 2 00 6 . C e l a p e r m e t d e vo i r un peu quelle
é t a i t l ’ é vo l u t i o n , q u e l s é t a i e n t les résultats
e t d ’ a m é l i o re r fi n a l e m e n t n o tre méthode
e t n o t re a p p ro c h e .
I Jean-Michel Lobr y
O n n o t e t o u j o u r s l e s p o i n t s d e progrès . Vous ,
vo u s a ve z l a c h a n c e d ’ a vo i r des écar ts et
vo u s vo u s ê t e s re n d u c o m p t e que de six
i n d i c a t e u r s a u d e s s u s , vo u s êtes tombé à
d e u x . C ’ e s t d u b o n h e u r à communiquer
quand même.
I Philippe Fanucci
120
O n va d i re q u e c ’ e s t d u b o nheur à com mu n i q u e r, p o u r re p re n d re vo t re expression.
M a i s , a va n t t o u t , c e s o n t d e s p hotogra phies
à u n i n s t a n t T d ’ u n e s i t u a t i o n donnée. Avoir
l a p o s s i b i l i t é d e fa i re d e s m e sures , des si mu l a t i o n s , o n p e u t t o u j o u r s j o uer ou discu t e r s u r l ’ a s p e c t s i mu l a t i o n o u incer titude.
C ’ e s t a va n t t o u t u n e p h o t o qui peut être
u n p e u fl o u e , ma i s q u i re s t e u ne photo.
Fa i re r é g u l i è re m e n t d e s m e s ures et avoir
l e s o u t i l s q u i p e r m e t t e n t d e faire réguliè re m e n t d e s p h o t o s , a i d e à voir si on évo l u e , s i l a t e n d a n c e e s t b o n n e ou si elle est
p l u t ô t ma u va i s e . D a n s l e s d i fférentes pho -
togra phies , quand on regarde un peu les
deux études qui ont pu être menées , on a
constaté sur cer tains polluants (je pense
en par ticulier au benzène) des énor mes
progrès . Vis-à-vis des industr iels qui ont
réalisé ces mesures ou qui ont réalisé ces
investissements , c’était la preuve que leur s
investissements ont por té leur s fr uits .
vous un commentaire, une réaction tout
d’a bord sur ce que vous avez entendu ?
Je vous demanderai a près de nous dire
comment peut-on prendre la décision de
lancer ce type d’étude. Enfin, pouvez-vous
identifier les faiblesses de ce type d’étude ?
I Jean-Michel Lobr y
J’ai une première réaction d’étonnement
que je vais illustrer avec un exemple. Si je
travaille dans une usine qui utilise du ben zène et si je fume, simplement cela, r ien
d’autre, quel est mon r isque d’avoir un
cancer du poumon ? On peut me dire pour
le benzène tout seul qu’est-ce que cela
serait, et pour la cigarette toute seule,
qu’est-ce que ça serait. Mais j’additionne
les r isques , je les multiplie ? Y a-t-il une synergie ? On ne sait pas . Vous comprenez du
coup mon étonnement complet. Comment
peut-on dire quel est l’excès de r isque pour
avoir un cancer à 30 ans lor sque l’on a une
exposition à 25 polluants alor s que l’on ne
sait même pas le dire lor sque j’ai deux polluants dont, en plus , je connais la courbe
des effets de chacun, alor s il y a plein de
polluants pour lesquelles on ne connaît pas
la courbe ?
Est-ce que l’on note des incer titudes dans
ces études ? Sur l’échelle « temps », elle est
à 20 ou 30 ans . On n’a pas d’histor ique.
I Philippe Fanucci
C’est justement cela. Le problème de ces
études est que l’on fait une photogra phie
aujourd’hui avec des rejets qui sont ce
qu’ils sont aujourd’hui. On essaie d’extra poler l’impact de ces rejets actuels dans
10, 20, 30 ans ou 50 ans . Sachant que dans
10, 20, 30 ou 50 ans , les rejets ne seront plus
ce qu’ils sont, les mesures ou l’impact sa nitaire auront évolué. Un polluant pour le quel on pense qu’il n’a aucun impact, on
s’a percevra peut-être dans 15 ans qu’il
avait finalement un impact. Inver sement,
nous allons nous projeter par ra ppor t aux
progrès de la médecine. Aujourd’hui, un
polluant peut avoir un impact sur la santé,
tel maladie est incura ble alor s que dans 10
ans ce ne sera peut-être plus le cas . C’est
toujour s le r isque d’avoir ces photographies et de se projeter dans une échelle
de temps futur.
I Jean-Michel Lobr y
Après ces deux témoignages et ces points
qu’on a identifiés en matière de pilotage,
de méthode, de communication, d’interprétation des résultats , Mar yse Arditi, avez-
I Mar yse Arditi, Responsa ble r isques
et impacts industr iels , FNE
En 2006-2007 (ce ne sont pas des temps
préhistor iques) a été réalisé le ra ppor t
Tubiana, que d’autres a ppellent ra ppor t
d’académie des sciences , plus académie
de médecine, plus la Fédération nationale
de lutte contre le cancer, plus l’InVS… Il y
avait encore quelques trois autres aussi im por tants que ceux-là… Tout l’esta blishment
français , on va dire, a par ticipé. Le ra ppor t
cherche les causes du cancer en France.
C’était il y a trois ans . Le ra ppor t dit « l’es-
sentiel des causes v i e n t d u c o m p o r t e m e n t
de l’individuel. » Messieur s les citoyens ,
vous mangez mal, vo u s f u m e z t ro p , vo u s
buvez trop et vous n e fa i t e s p a s a s s e z d e
spor t. C’est de vot re fa u t e . L e ra p p o r t d i t
également que mo i n s d e 0 , 5 % d e s c a n c e r s
sont dûs à la pollu t i o n d e l ’ a i r, d e l ’ e a u ,
des sols et à l’env i ro n n e m e n t . L e ra p p o r t
dit une troisième ch o s e ( e t j e m ’ a r r ê t e ra i l à
parce qu’il faisait 2 0 0 p a g e s ) , 8 5 % d e s c a n cer s pour les non-f u m e u r s o n t d e s c a u s e s
inexpliquées . Moi, u n p e u s c i e n t i fi q u e , j e
me demande comm e n t i l p e u t d i re q u ’ i l y
en a moins de 0,5 % q u i s o n t d û s à l ’ e nvironnement, si il y e n a 8 5 % d o n t i l n ’ a
pas expliqué les ca u s e s . C e ra p p o r t e s t u n
scandale en soit. C’ e s t u n t i s s u s c a n d a l e u x ,
mais ce qui est imp o r t a n t c ’ e s t q u ’ i l e s t s igné par tout l’esta b l i s h m e n t f ra n ç a i s , i l y a
seulement trois ans . Q u a n d vo u s a ve z b esoin d’un exper t, vo u s a l l e z vo i r s o i t l ’ a c adémie des science s , s o i t l ’ a c a d é m i e d e
médecine, soit de l ’ I N V S e t i l s vo u s d i s e n t
tous « mais de quo i vo u s vo u s o c c u p e z , i l
n’y a pas de cance r d e l ’ e nv i ro n n e m e n t » .
Autre élément : Qu e d e ma n d e n t l e s g e n s
autour des sites ? Ils o n t d e u x t y p e s d e s o ucis . Ils ont le souci d u q u o t i d i e n , l e b r u i t , l a
fumée, les odeur s . C ’ e s t d é s a g r é a b l e . I l s n e
savent pas si cela a u n i m p a c t s u r l e u r s a nté, mais cela per tur b e l e u r v i e q u o t i d i e n n e .
Ils demandent que l ’ o n e s s a i e d e fa i re d e s
choses . Par exemp l e , a u t o u r d e s c i m e n t e r ies , on essaie d’a r r ê t e r u n ma x i mu m d e
poussières . Puis , ils o n t t o u s u n d e u x i è m e
souci très profond d a n s l e u r t ê t e : « ma i s
enfin ce que je resp i re t o u s l e s j o u r s , e s t - c e
que ça ne me filera p a s u n c a n c e r d a n s 2 0
ans ? » C’est un so u c i t r è s p ro fo n d p a rc e
que tout le monde l e s a i t q u e , c ’ e s t l a d i f-
121
Atelier 5
fi c u l t é d e c e g e n re d e ma l a die, même si
vo u s a ve z p r i s u n e t r è s fa i b l e dose mais ,
p a s d e c h a n c e , c ’ e s t s t a t i s t i q ue, vous avez
l e c a n c e r, l a g ra v i t é d u c a n c er n’a aucun
ra p p o r t a ve c l a d o s e . Vo u s pouvez avoir
u n c a n c e r e x t r ê m e m e n t a g re ssif, pour une
d o s e t r è s fa i b l e . Pa s d e c h a n ce.
C ’ e s t u n s o u c i r é e l d a n s l a t ê t e des gens , en
p a r t i c u l i e r p o u r l e u r s e n fa n t s . Je vous ra pp e l l e q u e l q u e s n o m s q u i d i s e nt des choses .
A G i l l y - s u r- I s è re , d e s c i t oye n s ont nommé
u n e r u e « l a r u e d u c a n c e r » , celle qui était
s o u s l e s f u m é e s d e l ’ i n c i n é ra t eur, qui a poll u é d a n s d e s c o n d i t i o n s a b s o lument scand a l e u s e s p e n d a n t d e s t e m p s i mmémor iaux.
J e vo u s ra p p e l l e l ’ é c o l e d e Vincennes qui
é t a i t s u r l ’ a n c i e n n e u s i n e Ko dak, avec le
n o m b re d e c a n c e r s a n o r ma u x . Je vous ra p p e l l e L a H a g u e , o ù u n j o u r d a ns une école,
d e u x ga m i n s o n t e u u n e l e u c émie dans la
m ê m e c l a s s e . O n e n p e n s e ce qu’on en
ve u t . O n p e u t d i re a ve c u n t on très docte
e t t r ès e x p e r t , c ’ e s t u n c l u s t e r, c’est un ha s a rd ; ma i s ç a n e ra s s u re p a s les r iverains .
E x c u s e z - m o i , ma i s i l y a d e s choses que
j ’ a va i s e nv i e d e d i re q u a n d même sur ce
que l’on a entendu.
I Jean-Michel Lobr y
122
Vo u s a v e z r e p l a c é l e s u j e t a u n i v e a u
du citoyen, de l’ha bitant. C’est là où il
fa u t l e p l a c e r d ’ a i l l e u r s . A u v u d e s e s
a t t e n t e s d ’ i n fo r m a t i o n p o u r s o n c o n fo r t
de vie quotidien et sa santé, et de toute
l’ignorance qu’il a par ra ppor t à ce qui
se passe réellement dans son environnem e n t , à q u o i d o i v e n t s e r v i r c e s é va l u a tions et notamment les résultats de ces
évaluations ?
I Mar yse Arditi
I Mar yse Arditi
Ce à quoi elles doivent ser vir, c’est évidemment à faire tomber dans l’environnement les
produits les plus toxiques. C’est simple. On dit
le benzène. « oh la, il y en a vraiment beaucoup, on va faire un effort pour faire tomber
le benzène ». Mais c’est une étude environnementale de la pollution de l’environnement. Je persiste à penser que ces études ne
peuvent pas aller jusqu’à un niveau sanitaire
et dire « vous habitez là, donc votre excès de
cancer supplémentaire est ça ». Nous n’avons
pas les bases scientifiques pour le dire. Si
c’est ce que demande le citoyen, il faut lui
expliquer qu’il n’y a pas d’étude pertinente
pour lui répondre. Avant de savoir comment
on la finance, il y a aussi la pertinence de
l’étude. Une étude qui essaie de regarder à
quel niveau de pollution est l’environnement
« eau, air, sol » et qui indique qu’il y a quatre
produits vraiment préoccupants sur lesquels il
faudrait faire un effort, c’est intéressant.
Le temps où il fallait prendre trop de précautions pour essayer de dire est passé. J’incite
tous ceux qui ont cinq minutes à aller regarder l’exposition de France Nature Environnement sur le bicentenaire. C’est trop tard pour
essayer d’imaginer que le citoyen pourrait
rester gentil, sympa, et ne rien comprendre.
Il y a la convention de la rue qui donne tous
les droits aux citoyens. Il y a la charte des citoyens. Maintenant vous avez intérêt à avoir
un citoyen informé, avec qui vous discutez
et avec qui vous concertez, plutôt qu’un citoyen où vous vous dites que s’il ne savait
rien ce serait mieux. C’est trop tard.
J ’ a i e nv i e d e d i r e u n e c h o s e t r è s i m p o rt a n t e , p a rc e q u e c e n ’ e s t p a s fo rc é m e n t
toujours ce à quoi on pense. Il y a deux
c h o s e s . L a p r e m i è r e , e n t a n t q u e c i t oye n ,
c ’ e s t d e s a vo i r q u e « l e F ra n ç a i s m oye n »
n’existe pas. Il existe pour tous les types
d e ma l a d i e s , d e s c h o s e s q u e l ’ o n a p p e l l e
« d e s g ro u p e s à r i s q u e s » . Pa r e x e m p l e ,
fa c e à l a p o l l u t i o n d e l ’ a i r, s i vo u s ê t e s
a s t h ma t i q u e o u i n s u ffi s a n t r e s p i ra t o i r e ,
vo u s ê t e s u n g ro u p e à r i s q u e . C ’ e s t vo u s
q u i r i s q u e z l e p l u s g ro s p é p i n e n c a s d e
p o l l u t i o n l o u r d e . S i vo u s é t i e z u n e n fa n t à
T c h e r n o by l , p a s d e c h a n c e . L e s 4 0 0 0 c a n c e r s d e l a t hy ro ï d e , c e s o n t l e s e n fa n t s q u i
l e s o n t e u p a rc e q u ’ i l s é t a i e n t u n g ro u p e
à r i s q u e p o u r c e q u i s ’ e s t p a s s é à T c h e rn o by l ( j e l a i s s e d e c ô t é l e s l i q u i d a t e u r s ) .
C’est très important de se dire que c’est
c e u x - l à q u ’ o n v i s e p a rc e q u e s i c e u x - l à
s o n t p ro t é g é s , o n p ro t è g e l ’ e n s e m b l e d e
la population.
Deuxième élément, ce qui est le signal
d ’ a l a r m e e t q u e l e s c i t oye n s o u b l i e n t p a rfo i s c e q u e l ’ o n n e s a i t p a s e n c o r e a u j o u r d ’ h u i c ’ e s t l a t ox i c i t é d e s p ro d u i t s . S i
l ’ E u ro p e n o u s a m i s R E AC H , c ’ e s t p a rc e q u e
i l y a 1 0 0 0 0 0 p ro d u i t s d o n t o n n e c o n n a î t
p a s l a c o u r b e d e s e ffe t s . O n n e s a i t m ê m e
p a s c o m b i e n o n a u ra d e r i s q u e s s u p p l é mentaires de cancer si on a absorbé cela
toute la vie.
La chose essentielle est de se dire que
les gens les plus exposés à chacun des
p ro d u i t s s o n t ma l g r é e u x l e s s e n t i n e l l e s
d e l a t ox i c i t é d e c h a q u e p ro d u i t . I l fa u t
être d’une vigilance extrême sur ce qu’on
a p p e l l e l e s ma l a d i e s p ro fe s s i o n n e l l e s c a r
c ’ e s t e l l e s q u i n o u s a l e r t e n t s u r l a t ox i c i t é . E t s i o n a l e r t e à t e m p s e t s i o n ga r d e
I Jean-Michel Lobr y
En deux mots, qu’avez-vous à nous dire du
jeu d’acteur local, citoyen, élu, industriel ?
d e s t a b l e a u x d e ma l a d i e s p ro fe s s i o n n e l l e s
p a r fa i t e m e n t m i s à j o u r d e s n o u ve l l e s
c o n n a i s s a n c e s , l e s s a l a r i é s s e ro n t p u r e m e n t p ro t é g é s e t l ’ e n s e m b l e d e s p u b l i c s
d e r r i è r e s e ra m i e u x p ro t é g é .
I Jean-Michel Lobr y
C’est important à ce stade de notre
é c h a n g e d e r e p l a c e r c e l a a u n i ve a u d e
la population, de sa situation, de ses att e n t e s , d e s e s r é a c t i o n s a u s s i p a r ra p p o r t
à c e s é va l u a t i o n s q u i s e d é p l o i e n t .
N o u s a l l o n s ma i n t e n a n t e n t e n d r e n o t r e
i nv i t é q u i a c e t t e e x p é r i e n c e a u s e i n d e
s o n E t a t . J u s t e a va n t q u ’ i l n o u s e x p l i q u e
c e q u ’ i l fa i t e t c o m m e n t i l l e fa i t , e s t - c e
qu’il a une ou deux questions à poser à
nos acteurs ?
I G a r y G i n s b e r g , Tox i c o l o g i s t e
à l ’ U n i ve r s i t é d e Ya l e . C o n n e c t i c u t ,
Etats-Unis
Dans un premier temps, je suis désolé de
n e p a s m ’ e x p r i m e r e n f ra n ç a i s . C e l a p r e n d ra p e u t - ê t r e u n p e u p l u s d e t e m p s , j e
suis néanmoins très heureux d’être ici et
d ’ a vo i r é t é i nv i t é p o u r p a r l e r d e c e s u j e t .
J’ai entendu ici des résultats extrêmement
i n t é r e s s a n t s , u n t ra va i l d e r e c h e rc h e e x c e l l e n t , e t j ’ e s s a i e ra i d e vo u s a p p o r t e r m o n
p o i n t d e v u e e t l ’ a p p ro c h e a m é r i c a i n e
e n l i e n a ve c t o u t c e q u i v i e n t d ’ ê t r e d i t .
L o r s d e l a s é a n c e p l é n i è r e , n o u s a vo n s e s sentiellement entendu parler d’incidents,
d ’ a c c i d e n t s q u i fo n t l a u n e d e s j o u r n a u x ,
d e s a c c i d e n t s n a t u r e l s , d e s c a t a s t ro p h e s
n a t u r e l l e s d e t y p e o u ra ga n o u d e s é m i s s i o n s d e P C B , d e c e g e n r e d e c a t a s t ro p h e s .
J e vo u d ra i s m e d é ma r q u e r p a rc e q u ’ a u x
E t a t s - U n i s , l ’ é va l u a t i o n d u r i s q u e n ’ a b o r d e
123
Atelier 5
p a s d u t o u t c e g e n re d e p roblématique.
Au x E t a t s - U n i s , n o u s a b o rd o n s plutôt tous
l e s a u t re s c a s . C ’ e s t l e c a s de problèmes
d e ma l a d i e s re p ro d u c t i ve s inexpliquées ,
l e s c a u s e s d e ma l a d i e s d e type cancer
i n e x p l i q u é é ga l e m e n t . I l fa u t savoir qu’il y
a é n o r m é m e n t d e ma l a d i e s aux Etats-Unis
d o n t l e s c a u s e s s o n t v ra i m e nt inconnues .
N o u s n o u s c o n c e n t ro n s p l u t ô t sur cela.
Au x E t a t s - U n i s , n o u s a vo n s une agence
g o u ve r n e m e n t a l e q u i e s t l ’ A gence de la
p ro t e c t i o n d e l ’ e nv i ro n n e m e n t, qui a éta bli
u n e m o d é l i s a t i o n d e l a p o l l u t i on atmosphér i q u e s u r l ’ e n t i è re t é d u t e r r i t o i re amér icain.
To u t à l ’ h e u re , l a p re m i è re i n ter venante a
a b o rd é l a m o d é l i s a t i o n . Po u r nous , c’est
v ra i m e n t u n e p re m i è re é t a p e, éta blir un
m o d è l e d e l a p o l l u t i o n a t m o s phér ique. Une
a u t re é t a p e t o u t a u s s i i m p o r t ante dans un
p re m i e r t e m p s , c ’ e s t d ’ e s s a yer de contrô l e r t o u t e s l e s é m i s s i o n s . S i vo us voulez da va n t a g e d ’ i n fo r ma t i o n s s u r c e programme
N ATA , vo u s p o u ve z a l l e r s u r I nter net. vous
t a p e z « u s a n a t a » , q u i e s t d o nc l’associat i o n a m é r i c a i n e d e s t ox i q u e s .
124
A u x E t a t s - U n i s , n o u s a vo n s l a p o s s i b i l i t é ,
g r â c e à c e t r a va i l d e m o d é l i s a t i o n , d e r é pertorier tous les rejets, toutes les émissions de toutes les usines sur le territoire
américain, mais pas uniquement des
u s i n e s . N o u s a vo n s é g a l e m e n t l a p o s s i b i l i t é d e t r a c e r d ’ u n e c e r t a i n e ma n i è r e l a
pollution atmosphérique qui vient de la
c i r c u l a t i o n r o u t i è r e , d u t r a fi c ro u t i e r. N o u s
p o u vo n s t r a c e r a u n i v e a u l o c a l , d e ma nière beaucoup plus précise, la pollution
q u i p o u r r a i t p r ov e n i r d e p e t i t s g a ra g e s , d e
p e t i t d é p ô t , p a r e x e m p l e , p a r fo i s m ê m e
des séchoirs chez soi.
On identifie ainsi des points noir s . On en a
par lé également précédemment. Grâce à
l’identification de ces points noir s , on dispose d’un vér ita ble plan national. Nous uti lisons également un processus de bio moni tor ing au niveau local. Ce qui veut dire que
nous prélevons des échantillons sanguins ,
des échantillons d’ur ine, parfois même des
cheveux, pour essayer de déter miner les
niveaux des degrés d’exposition de la po pulation. C’est finalement là l’inconnu numéro 1, c’est justement d’analyser le degré
d’exposition pour les citoyens .
Ce travail de bio monitor ing nous a per mis
de tirer quelques conclusions , à savoir que
la major ité des polluants viennent de notre
maison, de notre domicile, de notre environnement proche. Il s’agit des polluants
que l’on peut trouver dans le maquillage,
dans les cosmétiques , dans la nourr iture,
parfois même dans le lino, le parquet que
l’on peut trouver au sol sur lesquels les
bébés a pprennent à marcher, également
dans les poêles anti-adhésives que l’on utilise pour la cuisine. Malheureusement, nous
n’avons pas vraiment de contrôle sur tout
ce qui rentre dans ces produits de grande
consommation. Vér ita blement, nous avons
trouvé que, au niveau du maquillage que
l’on por te toute une jour née, il y a pas mal
d’exposition assez impor tante.
Un des grands défis que nous avons à rele ver, c’est d’étudier davantage la susceptibilité de l’exposition de la po pulation.
C’est le sujet qui m’occupe plus par ticu lièrement. Nous savons , suite à des études ,
que la pér iode pér inatale, la pé r iode inutero et les quelques mois qui suivent la
naissance, sont des pér iodes extrêmement
sensibles pour plusieur s agents . Nous es sayons de comprendre les degrés d’expos i t i o n p e n d a n t l a g ro s s e s s e e t p e n d a n t
la phase d’allaitement. Ce sont des périodes essentielles et cruciales. Ces sont
les sujets qui m’occupent, les risques ass o c i é s a u t o u t d é b u t d e l a v i e . N o u s a vo n s
t o u s é v i d e m m e n t n o t r e p ro p r e A D N . N o u s
s o m m e s t o u s d i ff é r e n t s . N o t r e c a p a c i t é à
m é t a b o l i s e r e s t d i ff é r e n t e . N o t r e c a p a c i t é à r e c o n s t i t u e r n o t r e A D N e s t d i ff é r e n t e é g a l e m e n t . P a r l e p a s s é , o n a va i t
pour tendance d’étudier le cas classique
d’un homme moyen de poids moyen, de
70 kilos . Aujourd’hui, nous introduisons
également la génétique pour analyser la
susceptibilité dans la population. Par le
passé, on l’a encore entendu d’ailleurs
ici, on par lait d’un niveau de référence,
c’est-à-dire qu’au-delà de ce niveau de
référence, on est dans une zone dangereuse, en dessous on est plutôt dans une
zone sûre.
I l fa u t s a vo i r q u e l ’ a p p ro c h e a m é r i c a i n e
fa i t fi t d e c e c o n c e p t d e c e s e u i l p a rc e
q u ’ e n fo n c t i o n d e l a p o p u l a t i o n , e n fo n c t i o n d e l ’ â g e , s i vo u s a ve z u n e p e r s o n n e
â g é e , u n j e u n e , u n b é b é , c e s s e u i l s fl u c t u e n t e t va r i e n t c o m p l è t e m e n t . N o u s
a vo n s a n a l y s é q u e , m ê m e à d e s d o s e s
p a r fo i s t r è s fa i b l e s , t r è s m i n i ma l e s , d ’ u n
c e r t a i n p ro d u i t c h i m i q u e q u e c e s o i t d u
m e rc u r e , d u p l o m b o u d u P C B , o n p e u t s e
t ro u ve r d a n s u n e z o n e a s s e z d a n g e r e u s e
e n fo n c t i o n d e q u i e s t e x p o s é . N o u s vo u lons supprimer cette notion, ce concept
d e s e u i l , a u - d e l à d u q u e l t o u t va ma l e t e n d e ç à d u q u e l t o u t va b i e n . O n a n a l y s e u n e
p e n t e ma i n t e n a n t p a rc e q u e n o u s s a vo n s
q u e m ê m e à d e s d o s e s m i n i ma l e s , i l p e u t y
a vo i r p ro b l è m e .
I Jean-Michel Lobr y
S i vo u s t a p e z G a r y G i n s b e r g s u r I n t e rn e t , vo u s t o m b e r e z s u r u n e p r é s e n t a t i o n
exhaustive, récente - elle est de mar s qui reprend de manière très précise ces
q u e l q u e s i n fo r m a t i o n s .
Q uestions de la salle
I Thierr y Dubuis , DREAL
Calais
Nord-Pas-de-
Je suis en charge d e l ’ a n i ma t i o n d u S P P P I
Cote d’Opale Fland re . N o u s a vo n s é t é l e s
premier s à nous lan c e r d a n s c e s fa m e u s e s
études de r isques s a n i t a i re s d e z o n e . Po u r
l’aspect financeme n t , c o m m e n o u s é t i o n s
les premier s , l’Etat e t l e C o n s e i l R é g i o n a l
ont été très génére u x . D o n c n o u s n ’ a vo n s
pas eu ces problèm e s .
Simplement, je suis c o n t e n t d e l ’ i n t e r ve n tion de Gar y Ginsbe rg . L o r s q u e l ’ o n p o u s s e
les évaluations de r i s q u e s s a n i t a i re s d e
zone jusqu’au bout , q u e l ’ o n e s s a i e d ’ i n t égrer au mieux ce qu e l e s g e n s re s p i re n t ( l e s
rejets industr iels ce r t e s , ma i s a u s s i l e re s t e ,
la pollution automo b i l e ) e t c e q u e l e s g e n s
mangent (ce que l’ o n a p p e l l e l a p a r t i e i ngestion), quand les e x p e r t s vo n t j u s q u ’ a u
bout, on s’a perço i t q u e t o u t l e d u n ke rquois est en rouge. L e s e x p e r t s n o u s o n t d i t
« rassurez-vous (en fi n c ’ e s t u n e fa ç o n d e
par ler), la France e n t i è re e s t e n ro u g e » .
On leur a demand é p o u rq u o i . L e s e x p e r t s
ont répondu : « r i e n q u e s i o n p re n d e n
compte ce que ma n g e n t d e s g e n s , c e q u ’ i l
y a dans leur s réf r i g é ra t e u r s , l ’ a l i m e n t ation nous fait dépa s s e r p a r t o u t c e q u ’ o n
a ppelle les seuils ». C e l a a é t é l a p re m i è re
remarque qui nous a i n t e r p e l l é s .
125
Atelier 5
L a s ec o n d e re ma rq u e , c ’ e s t une question
d e m é t h o d o l o g i e . N o s é t u d e s montrent que
l e s rej e t s a c t u e l s s o n t c e n s é s ne pas avoir
d ’ e ffe t s u r l a s a n t é d e p e r s o nnes qui nais s e n t a u j o u rd ’ h u i s u r l e l i t t o ra l et vont y vivre
3 0 o u 4 0 a n s . Q u e s t i o n l é g i t i m ement posée
p a r l e s h a b i t a n t s : « q u i d d e s gens qui ont
4 0 a n s a u j o u rd ’ h u i , vo i re p l u s et qu’ils y ont
v é c u q u a n d l e s re j e t s i n d u s t r iels et l’act i o n d e l a D R E A L n ’ é t a i e n t p as ceux d’au j o u rd ’ h u i » . C ’ e s t u n e q u e s t i on à laquelle
o n a d u ma l à r é p o n d re . Po u rquoi ? Dans
n o t re e s p r i t , l ’ é va l u a t i o n d e s r isques sanit a i re s c ’ e s t t ro u ve r l e s i n t e ractions entre
l e s é m i s s i o n s , u n e q u a l i t é d e l’environne m e n t ( l ’ a i r, l e s s o l s ) e t l a s a n t é de la popu l a t i o n . Au t a n t o n a r r i ve à ma î tr iser bien les
d e u x p re m i e r s ( o n c o n n a î t b ien les rejets
i n d u s t r i e l s , o n p e u t a p p r é c i e r la qualité de
l ’ e nv iro n n e m e n t e n fa i s a n t des analyses ,
c e l a c o û t e c h e r ma i s b o n c e n’est pas le
p ro b l è m e i c i ) , a u t a n t p o u r l ’ é tat de santé,
o n a t r è s p e u d e d o n n é e s q ui per mettent
s o i t d e c o n fi r m e r q u ’ e ffe c t i vement il n’y a
p a s d e r i s q u e , s o i t a u c o n t ra i re de dire « att e n t i o n d a n s l a r é g i o n , i l y a des gens qui
o n t l e c a n c e r d e … » . O n ma nque de données sur les aspects santé.
I Daniel Florence, Ecole des Mines de
Par is
L e s r i s q u e s n a t u re l s s o n t - i l s p r is en compte
p o u r é va l u e r l e r i s q u e g l o b a l sur la zone ?
I Pa tr icia Blanc
126
N o n , r i e n q u ’ a ve c p o u r l ’ i n s t a nt les r isques
a n t h ro p i q u e s , o n a e u u n p eu de travail.
Po u r l e s r i s q u e s n a t u re l s , o n p eut avoir des
s u j e t s i n t é re s s a n t s c o m m e l ’ a miante natu re l o u l e ra d o n q u i p o s e n t a ussi des quest i o n s i n t é re s s a n t e s . Po u r l ’ i nstant, je ne
connais pas d’études de cas où on a réussi
à cumuler les deux.
I Pierre Douche, Etudiant en
aménagement du littoral et urbain
J’ai l’impression que c’est un peu dans l’air
du temps (par exemple, avec la taxe carbone) de faire de faire tous les échantillons
et recherches atmosphér iques . Je me pose
la question aussi des r isques plus anciens ,
du contrôle des anciens , peut-être des erreur s du passé, notamment de l’infiltration
dans les sols de cer taines toxicités . Certains problèmes peuvent être liés notam ment à l’enfouissement des déchets qu’on
a pratiqué pendant toutes les années 60 à
80, notamment dans la boucle de la Seine,
des ordures ménagères de toute l’Ile-deFrance. Y a-t-il des prélèvements autres
qu’atmosphér iques qui sont effectués ? »
I Pa tr icia Blanc
Oui bien sûr. Nous ne sommes pas entrés
dans les détails , mais bien sûr l’étude n’est
pas que atmosphér ique. Elle regarde l’en semble des compar timents , les so ls , la vé gétation, la chaîne alimentaire etc. Cela
fait par tie d’une étude globale de zone.
Dans une par tie, la moitié je c rois , des
études , nous avons regardé le br uit de
fond. On est allé rechercher des pollutions
histor iques par des prélèvements dans les
sols et on a bien additionné les retombées
des rejets actuels avec les pollutions histo r iques . Cela fait bien par tie à mon sens du
champ d’une étude de zone, de regarder
les pollutions histor iques qui se trouvent
être dans les sols et dans les eaux.
I Gar y Ginsber g
Nous savons aussi qu’à cer tains endroits
la pollution du sol peut déboucher sur des
produits chimiques volatils qui vont se retrouver dans les foyer s , dans les maisons
et dans les bâtiments . Par exemple quand
vous avez des sites de mise en décharge, il
subsiste encore des produits chimiques parfois toxiques . On sait que, lor sque des terres
agr icoles sont transfor mées par exemple
en parcelles destinées à des ha bitations ,
on trouve encore des résidus d’engrais ,
de pesticides qui peuvent avoir un effet
toxique même si ces pesticides avaient
déjà été interdits il y a 20 ans . Il en subsiste
encore un tout petit peu dans le sol.
I Une per sonne de la salle
Je suis fra ppé en ayant écouté les inter ventions du début de l’atelier à la fin, du grand
écar t entre l’inter vention initiale sur les
études de zones qui dit « Il y a une for te demande du public. Par tout il y a des études
de zone pour qu’il y ait à la limite plus de
mesures et pour que l’on sache un peu
mieux effectivement près de chez moi, dans
mon jardin, ce qu’il se passe », et l’inter vention de Monsieur Ginsberg à la fin qui dit
l’impor tance de connaître le br uit de fond.
Le sujet de Saint-Cypr ien a été évoqué ce
matin. L’une des questions que l’on s’est
posée en per manence, c’est la pression
publique. Là je me place du point de vue
du gestionnaire du r isque. Le public de mande toujour s plus de mesures pour être
rassuré ou pour être cer tain de la situation.
Mais on est largement démuni par ra ppor t
à la connaissance du br uit de fond au sens
large dans toutes ses composantes telles
qu’elles ont été décr ites . La question na turellement se posera. Il faut améliorer la
connaissance, c’es t a b s o l u m e n t i m p é ra t i f.
Mais face à cet éta t d e fa i t , c o m m e n t fa i t on en gestion du r i s q u e , p o u r e s s a ye r d e
s’améliorer et pour q u e l ’ o n s o i t m o i n s d é muni la prochaine fo i s ?
I Une per sonne de la salle
Je souhaitais faire u n e re ma rq u e . E n fa i t , o n
pourrait essayer d ’ a m é l i o re r l e s c o n n a i s sances . On débute u n e é t u d e s u r l e t e r r itoire de Dunkerque e t s u r l e t e r r i t o i re d e
Lille à l’institut auq u e l j e fa i s p a r t i e , l ’ l n s t i tut de recherche e t d e l ’ e nv i ro n n e m e n t
industr iel. On arr ive à re g ro u p e r p l u s i e u r s
études en une à pa r t i r d e m e s u re s p hy s i c o chimiques . Avec d e s p e r s o n n e s q u i t ravaillent en toxicolo g i e , e n é c o - t ox i c o l o g i e
et en sociologie, no u s fa i s o n s u n e e n q u ê t e
à l’échelle du dunke rq u o i s à p a r t i r d e p r élèvements de végé t a u x , d e p r é l è ve m e n t s
classiques en physi c o - c h i m i q u e s , d e p r é l è vements sanguins o u d ’ u r i n e . N o u s fa i s o n s
des tests à par tir d e s n o u ve a u - n é s s u r l e s
tests de Guthr ie. O n p e u t re p é re r l e s m é taux lourds . On essa ye d ’ é t a b l i r u n e c a r t e
de la population.
Cette étude est fina n c é e d a n s l e c a d re d u
contrat de projet Et a t - R é g i o n d u N o rd - Pa s de-Calais , elle com m e n c e c e t t e a n n é e e t
durera trois ans .
I Nicolas Pacault, Inspecteur des
Installations Classées, DREAL de Picardie
J’avais une question pour Sébastien Mounier.
J’aurais aimé savoir, dans le cadre de l’étude
menée à Port-Jérôme, quelle a été l’attitude
des industriels. Etaient-ils moteurs pour faire
cette étude de zone ? A-t-il fallu un peu les
contraindre ? Deuxième partie de ma question : quelles suites seront données à cette
étude ?
127
Atelier 5
I Sébastien Mounier
I l n ’ y a p a s e u d e c o n t ra i n t es de la par t
d e l ’ I n s p e c t i o n d e s I n s t a l l a t i ons Classées
s u r l e s i n d u s t r i e l s . J ’ e n t e n d s par là qu’au c u n a r r ê t é p r é fe c t o ra l n ’ a é t é pr is ni pour
r é c o l t e r l e s d o n n é e s d ’ é m i s s ions , ni pour
fa i re d e s m e s u re s p e n d a n t la durée de
l ’ é t u d e . J ’ a i l e s e n t i m e n t q u e les industr iels
s u r Po r t - J é r ô m e o n t b i e n c o mpr is tout l’in t é r ê t q u ’ i l s a va i e n t à fa i re c e s études . Pour
c e r t ai n s , p e u t - ê t re l e b u t e s t de dire « vous
voye z , o n n ’ a p p o r t e p a s p l u s de r isques »,
p o u r d ’ a u t re s c e s e ra p o u r d ire : « on est
c e r t ai n d e t ro u ve r c e r t a i n e s choses (et
d ’ a i l l e u r s ç a a é t é l e c a s ) e t de toute faç o n d a n s l e c a d re n o r ma l d e vos missions ,
vo u s , I n s p e c t i o n d e s I n s t a l l a t i ons Classées ,
q u e l’ o n fa s s e c e t t e é t u d e ou non, vous
a l l e z n o u s d e ma n d e r d e r é d uire nos rejets
n o t a m m e n t s u r d e s s u b s t a n c es identifiées
e t re p r i s e s d a n s l e P l a n n a t i o nal Santé-en v i ro n n e m e n t , e t d a n s l e P l a n régional san t é - e nv i ro n n e m e n t » .
N o u s p a r l i o n s d ’ é t a t i n i t i a l . L’un des gros
a va n t a g e s , d e s g ra n d s a p p or ts de ces
é t u d e s d e z o n e , e s t d ’ a p p or ter un état
i n i t i a l. C e q u i p o u r ra i t ê t re s ouhaita ble à
l ’ a ve n i r, l o r s q u ’ u n e n o u ve l l e installation
s o u h a i t e s ’ i n s t a l l e r s u r l a z o n e, c’est de se
s e r v i r d e c e t t e é t u d e c o m m e état initial et
d e c o m p a re r c e q u ’ e l l e va a ppor ter par
ra p p o r t a u b r u i t d e fo n d s u r l a zone.
128
D u c ô t é d e s i n d u s t r i e l s , c e t t e démarche
e s t b ie n c o m p r i s e . E n s u i t e s u r l’état des rés u l t a t s , s i x s u b s t a n c e s p o r t a i ent un intérêt
s a n i t a i re . J e p a r l e d ’ i n t é r ê t s anitaire, je ne
p a r l e p a s d e s u r- r i s q u e p a rc e que les résul t a t s , s a n s re n t re r d a n s l e s va l e ur s chiffrées c e l a n ’ a u ra i t p a s d ’ i n t é r ê t - , montrent que
l’on est juste à la limite de ces niveaux
considérés comme accepta bles . De plus ,
c’est quelque chose qui va évoluer dans
le futur grâce ou à cause du ra ppor t du
Haut Conseil de Santé Publique et de l’a p propr iation qui sera faite ou pas par les
pouvoir s publics . D’ores et déjà, il y a des
actions d’amélioration de la connaissance
qui sont entrepr ises par des mesures réelles
dans l’air de la concentration de cer tains
composés qui ne sont pas suivis ou qui ont
été suivis de manière très par tielle par le
passé, justement à cause des incer titudes
liées à l’expression des résultats . Avant de
prendre des décisions parfois dures , on est
obligé d’en connaître davantage sur l’ex position, sur le niveau de la concentration
réelle dans l’air de cer tains composés .
Dans d’autres cas , ce sont des mesures de
réduction qui sont programmées . Que ces
substances aient une expression de niveau
de r isque par tiel en VTR (Valeur Toxique de
Référence) ou qu’elles n’en n’aient pas (je
pense par exemple au dioxyde d e soufre,
et qu’il n’y a pas de VTR, on ne peut pas
calculer d’indices de r isques là-dessus .
Pour tant là aussi, nous avons eu des réduc tions qui sont planifiées sur Por t-Jérôme
jusqu’en 2018 ou 2020.
I l y a à l a fo i s d e s a c t i o n s d ’ a m é l i o r a t i o n
de la connaissance avec des mesures
réelles des émissaires et de la concent r a t i o n r é e l l e d a n s l ’ a i r, e t d e s a c t i o n s d e
réduction des rejets.
I Une per sonne de la salle
Je voudrais faire un petit commentaire en
tant qu’industr iel. Je pense qu’il faut garder
en tête qu’un industr iel, c’est avant tout un
citoyen. Il est citoyen au sens collectif du
ter me par ce qu’il a ppor te au niveau de
la collectivité (nous par lions tout à l’heure
de la compétitivité), mais un citoyen aussi
d’un point de vue individuel. D’un point de
vue per sonnel, quand j’ai fait mes heures
de travail, je deviens un citoyen qui a une
femme, des enfants , et qui est intéressé par
ce qui se passe à l’extér ieur. On a souvent
tendance à dire que l’industr iel est « le mé chant », c’est avant tout un citoyen, aussi
bien individuel que collectif.
I Inspectrice
des
Installations
classées sur la zone d’Ambès
Je suis inspectrice des installations classées sur la zone d’Ambès, aussi visée par
u n e E R S b i e n a va n c é e . J e va i s m e l i m i t e r
à la question que j’ai sur les particules
e t l e s N OX . C o m m e vo u s ve n i e z j u s t e d e
l e ra p p e l e r, c e l a fa i t p a r t i e d e s p a ra mètres comme le SO2 qui n’ont pas de
V T R . Pa r a i l l e u r s , l a z o n e d e B o r d e a u x e s t
e n c o n t e n t i e u x e u ro p é e n s u r c e s d e u x
p a ra m è t r e s .
J e m e p o s a i s c e t t e q u e s t i o n : a ve c t o u t
c e q u e vo u s m ’ a ve z d i t a u j o u r d ’ h u i : n o u s
n ’ a vo n s p a s d e V T R ( Va l e u r To x i q u e d e r é f é r e n c e ) , n o u s n ’ a vo n s p a s p ro b a b l e m e n t
d ’ e ffe t d e s e u i l , o n a d e s i n c e r t i t u d e s e x t ra o r d i n a i r e s s u r l ’ é t a t d e c e s é t u d e s . N e
fa u t - i l p a s a u fi n a l u t i l i s e r n o t r e é n e r g i e
à s e l i m i t e r à i d e n t i fi e r l e s ma x i ma d a n s
l a z o n e , q u e c e s o i t e n P N o u e n N OX e t
les populations sensibles dans la zone. Ne
va u t - i l p a s m i e u x u t i l i s e r l e p e u d e t e m p s
q u e l ’ o n a p o u r r é d u i r e l e s s o u rc e s d ’ é m i s s i o n q u i s o n t à l ’ o r i g i n e d e c e s ma x i ma ?
O u fa u t - i l c o n t i n u e r à d é ro u l e r t o u t e l a
d é ma rc h e E R S s u r c e s p a ra m è t r e s - l à ?
D e p l u s , c e s p a ra m è t r e s ( q u i s o n t P M e t
N OX ) o n t l a c h a n c e d e n e p a s ê t r e d e s
t ra c e u r s i n d u s t r i e l s . I l fa u t q u e l ’ o n s o i t
c a p a b l e e ffe c t i ve m e n t , c o m m e vo u s l e
d i s i e z , d e ra j o u t e r t o u t e s l e s é m i s s i o n s
d ’ o r i g i n e t ra fi c e t a g r i c o l e . O n a u n e
r é g i o n q u i n e b é n é fi c i e p a s d ’ u n i n v e n t a i r e d ’ é m i s s i o n s r é g i o n a l e s . L’ i n v e n t a i r e
d ’ é m i s s i o n s n a t i o n a l e s n ’ a p a s é t é fi n a l i s é , n o u s n e p o u vo n s d o n c p a s s ’ a p p u y e r
d e s s u s p o u r a j o u t e r l a p a r t N OX e t l a p a r t
PM10 issus du secteur agricole et du sect e u r t ra fi c . Q u e d o i t - o n fa i r e ? D e vo n s n o u s n o u s l i m i t e r a u b r u i t d e fo n d p u i s q u e
p o u r c e s p a ra m è t r e s , ç a n ’ a u r a i t p a s d e
sens de se limiter aux émissions industrielles ?
I Gar y Ginsberg
Au x E t a t s - U n i s , o n e s s a i e v r a i m e n t d e t r a va i l l e r a u s s i a u n i v e a u d e l a p r é v e n t i o n
du risque. Plutôt que de passer des années à analyser l’exposition par ra ppor t
u n c e r t a i n p ro d u i t , à u n e c e r t a i n e s o u r c e ,
n o u s e s s a yo n s v ra i m e n t d ’ a p p l i q u e r t o u jours les meilleures technologies dispon i b l e s s u r l e ma rc h é à c e m o m e n t - l à . E t
ensuite, on mesure le risque.
129
Atelier 6
I Jean-Luc Lachaume, Directeur
général adjoint de l’Autorité de
Sûreté Nucléaire
Post-Accidentel
nucléaire
•
r a d i oac t i v i t é
d é c h e t • r é pa r a t i o n • m a r é e
n o i r e • i m pac t é c o l o g i q u e
e t s a n i t a i r e • p o s t t r au m a t i c
s t r e s s d e s o r d e r • i n d e m n i s at i o n
I A l a i n S i m o n e a u , A n i ma t e u r
130
Le sujet qui nous est proposé est la gest i o n d e s e ff e t s s a n i t a i r e s e t d e s i m p a c t s
d i ff é r é s d e s c a t a s t r o p h e s . N o u s a vo n s
avec nous le pilote de l’atelier qui a défi n i l a p r o b l é m a t i q u e , i l s ’ a g i t d e D a n i e l
Fauvre, directeur adjoint à la DREAL Languedoc-Roussillon.
Av e c n o u s , p o u r p a r l e r d e c e s u j e t , P h i l i p p e
H u b e r t , d i r e c t e u r d e s r i s q u e s c h ro n i q u e s
à l ’ I N E R I S , l ’ I n s t i t u t n a t i o n a l d e l ’ e nv i ro n nement industriel et des risques. Philippe
Hubert a un passé dans le nucléaire, not a m m e n t p a r u n t r a va i l s u r T c h e r n o by l
e n é p i d é m i o l o g i e . L o ï c K e ra m b r u n , d u
CEDRE, responsable du ser vice de suivi
des pollutions au Centre de Documentation de Recherche et d’Expér imentations
sur les pollutions accidentelles des eaux.
O n a b e a u c o u p e n t e n d u p a r l e r d e vo u s à
propos de l’Er ika. C’est à ce moment que
l e g r a n d p u b l i c a c o n n u vo t r e e x i s t e n c e .
Vo t r e o r g a n i s m e a é t é a c c u s é , a u d é p a r t ,
d ’ ê t r e u n e é m a n a t i o n p u r e m e n t p é t ro lière, une sor te de composés organiques
vo l a t i l e s e n fo r m e i n s t i t u t i o n n e l l e . M a i s c e
n ’ e s t p a s t o u t à fa i t c e l a .
I Loïc Kerambr un, Responsa ble du
ser vice de suivi des pollutions au Centre
de Documentation de Recherche et
d’Expér imentations sur les pollutions
accidentelles des eaux (Cedre)
Non, ce n’est pas tout à fait cela. Mais
c’est vrai qu’une par tie de notre financement vient du secteur pr ivé et notamment
du secteur pétrolier et chimique. En cas de
cr ise, nous sommes exper ts , avec avant tout
une mission de ser vice public pour les autor ités . Sachant que Total fait par tie de notre
Conseil d’Administration et de notre conseil
de comité stratégique comme beaucoup
de financeur s , quand il y a un accident
comme l’Er ika, il est dit que nous sommes à
la solde de Total, ce qui est complètement
faux. Nous sommes très contents d’avoir de
l’argent de Total, cela nous per met d’aller
sur des sites étranger s en cas d’accidents ,
s u r l e s s i t e s d e To t a l e t s u r d ’ a u t r e s p é t ro l i e r s , e t d e fa i r e b é n é fi c i e r e n r e t o u r
le ser vice public et les collectivités. Nous
a vo n s u n e m i s s i o n d e s e r v i c e p u b l i c 2 4
heures sur 24.
I Alain Simoneau
J e a n - L u c L a c h a u m e , vo u s ê t e s d i r e c t e u r
g é n é ra l a d j o i n t d e l ’ Au t o r i t é d e S û r e t é
N u c l é a i r e . Nous n’avons pas le temps de
décr ire dans le détails ce qu’est l’ASN, mais
ce que j’en retiens en tant que jour naliste,
c’est qu’elle est une autor ité indépendante.
Oui, nous sommes une autorité administrative indépendante chargée de la
réglementation du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection
e n F r a n c e . Po u r fa i r e u n p a r a l l è l e , n o u s
s o m m e s u n p e u l ’ é q u i va l e n t d e l a D G P R
au Ministère de l’écologie.
I Alain Simoneau
J’ai aussi retenu que depuis 2005, et c’est
p o u r c e t t e ra i s o n q u e vo u s ê t e s d a n s c e t
a t e l i e r, vo u s vo u s ê t e s e n ga g é s d a n s u n e
énor me étude, une étude tentaculaire sur
le post-accidentel dans le domaine
n u c l é a i r e . J e m e s u i s d e ma n d é e n voya n t
l e d o c u m e n t q u i m ’ a va i t é t é c o n fi é s i c e
n ’ é t a i t p a s u n s u j e t v ra i m e n t s p é c i fi q u e ment nucléaire. Est-ce qu’il y a quoi que
c e s o i t q u i e s t t ra n s p o s a b l e d a n s l ’ é t u d e
q u e vo u s a ve z l a n c é e ? J e n e vo u s d e ma n d e p a s d e r é p o n d r e d e fa ç o n c o m p l è t e , ma i s j u s t e u n p e t i t é c l a i ra g e . M o n
idée est que, quand on parle du nucléaire,
on parle d’isotopes qui durent.
I Jean-Luc Lachaume
Il y a des isotopes qui durent très longt e m p s , ma i s i l y a d e s p ro d u i t s c h i m i q u e s
qui durent aussi très longtemps.
Nous nous sommes lancés non pas une
é t u d e , ma i s d a n s d e s t ra va u x v i s a n t à
mieux se préparer à répondre à une
s i t u a t i o n p o s t - a c c i d e n t e l l e , à s a vo i r u n e
fo i s q u e l ’ a c c i d e n t p u r e m e n t i n d u s t r i e l
e s t t e r m i n é . N o u s a vo n s e n ga g é c e s t ra va u x d e p u i s 2 0 0 5 , n o u s p o u r ro n s y r eve n i r
d e fa ç o n u n p e u p l u s d é t a i l l é e . E s t - c e q u e
l’on en tire des enseignements ? Ou est-ce
q u ’ i l y a d e s c h o s e s q u i p e u ve n t ê t r e a p pliquées ou retirées d’autres situations acc i d e n t e l l e s ? Tr è s s û r e m e n t , p u i s q u ’ i l s ’ a g i t
a va n t t o u t d ’ a c c i d e n t s i n d u s t r i e l s .
I Alain Simoneau
J ’ a i o u b l i é d e l e fa i r e , j e d o i s e x c u s e r
n o t r e i n t e r ve n a n t a m é r i c a i n C h r i s Po u l e t ,
q u i t r è s g e n t i m e n t e t a ve c m ê m e u n c e rt a i n e n t h o u s i a s m e , a va i t a c c e p t é d e ve n i r
a u j o u r d ’ h u i , ma i s s a h i é ra rc h i e n e l u i a p a s
p e r m i s d e t é m o i g n e r. C ’ e s t u n e q u e s t i o n
p u r e m e n t a d m i n i s t ra t i ve . Po u r t a n t i l e s t
e n F ra n c e e n c e m o m e n t . J e p e n s e m ê m e
q u ’ i l e s t q u e l q u e p a r t i c i , ma i s i l n e p e u t
p a s i n t e r ve n i r.
Philippe Prudhon est directeur des affa i r e s t e c h n i q u e s à l ’ U n i o n d e s I n d u s t r i e s
C h i m i q u e s , o rga n i s a t i o n p ro fe s s i o n n e l l e ,
l ’ u n e d e s p l u s p u i s s a n t e s f é d é ra t i o n s p ro fe s s i o n n e l l e s f ra n ç a i s e s . Vo u s ê t e s d a n s
c e t t e o rga n i s a t i o n d e p u i s q u a t r e a n s .
Ava n t c e l a , vo u s a ve z e u u n p a s s é c l a s s i q u e d ’ i n d u s t r i e l . Vo u s a ve z a u s s i v é c u
un certain temps à la SNPE, à la Société
N a t i o n a l e d e s Po u d r e s e t E x p l o s i f s . Vo u s
a ve z é t é u n m o m e n t p ro c h e d e l ’ a ffa i r e
A Z F e t a u j o u r d ’ h u i vo u s m e n e z u n t ra va i l
s y s t é ma t i q u e s u r l e p o s t - a c c i d e n t e l . O n
va a b o r d e r t o u t à l ’ h e u r e l e s q u e s t i o n s
d ’ é va l u a t i o n .
I Philippe Prudhon, Directeur des
a ffa i r e s t e c h n i q u e s à l ’ U n i o n d e s
Industries Chimiques
J’ai vécu plus de 20 ans dans l’industrie
chimique directement. Par ra ppor t au
d r a m e d e To u l o u s e , j e n e l ’ a i p a s v é c u
d i r e c t e m e n t , ma i s é t a n t s a l a r i é d u g ro u p e
( à l ’ é p o q u e j ’ é t a i s e n I l e - d e - F ra n c e ) n o u s
131
Atelier 6
l ’ a vo n s v é c u d e t r è s p r è s , n o t a m m e n t
d a n s l a r e l a t i o n a ve c l e s t o u l o u s a i n s q u i
présentait des intérêts particuliers en
ter mes de retour d’expérience. Le retour
d ’ e x p é r i e n c e d a n s n o t r e m é t i e r e s t p a rticulièrement impor tant dans tous les doma i n e s . M ê m e s ’ i l fa u t s e p r é p a r e r à ê t r e
surpris, la base du retour d’expérience est
ma j e u r e p o u r t i r e r d e s l e ç o n s d e c e q u i a
p u s e p a s s e r.
I Alain Simoneau
Monique Sené, quand nous nous sommes
parlé au téléphone pour préparer cet atel i e r, vo u s a ve z b i e n i n s i s t é s u r l e fa i t q u e
vo u s n ’ ê t e s p l u s c e q u e vo u s f û t e s . Vo u s
ê t e s t o u j o u r s p hy s i c i e n n e n u c l é a i r e , ma i s
vo u s n ’ ê t e s p l u s c h e rc h e u r a u C N R S , vo u s
ê t e s r e t ra i t é e . Au j o u r d ’ h u i vo u s r e p r é s e n tez parmi nous la société civile.
I Monique Sené, Physicienne
nucléaire
J e fa i s d e l ’ e x p e r t i s e p l u ra l i s t e p u i s q u e
c ’ e s t l e m o t a d a p t é d e p u i s 1 9 7 5 . J e t ra va i l l e a u n i ve a u d e s C o m m i s s i o n s l o c a l e s
d ’ i n fo r ma t i o n , e n p a r t i c u l i e r a u n i ve a u d e
l’Association Nationale des Commissions
e t C o m i t é s L o c a u x d ’ I n fo r ma t i o n ( A N C L I ) .
Les comités sont autour des installations
n u c l é a i r e s d e b a s e s e c r è t e s . Pa r l a l o i d e
2 0 0 6 e t d e s d é c r e t s , l a D S N D o u l a d é fe n s e
souhaite que les comités locaux adhérent
a u x C L I . C ’ e s t e n e n t ra i n d e s e fa i r e . N o u s
pouvons espérer que ces installations
s e c r è t e s l e s e ro n t u n p e u m o i n s , ma i s c ’ e s t
s a n s ga ra n t i e .
132
I l y a u n p e t i t e s p o i r p a rc e q u e l ’ e x t é r i e u r
n’est pas secret. Ce sont des habitants
comme vous et moi qui ont le droit de
s a vo i r c e q u i va s o r t i r d e c e t t e i n s t a l l a t i o n
s ’ i l y a va i t u n p ro b l è m e , m ê m e d e t o u t e
fa ç o n s ’ i l n ’ y e n a p a s . C a , c ’ e s t p o u r l e s
installations secrètes.
Po u r l e s I N B n o r m a l e s , l e s i n s t a l l a t i o n s
nucléaires de base, les commissions locales
fo n t d e l ’ i n fo r ma t i o n . E l l e s s o n t ma i n t e n a n t
h a b i l i t é e s à d o n n e r l e u r a v i s s u r l e s enq u ê t e s p u b l i q u e s s ’ i l y a u n e m o d i fi c a t i o n
de l’installation ou s’il y a une construct i o n n o u ve l l e . E l l e s s o n t a u s s i h a b i l i t é e s à
p i l o t e r o u à d e ma n d e r d e s e x p e r t i s e s p o u r
s a vo i r c o m m e n t fo n c t i o n n e l ’ i n s t a l l a t i o n
e t p o u r fa i r e d e s m e s u r e s d a n s l ’ e nv i ro n nement. C’est très important. Elles sont
aussi concernées par le post-accidentel,
je pense qu’elles ont beaucoup à dire.
I Alain Simoneau
L e s u n s a p r è s l e s a u t r e s , j e va i s d e ma n d e r
à c h a c u n s i vo u s a ve z u n r e s s e n t i s u r l e
p o s t - a c c i d e n t e l . E n c l a i r, e s t - c e q u e vo u s
ê t e s a l l é s s u r d e s s i t e s q u i o n t é t é a ffe c t é s
p a r u n a c c i d e n t , q u e c e s o i t T c h e r n o by l ,
A Z F, u n e p l a g e d e l ’ A t l a n t i q u e a p r è s l a
c a t a s t ro p h e d e l ’ E r i k a ? E s t - c e q u e c e l a
vo u s p e r m e t d ’ é c l a i r e r l a d é fi n i t i o n d e c e
qu’est le post-accidentel. Qu’entend-on
e n t e r m e s d e t e m p s ? Po u r q u o i i l fa u t s e
poser la question du post-accidentel et
pourquoi c’est si important ?
I Monique Sené
J ’ a i u n r e s s e n t i d u p o s t - a c c i d e n t e l p a rc e
que je le vis dans le questionnement qui
m ’ e s t p o s é , s u r l e s p ro b l è m e s d e T c h e r n o by l p a r e x e m p l e . Po u r A Z F, j ’ a i u n e b e l l e fi l l e q u i é t a i t d a n s l a v i l l e d e To u l o u s e
q u a n d l ’ a c c i d e n t s ’ e s t p ro d u i t .
L e t ra u ma t i s m e e s t i m p o r t a n t .
D ’ u n p o i n t d e v u e h u ma i n , c ’ e s t v ra i m e n t
d i ffi c i l e à s u p p o r t e r. E n g é n é ra l , i l y a u n
c e r t a i n n o m b r e d e c o n s i g n e s q u i p e u ve n t
être données et qui sont absolument inaud i b l e s p o u r l ’ e n s e m b l e d e s g e n s ; p a rc e
q u e ç a a r r i ve t e l l e m e n t b r u t a l e m e n t !
To u t e l a p ro b l é ma t i q u e p o s t - a c c i d e n t e l l e ,
c ’ e s t c o m m e n t o n va p o u vo i r r é p a r e r e t a s surer une suivi de ce qui s’est passé. D’une
fa ç o n t r è s c l a i r e , s i vo s v i t r e s o n t vo l é e n
é c l a t s e t s i vo u s d eve z fo u r n i r t o u t e s l e s
fa c t u r e s p ro u va n t q u e c ’ e s t e ffe c t i ve m e n t
l’accident qui en est la cause, et non
autre chose, ce n’est pas évident.
E n c e q u i c o n c e r n e a u s s i l a r é p a ra t i o n ,
c o m m e n t fa i r e ? T c h e r n o by l , c ’ e s t l a
m ê m e c h o s e . L e s g e n s q u i v i ve n t l à - b a s
o n t d e s t e r ra i n s t o u j o u r s c o n t a m i n é s e t i l
fa u t q u ’ i l s a p p r e n n e n t à v i v r e a ve c . C ’ e s t
l e g ro s g ro s p ro b l è m e .
I Alain Simoneau
P h i l i p p e H u b e r t , a ve z - vo u s e u l ’ o c c a s i o n
d ’ e n q u ê t e r s u r l e t e r ra i n ?
I Philippe
Hubert,
Directeur
r isques chroniques à l’INERIS
des
J ’ a i e u e ffe c t i ve m e n t l ’ o c c a s i o n d ’ a l l e r à
T c h e r n o by l p o u r d e u x ra i s o n s , p o u r fa i r e
deux séries d’études ; une série d’études
épidémiologiques pour connaître l’état de
santé des gens, une autre série d’études
q u i é t a i t u n é n o r m e p ro j e t e u ro p é e n s u r
la réhabilitation des territoires contamin é s . J e s u i s a l l é a u s s i d a n s l ’ O u ra l p a rc e
q u ’ a va n t T c h e r n o by l , l e s r u s s e s a va i e n t
eu d’autres accidents nucléaires, notamm e n t à p ro p o s d u s t o ck a g e d e s p ro d u i t s
d e r e t ra i t e m e n t . J ’ a i e n s u i t e q u i t t é l e n u -
cléaire pour aller ver s le chimique. Puis ,
je suis arr ivé à l’INERIS. Assez ra pidement,
n o u s a vo n s é t é i m p l i q u é s d a n s c e q u e j e
c ro i s ê t r e l a p r e m i è r e s i t u a t i o n p o u r l a quelle des études post-accidentelles ont
é t é fa i t e s , à s a vo i r l ’ i n c e n d i e d e l a S B M
à B é z i e r s . N o u s a vo n s é t é m o b i l i s é s p o u r
vo i r c e q u i s e p a s s a i t . C e l a a c o n t i n u é
puisque il y a eu Saint-Cyprien et entre
les deux, Redon.
L a d é fi n i t i o n d u p o s t - a c c i d e n t e l c o m m e n c e a ve c l e m o m e n t o ù l ’ o n d é c i d e
de prendre en charge les conséquences
de l’accident, de prendre en charge la
g e s t i o n d e t e r ra i n s c o n t a m i n é s . Q u e l q u e fo i s c ’ e s t u n e h e u r e o u q u a t r e m o i s , c i n q
a n s e t q u e l q u e fo i s c ’ e s t 1 5 a n s . U n d e s
enjeux est justement de réduire ce temps.
L a p r e m i è r e ra i s o n d e l ’ i m p o r t a n c e d u
p o s t - a c c i d e n t e l , c ’ e s t c e l l e - l à . L e fa i t d e
n e p a s d é ma r r e r t o u t d e s u i t e l e p o s t - a c cidentel peut-être une catastrophe dans
l a c a t a s t ro p h e .
U n e a u t r e ra i s o n e s t q u e , q u a n d u n t e r r i t o i r e e s t ma l m e n é , o n n e s a i t p a s q u e l l e e s t
la par t de l’accident par ra ppor t à l’état
i n i t i a l . Pa r e x e m p l e , p o u r l e s d i o x i n e s , i l
y en a toujours un peu partout, ce n’est
p a s fo rc é m e n t l ’ i n c e n d i e d ’ à c ô t é q u i
fa i t q u e l ’ o n a a b a t t u d e s va c h e s . D a n s l a
q u e s t i o n d e S a i n t - C y p r i e n , c e l a fa i t p a rt i e d e s c h o s e s q u e n o u s a vo n s é l u c i d é e s .
Malgré l’importance de Saint-Cyprien,
tout n’était pas dû à Saint-Cyprien. C’est
un deuxième point important.
Le troisième point est que l’on n’antic i p e p a s d u t o u t l a fa ç o n d o n t o n va
gérer et les populations et les territoires,
par conséquent, on met très longtemps
à r é a g i r.
133
Atelier 6
I Alain Simoneau
L’ i m p o r t a n t e s t d e c o m p r e n d r e e t d ’ a n t i c i p e r. J e a n - L u c L a c h a u m e , e s t - c e q u e
vous , vous avez un vécu du p o s t - a c c i d e n t e l ? Q u e l l e e s t v o t r e d é fi n i t i o n ? E t
pourquoi est-ce important ?
I Jean-Luc Lachaume
134
Q u a n d o n t ra va i l l e d a n s l e n u c l é a i r e , i l y
a fo rc é m e n t l ’ a c c i d e n t o u l a c a t a s t ro p h e
q u i v i e n t à l ’ e s p r i t e t q u i fa i t r é f é r e n c e ,
T c h e r n o by l . C ’ e s t u n v é r i t a b l e d ra m e h u ma i n e t e nv i ro n n e m e n t a l . E n c e q u i m e
concerne, le post-accidentel n’est pas
u n e a p p ro c h e p u r e m e n t t e c h n o c ra t i q u e ,
a ve c l ’ i d é e d e fa i r e u n é n i è m e p l a n . C ’ e s t
d ’ e s s a ye r d e fa i r e e n s o r t e , n o n p a s d e
réparer puisque l’on ne peut pas réparer
l ’ i r r é p a ra b l e , ma i s c ’ e s t d e fa i r e e n s o r t e
q u e l ’ o n p u i s s e q u a n d m ê m e s ’ e n s o r t i r. E n
quand je dis cela, je prends en compte
ce qui existe et ce qui s’est passé autour
de Tcher nobyl, qui est l’accident de réf é r e n c e ma j e u r. L e p o s t - a c c i d e n t e l p e u t
commencer tout de suite, dès l’accident.
I l n ’ y a p a s d e d é fi n i t i o n u n i ve r s e l l e . C ’ e s t
quand l’accident technique se termine.
Po u r u n a c c i d e n t n u c l é a i r e , o n d i t q u e
cela commence quand les rejets mass i f s s e t e r m i n e n t . Po u r T c h e r n o b y l , l e s
r e j e t s ma s s i f s o n t d u r é u n e d i z a i n e d e j o u r s ,
ma i s c e l a p e u t ê t r e d e q u e l q u e s h e u r e s
à q u e l q u e s j o u r s a va n t d ’ e n t r e r d a n s u n e
p h a s e q u i , e l l e , s e ra e x t r ê m e m e n t l o n g u e .
En ce qui concerne mon vécu personnel,
je suis allé comme d’autres dans la rég i o n d e T c h e r n o by l p o u r vo i r c o m m e n t l e s
choses se passent. J’y suis d’ailleurs allé
i l y a d e u x s e ma i n e s . Au - d e l à d ’ u n e a p p ro c h e q u i p o u r ra i t ê t r e t e c h n o c ra t i q u e ,
c e q u i e s t i m p o r t a n t , c ’ e s t d ’ e s s a ye r d e
r e t ro u ve r d e s c o n d i t i o n s d e v i e q u i p e rmettent de continuer à vivre. C’est un peu
c e q u ’ i l s e p a s s e q u a n d o n r e ga r d e a u t o u r
d e T c h e r n o by l , h o r m i s u n e z o n e d ’ e x c l u s i o n o ù o n n e p e u t p a s y v i v r e p a rc e q u e
l a ra d i o a c t i v i t é e s t t ro p i m p o r t a n t e . C ’ e s t
c e q u i s e ra l e p l u s d i ffi c i l e à fa i r e d a n s l e s
t ra va u x q u e l ’ o n m è n e e n F ra n c e . D e p u i s
c i n q a n s e nv i ro n , o n e s t s u r d e s t ra va u x
u n p e u i n t e l l e c t u e l s q u i v i s e n t à e s s a ye r
d e d é fi n i r u n c e r t a i n n o m b r e d e c h o s e s à
fa i r e o u à n e p a s fa i r e . M a i s l e p l u s d u r s e ra
d ’ a r r i ve r à fa i r e e n s o r t e q u e l e s c h o s e s
p u i s s e n t ê t r e p r i s e s e n ma i n a u n i ve a u l o cal, et pas uniquement par des décisions
a d m i n i s t ra t i ve s . C o m m e l e d i s a i t M a d a m e
S e n é , c e l a p a s s e ra p a r l ’ a p p ro p r i a t i o n d e s
c h o s e s a u n i ve a u l o c a l , p a r e x e m p l e , p a r
l’association des commissions qui existent
e n F ra n c e , d e s C o m m i s s i o n s l o c a l e s d ’ i n fo r ma t i o n . I l y a t o u t u n t ra va i l à fa i r e p o u r
a r r i ve r à d é c l i n e r c e t ra va i l u n p e u i n t e l lectuel que l’on mène depuis cinq ans.
I Alain Simoneau
P h i l i p p e P r u d h o n , ê t e s - vo u s r e t o u r n é à A Z F
après l’accident?
I Philippe Prudhon
J’ai visité le site très peu de temps après
l’accident. Étant salarié SNPE, j’y ai rencontré des collègues, mes homologues et
b e a u c o u p d e s a l a r i é s p a rc e q u ’ i l y a e u
des reclassements. Dans un premier temps
j e n e va i s a b s o l u m e n t p a s p a r l e r d e t e c h n i q u e . J e vo u d ra i s p a r l e r d u c o u p l e t e m p s personne. Dès la première minute jusqu’à
q u e l q u e s j o u r s , l e s é q u i p e s s o n t s o u ve n t
b i e n e n t ra î n é e s p o u r fa i r e fa c e . I l y a u n e
question de sur vie aussi des personnes qui
fo n t fa c e à l a s i t u a t i o n . I l fa u t é va c u e r d e s
b l e s s é s , vo i r e p i r e . I l fa u t m e t t r e d e s i n s t a l lations à l’arrêt immédiatement. Les gens
s o n t s o u ve n t b i e n e n t ra î n é s e t s o n t d a n s
l ’ a c t i o n . M a i s p a s s é s q u e l q u e s j o u r s , a r r i ve
le vide sidéral. On n’est plus dans le
domaine de l’action et on regarde.
I Alain Simoneau
D ’ a p r è s vo u s c ’ e s t l à q u e c o m m e n c e l e
post-accidentel ?
I Philippe Prudhon
Non, il y a deux phases. La première partie
e s t i m p o r t a n t e e t s i e l l e t ra i t é e , l a g ra v i t é
de l’accident est réduite. Les premières
m i n u t e s s o n t d o n c ma j e u r e s , à l a fo i s s u r
l e p l a n t e c h n i q u e q u e d e l ’ e n t ra î n e m e n t
d e s é q u i p e s . I l n e fa u t s u r t o u t p a s n é g l i ger cette partie-là. Le retour d’expérience
b i e n e n t e n d u e s t l à p o u r n o u s a i d e r. B e a u coup d’études nous permettent justement
d e fa i r e fa c e à c e t t e p a r t i e - l à .
Mais le deuxième point qui est extrêmem e n t d i ffi c i l e p o u r l e s p e r s o n n e s , c ’ e s t
q u e , u n e fo i s q u e , t o u t a é t é m i s à l ’ a r r ê t
et que la gestion du début du post-accid e n t e l a r r i ve , i l y a u n v i d e s i d é ra l a ve c l e
sentiment d’être seul. C’est au point que
ceux qui ont vécu la crise dans leur chair
fo r m e n t u n e e s p è c e d e « c l u b » o ù i l fa u t
être extrêmement attentif quand on s’exp r i m e p a rc e q u e o n p e u t t r è s v i t e ve x e r
et générer de la colère. Ces personnes se
r e t ro u ve n t fa c e à u n e nv i ro n n e m e n t e x t r ê mement agressif puisque bien entendu il y
a d e s d é g â t s e t d e s d é g â t s h u ma i n s . I l y a
une agressivité extrêmement importante.
Puis le temps passe, des clients partent, les
a t e l i e r s vo n t fe r m e r. L e d eve n i r d e s p e rs o n n e s e s t l à . Au t a n t s u r l e p l a n p hy s i q u e ,
s ’ i l e s t p o s s i b l e d e r é p a r e r, a u t a n t l a r é p a -
ra t i o n p s y c h i q u e e s t a u t r e m e n t p l u s l o n g u e . D e s p e r s o n n e s p e u ve n t e n c o r e 3 - 4
a n s a p r è s l ’ a c c i d e n t r é a g i r d e fa ç o n é p i dermique à une sirène ou à un bruit suspect. Honnêtement, nous sommes moins
a r m é s p o u r fa i r e fa c e à c e t t e p a r t i e . Po u r
l ’ a s p e c t t e c h n i q u e , o n p o u r ra y r eve n i r.
L a p r e m i è r e p h a s e , c ’ e s t d e l ’ e n t ra î n e m e n t , d e s m oye n s t e c h n i q u e s p o u r fa i r e
fa c e à l ’ a c c i d e n t . J e n e va i s p a s r eve n i r
s u r l ’ a m o n t q u i e s t d ’ é v i t e r, ma i s c e n ’ e s t
p a s l ’ o b j e t d e c e t a t e l i e r. M a i s v ra i m e n t
les premières minutes sont essentielles. Si
o n e s t c a p a b l e d ’ a r r ê t e r t r è s ra p i d e m e n t
l e s i n s t a l l a t i o n s , d ’ é v i t e r q u e l e s p ro d u i t s
partent dans l’atmosphère ou qu’un inc e n d i e s e p ro p a g e , c ’ e s t m i t i g e r l a g ra v i t é , r é d u i r e l a p a r t i e g ra v i t é à l a p l u s s i m p l e
expression. Il n’empêche que l’on est dans
la phase de crise.
I Alain Simoneau
E s t - c e q u e fi n a l e m e n t i l n ’ y a p a s d e l i m i t e
précise dans le temps entre l’accident et
le post-accidentel ? Il y a une sorte de
continuité.
I Philippe Prudhon
Il y a quand même quelques discontinuit é s e n t r e l ’ i m m é d i a t p o u r p o u vo i r a g i r e t
l’après, quand on n’est plus dans l’action.
Concernant les personnes, on ne peut
pas dire, deux ans après sur un accident
c o m m e c e l u i d e To u l o u s e , « c ’ e s t fi n i » .
I Alain Simoneau,
Le Cedre a été sur la brèche pendant
l ’ a ffa i r e E r i k a p o u r p a r l e r d e c e q u i a t o u c h é l e s c ô t e s f ra n ç a i s e s . L o i c Ke ra m b r u n ,
a ve z - vo u s s u i v i c e q u ’ i l s ’ e s t p a s s é d a n s
l e s s e ma i n e s , d a n s l e s m o i s , e t d a n s l e s a n -
135
Atelier 6
n é e s q u i o n t s u i v i ? O u ê t e s - vo u s r e s t é s e u lement sur le moment de l’accident qui a
quand même été très long ?
I L o ï c Ke r a m b r u n
136
O n s u i t l ’ a c c i d e n t n e s e ra i t - c e q u e d e p a r
la mission du CEDRE. Nous sommes dans
la réponse instantanée 24 heures sur 24.
L e C E D R E a a u s s i u n e m i s s i o n d ’ a rc h i va g e
q u i n o u s a é t é c o n fi é e s u r t o u t a p r è s l ’ a c cident d’Erika, dans le but de ne pas rec o m m e n c e r l e s e r r e u r s q u i o n t é t é fa i t e s
a u p a ra va n t . L’ a rc h i va g e , l e r e t o u r d ’ e x périences et l’exploitation d’expériences
fo n t p a r t i e d e n o t r e m i s s i o n . L e d e r n i e r
e x e m p l e e n d a t e c ’ e s t l e D e e p wa t e r H o r i z o n , l a p l a t e - fo r m e d a n s l e g o l fe . O n a r e s sorti ce qui s’était passé dans l’Ixtoc 1 en
1 9 6 7 d a n s l e g o l fe d u M e x i q u e , p u i s q u ’ i l
s’agit de quelque chose de similaire. Nous
s o m m e s d a n s l e g o l fe d u M e x i q u e , a ve c
t o u t e s l e s d i ffi c u l t é s q u e l ’ o n s a i t , à 8 0
m è t r e s d e p ro fo n d e u r à l ’ é p o q u e ( c o n t r e
1500 mètres pour l’Erika). C’est à nous de
ressortir ces éléments. C’est un peu sans
c e s s e u n r e t o u r, u n e e x p l o i t a t i o n d e s r e t o u r s d ’ e x p é r i e n c e p o u r p o u vo i r d o n n e r
des idées, des orientations sur les réponses.
Je prends un dernier exemple personnel.
Ce mois-ci, je suis allé sur une ancienne
fo s s e d e d é c h e t s s u r l e l i t t o ra l , j u s t e à l a
s o r t i e d e l a r i v i è r e d e Tr é g u i e r, l e Ja u d y,
s u r l a p e t i t e Î l e d ’ E r. D a n s c e t t e fo s s e - l à , s e
t ro u ve n t e n c o r e p l u s d e 1 0 0 m è t r e s c u b e
d e p o l l u a n t s q u i d a t e n t d u To r r ey C a nyo n
en 1967. Il s’agit d’un petit îlot privé qui a
fa i t l a u n e i l y a q u e l q u e s m o i s d e s j o u rn a u x e t d e s é m i s s i o n s d e t é l é v i s i o n , ma i s
q u i é t a i t d é j à c o n n u . I l fa i s a i t p a r t i e d e s
points noirs dressés par Robin des bois. Il
é t a i t d é j à c o n n u , ma i s a va i t é t é o u b l i é . I l
r eve n a i t r é g u l i è r e m e n t d a n s l e s d e ma n d e s
d e fi n a n c e m e n t p o u r l e t ra i t e r, ma i s n ’ a j a ma i s é t é t ra i t é . J e d é fi n i s l e p o s t - a c c i d e n t
comme quelque chose qui dure quelquefo i s l o n g t e m p s ma i s q u i n e d ev ra i t p a s d u r e r a u s s i l o n g t e m p s e t q u i p o u r ra i t n e p a s
durer aussi longtemps. Cet exemple illustre
bien que dans le post-accident, on oublie
c o m p l è t e m e n t c e q u i r e s t e u n e fo i s q u e
l e d i s p o s i t i f d e g e s t i o n d e c r i s e e s t fe r m é ,
n o t a m m e n t ( e n fi n à l ’ é p o q u e ) t o u t c e q u i
était les déchets. Après les choses restent,
l ’ a d m i n i s t ra t i o n c h a n g e , a l o r s q u ’ i l y a
u n p o t e n t i e l d e d a n g e r e t q u ’ i l fa u t b i e n
t ra i t e r c e p ro b l è m e . M a i n t e n a n t , i l va ê t r e
t ra i t é , n o u s l ’ e s p é ro n s , p a rc e q u ’ i l y a u n
a p p e l d ’ o ff r e l a n c é p a r l ’ A D E M E . C ’ e s t l e
c a s t y p i q u e d u p o s t - a c c i d e n t q u i n ’ a u ra i t
pas dû être.
I Alain Simoneau
N o u s a l l o n s e s s a ye r d e n o u s d e ma n d e r
s u c c e s s i ve m e n t c o m m e n t é va l u e r e t s u i v r e
l e s e ffe t s e nv i ro n n e m e n t a u x , s a n i t a i r e s e t
s o c i o - é c o n o m i q u e s d e s c a t a s t ro p h e s ?
C o m m e n t t ra i t e r l e s d é c h e t s e t p r é ve n i r
les pollutions post-accidentelles ? Comment remettre en état les milieux ? Quand
l’accident est déjà arrivé, comment évit e r d e s s u r- a c c i d e n t s , d e s c o n s é q u e n c e s
supplémentaires ? Comment accompagner les populations ? Comment les associer à la reconstruction, si reconstruction il
p e u t y a vo i r ? Po u r r é p o n d r e à l a p r e m i è r e
q u e s t i o n s u r l ’ é va l u a t i o n d e s e ffe t s e nv i ro n n e m e n t a u x , J e a n - L u c L a c h a u m e vo u s
t ra va i l l e z d a n s u n g ro u p e d e t ra va i l s u r l e
post-accidentel nucléaire. Combien de
p e r s o n n e s t ra va i l l e n t s u r l e s u j e t ?
I Jean-Luc Lachaume
Au t o t a l , p l u s i e u r s c e n t a i n e s d e p e r s o n n e s
sont impliquées sur le sujet.
I Alain Simoneau
Ave z - vo u s d é fi n i u n e m é t h o d e d é va l u a tion et de suivi ?
I Jean-Luc Lachaume
période, il y a un certain nombre de zones
e n t a c h e s d e l é o p a r d s q u i fo n t q u ’ à d e s
d i s t a n c e s t r è s g ra n d e s , u n c e r t a i n n o m b r e
d e z o n e s p e u ve n t ê t r e p l u s o u m o i n s i m p a c t é e s . I l fa u t d o n c ê t r e c a p a b l e d e l e s
r e p é r e r. C e l a p a s s e p a r l a m e s u r e d e ra d i o a c t i v i t é p o u r s a vo i r o ù s o n t l e s z o n e s
les plus concernées pour déterminer après
c e q u ’ o n p e u t y fa i r e . D a n s l e c a d r e d e s
t ra va u x q u e l ’ o n m è n e , i l s ’ a g i t d e s a vo i r
c o m m e n t o n p e u t m e s u r e r, q u e m e s u r e r,
dans quel délai et qui est capable de mes u r e r. I l fa u t ê t r e c a p a b l e d e m o b i l i s e r l e
ma x i mu m d e m oye n s e t d e m e s u r e s p o u r
l e fa i r e d a n s u n t e m p s ra p i d e . O n a b e s o i n
d ’ a vo i r d e s r é p o n s e s q u i s o i e n t l e p l u s ra pides possible.
S u r l e s a s p e c t s s a n i t a i r e s e t e nv i ro n n e mentaux, il existe des choses. Simplement
l ’ o b j e c t i f e s t d ’ a r r i ve r à m e t t r e c e l a e n
fo r m e d e fa ç o n à l e m e t t r e e n œ u v r e l e
m o m e n t ve n u . Pa r e x e m p l e , i l y a d e s q u e s t i o n s d e m e s u r e d e l a ra d i o a c t i v i t é p o u r
s a vo i r o ù e n s o n t l e s z o n e s c o n t a m i n é e s e t
comment elles sont contaminées, à quel
n i ve a u . C e l a p e r m e t e n s u i t e d e s a vo i r c e
q u ’ i l y a l i e u d e fa i r e e t s ’ i l e s t p o s s i b l e d e
continuer à vivre dans ces zones ou non. Si
o n d é t e r m i n e q u e l ’ o n p e u t y v i v r e , i l fa u t
d é fi n i r u n c e r t a i n n o m b r e d e c o n d i t i o n s .
U n c e r t a i n n o m b r e d e m e s u r e s s o n t fa i t e s
à T c h e r n o by l p a r l e s a u t o r i t é s l o c a l e s .
I l fa u t s a vo i r q u ’ a u j o u r d ’ h u i , a u t o u r d e
T c h e r n o by l , i l y a u n e z o n e d ’ à p e u p r è s 3 0
k i l o m è t r e s d e ra yo n q u i e s t e n e x c l u s i o n .
I Alain Simoneau
I Alain Simoneau
I Alain Simoneau
Les équipes sont-elles locales ou internationales ?
I Jean-Luc Lachaume
I l y a u n p e u d e t o u t . C o m m e l a F ra n c e e s t
un pays très nucléarisé, il y a beaucoup
d ’ é q u i p e s c a p a b l e s d e fa i r e d e l a m e s u r e
d e ra d i o a c t i v i t é .
E s t - c e q u e l ’ o n y va h a b i l l é c o m m e u n c o s m o n a u t e o u p e u t - o n y a l l e r e n ve s t o n ?
Qu’en est-il en Biélorussie ?
I Jean-Luc Lachaume
E n B i é l o r u s s i e , i l y a va i t p e u d ’ é q u i p e s ,
ma i s l e s é q u i p e s s e s o n t fo r m é e s a u c o u r s
d u t e m p s . D e s é q u i p e s c i t oye n n e s s e s o n t
mobilisées puisque les gens, les acteurs loc a u x s e s o n t p r i s e n ma i n p o u r ê t r e à m ê m e
d e fa i r e e u x - m ê m e s d e l a m e s u r e , p a s d e
l a m e s u r e ra d i o a c t i ve s o p h i s t i q u é e , ma i s
d e l a m e s u r e s u ffi s a m m e n t r u s t i q u e . E l l e
p e r m e t q u a n d m ê m e d ’ a vo i r u n e i d é e e t
J’y suis allé habillé comme cela, ce n’est
p a s v ra i m e n t l e s o u c i . S i m p l e m e n t , o n n e
peut clairement pas y vivre et utiliser les
p ro d u i t s l o c a u x , l e s p ro d u i t s d u s o l .
Mais la question se pose pour les zones
p l u s é l o i g n é e s e t m o i n s i m p a c t é e s vo i r e
p a s i m p a c t é e s d u t o u t . Ave c l e s c a p r i c e s
d e l a m é t é o e t l e s p l u i e s i n t e r ve n u e s s u r l a
I Jean-Luc Lachaume
137
Atelier 6
d e s a vo i r c e q u ’ o n fa i t , e t o ù o n v i t . C e l a
fa i t p a r t i e d e s c h o s e s s u r l e s q u e l l e s n o u s
t ra va i l l o n s d e fa ç o n à p o u vo i r m o b i l i s e r l e
j o u r ve n u l e ma x i mu m d ’ a c t e u r s . L e ma x i mu m d ’ a c t e u r s , c ’ e s t l e s a c t e u r s d e s p o u vo i r s p u b l i c s q u e c e s o i t a u s e i n d e l ’ I R S N ,
au sein de l’unité spécialisée de pompiers.
Ce sont tous les industriels du nucléaire
p u i s q u ’ i l s o n t é ga l e m e n t d e s é q u i p e s d e
mesure. Il y a tous les acteurs du milieu
a s s o c i a t i f, q u i e u x a u s s i , o n t d e s m oye n s
d e m e s u r e s q u i s e ra i e n t n é c e s s a i r e s e t q u i
s e ra i e n t d e t o u t e fa ç o n s o l l i c i t é e s l e j o u r
ve n u .
I Alain Simoneau,
M o n i q u e S e n é , a ve z - vo u s c o n fi a n c e d a n s
c e q u i e s t e n ro u t e ? Y p a r t i c i p e z - vo u s
d ’ u n e fa ç o n d ’ u n e a u t r e ?
I Monique Sené
138
J ’ a i m ê m e p a r t i c i p é p o u r l e s p ro b l è m e s
de calculs. J’y ai participé dans le cadre
d u C O D I R PA , C o m i t é D i r e c t e u r Po s t - A c c i dentel. J’ai participé en particulier à un
g ro u p e q u i s ’ o c c u p a i t d e s c o n t a m i n a t i o n s
a fi n d e vo i r s i o n é t a i t c a p a b l e d e fa i r e
quelque chose. On est arrivé à la conclus i o n q u ’ i l fa l l a i t c o n t i n u e r l e s é t u d e s e t
q u ’ i l fa l l a i t c o n t i n u e r fo r t e m e n t d e s a vo i r
c o m m e n t l e s p ro d u i t s ra d i o a c t i f s p a s s e n t
d a n s l ’ e nv i ro n n e m e n t , d a n s l e s o l . I l y a e f fe c t i ve m e n t u n d é fa u t d e c o n n a i s s a n c e ,
on modélise une pêche comme une toma t e . C e n ’ e s t p a s fo rc é m e n t l a m e i l l e u r e
des choses.
C e c i d i t , n o u s n ’ a vo n s p a s p a r l é d u fa i t
q u ’ i l fa u t a s s o c i e r l e s g e n s . L e g ro s p ro blème est là. Comment dans des choses
extrêmement
techniques
p o u ve z - vo u s
a vo i r a c c è s à l a p o p u l a t i o n , e s s a ye r d e
d i s c u t e r a ve c e l l e e t d e r é fl é c h i r à c e
qu’il peut y avoir dans le post-accidentel ?
C e n ’ e s t p a s t o u t à fa i t fa c i l e . L’ A N C L I a
c r é é u n g ro u p e q u i e s s a i e , à p a r t i r d ’ e x p é r i e n c e s m e n é e s à G o l fe c h , d e s a vo i r
c o m m e n t l e s g e n s r é a g i ra i e n t à u n a c c i d e n t . N o u s e s s a yo n s d e vo i r l e s ma i r e s ,
t o u s l e s c o n s e i l l e r s mu n i c i p a u x , t o u t e s l e s
a s s o c i a t i o n s e t c e q u ’ e l l e s d ev ra i e n t fa i r e
p e n d a n t l ’ a c c i d e n t . To u t e m e s u r e ma l
p r i s e i m p a c t e d e t o u t e fa ç o n l e p o s t - a c cidentel.
C e q u e vo u s fa i t e s a u m o m e n t d e l ’ a c c i d e n t i m p a c t e fo rc é m e n t l a s u i t e d e s
c h o s e s . F o rc é m e n t vo u s a l l e z l o u p e r
q u e l q u e c h o s e p a rc e q u e vo u s fa i t e s c e
q u e vo u s p o u ve z . Vo u s a ve z b e a u a vo i r
fa i t d e s s c é n a r i o s , u n a c c i d e n t n e s e p a s s e
j a ma i s c o m m e vo u s l ’ a ve z c a l c u l é . Po u r
l ’ e x t é r i e u r, c ’ e s t p a r e i l . I l fa u t q u e l e s g e n s
p u i s s e n t a vo i r a u m o i n s c o m p r i s q u ’ i l s r i s q u e n t d e s e t ro u ve r e n a c c i d e n t . E t i l fa u t
s ’ ê t r e p o s é l e s q u e s t i o n s : c o m m e n t va t - o n l e s é va c u e r ? Q u ’ e s t - c e q u ’ o n va
fa i r e ? C o m m e n t e u x , vo n t - i l s r é a g i r ? I l
fa u t v ra i m e n t d i s c u t e r a ve c l a p o p u l a t i o n .
N o u s e s s a yo n s d ’ a l l e r s u r l e t e r ra i n e t d e
mobiliser l’ensemble des gens et des adm i n i s t ra t i o n s . C e l a n e va p a s s e fa i r e t o u t
seul.
I Alain Simoneau
J’ai appris que, dans la zone d’exclusion à
T c h e r n o by l , i l y a va i t d e s g e n s q u i fa i s a i e n t
pousser des poireaux.
I Monique Sené
I l s s o n t r eve n u s . A l ’ e x t é r i e u r, i l s é t a i e n t e n t o u r é s d ’ u n e b u l l e . I l s é t a i e n t l e s « T c h e rn o by l i e n s » . Q u a n d o n vo u s r e ga r d e , vo u s
ê t e s c o n t a m i n é , vo u s n e p o u ve z p a s t ra -
va i l l e r, vo u s n e p o u ve z r i e n a vo i r. Pe n d a n t
un moment, on leur a donné des subsides,
ma i s c e l a n ’ a p a s d u r é . I l s o n t p r é f é r é r e tourner en se disant « après tout qu’estc e q u ’ o n va p e r d r e ? Q u e l q u e s a n n é e s
d e v i e ? » . I l y a m ê m e d e s e n fa n t s .
Po u r l e s a n i ma u x , a p p a r e m m e n t , i l s p ro l i f è r e n t j u s t e m e n t p a rc e q u e c ’ e s t u n e
z o n e o ù i l n ’ y a p a s t ro p d e f u s i l s . C e c i
d i t , c o m m e n o u s n ’ a vo n s p a s i d é e d e c e
q u ’ i l y a va i t a va n t , d e m ê m e p o u r l a fa u n e
e t l a fl o r e , n o u s n e s o m m e s p a s c a p a b l e s
d e d i r e q u e l l e a é t é v ra i m e n t l ’ é vo l u t i o n
d e l ’ e n d ro i t . L e s s o u r i s n e v i ve n t p a s l o n g t e m p s , n o u s a vo n s d o n c u n p e u d e ma l à
s a vo i r s i l a ra d i o a c t i v i t é ra c c o u rc i t l e u r v i e
o u p a s . I l e n va d e m ê m e p o u r l e s ve r s d e
t e r r e . C ’ e s t u n s u j e t d i ffi c i l e à é t u d i e r.
I Alain Simoneau
Nous allons sortir du nucléaire. Philippe
P r u d h o n , p e u t - o n é va l u e r e t s u i v r e l e s e f fe t s e nv i ro n n e m e n t a u x d a n s l e d o ma i n e
de la chimie ?
I Philippe Prudhon
N o u s o n a t ro i s p h é n o m è n e s d a n g e r e u x :
l ’ e x p l o s i o n , l e t h e r m i q u e e t l e t ox i q u e .
J e n e va i s p a s p a r l e r d e l ’ a m o n t p u i s q u e
c ’ e s t fa i t a u t i t r e d e l a p r é ve n t i o n , e t s i
t o u t é t a i t b i e n fa i t a u n i ve a u p r é ve n t i f,
n o u s n ’ a u r i o n s p a s l ’ a va l . M a i s u n e fo i s q u e
l e p h é n o m è n e r e d o u t é a l i e u , o n p r é vo i t
b i e n e n t e n d u d e s b a r r i è r e s p o u r fa i r e e n
s o r t e q u e l a g ra v i t é s o i t m o i n d r e . P r e n o n s
p a r e x e m p l e l e s r e j e t s l i q u i d e s , o n va p r é vo i r d e s r é t e n t i o n s p o u r p o u vo i r r é c u p é r e r
ces rejets liquides. S’il y a un incendie, on
va m e t t r e e n p l a c e d e s b a s s i n s p o u r r é c u p é r e r d e s e a u x d ’ i n c e n d i e d e fa ç o n à c e
qu’elles ne sortent pas du site.
I Alain Simoneau
M a i s q u a n d t o u t c e l a e s t fa i t , e s t - c e q u e
l ’ o n p e u t e n c o r e é va l u e r l e s d é g â t s ?
Quand l’accident est terminé, est-ce
q u ’ o n p e u t s u i v r e e n s u i t e l e s e ffe t s ?
I Philippe Prudhon
C’est pour dire que tout ce qui a été pris
e n c o m p t e , c e n ’ e s t p l u s à fa i r e . N o u s
s o m m e s p l u s ma l à l ’ a i s e s u r c e r t a i n s i n c e n d i e s n o t a m m e n t d e ma t i è r e s p e u c o m b u s t i b l e s o ù c e l a va d é p e n d r e d e l a g é o m é t r i e d u b â t i m e n t , d u t a u x d ’ ox y g è n e , vo i r e
d u ve n t . D a n s c e c a s - l à , ç a n e s e ra p a s
u n i q u e m e n t d e l ’ e a u e t d u C O 2 , vo u s a l l e z
a vo i r d ’ a u t r e s p ro d u i t s . M o n c o l l è g u e d e
l ’ I N E R I S p e u t e n p a r l e r é ga l e m e n t : d a n s l e
c a d r e d u p ro g ra m m e O R G AC TO U P O S T, u n
c e r t a i n n o m b r e d e c h o s e s p e u ve n t ê t r e s i mu l é e s p o u r vo i r, e n fo n c t i o n d e l a n a t u r e
d u fe u , q u e l s p e u ve n t ê t r e l e s i m p a c t s , n o t a m m e n t e n t e r m e s d e p ro d u i t s p o u va n t
être émis dans l’atmosphère.
I Alain Simoneau
Vo u s m ’ a ve z p a r l é d ’ u n e c i n q u a n t a i n e d e
g ro u p e s d e t ra va i l s u r l e p o s t - a c c i d e n t e l .
C ’ e s t u n t r è s j o l i s i g l e « O R G AC TO U P O S T » :
O rga n i s a t i o n d e s a c t e u r s e t d e s o u t i l s p o u r
la gestion des impacts post-accident des
accidents industriels non nucléaires sur
l e s p o p u l a t i o n s e t l ’ e nv i ro n n e m e n t . E s t - c e
q u e c e t ra va i l l e c o n c e r n e l ’ é va l u a t i o n e t
l e s u i v i d e s e ffe t s e nv i ro n n e m e n t a u x ?
I Philippe Prudhon
C e t ra va i l e s t fa i t s o u s l ’ é g i d e d e l ’ I N E R I S .
J e l a i s s e ra i l ’ I N E R I S e n p a r l e r p u i s q u e c ’ e s t
eux qui coordonnent ces études. Bien ent e n d u , n o u s e n fa i s o n s p a r t i e p a rc e q u e
c e s o n t d e s s u j e t s d e p l u s e n p l u s i m p o r-
139
Atelier 6
t a n t s . Il faut acquér ir encore plus d’informations sur un cer tain nombre de points , en
par ticulier sur cer tains feux où il n’est pas
toujour s facile de caractér iser avec précision la nature des substances qui vont être
émises parce que cela va dépendre d’un
cer tain nombre de cr itères que l’on n’aura
pas obligatoirement au moment de l’étude.
I Alain Simoneau
Philippe Hubert, est-ce qu’il y a une mét h o d e d ’ é va l u a t i o n e t d e s u i v i i n s t i t u t i o n nalisée ?
I Philippe Hubert
140
L’ I N E R I S t ra va i l l e d e p u i s 4 o u 5 a n s s u r c e
sujet, notamment à partir de l’accident
d e B é z i e r s . N o u s t ra va i l l o n s d a n s l e c a d r e
d e s t ra va u x q u e l e M i n i s t è r e r é a l i s e s u r c e s
s u j e t s - l à . O n p a r l a i t d ’ u n e c i rc u l a i r e t o u t à
l’heure, c’est dans cette optique que l’on
a va i t t ra va i l l é o u e n t o u t c a s c ’ e s t l e r é s u l t a t d e s t ra va u x q u e l ’ o n fa i t .
O n l ’ a d é j à d i t p l u s i e u r s fo i s , ma i s j e va i s l e
r e d i r e a ve c u n e a u t r e i ma g e . L e p o s t - a c c i d e n t e l , c ’ e s t c o m m e u n ma ra t h o n q u e
l ’ o n p o u r ra i t p e r d r e a u m o m e n t d u c o u p
d u p i s t o l e t d u s t a r t e r. S i o n ra t e l e d é p a r t ,
o n a b e a u a vo i r 4 2 k i l o m è t r e s d eva n t s o i ,
c ’ e s t q u a n d m ê m e fo u t u .
D a n s l ’ é va l u a t i o n , p o u r n o u s , i l y a d e u x
étapes. La première étape, c’est l’étape
d u d é p a r t . C ’ e s t d ’ a vo i r u n c e r t a i n
nombre de guides précis pour dire aux
g e n s q u i s o n t e n t ra i n d e g é r e r l ’ u rg e n c e
« Vo i l à c e q u e vo u s d eve z fa i r e . Vo i l à , o ù
vo u s d eve z ra ma s s e r d e s é c h a n t i l l o n s » .
Dans l’opuscule réalisé pour nos collègues
d e l a c e l l u l e d ’ a p p u i a u x s i t u a t i o n s d ’ u rgence, deux pages indiquent quelles sont
l e s q u e s t i o n s q u ’ i l fa u t p o s e r i m m é d i a t e -
m e n t p o u r p r é l eve r a u b o n e n d ro i t d e l a
t e r r e o u d e s f r u i t s , d e fa ç o n à c e q u e l ’ o n
sache ce qui est dû à l’accident et ce qui
é t a i t l à a va n t . L e g ro s p ro b l è m e , q u a n d
o n p a r l e d ’ i n c e n d i e q u e c e s o i t a ve c d e s
p e s t i c i d e s , q u e c e s o i t a ve c d e s d i ox i n e s ,
q u e c e s o i t a ve c n ’ i m p o r t e q u o i , n o u s n e
s o m m e s j a ma i s e n t e r ra i n v i e rg e . N o u s n e
s a vo n s j a ma i s e x a c t e m e n t d ’ o ù c e l a v i e n t .
D a n s l e n u c l é a i r e , n o u s a vo n s u n p e u p l u s
d e c h a n c e s s i j e p u i s d i r e , p a rc e q u ’ i l y
a c e r t a i n s ra d i o - n u c l é i d e s q u i s o n t m o i n s
f r é q u e n t s d a n s l ’ e nv i ro n n e m e n t .
E n s u i t e , l ’ é va l u a t i o n e l l e - m ê m e , c ’ e s t
l ’ é va l u a t i o n d e l ’ i m p a c t . Po u r c e l a , i l y a
d e u x é t a g e s , j e c ro i s q u ’ i l fa u t ê t r e a s s e z
clair là-dessus. Il y a un premier étage où
n o u s s o m m e s e n t ra i n d e fa i r e l a m ê m e
é va l u a t i o n q u e c e l l e q u e l ’ o n fe ra i t s u r u n
s i t e p o l l u é . O n a d e s g e n s q u i vo n t v i v r e
sur un territoire et des terres contaminés.
O n a p a r l é d e M e t a l e u ro p à u n m o m e n t ,
nous sommes à peu près dans la même sit u a t i o n . C ’ e s t l ’ é t a g e d e l ’ é va l u a t i o n p o u r
l e q u e l i l y a d e s m é t h o d e s q u i s o n t é p ro u vées depuis assez longtemps.
P u i s i l y a u n d e u x i è m e é t a g e , c ’ e s t l ’ é va l u a t i o n d e s c o n s é q u e n c e s d i ff é r é e s d e
l ’ a c c i d e n t l u i - m ê m e . O n a p a r l é d ’ A Z F, i l y
a d e s a c o u p h è n e s p a r e x e m p l e . L’ i n s t a n t
T 0 va g é n é r e r d e s c o n s é q u e n c e s s a n i t a i r e s
p l u s t a r d . I l fa u t y p e n s e r. C ’ e s t u n e a u t r e
l o g i q u e d ’ é va l u a t i o n q u i v i e n t s e s u p e rposer à la précédente, les acouphènes, le
Po s t - t ra u ma t i c S t r e s s D i s o r d e r, q u i e s t u n
point assez important. Quand on est dans
d ’ a u t r e s d o ma i n e s , d e s c a n c e r s p e u ve n t
s e p ro d u i r e . C ’ e s t d e u x t e m p s : l e t e m p s T 0
o ù i l fa u t b i e n c o n n a î t r e c e q u i e s t s o r t i e t
l e t e m p s u n p e u p l u s d i ff é r é , d a n s l e q u e l i l
fa u t à l a fo i s r e ga r d e r c e q u i s e p a s s e s u r
le site pollué et ce qui se passe en termes
de conséquences.
I Alain Simoneau
L o ï c K é ra m b r u n , d a n s l e d o ma i n e d e l a
p o l l u t i o n ma r i n e p é t ro l i è r e , i l e x i s t e u n
fo n d s d ’ i n d e m n i s a t i o n m o n d i a l , l e F I P O L
(Fonds
internationaux
d’indemnisation
p o u r l e s d o m ma g e s d u s à l a p o l l u t i o n p a r
l e s hy d ro c a r b u r e s ) . J ’ i ma g i n e q u e l e s a s s u ra n c e s p r i v é e s v i e n n e n t e n c o m p l é m e n t
o u s e r é f è r e n t a u x d é c i s i o n s , a u x é va l u a tions qui sont prises par le FIPOL. Dîtesnous comment cela se passe. Sur quel
p r i n c i p e d ’ é va l u a t i o n e t s u r q u e l l e m é thode de suivi s’appuient le FIPOL et les
c o m p a g n i e s d ’ a s s u ra n c e p o u r i n d e m n i s e r
les personnes lésées ?
I L o ï c Ke r a m b r u n
Je ne suis pas le meilleur spécialiste en la
ma t i è r e . L e F I P O L , c ’ e s t v ra i , s e r t à i n d e m n i s e r u n i q u e m e n t l e s b i e n s ma rc h a n d s ,
c’est-à-dire tout ce qui est lié à des
pertes, pour la pêche, des choses comme
ça. Si un pêcheur ne peut pas sortir pend a n t t ro i s s e ma i n e s o u u n m o i s , l ’ i n d e m n i s a t i o n va ê t r e b a s é e s u r l e s fa c t u r e s q u ’ i l
a va i t d e s a n n é e s p r é c é d e n t e s , q u ’ i l p e u t
m o n t r e r e t s u r c e q u ’ i l p e u t p ro u ve r. Po u r
l e s r e s s o u rc e s n a t u r e l l e s , c ’ e s t u n p e u p l u s
c o m p l i q u é . C e l a é vo l u e a u s s i , ma i s d i s o n s
que cela ne rentre pas dans le FIPOL qui
va fi n a n c e r c e r t a i n e s é t u d e s p o u r é va l u e r
l’impact. C’est un peu compliqué et je ne
suis pas expert. Il y a eu le plein de choses
d e p u i s l ’ E r i k a e t l e s c h o s e s vo n t e n c o r e
é vo l u e r.
I Alain Simoneau
Vo u s r eve n e z d e s E t a t s - U n i s d a n s l e c a d r e
d e l ’ a ffa i r e M a c o n d o d u « d e e p wa t e r
h o r i z o n » . Vo u s m ’ a ve z p a r l é d u N a t u ra l
R e s o u rc e D a ma g e A s s e s s m e n t ( N R DA ) .
Qu’est-ce que c’est ?
I L o ï c Ke r a m b r u n
J ’ e n a i p a r l é p a rc e q u e c ’ e s t à l ’ o p p o s é
d u F I P O L , q u i l u i e s t u n e c o nve n t i o n i n t e rn a t i o n a l e s i g n é e p a r l e s E t a t s a ve c d e s
règles et des seuils, des limites (ce qui a été
j u s t e m e n t l e g ra n d d ra m e p e n d a n t l ’ E r i k a ,
c ’ e s t u n fo n d s l i m i t é ) . A p r è s , i l fa u t p a r t a ger pour que toutes les victimes aient 60%
ou 40% de la somme. Cette limite est aussi
d i s c u t é e a u n i ve a u d e s E t a t s m e m b r e s . L e
N a t u ra l R e s s o u rc e D a ma g e A s s e s s m e n t
( N R DA ) e s t c o m p l è t e m e n t d i ff é r e n t . L e s
américains n’adhèrent pas au FIPOL. C’est
u n d e s ra r e s E t a t s à n e p a s c o t i s e r o u a d h é r e r. I l s n ’ o n t p a s s i g n é c e t t e c o nve n t i o n
i n t e r n a t i o n a l e . I l s o n t l e u r p ro p r e s y s t è m e
q u i e s t « p o l l u e u r- p a ye u r » . D a n s c e c a s , l e
fo n d s n ’ e s t p a s d u t o u t l i m i t é . L e s s o m m e s
qui ont été dépensées à la suite de l’Exxon
Va l d e z e t ma i n t e n a n t a ve c B P s o n t c o m p l è t e m e n t à l a c h a rg e d e s p o l l u e u r s .
I l y a t o u t e u n e p ro c é d u r e . S e l o n l e s c r i tères, des enquêtes sont conduites sur le
t e r ra i n a ve c d e s b i o l o g i s t e s e t d e s é c o nomistes. Ils ont un système qui leur est
p ro p r e p o u r d ’ é va l u e r l a p e r t e d u m i lieu naturel (Combien coûte un canard ?
C o m b i e n c o û t e l e m è t r e c a r r é d e ma ra i s ?
e t c . ) a ve c d e s c r i t è r e s é c o n o m i q u e s . I l s s e
mettent ensuite d’accord sur un coût. Puis,
l e p o l l u e u r d o i t p a ye r.
I Alain Simoneau
Le CEDRE est-il mis à contribution ces
d e r n i è r e s a n n é e s p o u r s u r ve i l l e r l ’ é t a t
d e s fo n d s ma r i n s , e n p a r t i c u l i e r d a n s l e s
141
Atelier 6
quelques milles nautiques auprès des
c ô t e s e t s u r l a c ô t e e l l e - m ê m e , p o u r vo i r
l ’ é vo l u t i o n d a n s l e t e m p s e t l e s e ffe t s d e s
pollutions du Prestige et de l’Erika ?
I L o ï c Ke r a m b r u n
Non, la mission du CEDRE n’est pas de
fa i r e d e s é t u d e s d ’ i m p a c t s é c o l o g i q u e s .
Il y a l’IFREMER et plein d’instituts beaucoup plus armés et dont c’est le métier et
l e s a vo i r- fa i r e . N o u s , à c e t i t r e - l à , a u s e rv i c e d e s u i v i d e s p o l l u t i o n s , n o u s e s s a yo n s
d ’ o p t i m i s e r l e s u i v i m i s e n p l a c e e t l e p ro gramme de suivi à par tir d’un constat tout
simple. Si on remonte à l’Amoco-Cadiz,
le programme de suivi écologique a été
mis en place dans les 15 jours. Donc tout
d e s u i t e l e s g e n s s o n t a l l é s s u r l e t e r ra i n .
I l s o n t fa i t d e s é t u d e s e t d e s é va l u a t i o n s .
A u n i v e a u s c i e n t i fi q u e , c ’ é t a i t u n e é t u d e
très riche. Il a été mis en place plein de
c h o s e s p o u r b i e n o b s e r v e r e t ra p p o r t e r
les pollutions.
I Alain Simoneau
To u t l e m o n d e y a a c c è s ?
I L o ï c Ke r a m b r u n
142
B i e n s û r. I l y a e u p l e i n d e c o n f é r e n c e s e t
des articles de journaux. Quand on comp a r e a ve c l ’ E r i k a , i l a fa l l u u n a n a va n t d e
m e t t r e e n p l a c e u n p ro g ra m m e . Pe n d a n t
un an, on a perdu plein d’échantillons
p a rc e q u e l ’ e nv i ro n n e m e n t a b e a u c o u p
c h a n g é . L e s s c i e n t i fi q u e s o n t ma i n t e n a n t
d e s p ro g ra m m e s d e r e c h e rc h e . I l s n e vo n t
pas partir comme ça sur un événement.
I l s n e p e u ve n t p a s a b a n d o n n e r l e s t ra va u x
s u r l e s q u e l s i l s vo n t ê t r e é va l u é s à l a fi n
d e l ’ a n n é e . I l s n ’ o n t p a s d e fi n a n c e m e n t
non plus pour inter venir sur un événe-
m e n t a c c i d e n t e l . C e q u i fa i t q u e l ’ o n
a perdu beaucoup de choses pendant
l ’ É r i k a . M a i s i l fa u t d i r e a u s s i q u e l ’ É r i k a ,
ce n’était pas non plus l’Amoco-Cadiz.
L’ É r i k a , c ’ é t a i t u n a u t r e t y p e d e p o l l u a n t .
La pollution n’était pas catastrophique.
Po u r e n a vo i r d i s c u t é , c e l a a é t é r e c o n nu. Ce n’est pas un impact énorme, en
comparaison.
Je l’ai dit dès le départ. La ministre
l ’ a va i t d i t t o u t d e s u i t e , c e n ’ é t a i t p a s
une catastrophe écologique par ra ppor t
à c e q u ’ i l a va i t p u y a vo i r. O n n ’ a j a m a i s
vu d’hécatombes de tas d’animaux, de
ver s , d’inver tébrés sur les plages , comme
cela a été le cas pendant l’Amoco-Cadiz. Il y a eu bien sûr des impacts, principalement sur les oiseaux.
I Alain Simoneau
M a i s c e l a n ’ a p a s p u ê t r e é va l u é , m e s u r é e t s u i v i a u s s i e ffi c a c e m e n t q u ’ a p r è s
l’Amoco-Cadiz, pour des raisons si j’entends bien humaines et organisationnelles.
I L o ï c Ke r a m b r u n
Oui, d’organisation. Ce n’est plus les
mêmes choses. Ce n’est plus le même
fi n a n c e m e n t n o n p l u s . A u b o u t d ’ u n a n ,
c e r t a i n s s c i e n t i fi q u e s s a va i e n t d ’ e u x m ê m e s q u e l e s é va l u a t i o n s s e r a i e n t d i f fi c i l e s . A c t u e l l e m e n t , n o u s e s s a yo n s d e
trouver des cibles per tinentes , de s’ent e n d r e a v e c l e s d i ff é r e n t s s c i e n t i fi q u e s
sur le type de pollution, le type de milieu,
e t c e q u ’ i l fa u t fa i r e , p o u r p o u vo i r r é a g i r
immédiatement, pour éviter aussi qu’il y
a i t d e s é t u d e s e t d e s fi n a n c e m e n t s q u i
ne soient pas pertinents.
I Alain Simoneau
I Alain Simoneau
J’ai une deuxième question à propos du
s u r- a c c i d e n t . C o m m e n t é v i t e r e t p r é v e nir des pollutions supplémentaires quand
l’accident proprement dit est arr ivé à ce
qu’on pourrait a ppeler son ter me (je ne
sais pas si dans le cas de Tcher nobyl il
y a un terme) ? Comment remettre les
m i l i e u x e n é t a t ? Q u e p e u t - o n fa i r e d a n s
c e s c a s - l à ? E s t - c e q u e vo u s a v e z , l e s u n s
e t l e s a u t r e s , t r a va i l l é l à - d e s s u s ? J e a n Luc Lachaume, la question n’est-elle pas
un peu subtile ou futile quand on parle
d’une zone d’exclusion ? La pollution
continue, elle n’est pas éliminée.
P h i l i p p e H u b e r t , vo u s a ve z t ra va i l l é s u r l e s
r i s q u e s c h ro n i q u e s q u i s u i ve n t u n a c c i d e n t .
I Jean-Luc Lachaume
Dans le cas d’un tel accident, cette question n’a pas vraiment de sens , vu l’amp l e u r. I l p e u t q u a n d m ê m e s e p o s e r d e s
problèmes . Par exemple, cet été lor s de
l a va g u e d ’ i n c e n d i e s d e fo r ê t s e n R u s s i e ,
nous nous sommes évidemment posé les
q u e s t i o n s d e s a vo i r c e q u i s e p a s s e r a i t
s i l e s fo r ê t s i m p a c t é e s v e n a i e n t à b r û l e r
et à remettre en suspension des matières
radioactives . Cela passe au moins par
u n e n t r e t i e n d e s z o n e s d e fa ç o n à é v i t e r, d a n s l e c a s d e s fo r ê t s , l a p r o p a g a t i o n
d’incendies. Il y a des mesures simples
d ’ e n t r e t i e n d e l a fo r ê t q u i n e g a r a n t i s sent pas qu’il n’y aura pas d’incendie,
mais au moins s’il y a un incendie, cela
peut permettre d’en limiter les conséquences. Il n’y a pas qu’un accident de
t y p e T c h e r n o b y l q u i p e u t a r r i v e r. I l p e u t
y a vo i r d e s a c c i d e n t s m o i n s g r a v e s . C e
q u ’ i l fa u t é v i t e r d a n s c e s c a s - l à , c ’ e s t
qu’après un accident, un deuxième se
produise et vienne surajouter à la situation accidentelle.
I Philippe Hubert
Il y a un certain nombre de gestes qu’il
fa u t é v i t e r o u a u x q u e l s i l fa u t p e n s e r a u
moment même où on gère l’accident.
N o u s a vo n s e nvoy é l ’ u n d e n o s e x p e r t s e n
H o n g r i e r é c e m m e n t . Pa r e x e m p l e , i l a é t é
d é c i d é d ’ a r ro s e r l e s b o u e s p o u r n e p a s
que cela remette en suspension. C’était
c l a i r e m e n t u n a r b i t ra g e e n t r e d e s i m p a c t s
à long terme et des impacts à court terme.
Les conséquences ont été l’augmentation
d e s vo l u m e s d ’ e a u x p o l l u é e s . C e t i m p a c t
a l l a i t p l u s l o i n . E n m ê m e t e m p s , i l y a va i t
u n a va n t a g e à c o u r t t e r m e q u i é t a i t d e
ne pas exposer les gens au moment où les
boues séchaient. Il est important de réfl é c h i r à l ’ a va n c e à c e t y p e d ’ a r b i t ra g e
q u ’ i l y a u ra à fa i r e , q u a n d o n g è r e l ’ a c cident lui-même. C’est une des recomma n d a t i o n s fa i t e s d a n s l e c a d r e d e l a r e c h e rc h e O R G AC TO U P O S T d o n t o n p a r l a i t
tout à l’heure. C’est bien d’intégrer dans
l e s p l a n s d ’ u rg e n c e e t d a n s l e s é t u d e s d e
dangers ce genre d’analyses pour être capable de prendre la bonne décision, pour
aller un peu plus loin que l’accident luim ê m e e t s e d i r e « s i j e fa i s ç a , q u e va - t - i l
se passer dans deux mois ? ». Cela peut se
fa i r e a u m o m e n t o ù o n fa i t l a p r é p a ra t i o n .
J ’ a i u t i l i s é l e m o t « p l a n d ’ u rg e n c e » d e fa ç o n à u t i l i s e r u n l a n ga g e u n i ve r s e l e n t r e l e
nucléaire et le non-nucléaire puisque les
mots ne sont pas les mêmes. C’est le plan
q u e vo u s a p p l i q u e z q u a n d i l y a u n a c c i dent dont les conséquences sortent d’une
i n s t a l l a t i o n . L’ a u t r e t e r m e q u e j ’ u t i l i s e , c e
s o n t l e s é t u d e s q u i s o n t fa i t e s a p r i o r i s u r
143
Atelier 6
les impacts potentiels des accidents. Ce
n’est pas exactement la même chose.
S u r u n e i n s t a l l a t i o n d a n g e r e u s e , vo u s fa i t e s
une étude sur les impacts potentiels d’un
a c c i d e n t . P u i s vo u s a ve z a u s s i d e fa ç o n
b e a u c o u p p l u s o p é ra t i o n n e l l e c e q u e l ’ o n
a p p e l l e u n p l a n d ’ u rg e n c e , l e P P I e ffe c t i ve m e n t . M a i s l e s t e r m e s d é p e n d e n t d e s
s e g m e n t a t i o n s a d m i n i s t ra t i ve s .
I Alain Simoneau
P h i l i p p e P r u d h o n , vo s a d h é r e n t s s o n t - i l s
e n t ra î n é s à c e t e x e rc i c e - l à ? S o n t - i l s e n t ra î n é s à ve i l l e r a p r è s u n a c c i d e n t à c e
qui n’ait pas de pollution supplémentaire,
à fe r m e r t o u t e s l e s va n n e s e n c l a i r.
I Philippe Prudhon
L a p r e m i è r e c h o s e e t c e l a d o i t ê t r e fa i t à
f ro i d , c ’ e s t d e d é fi n i r l e s s c é n a r i o s t y p e s
p o u r p o u vo i r d é fi n i r l e s m e s u r e s à m e t t r e
e n p l a c e p o u r d i m i n u e r l a g ra v i t é .
I Alain Simoneau
Pa t r i ck L a ga d e c n o u s a d i t t o u t à l ’ h e u r e
q u e l e s s c é n a r i o s n e ma rc h a i e n t j a ma i s .
Fa u t - i l q u a n d m ê m e e n fa i r e ?
I Philippe Prudhon
144
S i vo u s n e l e s fa i t e s p a s , c ’ e s t p i r e . I l a
e x p l i q u é q u ’ i l n e fa l l a i t p a s é l i m i n e r c e
socle-là. Ce socle-là doit rester présent.
Pa r c o n t r e , i l fa u t s ’ h a b i t u e r à d e s c h o s e s
q u e l ’ o n n ’ a p a s l ’ h a b i t u d e d e vo i r. C ’ e s t
p l u t ô t u n e r é a c t i o n p a r ra p p o r t à l ’ i n c o n n u , ma i s j e n e va i s p a s r eve n i r s u r c e t t e
partie.
Au n i ve a u d e s i n d u s t r i e l s , d a n s l e c a d r e
des études classiques, un certain nombre
d e s c é n a r i i s o n t à d é fi n i r. Pa r ra p p o r t à c e s
s c é n a r i i , q u e d o i t - o n fa i r e ? Pa r e x e m p l e ,
a u n i ve a u d e s r é t e n t i o n s , s i o n c a l c u l e
q u ’ i l va y a vo i r 8 0 0 m è t r e s c u b e d ’ e a u p o l l u é e p a r d e s e a u x d ’ i n c e n d i e s , i l fa u t ê t r e
capable de récupérer 800 mètres cube
d’eau. Si en plus de cela, l’appui décennal ou centennal doit être pris en compte,
on calcule la quantité d’eau et là aussi
elle doit être prise. On est un peu moins à
l ’ a i s e s u r c e r t a i n s fe u x o ù i l n ’ y a p a s q u e
d e l ’ e a u e t d u C O 2 , ma i s a u s s i d e s s u b s t a n c e s p e r s i s t a n t e s p o u r l ’ e nv i ro n n e m e n t .
C e s e ra p l u s d i ffi c i l e d e l e s g é r e r p a rc e
q u e c e t t e fo i s - c i ç a va d é p e n d r e d ’ u n c e rt a i n n o m b r e d e c o n d i t i o n s . O n a u ra b e s o i n
d’apprendre un peu plus sur ces types de
fe u x , a u t r e s q u e l e s fe u x d ’ i n fl a m ma b l e s ,
pour lesquels on est plutôt bien armé.
I Alain Simoneau
C e l a va - t - i l c o n d u i r e l e s i n d u s t r i e l s à c h a n g e r l e u r i n s t a l l a t i o n , à i nve s t i r e t r é i nve s t i r
a l o r s q u ’ i l o n t d é j à s u ffi s a m m e n t d e f ra i s
sur le dos ?
I Philippe Prudhon
L a d é ma rc h e e s t c o n t i n u e , c ’ e s t - à - d i r e
q u e l e s a u t o r i t é s a d m i n i s t ra t i ve s ( o n e s t
d a n s l a p a r t i e p o s t - a c c i d e n t e l l e , u n e fo i s
q u e l ’ a c c i d e n t a e u l i e u ) vo n t i m p o s e r à
l’industriel un certain nombre de prescript i o n s p o u r d é p o l l u e r, é l i m i n e r l e s d é c h e t s ,
récupérer les eaux polluées dans les bacs
d e r é t e n t i o n p o u r t ra i t e r c e s e a u x . Q u a n d
je parlais tout à l’heure de, admettons,
8 0 0 m è t r e s c u b e d ’ e a u x p o l l u é e s , i l va fa l l o i r l e s r e c h a rg e r o u l e s t ra i t e r s u r p l a c e
p o u r fa i r e e n s o r t e q u ’ e l l e s s o i e n t a p t e s à
être rejetées dans la nature. Ce sont des
coûts. La question ne se pose pas de savo i r s i l ’ o n ve u t o u s i l ’ o n n e ve u t p a s . L’ a c c i d e n t e s t l à , i l fa u t fa i r e fa c e fi n a n c i è r e -
ment à cet accident, ce qui peut être très
p ro b l é ma t i q u e p o u r l ’ e n t r e p r i s e . C ’ e s t l a
d e r n i è r e q u e s t i o n q u e vo u s a v i e z a b o r d é ,
il n’y a peut-être pas d’après, c’est-à-dire
q u e l ’ e n t r e p r i s e fe r m e .
I Alain Simoneau
Mais il y a un « après » pour les populations
vo i s i n e s .
I Monique Sené
C ’ e s t ma n i fe s t e m e n t l ’ a p r è s p o u r t o u t e s
l e s a u t r e s p e r s o n n e s . C e s o n t l e s c i t oye n s
q u i s e p a ye n t l ’ a c c i d e n t .
I Philippe Prudhon
C e n ’ e s t p a s ç a q u e j ’ a i vo u l u d i r e . N e m e
fa i t e s p a s d i r e p a s c e q u e j e n ’ a i p a s d i t .
I Alain Simoneau
Po u r u n a c c i d e n t s u r u n r é a c t e u r, c e l a m e
p a ra î t u n m o n t a n t a s s e z r i d i c u l e .
I Philippe Prudhon
C e s o n t e ffe c t i ve m e n t l e s m o n t a n t s p r é v u s
p a r l e s c o nve n t i o n s i n t e r n a t i o n a l e s . M a i s
le montant en lui-même est assez ridicule.
I l c o u v r e l a t o u t e p r e m i è r e u rg e n c e . L e s
m o n t a n t s s o n t t r è s i n s u ffi s a n t s .
I Alain Simoneau
30 kilomètres de zone d’exclusion, 30 morts
i m m é d i a t s d a n s l e c a s d e T c h e r n o by l . E t
après, on ne sait pas.
I Philippe Prudhon
S i vo u s ê t e s p a r t i , q u i r é c u p è r e l e s b a c s ?
O n n e s a i t p a s . N o u s d i s i o n s a ve c P h i l i p p e
H u b e r t q u ’ a u j o u r d ’ h u i i l n ’ y a p a s d ’ é va l u a t i o n va l a b l e d e s c o n s é q u e n c e s e n
t e r m e s fi n a n c i e r s .
I Philippe Prudhon
I Monique Sené
I Monique Sené
Vous pouvez ne pas avoir d’activité. Vous
pouvez payer tout ce qu’il y a à payer
pour faire en sor te que ce soit dépollué,
que les déchets soient éliminés dans des
conditions extrêmement propres . Pour au tant, l’activité industr ielle peut ne pas re démarrer. Vous avez perdu vos clients . Vous
ne pouvez pas faire face à vos obligations
commerciales . Vous perdez la r ichesse que
vous avez créée. Et les salar iés perdent leur
emploi. C’était uniquement mes propos .
I Monique Sené
Je suis d’accord, vous parlez d’un démantèlement. Ce n’est pas évident à faire. Ceci dit, dans
le nucléaire par exemple, ce qui est à peu près
prévu, c’est un milliard de frais. Alors je peux vous
garantir que Tchernobyl, c’est plus que ça.
On ne les a pas , c’est sûr. Mais Tcher nobyl,
ce n’est pas ter miné, alor s il faut attendre.
Pour la population, le gros problème est effectivement que si l’usine fer me, leur vie va
complètement changer. Mais elle est déjà
complètement changée parce que nous
sommes en train de par ler d’accidents
graves . Cela veut dire qu’il faut avoir prévu
et discuté avec la population pour qu’elle
fasse ce qu’il faut faire. Par exemple, si vous
dites que vous devez calfeutrer vos fenêtres ,
que fait-elle en fait ? Quand vous expliquez
qu’il faut arrêter toutes les ventilations , que
faites-vous quand vous avez un élevage de
poules ? Si vous arrêtez, elles meurent et
a près vous aurez tout cela à évacuer. Il y a
vraiment toute une sér ie de conséquences
à prendre en charge avec la population.
145
Atelier 6
I Alain Simoneau
I Monique Sené
M o n i q u e S e n é , q u e l l e s s o n t l e s r eve n d i cations des populations et celles des CLI,
lorsque l’on parle d’accompagnement
a ve c l a p o p u l a t i o n e t d e r e c o n s t r u c t i o n ?
O u i , m a i s c ’ e s t l e t e m p s q u ’ i l fa u t . C e l a
fa i t 1 4 a n s e t m a i n t e n a n t i l fa u d r a a u s si une dizaine d’années pour mettre en
place une stratégie du post-accidentel
qui sera acceptée par les populations
e t s u r t o u t q u i s e r a p r i s e e n c h a r g e . Vo u s
n’êtes pas en train de leur donner des
l e ç o n s , vo u s ê t e s e n t r a i n d e l e u r e x p l i q u e r c e q u ’ i l s d o i v e n t fa i r e . I l fa u t a r r i v e r
à ce que ce soit une participation, que
les gens puissent s’a ppropr ier le sujet,
b i e n l e c o m p r e n d r e e t vo u s r e p o s e r d e s
q u e s t i o n s e n vo u s e x p l i q u a n t c o m m e n t
ils vivent.
I Monique Sené
L’ a c c o m p a g n e m e n t d e l a p o p u l a t i o n
demande qu’il y ait des réunions avec
les gens, des explications et qu’on essaie
d e c o m p r e n d r e c e q u ’ i l fa u t fa i r e . E n
p a r t i c u l i e r, i l fa u t q u e l e s m a i r e s s a c h e n t
c e q u ’ i l s o n t à fa i r e , c o m m e n t i l s p o u rront répondre à leur population et comment ils pourront prendre en charge ce
q u i v a s e p a s s e r. Po u r l e p o s t - a c c i d e n t e l ,
ils ont besoin d’être aidés ne serait-ce
q u e p o u r l e s m e s u r e s à fa i r e s u r l e t e r r a i n
pour savoir quelle est la pollu t i o n .
Les CLI participent aux réunions du Com i t é D i r e c t e u r Po s t - A c c i d e n t e l d e l ’ a u torité de sûreté nucléaire. Ils ont créé un
groupe pour s’occuper de cela, c’est-àdire qu’ils discutent avec les commissions
locales pour savoir comme n t l e s g e n s
r é a g i s s e n t s u r l e u r t e r r i t o i r e d e va n t u n
accident et comment discuter avec eux.
N o u s l e fa i s o n s a u s s i a v e c l ’ I n s t i t u t d e
Radioprotection et de Sûreté Nucléaire.
Rien ne peut aller vite. Les accidents
ne demandent pas , ne préviennent pas .
Mais ces questions ont commencé à être
sur la place publique depuis Tcher nobyl,
même si la pr ise en charge a été longue.
I l a fa l l u a t t e n d r e l e s a n n é e s 2 0 0 0 p o u r
q u e l e s g e n s c o m m e n c e n t à r é a g i r.
I Alain Simoneau
Tcher nobyl 86, pr ise en charge 2000.
146
I Alain Simoneau
Peut-on accompagner des populations
e t l e s fo r m e r, fo r m e r l e u r s é l u s , l e s m a i r e s
et les corps intermédiaires qui encadrent
ces populations , dans des domaines
beaucoup plus « anecdotiques » ?
I Monique Sené
N’oubliez pas l’argent. Ce n’est pas tout
d e fo r m e r, i l fa u t a u s s i s a vo i r q u ’ i l y a u r a
d e l ’ a r g e n t à d i s t r i b u e r e t q u ’ i l fa u d r a
p r e n d r e e n c h a r g e t o u t c e q u i va s e p a s ser sur le terrain.
I Alain Simoneau
Jacky Bonnemains par lait tout à l’heure
d’une usine à Saint-Cyprien, qui n’est
pas vraiment un monstre chimique auquel tout le monde aurait pu penser pour
un accident. Dans ces cas-là, peut-on se
préparer quand même ?
I Philippe Prudhon
To u t à l ’ h e u r e , vo u s n o u s i n t e r r o g i e z s u r
comment entraîner les r iverains . Je crois
q u ’ i l fa u t ê t r e b i e n c o n s c i e n t q u e s i vo u s
avez un accident sér ieux, a près ce n’est
p l u s d u t o u t c o m m e a va n t . I l y a u n p r o blème d’acceptabilité. Ce n’est plus une
question d’entraînement, c’est : « peuto n r e fa i r e u n e a c t i v i t é s u r u n t e l s i t e ? »
C’est en ces termes que cela se discute.
M ê m e s i vo u s d i t e s a u x p e r s o n n e s « vo u s
a l l e z a vo i r d e s e x e r c i c e s d ’ e n t r a î n e m e n t .
N o u s a l l o n s fa i r e d e s m e s u r e s s u r l e b â t i » ,
c e l a n e s u ffi t p l u s . L’ a r g e n t n e s u ffi t p l u s .
I l fa u t r e p a s s e r l e c a p d e l ’ a c c e p t a b i l i t é .
O r, s u r l e s a c c i d e n t s g r a v e s , c e n ’ e s t p a s
possible.
Questions de la salle
I Jacky Bonnemains ,
Robin des Bois
l’environnement en France.
En ce qui concerne la Hongrie, il y a un
problème énor me. Il y a 700 000 tonnes
de déchets dans la nature qui ne sont
p a s i n e r t e s e t q u i s o n t t o x i q u e s . Q u e fa i t on ? Sachant qu’en période de sécher e s s e , i l s vo n t d e v e n i r p u l v é r u l e n t s e t a t taquer les gens au niveau respiratoire.
Il y a un autre problème aussi, ce sont les
brûlages . Après les marées noires , sans
d o u t e a p r è s l a H o n g r i e s i o n l a i s s e fa i r e
et après Xynthia, les gens ou les communes brûlent les déchets sans connaître
l e u r t o x i c i t é . C ’ e s t u n s u r- a c c i d e n t e t
c’est une pollution atmosphérique.
I Une personne dans la salle
Président
de
I l y a u n fa c t e u r t r è s i m p o r t a n t a p r è s l e s
phases accidentelles ou catastrophes ,
ce sont les déchets . Revenons plus modestement en France. Xynthia, en une
nuit, c’est 12 ans de production de déc h e t s p o u r l e s c o m m u n e s d e l a F a u t e - s u rMer et l’Aiguillon. Les attentats de 2001,
en quelques heures, c’est deux ans de
d é c h e t s , d e g r a va t s , d e d é m o l i t i o n p o u r
l ’ é t a t d e N e w Yo r k . J e n e p a r l e p a s d e s
marées noires . Quelles que soient les catastrophes , leur ampleur ou leur s causes ,
il y a un problème de gestion des déchets .
Il est crucial de le prendre en compte
p o u r fa c i l i t e r l e r e t o u r à l a n o r m a l e d a n s
la tête des gens, pour diminuer le stress
traumatique parce que se sont leur s déchets , leur s photos , leur s archives , leur
canapé. La gestion des déchets après
l e s c a t a s t r o p h e s d o i t v r a i m e n t fa i r e l ’ o b jet d’une recherche et d’une doctr ine.
Cela est en cours après le Grenelle de
N o u s a vo n s g l i s s é d u p o s t - a c c i d e n t a u
post-catastrophe. Je ra ppelle que des
accidents pour lesquels il y a du postaccidentel, c’est plutôt de l’ordre de
un par mois que de un tous les 10 ans.
Certes, l’ampleur n’est pas la même,
m a i s l e s r é fl e x e s à m e t t r e e n p l a c e s o n t
les mêmes . On a de plus en plus systématiquement des instructions judiciaires qui
d e m a n d e n t d ’ é va l u e r l e s c o n s é q u e n c e s
post-accidentelles. C’était exceptionnel
e t c e l a d e v i e n t , n o n p a s r o u t i n i e r, m a i s
c’est nor malement associé à un accident. La circulaire qui est préparée n’est
p a s fo r c é m e n t fa i t e p o u r « T c h e r n o b y l I I I
l e r e t o u r » . E l l e e s t a u s s i fa i t e p o u r c e q u e
l ’ o n r e n c o n t r e d e fa ç o n t r è s r é g u l i è r e
malheureusement. Elle concer ne aussi
des accidents plus ordinaires mais sur
l e s q u e l s i l y a d u p o s t - a c c i d e n t à g é r e r.
147
Atelier 7
C’est un peu plus complexe pour nous, mais on
se connaît depuis tellement longtemps que l’on y
arrive. Il y a forcément des perfectionnements à
apporter. C’est une organisation en cours, même
si c’est un travail en commun de la part de ces
services qui n’est sûrement pas parfait. Ce n’est
pas encore le guichet unique que l’on pourrait
imaginer, mais cela va dans le bon sens.
Réforme de l’Etat et ICPE
Réforme • inspection • animat i o n • r é g u l at i o n • c o n t r ô l e
p é dag o g i e • DREAL • DRE • D I REN
DR I RE • D I RECCTE
IPhilippe Lefait, Journaliste animateur
Nous sommes réunis pour discuter de l’Inspection des Installations Classées pour la protection
de l’environnement et de la réforme de l’Etat.
Monsieur le Maire, j’ai envie de vous demander
de commencer. Exposez votre perception d’élu
local en matière d’Inspection des Installations
classées pour la protection environnement.
IJean-Claude Weiss, Maire de Notre-Damede-Gravenchon, membre de l’AMARIS
Ma perception d’élu local est un peu particulière parce qu’à Port-Jérôme cela fait longtemps
qu’on le fait, qu’on perçoit les choses les uns des
autres. J’ai bien aimé la phrase qu’a prononcée
Jacky Bonnemains tout à l’heure. Il disait qu’il
serait intéressant de faire des jeux de rôles pour
comprendre les préoccupations et les contraintes
des partenaires. Ce serait intéressant. On pourrait
essayer de le faire un jour pour s’amuser.
148
J’ai l’impression d’avoir toujours œuvré à PortJérôme pour essayer de « partenarier » tout le
monde de manière à ce que ça se passe au
mieux. Je constate que c’est un peu le sens de
la réforme. On peut la percevoir comme cela
puisque la prise en compte des contraintes ou
des problèmes environnementaux aujourd’hui
est telle que l’on ne peut pas faire l’économie
d’une réflexion systématique sur l’environnement
à chaque fois que l’on réfléchit dans n’importe
quel domaine, que ce soit en urbanisme ou dans
les risques. C’est une nécessité. Je suis forcé de
constater que même si tout n’est pas parfait, il y
a un effort manifeste des uns et des autres. Dans
cette nouvelle configuration des services, il y a
quelques difficultés pour trouver dans l’organigramme la bonne personne, il n’y a pas non plus
toujours le même site géographique pour tout le
monde. Tout cela complique un peu, mais on est
tous contraints par des choses matérielles de ce
genre. Pour ma part, ma perception est que c’est
un effort qui va dans le sens que j’aurais pu souhaiter tel qu’on le vit à Port-Jérôme. C’est plutôt
positif.
IPhilippe Lefait
Vous trouvez que l’inspection fonctionne bien et
qu’elle est efficace quand on a trouvé la bonne
personne ?
IJean-Claude Weiss
On a peut-être un peu de mal à trouver le bon
interlocuteur depuis la fusion DRIRE-DIREN-DRE.
IPhilippe Lefait
Claude BARBAY, sur l’Inspection des ICPE, comment percevez-vous, à votre niveau d’expertise
et de responsabilité, la difficulté, si il y en a, l’état
actuel des choses en tout cas ?
IClaude Barbay, Coordinateur
environnement Haute-Normandie Nature
Environnement
Des agents de l’inspection générale nous ont interrogé sur la première intégration, celle des DIREN et des DRIRE. Si à cette époque le bilan était
plutôt positif, aujourd’hui, j’ai une impression
plus mitigée. Je comprends ce que dit Monsieur
Weiss et ce que souhaitent d’autres, comme le
guichet unique. Mais il semble que l’on touche
les difficultés qui étaient prévisibles et que nous
avions soulignés. On se trouve face à des moyens
de moins en moins importants. On sent les insuffisances. On commence de se dire que certes on
va avoir les gens les mieux formés, on va avoir un
cadre réglementaire tout à fait adapté, mais auront-nous toujours les gens disponibles pour faire
ce qu’il faut au bon endroit au bon moment ?
Il suffit de reprendre, par exemple, les priorités
gouvernementales en matière d’inspection pour
se dire : « alerte là-dessus ». Il y a des questions
qui sont laissées sous le boisseau et qui n’apparaissent qu’après un accident.
On a évoqué tout à l’heure la question des canalisations. C’est l’un des thèmes que l’on retrouve systématiquement au SPPPI, dans chaque
conseil d’orientation. Tout le monde est d’accord, il faut surveiller les canalisations. Mais depuis quand sommes-nous conscient de cela ?
Depuis l’accident de La Crau. Auparavant, il
était impossible d’aller au-delà de la réponse
traditionnelle, à savoir : « c’est pris en charge »
et on avait un discours de la méthode.
Ce qui a été dit par le Grand Témoin me semble
vraiment essentiel. Il faut aller dans l’imprévisible, en particulier pour tout ce qui est exercice, pas pour le plaisir. On a évoqué les PPI,
que ce soit pour le nucléaire, les incidents, les
accidents chimiques ou autres, nous sommes
toujours dans des exercices précontraints, extrêmement limités. On a minimisé les risques. Cela
donne quand même un enseignement puisque
cela oblige les services à travailler entre eux.
Mais il n’y a aucun élément inattendu. Or, dans
une crise par définition, on aura de l’inattendu
qui nous mettra à mal.
IPhilippe Lefait
Nicolas Fourrier, j’aimerais que vous me parliez
de votre métier, en tout cas de la manière dont
vous l’envisagez aujourd’hui. Avec les réformes
et avec cette réglementation de plus en plus
pressante et de plus en plus élaborée, comment
votre métier évolue-t-il ?
INicolas Fourrier, Secrétaire national du
Syndicat National des Ingénieurs de
l’Industrie et de Mines
Les ingénieurs de l’industrie et des Mines sont
des fonctionnaires d’Etat qui exercent pour par-
149
Atelier 7
tie, mais pas seulement, une mission d’inspection des Installations Classées. Ils ont aussi un
rôle d’animation et de régulation économique
plus large. La problématique de réduction des
risques est majeure. On est sur un sujet sérieux
sur lequel la société a de vraies attentes, sur lequel les industriels ont des engagements et sur
lequel la réglementation se complique et se durcit. Cela nécessite de professionnaliser le métier,
de garder un nombre suffisant d’inspecteurs et
ce n’est pas moi qui a parlé le premier de l’inéquation de mission-moyens, j’en suis content.
Cela oblige aussi à élargir et à aller plus dans
la concertation et dans l’acceptabilité, dans
le partage. C’est le principal changement de
l’inspection : Faire connaître et être pédagogue
sur nos décisions, proposer au préfet des choses
raisonnables, tenir compte du possible quand
on doit appliquer les textes. Cette nécessité de
mieux faire comprendre les décisions de l’Etat,
de mieux expliquer les postures techniques, de
mieux identifier les dangers et de mieux faire
comprendre les mesures de prévention ou de
réaction, c’est le principal changement dans
l’inspection depuis Toulouse.
IPhilippe Lefait
Est-ce que chez vos interlocuteurs vous vous
apercevez la même croissance ou la même
évolution de l’expertise, notamment chez les associations qui sont de plus en plus expertes dans
la matière traitée ?
INicolas Fourrier
150
Absolument. On a un effet « taille ». Les grandes
entreprises et les grandes associations ont développé une réelle expertise extrêmement utile
dans les contrepoids ou les contre-pouvoirs qui
sont nécessaires dans toutes formes de compromis. Mais nous avons aussi de grands vides où
l’inspection porte seule l’expertise et où l’acceptation par les riverains ou par les usagers
locaux, par les décideurs est extrêmement importante. L’inspection a pris, depuis quelques
années, une posture plus pédagogue, plus au
contact du terrain et de proximité. Nous parlons
de toutes les instances de concertation, les PPRT
ont mis l’accent là-dessus. Ce n’est pas nouveau pour le corps des Ingénieurs de l’Industrie
et des Mines puisque de tout temps, on a alterné les phases de développement économique
dans nos carrières et les phases de contrôle plus
strict. La bonne idée, je pense, était de séparer
sur un même poste les deux missions. Mais pouvoir continuer dans une carrière à alterner les
postes d’animation, de régulation et les postes
de contrôle, cela rend aussi plus facile une vision
à la fois stricte de l’application des textes, mais
aussi de mesurer et être pédagogue dans nos
propositions.
IPhilippe Lefait
Jean-Jacques Dumont, vice-président délégué
du Conseil Général de l’industrie, de l’énergie et
des technologies, quel est votre point de vue ?
IJean-Jacques Dumont, Vice-président
délégué du Conseil Général de l’industrie,
de l’énergie des technologies
Je vous remercie de me donner l’occasion avant
tout de rappeler brièvement ce qu’est le Conseil
Général pour ceux qui ne le connaîtraient pas
puisqu’il est encore très jeune. Il a été créé au
début 2009, par la fusion du Conseil Général des
mines et du Conseil Général des technologies
de l’information et ce, dans le cadre de la fusion
des corps des mines et des télécommunications.
Comme le Conseil Général des mines avant lui,
cet organisme de conseil, d’inspections qui est
placé auprès du Ministre de l’économie qui le
préside, est mis à disposition permanente du Ministre de l’écologie.
Nous avons un sujet très important dans cet atelier, en liaison avec des changements majeurs
qui sont intervenus dans l’organisation administrative de ce morceau d’Etat déconcentré qui
comportait jusqu’à il y a peu de temps, un certain nombre de services, les DRIRE, les DIREN, les
DRE. Il a été bouleversé et « re-structuré » par
la création des DREAL. Mais il n’y a pas que les
DREAL. Il ne vous a pas échappé que les DRIRE
ont été coupés. Il y avait en gros 80% qui s’occupaient de questions régaliennes, de contrôles
réglementaires, et parmi lesquelles bien sûr l’Inspection des Installations Classées, puis 20% qui
s’occupaient de développement économique,
pour faire court. Les 80% avec les DIREN et les
DRE ont constitués les DREAL. Les 20 % autres ont
été intégrés dans d’autres nouveaux services de
l’Etat, que sont les Directions Régionales des Entreprises de la Concurrence de la Consommation du Travail et de l’Emploi (DIRECCTE) et qui
visent à réunir tout ce qui touche ou s’adresse à
l’entreprise d’un point de vue économique.
Il y avait au sein des DRIRE une fonctionnalité qui
était présente par construction. Cette interface
entre les approches environnementales et les
approches économiques. C’est quelque chose
qu’il faut que l’Etat conserve en tant que fonctionnalité dans la nouvelle organisation. Qu’on
le veuille ou non (et je crois qu’on le veut, on
parle de développement durable), les questions
dont on parle ici sont au carrefour de plusieurs
logiques : une logique de protection de l’envi-
ronnement, de protection du public, de la santé
publique etc., puis une logique économique. Il
me paraît tout à fait important que l’Etat s’attache à faire fonctionner la nouvelle organisation de façon à maintenir cette interface. Cela
veut dire faire travailler ensemble sur des sujets
d’intérêts communs les DREAL et les DIRECCTE.
Cela passe, bien entendu, par une action volontariste des préfets de région et de département
et par des impulsions données par les niveaux
centraux. Cela passe aussi par de la mobilité des
personnes entre les deux familles de services.
Actuellement cette mobilité existe et il faudra
veiller à la préserver.
Il y a un deuxième sujet puisque nous en sommes
à regarder quelles sont les implications des changements importants d’organisation administrative. Cela a été un sujet fort débattu. C’est le
lien entre le niveau régional et le niveau départemental au sein des services de l’Etat. Cela me
paraît être un sujet crucial, parce que l’Inspection des Installations Classées entremêle de façon absolument indissociable des composantes
régionales, des apports des structures régionales
voire parfois interrégionales quand il y a des problèmes techniques pointus, et puis des apports
et de la présence sur le terrain. Le bon fonctionnement et l’efficacité de l’inspection sont liées
en particulier au bon fonctionnement de cette
articulation, ce qui implique que les préfets et les
DREAL veillent particulièrement à cela. Encore
faut-il veiller à ce que les administrations déconcentrées de l’Etat en département continuent
d’offrir aux agents de l’Etat des postes intéressants, des responsabilités avec des initiatives.
151
Atelier 7
IPhilippe Lefait
IJean Des Deserts
Jean Des Deserts pourriez-vous nous faire une
synthèse de vos idées majeures sur le thème du
jour ?
BP dans le golfe du Mexique a donné un contreexemple majeur : pour gagner 1 million de dollars ils ont perdu 100 milliards. Le calcul est vite
fait. Même si vous êtes en crise, si vous faites des
impasses de ce type-là, à mon avis vous avez
tout perdu. Le mécanisme d’un industriel responsable est de s’auto-assurer, d’avoir des mécanismes internes. Monsieur a dit qu’il fallait une
réglementation par exemple pour les canalisations, pour éviter qu’il y ait des surprises. Ce n’est
pas faux. Pour reprendre l’exemple de l’accident de La Crau, il y a un an (cette canalisation
s’est ouverte le 7 août 2009), on a tout de suite
donné notre accord pour implanter un système
de gestion de la sécurité pour les canalisations.
C’est imposé dans les ICPE, mais ça ne l’était
pas pour les canalisations. En tant qu’industriel,
quand je suis arrivé à ce poste il y a juste un an,
le jour même de l’accident, je ne comprenais
pas que cela n’existait pas. S’il y avait eu un bon
système de gestion de la sécurité bien appliqué,
peut-être que cet incident (je ne le garantis pas
non plus) aurait pu être évité.
IJean Des Deserts, Responsable sécurité
risques industrielle de l’Union Française des
Industries Pétrolières
Je remplace et représente Monsieur Gantois,
délégué général de l’UFIP, retenu par une crise
dont vous avez sans doute entendu parler en ce
moment d’approvisionnement de certains produits pétroliers. Je représente de facto un peu
les industriels.
J’ai retrouvé une enquête qui avait été menée
par le MEDEF sur la perception de 660 sites Seveso qui avaient répondu à celle-ci. Elle portait sur leur perception des DREAL (les DRIRE à
l’époque). De façon surprenante, 71% des gens
considéraient qu’il y avait de bonnes relations
entre les industriels et les DREAL. C’était quelque
chose d’assez encourageant.
Je voudrais faire un détour d’ordre général. Un
industriel responsable (peut-être qu’il y en a
qu’ils ne le sont pas) doit toujours s’attacher à
réduire les risques à la source. Cela a été dit plusieurs fois, je le rappelle mais le danger fait partie
de la vie. Le risque zéro n’existe pas.
IPhilippe Lefait
152
En la matière, une question SMS a été posée
ce matin sur l’idée qu’en période de crise
l’industriel pouvait être plus préoccupé par
gagner de l’argent encore que de protéger
l’environnement.
Le deuxième point est très général, il y a des
mécanismes auto-assurantiels, ils sont absolument nécessaires, mais il faut qu’ils soient aussi
économiquement justifiés. L’analyse coût-bénéfice nous semble indispensable. Ces derniers temps, nous avons discuté des arrêtés
ministériels, notamment de l’arrêté « vieillissement ». Je participe à ces discussions et je peux
dire que nous avons une oreille qui a été jusqu’à
présent assez attentive de la part de la DGPR et
du sous-directeur des risques accidentels, pour
intégrer cette analyse coût-bénéfice, pour ne
pas demander des choses qui n’auraient pas
de bénéfice, inférieur à un niveau de 10 moins
5, la probabilité de risques résiduels qui de toute
façon, à mon avis, fait partie de la vie. En préparant cette réunion, j’ai calculé notre probabilité à
chacun d’entre-nous de mourir aujourd’hui. Quel
est le risque que l’on meurt aujourd’hui. Il est de
l’ordre de 10 moins 4 à 10 moins 5. Si vous vivez
100 ans, cela fait 36 500 jours. Un événement certain, c’est notre mort. On va mourir 1/36500, cela
fait à peu près 2 à 3 fois 10 moins 5. C’est le risque
de la vie…
J’avais un autre point, par rapport aux jeunes
inspecteurs des Installations Classées. On apprécie beaucoup leur assistance. Je pense
qu’on mène un combat commun. J’appellerai cela l’adversité. Nous sommes preneurs de
tout ce que pourraient nous apporter les ingénieurs. Mais nous trouvons parfois qu’il y a des
gens très jeunes (c’est normal, tout le monde
a commencé une carrière) qui vont un peu
trop vite. Il y a eu dans le passé des mises en
demeure ou des procès-verbaux un peu par
manque de compétences. On souhaiterait
qu’ils soient bien cornaqués par des ingénieurs
plus chevronnés.
IPhilippe Lefait
Le tutorat est nécessaire chez les inspecteurs. Je
vais demander à Ian Conroy qui représente ici
l’agence écossaise de protection de l’environnement, de bien vouloir parler de sa perception
de l’inspection des Installations Classées pour la
Protection de l’Environnement.
IIan Conroy, Process Engineering Manager
de SEPA (Royaume-Uni)
Excusez-moi d’abord, je vais prendre la parole
en anglais parce que quand j’étais à l’école j’ai
dû choisir entre le français et le désir d’être un
ingénieur, et j’ai décidé d’être un ingénieur.
Vous n’êtes pas les seuls à être dans la situation
où vous êtes, puisque nous, en Ecosse, nous avons
exactement les mêmes problèmes concernant
les relations avec l’administration et les sites
classés. Pour l’instant, nous sommes confrontés
au problème de la perception que le public a
de l’environnement et de la protection de l’environnement. Et la crise économique est apparue. Nous venons d’apprendre que nous aurons
une réduction de 18% des coûts consacrés à la
protection de l’environnement et à la sécurité
dans les installations. Nous avons développé une
nouvelle vision. Cela veut dire que nous allons
nous occuper avant tout des risques élevés.
Pour cela, nous devons avoir de nouveaux instruments, de nouveaux outils et de nouvelles initiatives. Nous avons pour un outil qui est un moyen
d’impliquer l’industrie. Nous l’appelons les « 6 C ».
Si vous voulez, c’est une échelle. Elle commence
avec ce que l’on appelle le « champions » que
nous montrons en exemple de bonnes pratiques.
Ensuite, ceux qui sont « compliant » (conciliants)
respectent les termes de leur permis. Il y a le
« confused » (qui est confus), c’est celui qui devrait savoir qu’il peut mieux faire, mais ne le sait
pas (même s’il est de bonne foi). Vous avez le
« careless » qui connaît les règles, mais malheureusement n’arrête pas de faire des erreurs. Vous
avez le « chancer »(qui tente sa chance), celui
que s’il pense qu’il peut s’en tirer, il va essayer,
qui suit la politique du « pas vu pas pris ». Enfin, il
153
Atelier 7
y a le « criminal » qui passe outre les industries légales en opérant sur le marché noir. Ce sont ces
entreprises-là que nous cherchons à épingler.
IPhilippe Lefait
Avez-vous des listes d’entreprises dans chacune
des cases ? Les entreprises ont-elles envie, dans
l’état actuel du système, de changer de case,
de progresser ?
IIan Conroy
Nous avons introduit un système pour évaluer les
entreprises. Les « very poor », ceux qui ne réussissent vraiment pas bien, ce sont les « chancer »
ou les « careless » qui s’en fichent. Les vraiment
bons, ce sont « champion ». Nous ne prenons pas
en compte les « criminal » parce que de toute
façon ils n’auront pas de permis.
IPhilippe Lefait
Est-ce que ce sont des outils dont les résultats
seront rendus publics ? Est-ce que ce sont des
outils qui impliquent des obligations aux entreprises ?
IIan Conroy
Ce système d’évaluation a été publié l’année
dernière pour la première fois, il y a à peu près
un an. Il y a eu des initiatives prises dans le cadre
du IPPC et dans le cadre des directives cadre
sur les déchets et sur l’eau. Ceux qui sont dans
la case « poor » ou « very poor », ceux qui ne
concurrentiels. Les inspecteurs doivent réaliser
un travail très intensif, qui couvre beaucoup
d’aspects comme, par exemple, les relations
qu’ils ont avec le public et avec toutes les parties prenantes. En parallèle de ces inspections, il
y a un travail important que représente la réglementation. Nous avons l’intention de simplifier la
législation en passant d’une centaine de lois à
peu près une dizaine.
Ce qui est important, et le message que je voulais vous faire passer, c’est que nous sommes
tous dans le même cas. On est dans cette crise
économique avec pas mal de difficultés au
niveau du secteur public et du secteur privé.
Nous avons tous les mêmes défis. Si vous voulez
d’autres informations, vous avez l’adresse du site
Internet (www.sepa.org.uk).
IPhilippe Lefait
Qui plus est, j’ai cru comprendre que la GrandeBretagne s’était engagée dans une période de
rigueur assez dure. C’est comme dans les journaux télévisés, quand il y a un sujet à faire sauter,
c’est la culture. On peut imaginer encore aujourd’hui, que dans certaines politiques gouvernementales, l’environnement n’apparaisse pas
comme étant tout à fait et toujours prioritaire.
Questions de la salle
réussissent pas très bien, vont devoir payer da-
IUne personne de la salle
vantage à la SEPA s’ils veulent conserver leur
J’adresse ma question à Ian Conroy, à propos
de la classification, la matrice des classifications
des industriels, si je peux l’appeler ainsi. Appliquez-vous le régime d’enregistrement pour les
permis. S’ils sont excellents, ils bénéficient d’une
réduction. Même si maintenant nous regardons
154
que nous regardons avant tout, c’est s’ils sont
toutes les qualifications pour les inspecteurs, ce
« bons » citoyens, les industriels qui ont un bon
classement ? Leur donnez-vous le régime d’auto-surveillance tel que nous le pratiquons en
France ?
IIan Conroy
Nous appliquons différents systèmes selon qu’il
s’agisse d’un haut risque, d’un risque bas ou de
ce que nous appelons les risques très bas.
Pour hauts risques, il y a une gamme unique qui
s’applique à cette catégorie-là. Les risques bas
sont soumis à une licence standard. Les risques
très petits doivent suivre des règles générales ; il y
a des enregistrements. Nous n’en entendons pas
parler avant qu’il y ait un problème. En ce qui
concerne votre question sur l’auto-surveillance,
la plupart des entreprises s’en occupent ellesmêmes, elles font cette auto-surveillance pour
les émissions dans l’air. Lorsqu’il s’agit d’émissions dans l’eau, c’est la SEPA qui s’en occupe.
IUne personne de la salle
Il aurait été intéressant que chacun d’entre vous
puisse revenir sur un des grands succès français
en matière d’installations classées, qui est un
succès commun. Je veux parler des Secrétariats
Permanents pour la Prévention des Pollutions Industrielles. Il serait intéressant au moment où le
système se redimensionne d’avoir aussi en tête
comment se positionne ce moyen de débord.
Faut-il considérer qu’il conserve sa dimension
actuelle et qu’il constitue un moyen de souligner
les priorités et de faciliter la compréhension ?
Ou bien, faut-il aller dans le sens des évolutions
administratives actuelles et élargir le champ
des SPPPI de façon à ce qu’ils puissent contribuer à une meilleure intégration des dimensions,
non seulement « environnement industriel », mais
aussi urbanisme et transports, sur des problématiques que l’on retrouve dans les PPRT ou dans
des problématiques de pollution de l’air ? Ou,
à l’inverse, faut-il considérer (ce n’est pas mon
avis, mais je le mentionne quand même), que
les SPPPI ont été un épisode de l’histoire qui a
été utile, et qu’il faut maintenant dire que c’est
quelque chose qui appartient au passé et qu’il
faut réinventer complètement quelque chose ?
Cela me paraît un sujet sur lequel élus, industriels,
associations et pouvoirs publics ont potentiellement un champ d’accord. Cela ne peut pas
être indifférent non plus à Monsieur Conroy dans
la mesure où une des expériences cinglantes de
l’environnement en Ecosse de ces dernières années a été l’échec du référendum d’Edimbourg
pour créer à Edimbourg, le péage urbain, qui est
à l’image de ce qui se pratiquait à Londres.
IClaude Barbay
Votre question est tout à fait justifiée, mais vous
venez précisément le lendemain du forum des
SPPPI que nous venons de tenir à Dunkerque et
où nous avons essayé de clarifier ce que pouvait
être l’avenir. Nous avons eu deux jours de débat
où nous avons constaté une très grande diversité des situations, à la fois des choses communes
et des choses qui sont particulières à certaines
régions. Par exemple, ici, dans le Nord-Pas-deCalais, il y a trois SPPPI. Nous, nous n’avons qu’un
SPPPI. Par conséquent, les problématiques sont
très différentes. Je suis désolé mais allez voir sur le
site des SPPPI, sinon nous allons glisser en dehors
de notre thème d’aujourd’hui. Je partage votre
avis. C’est un thème important.
155
Atelier 7
Pour revenir sur notre thème actuel, Grande Paroisse Toulouse avait certes des problèmes de
gouvernance manifestement mais de toute façon la catastrophe s’est passée sur un endroit
qui n’aurait pas fait l’objet d’une autorisation.
C’était simplement le lieu du stockage de rebuts
de fabrication. Il faut faire très attention. C’est
de l’inattendu. C’est au coin du bois que nous
attendent les problèmes. Quand nous parlons
des dangers des transports des matières dangereuses, depuis Toulouse, les postes de chargement-déchargement sont pris en compte par
des études de dangers, alors que l’élément mobile, que ce soit le bateau, la barge fluviale, le
wagon ou le camion, ne sont toujours pas pris
en compte en tant que tel. Chacun sait qu’une
citerne ou un bateau non dégazés à partir du
moment où il est à demi déchargé, si jamais
malheureusement il y a un coup au but, c’est la
catastrophe assurée.
156
Il y a autre chose. Je suis un économiste retraité et les naturalistes m’ont fait découvrir
que j’avais tort de mettre l’économie d’un
côté et l’écologie de l’autre. Pourquoi ? Parce
que l’économie fonctionne exactement sur les
mêmes fondamentaux que fonctionne la croissance de la lentille d’eau sur la mare. Tant que
nous n’auront pas intégré et réfléchi à cela,
nous n’avons pas d’issue. Nous croyons que
nous avons une crise actuelle. Non, c’est l’état
normal. Simplement, nous percevons plus précisément, avec plus d’acuité, les difficultés parce
qu’elles sont chez nous. Nous sommes sur la planète Terre, avec des jeux sommes zéro. Tant que
l’on peut exporter ces problèmes, il n’y a pas de
problème pour nous, nous étions les pays riches,
nous exportions nos problèmes. Aujourd’hui, les
problèmes sont pour tout le monde. Nous n’aurons pas une autre planète à notre disposition.
Il faut que l’on gère ici maintenant avec nos
moyens dans nos limites et de façon à préserver l’avenir pour les générations futures. Les plus
jeunes ici ont des raisons de nous demander
des comptes. Mes petits-enfants, mes arrièrepetits-enfants nous demandent des comptes !
Le rapprochement économie- écologie, c’est
très bien, mais il faut aller plus loin. Il ne faut pas
que cela soit un supplément d’âme, mais une
contrainte forte.
IUne personne de la salle
Les représentants de la profession d’inspecteur
des Installations Classées ont dit qu’ils étaient
partisans pour que le métier d’inspecteur alterne avec des fonctions d’animateur de l’économie et disons, les autres fonctions des DRIRE
traditionnelles.
En même temps, le métier d’inspecteur des Installations Classées devient de plus en plus compliqué, les études de dangers demandent de
plus en plus de technicité et de plus en plus de
réglementation implique justement de plus en
plus de technicité. Alors n’y a-t-il pas de contradiction entre la position que vous défendez et le
fait que le métier devienne de plus en plus complexe ? D’ailleurs, il me semble qu’au RoyaumeUni, il y a des inspecteurs qui sont spécialisés et
qui restent spécialisés sur la question de « Health
and Safety » et ils ne repassent pas à d’autres
fonctions d’animation de l’économie.
INicolas Fourrier
C’est une question compliquée parce que la
gestion de l’imprévu n’est pas synonyme de
la professionnalisation à outrance et du per-
fectionnement dans un ou l’autre des thèmes
techniques. Les risques, il faut les réduire. Nous
sommes tous d’accord ; les industriels en premiers responsables, l’inspection pour faire appliquer les lois décidées par le pays. Mais il faut
aussi les faire comprendre et les faire partager
avec l’environnement. Cela nécessite effectivement une grande rigueur dans l’application des
textes. Pour le coup, je vous répondrai plutôt formation, compétence, formation continue sur un
métier d’inspecteur, poste éventuellement plus
long sur un endroit ou sur un autre. Mais spécialiser au point que l’inspecteur devienne le spécialiste de tel ou tel sujet et en perdre l’éclairage plus
global et la compréhension globale du fonctionnement économique, j’y vois un grand danger.
Je rebondis d’ailleurs sur une expérimentation qui
peut apparaître comme une bonne idée mais que
je considère comme l’une des plus mauvaises, de
séparer les instructeurs d’un côté, ceux qui ne feraient qu’instruire des dossiers et donc proposer
aux préfets des prescriptions, et de l’autre côté des
contrôleurs. Il n’y a pas pire que cela. On ne peut
pas avoir d’un côté des gens hyper spécialistes de
l’étude de dangers, de l’étude d’impacts, qui vont
réglementer à tour de bras, en négligeant complètement toute l’approche « terrain », toute la discussion et tout le partage ; et d’un autre côté, des
inspecteurs qui auront un texte et qui débouleront
dans l’installation sans comprendre, sans se former,
sans être confrontés à l’applicabilité des règles, et
donc du coup, incapables de partager.
Je crois beaucoup plus à une approche équilibrée
qui alterne une extrême rigueur dans l’application
des textes et d’autres postes dans une carrière qui
permettent une ouverture d’esprit. Une appréhen-
sion plus globale du fonctionnement de l’économie, l’application globale du développement durable nécessite cela.
Nous parlons ici de techniques d’environnement
et d’économie, n’oublions pas le volet social. C’est
extrêmement important. On en parlait en plénière,
l’homme reste un des grands acteurs. Le dialogue
au sein des entreprises avec les salariés dans la
conduite du process, c’est aussi un élément sur lequel d’ailleurs la réforme de l’Etat n’a pas apporté
grande réponse.
IUne personne de la salle
C’est un commentaire et peut-être une question
qui fait directement suite à ce qui vient d’être
dit. La catégorisation des entreprises en « champion », des gens qui se conforment un peu, des
gens qui sont paresseux, des gens qui sont carrément criminels, vient d’être critiquée. Pourtant,
je trouve qu’elle a le mérite d’avoir un a priori
assez réaliste sur les industriels. La population des
industriels est très diverse, comme la population
des automobilistes, pour faire un parallèle. Je
trouve cela positif de partir du principe que l’on
a une population effectivement diverse et qu’il
faut s’adapter à cette diversité, au lieu de partir
du principe que tout le monde est extrêmement
motivé, ce que nous avons plutôt à entendre à
la fois de la part des représentants du Ministère
et des représentants de l’industrie.
Ma question s’adresse à Monsieur Conroy. Penset-il que, si les inspecteurs britanniques avaient la
possibilité de faire parfois de l’animation industrielle, du soutien à l’innovation, cela améliorerait ou au contraire compliquerait le travail des
inspecteurs ?
157
Atelier 7
IIan Conroy
Chez nous, nous avons toutes sortes d’inspecteurs qui font toutes sortes de choses, qui ont
toutes sortes de devoirs. Nous avons parmi eux
des spécialistes qui évaluent. Nous partons du
principe qu’il est impossible pour un inspecteur
de tout faire. Nous n’avons pas ce qui ressemblerait à des « supers inspecteurs », même si nous
essayons. Dans le recrutement, nous cherchons
des inspecteurs qui peuvent s’impliquer dans un
très vaste domaine. Pour les domaines les plus
complexes, nous recrutons plutôt des industriels
qui connaissent bien la vie des entreprises. Notre
devise est que même les « criminal » peuvent
devenir des chouettes types. Nous avons également un système de contrôles, d’audits intensifs
qui fait que tous les industriels sont vérifiés, non
pas par une seule personne, mais par un ensemble de contrôleurs.
IClaude Barbay
158
Je voulais utiliser l’exemple qui a été donné tout
à l’heure, le cas de GPN, qui veut dire Grande
Paroisse Azote (le N pour azote). Si on cherche à
savoir s’ils sont supers ou s’ils sont « pauvres », en
fait nous trouverons les deux.
Dans le même temps où GPN, sur son site de
Haute-Normandie, laissait une tour – la tour de
Prilling qu’a signalée ce matin à juste titre mon
collègue de Haute-Normandie – se détériorer
au point qu’il y avait un danger pour les populations alentour, il était en train d’ériger l’atelier
nitrique huit tout neuf, un élément super. Selon
le regard que l’on porte, les critères que l’on va
établir, les cases, on va arriver à une entreprise
exemplaire. Jacky Bonnemains a à la fois raison
et tort, ce site a été épouvantable. Il ne l’est plus.
Je me plais à le souligner. Ils ont des imperfections encore, mais ils ont fait d’énormes progrès.
Ils ont récupéré un site coupé par deux grands
axes de circulation. Je crois que c’est une trentaine de kilomètres de clôture. Il faut imaginer
des habitations à 150 mètres. Tout cela avec des
sphères d’ammoniac sous pression etc.
Sous certains critères je trouve qu’ils sont exemplaires. Par contre, sur l’histoire de la tour Prilling,
j’ai été avec l’UFC à faire la une de Paris-Normandie. On voit alors la complexité aussi, qu’il
ne faut pas oublier. Grande Paroisse, c’est le
groupe Total. Grande Paroisse investissait sur
nitrique 8 et était manifestement dans l’incapacité d’avoir les moyens de, en même temps,
d’investir sur Prilling. Donc en fait, notre mise en
cause publique a fait que Total a débloqué des
fonds et que Grande Paroisse a les moyens de
faire ce qu’il devait faire, depuis quand même
2004. Donc vous vous rendez compte.
J’ajoute un deuxième point sur les évolutions générales, avant ou après DREAL. Avant la DREAL,
l’évolution de l’inspection a été une vision plus
globale des choses. Par exemple, les PPRT, c’est
un peu nouveau comme démarche. On s’intéresse à ce qui se passe autour de l’usine. Autre
exemple, dans la directive cadre sur l’eau, on
s’intéresse à ce qui se passe à l’échelle d’un
bassin. Il en va de même avec les SPPPI. Après
la DREAL, il y a une étape supplémentaire
construite sur cette vision globale et sur l’interaction ou l’inter-transversalité avec d’autres
politiques. Quand une infrastructure passe à
côté d’un établissement Seveso, je fais cela tous
les jours et les chefs de services ont le même
réflexe, nous mettons en relation l’impact des
risques industriels, qu’ils soient technologiques
ou autres, avec d’autres thèmes comme l’urbanisme ou l’aménagement.
Nous avons une vision globale sur le territoire.
IPhilippe Ducrocq, DREAL de
Haute-Normandie
IJean-Claude Weiss
Deux petites réactions sur ce qui a été dit. Premièrement, cela a été évoqué par plusieurs participants, ce que moi j’appelle la culture industrielle
issue de la DRIRE avec le mélange des fonctions
protection de l’environnement et développement industriel. Cette image est restée au sein de
la DREAL parce que les gens sont câblés comme
cela. Vu de l’extérieur, notamment par les préfets,
nous sommes toujours vus de cette manière-là. Je
ne sais pas si l’évolution fera que le service en
charge du développement industriel prendra le
pied, mais pour l’instant il est acquis que c’est encore l’inspecteur qui est dans un grand établissement qui connaît le mieux l’entreprise, y compris
sur le plan économique.
Je voulais rebondir sur ce que vous dites et expliciter ce que je disais tout à l’heure. Quelles
sont les attentes d’un élu dans ce domaine ?
C’est d’abord d’avoir des choses relativement
simples et claires, un discours qui soit une analyse commune des différents services avec une
réponse si possible unique et qui ne soit pas
complexe. J’ai subi les périmètres Z1 et Z2 et suis
en ce moment dans la phase finale d’un PPRT. Il
faut que je puisse appliquer cela ensuite. Pour
pouvoir l’appliquer au quotidien, il ne faut pas
que la matière, même si elle mouvante, qu’elle
évolue à un rythme tellement rapide que je n’ai
pas le temps de réviser mon PLU. Il faut que j’ai
le temps d’appliquer les règles parce que je fais
tous les jours l’urbanisme opérationnel comme
je dois le faire, avec des règles relativement
stables. C’est une difficulté. Je ne dis pas que je
ne trouve pas un écho dans les services de l’Etat
à mes préoccupations, mais j’espère le trouver
d’une façon plus simple. J’ai 2 000 hectares de
zones industrielles, avec des zones humides, des
compensations, etc. L’analyse commune me
paraît intéressante.
La deuxième chose que je voulais dire, c’est
que j’ai entendu tous les intervenants aborder
l’environnement et les contraintes. Mais, l’environnement, ce n’est pas une contrainte, c’est
une chance. Nous avons fait un Grenelle de
l’estuaire, par exemple. Nous allons nous revoir
dans 15 jours pour en reparler. Malheureusement, je n’ai pas beaucoup avancé dans l’écologie industrielle, je lance l’étude seulement
maintenant. Les soi-disant contraintes environnementales qui vont être imposées aux uns et
aux autres, ce sont une chance pour nous de se
développer autrement. Et c’est une chance de
pouvoir continuer à se développer, aussi bien en
urbanisme d’habitat, comme dans l’élaboration
d’un SCOT. Nous devons trouver dans cette nouvelle façon de réfléchir des solutions à nos problèmes d’occupation de l’espace, de préservation des milieux que nous n’aurions pas trouvé
sans ces soi-disant contraintes. Je ne veux pas
employer le mot contrainte, je veux employer le
mot chance pour nous dans le développement.
IUne personne de la salle
J’aurais souhaité que l’on évoque un des problèmes qui n’ont pas été complètement gérés
en France et c’est peut-être dans un lieu de débat qu’il est judicieux de l’évoquer. Au Royaume
Uni, ce sont des inspecteurs « Health and Safety »
159
Atelier 7
qui, comme dans la plupart des pays du monde,
assurent à la fois l’environnement industriel et
la sécurité du travail. De fait, quand il y a un
accident, cela menace aussi bien les gens qui
sont dedans que les gens qui sont dehors. Ça a
été longtemps le cas en France jusqu’à Feyzin.
Depuis Feyzin, on ne peut pas dire qu’il y ait eu
une grande inter-compréhension entre les deux
structures que sont l’inspection du travail et l’inspection des Installations Classées. Cela reste
peut-être une faiblesse.
IJean-Jacques Dumont
160
Cette question me permet de revenir sur un point
que Philippe Ducrocq a évoqué, à savoir, cette
relation que je signalais comme très importante
pour l’avenir entre les DREAL et les DIRECCTE. Philippe Ducrocq nous a dit (je vais caricaturer bien
entendu) que tout allait bien, que la DREAL a recueilli l’héritage des DRIRE et que l’inspecteur des
installations classées reste celui qui connaît le mieux
les installations. Mon souci est plutôt à terme. Les
structures, comme leur nom l’indique, ont un effet
structurant et si on n’y prend pas garde, il y aura
deux entités qui auront chacune leurs priorités,
leurs politiques, leurs contraintes. Et entre les deux,
il y aura soit des trous, soit des conflits. Il est très important de créer des habitudes coopératives entre
ces deux nouveaux services de façon à préparer la
relève, parce que ce que dit Philippe Ducrocq est
vrai maintenant, le système continue sur sa lancée.
Mais dans 10 ans il y aura eu des rotations et les
DRIRE ne seront plus qu’un souvenir. Le deuxième
point est le problème de l’inspection du travail et
de l’Inspection des Installations Classées. Il se trouve
que l’Inspection des Installations Classées relève
désormais des DREAL, que l’inspection du travail relève désormais des DIRECCTE. C’est une raison de
plus pour mettre en place ces coopérations. Il faut
les inventer et explorer tous ces champs qui sont
désormais dans les deux grands systèmes.
INicolas Fourrier
Les Ingénieurs de l’Industrie et des Mines sont là
pour ça, ils sont câblés pour ça. Ils sont présents
dans les deux structures, en alternance entre
des missions très régaliennes que peuvent être
l’Inspection des Installations Classées ou l’inspection du travail puisqu’on en fait aussi dans
les installations nucléaires, et les missions plus
d’animation. L’Etat a une chance avec les IIM
de garder, de cultiver ces compétences et de
les utiliser sur ces sujets extrêmement sensibles.
IJean Des Deserts
Un industriel responsable prend soin d’abord de
ses salariés, et cela est plutôt géré par le code
du travail. Nous voulons simplement que les riverains ne subissent pas de risques supérieurs aux
salariés (ça serait quand même bien le diable).
Mais cette logique n’est pas intégrée parce que
ce n’est pas les mêmes personnes qui traitent les
mêmes problèmes.
Il y a un souci chez les industriels, petites et gros
d’une harmonisation locale des déclinaisons régaliennes nationales. Quand il y a des arrêtés
ministériels, nous aimerions qu’ils soient à peu
près traités de la même façon localement, ce
n’est pas toujours le cas. Je lance peut-être une
question pour l’avenir : est-ce qu’ il y aura un
jour une harmonisation européenne ?
IUne personne de la salle
En tant qu’industriel, dans la réforme de l’administration et la fusion des différents services,
j’aurais aimé trouver en fait plus de conseils.
Aujourd’hui, nous sommes dans des procédures
qui font que l’on dépose un dossier, on nous
donne une recevabilité, c’est bon ou ce n’est
pas bon. On nous donne des prescriptions réglementaires. Mais le système écossais apporte
plus de conseils pour faire monter en compétence les industriels et ne pas être trop avec le
bâton. Le collègue de l’UFIP l’a dit, nous avons
parfois des mises en demeure rapides, avant
de dire : « voilà le problème que l’on a relevé.
Comment vous répondez ? Comment on peut
faire ensemble ? » Nous avons beau être un
grand industriel, nous n’arrivons pas toujours à
trouver une solution tout seul. La part conseil
des DREAL et des DIRECCTE (c’est effectivement
un ensemble), nous ne l’avons pas beaucoup.
Par rapport au modèle écossais, pourrions-nous
avoir plus d’échanges sur comment répondre
aux exigences réglementaires ? Il y a une fuite
de certains industriels vers l’étranger parce qu’il
y a tellement d’imposition réglementaire que
l’on ne va pas s’en sortir.
IClaude Barbay
Vous avez vos structures professionnelles. Cela
dépend du secteur dans lequel vous êtes, mais
par exemple l’UIC peut donner des conseils. Ils
sont là pour cela. Les structures du MEDEF, où
qu’elles soient, sont faites pour cela. Nous ne pratiquons pas les services de l’Etat de cette façonlà. Nous les rencontrons en CLIC ou en CODERST.
L’industriel y explique qu’il a élaboré tel dossier
avec la DRIRE autrefois, la DREAL aujourd’hui.
Là, il y a confusion des genres ! Il ne peut pas y
avoir cela. Par contre, dans une étude de dangers, la DREAL va effectivement poser un certain
nombre de questions, éventuellement donner
des conseils, mais ce n’est pas un audit, ce n’est
pas une structure extérieure qui, vous rend des
services. Non, il ne faut pas attendre cela d’eux.
IJean-Jacques Dumont
Le mot conseil est un mot redoutable parce que, si
on n’y prend pas garde, on franchit une frontière.
On ne sait pas trop où elle est cette frontière, mais
on voit bien en tout cas qu’on l’a franchie. L’inspecteur est amené, constatant des écarts indiscutables par rapport au règlement, à sanctionner
ou a proposer des sanctions. C’est son devoir. Il
est nommé, payé par le contribuable pour cela.
S’il ne le fait pas, le juge pénal saura aller le chercher. Le contrôleur ne peut pas techniquement
se substituer à l’opérateur qu’est l’industriel. En
outre il ne le doit pas parce que c’est susceptible
de devenir complètement illégal.
Pour le conseil, il y a un marché du conseil. Il y a des
conseilleurs en matière d’environnement ou dans
d’autres domaines. C’est un secteur de services
aux entreprises tout à fait important. Il y a aussi les
structures professionnelles. Tout cela doit être utilisé.
Cela dit, je ne suis à l’aise pour dire qu’il ne faut
pas se satisfaire d’une situation que j’appellerai
« bureaucratique », dans laquelle on dit « c’est le
règlement, voilà les imprimés, débrouillez-vous ».
Cela ne va pas du tout. Ça peut aller à la rigueur pour une grosse entreprise qui a des services juridiques, mais on voit bien que plus l’entreprise est petite, moins cela va. Il faut creuser
les ressources nouvelles que nous donnent les
technologies d’information. Il doit être possible
d’avoir une relation beaucoup plus interactive
en temps réel avec le demandeur, de façon à
ce qu’il sache presque en temps réel précisément où en est son dossier, sur quoi il bute éventuellement et qu’il puisse donc aller chercher de
bons conseils, sur le fond.
161
Restitution des Ateliers
Atelier 1 : Maîtrise de l’urbanisation
Atelier 2 : Maîtrise du vieillissement
I Stéphane Reiche, Chef du service Risques, DREAL PACA
I Thomas Ailleret, Chef du Ser vice Risques, DREAL Lorraine
Nous avons essentiellement parlé de PPRT, mais il a aussi été question de risques naturels. A propos des PPRT, je retiens trois points. En premier lieu, il est nécessaire d’avancer avec beaucoup
de pédagogie et d’enclencher un processus de concertation caractéristique du Grenelle, qui
se concrétise au niveau des PPRT partout ce processus de CLIC, de personnes et organismes
associés. Je n’irai pas plus loin dans cet aspect de concertation vu que cela a été le sujet d’un
atelier en soi.
Le deuxième point, c’est l’importance de finaliser les accords de financement. Cela a été l’un
des sujets les plus débattus autour de ce sujet du PPRT, qui paye quoi ? Sur l’urbanisation négative (comme l’a été formulée au cours de l’atelier. C’est-à-dire, l’expropriation et le délaissement), la vision est à peu près claire. Un tiers entre industriels, collectivités et Etat. Par contre
pour l’urbanisation positive, c’est-à-dire les travaux de mise à niveau de bâtis etc., c’est encore
débattu, mais on commence à voir le bout du tunnel. C’est-à-dire qu’on est enfin passé à ces
40% de crédit d’impôt. Les différents acteurs s’approchent d’un accord, 20% les industriels, 20%
les collectivités, et si tout se passe bien, 20% des riverains.
Le dernier point que je retiendrai de l’atelier, c’est l’impact sur l’urbanisme. Je retiens une formulation qui est apparue au cours de l’atelier. Dans certaines villes, on peut avoir l’impression que
le centre ville part en « cacahuètes ». D’un autre côté, on constate un phénomène intéressant,
c’est qu’en limitant l’urbanisation sur certaines zones, d’autres zones acquièrent une valeur plus
importante.
En conclusion, je dirais que nous sommes dans une phase de transition où beaucoup de personnes se posent des questions et que les délais sont connus (fin 2010, 100% de PPRT prescrits. Fin
2011, 60% d’approuvés).
Le sujet était mal connu il y a quelques années, il a fait l’objet en début d’année d’un
plan vieillissement lancé le 13 janvier 2010. Il y a un relatif consensus pour dire que l’on
connaissait mal le sujet les années précédentes, mais qu’un certain nombre de per sonnes
se posaient déjà des questions. Il y a également un relatif consensus sur le plan lui-même.
Les industriels font remarquer qu’ils ont été associés de manière anticipée aux réflexions sur
ce plan. Pour eux, se sont des pratiques agréables qui portaient de bonnes choses . Nous
sommes aujourd’hui dans une phase de montée en compétence sur tous ces sujets : Montée en compétence à la fois sur notre compréhension de ce qu’est que le vieillissement et
sur l’organisation du fait d’être capable de traiter ce sujet. Chacun a déjà réfléchi.
I Philippe Lefait
Une question SMS demandait ce matin pourquoi cela
prend autant de temps de mettre en place les
PPRT. Cela a-t-il été évoqué dans votre atelier ?
Nous avions autour de la table un certain nombre d’acteurs de collèges différents du Grenelle et un peu plus. Chacun avait réfléchi sur le sujet et réussissait à par ler avec les autres .
Il y a un constat relativement partagé d’un besoin de compétence, d’un besoin d’organiser
cette montée en compétence et sur le fait d’être capable de par ler ensemble sur ces sujets. Une idée qui est ressortie pendant le débat, est le fait que, pendant la phase montante
de réflexion, les bureaux d’études pourraient favoriser la prise en main de ces sujets par
les PME qui sont souvent demandeuses d’aide pour réussir à comprendre un nouveau sujet
réglementaire.
Un sujet plus général a été abordé : comment s’organise-t-on pour le transfer t d’infor mations et le transfert de compétences, à la fois en inter-métiers, c’est-à-dire entre des agents
qui assurent l’exploitation, la maintenance et parfois le régulateur qui n’est pas très loin
derrière), mais aussi en ter mes de transfert intergénérationnel. Le but de cette phase de
montée de connaissance et de compétence sur ce sujet est d’arr iver soit sur une vision à
la fois dynamique et partagée entre différents acteurs et qui per met une responsa bilisation
des acteurs, avec l’Etat qui doit certainement proposer et imposer un cadre dans lequel
l’exploitant pourra assurer sa responsabilisation. Le sujet des sous-traitants a été beaucoup
abordé : l’exploitant doit organiser la responsabilisation, sa responsa bilité vis-à-vis des exploitants et la responsabilisation des sous-traitants.
I Stéphane Reiche
Nous n’avons pas précisément formulé la
question comme cela, mais je renvoie au
premier point : c’est la concertation qui
prend beaucoup de temps.
162
163
Restitution des Ateliers
Atelier 3 : Compétences et formation dans le domaine des risques
164
Atelier 4 : les instances de concer tation et transparence
Her vé Vanlear, Directeur de la DREAL Auvergne
François Rousseau, Chef du Service Risques, DREAL Alsace
Tout d’a bord, il faut indiquer que l’ensemble des par ticipants ont reconnu que le facteur
humain était essentiel en matière de gestion des r isques et qu’il y a du travail. L’intervenante de la Commission Européenne a ra ppelé que de nombreux accidents se répétaient, c’est-à-dire que des accidents impor tants avaient des causes bien identifiées .
Deux contr ibutions ont été mises en évidence. En matière de for mation en entrepr ise,
tant au niveau de la GPEC que dans les plans de for mation, on ne retrouvait pas vraiment
cette notion r isque-sécur ité, pour tant fondamentale. Plus positif, les for mations en cour s se
développent. Le public est attiré notamment par la for mation continue. On constate une
cer taine adhésion, même si il faut chercher à la développer. Cinq points sur les pr incipaux
points de vigilance voire de difficultés :
- C ’ e s t t o u t d ’ a b o r d l ’ a s p e c t t r è s p l u r i d i s c i p l i n a i r e e n ma t i è r e d e g e s t i o n d e s r i s q u e s .
I l fa u t u n e b a s e t e c h n i q u e , ma i s c e n ’ e s t p a s s u ffi s a n t . I l y a u n a p p o r t d e s s c i e n c e s
s o c i a l e s n o t a m m e n t e n ma t i è r e d e s o c i o l o g i e .
- L’impor tance d’assurer l’adhésion des gens au sujet. Pour avoir cette adhésion, il faut
définir un socle de valeur s que sont la défense de l’intérêt général et la sécur ité des
populations .
- L e facteur fondamental, c’est la mobilisation de l’encadrement. En matière de r isques ,
il y a un facteur humain évident mais aussi des facteur s organisationnels et il est fondamental de mobiliser l’encadrement. Ce n’est pas toujour s le cas .
- U n e re ma rq u e s u r l a n é c e s s ité d’intégrer des per sonnes extér ieures , par exemple les
r i ve ra i n s , l e s é l u s q u i o n t u n rôle impor tant non pas pour maîtr iser le r isque, mais pour
en limiter les conséquences.
- Enfin, nous avons relevé une difficulté impor tante, on l’a vu ce matin avec l’inter vention
d e Patr ick Lagadec. La gestion des r isques c’est aussi faire face à l’imprévu. Qu’est-ce
qu’une for mation qui a pprend à faire face à l’imprévu ? Des méthodes pédagogiques
commencent à se mettre en place.
La gestion des risques en fait au 21e siècle, ce n’est plus tellement une question d’experts qui
vont débattre de points techniques, c’est également la gestion de la transparence de l’information et de la concertation. C’est d’autant plus important que les risques vont mettre autour
de la table des acteurs différents, des élus, des industriels, l’Etat, les riverains etc., qui vont voir
les risques à travers leur prisme qui est différent. Il est donc important qu’ils aient l’occasion
d’échanger ensemble.
Au cours de cet atelier, il y a eu des points forts, des progrès mis en évidence. Notamment, nous
avons eu un témoignage de notre expert suisse, qui nous dit que les suisses sont impressionnés
par nos outils de concertation. En France, on dispose d’une enquête publique, de SPPPI, des
CLIC, des CLI, des CLIS. Ceci est le bilan positif.
En parallèle il reste des progrès à faire pour améliorer, d’une part l’efficacité de la concertation,
de la prise en compte des diverses opinions et également pour répondre aux attentes. Je relève
plusieurs points :
- L e premier qui a été mis en évidence, c’est qu’il manque une étape pour que la concertation
aille jusqu’aux riverains. On a du mal à dépasser la porte des CLIC ou des SPPPI. Cela s’arrête
« aux gens bien élevés ». Tout le monde ne peut pas être membre du CLIC. Le citoyen ne va
pas forcément avoir l’occasion, même s’il est suffisamment sensibilisé pour avoir envie de s’impliquer dans la concertation.
- L e deuxième point mis en évidence, c’est que la concertation telle qu’elle est organisée actuellement, n’intervient pas assez en amont. Elle intervient quand le projet est déjà un peu
ficelé, un peu bétonné. En tout cas, c’est le sentiment qu’en ont les divers acteurs. Lorsque la
concertation est organisée plus en amont, on arrive à déminer les problèmes. Un exemple a été
donné avec la création d’une ligne haute-tension où la concertation très en amont a permis
au projet de passer très facilement.
-Troisième point : Pour amener les informations jusqu’aux citoyens, il faut, d’une part les former
( la gestion du risque demande une certaine connaissance. Ce n’est pas accessible a priori à
tout le monde.), et il faut développer la culture du risque, c’est-à-dire faire en sorte que les gens
s’y intéressent, qu’ils participent lorsqu’on leur donne l’occasion de se concerter.
- E nfin les quelques limites de la concertation, c’est qu’elle donne une charge de travail supplémentaire. De temps en temps, on se heurte à des problèmes de confidentialité. Puis, la France
n’est pas le seul pays et des projets étrangers peuvent avoir des impacts sur le sol français, ceci
est moins difficile à gérer.Des pistes de progrès ont été soulevées, à savoir des choses à faire
pour répondre à ces divers problèmes identifiés :
- D ’une part, il faut mettre les choses davantage en amont. Dans le film du SPPPI Artois, il a été
proposé une réunion de concertation où l’industriel présente son projet très en amont avant
165
Restitution des Ateliers
l’enquête publique. L’expertise a indiqué qu’en Suisse, si on réunit 50 000 signatures pour faire
tomber un projet, le projet tombe vraiment. Cela donne un véritable pouvoir aux citoyens et
incite l’industriel à communiquer et à expliquer beaucoup plus son projet.
- U ne deuxième piste a été avancée par Monsieur Blein, Maire de Feyzin. C’est la conférence
riveraine qu’il a mis en place chez lui. Il nous a expliqué que la CLIC est difficile pour les riverains
pour plusieurs raisons : ce n’est pas facile de prendre la parole face à des gens impressionnants
de par leur position sociale, leur maîtrise technique. Puis le CLIC est limité à un petit nombre de
citoyens. La conférence riveraine permet de pallier ce problème.
- E nfin, la dernière piste évoquée est le Scooping en Allemagne. Il permet cette concertation très
en amont, avant l’enquête publique, avant que le projet soit ficelé.
Atelier 5 : Evaluation des risques sanitaires
Patricia Blanc, Chef de service de la Prévention des nuisances et de la qualité de
l’environnement au ministère en charge du développement durable
166
Nous avons traité des évaluations de risques sanitaires et plus particulièrement des études sanitaires
de zones. C’est un sujet un peu nouveau pour ces Assises puisque c’est la première édition qui l’aborder. C’est sans doute une expérience à renouveler pour les éditions suivantes.
Nous avons constaté qu’il se développait un peu partout des études sanitaires de zones. On en a
recensé une dizaine soit terminées, soit en cours et qui visent à répondre aux questions des riverains
voulant savoir quelles conséquences le cumul des pollutions qu’ils subissent, que ce soient des pollutions industrielles ou des pollutions des transports, ou voire de l’agriculture, a sur leur santé. Un premier
retour d’expérience a pu être tiré de ces études, au sein de l’atelier. Il subsiste des difficultés méthodologiques évidentes puisque l’on ne connaît pas encore très bien les mécanismes qui font qu’il y a
synergie entre tel ou tel polluant, et qu’il paraît encore plus difficile de cumuler des impacts liés au
bruit à des impacts liés aux substances chimiques, qu’il y a des incertitudes évidemment très importantes dans ce domaine. Mais ces incertitudes ou difficultés ne doivent pas nous empêcher de faire
de ces études de zones. Maryse ARDITI l’a d’ailleurs très bien dit : si ces études de zone permettent
d’identifier trois ou quatre polluants sur lesquels on peut porter une action efficace prioritaire, il faut
le faire même s’il faut rester humble sur les évaluations quantitatives d’excès de risques ou de risques
sanitaires.
L’autre point développé est la nécessité d’associer l’ensemble des parties prenantes autour du pilotage d’une étude de ce type et les difficultés liées à la communication des résultats. Il a encore
beaucoup d’incertitudes dans ces domaines et les chiffres bruts ne sont pas toujours parlants quand
on parle d’excès de risques individuels, d’excès de risques sanitaires. Il demeure des questions à travailler sur la communication mais l’impérieuse nécessité de rendre public ces résultats sous une forme
la plus pédagogique possible.
Enfin, nous avons constaté la nécessité d’avoir à la fois plus de mesures dans l’environnement sur un
certain nombre de substances, d’améliorer un peu les connaissances, de ne pas travailler uniquement à partir de modélisations ; mais aussi de mieux connaître les phénomènes de bruits de fond. On
se rend compte que, quand on regarde individuellement l’impact d’une installation, on est souvent
dans des zones acceptables, mais il est vrai que le cumul et notamment quand on additionne aux
pollutions du transport voire des pollutions historiques (par exemple un bruit de fond sur les sols), on
peut dépasser des niveaux de référence et modifier sensiblement le résultat de l’étude.
Pour terminer, je voudrais indiquer aux personnes que cela intéressent, le Conseil de Santé Publique
travaille sur ces sujets et doit rendre un avis aujourd’hui ou demain, précisément sur cette question.
Vous pourrez vous le procurer assez rapidement sur le site Internet du Conseil de la Santé Publique.
Atelier 6 : Le post-accidentel
Daniel Fauvre, Directeur adjoint, DREAL Languedoc-Roussillon
Pour la gestion post-accidentelle, j’ai une petite remarque sur la forme, sur le faible nombre de participants à cet atelier. Leur qualité et leur écoute attentive se sont nullement remises en cause mais
je me demande si c’est lié au fait que ce sujet est encore un sujet en devenir, même si c’est un vieux
sujet en devenir. En tout état de cause, l’ensemble des intervenants était d’accord pour conclure
qu’il y avait urgence à s’y intéresser.
Définir la gestion post-accidentelle reste un exercice difficile. Si ce n’est de conclure qu’il faut la
démarrer au plus tôt, l’ancrer au plus tôt dans la gestion de l’accident. Une image à ce titre a été
donnée : c’est comme un marathon pour lequel tout se gagne ou plutôt tout peut être perdu si le
démarrage n’est pas réussi. Ensuite, nous avons de balayer trois questions sur cette gestion post-accidentelle :
- Comment évaluer et suivre les effets environnementaux, sanitaires, et socioéconomiques des accidents ? Il ressort que des méthodes existent, notamment des méthodes de mesures. Reste à savoir comment s’organiser pour les mettre en œuvre quand l’accident arrive. Des doctrines sont en
cours sur ce sujet, notamment dans le domaine du nucléaire. Ensuite comment décliner toutes ces
réflexions très larges, très lourdes, engagées dans le domaine nucléaire sur les activités industrielles
plus conventionnelles ? Il est rappelé la nécessité d’établir des repères au plus tôt pour permettre
de connaître la situation de l’environnement avant l’accident et donc par différence, apprécier les
conséquences propres de l’accident sur l’environnement, les territoires et les populations touchées.
- La deuxième question, c’est, comment prévenir les sur-accidents ou la surpollution. Comment traiter
les déchets ? Il ressort des échanges la nécessité dans les instants qui suivent la gestion de crise
elle-même, d’organiser des arbitrages entre court terme et long terme, dans le traitement des pollutions et des impacts issus de l’accident. On peut se retrouver dans des situations où, pour minimiser
l’impact sur les populations ou les territoires, il peut y avoir des actions à conduire à court terme,
167
Restitution des Ateliers
alors que ces actions peuvent avoir des impacts importants à long terme. Ces arbitrages, s’ils peuvent être réfléchis a minima lors de la préparation à la gestion de crise, ce sera autant de gagner.
Il faut également souligner que dans la plupart des accidents, on se retrouve à devoir faire face à
des quantités relativement importantes de déchets, plus ou moins toxiques, qu’il convient de traiter
dans la gestion de l’accident. Il ne faut pas les laisser, les abandonner sur les territoires et auprès des
populations concernées, parce que ces déchets renvoient directement auprès de ces populations,
l’image même de l’accident.
- Comment accompagner les territoires, les populations dans leur reconstruction, dans leur réparation ? La conclusion qui fait consensus, c’est que ce n’est pas de l’accompagnement qu’il faut
envisager, c’est comment organiser l’appropriation par les populations et les territoires, de leurs
réparations. Si ce ne sont pas les gens eux-mêmes qui organisent leurs reconstructions, il y a de
grandes chances qu’elles ne réussissent pas.
Atelier 7 : Réformes de l’inspection des ICPE et nouveaux visages de l’Etat
Philippe Ducrocq, Directeur de la DREAL Haute-Normandie
168
L’atelier s’est principalement intéressé à ce que devrait être l’inspection, plutôt qu’à faire une
analyse de son évolution historique. Il faut signaler qu’elle n’est pas mince. Trois idées majeures
dans le cœur du sujet, puis deux considérations plus générales ressortent. Concernant les idées
qui ressortent de l’atelier, ce sont :
- C ’est la nécessité du partenariat qui est partie prenante. Il est suggéré que l’inspection soit
informative, pédagogique, qu’elle ait le sens de la politique, du dialogue, et de la concertation ; qu’elle soit capable d’expliquer aux parties prenantes, aux collectivités, aux associations,
ce qui est très compliqué, que ce soit sur le plan technique ou sur le plan réglementaire. Dans
cette concertation, il a été noté qu’avant le Grenelle, il y avait les S3PI qui avaient concouru
à ce dialogue.
- L e deuxième point est la compétence et l’expertise des inspecteurs. C’est un métier de plus
en plus technique, de plus en plus difficile, avec des nouveaux métiers qui apparaissent, avec
de nouvelles analyses que ce soient des études de dangers ou les nouveaux risques. Un intérêt
particulier est à apporter sur la formation, le tutorage, l’habilitation, surtout l’habilitation et l’expérience, lorsqu’il s’agit de donner à un inspecteur des pouvoirs de sanction. Sur ce sujet, notre
collègue écossais a exprimé les mêmes préoccupations. Le fait d’avoir une inspection avec
des inspecteurs aux formations multiples, diversifiées, avec différents niveaux de spécialités est
important.
- L a troisième idée de cet atelier, c’est ce que j’appelle la culture industrielle qui vient de la jux-
taposition dans les DRIRE, de l’approche « protection environnement industriel » et « développement industriel ». Pour l’instant, les DREAL bénéficient de cet héritage parce que l’ingénieur
ou inspecteur qui connaît l’entreprise à tous les points de vue, la question se pose de l’avenir,
quand tous les services auront perdu leur historique, au fur et à mesure du renouvellement des
générations. D’où l’intérêt de soigner le travail avec l’autre direction régionale en charge des
entreprises qu’est la DIRECCTE.
Nous avons fait deux considérations générales :
- O n commence à s’intéresser à un sujet et on commence à donner des moyens pour le traiter
lorsqu’il y a eu un accident. Les retours d’expérience des accidents font évoluer l’inspection.
Mais localement, on est surtout opérationnel. On cherche à faire de la prévention, mais il est
extrêmement difficile de faire de la prospective. D’où l’intérêt des groupes de travail multipartite, multi-catégorielle et des Assises de ce type.
- Il ait été dit par un membre, représentant dans la table ronde, que l’environnement n’est pas
une contrainte mais une chance. C’est une nouvelle façon de réfléchir, une nouvelle façon de
chercher à se développer autrement, à trouver des solutions que l’on n’aurait pas trouvé s’il
n’y avait pas eu ce problème. C’est une opportunité d’avoir un nouveau développement au
travers notamment des SCOT et de la gestion et de l’occupation de l’espace.
Puisque le sujet était l’évolution de l’inspection au travers de la réforme de l’Etat, et pour ce qui
nous concerne, au travers de la création des DREAL, j’ai une forte impression, compte tenu des
différentes politiques qu’elles conduisent et cette vision globale du territoire et de son aménagement, qu’elles peuvent apporter une réponse à cette question.
169
Plénière 2
Le devenir des industries à risque en France
I Philippe Lefait, Journaliste animateur
Nous allons passer à la table ronde sur « le devenir des industries à risques ». Ce sera d’une
certaine façon, une manière de conclure ces
quatrièmes rencontres.
Vous avez en ce début d’après-midi, la possibilité de répondre à une question sur le
contexte actuel en matière de risques technologiques : l’acceptabilité du risque vous
semble aujourd’hui par rapport à 2008 « beaucoup plus forte » « un peu plus forte » « identique » ou « moins forte ». Donc 31005, vote1, vote-2, vote-3… on étudiera le résultat de
cette question tout à l’heure.
A préciser ce matin que, par rapport aux réponses que nous avions, vous saviez qu’il
y avait à peu près huit réponses sur dix qui
étaient plutôt favorables aux évolutions des
170
deux dernières années. Sachez que ces huit
réponses sur dix portent sur un panel de réponses qui correspond à peu près à 20 % de
l’audience de ce matin. Il y a donc deux personnes sur dix ce matin qui ont répondu à la
question. Et parmi ces deux personnes sur dix
répondants, on a eu les résultats que vous
avez pu voir s’afficher.
Notre sujet, « Le devenir des industries à
risques », va nous permettre de parler d’économie locale, d’acceptabilité du risque, d’implantation des industries à risques sur les territoires -Monsieur Borloo a évoqué « le risque
zéro » ce matin-, la place des risques dans les
délocalisations de l’industrie, prévention, précaution, information du citoyen. Est-ce que trop
d’information tue l’information ? L’information
permet-elle des choix responsables de la part
des citoyens ? C’est ce dont nous allons parler
cet après-midi, avec un premier tour de table
où chacun se positionnera par rapport à l’avenir des industries à risques. Je vais commencer
par Maryse Arditi puisque j’ai dit que l’on
parlerait de l’information du citoyen. Madame Arditi, vous êtes responsable des
risques et des impacts industriels à
France Nature Environnement. Comment vous situez-vous par rapport
à l’avenir des industries à risques
et à toutes ces questions que je
viens de balayer, sur « le risque
zéro », l’acceptabilité, la délocalisation et l’information ?
I Mar yse Arditi, Responsable risques et
impacts industriels à France Nature
Environnement
Je vais commencer sur la notion de délocalisation. A France Nature Environnement,
nous ne sommes pas du tout pour que l’on
envoie les usines à risques ailleurs, en particulier dans les pays où elles seraient moins
contrôlées et donc moins bien gérées. L’idée,
c’est au contraire d’essayer d’améliorer la
situation. Il y a deux outils qui pourraient aider à placer l’industrie en meilleure position,
à se renouveler et à aller vers une industrie
de plus en plus propre et de plus en plus performante. Premièrement, il y a une réflexion
globale sur le vieillissement. Certes, il y a un
certain nombre d’usines en train de vieillir. Il
est intéressant de savoir si ces usines vieillissantes sont dans une industrie obsolète dont
on voit bien qu’à l’échelle de 5 à 7 ans, elles
vont s’arrêter et qu’il est temps de trouver
et de mettre en piste des usines modernes,
innovantes, voire d’autres produits, ou si qui
au contraire, il faut les maintenir, avoir une
meilleure maintenance et si elles vont durer
encore assez longtemps.
Le deuxième élément, ce sont les PPRT. C’est
le choc de l’urbanisation et des usines à
risques. On parle beaucoup de l’expropriation des gens, mais je vous rappelle que
dans la loi, il y a les « mesures supplémentaires ». C’est une réflexion complémentaire
sur la diminution du risque à la source où l’on
cherche, en mettant de l’argent, à réduire le
risque de telle sorte que les ronds rouges, les
ronds bleus, les ronds verts et les expropriations diminuent de manière drastique et de
sorte que cela coûte autant, voire moins cher
que l’expropriation. C’est moins traumatisant.
C’est donc un outil à utiliser.
Ces deux outils sont une réflexion sur la modernisation, la mise en place des meilleures
techniques disponibles et sur la re-modernisation de l’outil industriel. Cela marche de
paire avec le fait que l’on ne veuille pas
délocaliser, mais que l’on va donner ici des
emplois et des outils et qu’il y a des moyens
possibles pour aider les industriels à le faire.
Je comprends que, de temps en temps, une
association locale veuille se bagarrer avec
une usine, mais globalement la vision, la politique et la méthode ce n’est pas du tout
cela.
Par ailleurs, quand on parle d’acceptabilité
du risque, on a tout de suite une idée extrêmement forte : comment les risques sont-ils
perçus ? La perception du risque est un truc
très clair. En général, on dit qu’il y a les risques
réels et les risques perçus. En gros, pour les
experts, le risque est le risque réel. Dans l’esprit de tout un chacun, les risques réels sont
les risques expertisés par les experts. Puis de
l’autre côté, il y a ce que perçoit le citoyen.
Je voudrais juste pendant un ou deux minutes, vous expliquer, qu’en réalité, l’expert
et le citoyen fonctionnent exactement pareil.
Que se passe-t-il en réalité ? Vous connaissez
tous les analyses que l’IRSN fait depuis 10 ans
sur les risques réels et perçus. Il y a des risques
perçus par tout le monde comme importants :
la drogue chez les jeunes par exemple. Il y a
des risques de 60 ou 70 % de risques pointés
par tout le monde, comme les accidents de
la route, mais le citoyen met en plus, presque
dans le même paquet, des risques industriels,
la pollution de l’air, la pollution de l’eau.
171
Plénière 2
En réalité, quel est le raisonnement ? C’est
que, pour les uns comme pour les autres, le
risque est évalué à peu près logiquement,
mais on a une petite tendance à sous-estimer
le risque sur lequel on peut avoir une action,
sur lequel on est acteur. En d’autres termes,
si vous êtes un acteur du risque industriel, un
expert, un ingénieur, un industriel qui fait tout
son possible pour faire le mieux qu’il peut,
bien entendu ce risque, vous le connaissez et
vous avez tendance à le minimiser. Vous dites
« on a fait tout ce qu’il faut pour qu’il soit vraiment bien géré. Il n’y a pas de problème ». Le
citoyen a ce truc à côté. Il n’y comprend rien.
On essaie de lui expliquer que c’est parfaitement transparent. Il n’a aucun pouvoir dessus.
Si cela pète un jour, il ne saura pas pourquoi.
Il n’a aucun moyen d’éviter que cela pète. Si
maintenant je parle, au contraire des risques
de la route, le risque est un peu baissé pour
« Monsieur tout le monde ». Il sait que c’est un
risque important, mais il se dit que s’il fait attention à la route, tous les jours, il y a moins de
risques. Le raisonnement de l’expert, comme
celui du citoyen, est le même. Je minimise le
risque sur lequel j’ai un impact propre et sur
lequel je peux agir. C’est le même fonctionnement.
I Philippe Lefait
172
Vous faites penser au colloque singulier, entre
un patient et le médecin. Le médecin peut
tout savoir et à un moment un échange se
passe et le patient peut être aussi un des
grands acteurs de sa maladie, s’il a la connaissance que lui donne le médecin avec lequel
il partage.
Par rapport à l’information du citoyen, Sandra
Ashcroft va inter venir sur cette idée, et plus
précisément de la manière dont le citoyen
britannique perçoit cette notion de risque.
I Sandra Ashcroft, Directrice des
politiques de prévention des risques
majeurs chez Health and Safety Executive,
Royaume-Uni
Je suis la conseillère principale et directrice
des politiques de prévention des risques. Je
travaille pour l’exécutif Santé et Sécurité. Il
s’agit de l’organisme responsable de la santé
et de la sécurité des travailleurs, également
responsable de la protection du public, des
citoyens de toute activité liée sur le lieu de
travail. Mon organisation travaille en étroite
colla boration avec des agences environnementales en Angleterre, en Ecosse,
au Pays de Galles , sous la coupe de la
directive Seveso.
Je voudrais vous parler essentiellement de la
consultation avec le public, les riverains et les
citoyens qui vivent autour de ces sites dangereux. Ce sont des sites dans lesquels on trouve
des substances dangereuses qui tombent sous
la portée de la directive Seveso. Au RoyaumeUni, nous avons deux législations qui ont pour
but de mettre en œuvre cette directive Seveso, de la transposer en législation nationale.
Elles ont parmi leurs exigences, la consultation
du public. La première s’appelle la COMA.
C’est la réglementation qui contrôle les dangers et les accidents graves. La deuxième se
situe dans la loi de l’urbanisme, c’est une loi
qui aborde les substances dangereuses dans
l’urbanisme. La réglementation COMA utilise
les meilleures pratiques disponibles afin de
protéger les travailleurs, le public et de main-
tenir l’environnement, de le protéger de tout
incident. La réglementation COMA s’applique
aux sites qui présentent des quantités importantes de substances dangereuses, ayant la
possibilité à terme de nuire. Deux dispositions
dans la réglementation COMA abordent le
principe de consultation du public. Ce sont
les plans d’urgence et l’information à apporter au public. Plusieurs groupes sont engagés
dans ce travail de consultation : le public, les
citoyens eux-mêmes, les riverains par le truchement de leurs représentants, les élus locaux ou les personnes en charge de l’élaboration des plans d’urgence. De temps à autre,
le public est également impliqué par le truchement de groupes de pression, de lobby ou
d’autres représentants de la communauté. La
communication envers le public, les citoyens,
les riverains est évidemment très importante.
Le public, à ce niveau, peut être impliqué à
deux égards : dans un premier temps, dans
le test des arrangements de communication
avec les parties prenantes au niveau local,
toutes les personnes qui sont situées dans
une zone où une catastrophe pourrait se
produire ; puis lors des exercices en situation
réelle où on teste les différents aspects des
plans d’urgence.
Informer le public est une obligation prévue
par la réglementation COMA au RoyaumeUni. Cette réglementation exige des opérateurs qu’ils fournissent des informations précises aux citoyens qui pourraient un jour être
touchés par un accident grave, y compris sur
les actions qu’ils sont censées entreprendre
en cas d’incident. Cette information doit être
revue au moins une fois tous les trois ans. Mais
la question qui se pose est de savoir ce que
l’on entend par information appropriée. Les
différents opérateurs de sites ont pour responsabilité de fournir des informations mises à
jour sur les activités des sites industriels et sur
toutes les mesures à prendre en cas d’urgence.
On peut y arriver par différentes méthodes : par
une distribution de brochures de manière périodique, par la mise en place de groupes de
liaisons avec la communauté en utilisant des
moyens de communication innovants ou tout
simplement en diffusant de l’information sur
Internet.
En ce qui concerne les rapports de sécurité,
la législation britannique exige que cette information soit rendue disponible aux citoyens.
L’objectif est de travailler en toute transparence, de donner un certain sentiment d’assurance au public pour lui faire comprendre
que toutes les mesures sont prises pour garantir sa sécurité. Dans quelle mesure toutes
ces informations données sont-elles utiles ?
Très souvent, il faut être technicien soi-même,
voire professionnel pour pouvoir interpréter
correctement ces informations. En outre, je
dirais qu’au Royaume-Uni, en ce moment, il
existe un embargo sur la diffusion d’informations émanant de ces rapports de sécurité,
pour des raisons de sécurité nationale, étant
donné le climat politique qui règne actuellement.
L’entreprise Dow Corning est ici un exemple
assez frappant. Ils ont en leur sein une équipe
d’employés spécialisés dans les relations avec
les riverains. Ils répondent ainsi aux exigences
de la réglementation COMA et ils organisent la consultation par un large éventail de
moyens. Ils ont fait un calendrier annuel par
exemple, reprenant toutes les informations
173
Plénière 2
174
d e s é c u r i t é ; i l s p u b l i e n t d e s b u l l e t i n s , o rganisent des visites dans les écoles , des
j o u r n é e s p o r t e s o u v e r t e s . I l s o n t t ro u v é
d e s fa ç o n s innovantes d’impliquer le public.
Cette entreprise Dow Corning, en cas d’urgence, arrive à notifier les riverains par le retentissement d’une sirène, par les médias, par
le téléphone à condition que les personnes se
soient préalablement inscrites. J’ai entendu
récemment qu’ils utilisaient les SMS.
J’ai quelques mots à dire sur l’urbanisme.
L’urbanisme au Royaume-Uni est un domaine
tout à fait ouvert. Les autorités publiques publient tous les documents liés aux demandes.
Les riverains, les résidants reçoivent des notifications lorsque des sites doivent ouvrir tout
près de chez eux. Tout est disponible dans la
presse, y compris la presse locale. En ce qui
concerne les sites dits dangereux, il existe en
fait un processus de consultation qui se déroule en deux étapes. Dans un premier temps,
ces sites dangereux doivent demander une
autorisation à l’organisation que je représente. Ensuite, l’autorité locale cherche un
conseil auprès de notre exécutif. Puis l’autorité locale demande l’avis dans son processus de prise de décision. Si l’autorisation est
octroyée, nous pouvons rédiger un plan de
consultation de zones qui aborde également
les arrangements de consultations et les exigences qu’il faut satisfaire. Pour la deuxième
partie, il y a un intérêt du public parfois important dans le processus de prise de décision,
quand il s’agit d’autoriser la construction
de deux nouveaux terminaux ou d’un pipeline qui importe et transporte du gaz GPL par
exemple. Qui aurait envie de vivre tout près
d’installation semblable ? Le débat s’installe,
l’intérêt général du public versus l’intérêt du
public au niveau local. C’est une procédure
absolument ouverte, extrêmement transparente. Toutes les décisions sont placées sur Internet par l’autorité locale d’urbanisme. S’il
y a des appels, il est possible de les lire. Le
public a la possibilité de s’engager et de s’impliquer.
I Philippe Lefait
J’ai une question. On parlait de ce seuil d’acceptabilité. Est-ce que toutes ces procédures
mises en place en Grande-Bretagne contribuent à faire baisser ou à faire monter le seuil
d’acceptabilité ? Autrement dit, est-il plus facile en Grande-Bretagne de faire accepter
des industries à risques ?
I Sandra Ashcroft
C’est un sujet d’actualité parce que le
Royaume-Uni est une petite île et il n’y a pas
énormément de place. Il y a des terrains en
friche que l’on pourrait utiliser. Sur ces terrains
se trouvaient préalablement des usines, des
sites qui utilisaient des substances dangereuses. Nous ne pouvons pas utiliser ces sites
pour de nouveaux développements, de nouveaux projets d’urbanisme ou des logements
sociaux. Il y a un débat actuellement chez
nous.
I Philippe Lefait
À vos côtés, je laisse la parole à Yves Blein,
Maire de Feyzin et président d’AMARIS. Vous
êtes-vous au cœur du problème et j’aimerais
demander votre avis sur l’acceptabilité : les
riverains, dans le couloir de la chimie, acceptent-ils mieux le risque parce que des procé-
dures de concertation et d’information ont
été mises en place, comme en GrandeBretagne ?
I Yves Blein, Maire de Feyzin, Président
d’AMARIS
Je crois que l’on est dans une image assez
paradoxale. Les riverains, ceux que je connais
bien, ne se posent pas autant la question de
l’acceptabilité. Ils vivent à côté d’une entreprise à risques, ils en ont l’habitude. D’une
certaine façon, ils sont plus inquiets sur la stratégie industrielle, ils sont plus angoissés par la
perspective du chômage éventuel si l’entreprise quitte le territoire que par son maintien
et par l’inquiétude que peut générer le problème de la sécurité. La sécurité et le risque
industriels, ce sont plus un bruit de fond auquel ils sont attentifs et ils remarquent les initiatives prises pour les protéger. Bien sûr, ils y
attachent de l’importance. Mais ce n’est pas
ce qui va conditionner le fait qu’ils résident
ici ou ailleurs. Ils ont l’habitude de vivre ou de
voisiner ces risques.
I Philippe Lefait
Michel Delebarre, êtes-vous d’accord avec
ce que dit votre confrère de Feyzin ? On vit
avec et on pense à l’économie locale ?
I Michel Delebarre, Ancien Ministre
d’Etat, Député-maire de Dunkerque,
Président de la Communauté Urbaine de
Dunkerque
Oui. Je crois que c’est un élément important
de la manière dont réagissent les populations concernées par ces sites. Je m’exprime
au titre de la Communauté Urbaine de Dun-
kerque qui est un des sites reconnus dans la
région Nord-Pas-de-Calais pour avoir énormément d’avantages en termes d’implantations Seveso, quantitativement, certes, avec
la proximité de la plus grande centrale européenne. C’est un environnement que je vous
invite à venir voir d’ailleurs. Et ma présence
ici prouve que l’on peut y vivre ! J’ai une obser vation sur l’évolution de ce critère : il suffit
parfois de quelques articles de journaux sur
une annonce d’éventuelle arrivée d’une implantation Seveso ou d’un reportage télévisé
sur telle ou telle problématique liée à une
entreprise à risques, pour que le degré d’acceptabilité varie. Je veux dire que cela n’est
pas une constante. C’est un domaine où les
gens sont attentifs, mais ils vivent à côté et ils
vivent avec.
Et je crois que l’on sous-estime la médiation des personnels qui travaillent dans l’entreprise. Je me souviens avoir eu un certain
nombre de débats dans un site du territoire
dunkerquois, qui s’appelle Mardyck et qui est
entouré d’entreprises concernées par la directive Seveso. Dans ces débats publics, vous
aviez des représentants syndicaux et des représentants du personnel. Ce sont eux qui effectuent la plus grande médiation à l’égard
de la population. Il faut savoir que ces personnels sont les premiers à avoir le souci des
garanties pour l’avenir et des protections indispensables. Je ne dirais pas que c’est une
constante intangible, l’air du temps peut faire
des variations.
I Philippe Lefait
Nicolas De Warren, je vais vous demander de
réagir à ce qui vient d’être dit. A propos de
175
Plénière 2
l’information, à quoi sert-elle ? Sur la délocalisation, vous, seriez-vous prêt à délocaliser si
vous êtes surchargé de réglementation ou s’il
est plus facile de vous installer ailleurs ?
I N i c o l a s D e Wa r r e n , D i r e c t e u r d e s
r e l a t i o n s i n s t i t u t i o n n e l l e s , A r k e ma
176
Je vais d’abord expliquer du point de vue de
l’industriel ce que représente le PPRT. Arkema
est le numéro 1 de la chimie en France. Mais
au niveau mondial, nous sommes un groupe
assez moyen, nous devons être 30e ou 40e.
Nous avons 80 usines dans le monde et 35
en France (35 ICPE bien sûr). Sur ces 35, nous
avons 19 Seveso Seuil haut et donc 19 PPRT.
Nous avons donc déjà une expér ience
acquise sur la question. Depuis 2005, j’ai fait
un recensement, nous avons dû mener 120
compléments aux études de dangers, c’està-dire pratiquement 120, voire 125 nouvelles
études de dangers. Il faut savoir qu’une
étude de dangers, c’est a minima deux ingénieurs par an à temps complet. Sur les cinq
dernières années, nous avons donc mobilisé
50 ingénieurs par an sur la question. Ce sont
de gros investissements. Je ne dis pas que ces
sont des investissements trop chers. Je dis que
ce sont de gros investissements. Je veux simplement faire toucher du doigt les efforts que
cela représente. Je ne parle que de l’étude
elle-même. Il y a par ailleurs, après la mise en
place des mesures complémentaires, des mesures supplémentaires et bientôt les mesures sur
le bâti. Voilà pour une réalité qu’il faut percevoir.
Quant au sujet de la maîtrise du risque et de
la stratégie industrielle, la délocalisation est
un terme qui ne correspond pas à la réalité.
En matière de choix de localisation de l’in-
vestissement pour un groupe mondial comme
le nôtre, vous avez des causes immédiates
et des causes profondes. Il y a ce que les
sociologues appelleraient des megatrends,
puis des éléments plus immédiats. Le risque
ne fait pas partie des megatrends. Qu’est-ce
qui détermine aujourd’hui le choix de la localisation de l’investissement ? C’est une tendance, mais ce n’est pas un megatrend. C’est
bien évidemment le marché, la proximité du
marché. Le deuxième élément fondamental
pour la chimie, c’est l’accès aux matières
premières. Le troisième élément absolument
déterminant, ce sont les infrastructures. Des
infrastructures portuaires, routières, la qualité
de la logistique, les pipelines, c’est un sujet
absolument majeur. Je n’ai pas le sentiment
qu’il soit suffisamment pris en compte pour
les industries chimiques ou pétrolières. On raisonne beaucoup « usine », « site ». On raisonne
moins « plate-forme », « connexion entre les
plates-formes » et « connexions entre les
chaînes logistiques », alors que c’est ce qui
détermine fondamentalement une décision
de localisation d’un investissement.
Quant à la politique de risques, je dirais
qu’une politique de risques, de maîtrise des
risques intelligente, une bonne politique, c’est
une politique qui d’abord est stable. L’industriel a absolument besoin de visibilité et de
stabilité. Il a horreur de l’incertitude et en
particulier de l’incertitude réglementaire. Une
bonne réglementation, c’est une réglementation stable surtout quand elle est complexe.
Une fois qu’elle a été adoptée, il faut qu’elle
soit stabilisée. Vous voyez l’effort que représente pour nous la mise en œuvre des PPRT.
Tous nos ingénieurs y travaillent avec détermi-
nation et enthousiasme. Mais nous avons besoin de cette stabilité. A contrario, une mauvaise politique de maîtrise des risques, une
politique inexistante, changeante, aléatoire,
incertaine, soumise à l’aléa d’un décideur local est un facteur répulsif en termes d’investissements.
De ce point de vue, nous sommes, avec les
politiques des PPRT en France, un facteur
d’attractivité pour l’investissement industriel
en France. Nous avons encore des espaces industriels disponibles, contrairement peut-être
à l’Angleterre. Nous avons encore de grandes
plates-formes industrielles à consolider où il
reste des espaces d’accueil. Pour des startup ou des groupes étrangers qui veulent installer des capacités, il y a un espace naturel
d’accueil qui sont ces grandes plates-formes
Seveso II, dans un environnement de maîtrise
des risques quasiment total.
I Philippe Lefait
Quel est votre rapport aux citoyen qui vivent
dans l’entourage de vos usines ? Quelle est
votre politique d’information ? Est-ce qu’il y a
un nécessaire de transparence par exemple ?
I Nicolas De Warren
Je souscris tout à fait à ce qu’a pu dire Monsieur Delebarre et Monsieur Blein. D’une façon générale, il y a une bonne communication, une bonne compréhension, même si le
lien territorial s’est distendu. Nous ne sommes
plus dans le couple, voisin-usine qui existait dans la configuration du 19e. Tous nos
employés habitent probablement dans des
cercles qui font entre 50 – 70 – 80 kilomètres
de nos usines. Cette réalité du lien physique,
humain et familial entre l’usine et les populations est moindre. Ceci est contrebalancé par
une bonne compréhension, une bonne participation et un grand d’intérêt. J’en veux pour
preuve ; nous organisons depuis des années
des opérations, les « Terrains d’Entente ». Ce
sont une boîte à outils de communication de
proximité, non pas seulement de communication mais également d’échange et de partage et qui marchent très bien. Ce sont des
lieux de vrais débats, d’échanges. On fonctionne dans une vraie atmosphère de compréhension.
I Philippe Lefait
Jean-Rémi Gouze, on ne peut plus faire sans
le nucléaire. C’est là et pour très longtemps.
Peut-être, c’est tant mieux, mais il y a de
temps en temps des réser ves émises. Par rapport à ces différentes questions qui ont été
abordées, dans le comparatif avec l’Angleterre par exemple, que pouvez-vous dire en
tant que représentant de l’Autorité de Sûreté
Nucléaire ?
I Jean-Rémi Gouze, Commissaire à
l ’ Au t o r i t é d e S û r e t é N u c l é a i r e
Je dirais d’abord que pour l’électricité d’origine nucléaire, la question de la délocalisation ne se pose pas. Il faut produire près des
lieux de production et donc le nucléaire ne
se délocalisera pas. Il faut, et c’est notre doctrine, être d’autant plus vigilant sur les conditions dans lesquelles ce nucléaire est autorisé
et fonctionne. C’est pourquoi notre doctrine
est de regarder, avec des examens de sûreté tous les 10 ans, comment les installations
nucléaires ont vieilli, comment elles se com-
177
Plénière 2
portent. Nous ne regardons pas seulement si
elles sont conformes à la réglementation de
l’époque à laquelle elles ont été autorisées,
mais aussi si elles sont conformes aux nouvelles
règles de l’art. On tient compte du retour d’expérience comme Tchernobyl, Three Mile Island
et le 11 Septembre. Au regard de ce réexamen,
nous sommes amenés à autoriser une nouvelle tranche de 10 ans. Les citoyens et les élus
demandent ce type de vigilance pour avoir
confiance dans les décisions qui sont prises.
J’ajouterai un deuxième élément qui est l’approche internationale. La France est le deuxième pays nucléaire au monde. Nous avons
une responsabilité au plan international. Nous
regardons, en liaison avec nos collègues de
l’Autorité de Sûreté et notamment les britanniques, à faire en sorte que le niveau de sûreté
soit le plus élevé possible dans le monde. Il ne
faut pas qu’il y ait un nucléaire à deux vitesses,
avec un nucléaire sûr en France et un nucléaire
qui serait moins sûr dans d’autres pays. Il faut
éviter des distorsions de concurrence puisque
l’on a parlé emploi et soutien de l’économie.
Pour nous aujourd’hui, le critère de sûreté pour
les réacteurs existants ou pour les réacteurs
nouveaux, c’est l’EPR. Nous pensons que cette
technologie doit être pratiqué dans le monde.
Cela étant, il serait intéressant de réfléchir en
termes d’acceptation du public, à la façon de
gérer en France la cohabitation de quatre générations successives de réacteurs nucléaires,
depuis les 900 mégawatt conçus dans les années 60 jusqu’à l’EPR en cours de construction.
I Philippe Lefait
178
Il y a parfois des notes discordantes chez certains Verts. Le débat est toujours ouvert. Mon-
sieur Ledenvic, comment, vous, représentant
de l’administration, avez-vous entendu ce
qu’il se dit depuis 40 minutes ?
I Philippe Ledenvic, Directeur de la
DREAL Rhône-Alpes
Je me retrouve pleinement dans ce qu’ont dit
Mar yse Arditi, Yves Blein et Michel Delebarre.
Il se trouve qu’en 2008, en Rhône-Alpes, la
décision a été prise de faire une campagne
d’information du public, comme cela se fait
autour de tous les sites à risques, mais avec la
particularité de la faire sur tous les sites dans
l’ensemble de la région, en même temps, pour
que le message ait plus de force et soit mieux
entendu, mieux perçu. Il y a eu de multiples
réunions. Suite à cela, six mois après, une enquête de perception a été menée pour savoir de quelle façon les gens avaient perçu et
vécu la campagne. Le but était de voir d’une
part si les gens avaient bien entendu les messages, mais surtout de voir ce qu’il en sortait.
On peut confirmer ce qui a été dit autour de
la table depuis le début : il y a des sujets qui
reviennent toujours. Celui qui revient en premier dans la perception du risque, c’est la
pollution atmosphérique. On parle du bruit de
temps en temps, mais la pollution atmosphérique reste un sujet important. Les gens sont le
plus souvent tout à fait conscients qu’ils sont à
côté d’installations à risques et il n’y a pas de
saturation, de refus ou de rejet par rapport à
cela. Il n’y a pas non plus de sur-interprétation
du risque. Par contre, et cela a été frappant,
ce sur ce quoi ils posaient le plus de questions, c’était sur les PPRT. L’étude a été menée fin 2008-2009, c’était au moment où les
PPRT commençaient à être prescrits. C’était
sur cela qu’il y avait le plus de questions. Pour
résumer, sous forme de boutade, tel que cela
ressortait des échanges, le risque le plus important, c’était plus le risque des PPRT que le
risque tout court. C’est totalement paradoxal,
mais on peut comprendre en approfondissant. D’abord, et on rejoint ce que Mar yse
Arditi a dit, ce que les gens craignent le plus,
c’est ce qu’ils ne connaissent pas bien. Finalement, ces usines sont à côté, ils connaissent
le risque. Le PPRT c’est un nouveau machin,
on ne sait pas très bien ce que c’est et ce
que cela va nous apporter. De plus, le risque
technologique est un risque que l’on ne peut
pas toucher, c’est quelque chose qui existe
(on le sait), mais cela n’a pas de traduction
concrète. Le PPRT peut avoir des traductions
concrètes : c’est ma maison que l’on va racheter, c’est le foncier qui va baisser etc. Le
risque est réel pour un PPRT : paradoxalement,
alors c’est un outil de réduction des risques
et de protection supplémentaire (au moins la
première approche) et à défaut d’explication, il peut être vécu directement comme le
risque concret auquel on est exposé. Voici la
première explication que l’on peut donner sur
cette notion de risque et de PPRT.
Cela fait émerger de toute évidence la nécessité de faire de la pédagogie. Comme
dans tous les domaines des risques, il faut expliquer pour que les gens n’aient plus peur. Au
moins ayons peur mais en sachant.
Il y a une autre perception, j’ai entendu un
certain message, de même nature qui peut
expliquer « le risque du PPRT ». Il y a des voix
qui s’expriment très fermement et très explicitement sur le fait que ce sont les PPRT qui
mettent en péril l’avenir des sites industriels.
Au lieu d’apporter des solutions, le PPRT devient le risque y compris pour le site industriel
lui-même. Il y a de toute évidence un gros
problème d’explication, de confusion par
rapport au concept de ce nouvel outil. Dans
l’enquête de perception faite en 2009 et
dans les réunions locales, cela a été ressorti
très clairement.
I Philippe Lefait
Que dit-on à Feyzin de cela ? Etes-vous d’accord avec ce que dit Philippe Ledenvic ? Ce
que je vous entends dire, c’est : localement,
on vit plutôt avec, et d’un seul coup, il y a
risque supplémentaire pourtant c’est de la
protection qu’on vous apporte.
I Yves Blein
Oui, c’est de la protection que l’on nous apporte effectivement. Mais la question, c’est
qui paye ? On veut bien être protégé davantage du risque dont on est voisin, mais qui
paye ?
I Philippe Lefait
Il ne faut pas vous s u p p r i m e r l a t a x e p ro fessionnelle ?
I Yves Blein
La taxe professionnelle, c’est quelque chose
qui est installée dans le paysage. Nonobstant, je pense que tout le monde a en tête
la richesse que cela représente pour les territoires. Il y a aussi la richesse en termes d’emploi et il y a le coût que cela génère pour les
populations. Imaginez un peu que l’on doive
dire à une population (si les choses n’avaient
pas évolué récemment et elles viennent en-
179
Plénière 2
core d’évoluer à nouveau, mais si on était
resté sur la loi promulguée il y a quelques années), à des habitants : « vous devez faire 10
ou 15 000 euros de travaux et vous avez royalement 15 % de crédit d’impôt plafonné à 10
000 euros pour les payer. Vous payez donc les
85 % restants, vous habitez à côté d’une usine
qui génère un certain nombre de difficultés et
de risques, et voilà la note ». On vous la présente mais on contribue à hauteur de 15 %.
Il fallait un cer tain cynisme de la par t des
réglementaires .
I Philippe Lefait
Jusqu’où aller, sans aller trop loin, dans la prévention des risques ? C’est un peu ce que
vous dites ?
I Yves Blein
Une nation ne peut pas revendiquer et souhaiter des entreprises sur son territoire, des
industries dont il est logique qu’elles soient
installées là ou ailleurs (peu importe de toute
façon), qu’elles aient leur place dans le process industriel français et ne pas prendre en
compte le fait que ce n’est pas aux riverains
qui y habitent et qui souvent n’y sont pour
rien, de payer l’ardoise de leur sécurité. Il est
logique que la nation, par devoir de solidarité
vis-à-vis d’eux, prenne en charge les travaux
qui leur incombent.
I Michel Delebarre
180
Je suis d’accord. Je disais à mon voisin que le
problème, ce n’est pas l’entreprise à risques,
c’est le PPRT qui est la plus grande zone de
risques. Ce n’est pas l’entreprise. Pour l’habitant, c’est le PPRT. Avant le PPRT, il vivait bien,
à côté de l’entreprise. Puis voilà, on a inventé
le PPRT. Et il vit beaucoup moins bien, surtout
quand il essaie de réfléchir à l’avenir.
D’abord, ce pays ne veut plus d’industries. On
ferait bien de prendre cela en considération.
Beaucoup pensent que la France va se développer sans capacité industrielle. C’est une
erreur totale. C’est répandu sur beaucoup de
bancs de l’Assemblée et dans beaucoup de
milieux. Ne voulant plus d’industrie, on ne veut
surtout pas d’industrie à risques. Or, il y a des
créneaux industriels sur lesquels l’absence de
risque me paraît être une utopie totale. Seveso est une mesure positive, vécue négativement. Quand on vous annonce l’implantation
d’une entreprise Seveso, cela n’est pas traduit comme étant un site industriel où toutes
les mesures de protection vont être prises et
obligatoirement prises. C’est vécu comme un
site industriel qui va apporter la plus grande
quantité de risques inimaginables. C’est un
peu comme cela dans l’opinion publique. Ce
n’est pas facile de redresser le courant.
Je sais bien que la taxe professionnelle est la
fiscalité la plus imbécile que l’on ait pu trouver, sauf pour les territoires concernés. Mais on
a tout de même inventé l’absence de la taxe
professionnelle, c’est-à-dire qu’il n’y a plus de
lien entre l’activité industrielle et le territoire.
Vous allez voir la conséquence pour les agglomérations industrielles de ce genre. Pour
moi, ce n’est pas compliqué, la taxe professionnelle, c’était 164 millions d’euros par an,
la nouvelle fiscalité : 40. La différence entre
les deux, on me la garantit sous forme de dotation la première année. Merci. Vous savez un
mandat municipal dure 6 ans. Cela veut dire
que vous terminez dans une drôle situation
par rapport à la première année du mandat.
Ce n’est pas sérieux. Vous verrez qu’il y aura
des conséquences à ce refus de prendre en
considération le fait que l’industrie se fait sur
des territoires. A chaque fois que l’on m’a retiré 10 millions de taxe professionnelle, je n’ai
pas réussi à faire prendre en considération
qu’il fallait déplacer une entreprise Seveso.
Puisque j’ai moins de taxe professionnelle, autant déplacer les entreprises Seveso. J’en verrais bien une sur la place de la Concorde ou
à Neuilly. Je suis prêt à ce qu’elles se répartissent ailleurs sur le territoire, mais nous avons
vocation à accueillir, nous, ce type d’entreprises. On parlait tout à l’heure de la chimie,
nous avons vocation à accueillir ce type
d’entreprises. Nous avons toutes les caractéristiques en termes d’accueil, de méthode
de gestion, d’accueil et d’implantation de
ces entreprises, depuis 20 ans, notamment à
travers le SPPPI, en toute transparence, avec
toute négociation, tous les types de publics.
Que fait-on de tout cela ? On est en train de
nier les contraintes et l’exigence industrielle
dans ce pays. Je crois que le rendez-vous sera
terriblement perturbant.
I Mar yse Arditi
Il y a huit jours, le 15 octobre, nous fêtions le
bicentenaire du premier texte de Napoléon
sur les ateliers incommodes, dangereux et
mal odorants. Qu’est-ce que cela veut dire ?
Quelqu’un vit autour d’une usine. Elle marche,
elle fonctionne, il a l’habitude. Si elle ne lui
envoie pas trop de gaz toxiques de temps
en temps, si elle ne pollue pas trop, il a l’habitude. Que signifient les PPRT aujourd’hui ?
C’est la loi qui signe deux siècles d’échec.
Deux siècles pendant lesquels on a écrit, les
uns après les autres, dans toutes les lois, que
l’on va faire attention de ne pas mettre l’urbanisation trop près des usines à risques. Cela
existait en 1810. Autrement dit, pendant deux
siècles, on n’a pas réussi à appliquer la loi. Du
coup, est arrivé AZF. C’est un traumatisme fort
pour tous, élus, Etat, riverains. Du coup, la loi
a été très loin et a décidé ne pas s’attaquer
seulement à l’urbanisation existante, mais de
s’attaquer aussi à l’urbanisation future . Nous
devons achever le divorce entre l’urbanisation dense et les usines à risques. Vous savez,
un PPRT, c’est deux kilomètres. Ce n’est pas
très difficile quand vous avez une grande
plate-forme de décider qu’à deux kilomètres,
il n’y aura pas d’habitation.
Je mets encore une fois en garde. En tant
qu’association, je veux bien aller mouiller ma
chemise pour convaincre, quand cela se justifie, les riverains que des efforts sont faits et que
cela vaut la peine. Mais je suis incapable de
convaincre un riverain quand je lui explique
qu’il y avait un modèle, le cercle rouge faisait
deux kilomètres et demi, mais on a changé
le logiciel et il ne fait plus que 500 mètres. Allez gagner la confiance de vos riverains, cela
va être un peu dur. Je m’adresse aussi aux
élus car si les usines sont près des habitations,
c’est que quelqu’un a donné l’autorisation
de construire l’habitation et l’usine et l’autorisation d’exploiter l’usine. L’industriel n’est pas
seul en cause. Il a eu toutes les autorisations.
I Philippe Lefait
Pour Xynthia, il y avait des maisons construites
là où il ne fallait pas. Il y a eu des autorisations
aussi.
181
Plénière 2
I Mar yse Arditi
I Philippe Ledenvic
C’est Toulouse qui a rattrapé AZF. Il y a un
élu qui n’a pas su s’arrêter à temps et décider qu’à trois kilomètres, on ne construirait
plus. On a laissé rattraper AZF. Qu’il y ait au
moins un point d’accord autour de cette tribune, même si c’est difficile, même si cela va
s’échelonner dans le temps, prenons l’engagement d’avoir en vision et de dire « on ne
rapprochera plus ». Deux à trois kilomètres suffisent, ce n’est quand même pas très difficile.
On n’est pas en Grande-Bretagne. On n’est
pas en Belgique.
Après avoir exposé la perception qui existe
sur le terrain, je vais essayer de réhabiliter les
PPRT. Sur le fond, il a été rappelé à quoi cela
ser vait. Et cela sert à quelque chose, sous réser ve de le financer. C’est utile, mais, dans
l’élaboration (et on est un peu partout dans
les phases d’élaboration, et en Rhône-Alpes,
nous avons des PPRT compliqués), le premier
réflexe est le déni du risque. Cela revient à
dire d’une autre façon ce que vient de dire
Mar yse Arditi. Je suis désolé de le dire parce
que l’on a beau faire tout ce que l’on veut en
termes d’explication du risque, de le concrétiser, de le quantifier, de l’expliquer, la première
réaction, c’est le déni du risque. Une fois que
l’on a réussi à faire passer l’idée qu’il y a
quand même un risque et qu’il sort des limites
d’une usine, on vous dit : « écoutez. Il faut
réduire le risque à la source pour que cela
reste à l’intérieur de l’usine ». Effectivement,
on essaie de faire tout ce que l’on peut et on
y met du soin. On exploite les études de dangers. On y travaille. On arrive parfois à trouver des mesures supplémentaires qui peuvent
permettre d’apporter des améliorations. Mais
on se retrouve quand même avec des patatoïdes. Après, on commence à avoir d’autres
idées, pour dire : « il faut impérativement que
vous trouviez des solutions pour faire rentrer
les bouts de patatoïdes qui sont dehors, pour
les faire rentrer à l’intérieur ». C’est un peu la
saucisse que vous indiquiez.
Il se trouve que tout ce débat là, avant les PPRT
(et c’est pour cela que moi je considère que
c’est une des vertus), on pouvait rester durablement dans le déni sans bouger. Avec un
PPRT, on ne peut plus. La réalité est concrète-
I Philippe Lefait
Et s’il y a du vent ?
I Mar yse Arditi
Il ne fallait pas poser cette question. Je vais
vous dire pourquoi. Nous sommes dans une région où le vent est comme cela : vous prenez
la rose des vents, elle fait cela chez nous. Il
n’y a que deux côtés et tout est sur les deux
côtés. On fait le PPRT, la zone rouge (elle est
ronde). Alors je lève la main et je dis : « et
le vent ? ». Je n’ai toujours pas d’explication.
Alors après quoi il y a un riverain qui arrive qui
dit : « mais c’est drôle. Et le vent ? ». Et après
il y a un troisième qui arrive et qui dit : « mais
le vent ? ». Et on en est toujours là. Cela aussi
c’est un problème.
Vous m’avez tendu la perche. Ce que je voulais dire, c’est que vraiment là on a un problème. Donc il y a une crédibilité à faire.
I Philippe Lefait
182
Pourquoi ne pas imaginer un PPRT en saucisse
plutôt qu’en rond ?
ment sur la table. Après, on étudie techniquement les choses, le plus honnêtement possible.
C’est effectivement un peu difficile dans des
agglomérations sur lesquelles on dit : « non, il
y a des cercles qui resteront dehors et nous
n’y pouvons rien. Cela sera comme cela ». Le
PPRT a pourtant une vertu, une fonction, qui
est d’aller vers une construction commune de
l’acceptabilité, si l’on veut. Et si on ne le veut
pas, il faudra prendre la décision ensemble.
I Philippe Lefait
Parmi ceux qui ont voté dans la salle, il y a
une forte majorité qui pensent que l’acceptabilité est de moins en moins évidente. 60 %
pensent que l’acceptabilité du risque est
beaucoup moins for te qu’en 2008. Encore
une fois , tout ceci ramené aux gens qui ont
voté dans la salle.
I Michel Delebarre
Je vais essayer de défendre ce thème un peu
difficile, mais Jacques Vernier va m’aider. Ce
n’est pas évident, mais cela mérite d’être
dit tout de même. J’ai deux obser vations
Madame. Premièrement, je voudrais faire un
rappel historique. La maîtrise des décisions
d’urbanisme historiquement a appartenu
pendant des générations à l’Etat dans ce
pays. Je veux bien que l’on pointe du doigt
les élus, mais je vous signale que la décentralisation d’un certain nombre de décisions
d’urbanisme remonte à 20 ou 30 ans, pas
beaucoup plus. On ne peut tout de même
pas leur faire porter la conséquence de décisions qui leur a échappé.
La deuxième est une illustration. Ce n’est
qu’un témoignage, je prends Michel Pascal
Directeur de la DREAL dans notre région à témoin. Depuis près de 13 ans, dans l’agglomération que je pilote, la Communauté Urbaine
de Dunkerque, nous avons un schéma d’environnement industriel. Toutes les entreprises
ont pris l’engagement de ne pas faire d’investissement à risques qui mettent en cause,
d’une manière ou d’une autre, les sites d’urbanisme dans notre agglomération. Tous les
élus ont pris l’engagement de ne pas réaliser d’opération d’urbanisme qui mettent en
cause l’installation industrielle. Par une volonté de toutes les parties prenantes et en toute
transparente avec les associations et tous les
acteurs, nous nous sommes dit : « si l’on veut
vivre ensemble, il faut accepter d’anticiper
sur ce que serait éventuellement les secteurs
à risques ». Quand une nouvelle entreprise
veut s’implanter, elle doit tenir compte des
préconisations du schéma d’environnement
industriel.
I Philippe Lefait
Une sorte de grenelle à la dunkerquoise.
I Michel Delebarre
Je ne sais pas comment ils font en GrandeBretagne. Ils ont l’air de faire des choses pas
mal mais ils n’ont pas de Grenelle. Je ne sais
pas comment ils peuvent y arriver. Vous savez
sur le Grenelle, les phénomènes de mode ont
du mal à passer chez nous (c’est le vent qui
doit nous aider un peu). Hier, nous avons fêté
le 20e anniversaire du SPPPI Côte d’Opale
Flandre. Cela fait 20 ans que l’on travaille
en transparence, tous autour de la table, en
mettant toutes les questions y compris les problèmes de conséquences sur la santé, dans
183
Plénière 2
le cahier des charges du SPPPI. Le Grenelle
est peut-être l’enfant naturel du SPPPI. Ce
n’est pas l’inverse. J’ai fait remarquer à un
représentant des autorités nationales qui ont
enfanté le Grenelle, qu’il est écrit dans leurs
textes issus d’une des décisions du Grenelle,
que l’on va inventer des commissions locales.
Je leur demande de faire un décret dont l’article premier sera, là où il existe un SPPPI, on
n’y touche pas et on ne met rien d’autre en
place. Dans les endroits où il n’y en a pas, on
fait un certain nombre de recommandations.
Cela je le comprendrai. Mais ce serait l’une
des premières mesures d’économie d’environnement, à mon avis, nécessaire ».
I Philippe Lefait
Nicolas De Warren, je voudrais vous poser
deux questions car elles concernent les industriels. Ce sont des questions qui ont été
envoyées par SMS depuis la salle. Quand on
est dans une période de crise, l’industriel a-t-il
plutôt tendance à investir pour récupérer de
l’argent qu’investir pour protéger l’environnement. Deuxième question : « crise économique, pause réglementaire ? ».
I Nicolas De Warren
184
Sur le premier point, je voudrais illustrer ce
que me paraît être le PPRT, pour abonder
dans le sens de ce que disait Philippe Ledenvic. Il paraît que le PPRT est la meilleure illustration d’un aphorisme célèbre du président
Queuille sous la IVème république qui disait
que l’on sort toujours de l’incertitude à son
détriment. C’est vrai qu’aujourd’hui, tant les
collectivités locales, que les riverains, quand
on rentre dans le dur d’une discussion, d’un
côté de la route, on va peut être exproprié
et de l’autre pas. On rentre dans le dur et on
sort de l’incertitude à son détriment. Il faut
faire en sorte que le détriment soit le plus
faible possible, bien évidemment.
Deuxième point sur le processus des PPRT. Je
crois que c’est un processus très positif. C’est
vrai que l’on est en plein dans les discussions.
Nous avons besoin de vous, les élus, pour
avancer sur la conclusion. Il y a déjà dans
l’opinion publique une amorce de compréhension de ce que c’est un PPRT. Il faut, par
l’accélération du processus (et je crois que
c’est ce que le Ministère a senti), faire en
sorte que l’on passe cette étape psychologique pour que les gens voient les aspects
positifs et les aspects concrets, et qu’on les
sorte de l’incertitude, du fait de savoir s’il auront à payer une nouvelle fenêtre, faire un local de confinement, s’ils sont en zone rouge,
bleue ou verte. Nous avons besoin de vous ,
les élus , pour a boutir le plus ra pidement
possible sur ces conventions tr ipar tites en
par ticulier.
Sur les deux questions, que fait-on en temps
de crise ? Un groupe comme le nôtre, investit
sensiblement 5 % de son chiffre d’affaires, 300
millions d’euros par an dans le monde. Sur
ces 300 millions, plus de la moitié, 55 % sont
des investissements de maintien et de sécurité et environnement. En 2009, nous avons
eu une baisse du chiffre d’affaires de 21 %.
Nous avons perdu 1 milliard d’euros de chiffre
d’affaires. Nous avons baissé nos investissements de 300 à 200 millions. Nous n’avons pas
touché à nos investissements maintien sécurité et environnement, nous avons coupé nos
investissements et nous n’avons pas touché,
parce que l’on ne veut pas toucher à nos
investissements maintien, sécurité et environnement.
d’une globalisation, d’une mutualisation européenne de l’approche, sinon de sa totalité
ou du moins de ses meilleurs éléments.
I Philippe Lefait
I Philippe Lefait
Trop de réglementations tue l’économie ?
La salle nous pose la question classique :
le principe de précaution risque-t-il de tuer
l’économie ? A partir de quel moment un
risque peut-il être considéré comme acceptable ? C’est une bonne question.
I Nicolas De Warren
Non, je le disais tout à l’heure, une réglementation intelligente, proportionnée à ces
objectifs est importante. Le principe de proportionnalité me paraît absolument déterminant. C’est pour cela que le législateur
dans la conception des textes doit toujours
avoir ce réflexe de l’étude d’impacts. Maintenant, les missions d’évaluation, de contrôle
et d’études d’impacts qui commencent à
se faire aux niveaux national et communautaire, doivent bien propor tionner les outils
aux objectifs .
Quand le législateur, peut-être dans l’enthousiasme d’un vote au petit matin en 2003,
a dit qu’il fallait que les PPRT soient adoptés
dans les cinq ans, il y avait un petit manque
de réalisme. C’est l’ambition du législateur.
Il ne faut pas oublier la proportionnalité des
objectifs, des moyens et des outils.
Dernier point qui est important, c’est la différence, l’éventuelle handicap compétitif par
rapport à nos voisins qui n’ont pas de réglementation PPRT. Transformons ce que certains
pourraient considérer comme un handicap
en un avantage. Nous avons maintenant disons deux ans de recul sur les PPRT. Nous avons
suffisamment capitalisé sur l’expérience pour
que nous portions au niveau communautaire
le concept du PPRT. On peut se retrouver tous,
élus, industriels, associatifs pour porter l’idée
I Nicolas De Warren
C’est une question de quantification : Quand
il est compris, le risque est mesuré.
Je crois que là encore l’incertitude suscite
l’angoisse, l’inquiétude. Nous avons des outils
de mesures, nous avons des indicateurs. C’est
toute la logique de la politique d’information
de transparence, la mesure.
I Philippe Ledenvic
J’ai peut-être une autre réponse dans la suite
de ce que je disais tout à l’heure. Quand on
aura fini, approuvé et signé le PPRT et que
l’on aura signé une convention financière, on
aura deux documents dans lesquels le risque
sera connu, il sera accepté dans ses conséquences en termes d’organisation. Avec la
convention financière, il y aura un accord
pour financer un certain nombre de mesures
quelle qu’elles soient pour que ce soit mis en
œuvre. Ce sont deux marques d’acceptabilité qui ne sont pas négligeables. Cela ne
veut pas dire pour autant que l’on accepte le
risque ad vitam æternam et que l’on se refuse
à faire des progrès. Mais quand nous aurons
franchi ces deux étapes, partout où il y a des
PPRT, je trouve que c’est un signal. Collective-
185
Plénière 2
ment, il y aurait eu un accord entre l’industriel,
l’Etat, les collectivités et avec la concertation
et la consultation de la population, sur un point
d’équilibre avec lequel on va vivre, même si ce
n’est pas parfait, ni idéal. Si on peut le faire progresser, on le fera, mais vivons au moins avec
cela pendant que l’on peut.
I Maryse Arditi
L’acceptabilité du risque, ce n’est pas seulement l’usine Seveso et les PPRT. Je sais qu’aujourd’hui, c’est omniprésent mais je voudrais
que l’on ait une vision plus générale. Quels
risques êtes-vous prêt à accepter à un endroit
donné ? La réponse normale, c’est quel avantage j’en ai. Tous les salariés d’une usine sont
les meilleurs médiateurs pour que les gens dans
l’environnement acceptent l’usine. Il y a leur
famille, ils la font vivre, puis il y a tous les gens
autour, cela fait vivre toute une activité. Eux,
ils voient bien leur avantage. La seule chose
qu’ils souhaitent, c’est bien évidemment que
l’on réduise les risques au maximum parce que
de toute façon si il y a un pépin, c’est eux qui
payent en premier.
Vous avez aussi prononcé le mot « principe
de précaution ». Quand un nouveau produit
émerge, quel risque le public accepte-t-il ?
I Philippe Lefait
Sur le téléphone portable, il accepte actuellement tous les risques.
I Maryse Arditi
186
Il accepte des risques sur le téléphone portable, mais il demande que l’on fasse attention
aux antennes et que l’on y diminue le risque.
Sur les nanotechnologies, pour l’instant, il est
plutôt contre parce qu’il n’a pas encore vu
quel en est l’avantage. Il commence à entendre des bruits sur les inconvénients. Sur les
OGM, il est clairement contre. Je vais vous dire
quelle est la vraie traduction. Tout ce qui relève du principe de précaution, le vrai, (arrêtons d’appeler principe de précaution n’importe quoi), c’est un principe sur des risques
de dangers que l’on ne connaît pas, que l’on
cerne mal. Pour moi, l’évidence, c’est quand
un risque est innassurable par un assureur. Vous
pouvez être sûr que l’on est dans le principe
de précaution.
I Philippe Lefait
C’est un bon signe.
I Mar yse Arditi
Cela veut dire que lui est incapable. Si lui ne
peut pas l’évaluer, personne ne peut l’évaluer. Dans ces conditions, il ne peut pas l’assurer. Si il y a un risque sur lequel on ne peut
pas savoir quel est le risque et si l’intérêt
pour le citoyen est nul, il va vous dire que le
risque qu’il va accepter est nul, lui aussi. Et
le risque zéro n’existe pas. Essayez de garder
cette idée en tête. S’il y a un inconvénient
je veux bien, mais j’en tire un petit intérêt.
C’est quoi l’intérêt ? Si je n’ai que des inconvénients et pas d’avantage, je ne vais
pas marcher.
Questions de la salle
I Fabrice Delhomme, Association Denain
Ecologie
Avant de poser mes questions, je voudrais
d’abord étayer deux exemples que l’on vit à
travers notre association. Le premier, c’est un
site sur lequel était prévu de mettre des décharges de classe 1, 2 et 3. Le rapport réalisé
par l’entreprise propriétaire du site disait que
c’était un milieu rural. Le sol était apte à recevoir ce type de construction. Seulement, ce
milieu se trouve quasiment en plein cœur de
ville et le terrain n’est pas du tout approprié.
Suite à différents débats, différents combats,
le projet est donc abrogé.
Le deuxième exemple concerne le canal de
l’Escaut que l’on veut élargir pour tout un réseau commercial. Il y a le problème de stockage des boues, sans compter les pollutions
historiques qui sont au fond du canal qui vont
couler tout le long, avec tous ces travaux.
Par rapport à ces boues, l’entreprise qui a
eu le contrat pour le stockage de ces boues
fonctionne déjà actuellement en surcharge
d’exploitation. Pourtant elle va le faire, ce qui
m’inquiète. Quand on parle d’entreprise à
risques, ne serait-il pas plus judicieux de parler
de situation à risques plutôt que d’entreprise
à risques ?
I Nicolas De Warren
On raisonne sur des établissements bien évidemment, des sites industriels voire des ateliers à l’intérieur d’un site ou d’une plateforme.
I Une personne de la salle
J’ai écouté les débats et à cet instant précis,
je n’y comprends plus rien. J’ai entendu parler de PPRT. J’ai moi-même participé à l’élaboration du PPRT des installations Seveso près
de chez moi. J’ai entendu dire qu’il fallait accélérer le mouvement pour les terminer. On a
dit beaucoup de bien sur la convention financière tripartite. D’un autre côté, j’ai aussi entendu la tribune dire que le danger ce n’était
pas l’usine Seveso, c’est le PPRT. Je me pose
des questions.
Maintenant, je voudrais quand même dire à
Monsieur Delebarre que j’ai beaucoup apprécié ses grandes qualités d’orateur qu’on
lui connaît. J’ai même entendu dire, près de
moi : « on voit que c’est un politique ». C’est
une qualité que l’on vous reconnaît. Mais
Monsieur Delebarre, j’ai eu l’impression de
comprendre à travers à vos propos qu’une
installation Seveso, ce n’est pas dangereux,
comme s’il n’y avait jamais eu d’accident et
que l’on peut espérer qu’il n’y en aura jamais.
Je le souhaite, à Dunkerque en particulier.
Mais je me pose des questions, parce que j’ai
eu l’impression qu’en ce qui vous concerne,
la perte de la taxe professionnelle, c’était
une sacrée tragédie.
I Michel Delebarre
Je voudrais réajuster les choses. La tragédie
n’est pas que pour moi. Elle est pour 220 000
personnes qui vivent dans l’agglomération.
La taxe professionnelle, c’est des moyens financiers qui sont recyclés en équipements
collectifs, en solidarité sur un territoire et cela
concerne des milliers de personnes.
A propos de Seveso, peut-être me suis-je mal
exprimé. Je dis simplement que quand vous
ou la presse annonce qu’une entreprise Seveso va s’installer dans l’agglomération dunkerquoise, les personnes le vivent comme un
risque supplémentaire. Or, je voulais rappeler
que la directive Seveso ne fait qu’imposer le
maximum de précautions à l’égard de l’entre-
187
Plénière 2
188
prise qui va s’implanter. Ce n’est pas comme
s i o n n i a i t l e c a ra c t è re d a n g ereux de l’en t re p r i s e . M a i s l e s d i re c t i ve s européennes ,
re l a y é e s par les lois françaises, disent que
cette entreprise devra prendre toute une série de précautions par rapport à son activité.
Il y a une forme de contresens derrière Seveso
et il faut expliquer que ce sont les éléments
de précaution qui garantissent que cette entreprise pourra fonctionner sur un territoire
avec un minimum de risques.
A propos des PPRT, je reconnais avoir dit que
le risque industriel, je me demande si, dans
certains cas, ce n’est pas le PPRT qui est la
plus grande zone de risques. Parlons par
exemple d’une commune de mon agglomération, Saint-Pol-sur-Mer, juste à côté de Dunkerque. 50 % du territoire est compris dans la
patate. 50 % du territoire d’une commune qui
fait 22 000 habitants. Cela signifie que vous
commencez à dire à, à peu près 10 000 habitants : « vous savez les travaux dans votre maison, vous allez pouvoir les revoir parce qu’il va
falloir prendre beaucoup plus de précautions,
sans compter celles qui ne seront plus négociables parce que vous êtes dans une zone
de PPRT ». Le PPRT, c’est comme faire mijoter quelque chose : vous laissez sur le feu et
après quelques mois il bonifie. Il bonifie parce
que la DREAL a fait des études et la patate
est devenue une frite. Le périmètre est revu.
La seconde perception du PPRT, quand la
zone a été revue, finit par concerner beaucoup moins d’habitations et est vécue tout à
fait différemment.
Toutes les entreprises ne sont pas encore dans
le coup et puis les collectivités hésitent encore beaucoup. Prenons le temps d’expliquer
et d’affiner les PPRT. Il y a quelque chose qui
a été dit dans la table ronde précédente que
j’ai trouvé très intéressante. Le PPRT est déterminé en fonction des risques actuels de
l’entreprise implantée. Mais l’entreprise et
les gérants de l’entreprise peuvent aussi faire
des efforts pour diminuer les risques qui existent dans cette entreprise. Dès lors, le PPRT
change de configuration parce qu’une partie des risques sont carrément intégrés dans
l’entreprise et n’ont plus les mêmes conséquences sur l’environnement. C’est un travail
de coproduction qu’il faut faire assez vite,
mais qui doit être approfondi.
I Nicolas De Warren
Cela peut devenir dans ce cas-là une chips,
pour prolonger votre métaphore. Ce sont ce
que l’on appelle les mesures supplémentaires.
Cela consiste à travailler sur la réduction des
risques à la source. C’est ce qu’on fait, dans
les PPRT.
I Représentante de Lyondell Basel
Je trouve que les industriels, et je remercie la
personne qui est sur scène, ont été peu bavards, c’est pour cela que je prends la parole. Je représente le site Lyondell Basel dans
le midi, sur l’étang de Berre. Monsieur Ledenvic le connaît bien. J’apporte un petit témoignage. La première raffinerie de pétrole avait
été installée dans les années 1929, très loin de
la ville. Aujourd’hui, nous avons des riverains
justes contre les grillages. Donc je rejoins làdessus ce que disait Madame Arditi.
Un deuxième point. Nous avons mis en place
une politique de transparence au niveau de
notre site industriel et avant AZF (c’est un
point très important), nous avons mis en place
les premières CLIC. Ce qui est important, c’est
cette volonté de dialoguer avec nos riverains.
Un point qui me paraît important, c’est de
souligner que les industriels ont été extrêmement touchés par la crise. Le milieu industriel
a perdu des milliers d’emplois. C’est un élément que nous devons prendre en compte.
Je voudrais rebondir sur ce que disait Monsieur, quand il parlait de politique constante
par rapport à la législation. Cela me paraît
être un point très important. Si demain on dit
qu’il faut réduire de 20%, de 30% etc. il y a des
enjeux financiers importants. L’industriel veut
ce dialogue, veut cette transparence, mais
également un engagement avec le législateur dans ce cadre-là.
I Philippe Lefait
Une réciprocité du gagnant-gagnant.
I J o s e p h D u c o d y, M e m b r e a c t i f d e
l’association Pas d’explosifs dans nos villages
Je rebondis sur les PPRT. Nous avons accepté un PPRT pour une société de stockage,
devenu un magasin, c’est une grande surface de dynamites et de produits explosifs.
Le PPRT est à 14,5 tonnes. Il y a une nouvelle
demande d’augmentation du tonnage multiplié par cinq. Je trouve aberrant que le
PPRT de 14,5 tonnes reste valable pour les 64
tonnes. Le rayon d’action, la patate comme
vous le disait Monsieur le Ministre Delebarre,
n’a pas augmenté. La capacité était limitée
aux camions de trois tonnes. Aujourd’hui nous
sommes avec des camions de six tonnes, voire
huit tonnes, le camion et la remorque font 16
tonnes).
De plus, je pense que la société ne veut pas
dépenser un centime. Elle ne voit que son intérêt financier. C’est un groupe étranger qui
exploite et fait plusieurs dizaines de millions
de bénéfices par an. Elle avait proposé, lors
d’une réunion intercommunale, de mettre des
films sur les vitrages. Le directeur de la réunion
d’après, a dit : « il n’était pas question que je
dépense un centime, pour protéger vos habitations. Je me protège moi ». Il est question
qu’il rachète du terrain pour ne plus passer
avec ses camions devant l’école où il passe
actuellement.
I Philippe Ledenvic
Je n’irais certainement pas prendre position sur ce cas que je ne connais pas. Mais,
si l’aléa nouveau généré diffère de l’aléa
existant, si on a un risque qui a augmenté,
il est prévu dans la loi ce qui s’appelle les
ser vitudes d’utilité publique sur les territoires
nouveaux qui seraient impactés. Le PPRT a
pour vocation de régler l’existant. J’ai connu
d’autres dossiers où effectivement, en plus du
dossier de demande d’autorisation, il y avait
la demande d’institutions de ser vitudes d’utilité publique, pour compenser l’effet de l’aléa
nouveau ou de l’aléa supplémentaire.
I Philippe Lefait
Le débat reste ouvert. Je trouve que, cette
table ronde et celle de ce matin ont été particulièrement riches. Mais c’est ouvert. Cela
reste à discuter. Laurent Michel va conclure
cet après-midi.
189
Clôture
Laurent Michel, Directeur Général de la Prévention des Risques, Ministère
de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement durable et de la Mer
Il me revient le redoutable honneur, mais qui est aussi un plaisir, de conclure
ces Assises. Ce sont des Assises qui ont été riches et ont permis de continuer des échanges sur des sujets déjà traités lors des éditions précédentes et échanges qui sont renouvelés puisque les sujets avancent
dont les PPRT. Cela nous a permis aussi et on en avait longuement
discuté avec Michel Pascal et ses équipes, d’enrichir avec un certain nombre de sujets, entre autres, autour des impacts sanitaires
ou du post-accidentel par exemple. Nous n’avons pas oublié l’ouverture aux experts et aux acteurs étrangers européens en particulier, c’est quelque chose d’important pour ce type de travaux.
Je ne vais pas reprendre tout ce qui a été dit dans ce colloque, ni
reprendre toutes les politiques en cours. Je crois qu’on a bien vu
les progrès, les actions en cours et à venir.
190
Je retiens quelques enseignements et quelques messages pour finir.
Nous avons bien identifié aujourd’hui un certain nombre de consensus sur ce qui avance, mais aussi sur les difficultés. Nous avons beaucoup parlé de la concertation. On voit bien que le consensus est que
la concertation doit aller au-delà des structures, qu’on a un dialogue qui
soit compréhensible. J’ai aussi entendu dans l’atelier sur « les instances de
concertation » en y assistant un peu et dans son compte-rendu, l’importance
d’aller au-delà du premier cercle car il se forme un cercle de divers représentants
des acteurs qui commencent à approfondir, mais on doit aller au-delà de ce premier cercle. Sur la concertation, nous avons des outils qui ont été imposés ou rendus
possibles par les différentes lois successives. Vous connaissez les divers comités d’information, les plaquettes que l’on distribue, l’information des acquéreurs et des locataires. Au-delà des approches qui sont forgées au fur et à mesure de l’histoire, sur des
territoires plus larges qu’un simple site, nous avons des approches volontaires dont
les Secrétariats Permanents de Prévention des Pollutions Industrielles (celui de Côte
d’Opale Flandre a fêté son 20e anniversaire, certains ont presque 40 ans)… De nouveaux se créent et dans des visions encore plus larges que les seuls sujets industriels,
comme à Grenoble, où a été créée une structure pluri-partite de concertation sur la
globalité les questions de risques et d’environnement en connexion avec l’aménagement. Ceci est extrêmement important.
On a vu aussi que ces lieux institutionnels sont en plus des lieux de construction (je l’ai
entendu dans l’atelier sur les études sanitaires de zone), des endroits où on peut faire
émerger le sujet. On peut, comme cela a été dit sur le dunkerquois, développer des
visions à long terme, comme l’accueil des entreprises, les schémas. Je voudrais rassurer le Ministre Michel Delebarre. La loi Grenelle II n’impose rien. Elle permet au préfet
de créer, évidemment s’il y a un besoin, des commissions de suivis de sites, y compris
autour de sites non Seveso (c’est obligatoire pour les Seveso). Le préfet peut aussi les
créer pour des zones multi-sites. Il n’est pas obligé de le faire. Cela n’implique pas de
remplacer les SPPPI existants par ces commissions de suivi de site. On a d’ailleurs un
décret sur les SPPPI. J’en ai une forte conviction, sur la concertation, il n’y a plus besoin de créer de nouveaux outils obligatoires et bien léchés tel que le génie français
sait le faire. Il y a besoin de progresser encore dans l’appropriation des bonnes pratiques, dans ce dialogue encore plus élargi. Je crois qu’on peut dire que l’on réussit
à dialoguer dans un premier cercle de gens qui, au fur et à mesure s’y connaissent
(les élus les plus intéressés, le conseil municipal ou l’adjoint au maire ou le maire qui
a pris à bras-le-corps le dossier, les associatifs s’y investissent depuis des années, les
syndicats de salariés, évidemment l’administration et l’entreprise). Je crois qu’on l’a
assez bien réussi et il s’agit d’aller encore au-delà.
On a vu aussi dans les consensus, lors de la première table ronde, l’importance de
l’implication des salariés au quotidien, puis plus globalement les sujets organisationnels, par exemple sur la maintenance et le vieillissement. Sujet aussi qui pour l’administration doit traverser toujours notre action : la question de comment anticiper.
Quelles sont les nouvelles technologies qui peuvent présenter des risques ? Avec le
risque qui a été dit de révéler le risque. Nous travaillons actuellement avec d’autres
directions du ministère sur l’appréhension des risques du véhicule électrique. Le véhicule électrique présente des risques, comme pour les véhicules à essence, simplement ils sont un peu différents. Par ailleurs, il ne faut pas que cela pénalise le véhicule
électrique Le problème, ce n’est pas d’en parler, c’est que le risque existe. C’est
comme pour le PPRT.
Le panneau solaire aussi, on s’en préoccupe parce qu’il peut brûler. En même temps, Patrick Lagadec l’a bien dit : il faut essayer de se préparer à tout, mais aussi se préparer à
l’imprévu. C’est loin d’être simple. Quelles capacités à identifier des signaux aberrants ?
191
Clôture
192
Et puis les situations un peu imprévues qui génèrent les risques. Comme la question
des dérives de pollution à partir d’incendie, qui ne sont pas très gros, mais qui finalement génèrent des choses. Tout ça, ce sont des champs de travail et de réflexion qui
doivent sous-entendre l’action.
Quelques retours pour finir, sur des grands chantiers. On va parler du PPRT. On va bientôt appeler le PPRT une « passion française », comme un livre bien connu. Je voudrais
redire que l’idée initiale, c’était d’avancer sur ce qui est peut-être un échec que de
deux siècles, mais ce qui est un fait aujourd’hui, sur le sujet de la coexistence entre
l’urbanisme et un certain nombre de sites à risques, sans culpabiliser quiconque. On
part d’une situation. On renonce d’ailleurs à savoir si l’usine était là avant les habitations, si elle les a rejoints si le risque a diminué ou pas, depuis que les habitations
sont venues, on essaie d’avancer. La démarche a apporté de vrais plus, j’en suis intimement persuadé, par des faits et non pas par des convictions théoriques. Il y a eu
la réduction des vrais risques à la source induite par les études et par ailleurs, par les
investissements et pas par des changements de modèles même s’il évidemment que
l’on est amené à affiner les modèles. Mais nous sommes très vigilants à ne pas ramener les risques à la clôture du site par un changement de modèles, mais bien par des
investissements. Si cela ne ramène pas la clôture du site, nous le disons.
Les calculs de mes services montrent qu’entre le moment où il y avait de grands
patatoïdes, et le moment où l’on commence à avoir des frites, comme le disait Monsieur Delebarre, les superficies des zones impactées de ces cartes sont réduites de
plusieurs centaines de kilomètres carrés. Cela avait été comparé à la superficie d’un
département de la petite couronne parisienne. Si on réduit fortement les zones, c’est
parce que l’on a réduit les risques. Le plus, c’est que l’on aborde le sujet en se disant
que l’on va le résoudre peut-être pas pour la nuit des temps, parce que les choses
évolueront, les sites évolueront, mais que l’on va faire des progrès.
Il y a de vraies difficultés. Je ne les nierais pas. Il y a une complexité inhérente à cet
exercice. Il y a eu une instabilité du référentiel national ou local parce qu’on avançait. C’est un peu inévitable. Ce n’était nullement une tactique. C’est l’affinage de la
meilleure vision de ces risques. L’autre difficulté, c’est que la dimension n’est pas que
technique bien sûr, elle n’est pas que technique des risques, elle est d’aménagement
de vision globale du territoire, de ces zones industrielles, de ces zones d’habitations.
On voit de plus en plus qu’elle est humaine. Elle est humaine collective, mais aussi
humaine individuelle. Une personne disait ce matin « ça fait une chose de plus le PPRT
à laquelle on doit s’adapter. Et dans la vie, on a beaucoup de choses auxquelles
s’adapter ». Je suis tout à fait d’accord avec cette analyse, même si je crois que, au
bout d’un moment, petit à petit la compréhension, l’intérêt du dispositif avance. Il est
évident que c’est quelque chose d’éminemment complexe et perturbant. Je ne sais
pas si c’est une sortie d’incertitude, mais en tout cas c’est une entrée d’incertitude,
parce que c’est une autre difficulté, la durée du processus est nécessairement longue, à un moment certainement trop longue, mais bien nécessaire.
On a eu aussi d’autres difficultés dont j’espère que l’on va voir le bout, c’est le financement des travaux chez les riverains. Le crédit d’impôt de l’Etat a été relevé, il était
nettement insuffisant et c’est pour cela que la Loi Grenelle II a fait un progrès. Nous
ne sommes, je pense, plus très loin, et ce que j’ai entendu d’expressions publiques
des représentants industriels à la table ronde, me laissent bien penser qu’on va finaliser les apports complémentaires des collectivités et des industriels. Néanmoins, cela
restera difficile.
Malgré ces difficultés, il faut avancer. Il faut résoudre les incertitudes. Il faudra peutêtre à un moment arrêter un certain nombre de décisions. Elles pourront être douloureuses. Elles pourront peut-être ne pas être tout à fait l’idéal que l’on aurait souhaité,
côté administration, en termes de réduction du risque. Mais il faut avancer. Nous ne
pouvons être ni dans le déni du risque, ni dans des tergiversations, surtout quand il ne
reste plus que la convention tripartite à faire, que les cartes sont figées, que le préfet
a adopté le PPRT après l’enquête publique, après l’expression de tout le monde, et
qu’on a même des gens me disent : « écoutez, après tout cela nous aimerions partir ».
Il faut avancer.
Le risque n’est pas le PPRT. Le PPRT est sûrement une incertitude. La direction dont
j’ai la charge fait d’autres PPR, avec les DREAL et les Directions Départementales des
Territoires, les PPR inondations. On a aussi, même si cela est différent, ces difficultés,
quand on l’enclenche, le PPR inondations apparaît comme quelque chose qui ne
colle pas. Ce n’est pas lui qui ne colle pas, c’est notre politique globale qui doit permettre que malgré quelque chose qui sera toujours les inondations, ça colle un peu
mieux.
Pour finir, je rebondirai sur ce sujet. Malgré la crise, l’Etat a prévu de proposer au
Parlement (ce sera examiné en projet de loi de finances) une séquence triennale
de 100 puis 150 puis 200 millions d’euros d’engagement sur notre budget, ce qui
est en hausse. Cela marque donc une priorité très forte, malgré la crise qui touche
l’Etat autant que nous tous. Je ne suis pas sûr que dans deux ans aux prochaines Assises, nous aurons adopté tous les PPRT. Mais je souhaite vraiment que, maintenant on
193
Clôture
194
puisse concrétiser tout cet important travail qui a été fait. Ce travail qui déjà depuis
de nombreux mois, n’est pas que technique, mais qui est de discussions avec tous.
D’autres grands chantiers, on en a bien sûr.
Je redirai un mot sur le plan de modernisation maîtrise du vieillissement, que les uns
et les autres ont beaucoup évoqué. C’est une réflexion qui a démarré il y a deux
ans, vers novembre 2008, présentée par Madame JOUANNO, notre secrétaire d’Etat
chargée de l’écologie, le 13 janvier 2010. On en a parlé en plénière. Il y a eu aussi un
atelier qui a réuni énormément de monde. C’est un sujet important. Il ne s’agit pas
pour l’administration de dire que rien n’était fait. Il ne s’agissait pas de dire qu’uniformément il y a des problèmes partout de vieillissement. Il s’agissait de dire que
c’est un sujet important qui peut-être doit nous amener à changer un peu un certain
nombre de regards, parce que quand certaines installations deviennent un peu plus
anciennes que la moyenne, les phénomènes de dégradation ne sont pas tout à fait
les mêmes. Cela illustre aussi globalement la complexité des phénomènes, il y a des
phénomènes techniques, physiques, mais il y a aussi des questions d’organisation,
des orientations de maintenance, il y a des questions économiques. J’ai l’impression
maintenant qu’après cette maturation, on va avancer. Je voudrais d’ailleurs saluer
les acteurs en particulier les experts techniques du public, du parapublic ou des entreprises ou des fédérations qui sont investies dans des groupes de travail nationaux.
On fait un point là-dessus la semaine prochaine, pour constater globalement l’avancement des méthodes, qui nous permettront ensuite dans chaque entreprise de décliner tous ces inventaires, de renforcer certains contrôles sur les points critiques, où
il y a le plus de risques.
Je pourrai citer bien d’autres chantiers, comme celui des canalisations ou du plan
national santé environnement. Tout ceci, ce sont des chantiers lourds. Mais on voit
vraiment qu’ils avancent. On voit aussi qu’ils avancent parce que le dialogue en
amont, mais après aussi. En terme de concertation, on a des progrès à faire, que ce
soit nationalement ou localement dans ces dialogues. Parfois, on met toute l’énergie,
pour élaborer quelque chose, il faut le suivre.
Donc je conclurai en rappelant l’importance du dialogue, du respect mutuel dans
ce sujet, en ayant conscience que c’est difficile pour tous. Ce sont des dialogues
totalement dissymétriques pour tout le monde. D’ailleurs Jacky Bonnemains disait
qu’il faudrait mettre le bleu de chauffe des uns et des autres. C’est difficile pour tout
le monde, y compris pour les sachant parmi lesquels on a un peu l’administration.
Croyez bien, si vous êtes parmi les riverains, que ce n’est vraiment pas facile non plus
pour l’administration, parce qu’elle perçoit bien les difficultés, mais elle ne sait pas
toujours comment faire passer le message, ni même répondre à des questions complexes. Donc ce dialogue avec le respect mutuel, c’est ce qui peut nous permettre
de progresser, sans exclure bien sûr qu’à un moment il n’y ait pas d’accord, que nous
sommes dans des affaires régaliennes où l’Etat a une responsabilité en termes de sécurité publique (qui est à mon sens totalement indissociable des territoires et des entreprises). Cette responsabilité qui nous revient d’assumer sans faille, par les contrôles
et parfois par les sanctions.
Le dernier point, c’est qu’on sent bien dans tout cela, le besoin exprimé de lisibilité,
de stabilité, de simplification. Nous sommes prêts au niveau du ministère à simplifier les procédures, là où c’est possible, à condition expresse de ne rien abaisser en
termes d’exigences, en termes de protection de l’environnement et de sécurité. Tout
cela nécessite un accompagnement pour la mise en œuvre au quotidien. Il est clair
que c’est un mille-feuilles, et que dans le mille-feuilles il y a parfois la pâte qui peut
être un peu sèche même si la crème est bonne. Même si on va essayer de réduire le
nombre de feuilles, cela restera compliqué. La dimension d’accompagnement est
importante. Je pense aux actions que l’on a avec les fédérations professionnelles
pour expliquer la réglementation, tout cet accompagnement est nécessaire.
Je voudrais finir en remerciant bien chaleureusement, bien sincèrement, l’ensemble
des organisateurs des Assises et de l’Association Nationale des Risques Technologiques, avec deux pensées particulières : une pour la DREAL Nord - Pas-de-Calais,
une autre tout aussi particulière, pour tous ceux qui s’impliquent, qu’ils soient industriels, associatifs, dans l’Association Nationale des Assises des Risques Technologiques,
pour monter le programme. J’adresse aussi des remerciements à tous les intervenants,
entre autres à nos collègues étrangers qui n’ont pas finalement tant de problèmes
de transport que cela, et qui ont accepté de venir s’exprimer. Merci à tous ceux qui
ont participé à faire de ces Assises un moment d’échanges riches. Je ne pourrais pas
tous les citer, je vais en oublier.
La dernière fois, j’avais conclu en disant que les prochaines se tiendraient à Douai.
Je propose que nous continuions, si le Maire de Douai et la DREAL du Nord-Pas-deCalais souhaitent nous accueillir encore, à rester à Douai, probablement toujours sur
le rythme d’une fois tous les deux ans.
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Glossaire
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ADELFA : Assemblée pour la Défense de l’Environnement du Littoral Flandre-Artois
DEME : Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie - Etablissement puA
blic à caractère industriel et commercial, placé sous la tutelle conjointe des ministères
en charge de l’Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement,
de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche et de l’Économie, des Finances et de
l’Industrie. Participe à la mise en œuvre des politiques publiques dans les domaines de
l’environnement, de l’énergie et du développement durable.
A MARIS : Association nationale des communes pour les maîtrise des risques technolo
giques, anciennement ANCMRTM
A NCLI : Association Nationale des Commission Locales d’Information des activités nu
cléaires
ANDRA : Agence Nationale pour la gestion des Déchets Radioactifs
ARS : Agence Régionale de Santé
ASN : Autorité de Sûreté Nucléaire.
AZF : AZote Fertilisants, usine de la société Grande Paroisse, qui a détruite en 2001
B ARPI : Bureau d’Analyse des Risques et Pollutions Industrielles, structure spécifiquement
chargée du retour d’expérience au sein de la Direction générale de la prévention des
risques au MEDDTL
B ase ARIA : Base de données qui recense plus de 37 000 accidents ou incidents surve
nus en France ou à l’étranger
BASIAS : Inventaire des anciens sites industriels en France
B ASOL : Base de données des sites et sols pollués ou potentiellement pollués appelant
une action des pouvoirs publics, à titre préventif ou curatif
B uncefield (accident) : Incendie d’un dépôt de carburant de Buncefield (nord de
Londres) en décembre 2005
CA MARI : Certificat d’Aptitude à la Manipulation des Appareils de Radiologie In
dustrielle
CDH : Comité Départementaux d’Hygiène
CEA : Commissariat à l’Energie Atomique
CE DRE : Centre de Documentation, de recherche et d’expérimentations sur les pollu
tions accidentelles des eaux
CETIM : Centre Technique des Industries Mécaniques
CFDT : Confédération générale du travail
CGIET : Conseil Général de l’Industrie, de l’Energie et des Technologies
CGT : Confédération générale du travail
CHSCT : Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail
CLI : Comité Locaux d’Information
CLIC : Comité Locaux d’Information et de Concertation
CLIS : Commission Locale d’Information de surveillance
CNAM : Conservatoire National des Arts et Métiers
CNAMTS : Caisse Nationale de l’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés, définit la
politique de l’assurance maladie et pilote les organismes chargés de la mettre en œuvre
C NRS : Centre National de Recherche Scientifique. Organisme public de recherche à
caractère scientifique et technologique, placé sous la tutelle du Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche
C ODERST : Conseil Départemental de l’Environnement et des Risques Sanitaires et Tech
nologiques, anciennement le conseil départemental d’hygiène ou des carrières,
CODIRPA : Comité Directeur pour la gestion de la phase Post-Accidentelle
CS PR T : Conseil Supérieur de la prévention des risques technologiques (Anciennement
CSIC, Conseil Supérieur des Installations Classées)
CSS : Commission de Suivi de Site)
D DTM : Direction Départementale des Territoires et de la Mer
D EEE : Déchets d’Equipements Electriques et Electroniques
D eepwater Horizon : Plate-forme pétrolière louée par la compagnie pétrolière BP pour
forer dans le golfe du Mexique le puits le plus profond jamais creusé en offshore.
DGEC : Direction Générale de l’Energie et du Climat au sein du MEDDTL
DGPR : Direction Générale de la Prévention des Risques au sein du MEDDTL
D IRECCTE : Direction Régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consomma
tion, du Travail et de l’Emploi
D IREN : DIrection Régionale de l’Environnement
D onges (accident) : Accident survenu le 16 mars 2008 à la raffinerie de Donges (Loire
Atlantique) suite à une fuite de canalisation et qui a provoqué un déversement de plus
400 tonnes de fioul lourd au cours du chargement d’un navire
DRE : Direction Régionale de l’Equipement
D REAL : Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement.
Ces directions sont issues des fusions entre les DRIRE, DIREN et DRE entre 2009 et 2010
DRIRE : Direction Régionale de l’Industrie, de la Recherche et de l’Environnement
EPIC : Etablissement Public à Caractère Industriel et Commercial
ERSZ : Etude de Risques Sanitaires de Zone
F IPOL : Fonds internationaux d’indemnisation pour les dommages dus à la pollution par
les hydrocarbures. Il s’agit de trois organisations intergouvernementales (le Fonds de
1971, le Fonds de 1992 et le Fonds complémentaire) qui ont pour vocation l’indemnisation en cas de pollution par des hydrocarbures persistants à la suite de déversements
provenant de pétroliers.
FNE : France Nature Environnement. Fédération d’associations de défense de l’environ
nement créée en 1968, reconnue d’utilité publique depuis 1976, agréée par les pouvoirs
publics pour mener des actions en justice dans le domaine de l’environnement
F NTP : Fédération Nationale des Travaux Publics
FonCSI : Fondation Culture de sécurité industrielle (Créée en 2005)
G hislenghein (catastrophe de) : explosion d’une conduite de gaz à Ghislenghien (Bel
gique), survenue le 30 juillet 2004. La catastrophe a fait 24 morts et 132 mutilés et grands
brûlés.
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Glossaire
198
GPEC : Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences
GPN : Grande Paroisse Ammoniac (NH)
GRNC : Groupe Radioécologie Nord-Cotentin
ICSI : Institut pour une Culture de Sécurité Industrielle
IFREMER : Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer
INB : Installation Nucléaire de Base
I NERIS : Institut National l’EnviRonnement industriel et des rISques. Créé en 1990, Établis
sement Public à caractère Industriel et Commercial placé sous la tutelle du Ministère de
l’Écologie
I NRS : Institut National de Recherche et de Sécurité pour la prévention des accidents du
travail et des maladies professionnelles
INSA : Institut National des Arts Aplliqués
I NvS : Institut de Veille Sanitaire
IPPC (Directive) : Integrated Pollution Prevention and Control (Prévention et réduction intégrées des pollutions). La directive IPPC est un ensemble de règles européennes
ayant pour but de minimiser la pollution émanant de différentes sources industrielles.
I RSEM : Institut Stratégique de l’Ecole Militaire. Etude sur la perception des risques réels
et perçus depuis 10 ans.
IRSN : Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire
I SO : International Organization for Standardization, organisation internationale de nor
malisation
K atrina : Ouragan qui a touché les Etats Unis en août 2005, qui a fait officiellement plus
de 1830 morts et qui a provoqué la plus grave catastrophe naturelle de l’histoire du pays
L a Crau (accident) : Accident survenu en août 2009 suite à la rupture d’une conduite
de la Société du pipeline sud-européen (SPSE) qui a entraîné le déversement de près de
45000 m3 d’hydrocarbures dans la plaine de la Crau (PACA)
M EDDTL : Ministère de l’Ecologie, du Développement durable, des Transports et du Lo
gement
MEDEF : Mouvement des entreprises de France
MEEDDM : Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement durable et de la Mer
NATA (programme) :
NRDA : Natural Ressource Damage Assessement
ORGACTOUPOST (Programme) : ORGanisation des ACTeurs et des OUtils pour la gestion des Impacts POST-accidentels des accidents non nucléaires sur les populations et
l’environnement
PCB : Polychlorobiphényles
PLU : Plan Local d’Urbanisme
PMS : Plan de mise en Sûreté
POI : Plan d’Opération Interne
Post-traumatic Stress Disorder (Trouble de stress post-traumatique) : type de trouble
anxieux sévère qui se manifeste à la suite d’une expérience vécue comme traumatisante
PPI : Plan Particulier d’Intervention
PPMS : Plan Particulier de Mise en Sécurité
PPRI : Plan de Prévention des Risques Inondation
PPR T : Plan de Prévention des Risques Technologiques
R EACH : Règlement sur l’enregistrement, l’évaluation, l’autorisation et les restrictions des
substances chimiques
R éseau Francophone de Formation à la Sécurité (RFFST) : Créé suite aux recomman
dations du rapport du professeur William Dab remis en juillet 2008, a pour objectif de
donner aux cadres, une formation minimale dans le domaine de la santé au travail.
R isque Technolog ique (majeur) : Evénement accidentel se produisant sur un site in
dustriel et entraînant des conséquences immédiates graves pour le personnel, les populations avoisinantes, les biens ou l’environnement.
Risques Accidentels :
SCHAPI : Service Centrale d’Hydrométéorologie et d’Aide à la Prévision des Inondations
SC OT : Schéma de Cohérence Territoriale. Document d’urbanisme qui fixe, à l’échelle
d’une commune, ou d’un groupement de communes,
SEPA : Scottish Environment Protection Agency
Seveso : Directive européenne
SGS : Système de Gestion de Sécurité
SNIIM : Syndicat des Ingénieurs de l’Industrie et des Mines
SNPE :
S PPPI ou S3PI : Secrétariat Permanent pour la prévention des Pollutions Industrielles. Les
SPPPI sont au nombre de 15 en France et sont réunis dans le Club des SPPPI. extranet.
club-spppi.org
TGAP : Taxe Générale sur les Activités Polluantes
T hree Mile Island : Nom d’une île de Pennsylvanie aux États-Unis, associé à un accident
nucléaire produit le 28 mars 1979 sur cette l’île. Cet accident a été classé au niveau 5
de l’échelle internationale des événements nucléaires (INES).
TMD : Transport de Matières Dangereuses
T orrey Canyon : Naufrage du pétrolier d’une compagnie américaine, survenu le 18
mars 1967, chargé de 120 000 tonnes de brut et qui s’est échoué entre les îles Sorlingues et la côte britannique. Plusieurs nappes de pétrole sont venues toucher les côtes
britanniques et françaises. Certains des dispersants utilisés étaient plus toxiques que le
pétrole. Cet accident donne naissance aux premiers éléments des politiques française,
britannique et européenne de prévention et de lutte contre les grandes marées noires.
TSN (Loi) : Loi du 13 juin 2006 relative à la Transparence et à la Sécurité en matière Nucléaire
T ubiana (rapport) : Rapport sur les causes du cancer, coordonné par Maurice Tubiana
en mai 2009
UFIP : Union Française des Industries Pétrolières
UIC : Union des Industries Chimiques
VTR : Valeur Toxique de Référence
199
Tel : 03 27 71 22 99 Fax : 03 27 88 30 36
[email protected]
www.assises-risques.com
Organisées par les DREAL
200
avec le soutien de : Air Liquide, Aluminium Dunkerque, Anios, Arcelor, Dunkerque LNG, GPN, GRT Gaz, Minakem, Polimeri, Tessenderlo Groupe
partenaires : UIC, FNE, INERIS, SPPPI, AMARIS, UFIP, SNIIM
Conception et réalisation RL Event, www.rlevent.com - 2011
Assises Nationales des Risques Technologiques
Service Risques • DREAL
941, rue Charles Bourseul - BP 20750 - 59507 Douai