Commission Scientifique SFMU
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Commission Scientifique SFMU Commission Scientifique 2002/2003 : H. CARDOT (Argenteuil) G. CHERON (Paris) V. DANEL (Grenoble) G. DUVAL (Pontoise) A. FREY (Poissy) P. GERBEAUX (Marseille) T. JACQUET-FRANCILLON (Bourg-en-Bresse) P. LEVEAU (Thouars) M. MAIGNAN (Nancy) P. MIROUD (Amiens) P. PATERON (Bondy) • Secrétaire F. POCHARD (Paris) PM. ROY (Angers) C. VITOUX-BROT (Paris) ________________________________________________________ ________________________________________________________ ________________________________________________________ ________________________________________________________ ________________________________________________________ ________________________________________________________ ________________________________________________________ ________________________________________________________ IMPOTENCE FONCTIONNELLE DU MEMBRE SUPERIEUR DE L’ENFANT. DEMARCHE DIAGNOSTIQUE. G CHERON,!B COJOCARU, Ch GLORION. Département des Urgences Pédiatriques, hôpital Necker Enfants Malades, 149 rue de Sèvres, 75743 Paris cedex 15. Tél 01 44 49 42 92 Télécopie 01 44 49 42 99 Email [email protected] L’impotence fonctionnelle d’un membre résulte d’une pathologie osseuse, ostéo-articulaire ou neuromusculaire. L’examen clinique a pour objectifs d’identifier une région douloureuse ou déficitaire, de formuler des hypothèses diagnostiques afin de guider la prescription d’éventuels examens complémentaires. Le membre supérieur est un organe sensoriel et relationnel. Les séquelles motrices ou sensitives affectant ses fonctionnalités sont donc des handicaps redoutables. Par rapport au membre inférieur, la pathologie orthopédique infectieuse est moins fréquente mais les accidents, passé l’âge de 5 ans, atteignent plus souvent le membre supérieur. La démarche diagnostique repose sur des données d’interrogatoire, l’inspection, l’examen systématique et ordonné des segments et des articulations, le bilan vasculaire, le testing neuromusculaire. Elle est aidée en cas de traumatisme par des clichés radiologiques centrés sur la zone douloureuse, en cas de suspicion d’infection par la biologie et parfois l’échographie. Nous ne traiterons ni des paralysies globales du membre supérieur qui relèvent d’une atteinte du plexus brachial, ni des atteintes infectieuses qui sont l’objet d’un exposé spécifique. La notion de traumatisme est extrêmement fréquente chez l’enfant. Cela ne signifie pas que tout relève d’une chute ou d’un choc. Il est habituel tant au membre supérieur qu’au membre inférieur que le diagnostic d’ostéomyélite (ostéo arthrite) soit porté à l’occasion d’une impotence fonctionnelle rapportée par les parents à un traumatisme. I L’interrogatoire précise les circonstances d’un éventuel traumatisme (date, mécanisme), les soins ou manœuvres réalisées, les antécédents orthopédiques et médicaux (drépanocytose), le déroulement de l’accouchement s’il s’agit d’un nouveau-né (plexus brachial et rétention tête dernière), la notion de décalage thermique et bien sur la zone douloureuse. Ce temps est mis à profit pour regarder l’attitude spontanée du membre (membre ballant, avant bras et main en pronation, attitude classique du traumatisé du membre supérieur coude fléchi à 90°, la main valide soutenant l’avant bras ou le poignet, la mobilité active spontanée - 77 - des différents segments doigts, poignet, coude, épaule, position de l’extrémité céphalique sur l’épaule). C’est le moment d’administrer un antalgique. Il est choisi en fonction du mécanisme, de l’intensité de la douleur (EVA), de l’âge et des antécédents de l’enfant. Les recommandations de l’ANAES préconisent le recours aux antalgiques de palier III (morphine PO) pour les fractures déplacées mais aussi pour celles qui sont peu déplacées lorsque le palier II s’est avéré inefficace. La première étape de l’antalgie est toujours l’immobilisation de la zone traumatisée en prenant les articulations sus et sous jacentes. Avant de mettre en place l’attelle il faut néanmoins faire l’examen. Dans la grande majorité des cas, l’hématome, la déformation orientent vers le siège de la lésion. Il est indispensable de réaliser dans tous les cas un examen complet (lésions associées). L’enfant doit rester à jeun (ni boire ni manger) jusqu’à ce qu’un diagnostic et les modalités thérapeutiques aient été formulés. II L’examen clinique systématique et ordonné est réalisé sur un enfant déshabillé, torse nu. Les vêtements sont ôtés les uns après les autres en retirant en premier lieu la manche du côté indolore, puis en passant la tête, enfin en faisant glisser progressivement le vêtement le long du membre douloureux tout en maintenant immobile articulations et segments. L’inspection, de la région cervicale à l’extrémité des doigts, identifie les plaies, les dermabrasions, les hématomes, les œdèmes, les rougeurs, les déformations. Palpation et étude de la mobilité portent sur la totalité du membre supérieur, allant de l’une de ses extrémités à l’autre. Il est important de débuter l’examen loin de la zone douloureuse ou potentiellement telle, voir par l’autre membre, et de terminer l’examen par elle puisqu’il risque d’être douloureux, de provoquer des pleurs, d’annihiler toute velléité de coopération de la part de l’enfant. L’examen de la mobilité d’une articulation n’est pas justifié avant les clichés radiologiques si elle est manifestement très œdématiée, tuméfiée, ecchymotique. Lorsqu’il est réalisé, il faut immobiliser les articulations sus ou sous jacentes de manière générale et à fortiori non encore examinées ou douloureuses pour éviter douleur, suppléance ou compensation. Il est indispensable de palper toutes les métaphyses et de chercher un point douloureux, un œdème discret, une rougeur ou un simple érythème, une augmentation de la chaleur locale, en clair de penser à une cause infectieuse. - La clavicule est suivie du doigt sous la peau. Sa fracture est reconnue cliniquement (hématome, déformation, épaule pendante, point douloureux exquis, douleur à l’abduction du bras, douleur lorsque l’enfant est soulevé par les aisselles). Elle est médio-claviculaire 9 fois sur 10. - L’épaule du côté traumatisé est volontiers tombante. L’omoplate, le moignon de l’épaule, les reliefs de l’articulation scapulo-humérale sont palpés à la recherche d’un point douloureux. Les lésions du col huméral sont douloureuses à la pression appuyée soit de la face externe de l’extrémité supérieure du bras, à travers l’épaisseur du deltoïde, soit dans le creux axillaire. Elles ne permettent pas une abduction complète et indolore amenant la paume de la main sur le sommet du crâne. Les luxations de la tête humérale sont très rares. Antérieures presque toujours, elles sont palpées en avant de la glène et dans le creux axillaire. La scapulohumérale est testée en abduction, adduction, anté et rétro pulsion (ou flexion / extension), rotation interne et externe, l’avant bras à 90° sur le bras, l’examinateur maintenant le coude. - La diaphyse humérale est palpée sur toute sa hauteur. - Le coude est une région complexe, les lésions de la palette humérale, celles des condyles, de l’épitrochlée, de l’olécrane donnant de gros coudes douloureux. Un point douloureux exquis ou maximal est recherché par la palpation des reliefs (condyle latéral, épitrochlée en dedans, olécrane postérieur sont alignés sur une horizontale lorsque le coude est en extension), des épiphyses et notamment la palette humérale au dessus du pli de flexion, la tête radiale en dessous de ce trait. L’amplitude des mouvements de flexion - extension est notée. - L’avant bras est palpé le long de ses bords radial et cubital. La prono-supination est testée en dernier lieu, c’est à dire après l’examen du poignet, de la main et des doigts, lorsque l’impotence résulte d’un mouvement de traction sur la main ou le poignet sans chute (pronation douloureuse). - Le poignet est testé en flexion, en extension, en inclinaison radiale et cubitale. Outre la palpation des épiphyses radiale et cubitale, il faut rechercher un point douloureux par la pression à la base du premier métacarpien et dans le fond de la tabatière anatomique (scaphoïde), la main étant en inclinaison cubitale pour faire ressortir le scaphoïde dans la tabatière anatomique, en dessous et en dehors de la styloïde radiale. - La main et les doigts. La nature du traumatisme et l’inspection des faces dorsale et palmaire sont en règle suffisantes pour suspecter la lésion. Métacarpiens, phalanges sont palpés séparément les uns après les autres. L’examen est surtout un testing moteur et sensitif. La paume de la main en l’air il faut faire fléchir les doigts jusqu’à amener les pulpes au contact de la paume. Les doigts doivent rester parallèles et surtout les pulpes convergent vers l’éminence thénar. III Le bilan vasculaire est celui de tout traumatisme. Douleur, différence de température, pouls radial et capillaire, allongement du temps de recoloration, paresthésies de l’avant bras lors des fractures supra condyliennes!suggèrent une ischémie. La majoration de la douleur lors de l’extension passive des doigts est un signe précoce d’ischémie ou de souffrance vasculaire. Le pouls capillaire peut être conservé du fait d’une - 78 - circulation collatérale. Une douleur qui augmente doit faire réévaluer la vascularisation et redouter un syndrome de Volkmann (fracture supra condylienne, fracture des deux os avant bras, luxation du coude). IV Le testing recherche les déficits neurologiques. La clé se trouve au niveau de la main où se matérialise le mieux le déficit. Les territoires moteurs et sensitifs des nerfs radial, médian, cubital, musculocutané, circonflexe sont précisés dans le tableau 1. En pratique!: Déficit radial!: déficit d’extension du poignet et des métacarpophalangiennes, perte de la sensibilité à la face dorsale dans la commissure entre le pouce et l’index. Déficit médian!: déficit de flexion des doigts, de l’opposition du pouce, perte de la sensibilité de la pulpe de P3 de l’index (spécifiquement déficit de flexion de l’IPD du II). Déficit cubital!: ne peut écarter les doigts (musculature intrinsèque innervée par le cubital), perte de la sensibilité du bord cubital de la main, de la pulpe de P3 du V doigt. V Radiologie. V 1 La zone douloureuse a été immobilisée dans une attelle radio transparente prenant, lorsque c’est possible, les articulations sus et sous jacentes. Deux clichés à 90° l’un de l’autre sont nécessaires non pas tant pour reconnaître une fracture (un seul cliché suffit très souvent) que pour évaluer les déplacements (translation, rotation, angulation). En raison de l’importance des zones cartilagineuses aux extrémités des segments osseux, l’analyse radiologique est délicate voire difficile. Dans le doute des clichés comparatifs ou un cliché complémentaire (oblique) peuvent être nécessaires mais ils ne doivent surtout pas être systématiques. Dans tous les cas il faut se souvenir qu’une fracture s’accompagne d’un œdème des parties molles en regard et qu’il n’y a pas de lésion osseuse sans concordance radio clinique. Dans le doute la clinique doit prendre le pas et il est prudent de savoir au besoin immobiliser et de revoir l’enfant en consultation à distance avec de nouveaux clichés. V 2 Le type de fracture est précisé. Il existe des fractures diaphysaires, des fractures métaphysaires et des décollements épiphysaires. Quelques lésions sont spécifiques à l’enfant!: - Les fractures sous-périostées, ou « en bois vert » (une corticale est rompue, l'autre infléchie) trouvent leur explication anatomique dans la solidité du manchon périostique qui reste continu et limite le déplacement. - Le tassement trabéculaire ou « en motte de beurre » atteint, en général, la métaphyse d'un os long. Son explication anatomique se trouve dans la pénétration, par la zone dure diaphysaire, du tissu osseux moins résistant de la métaphyse; elle se traduit, à l'examen clinique, par une douleur métaphysaire et à l'examen radiographique par une image linéaire condensée en regard d'une soufflure de la corticale. - La déformation plastique!: modification de l’axe de la diaphyse (cubitus) sous l’effet d’un traumatisme allant au delà de l’élasticité du fût diaphysaire sans rupture des corticales. Elle est toujours associée à une fracture du second os du segment de membre (radius). - Le décollement épiphysaire remplace chez le jeune enfant l'entorse grave de l'adulte, la zone du cartilage de croissance étant moins solide que les ligaments de l'articulation avoisinante. Harris et Salter ont établi une classification des lésions du cartilage de croissance. 1) Le type I est un décollement épiphysaire pur, qui passe par la zone des cellules hypertrophiques sans lésion osseuse associée. 2) Le type II le plus fréquent réalise un décollement épiphysaire associé à l'arrachement d'un fragment osseux de la métaphyse, visible sur les radiographies. 3) Le type III est rare et réalise une fracture intra-articulaire dont le trait traverse l'épiphyse et la plaque de croissance, dans laquelle il se poursuit par un décollement épiphysaire. 4) Le type IV est une fracture verticale qui traverse l'épiphyse, le cartilage et la métaphyse; le déplacement entraîne donc une dénivellation entre les deux portions du cartilage. 5) Le type V est un écrasement du cartilage de croissance. Il peut être associé à un stade I, II , III ou IV. Lorsqu’il est isolé il peut être méconnu radiologiquement. V 3 De manière systématique il faut aussi analyser!: V 3 1 la minéralisation de l’os afin d’identifier les fractures pathologiques survenant sur une tumeur ou un kyste bénin (anévrysmal, granulome éosinophile, dysplasie fibreuse, ostéochondrome, fibrome non ossifiant, tumeur à cellules géantes) ou malignes (sarcome, neuroblastome), sur une pathologie osseuse congénitale (ostéogenèse imparfaite, ostéopétrose, neurofibromatose, maladie de Gaucher), une maladie du métabolisme phosphocalcique ou une ostéoporose résultant d’une immobilisation prolongée. V 3 2 la possibilité d’une maltraitance!: l’histoire est peu crédible, la fracture ne correspond pas au stade de développement moteur de l’enfant (clavicule avant deux ans, les deux os de l’avant bras avant un an, fracture spiroïde de l’humérus avant 3 ans, fracture des coins métaphysaires, arrachement sur l’acromion), l’enfant a des fractures multiples d’âge différents. - 79 - V 4 L’analyse des clichés du coude est certainement l’une des plus difficiles car c’est une chondroépiphyse. La chronologie d’apparition des noyaux d’ossification et quelques repères radiologiques doivent être connus. V 4 1 Chronologie d’apparition des pièces osseuses. * L’extrémité inférieure de l’humérus a 4 noyaux d’ossification (épiphyses). Le premier à apparaître est celui du condyle latéral et du versant externe de la trochlée (2 mois - 2 ans). Le second est celui de l’épitrochlée entre 4 et 7 ans (soudée à 9 ans). Le troisième est celui de la face interne de la trochlée entre 8 et 10 ans. Le dernier est celui de l’épicondyle en haut et en dehors entre 10 et 12 ans. La face interne de l’extrémité inférieure de l’humérus est donc majoritairement cartilagineuse jusqu’à l’âge de 10 ans et les fractures sont difficiles à identifier. De manière générale jusqu’à l’adolescence cette sous estimation est très fréquente dans les fractures des condyles interne et externe, la fracture emportant souvent un fragment cartilagineux. * Le noyau de la tête radiale apparaît vers 4-5 ans et celui de l’olécrane vers 7-9 ans. Ce dernier peut être fragmenté comme le noyau de croissance postéro inférieur du calcanéum et être discrètement séparé de la métaphyse (valeur de la concordance entre clinique et radiographies). V 4 2 Repères radiologiques. * Le noyau du condyle externe se projette toujours entre les bords supérieur et inférieur du radius quelle que soit la position du coude, sur les clichés de face comme de profil. En d’autres termes l’axe de l’extrémité supérieure du radius doit passer par le milieu du noyau du condyle externe. * Il existe un espace clair sur le cliché de profil entre le bord inférieur du noyau condylien externe et la partie verticale de la grande cavité sigmoïde du cubitus. * Sur le cliché de profil du coude fléchi à 90°, le bord antérieur de l’humérus croise le noyau du condyle externe dans sa moitié ou son tiers postérieur. S’il le croise dans sa moitié antérieure c’est le signe d’une fracture supra condylienne. * Les lignes graisseuses. Elles sont recherchées sur un cliché de profil strict (vérifier le bord antérieur du condyle externe), coude à 90°. Ces lignes graisseuses soulignent la capsule de l’articulation en avant (pas toujours visible avant 4 ans) et en arrière. Seule la ligne antérieure peut être normalement visible, parallèle au bord antérieur de la métaphyse humérale inférieure. La ligne postérieure peut être visible lorsque l’avant bras est en extension. Un épanchement intra articulaire se traduit par une clarté qui refoule ces lignes graisseuses, les décolle des structures osseuses. Ces épanchements témoignent d’une fracture intra articulaire qui parfois minime n’est pas vue sur les clichés car siégeant dans une zone cartilagineuse (un petit décollement uniquement antérieur peut ne pas obligatoirement témoigner d’une fracture). Dans tous les cas la présence d’un épanchement doit faire considérer qu’il y a fracture et donc immobiliser. V 4 3 Se souvenir en pratique!: il faut respecter la position antalgique - le coude ne doit pas sortir de l’attelle un traumatisé du coude se présente le coude en flexion et le cliché de face est difficile - le cliché de profil est le plus informatif - les meilleurs clichés sont réalisés avec un rayon horizontal et un enfant debout. Conclusion. L’impotence fonctionnelle post traumatique du membre supérieur de l’enfant est fréquente. L’examen clinique systématique mené avec douceur permet de focaliser les clichés radiologiques sur la zone douloureuse identifiée. Les particularités de l’enfant résident dans les zones de croissance, les propriétés mécaniques du squelette et les difficultés de l’analyse radiologique. La croissance ne répare pas les troubles de rotation. Toutes deux génèrent des séquelles fonctionnelles et esthétiques très lourdes et doivent être corrigées le plus parfaitement possibles par une équipe spécialisée. Références. - Children’s fractures. A radiological guide to safe practice. Thornton A, Gyll C. W.B. Saunders London 1999 (208 p). - Orthopédie pédiatrique quotidienne. A. Dimeglio. Sauramps médical 3ième édition, Montpellier 1991 (460 p). - Etzwiler LS. Hand and wrist injuries. In Pediatric Emergency Medicine. Concepts and clinical practice. RM Barkin editor. Mosby-Year Book, Inc 1997 (2nd ed) (391-402). - Joffe M. Upper extremity injuries. In Pediatric Emergency Medicine. 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