Les classes de la deuxième chance au Niger

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Les classes de la deuxième chance au Niger
Les classes de la deuxième
chance au Niger
dans une langue qui permette d’utiliser toute
une littérature scientifique déjà publiée et
donc d’y être préparé.
Au Niger comme dans toute l’Afrique ex colonie française, le français est la langue d’enseignement dès la première année d’école. Les
enfants doivent donc apprendre à lire et écrire
dans une langue qu’ils ne parlent pas et ne
comprennent pas.
L’école coloniale a pu réussir en partie parce
qu’elle ne scolarisait qu’une infime minorité
d’une classe d’âge et que les parents et les
enfants étaient sûrs qu’au bout de cet apprentissage douloureux, il y aurait un emploi stable
dans l’administration ou dans les entreprises
coloniales. De plus les élèves étaient recrutés
dans des milieux en partie francophones.
Aux indépendances dans les années 60, on
a généralisé cet enseignement uniquement
francophone. La multiplicité des langues dans
chaque pays, la quasi impossibilité, pour des
raisons politiques, de faire d’une des langues «
la langue » de communication et les tentatives
malheureuses tant à Madagascar qu’en Guinée ou en Algérie de supprimer brutalement
l’enseignement en français ont retardé la mise
en place d’une politique qui tienne compte de
l’ensemble des paramètres.
A savoir d’une part qu’il est nettement plus facile d’apprendre à lire et écrire dans sa langue
maternelle et d’autre part qu’il faut arriver à
ce que l’ensemble des citoyens ait une langue
dans laquelle ils puissent communiquer oralement et par écrit. Enfin pour ceux qui auraient
à faire des études supérieures autant les faire
D’où depuis une trentaine d’années les tentatives, les expériences d’enseignement bilingue ; on apprend à écrire et lire dans sa langue
maternelle, en même temps qu’on apprend à
parler le français. Le français est donc d’abord
matière d’enseignement et non langue d’enseignement. Certes c’est une matière importante
puisque qu’elle deviendra langue d’enseignement après quelques années d’apprentissage.
En 1973 le Niger s’était lancé dans une expérimentation de plusieurs écoles bilingues d’abord
en hausa dans la région de Zinder, puis en
zerma en 1976 à Tillabery, enfin, en 1979 en
trois autres langues le fulfulde, le tamajaq et le
kanuri. Cette expérience s’est développée jusqu’en 1988. Elle a été évaluée par l’UNESCO
en 1985. Depuis elle continue mais, jusque à
ces toutes dernières années, dans l’ignorance
des pouvoirs publics. La coopération allemande
a, par l’intermédiaire de la GTZ, élaboré un projet de soutien aux écoles bilingues intitulé 2PEB
(Projet Education de Base, Promotion de l’Enseignement Bilingue) et en 1997-98 le ministère
a fait une nouvelle évaluation avec l’appui de
la coopération allemande (GTZ-2PEB). Toutes
les évaluations arrivent à la même conclusion :
les élèves des écoles bilingues sont meilleurs en
français que ceux qui ont été scolarisés uniquement en français.
C’est dans ce contexte que s’est élaboré
le projet des classes (et non écoles) de la
deuxième chance. C’est dans le cadre d’un
projet plus vaste de la coopération française
qu’il s’inscrit, le projet ADEN, Appui à la Dynamisation de l’Education au Niger.
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Lorsque dans un village on ouvre une classe,
construite en dur ou non, on prend les jeunes
de 6 à 8 ans, puis l’année suivante on ouvre
une deuxième classe. Ce qui veut dire que les
enfants de plus de 8 ans lors de la première
ouverture ne seront jamais scolarisés.
L’idée a donc consisté à proposer au village
l’ouverture d’une deuxième classe pour tous
les enfants de 9 à 13 ans qui n’ont pas la chance de pouvoir être scolarisés. Cette classe est
dans l’école, elle en fait partie intégrante. Au
bout de quatre ans, les élèves seront présentés au Certificat de Fin d’Etudes. Cette classe
est donc amenée à disparaître puisque tous
les autres enfants auront été scolarisés.
La coopération française paye le maître de
cette classe, qui au bout de quatre ans sera
intégré dans le corps des volontaires que le
ministère embauche tous les ans.
Pour ouvrir une telle classe il y a d’abord une
discussion avec les villageois, veulent-ils cette
ouverture ? Cette classe se fera en langue
maternelle et l’apprentissage de la lecture
et de l’écriture se fera en langue maternelle.
Dès le départ on y apprendra le français et les
élèves seront préparés à passer leur Certificat
en français, comme les autres. La discussion
porte aussi sur le sens d’une école, à quoi ça
sert une école ? A quoi peut-elle servir pour
tous ceux qui resteront au village ou s’ils partent en ville ne seront pas fonctionnaires ?
Mais la discussion avec les villageois ne s’arrête pas là. On discute aussi des horaires de
classe. S’ils ont besoin des enfants pour les
travaux des champs le matin, l’école aura lieu
l’après-midi. Les dates des congés sont fonction des travaux des champs. Rappelons qu’en
France les vacances d’été n’ont pas été instaurées pour que les enseignants se bronzent
sur la Costa Brava, mais pour que les jeunes
paysans puissent participer aux travaux des
champs. Depuis qu’il n’y a plus de paysans,
(moins de 5% de la population), les jeunes vivent dans des grandes villes et pendant deux
mois ils sont livrés à eux- mêmes.
On fait aussi dans ces classes des Activités
Pratiques et Productives. Ce type d’activité
est souvent regardé avec peu d’enthousiasme par les paysans. « Envoyer nos enfants à
l’école pour apprendre à cultiver la terre c’est
inutile, nous savons le faire et mieux que l’instituteur » disent-ils.
J’ai assisté à la discussion suivante entre les promoteurs des classes de la deuxième chance et
les villageois : « Nous avons un ami ingénieur
agronome qui nous a parlé d’une semence de
mil plus résistante et qui produit plus (non elle
n’est pas transgénique), si vous donnez à l’école un petit champ, les élèves pourraient utiliser
cette semence, vous les aideriez pour que ce
soit bien fait et on pourrait voir le résultat, vous
jugeriez par vous mêmes.
Cette même discussion a eu lieu sur une race
de poulet plus résistante, là encore la demande était « vous nous construisez un poulailler,
l’école achète les poussins et on voit le résultat. »
Une école qui expérimente du nouveau, qui
prend les risques, voilà qui intéresse les paysans.
Dans un autre village, il y a un grave problème
d’eau. Il faut aller la chercher à plusieurs km.
Chaque famille utilise les enfants pour la corvée d’eau. Comme il y a aussi d’autres tâches,
le maître et les parents ont décidé que l’école
ne fonctionnerait que le soir. Mais le soir les
enfants sont trop fatigués.
Alors les discussions reprennent. L’idée est
de proposer aux parents que ce soit l’école
qui se charge de la corvée d’eau. Organiser
collectivement ce travail et faire le pari qu’il
se fera plus rapidement, plus efficacement, et
permettra aux enfants d’aller en classe à des
heures moins tardives. L’école fait fonction de
service public d’approvisionnement en eau.
Des activités pratiques et productives, il y en a
plein d’autres : certaines écoles ont construit
des fours à pain et fabrique du pain pour le
village, d’autres font de la poterie etc.
17 classes fonctionnaient ainsi en pays hausa.
Ces classes de la deuxième chance s’inscrivent
dans tout un mouvement qui depuis quelques
années voit se développer les écoles bilingues.
Ce sont les Centres d’Education au Développement (CED) au Mali instaurés par le ministre
Adama Samassekou, les Ecoles communautaires de Base (ECB) instaurées par le ministre
Mamadou Ndoye enfin les écoles satellites et
les Centre d’Education de Base Non Formel
(CEBNF) au Burkina.
Zinder, à Miria pour être précis, complètement
à l’est du pays.
Mais, même voulues par les ministres et intégrées au service public, ces écoles étaient « à
côté » et semblables aux « écoles communautaires » qui étaient elles en dehors du service
public. Les classes de la seconde chance font
non seulement partie du service public mais
sont dans l’école primaire. Le directeur de
l’école a une nouvelle section et les échanges
entre enseignants vont bon train.
Cette année 2007 verra deux autres classes
s’ouvrir cette fois au nord de Niamey dans
la région de Tillabery, financées par la région
Basse Normandie.
Les jeunes des classes de la deuxième chance,
parlent en classe, sont actifs, il y a des débats,
alors que dans les classes où seul le français est
admis, les enfants ne peuvent participer à la
classe puisqu’ils ne comprennent pratiquement
rien. Comment ne pas faire des comparaisons ?
Ces classes ont reçu l’aval des autorités à tous
les niveaux, que ce soit le Ministre de l’Education de base, le secrétaire général du ministère, ils soutiennent totalement ce projet. Ce
soutien, on le retrouve à tous les niveaux de
la hiérarchie administrative, au niveau du directeur régional de l’enseignement comme de
l’inspecteur ou des conseiller pédagogiques.
Ce projet a réussi à fédérer toutes les énergies possibles et imaginables, ainsi le R.A.R.E.
(Rassemblement Actif des Retraités de l’Enseignement du Niger) qui bénévolement vient en
appui du projet. Cet appui est d’autant plus
précieux que la formation des jeunes volontaires qui ont ces classes en charge, est réduite au
minimum, comme pour tous les volontaires de
l’éducation.
Avec l’appui des Régions Bretagne, Pays de la
Loire, et de l’entreprise le Point Afrique, nous
avons pu ouvrir cinq classes de la deuxième
chance, quatre classes sur le pourtour du Parc
W au sud de Niamey, et une cinquième en
pays touareg au nord-est de Niamey dans la
province de Tahoua. Elles ont démarré en janvier 2006.
Non, tout n’est pas simple. Si certaines classes
fonctionnent parfaitement, comme par exemple à Karey Kopto, des problèmes ont surgit
dans d’autres. Dans l’école d’Akoubounou en
pays Touareg, les enfants qui vont à l’école de
la première chance ont le midi un repas grâce
à l’aide du Programme Alimentaire Mondial,
ceux de la classe de la deuxième chance n’y
ont pas droit. Nous devons donc nourrir aussi
les jeunes de la classe de la deuxième chance,
ce qui n’était pas prévu au budget.
A Boumba, des conflits ont surgi entre le nouveau directeur de l’école de la première chance, qui avait du mal à accepter la classe de la
deuxième chance, et le jeune maître qui enseignait dans la C2C, nous avons dû la déplacer.
Enfin à Molli et Tondey l’assiduité des maîtres
a posé des problèmes. Heureusement Mahamadou Saïdou responsable du RAEDD, notre
partenaire, Mahamane Oumarou conseiller
pédagogique en retraite qui avait suivi les classes de Miria et Fanny Merlot de l’AFVP qui travaille à mi-temps pour le REPTA se sont rendus
à plusieurs reprises sur le terrain pour trouver
des solutions à toutes ces difficultés.
Le REPTA reprend cette expérience initiée par
la Coopération française en partenariat avec
Aide et Action dans 13 écoles de la région de
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