Format PDF - Racingstub

Transcription

Format PDF - Racingstub
11/02/2017 21:43
http://www.racingstub.com
Cette page peut être consultée en ligne à l'adresse http://racingstub.com/articles/3787-waterloo-sunset
Waterloo Sunset
0.0 / 5
(0 note)  18/07/2011 05:00  Au jour le jour  Lu 1.765 fois  Par strohteam  3 comm.
© kibitz
Sauf ultime rebondissement, la décision du tribunal de grande instance aujourd'hui devrait entériner
l'inéluctable : la fin de 72 années de football professionnel à Strasbourg.
Tout avait débuté le 10 juin 1933 au restaurant de la Bourse. C'est dans cette grande brasserie « à la parisienne » bien connue
des Strasbourgeois que se tint l'assemblée générale du Racing qui décida l'adhésion au professionnalisme, par 127 voix contre
2, et 6 abstentions. Un an plus tôt, le club avait choisi de temporiser au moment de la création du « National », Mulhouse étant
alors le premier club alsacien à passer le cap du professionnalisme. A cette date, beaucoup de clubs français étaient encore
dubitatifs à propos de la création d'un championnat sur le modèle de la Football League anglaise. La question n'était pas tant
celle de la rémunération des joueurs ​ qui se pratiquait de façon hypocrite depuis une bonne dizaine d'années au moins​ que de
l'économie générale : les frais supplémentaires induits par des déplacements réguliers dans tout l'Hexagone seraient-ils
compensés par un réel surcroît de recettes au guichets ? Le succès médiatique et populaire de la première édition du
championnat professionnel dissipa rapidement ces doutes, et 1933 précipita donc les vocations, à Strasbourg comme à SaintEtienne ou Monaco.
Ce grand bond en avant de 1933 couronnait la progression d'un club qui, parti de pas grand chose, s'était imposé sur une
scène locale déjà bien chargée. Il ne faut jamais oublier que le FC Neudorf est à l'origine un club de faubourg, à une époque où
cette notion voulait vraiment dire quelque chose sur le plan géographique et social. Contrairement à la plupart de ses
homologues du championnat d'Alsace, le club n'a pas grandi au centre de sa cité. Il s'est construit à la marge, par un
enracinement populaire et le talent de ses dirigeants, Charles Belling en tête. C'est cette dimension populaire qui fonde le
clivage avec l'autre grand club de la ville, l'Association sportive de Strasbourg (ASS), bien plus prisée des habitants du centreville et des élites locales. Attachée au valeurs originelles du sport et de l'olympisme, l'ASS ne peut véritablement envisager le
professionnalisme, contraire au mythe aristocratique du sportsman. Professionnaliser le sport dans cet esprit, c'est l'avilir en y
introduisant l'argent mais aussi, et surtout, en l'ouvrant aux classes les moins aisées de la société. Pourtant, ce combat est déjà
largement perdu : en 1933, les compétitions de football attirent depuis longtemps les foules et brassent déjà des sommes
d'argent non négligeables, où le Trésor public n'a pas tardé à puiser son écot. Trois ans plus tard ce sera le Front populaire, qui
fait sauter une autre digue d'un mode de vie un temps réservé aux classes aisées : les vacances, et notamment les bains de
mer. L'ASS est donc en retard sur son temps, et c'est le Racing qui va logiquement prendre le rôle de porte-flambeau du
football local, puis très vite régional.
Au-delà de ses vicissitudes, le RCS a assumé pendant 78 ans ce rôle de fleuron du sport alsacien, se constituant ainsi un large
public. Un statut jamais remis en cause, même s'il y eut des anicroches comme en 1989, quand Strasbourg et Mulhouse se
croisèrent dans l'ascenseur entre D2 et D1. Les belles années 1930, les succès en 1951 et 1966 et bien sûr le titre en 1979 ont
alimenté la constitution d'une large base populaire couvrant assez exhaustivement les deux départements alsaciens et même
parfois leurs alentours immédiats, dans les Vosges ou l'Est de la Moselle notamment. Même en troisième division, même très
mal en point, le Racng suscite en Alsace un intérêt à nul autre pareil, même s'il est très souvent à double tranchant. Il suffit de
voir pour cela la large couverture consacrée par la presse locale au déclin d'un club qui est pourtant loin d'être le plus
voir pour cela la large couverture consacrée par la presse locale au déclin d'un club qui est pourtant loin d'être le plus
performant sur la scène régionale. Un niveau d'attention dont rêvent sans doutes les hockeyeurs de l'Etoile Noire ou les
volleyeuses de l'ASPTT Mulhouse, pourtant tous deux vice-champions de France lors de la saison écoulée.
C'est ce public, malmené, déchiré, mais toujours là, qui constitue le plus beau gage de renaissance du Racing.
Contrairement à ce que l'on peut lire un peu partout ces derniers temps, le club n'est pas « mort », ou en passe d'être. La
thématique du décès est trompeuse, et généralement brandie par ceux qui n'ont pu, ou voulu, se résoudre à l'inéluctable : la
faillite de la Société anonyme sportive professionnelle (SASP), minée par l'incurie de ses dirigeants et un modèle économique à
bout de souffle. Ceux-là ont préféré s'acharner inutilement en présentant des plans de reprises où le retentissement
médiatique contrastait nettement avec la maigreur des moyens alloués. Le dépôt de bilan était prévisible, et prévu, depuis des
mois, depuis l'automne même, au moment où Jafar Hilali a annoncé qu'il ne remettrait plus un centime au pot tout en
continuant à accumuler les passifs à court et moyen terme. A ce stade, brûler de l'argent pour racheter, recapitaliser et
relancer le Racing relevait de l'ineptie sur le plan économique, ce que la passion ne peut que très faiblement compenser
lorsque l'on parle en dizaine de millions d'euros. Contrairement aux fantasmes, les Dietmar Hopp ou les cheikh Tamim bin
Hamad Al Thani ne courent pas les rues en quête de danseuse à entretenir.
La relance du Racing doit donc passer au moins en partie par un retour au fonctionnement associatif. Le club a pour cela
l'immense chance de pouvoir s'appuyer sur le public constitué tout au long des années de gloire. Ce sera ainsi l'occasion de
retrouver les racines populaires qui ont fait sa force à l'origine. Le RCS a été amateur avant d'être professionnel et n'aurait pu
devenir une société de spectacle sans des années préalables de fonctionnement associatif. Ce qui vient d'être défait peut être
refait, même si ce ne sera évidemment pas une partie de plaisir. A ce titre, l'agitation stérile des dernières semaines a fait
perdre un temps précieux au « plan B », pourtant le seul qui ait jamais vraiment existé. La saison 2011/2012 est de ce fait
largement compromise et ne pourrait bien servir qu'à marquer une transition.
Mais il n'y a, dans le fond, aucune raison pour que les Strasbourgeois soient plus bêtes que les Brestois ou les Valenciennois, ou
même que les supporters de l'AFC Wimbledon ou des Bohemians de Prague. Avec un peu de chance, et beaucoup de travail, le
déclin brutal des années 2008-2011 pourra n'être au fond qu'une péripétie dans la longue histoire d'un club de haut niveau. Ce
n'est pas gagné, mais c'est loin d'être perdu d'avance.
strohteam