Le savoir moralisateur d`Eugénie Grandet

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Le savoir moralisateur d`Eugénie Grandet
The South Carolina Modern Language Review
Volume 3, Number 1
Le savoir moralisateur d’Eugénie Grandet
by Steven Urquhart
Queen's University
Souvent placé au rang des chefs-d’œuvre de la littératurefrançaise du XIXe
siècle, Eugénie Grandet a fait davantage pour la réputation d’Honoré de Balzac qu’aucun
autre roman.1 Ecrit en 1833, ce texte qui fait partie des Scènes de la vie de province, a
suscité au fil des années de nombreuses lectures variées et des analyses d’ordre
thématique, génétique, psychanalytique, comparatif et formel. Bien que ces analyses aient
contribué grandement à notre compréhension des personnages, de la richesse du texte et
du talent de l’écrivain, il existe toujours une problématique importante de l’œuvre à
explorer, notamment celle de la morale du texte. Dans l’étude d’Eugénie Grandet, la
tendance naturelle semble être de tout simplement constater que c’est un roman de
mœurs.En effet, presque toutes les études sur le texte, quel que soit l’objet particulier de
leur analyse, ont souligné l’importance de la critique par rapport à l’avarice, la vanité et
l’égoïsme qui caractérisent les personnages tels que M. Grandet et son neveu Charles
ainsi que les conséquences de tels défauts. Quant aux personnages principaux féminins
du récit que le narrateur prend plutôt en pitié, on remarque en examinant de près le texte
qu’elles aussi ont leurs propres défauts et qu’à la fin du roman, Madame Grandet et
Eugénie, comme les hommes du récit, connaissent une fin malheureuse. Quoique l’idée
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de l’ascension spirituelle de ces deux femmes à travers le renoncement à la vie terrestre interprétation de certains critiques - justifie leur sort et constitue une lecture tout à fait
plausible de la morale du texte,2 l’auteur semble faire une observation plus profonde, audelà de cette explication transparente sur la nature de la corruption humaine. Etant donné
l’ambiguïté qui marque le dénouement de l’œuvre, il convient donc de réexaminer cette
question à travers une remise en cause de la chute irrémédiable des personnages
principaux du roman et d’essayer de dégager en quoi consiste exactement l’agent clé qui
donne accès au bonheur dans la société balzacienne telle qu’elle est décrite dans Eugénie
Grandet.
Monsieur Grandet : peut-on trop savoir ?
Si on commence par examiner la description de M. Grandet, le personnage
masculin le plus important du roman, une des observations que l’on fait, c’est que le
narrateur intervient à plusieurs reprises dans le récit pour souligner l’animalité, la cruauté,
l’avarice et le caractère mystérieux de ce dernier. En conséquence de ce fait, le lecteur a
tendance à établir un rapport direct entre le caractère lamentable du vieil homme et sa
folie, vers la fin du texte. Certes, la rétribution divine ou bien la justice poétique, qui
punit la bassesse et le despotisme de Grandet, joue un rôle important dans sa chute, mais
réflexion faite, il faut constater que ce dernier ne change vraiment pas de caractère tout au
long du roman et qu’en dépit de son comportement tyrannique, il vit beaucoup plus
longtemps que sa femme, qui est visiblement plus pieuse que lui. En effet, en analysant le
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déclin de Grandet, on s’aperçoit qu’à part son obsession de l’or, il existe une autre force
qui exerce une influence fatale sur sa santé, c’est-à-dire le savoir.
Dès le début du roman, on remarque le fait que M. Grandet détient un savoir fort
important qui lui permet de véritablement tout diriger à sa guise dans la communauté.
Bien que Grandet n’ait pas l’érudition de ses voisins (le notaire M. Cruchot et le
banquier, M. des Grassins), son expérience de la vie lui a fourni une certaine
compréhension des usages du monde et un savoir-faire dont il tire profit pour parvenir
dans les affaires. Selon Max Andréoli, le père Grandet « constitue tout un monde » (16)
dans la mesure où il contrôle ce qui se passe autour de lui par une sorte d’omniscience
permanente des événements. Cette idée d’un univers ‘grandien’ où le vieil homme se
trouve présent ou mêlé à tout les événements de la région est reprise par Le Huenen et
Perron, qui caractérisent Grandet de « l’absolu du voir » (219). Autrement dit, les
connaissances et les calculs du vieillard lui accordent un pouvoir qu’il n’hésite pas à
exercer sur ceux qui l’entourent. L’importance du savoir et de l’ignorance dans le roman
est mise en évidence dès le début par le narrateur qui décrit le ‘bonhomme’ comme
« sachant lire, écrire et compter » (30) et, qui, par conséquent, met en valeur ses
capacités ainsi que sa compétence dans les activités commerciales de la région. Cette
lucidité chez Grandet est également démontrée dans la sphère privée par les membres de
la famille qui, en avouant « Il voit tout » (63), confirment que rien n’échappe à Grandet à
la maison.
Dans Eugénie Grandet, le savoir dénote à la fois, le statut social et économique
des personnages et constitue pour le vieil avare un outil qui lui permet de manipuler ses
semblables dans le commerce du vin, et donc de s’enrichir. En effet, pour tromper ses
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pareils, le vieil homme joue de son bégaiement, stratégie qui fait parler l’autre et donne
l’occasion d’apprendre des nouvelles potentiellement profitables sans dévoiler ses
propres renseignements sur les affaires.3 L’intelligence de Grandet se manifeste
également dans son silence ainsi que dans le jeu d’indécision : « je ne sais pas, je ne peux
pas, je ne veux pas, nous verrons cela » (36). Véritable source de pouvoir, le savoir agit
aussi comme une force motrice dans la vie de Grandet et détermine ses actions. Homme
extrêmement cachottier, « Eugénie et sa mère ne savaient rien de la fortune de Grandet »
(55) il profite de ses compétences pour donner l’apparence de ne rien savoir, et affecte
pendant tout le récit d’être plutôt ignorant. Cependant, il s’avère que c’est précisément
cette clarté d’esprit dont celui-ci abuse pour arriver à ses fins et tout contrôler qui
entraîne sa chute vers la fin du roman.
On voit le premier pas que Grandet fait vers sa fin malheureuse lorsqu’il apprend
qu’Eugénie n’a plus l’argent qu’il lui a donné au cours des années pour son anniversaire.
Bien que Grandet soit vexé par la perte de l’argent, en regardant de près, on remarque
qu’il semble davantage s’emporter parce qu’il ne ‘sait’ pas ce que sa fille en a fait.
Outragé, il montre sa frustration et rend explicite le rôle que le savoir jouera dans sa
déchéance en déclarant à Eugénie : « chez moi, quelqu’un aura pris ton or ! le seul or
qu’il y avait ! et je ne saurai pas qui ? » (167). Plus loin dans son discours, il reprend cette
idée lorsqu’il déclare : « Que diable, un chef de famille doit savoir où va l’or de sa
maison » (169), et confirme l’impuissance qu’il éprouve devant ce manque
d’information. Sans savoir qui a pris l’or, ni où il se trouve, Grandet n’est pas capable
d’agir et ne peut récupérer son argent. Dans cette scène, il faut également noter qu’en
ôtant par son silence ce pouvoir cognitif à Grandet, Eugénie non seulement prive son père
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du contrôle des circonstances, mais provoque aussi des émotions chez celui-ci. L’ironie
de cette situation se révèle également lorsque Grandet, soupçonnant son neveu, se sent
trahi par Charles alors que ce dernier n’a fait qu’emprunter l’argent qui lui a été offert. En
vérité, il semblerait que Grandet voie en son neveu son double (n’ont-ils pas tous les deux
épousé une riche héritière et ne parlent-ils pas le même langage) et l’idée d’être le dupe
de son rival au niveau du savoir-faire le rend furieux.4 En effet, on constate que le jeu
dont il s’agit dans Eugénie Grandet n’est pas qui a le plus d’argent, mais plutôt qui sait le
plus et que savoir, c’est pouvoir agir.
Cette première privation du savoir à laquelle Grandet doit faire face, semble
ébranler sa confiance et le fait douter de ses compétences. Ce fait se révèle par la suite
dans la description du manque d’exactitude dans les calculs faits par le vieil homme :
« Souvent il lui échappait quelque erreur dans ses chiffres » (172). L’affaiblissement de
Grandet se voit encore une fois lorsqu’on apprend qu’Eugénie deviendra héritière de sa
mère défunte. En analysant le discours de Grandet, on remarque qu’il semble avoir oublié
les circonstances de l’héritage, faits qu’il connaissait parfaitement comme il le montre
dans ses emportements contre sa fille : « je ne peux pas te déshériter, nom d’un tonneau »
(167).5 Le narrateur confirme de telles observations et note combien ces défaillances
affectent Grandet : « la succession ouverte était une première mort pour lui » (183).
Effectivement, l’accumulation de lacunes dans la clairvoyance du bonhomme a des
conséquences néfastes sur sa santé non seulement mentale, mais aussi physique. En
demandant à Eugénie de signer les documents qui la dépouillent de l’héritage maternel et
de ses droits sur la propriété, Grandet exprime sans détour qu’il est dépendant du savoir :
« je ne pourrais pas durer dans l’incertitude où je suis » (184), et « mon enfant, tu donnes
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la vie à ton père » (186). Ces proclamations illustrent qu’une compréhension totale des
actions d’autrui, et surtout de son propre avenir, est vitale pour le vieil avare.
Visiblement indispensable au vieillard, le savoir, restitué grâce à la signature de l’acte
officiel par Eugénie, permet à Grandet de continuer à vivre pendant cinq ans.6
Cependant, on s’aperçoit que sa santé commence à se détériorer au fur et à mesure qu’il
perd la maîtrise de ses connaissances et que la fin de l’apprentissage d’Eugénie semble
entraîner sa mort. Le narrateur met en relief le caractère « robuste » de l’état physique de
Grandet lorsqu’il initie Eugénie aux habitudes de la maison et, par la suite, il souligne la
paralysie du vieil homme, conséquence apparente du transfert de ses secrets à sa fille.
Aveuglé et paranoïaque dans ses derniers jours, faute de connaître l’état de ses comptes et
le déroulement des événements autour de lui, on note que Grandet subit le pire sort des
obsédés, la folie. En fait, ses derniers mots à Eugénie témoignent de sa crainte de
l’inconnu et illustrent combien sa capacité de tout savoir lui était un moyen de
survie : « Tu me rendras compte de ça là-bas » (189). Au cours de la vie de Grandet, le
savoir constitue une stratégie d’offensive et surtout de défense, et que la perte de cet
artifice de protection laisse le vieil homme vulnérable et précipite sa mort. En fin de
compte, ce n’est pas l’avarice tout simplement qui a provoqué la chute ultime de Grandet,
mais plutôt son désir excessif de tout savoir et de tout contrôler.
Charles Grandet et le savoir-faire
En passant à l’examen du deuxième personnage masculin du roman, Charles, le neveu de
Grandet, on découvre que lui aussi, malgré tous ses efforts pour réussir dans la vie, se
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trouve malheureux à la fin du récit. Jeune homme intelligent, mondain et ambitieux,
Charles manifeste une certaine arrogance quand il arrive en province chez les Grandet.
Ayant grandi et fait ses études dans la métropole, il est décrit comme quelqu’un qui a
connu la corruption du monde et possède grâce à son éducation un certain savoir-vivre.7
Ses vêtements et ses manières donnent l’image de quelqu’un qui est sûr de soi, mais c’est
justement cette confiance qui le mène à sa perte. Une analyse de sa chute démontre que le
savoir pour Charles est en fait une force trompeuse qui ne lui apporte qu’une série de
déceptions.
Lorsque le jeune dandy arrive chez Grandet, il est immédiatement déçu de ne pas
retrouver « la vie de château », (59) et par la suite, découvre son monde bouleversé par la
nouvelle du suicide de son père, incapable de supporter le déshonneur de la faillite. Pour
Charles, tout comme pour son père, la connaissance des impressions et des opinions des
autres représente une valeur incommensurable. Après avoir brièvement pleuré la mort de
son père, Charles se ressaisit rapidement et montre son caractère plutôt superficiel en
s’inquiétant davantage de l’effet de la ruine sur son rang social que de la perte d’un père :
« Mon honneur ?…cria le jeune homme » (103). La découverte de la banqueroute de son
père qui fait réfléchir Charles à sa chute sociale ainsi qu’aux conséquences qui
s’ensuivent constitue le premier pas du jeune homme vers une fin malheureuse.
Dans la description de Charles, le penchant du jeune homme pour la corruption, et à
l’instar de son oncle, son envie de se montrer supérieur aux autres par le savoir sont mise
en relief : « Les germes de l’économie politique à l’usage parisien, latents en son cœur,
ne devaient pas tarder à y fleurir » (135). En fait, le narrateur suggère que Charles, une
fois conscient et en possession d’un certain savoir-faire, va en profiter aux dépens de ses
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semblables. Vers la fin du roman, l’allusion à la nature corruptible de Charles s’avère
juste, et le lecteur apprend que les expériences de celui-ci lors de son séjour aux Indes
l’ont transformé en un homme cosmopolite « infatigable, audacieux, avide » (196), et que
son éducation relativiste a supprimé ses principes moraux : « Il n’eut plus de notions
fixes sur le juste et l’injuste » (196). Cette nouvelle compréhension des usages du monde
rend le jeune homme égoïste et très conscient de l’état de son rang dans la société qu’il
cherche coûte que coûte à rétablir. Absorbé par cette idée, Charles se lie d’amitié avec la
famille aristocrate des Aubrion lors de son retour en France, et par la suite, décide de
s’engager dans « un mariage de convenance » avec la fille, une jeune marquise laide qu’il
« n’aime pas le moins du monde [. . .] » (202) afin d’obtenir un titre de noblesse. Grâce à
cette décision, on remarque davantage les efforts de Charles pour manipuler l’opinion des
membres de la société à son égard et pour se faire passer pour ce qu’il n’est pas.
Dans la partie du roman qu’Evelyne Bloch Dano appelle « la fin des illusions »,8
on s’aperçoit à quel point l’ambition, et surtout le décalage entre ce que Charles croit
savoir et ses véritables connaissances, entraînent sa chute définitive. Le narrateur exprime
cette idée en informant le lecteur que Charles est dupe de son propre jeu de savoir et
d’apparences car les Aubrion, malgré leur position privilégiée à la cour, se retrouvent
criblés de dettes. En effet, c’est une nouvelle inattendue qui apporte le coup fatal aux
desseins de Charles et rend son avenir tout à fait malheureux. En découvrant qu’Eugénie
l’a acquitté de ses obligations envers les créanciers, et enfin, de la faillite de son père,
Charles « frappé tout à coup par une réflexion lumineuse » se rend compte qu’il est la
victime de ces propres croyances. En demandant si « elle est donc riche ? » (210) pour
vérifier la réalité de ses craintes, le jeune homme découvre qu’il s’est gravement trompé
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dans ses projets et qu’il est le responsable de sa propre ruine. Bien que le narrateur
n’élabore pas sur cette révélation, ni sur le sort de Charles, le lecteur comprend qu’à
cause de cette nouvelle, Charles connaîtra d’amers regrets et devra se résigner à épouser
une femme, issue d’une famille dépouillée de sa fortune, et dont il a horreur. Le rôle fatal
que joue le savoir dans cette situation ironique est davantage mis en valeur par
l’apparente franchise de Charles dans sa lettre à Eugénie, stratagème pour se
déculpabiliser qui le rend d’autant plus hypocrite. La fin regrettable du jeune homme
suggère que le savoir, que ce soit par son acquisition ou par sa perte, constitue un agent
trompeur qui porte malheur au neveu de Grandet, devenu la victime de ses propres ruses.
Le sort des femmes : Madame Grandet
Ayant examiné l’agent qui provoque la fin malencontreuse des personnages
masculins d’Eugénie Grandet, il convient maintenant de revoir précisément en quoi
consiste le sort plutôt malheureux des femmes dans le roman. Est-ce que le savoir est
également responsable de leur chute ou bien, s’agit-il d’autres causes ? Dans la deuxième
partie du récit, Mme Grandet, la femme de l’avare, meurt tragiquement en dépit de son
caractère innocent et pieux dont le narrateur fait l’éloge à maintes reprises. Bonne mère et
épouse, Mme Grandet, au début de l’histoire, est dépeinte comme une femme entièrement
soumise avec « [u]ne douceur angélique [. . .] une piété rare, une inaltérable égalité
d’âme » (48) et comme « une dévote qui ne sait pas coudre deux idées » (65). Désignée
par son « ilotisme », elle incarne l’image stéréotypée de la femme provinciale qui ignore
les intérêts du village ainsi que ceux de son mari.
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Le début de la fin de Madame Grandet se déclenche lorsque Eugénie lui apprend
qu’elle a offert son argent à son cousin Charles. La confession de sa fille agit comme une
rupture, voire un bouleversement dans la vie ignorante de cette femme, ce qui est évident
dans la description de cette scène tragique : « Madame Grandet fut alors initiée au terrible
secret de l’échange fait par le voyageur contre le trésor d’Eugénie » (159). A l’inverse de
son mari, l’ingénuité semble faire vivre Madame Grandet dont la santé s’altère après
qu’elle a eu connaissance du secret de sa fille. Son mari remarque cette
transformation chez sa femme en disant : « comme tu commences l’année, Madame
Grandet ? Tu n’as jamais tant parlé » (160). Quoique l’acquisition du savoir semble
donner à la mère d’Eugénie le don de la parole, on note toutefois qu’en même temps cette
nouvelle lui coupe l’appétit et lui enlève ses forces : « Je n’ai pas faim. Je suis toute
malingre [. . .] » (163). En effet, d’une femme silencieuse et saine, elle devient une
femme quelque peu rebelle, mais mourante.
Cette nouvelle condition physique et mentale de Madame Grandet, provoquée par
la révélation d’Eugénie, se transforme subitement en une maladie fatale devant la colère
et les menaces de Grandet qui enferme sa fille dans sa chambre. En effet, on remarque à
ce propos que l’intuition féminine de Madame Grandet, qui lui a permis de soupçonner le
caractère potentiellement diabolique de son époux : « elle avait, à d’imperceptibles
signes, pressenti la tempête intérieure qui agitait Grandet [. . .] » (76), se mue, par le biais
des connaissances acquises, en un savoir explicite de la cruauté dont son mari est capable.
Après l’emportement de Grandet, le narrateur met en évidence les conséquences du
discernement inaccoutumé de la brave femme : « Excitée par la crise nerveuse où elle se
trouvait, ou par le malheur de sa fille qui développait sa tendresse et son intelligence, la
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perspicacité de Madame Grandet lui fit apercevoir un mouvement terrible dans la loupe
de son mari [. . .] » (169). Ce nouvel état d’esprit fait ressortir l’instinct maternel de cette
femme qui défend Eugénie devant l’exaspération de son mari en gardant le silence et en
refusant de trahir la confidence de sa fille. On constate que cet acte compromet
l’honnêteté de Madame Grandet qui, en cette occasion, abuse comme son mari de son
savoir. En parlant à Eugénie, elle lui dit : « tu m’as fait faire un mensonge » (170). C’est
d’ailleurs ce qui, selon Anne-Marie Smith-DiBiasio, provoque la mort de la mère
d’Eugénie : « She dies from identifying literally with her daughter and her physical
vulnerability before the blows of her terrible father » (57). En effet, la reconnaissance du
comportement tyrannique de son mari semble entraîner la mort de Madame Grandet qui
n’arrive pas à supporter la réalité des circonstances de sa vie.
Tout au long de cet épisode, il semblerait que la prise de conscience de Madame
Grandet agisse comme une sorte de poison qui peu à peu sape sa vitalité. A travers la
description de cette femme mourante, et ses dernières paroles, on se rend compte de la
portée fatale de sa nouvelle lucidité : « Elle tremblait de laisser cette brebis, blanche
comme elle, seule au milieu du monde égoïste qui voulait lui arracher sa toison, ses
trésors » (184). Autrefois ignorante du monde, Madame Grandet découvre vers la fin de
sa vie la corruption sociale et l’importance des intérêts personnels, connaissances qui
provoquent sa mort. Avant d’expirer, elle confirme la portée fatale de son expérience de
la réalité en disant à sa fille : « il n’y a de bonheur que dans le ciel, tu le sauras un jour »
(184). Dans cette déclaration frappante qui préfigure la fin malheureuse de sa fille, on
constate le rôle malsain que joue la perte d’innocence dans la vie de Madame Grandet,
qui semble empoisonnée par la reconnaissance de ses pressentiments. De même que les
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personnages masculins du roman, la femme du vieil avare subit le malheur qu’apporte le
savoir.
Le sort d’Eugénie
A l’instar des autres membres de sa famille, la fille de Madame Grandet, Eugénie,
le personnage principal du roman, connaît un sort solitaire et plutôt désolant. Malgré les
efforts de la jeune fille tout au long de sa jeunesse pour devenir heureuse, à la fin du récit,
on remarque qu’elle reprend les habits de sa mère et qu’elle retombe dans les vieilles
habitudes de son père.9 En effet, elle ne parvient pas à s’échapper de l’atmosphère
gluante, voire immuable de Saumur, et ainsi marque non seulement le recommencement
du cercle vicieux de la vie provinciale, mais aussi l’apogée de la tragédie bourgeoise de
l’époque.
Au début du roman, le narrateur décrit Eugénie comme une jeune demoiselle
pieuse, naïve et sans culture, qui ne s’aperçoit aucunement de la monotonie de son
existence : « une ignorante fille sans cesse occupée à rapetasser des bas, à ravauder la
garde-robe de son père, et dont la vie s’était écoulée sous ces crasseux lambris sans voir
dans cette rue silencieuse plus d’un passant par heure [. . .] » (62). Pareille à sa mère, elle
est entièrement soumise à la volonté de son père et ne semble prétendre à rien en dehors
de sa vie rurale. Le portrait peu flatteur d’Eugénie, jeune fille de la campagne sans
éducation est renforcé à deux reprises par Madame des Grassins qui la dénomme « une
petite sotte » (65) et « une niaise, une fille sans fraîcheur » (70).
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Cependant, lors de son anniversaire et de l’arrivée de son cousin, Charles, un
Parisien de qui la jeune fille semble tomber instantanément amoureuse, elle subit une
transformation physique et psychologique. Dans cet épisode, qui a suscité de nombreux
commentaires, on découvre que ce n’est pas tellement un véritable sentiment d’amour
pour Charles qui provoque le changement chez Eugénie, mais plutôt la nouveauté de son
cousin.10 Le narrateur confirme cette idée par la description de l’état cognitif de la jeune
fille : « Il lui avait plus surgi d’idées en un quart d’heure qu’elle n’en avait eu depuis
qu’elle était au monde » (63). Agissant à la fois comme un portail qui ouvre sur le monde
et un miroir, Charles éveille en Eugénie « la plénitude de son intelligence et de ses
désirs » (82), lui permettant de prendre conscience non seulement de son apparence, mais
aussi de l’état de la société dans laquelle elle vit. Par sa simple présence, Charles fait
s’épanouir le savoir d’Eugénie et libère sa cousine de son aveuglement précédent : « Pour
la première fois, elle eut dans le cœur de la terreur à l’aspect de son père, [et] vit ne lui le
maître de son sort [. . .] » (82). Cette clairvoyance la libère en grande partie de la tyrannie
paternelle, et on remarque qu’elle passe du statut d’objet dans le récit à celui d’actant qui
désormais dirige son propre destin. Pour Hope Christiansen, cette nouvelle conscience se
manifeste sous forme de regard : « Not only does Eugénie begin to see almost
immediately, she also becomes a functioning member of the social group. [. . .] For
Eugénie, starting to see implies being able to act independently » (154). En effet, Eugénie
est émancipée par cette vision et gagne, en agissant à son gré, une certaine autonomie par
rapport à son père.
Pendant le séjour de Charles dans la maison Grandet, le narrateur ne cesse de
souligner à quel point l’éveil du savoir chez Eugénie pique sa curiosité, caractéristique
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qui pousse celle-ci vers l’indépendance et par conséquent, à compromettre sa vertu. En
fait, à plusieurs reprises dans cette partie du roman, le lecteur est témoin de la corruption
que provoque le nouveau savoir d’Eugénie. Après de nombreuses questions posées à son
père, ce qui lui apprend la signification de la mort et de la faillite déshonorante de son
oncle, Eugénie commence à s’interroger sur la valeur réelle de l’argent et se rend compte,
en faisant ses propres calculs, que Grandet pourrait libérer Charles de ses dettes, mais ne
veut pas lui rendre ce service. Le narrateur met en évidence l’épanouissement du savoir
chez la jeune fille en soulignant sa perte d’innocence : « Instruite, la Vertu calcule aussi
bien que le Vice. [. . .] Son ignorante vie avait cessé tout à coup, elle raisonna [. .
.] » (110). En apprenant la signification des circonstances de l’arrivée et du départ de
Charles, Eugénie réfléchit et reconnaît ses intérêts personnels, sentiments plutôt égoïstes
qui semblent provoquer son engagement non-sollicité dans cette affaire entre son père et
son cousin.
Cette perversion de la jeune fille par la lucidité est davantage révélée lorsqu’elle
veille constamment sur Charles, éprouvant le besoin d’être au courant non seulement de
l’état de sa santé, mais aussi de sa vie personnelle. L’importance du savoir pour Eugénie
ressort pleinement quand elle découvre les lettres privées de Charles. Quoique l’amour
semble aveugler Eugénie, son hésitation devant cette découverte inattendue et tentante
montre qu’il s’agit davantage d’une forte envie de connaître le passé de son cousin que
d’une impulsion amoureuse irréfléchie. En effet, il apparaît que sa nouvelle conscience
du monde engendre chez elle l’envie, voire le besoin de tout savoir et par conséquent, elle
ne peut s’empêcher d’ouvrir et de lire la correspondance intime de son cousin. Le
narrateur remarque l’effet de cette obsession sur Eugénie et suggère sa corruption
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définitive : « Pour la première fois de sa vie, le bien et le mal étaient en présence dans son
coeur. Jusque-là elle n’avait eu à rougir d’aucune action. La passion, la curiosité
l’emportèrent » (130). Devant la révélation de l’état financier de Charles, Eugénie devient
victime de ses intérêts personnels et décide de lui offrir son argent, ce qui attire par la
suite la colère de son père. Dans le cas d’Eugénie, le savoir représente une force qui
produit de faux espoirs chez la jeune fille et déclenche une série de malheurs dans sa vie
qui, malgré ses efforts pour les réparer, contribuent à son infortune.11
Après la mort de sa mère, il semblerait qu’Eugénie se sente coupable et que par la
signature de l’acte (dont elle n’a pas voulu connaître les détails) donnant les droits de
l’héritage à son père, elle essaie d’évacuer sa lucidité afin de retourner à son innocence
première. Mais ce geste la conduira inévitablement à être initiée aux « secrets du
ménage » que son père éprouve le besoin de lui confier. En fait, le renoncement au savoir
absolu chez Grandet et la passivité d’Eugénie devant une telle instruction semblent
assurer la fin tragique de la jeune femme. Le narrateur souligne l’influence paternelle :
« [Grandet] l’avait si bien accoutumée à toutes ses façons d’avarice, il les avait si
visiblement tournées chez elle en habitudes, qu’il lui laissa sans crainte les clefs de la
dépense, et l’institua la maîtresse au logis » (187), et on note le rapport de réciprocité
entre l’acquisition et la perte des connaissances chez ces deux personnages, ainsi que les
conséquences irrémédiablement négatives qui déterminent le lot d’Eugénie. Vers la fin du
roman, on se rend compte qu’en refusant l’héritage maternel, la jeune demoiselle hérite
de son père et malgré sa richesse, elle finit par vivre « comme avait vécu la pauvre
Eugénie Grandet, n’allum[ant] le feu de sa chambre qu’aux jours où jadis son père lui
permettait d’allumer le foyer de la salle, et l’étei[gnant] conformément au programme en
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vigueur dans ses jeunes années » (213). Ayant assimilé l’état d’esprit de son père,
Eugénie agit par habitude et semble ironiquement perdre la capacité d’exprimer ses
propres pensées.
Dans les dernières pages du roman, on est témoin de l’effet définitivement néfaste
du savoir dans la vie d’Eugénie : elle est trahie par Charles et valorisée par les habitants
du village uniquement pour son argent.12 En citant directement les paroles d’Eugénie, le
narrateur souligne de manière explicite le désespoir de celle-ci qui comprend le triste état
de son existence en disant à la domestique Nanon : « Il n’y a que toi qui m’aimes [. . .] »
(214). Bien que Alexander Fischler et Max Andréoli insistent sur la résignation comme
une forme d’indépendance pour Eugénie,13 on constate malgré tout qu’elle est la victime
de l’épanouissement de ses propres connaissances et qu’elle est condamnée à un sort
encore plus malheureux que celui suggéré au début du roman. Dans cette fin tragique,
non seulement Eugénie n’arrive pas à s’échapper de la réalité monotone et immuable de
sa vie provinciale, mais elle est aliénée pour toujours dans la société.
La morale de l’histoire
Ayant examiné la déchéance des personnages principaux du roman, il faut
désormais s’interroger sur la morale de l’histoire. Bien que cette question suscite de
nombreuses réponses selon l’interprétation du texte, en considérant la raison du sort
plutôt malheureux des personnages, nous avons vu que le mécanisme commun qui
déclenche la chute de ces derniers, est le savoir. Chez les hommes, la perte de ce savoir
entraîne un sort tragique, alors qu’au contraire pour les deux principaux personnages
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féminins, c’est l’acquisition du savoir qui entraîne leur triste fin. Que ce soit sous forme
de clairvoyance ou de compétence pratique, le savoir semble marquer la vie des
personnages de façon irrémédiable et enfin les réduire au niveau d’esclaves. Elément
négatif, voire fatal, la pensée agit en grande partie dans le roman comme une force plutôt
trompeuse, empoisonnée et destructrice.
Cela étant dit, on remarque par contre que l’état opposé, c’est-à-dire l’ignorance,
paraît offrir la clé du bonheur dans la société provinciale, telle qu’elle est décrite dans
Eugénie Grandet. Cette observation s’éclaire si l’on considère que le seul personnage du
roman qui réussit dans le récit à mener une existence heureuse, est la Grande Nanon.14
De tous les membres de la communauté rurale de Saumur, la domestique de la maison
Grandet est décrite comme une femme ingénue : « le cœur simple, la tête étroite de
Nanon ne pouvaient contenir qu’un sentiment et une idée » (44-45). Le père Grandet qui
la traite comme une enfant confirme cette intuition en disant : « Tu es bête, Nanon » (84).
A l’opposé de ses semblables dans le village, dont l’envie de tout savoir constitue une
sorte de panoptisme qui se développe dans une atmosphère fermée, « les commerçants se
trouvent avoir dix heures sur douze à employer en joyeuses parties, en observations,
commentaires, espionnages continuels », (30) Nanon ne s’occupe guère des affaires
d’autrui. Quoiqu’elle possède certaines connaissances, elle ne prend jamais conscience de
sa valeur matérielle, et donc reste pour ainsi dire, en dehors du jeu de savoir, qui finit par
déjouer les intérêts des participants. Au début du roman, on remarque que Nanon ne joue
pas aux cartes avec les voisins,15 et que sa compréhension du fonctionnement de la
maison Grandet ne provoque pas chez elle une prise de conscience de son état pitoyable
de domestique. En expliquant l’incapacité de Nanon à réfléchir sur sa propre condition :
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« Nanon elle-même sympathisait avec eux sans le savoir » (144), le narrateur met en
relief la maîtrise des instincts par la raison, ce qui, pour l’auteur, semble impliquer une
pensée calculée et une vision tendue vers l’avenir.
Parmi les « trois cœurs purs» (55) de la maison Grandet, Nanon est la seule à
connaître un sort favorable. Bien que chacun des personnages féminins montre une
certaine bonté et une « ignorance dans [sa] naïveté » (55), il faut constater que Nanon,
contrairement à Eugénie et à sa mère, maintient cette simplicité d’esprit, ce qui lui permet
de jouir du moment et de vivre heureuse : « Ni la Grande Nanon, ni Cornoiller n’ont
assez d’esprit pour comprendre les corruptions du monde » (214). En terminant ainsi son
roman, Balzac semble suggérer que non seulement le savoir entraîne la chute des
individus, mais aussi que l’ignorance représente le bonheur dans la société décrite dans
Eugénie Grandet. Quoique Eugénie soit le personnage principal du texte, Nanon semble,
par sa simplicité et la modération de ses passions, fournir un modèle idéal, mais ironique,
du savoir-vivre en société.
Tout compte fait, en analysant le déclin des personnages principaux d’Eugénie
Grandet, il paraît que Balzac s’est souscrit à l’expression anglaise « ignorance is
bliss » et qu’il a utilisé cette connaissance pour créer un roman moralisateur dénonçant la
corruption collective de la société. A une époque où le débat sur le progrès social tenait
une place considérable dans les discussions parmi les savants de la société, l’écrivain
semble s’interroger davantage sur « l’Affreuse condition de l’homme » (55), c’est-à-dire
la lutte entre l’âme et l’esprit chez l’être humain où l’individu se trouve tiraillé entre une
existence mondaine corrompue et une vie heureuse, mais ignorante. Question au centre
du roman qui visiblement préoccupait l’écrivain, elle lui a permis non seulement de
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mettre en cause le matérialisme de son temps, mais aussi de se demander si vraiment le
progrès se définit à partir d’un savoir individuel plus important. S’il y a une morale à
apprendre en lisant le roman, cela en est peut-être une et Balzac, homme religieux et
auteur habile, semble traiter d’une telle problématique à travers la structure même du
roman qui s’impose au lecteur comme un défi : Balzac dévoile la signification de tous les
événements du récit à l’exception du dénouement. Ainsi, il tend habilement un piège à la
fois esthétique et éthique au lecteur naïf qui, à l’instar de certains personnages du récit, se
laisse aller à son envie de tout savoir et qui découvre enfin la morale troublante
d’Eugénie Grandet.
Notes
1
Pierre Citron, dans sa préface à Eugénie Grandet, mentionne cet aspect et base ce jugement sur la
recherche de P.-G. Castex.
2
Je pense ici à Alexander Fischler et à Max Andréoli qui voient le sort des deux femmes d’une manière
plutôt positive. Le contraste entre la chute des personnages masculins du texte et le bonheur divin de ces
femmes constituent pour eux, en quelque sorte la morale du texte.
3
Selon Philippe Dufour « le bégaiement apparaît une stratégie ». Il explique dans son article les nombreux
effets du parler de M. Grandet.
4
On remarque la ressemblance entre Charles et Grandet également par le parallélisme de leur langage.
Grandet déclare au jeune homme « Vous avez perdu votre père ! ce n’était rien à dire. Les pères meurent
avant les enfants » (98), et dans la lettre à Eugénie, Charles dit, « La mort de nos parents est dans la nature,
et nous devons leur succéder » (200).
5
A ce moment, Grandet sait qu’il ne peut pas déshériter sa fille, un fait qu’il semble oublier plus tard.
Curieusement, lors d’une discussion avec M. Cruchot, il est surpris que sa fille soit en mesure de le
déshériter.
6
Balzac explique que « cinq ans se passèrent sans qu’aucun événement marquât dans l’existence monotone
d’Eugénie et de son père » (187).
7
« Charles, qui tombait en province pour la première fois, eut la pensée d’y paraître avec la supériorité
d’un jeune homme à la mode, de désespérer l’arrondissement par son luxe, d’y faire époque, et d’y imposer
les inventions de la vie parisienne » (58).
8
Bloch Dano découpe Eugénie Grandet en épisodes et leur donne chacun un titre qui selon son contexte.
9
Eugénie se conforme « au programme en vigueur dans ses jeunes années. Elle est toujours vêtue comme
l’était sa mère » (213).
10
Le narrateur explique : « aussi se dit-elle en se mirant, sans savoir encore ce qu’était l’amour : ‘Je suis
trop laide, il ne fera pas attention à moi’ » (81).
11
Ici, je fais référence à l’épisode où Eugénie signe les documents la dépouillant de son héritage dans ce
qui paraît comme un effort pour se purger de son savoir et retrouver son innocence. A la fin du roman, bien
que le narrateur parle de son ascension spirituelle, on comprend que l’existence d’Eugénie est
irrémédiablement changée.
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12
Le narrateur explique « Depuis quelques jours, il est question d’un nouveau mariage pour elle [Eugénie].
Les gens de Saumur s’occupent d’elle et de monsieur le marquis de Froidfond, dont la famille commence à
cerner la riche veuve [. . .] » (214).
13
Fischler (« Show and Rumor ») et Andréoli citent l’expression « Nous verrons » prononcée par Eugénie,
et l’interprètent comme une affirmation de son indépendance et une manière de vivre en société.
14
Le narrateur explique : « En moins d’un mois, elle passa de l’état de fille à celui de femme » (190), et cite
directement l’opinion favorable des gens du village à l’égard de Nanon et de son mariage avec Cornoiller.
15
On remarque que Nanon ne participe pas au jeu de cartes, mais qu’elle file de la laine. Le narrateur dit :
« ces rires, accompagnés par le bruit du rouet de la Grande Nanon [. . .] » (55).
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