Avarice et Amour Eugénie Grandet Balzac
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Avarice et Amour Eugénie Grandet Balzac
Université de Bagdad Faculté des Langues Département de Français Avarice et Amour dans Eugénie Grandet de Balzac Recherche présentée Par Samir Abdulwahide Yaseen 2010 1 Introduction Au fond, l’esprit de Balzac est l’un des grands esprits littéraires ayant pris la charge de faire changer la vie française convenablement avec les principes de la révolution française. C’est un esprit de l’idéal et de l’humanité qui attire, par la grandeur de ses idées, l’ensemble des chercheurs pour en essayer la decouvrir. Nous aussi, nous allons voir de près cet esprit humain afin d’essayer de faire la mise en œuvre de certaines conceptions sociologiques et psychologiques de ce grand auteur de La Comédie Humaine ; c’est l’œuvre des œuvres qui aborde les dramaturges de la transformation de la vie sociale française à l’époque. Balzac, en tant qu’écrivain réaliste, souffre plus que les autres de la transformation économique au capitalisme, ce qui influence toutes les classes de la société, or la moralité et la spiritualité de la société sont touchées directement par cette transformation 1.Donc l’argent est le premier pôle du mal qui provoque, sans cesse dans la société, l’esprit de la haine, de l’envie, du conflit et de la rupture aussi des liens familiaux que sociaux. La souffrance est plus grande que supporte un esprit humain comme celle de Blazac. Lutter contre la souffrance est la seule réaction que pourrait faire cet auteur. Eugénie Grandet où s’incarne la souffrance humaine sera la scène principale de notre recherche. Ce roman raconte l’histoire d’un départ au contre courant, l’aventure illusoire pour une idée heureuse (l’amour) dans une société qui ne connaît que l’amour du soi et l’amour de l’intérêt matériel. Le conflit est donc tellement méchant et dramatique dont le résultat serait compté d’avance à la faveur de l’argent, à la sécheresse des sentiments. La souffrance serait la même comme si la vie était déja détruite par le malheur et personne ne pourrait la rendre heureuse. Ainsi, Balzac nous découvre « comment la réalité sociale détruit tous les idéaux et comment le rêve utopique s’évapore et s’anéantit au moment où il touche le réel économique 2 ». Pour bien comprendre cette problématique, notre recherche mettra le point sur deux thèmes essentiels : l’avarice et l’amour. Tout au long du travail, le 1 2 -Cité par George Lukacs, Etudes sur le Réalisme Européen, P:34 -Ibid, P:44 2 conflit entre ces deux axes ne connaît pas le merci. En plus, nous essayons de voir de près la relation entre ces thèmes et leurs effets sur les personnages ainsi que leurs comportements. A travers ces étapes, nous visons à trouver le vainquant et le pourquoi de sa victoire, et trouver la victime qu’elle est, voire la vraie victime de cette lutte inévitable. 3 Chapitre Premier L’avarice 4 L’avarice constitue l’un des thèmes primoridiaux dans le roman Eugénie Grandet. Il est l’axe principal de notre travail dans ce chapitre. Et quand on dit l’avarice, on dit l’argent qui est le moteur des personnages dans le roman. Il est la puissance anonyme froide qui déteint sur les êtres, glace les passions et annule l’énergie vitale. Tous les événements sont liés de loin ou de près à ce grand thème priviliegé par Balzac qui « est de plus en plus hanté par l’argent qui le fuit 3 ». La vision que porte chaque personnage du roman à l’argent a de quoi susciter la curiosité du lecteur. L’intérêt des protagonistes pour l’or va de l’amour jusqu'à la totale insouciance. Et pour bien comprendre cet intérêt , si indispensable, nous estimons de répondre à la question suivante : Pourquoi l’argent est-il un thème principal ? Balzac a consacré plusieurs écrits à l’argent parmi lesquels Eugénie Grandet. Cett œuvre n’a pas seulement pour but de traiter ce thème, mais d’être un document sur la société contemporaine. Balzac, romancier réaliste, peint une société dominée par l’argent ; pour cela il établit une comparaison sous-entendue entre la conception de l’argent chez les Parisiens et chez les Provinciaux. La province est le lieu d’accumulation du capital, opposé à Paris, lieu de dépense et de gaspillage. Ainsi, l’écrivain ne se contente pas de créer ses personnages et leur donner des définitions, mais il les place dans un milieu social et dans une époque dont il doit relater les caractéristiques dans son œuvre4. Dans Eugénie Grandet, le romancier a placé ses personnages dans l’époque, entre la Révolution et la fin de la Monarchie, qui s’est distinguée par le développement industriel, l’avènement de la bourgeoisie et par conséquent le règne de l’argent, car l’époque actuelle, le 19e siècle, est une époque où, plus qu’en aucun autre temps, l’argent domine les lois, la politique et les mœurs. Donc, selon l’expression de Balzac lui-même, « l’argent est la seule puissance de ce temps 5 ». Il permet aux riches de s’enrichir encore, c’est le moteur de la promotion sociale, c’est l’argent que l’on fait vivre, qui circule et s’épargne. A l’époque de Balzac, on pratique 3 -Gaëtan Picon, Balzac, P:58 -Pour en savoir de plus voir George Lukacs. OP.Cit où l’on parle en détail du milieu social et son influence sur les personnages. 5 -Chantal Grenot, Eugénie Grandet, Texte intégral et notes explicatives….., P :281 4 5 l’usure, on multipie les transactions, on spécule avantageusement. En un mot, l’argent devient le nouveau dieu de ce 19e siècle naissant6. Il est à noter que l’époque où vit Balzac est d’un côté littéraire. C’était le temps du romantisme où les auteurs cherchaient la vérité universelle et l’analyse du moi, des sentiments et des états d’âme. Balzac était une génie à part. Il montre des choses réelles qui se passent à la vue de tous. Il critiquait son époque et écrivait des romans y compris Eugénie Grandet, qui contenaient les pensées du réalisme. On le nommait le père du réalisme. « Balzac est faciné par la quantité d’énergie qui explose dans la société. Il s’attache à montrer aussi l’inhumaine brutalité d’une société où l’ordre est toujours un simulacre d’ordre 7 ». Le roman balzacien est avant tout une construction. Presque toujours la même construction, très proche de celle des dramaturges, elle fait généralement se succéder une exposition lente, minitieuse et descriptive, une crise brutale où les passions explosent et un dénoument rapide souvent spectaculaire. Dans ce cadre rigoureux, le personnage de Balzac apparaît, lui aussi le, produit d’une construction qui justifie encore les découvertes scientifiques de l’époque 8. Les êtres humains , selon Balzac, forment des espèces liées dans un processus d’interaction avec le milieu social qui les produit . Observant attentivement sa société, le romancier a donc constaté que le point de départ en tout est l’argent surtout qu’il a vécu un problème financier qui l’a obligé à travailler durant le reste de sa vie en vue de payer ses dettes. Or, Balzac semble très motivé d’attribuer à l’argent une si grande importance dans ses œuvres. Avarice et Argent : Dans Eugénie Grandet se rejoignent, pour la première fois, la description des vies privées et la théorie balzacienne des romans et contes philosophiques sur le pouvoir effrayant de la pensée, sur ses effets dévastateurs quand une idée commande et dévore toute une vie. Cette idée est l’avarice. M. Grandet qui est le père d’Eugénie est le symbole de l’avarice dans cette œuvre. A travers ce personnage, Balzac peint un capitalisme rural en plein développement. Il montre l’ascension d’un maître tonnelier qui, à la faveur de la vente des biens nationaux, se constitue une fortune financière : 6 - Pour plus d’informations, voir Ibid, PP:281, 282 -Roland Barthes et autres, La Llittérature et la Réalité, chapitre: le Réalisme et la Peur du Désir, écrit par Leo Bersani, P:58 8 - Cité par Gaëtan Picon, Balzac, PP:59, 60 7 6 un opportuniste qui joue de l’offre et de la demande pour vendre ses recettes, exporte son vin jusqu’en Belgique, place son argent à Paris. De l’avare tel que la tradion en a fixé le type, M. Grandet possède tous les traits, appliquant les principes d’une épargne cessée, il voit dans la faillite la plus déshonorante entre toutes celles qui peuvent déshonorer l’homme et conclure toute son énergie dans la passion qui est le principe de sa vie : la vue de l’or, la possession de l’or : « Une si grande fortune couvrait d’un manteau d’or toutes les actions de cet homme.9 » A force d’économies de bouts de chandelles, mais aussi de rêveries, d’obistination et de passion, Grandet a réuni une fortune de 17 millions, somme considérable quand le salaire moyen d’un employé était de deux mille francs par an. C’est un chiffre gigantesque à l’époque qui lui donne une dimension fantastique. C’est la raison par laquelle les gens le considèrent comme l’homme le plus riche de leur village qui s’appelle Saumur. Cette fortune ne vient pas de vide. C’est à cause de l’avarice que M. Grandet a ramassé l’argent. Il est avare en tout. Il économise tout même le mouvement, « il économise les gestes, les paroles et son bégaiement même n’est pas exempt de calculs. Il évite soigneusement toute dépense vestimentaire ou ménagère et tire profit de tout et de tous 10 ». Il est dévoré par l’or qui vient seul dans son cabinet. Sa passion envahit non seulement sa vie mais celle des autres. Nanon, sa servante, par exemple est devenue aussi avare que son maître. L’avarice de M.Grandet est prouvée par ses dépenses limitées. Il ne dépense pas beaucoup. Il n’achète rien ; toutes les nécessités de la famille viennent de ses fermes ; des poulets, des œufs, du beurre…etc. Ses vêtements sont les mêmes depuis longtemps. Son aspect vestimentaire est invariable : « Toujours vêtu de la même manière, qui le voit aujourd’hui le voyait tel qu’il était depuis 1791 11». Grandet n’a jamais eu au cœur qu’une seule passion : l’argent. Cette passion a fait rase en lui de tout autre sentiment. Il est inaccessible à l’amour et a fait sur le tard un mariage d’intérêt. Il a épousé la fille d’un homme dont le travail se veut complémentaire au sien. Dépourvu d’ambition, il utilise les 9 -Balzac, Eugenie Grandet, P:15 -Chantal Grenot, Eugenie Grandet, dossier du professeur, P :9 11 -Balzac, Op.Cit, P:15 10 7 fonctions publiques pour faire prospérer ses propres affaires. Il n’aime sa fille que parce qu’elle est son héritière. Il l’a privée de tout. Elle n’ose pas demander d’argent à son père parce qu’elle sait qu’il ne lui en donne pas à cause de son avarice. Il torture sa fille avec son avarice. Par une déformation opposée, Goriot dans Le Père Goriot, pousse jusqu'à la lâcheté son abnégation paternelle, son indulgence pour ses filles : « Il aimait ses filles jusqu’au mal qu’elles lui faisaient 12» Ainsi, le comportement de Grandet reflète entièrement son avarice. Il était à la fois cruel et rusé. Sa cruauté atteint sa fille, Eugénie ; lorsqu’elle donne son or à son cousin Charles, il a éclaté de colère après avoir appris cela. Son avarice se transforme en cruauté même contre la plus proche de lui : sa fille. Il a décidé de la punir en l’enfermant dans sa chambre sans pitié avec de l’eau et du pain. Il a refusé de changer de son avis même après l’intervention de sa femme qui s’eprend de sa fille unique. Il a rejeté de faire sortir Eugénie de sa prison en disant : « Je ne la verrai ni ne lui parlerai. Elle restera dans sa chambre au pain et à l’eau jusqu'à ce qu’elle ait satisfait son père 13 ». Nous pourrions dire aussi que c’est Grandet, avec son avarice et sa cruauté, qui a causé la mort de sa femme. Celle-ci supporte l’avarice de son mari et ne discute aucune décision financière de sa part. Donc, il l’a lentement tuée. Elle est tombée malade et s’aggrave notamment après la mise de sa fille dans la prison. L’argent pour cette dame pauvre n’a aucune valeur. Cette femme incarne une relative indifférence envers l’argent. Elle espérait voir, avant sa mort, la réconciliation entre son mari et sa fille. Mais malheureusement, cela ne s’est pas réalisé. Elle a quitté la vie ; elle est morte épuisée et pleine de chagrin et de souffrance : « En fin, un soir, vers la fin du printemps, Mme Grandet, dévorée par le chagrin, encore plus que par la maladie, n’ayant pas réussi, malgré ses prières, à réconcilier Eugénie et son père, confia ses peines secrètes aux Cruchot 14 ». 12 -Balzac, Le Pere Goriot, P:115 - Balzac, Eugenie Grandet, P:205 14 -Ibid, P:214 13 8 L’amour de l’argent a permis à Grandet d’acquérir la prudence, la diplomatie, l’opportunisme et l’intelligence. En utilisant bégaiment et surdité, il réussit ses marches et aboutit à convaincre Eugénie de lui céder son héritage. A mesure qu’il vieillit, sa passion prend une forme plus tyrannique et plus desséchante. Cette passion s’explique par ses rares élans de bonté lorsqu’il était encore jeune (surtout à l’egard d’Eugénie et de Nanon). Lorsque baissant ses forces physiques, il perd son dynamisme et se réfugie dans la sécurité de la rente. Il lime l’or avec un amour démesuré et exclusif. Il est devenu un maniaque : « {…} lorsque le curé vint l’administrer, ses yeux, morts en apparence depuis quelques heures, se ranimèrent à la vue de la Croix, des chandeliers, du bénitier d’argent qu’il regarda fixement, et sa loupe remua pour la dernière fois15 ». En outre, l’avarice de Grandet se manifeste dans d’autres de ses comportements, tel que : le médiocre manger quotidien qu’il donne à Nanon qui doit obligatoirement suffire pour toute la famille. Le feu qu’il n’allume que quand il fait vraiment froid. Son refus d’appeler un médecin pour sa femme au début de sa maladie. Ainsi, Balzac nous présente « un homme tyrannique dont tous les aspects de la personnalité sont dominés par l’avarice à un point tel qu’on peut qualifier cette monomanie de monomanie mortifière ; vivre pour Grandet, c’est nourrir sa passion et accroître sa fortune, c’est ainsi empêcher la circulation de la vie ; étouffer les autres autour de lui en privilégiant la fructification de l’or16 ». Par l’intermédiaire de Grandet, le romancier montre que l’avarice est une passion exemplaire à laquelle se résument toutes autres : volonté fixe est illimitée de posséder le monde, de le ramener à soi et de l’absorber. Pesonnages et argent : Charles C’est encore à cause de l’argent que le personnage de Charles apparaît dans l’œuvre et dans la vie d’Eugénie. Et pour analyser l’argent et son infleunce sur Charles, il faudrait bien savoir que Charles Grandet est issu d’une famille riche, donc il a vécu dans un milieu de luxe où l’argent a une 15 16 - Balzac, Eugenie Grandet, P:234 -Chantal Grenot, Eugenie Grandet, dossier du professeur. P :9 9 grande importance. En outre, Annette, son ancienne amie, avait une influence sur sa personnalité : « Elle le féminisait et le matérialisait17 ». Au début, l’argent pour Charles n’est pas aussi important que le bonheur ou l’amour. Mais, à la longue, tout cela est changé. Le changement de sa situation matérielle et sa faillite l’ont poussé à accepter l’argent offert par sa cousine Eugénie et à partir pour les Indes. C’est là qu’il a bâti sa fortune grâce au commerce et à la traite des nègres, incarnant une autre face sauvage prédatrice du capitalisme. Tout cela contribue à changer son attitude envers l’argent. Devenu arriviste comme son oncle Grandet , Charles rejette l’amour d’Eugénie en se mariant avec une autre pour parvenir à une grande fortune et une grande situation politique ; ce qui laisse transparaitre l’égoïsme et le côté matérialiste de sa personnalité : « Ebloui par la prospérité de la Restauration qu’il avait laissée chancelante, saisi par l’éclat des idées aristocratiques, son enivrement commence sur le vaisseau se maintint à Paris où il résolut de tout faire pour arriver à la haute position18 ». Cette idée-là est renforcée par Chantal Grenot qui souligne : « ainsi, l’habileté de Charles à évaluer lucidement sa situation, à faire un bilan précis et des projets d’avenir matérialistes révèle la même capacité à agir pour sauvegarder ses intérêts 19 ». Eugénie Grandet L’argent n’avait pas d’importance pour Eugénie. Son éducation comme femme de province et l’avarice de son père ont crée chez elle une indifférence à tout effet de l’argent. L’héroïne est durcie par l’abandon de ses parents et de son bien aimé Charles. Elle semble au début vouloir suivre les traces de son défunt père : « Elle ne change pas de rythme de vie 20 » 17 - Balzac, Eugenie Grandet, P:156 - Balzac, Eugenie Grandet, P:247 19 - Chantal Grenot, Eugénie Grandet, dossier du professeur. P :30 20 - Balzac, Eugénie Grandet, P:240 18 10 Mais cette impression se disciple et nous allons voir dans le deuxième chapitre qu’elle n’a pas changé sa vision pour l’argent ; elle n’hésite pas à rembourser les énormes dettes de son cousin et faire bon norme d’actes de bienfaisance. Eugénie, généreuse, aboutit à la satisfaction des gens par l’intermédiaire de son argent : l’or qu’elle donne à Charles pour aller aux Indes, une liquidation sans réaliser sa propre satisfaction. Pour elle, la fortune n’est ni pouvoir ni consolation. Son indifférence à l’argent est prouvée par son mariage blanc. Après avoir appris que Charles s’est marié avec une autre, elle se marie avec le vieux président de Bonfons qui désirait sa mort. L’argent est bien le masque de cette mort. La seule issue qui reste à l’héroïne consiste à dépenser l’argent accumulé, à contredire la loi du père en substituant à la loi de l’accumulation une logique où les personnages balzaciens espèrent un salut que la terre ne leur a pas donné : « Eugenie marche au ciel accompagnée d’un cortège de bienfaits 21 » Les autres personnages L’argent est la raison d’être pour les Grassin et les Cruchot, mais ce n’est pas aussi intense que chez Grandet. Ils n’hésitent pas à en dépenser pour obtenir certaines faveurs. Ils se sacrifient même au service de l’ignoble avare. Ces deux familles matérialistes ont un but précis : chercher à marier l’un de leurs fils à Eugénie surtout qu’ils sont sûrs qu’elle sera la seule héritière d’une énorme fortune. Elle est la seule fille de son père qui va léguer tout ce qu’il possède à son unique héritière. Les deux familles cherchent d’un moyen par lequel ils peuvent obtenir cette grande fortune. La seule façon pour arriver à leur but est le mariage avec Eugénie. Le président de Bonfons était le plus grand arriviste ; il a épousé Eugénie, rien que pour sa fortune, ce qui est prouvé par le mariage blanc. C’est Eugénie qui demande ce type de mariage parce qu’elle est au courant des convoitises du président de Bonfons : « Monsieur le président, lui dit Eugénie d’une voix émue quand ils furent seuls, je sais ce qui vous plaît en moi. Jurez de me laisser libre pendant toute ma vie, de ne me rappeler 21 - Balzac, Eugenie Grandet, P:270 11 aucun des droits que le mariage vous donne sur moi, et ma main est à vous 22 » De ce qui précède, nous pourrions dire que l’argent contrôle les relations des personnages, leur sentiments et leurs ambitions. Il représente l’enfer de la vie moderne et le moteur inévitable de l’égoïsme social. Eugénie Grandet dépeint un monde terrible, froid, d’où la vie est peu à peu bannie par le règne monotone des calculs et de l’intérêt humain. 22 - Ibid, P:261 12 Deuxième Chapitre L’amour 13 L’amour dans ce roman est essentiellement incarné par Eugénie. La force de l’amour qu’elle a pour son cousin symbolise l’importance de ce sentiment ; pourtant ce thème n’est pas aussi apparent que l’argent car rares sont les protagonistes qui croient à la force de ce sentiment et ephémères sont les passions qu’elles ont. La plupart de personnages ne s’intéressent pas à l’amour. Tout ce qui leur intéresse, c’est l’argent. Donc on trouve que le roman est presque vide de l’amour, c’est seulement Eugénie qui l’incarne. La victime d’une seule idée : Eugénie, l’héroïne du roman, est une jeune fille timide, naïve , ignorante de la vie et de ses tourments. C’est l’épanouissement de son cœur qui affermit son caractère. Sa personnalité ne cesse de s’enrichir et d’évoluer. Avant l’arrivée de Charles, elle était une simple jeune provinciale consacrant toutes ses journées aux travaux ménagers. La vie provinciale est glacée sans événements et sans visages : la mère sur sa chaise à patins chaque après-midi près de la fenêtre et de fille auprès d’elle, sur son petit fauteuil et tous ces après-midi passés ainsi dans la salle. L’amour pour Eugénie est étranger. L’arrivée inopinée de Charles provoque la curiosité, l’étonnement et l’admiration de sa cousine Eugénie. Celle-ci essaie de s’embellir, se dévoue pour ce jeune. L’amour pour ce cousin qui tombe du ciel n’est romanesque qu’en apparence : il était dans la nécessité, dans la fatalité de cette existence. Un mot, un geste, un visage humain dans cette lande glacée devenaient déterminer chez Eugénie un attachement d’imagination. C’est pourquoi Eugénie Grandet n’est pas l’histoire d’un avare comme on le croit généralement, mais l’histoire d’Eugénie Grandet ; autrement dit, l’histoire d’un sentiment qui remplit toute une vie, qui lui donne sa couleur et sa ligne comme destinée. De même que Le Père Goriot n’est pas l’histoire d’une pension de famille, ni celle de Vatrin ni celle de Rastignac23, mais l’histoire d’un sentiment dont l’impuissance et la défaite servent d’exemple, dont la grandeur inutile sert à juger la société. L’amour d’Eugénie pour son cousin n’était qu’une illusion. Cet amour est vain. Eugénie apprend que son amant s’est marié avec une autre. Donc tout est fini pour cette pauvre fille. Celle-ci perd tout ce qui était important dans sa vie, tout ce qu’elle aimait. La vie n’est plus facile pour elle ; la mort de sa mère, le départ de Charles, la mort de son père, tout cela rend sa vie insupportable. Cette fille n’est estimée et populaire que pour son argent. 23 -Voir Le Père Goriot de Balzac où ces personnages jouent un rôle important dans ce roman 14 Tout le monde veut être son ami pour profiter de sa fortune. Les gens lui font du mal et la rendent triste. Pour laisser tout derrière elle, elle se décide de se marier avec un des fils à condition qu’il la laisse libre pendant toute sa vie. Eugénie ne connaît pas encore aucune de félicités de la vie. Elle pense à sa mère dans ses derniers jours : « On ne peut pas déployer ses ailes et vivre en prières jusqu’au jour de sa délivrance 24 ». Eugénie se dit : « Ma mère a raison : souffrir et mourir25 ». Ainsi, Eugénie, douce et désespérée, est restée semblable à la jeune des premières pages. Elle vit comme avait vécu la pauvre Eugénie, toujours vêtue comme l’était sa mère. Elle a refusé d’entrer dans le jeu social , le jeu de l’argent ; et « au 19e siècle, les personnages qui refusent les limites que la société impose au sujet, à sa nature et à l’etendu de ses désirs, deviennent les boucs émissaires de cette société26 ». C’est simplement un cas particulièrement saisissant de ce phénomène auquel Balzac rattache tout : la puissance de l’idée, la puissance d’une idée unique, d’un sentiment unique dans un milieu parfaitement vide. L’amour qui est né chez Eugénie augmente avec le temps, surtout après le départ de Charles aux Indes. Elle reste tout le temps pensive à son amant, elle attend ; mais elle n’attend pas seule. Avec elle, grandit et se fortifie ce sentiment unique qui est toute sa vie, qui soutient toutes ses pensées, qui dicte toutes ses actions. Donc l’amour envahit Eugénie, elle s’assied dans la même place où les deux, elle et Charles, passaient leur temps : « {…} elle restait pensive sous le noyer, assise sur le banc de bois rongé par les vers at garni de mousse grise où ils s’étaient dit tant de bonnes choses de niaiseries, où ils avaient bâti les châteaux en Espagne de leur joli ménage27 ». On croit que, dans Eugénie Grandet, le passionné, le monomane, c’est seulement le père Grandet ;c’est là l’erreur. Sa fille est aussi victime de l’idée unique et d’une idée que rien ne peut combattre, ni l’expérience de la 24 - Balzac, Eugénie Grandet, P:255 -Ibid, P:258 26 - Roland Barthes et autres, Op.Cit, P :70 27 - Balzac, Eugénie Grandet, P:190 25 15 vie qui ne lui vient jamais, ni de nouveaux amis qu’on ne laisse pas entrer dans son existence. Alors ce roman est comme une tragédie où il y a peu de personnages, deux en somme, une crise, avec l’intervention d’un personnage extérieur. Cette tragédie est terminée par une défaite qui élève la victime, mais dans la douleur et la tristesse : « Une tragédie, sans poison… mais relativement aux acteurs, plus cruelle que tous les drames accomplis dans l’illustre famille des Atrides 28 ». La relation argent-amour : Balzac est considéré comme critique réaliste. Il essaie d’établir une comparaison entre deux choses qui tyrannisent les relations sociales : c’est l’argent et l’amour. A partir de son idée générale qui est toujours présente dans la plupart de ses romans : tout est double et contradictoire 29, l’écrivain essaie dans ce roman d’illustrer cette idée par la trahison entre l’amour comme une finalité humaine et l’argent comme un objectif visé. En effet, il y a une relation bien étroite entre les deux. Tout au long du roman, l’argent et l’amour s’afffrontent. Un affrontement qui prend son ampleur au sein d’une société divisée et tirailée entre les profits sociaux et les nobles sentiments. Ainsi peut-on retrouver dans le roman deux camps qui se confrontent constamment. Le conflit Eugénie/ Grandet en est le symbole. La jeune fille, éveillée par ses sentiments, se rebelle contre son père, figure emblématique du tyran qui voue un culte à l’argent. Celui-ci, après avoir puni très sévèrement sa fille, finira par lui pardonner ; d’un part parce que c’est dans son intérêt et d’autre part parce qu’il aime sa fille : « …il se cachait derrière le tronc de l’arbre, restait pendant quelque instant à contempler les longs cheveux de sa fille et flottait entre la ténacité de son caractère et le désir d’embrasser son enfant 30 ». Les autres personnages, eux aussi, évoluent autour de la relation argentamour. Ainsi, Charles qui, pour un moment, apparaît capable de bons 28 - Balzac, Eugenie Grandet, P:191 -Cette idée se caractérise dans Le Père Goriot par exemple, dans l’amour paternel du père et l’argent comme objectif visé par ses filles. 30 - Balzac, Eugénie Grandet, P:178 29 16 sentiments, divigule sa vraie nature sous la pression de la rude bataille pour la vie qu’il doit engager : il laisse tomber Eugénie pour ses biens personnels en épousant une fille qui servira ses ambitions sociales. L’amour se représente par un personnage ayant des caractères faibles et doux ; c’est la fille d’un avare. cette fille de province dont les sentiments sont agités et effectifs n’a qu’une seule idée ; c’est comment satisfaire ses sentiments par l’amour. Alors, elle est prête à sacrifier de n’importe quoi afin de trouver l’amour. Cette fille, à cause de sa nature faible, semblait naïve plutôt qu’intelligente. Elle fait un grand sacrifice de l’argent en vue de l’amour ; elle donne tout ce qu’il a d’or à Charles qui est pour elle le symbole de ses sentiments et de son amour, malgré sa connaissance que terrible sera le résultat. Cette jeune fille refuse de dire à qui elle a donné son argent en disant à son pere : « -C’est un secret inviolable. N’avez- vous pas vos secrets ? - Ne suis –je pas le chef de la famille, ne puis-je avoir mes affaires ? - C’est aussi mon affaire. - Cette affaire doit être mauvaise, si vous ne pouvez pas la dire à votre père, mademoiselle Grandet. 31 - Elle est excellente, et je ne puis pas le dire à mon père .» A l’attente du retour de son amant Charles et grâce aux souvenirs et aux illusions de l’amour, Eugénie supporte mal la prison dans laquelle l’enferme le père Grandet. Le seul espoir qui la pousse à supporter toute la torture paternelle est le retour de Charles. Vraiment, tout est double et contradictoire. Amour réel et amour faux. Donner l’argent pour l’amour et donner l’amour pour l’argent. Balzac, par cette tentative de cette comparaison humaine, essaie de poser une réflexion sur cette fonction tyranisante de l’argent du pouvoir et de l’amour comme un sentiment faible sans aucun intérêt. L’auteur continue par l’illustration de cette comparaison et commence par la mort de la mère de cette fille ; ainsi, cette fille hérite la fortune de sa mère. Cette fortune héritée donne à Eugénie la chance de sortir de sa prison paternelle car le père, en prenant l’argent de sa fille, laisse sa fille sortir de la prison. Puis cette jeune fille a aussi la chance de posséder tout l’argent de son père . A ce moment-là, elle est un objectif visé de tout le monde. Donc c’est l’argent qui fait bouger les événements tandis que l’amour, comme sentiment faible n’a pas de place dans une société comme telle. 31 - Balzac, Eugénie Grandet, P:202 17 Mais, l’histoire de cette fille va se terminer avec la chute de ses sentiments, des sentiments de l’amour pour l’amour. Car Charles a fait une fin tragique de la vie illusoire, de l’amour et du triomphe de la sacrifice de cette fille pour satisfaire ses sentiments. Il la détruit par une lettre très méchante malgré les vocabulaires bien choisis dans la rédaction de cette lettre. Charles écrit à Eugénie : « Aujourd’hui, mon expérience me dit qu’il faut obéir à toutes les lois sociales et réunir toutes les convenances voulues par le monde en se mariant 32 ». Chaque mot de cette lettre était un coup de poignard bien adressé au bon cœur de cettte fille. Ce cœur qui était occupé par l’amour n’étant pas dans ce monde ; un monde plein de conflits pour des bassesses comme l’argent. A la fin de cette lettre, se trouve la fin des rêves illusoires de cette fille, victime de la réalité sociale et du monde matériel. Alors ces sentiments et cet amour n’auraient pas de bonne fin que dans un royaume idéal que cherche, semblet-il, Balzac dans ce roman, un royaume n’ayant pas de place dans ce monde corrompu ; et Eugénie, en se souvenant des mots de sa mère, se rend compte qu’elle ne peut parvenir au bonheur sur la terre : « Mon enfant, dit madame Grandet à sa fille, il n’y a pas de bonheur que dans le ciel 33 ». Balzac essaie de donner une image terrible. C’est que la vie de quelqu’un sera l’objet des conflits. Eugénie, après la découverte de la trahison de Charles, a une fortune considérable que tout le monde cherche à posséder. Elle avait la chance de trouver l’amour par l’argent, mais sa faiblesse et son choc étaient plus forts pour lui donner de la chance, pour choisir et pour décider. Elle accepte de se marier avec l’un des fils des grandes familles qui se luttent afin de cet argent. Mais cette fois, ce n’est pas pour l’amour, mais pour trouver la sérénité supérieure et le complet oubli du soi. Il semble que balzac voulait devenir, sous le déguisement de cette fille, un écrivain sentimental pour déclarer son attente de sa polonaise, Mme Hanska et pour déclarer ses illusions perdues 34. Il fait rencontrer et affronter entre deux principes( argent et amour) qui dévastent à tout moment les solutions et les conditions sociales. L’amour, pour lui, n’est qu’une illusion 32 - Balzac, Eugenie Grandet, P:252 -Ibid, P:186 34 - Pour plus de détails sur l’amour de Balzac à la Polonaise Hanska, voir J.H.Rosny Aîné, La Vie Amoureuse de Balzac, PP :230, 231, 232 33 18 ne se réalisant que dans un autre monde. L’argent pourrait rendre tout le monde traître, avare, méchant pour le posséder. Et ici l’argent a triomphé de l’amour en convertissant Charles et en détruisant Eugénie. Alors, faut- il que ce monde se libère de cette bassesse pour devenir plus hunain et plein de bonheur. C’est une condition de la comédie humaine que Balzac voudrait établir comme un idéaliste. La cruauté de la société : Balzac, semble-t-il à travers ce roman, a voulu illustrer le visage réel d’une société sans cœur et sans sentiments. Il cherche à nous tracer un portrait complet d’une société après révolutionnaire plus dramatique et pleine de conflits. C’est une société très séparée, sans liens familiaux ni sociaux. L’amour n’a pas de place dans une telle société ; il en va de même pour l’amitié et les autres sentiments humains. Car l’intérêt est le seul principe qui domine la vie de tout le monde. Balzac, à la suite de ses soucis et de ses souffrances, essaie de créer un monde bien croyant aux idées hunaines. Un monde qui prend l’amour pour un principe de vivre gai et heureux. La société de Balzac qui paraît dans le monde de ce roman se compose de plusieurs personnages. Chaque personnage représente une génération différente de la société. Par la relation qui existe entre ces personnages, nous pourrions découvrir combien était matérielle cette relation. Il n’y a que l’intérêt qui parle et qui fait parler les personnages entre eux. Ceux-ci ne se parlent pas pour amour ni pour amitié, mais pour l’argent, pour l’or. « Les conflits d’intérêt, les rivalités et les spoliations tiennent dans l’œuvre une place grandissante 35 ». Le père Grandet décide sans avoir pitié de mettre sa fille unique dans la prison et de la maltraiter à cause de la perte d’une somme considérable de l’argent. Car l’argent pour lui est plus intéressant et plus important que sa fille. Le personnage du père Grandet représente la génération avare malgré la richesse que possèdent les gens de cette génération ayant la chance de bien exploiter les biens de la Révolution. Ils ne savaient vivre que pour garder l’argent et afin d’en gagner de plus. C’est l’avarice qui domine leurs esprits. Le père Grandet se lie avec une femme lors d’un mariage d’intérêt et sans amour pour obtenir l’argent qu’elle a cette femme. Mme Grandet devient aussitôt comme un bien, un objet que possède cet avare. Elle n’est pas 35 -Gaëtan Picon, Balzac, P:58 19 différente des autres femmes provinciales qui sont toutes gouvernées dans leur quotidien par le terrible code civile de 1804 qui les maintient dans la dépendance totale de l’homme36. Elle, afin d’oublier cette tristesse et supporter cette vie dramatique, essaie d’inventer au fond du soi une sorte d’amour caché pour l’inconnu. Cet amour aveugle va voir le jour avec la naissence de sa fille : Eugénie. Cet amour augmente avec le corps et les pensées de cette fille si blanche comme le jour, si fine comme la fleur. Ici se trouve le génie de l’auteur en choisissant une scène provinciale de son roman : la province Saumur, une province loin de la société parisienne chargée des idées diverses comme le pouvoir, l’autorité, l’argent et les intérèts économiques et familiaux. La scène provinciale va donner lieu à une aventure, à une idée heureuse puisque le cœur est encore blanc et pur, loin de la corruption de la ville. Eugénie, comme les autres protagonistes provinciaux37 va prendre le chemin de l’amour pur envers son cousin Charles : « Quand les enfants commencent à voir, ils sourient ; quand une fille entrevoit le sentiment dans la nature, elle sourit comme il sourait l’enfant. Si la lumière est le premier amour de la vie, l’amour n’est-il pas la lumière du cœur38 ». Balzac, pour peintre correctement la société du roman, avait donné la couleur la plus conçue aux gens qui ne vivent que pour l’argent comme le père Grandet, les Cruchot, les Grassin et Charles ; alors qu’il avait donné la couleur mal conçue aux gens qui essayent de vivre afin de triompher l’amour comme Eugénie, sa mère et sa servante. Cette comparaison ne fait découvrir que la société contre laquelle se luttent l’auteur parmi d’autres écrivains39, une société sans cœur ni visage humain, sans âme ni relations humaines. L’idée heureuse d’Eugénie ( l’amour illusoire envers Charles) est le premier combat entre l’amour faible et l’argent fort et autoritaire. Le triomphe que cherche à réaliser l’auteur est les souvenirs illusoires 36 - Voir à ce propos Les Femmes et L’argent de M.F.Hans où l’on parle en détails de ce code qui fonctionne selon une logique terrible, et dénonce avec ironie l’asservissement de la femme à l’homme au dix-neuvième siècle. 37 -Voir par exemple Madame Bovary de Flaubert où l’héroïne Emma Bovary est venue de la province en espérant trouver l’amour romantique dans une ville hypocrite et corrompue. 38 - Balzac, Eugénie Grandet, P:76 39 - Voir Le Rouge et Le Noir de Stendhal où la lutte sociale se voit clairement . Le héros pauvre est condamné à mort par les juges riches. Ce roman est considéré comme cri contre la société. 20 d’Eugénie, mais la défaite existe dans les pensées et l’ambition de Charles qui cherche à tout prix à réaliser ses intérêts matériels ; même si cela exige le départ ailleurs, aux Indes. La trahison de Charles était la déclaration normale d’une relation comme telle ; mais ce qui est nécessaire pour l’auteur, c’est de faire Eugénie garder son amour et ses sentiments jusqu'à la fin de son existence. Et voilà la seule sortie de cette vie dramatique et la seule solution de la tristesse exigée par la domination de l’argent. L’auteur, semble-t-il, cherche à nous dire que c’est une simple défaite d’un combat, mais cela ne signifie jamais la fin de guerre à condition qu’il y ait des fidèles tel que Eugénie. Elle écrit à son cousin : « Mon cousin, monsieur le président de Bonfons s’est chargé de vous remettre la quittance de toutes les sommes dues par mon oncle et celle par laquelle je reconnais les avoir reçues de vous… vous aurez toujours une fidèle amie dans votre cousine40 » . Eugénie représente clairement l’existence d’une pensée plus révolutionnaire de Balzac lui-même. Elle est aussi l’âme agitée qui refuse la société inhumaine. Cette âme est bien celle de l’auteur qui déclarait son refus de la société. Balzac, par cette illustration de la société vide de sentiments, déclare qu’on ne peut absolument réaliser l’idéal, mais on peut bien faire naître une idée qui va ouvrir le chemin pour y arriver un jour ou un autre. Donc tout est double et contradictoire ( argent et pauvreté) – ( amour et tristesse). 40 - Balzac, Eugénie Grandet, P:264 21 Conclusion Au dernier lieu, nous ne possédons que de décoller pour cracher l’aventure de défaite que nous fait boire Balzac à travers notre voyage dans les âmes de ses personnages plutôt réels qu’inventés. A notre arrivée, nous n’avons qu’un bagages chargé de la souffrance et du douleur que l’avarice et l’argent continuent à provoquer et à planter dans la vie humaine. Nous avons, par contre, gagné l’envie et le désir de vivre hors ce cycle argenté et matériel qui est la source de la douleur humaine. La scène d’Eugénie Grandet, la scène de La Comédie Humaine , ce n’est pas une scène qui existait seulement au passé, mais c’est une scène qui se répète à tout moment. Autrement dit, beaucoup parmi nous pourraient y être un personnages principal s’il accepte de vider son âme de tout sentiment d’amour et d’humanité. Car à ce moment-là, il se devient un objet matériel ou un monstre humain qui, par ses comportements et ses convoitises, rend la vie des autres plus douleureuse. Balzac arrive en effet à prévoir et à deviner les conditions et les facteurs principaux d’un malheur humain à jamais. Le roman annonce la fin sans véritable dénouement d’une histoire triste et singulière, mais qui s’insicrit dans l’histoire de la condition de la femme ; la femme qui est la victime d’un destin contre lequel elle ne se rebelle pas, ou plutôt, elle accepte le destin qui est le sien dans le monde . Quand même, cette femme réussit à garder sa purté et sa chasteté jusqu'à la fin du roman, sa grandeur s’oppose à l’égoïsme froid du monde extérieur ; ce qui est considéré comme la vraie victoire d’Eugénie. 22 Bibliographie H. de Balzac, Eugénie Grandet, Librairie Générale Française, Paris, 1972. H. de Balzac, Le Père Goriot, Gallimard, Paris, 1971. H. de Balzac, La Comédie Humaine, Gallimard, Paris, 1950. Ch, Grenot, Eugénie Grandet, (dossier du professeur), Hachette, Paris, 1995. Ch. Grenot, Eugénie Grandet, (texte intégral et notes explicatives), Hachette, Paris, 1995. G. Flaubert, Madame Bovary, Gallimard, Paris, 1951. G. Picon, Balzac, Seuil, Paris, 1956. G. Lukacs, Etudes Sur Le Réalisme Européen, ( texte arabe), Le Comité Générale Egyptienne du Livre, le Caire, 1972. J. H. Rosny Aîné, La Vie Amoureuse de Balzac, Flammarion, Paris, 1930. M. F. Hans, Les Femmes et L’Argent, Grasset, Paris, 1988. R. Barthes, L. Bersani, Ph. Hamon, M. Riffaterre, I. Watt, La Littérature et La Réalité, Seuil, Paris, 1982. Stendhal, Le Rouge et Le Noir, Librairie Générale Française, Paris, 1972. 23 Table des Matières Page 2-3 Introduction Chapitre Premier: L’avarice. 4 - Pourquoi l’argent est-il un thème principal ? 5 - 6 -Avarice et argent. -Personnages et argent. Deuxieme Chapitre : L’amour. 6-9 9 -12 13 -La victime d’une seule idée. 14-16 -La relation argent-amour. 16-19 -La cruauté de la société. 19-21 Conclusion 22 Bibliographie 23 Table des Matières 24 24 . ( ) . . 25