Le chef de la semaine : Paul Guilhem
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Le chef de la semaine : Paul Guilhem
L’INDÉPENDANT VENDREDI 10 JUILLET 2015 BOL D'AIR CUISINE PRODUIT DE LA RÉGION les Anchois de Collioure La petite ville de Collioure, dans les Pyrénées-Orientales, suscite d’emblée la gourmandise. Car depuis la nuit des temps, on y prépare des anchois. Au milieu du XIXe siècle, on ne comptait pas moins de 800 pêcheurs à Collioure, et le travail de l’anchois faisait vivre plus de 2000 personnes. Avec la diminution des ressources en anchois, son commerce a progressivement décliné et aujourd’hui, il ne subsiste que deux saleurs, les maisons Desclaux et Roque (*), véritables institutions à Collioure. Les anchois frais sont d’abord salés puis placés dans des fûts pour qu’ils libèrent leur liquide de saumurage. Ils sont ensuite étêtés et éviscérés puis replacés dans des fûts, avec du sel. Ils vont alors maturer pendant au moins trois mois à une température de 15 ˚C. Les anchois sont vendus au sel, au vinaigre, à l’huile ou dans une saumure. Des produits dérivés tels la crème d’anchois ou l’anchoïade sont également proposés. La tradition veut que l’on déguste les anchois « à la catalane », avec des poivrons et des œufs, le tout étant assaisonné d’huile d’olive. On les aime aussi sur une tranche de pain grillé, avec de la tomate. Les anchois à l’huile peuvent s’incorporer dans des salades, des feuilletés, ou un plat de pâtes. ◗ *Ets Roque, 17, route d’Argelès-sur-Mer Ets Desclaux, 3, route d’Argelès-sur-Mer Collioure PO27A LIVRES / MUSIQUE CUISINE JARDINAGE 27 Le chef de la semaine : Paul Guilhem Chef de cuisine au château des Ducs de Joyeuse à Couiza. S Quels sont vos plats phares ? Je parlerais plutôt de « produits phares » comme la truite ou l'agneau catalan. Mais nous proposons quand même du cassoulet, car c'est une recette traditionnelle qu'on ne peut pas ne pas avoir à la carte. On a aussi d'autres plats traditionnels comme la terrine ou le bras de Venus. itué au cœur du Pays Cathare, le château des Ducs de Joyeuse, bâti au 16e siècle, est une belle demeure où l'ambiance médiévale côtoie le présent. La cuisine est tout aussi élégante et raffinée. Derrière les fourneaux s'active Paul Guilhem, chef passionné et polyvalent. De la cuisine à la pâtisserie en passant par le désossage des viandes, rien de l'arrête ! Le jeune chef a déjà une belle expérience derrière lui. Après avoir travaillé à « La Pomarède » avec Gérald Garcia, puis, chez Jacques Chibois et chez « Moderne et Pigeon », il décide de parfaire son expérience chez un artisan charcutier. Mais l'envie de revenir en restauration est plus forte et Paul Guilhem exerce alors comme chef pâtissier au Château des Ducs de Joyeuse. Après une brève escapade à Limoux, il prend le poste de chef de cuisine au château en 2012. Les légumes, c'est important ? Très important, et c'est ce qui crée le tempo dans ma carte. C'est essentiel de les mettre en valeur. Ils font partie intégrante de mes recettes. ■ La star, c’est le produit ■ Respect, tradition et modernité Vous êtes dans une région qui regorge de beaux produits … Oui, nous avons à la fois de bons produits et de bons artisans. Pendant la fermeture du restaurant l'hiver, j'en profite pour chercher de nouveaux fournisseurs. Et il y a le choix ! J'ai notamment un boucher qui me fournit de l'agneau local, et Charlie, le boucher d'Esperanza, chez qui j'achète du foie gras. On a également la pisciculture de Gesse, beaucoup de fromages, le veau catalan, les volailles du Lauragais, les vins. Comment définissez-vous votre cuisine ? J'essaie de respecter les produits, de faire une cuisine à mon image, en m'appuyant sur la tra- ◗ Respect des produits, tradition et modernité. dition, avec une touche moderne. Par exemple, je propose une truite aux amandes revisitée, avec une viennoise aux amandes. Je lis beaucoup, je rencontre des chefs, je fais des stages. J'essaie aussi d'apporter mes compétences de pâtissier pour amener un petit plus : mon tartare de truite par exemple pourrait ressembler à une pâtisserie. Comment évolue votre carte ? Elle change quatre fois en huit mois (le restaurant est fermé pendant quatre mois l'hiver). Je ne change pas tout en même temps mais selon les arrivages. Je réadapte la carte à la mi-juin, puis en juillet et en août, avant d'établir la carte d'automne fin septembre. LA RECETTE DU CHEF Quels sont les chefs qui comptent pour vous ? L'esprit Alain Ducasse : c'est la référence pour moi. Même si je n'ai pas travaillé directement avec lui, j'ai fait des stages avec ses chefs et sa cuisine me plait car on est dans le produit, la réalité du goût, la fraîcheur. La star, c'est le produit. La pâtisserie reste votre péché mignon ? Aujourd'hui, j'ai besoin de tout, de la cuisine comme de la pâtisserie. J'ai des connaissances et des acquis élargis. Je sais désosser une viande, faire la cuisine, la pâtisserie. C'est très complet, pas monotone. Je ne m'ennuie jamais car je suis polyvalent. Béatrice Vigot-Lagandré S Château des Ducs de Joyeuse Allée Georges Roux, 11190 Couiza T. 04 68 74 23 50 Menus à 35, 48, 70 et 90 € (menu dégustation surprise) LE CHOIX DU VIN Truite de Gesse en tartare, gingembre et pomme Granny Abeilles et dinosaures Guacamole de petits pois et Nachos au piment d'Espelette ’est un prénom épicène, il désigne aussi bien un garçon Terminer le guacamole en le filtrant à travers une passoire à grille fine. Rectifier l'assaisonnement en sel et poivre blanc. Une recette du chef Paul Guilhem Pour 4 personnes 250 g de chair de truite, 1 pomme Granny Smith, 1 échalote, 50 g de racine de gingembre, 1 bouquet de ciboulette, 3 citrons verts, 50 g d'huile d'olive, 500 g de petits pois écossés, 100 g de farine de maïs blanc, 100 g de farine de blé, 1 pincée de piment d'Espelette, 1 œuf, 50 g d'eau, sel fin, poivre blanc, nachos au piment d'Espelette. Dans un saladier, mélanger les deux farines avec le piment d'Espelette et le sel. Ajouter l'œuf et l'eau tiède. Malaxer jusqu'à obtenir une pâte bien homogène. Disposer la pâte entre deux papiers sulfurisés et l'étaler le plus finement possible. Dans une poêle antiadhésive, cuire la galette de chaque côté 2 minutes. Détailler les nachos et les frire à la friteuse 1 minute à 150˚C. Guacamole de petits pois Cuire les petits pois dans de l'eau bouillante et salée. Après cuisson, les refroidir dans un bac de glaçons pour conserver une belle couleur verte. Dans un blender, mixer avec le jus de deux citrons vert et 40 g d'huile d'olive. Tartare de truite Éplucher et tailler en petits dés la moitié de la pomme. Tailler l'autre moitié de la pomme en bâtonnets. Citronner légèrement les pommes afin d'éviter une oxydation. Ciseler l'échalote ainsi que la moitié de la ciboulette. Éplucher et râper la racine de gingembre. Zester et presser le jus du dernier citron vert. Hacher au couteau la chair de truite. Mélanger tous les ingrédients et ajouter de l'huile d'olive, sel et poivre blanc. Dressage Dans un cercle, positionner le tartare de truite puis retirer le cercle. À l'aide d'une poche à pâtisserie, déposer le guacamole sur le tartare et autour. Décorer le tartare avec les bâtonnets de pomme et quelques tiges de ciboulette. Piquer les Nachos sur le guacamole. Pour terminer la décoration, ajouter quelques feuilles de jeunes pousses d'épinards, riquette et mâche. Assaisonner avec une vinaigrette à base d'huile d'olive et de jus de pamplemousse. C qu’une fille, comme Claude ou Dominique. Ou... Anne. Même s’il n’est guère aujourd’hui utilisé que pour les filles. Anne, duc de Joyeuse et baron d’Arques, était un homme de guerre. Maréchal de France, proche d’Henri III, il a été tué, à 27 ans, dans une bataille contre les protestants d’Henri de Navarre... Son château, à Couiza, devenu restaurant, est toujours solide ! Non loin de là, la cave qui porte son nom produit des vins secs au royaume des effervescents. On n’est pas à un paradoxe près. D’autant que les vins de Limoux méritent bien leurs quartiers de noblesse dans la cour des grandes AOC. Le pinot noir s’épanouit ici, dans la fraîcheur d’un terroir d’altitude, avec des arômes de cerises (Camas) et des parfums de sous-bois (Gargantuavis*). Mais pour cette recette du chef - tartare de truite, pomme, gingembre – on choisira l’autre cépage roi : le chardonnay de la Butinière (les abeilles bénéficient de la lutte environnementale, initiée par la cave) : fermentation et élevage en fûts de chêne de la forêt de Tronçais et de l’Allier pour un vin aux notes briochées, aux arômes d’agrumes. De la rondeur sur une fine minéralité. Daniel Bailbé S Cave Anne de Joyeuse. 41, Avenue Charles de Gaulle à Limoux (Aude) T. 04 68 74 79 40 - www.annedejoyeuse.fr AOC limoux blanc Butinière (9,95 €) Vin de pays d’Oc IGP Camas Pinot noir (5 €) et Dinosaure (Gargantuavis) (7,10 €) * Contemporain des derniers dinosaures, Gargantuavis Phyloïnos - qui aime le vin ! -, de son nom scientifique est le plus gros oiseau de l’ère secondaire avec ses deux mètres de haut. La cave Anne de Joyeuse soutient l’association et le musée Dinosauria d’Espéraza, dans la Haute-Vallée de l’Aude.