Thème 9 : Stratégie de commercialisation
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Thème 9 : Stratégie de commercialisation
Thème 9 : Stratégie de commercialisation Serghei Floricel Un élément clé pour le succès de tout projet d’innovation est la stratégie de commercialisation, aussi appelée stratégie marketing ou stratégie de marché. Cette stratégie a deux aspects. Un premier aspect est statique et consiste à trouver le positionnement de marché qui permet au produit de se démarquer de ses compétiteurs en occupant une place claire et avantageuse dans l’esprit des clients visés. Le deuxième est dynamique et concerne le moment choisi pour le lancement du produit sur le marché, l’effort déployé etc. en vue de bénéficier des processus dynamiques discutés au thème 8. Le positionnement est important pour tous les marchés mais devient crucial dans les marchés moins dynamiques, où l’espace mental des clients est déjà occupé par plusieurs produits concurrents. Ce genre de situations caractérise souvent les marchés pour les joutes « vendeur d’expériences » et « nouvelliste pressé ». Le développement d’un positionnement comporte trois séries de décisions : La première série de décisions concerne la segmentation du marché, c'est-àdire le choix d’un groupe précis de clients auquel notre produit s’adressera. Tel que vu au thème 7, les besoins des clients sont multidimensionnels et un produit peut offrir plus ou moins de satisfaction sur les différentes catégories de besoins. Aussi, au thème 8, nous avons remarqué que dans les marchés matures les profils de préférence par rapport aux différentes catégories de besoins diffèrent entre des groupes de clients du même marché. Ces groupes s’appellent des segments. La segmentation consiste à identifier les catégories de besoins qui discriminent entre les groupes de clients, évaluer le potentiel les différents segments ainsi identifiés, et choisir un segment (rarement plusieurs) auquel notre offre s’adressera en priorité. Ce choix augmente la valeur créée, par un meilleur accord entre le profil des besoins de la clientèle et la configuration de bénéfices offerts par le produit (une des modalités de création de valeur regroupées dans le facteur « rencontrer les besoins » discuté au Thème 1). La deuxième décision est la différenciation, qui consiste à identifier un bénéfice pour lequel notre produit offrira au segment visé une valeur unique ou supérieure par rapport aux produits concurrents ainsi qu’à proposer une raison claire et plausible pour convaincre les clients de cette supériorité. En somme il s’agit de choisir un « quoi » (le bénéfice) et un « comment » (la © Serghei Floricel raison). En anglais on utilise parfois les termes « unique value proposition » ou « differentiator ». Ce bénéfice doit normalement être relié aux catégories de besoins essentielles pour le segment visé. Il peut être une qualité ou une performance supérieure du produit en tant qu’objet, mais aussi un bénéfice tangible pour le client (économie d’effort, temps et argent), un bénéfice intangible (image, prestige, réduction du risque), et même accessoire (service courtois). Même si on envisage deux bénéfices, il est important de garder le positionnement simple et clair, pour qu’il puisse rejoindre la clientèle à travers le barrage de produits et messages qui bombardent les consommateurs d’aujourd’hui. Le « comment » (la raison de la supériorité) peut être une technologie supérieure, la qualité des employés, l’expérience de l’entreprise et même le pays d’origine. Le positionnement est souvent transposé dans un slogan qui est utilisé dans la promotion du produit. La Figure 9.1 présente un exemple hypothétique de positionnement d’un nouveau produit sur le marché de la téléphonie IP. Le marché comporte quatre segments de consommateurs ; pour chacun, la figure décrit par une phrase la combinaison idéale de bénéfices. La stratégie adoptée vise le segment D, en mettant l’emphase sur un bénéfice intangible—le prestige offert par la possession d’un appareil avec un nombre de fonctions et une qualité de communication supérieures. Ce positionnement, fondé sur les capacités techniques supérieures de l’entreprise, se reflète dans le slogan écrit en caractères rouges. La troisième série de décisions concerne les éléments tactiques qui appuient la segmentation et la différenciation choisies. Ces éléments, aussi appelés « mix marketing », visent l’ensemble de l’expérience des clients face au produit et aux activités de mise en marché. La littérature en marketing distingue les catégories suivantes d’éléments tactiques : Produit, Prix, Place, Promotion (aussi nommes «les 4P » pour aider à les mémoriser). Le « Produit » fait référence non seulement aux fonctions, performances, design, niveau de qualité et autres caractéristiques du produit en tant qu’objet, mais aussi à son emballage, à la gamme ou adaptations sur mesure disponibles, aux garanties offertes etc. Le « Prix » fait référence non seulement à la somme payée par les clients, mais aussi aux modalités de paiement (location, crédit, abonnement, forfait), à la facilité d’obtenir le crédit, aux politiques concernant les rabais etc. La « Place » concerne le circuit de distribution (logistique, grossistes, détaillants, commerce électronique etc.), et contribue à des éléments de l’expérience-client tels que la facilité d’accès, les horaires, la disponibilité du produit en stock, la capacité d’obtenir des explications, des ajustements etc. La « Promotion » concerne principalement la publicité (message, médias, fréquence) et la force de vente (nombre, formation, couverture, attitude). Tous ces éléments doivent être cohérents avec le positionnement. Par exemple si la segmentation vise des © Serghei Floricel gens aisées qui désirent un produit exclusif, le prix sera plus élevé et les détaillants auront un personnel plus nombreux et mieux formé. La stratégie d’entrée est, à son tour, importante dans tous les marchés, mais cruciale dans le marchés dynamiques, tels que ceux qui caractérisent les joutes « bataille d’architectures » et « courses entre la science et la technologie ». La stratégie d’entrée (ou introduction) sur le marché comporte, elle aussi, trois décisions. La première décision est pertinente dans les marchés où il y a une course entre plusieurs entreprises innovantes et concerne le choix d’être un pionnier ou un suiveur sur le marché. L’avantage d’être premier sur le marché vient de la visibilité du produit et de la réputation d’innovateur que l’entreprise acquiert auprès des consommateurs. Les pionniers ont aussi une longueur d’avance sur les compétiteurs en ce qui concerne la capture des processus favorables, tels que les économies d’apprentissage et les effets de réseau. Des recherches démontrent que les entrants précoces sur le marché vont survivre plus longtemps que ceux qui entrent en pleine croissance du © Serghei Floricel marché. Toutefois, les vrais gagnants sont-ils les tout-premiers ? Pas toujours, car les pionniers portent le fardeau de faire connaître le produit et, surtout pour les marchés en phase d’émergence, de le légitimer auprès des consommateurs et des instances réglementaires, de développer les réseaux de distribution, les infrastructures et les produits complémentaires. Comme les exemples d’Apple (pour le ordinateurs personnels) et de Netscape (pour les fureteurs et les moteurs de recherche Internet) le démontrent, dans le marchés en émergence il y a des fortes chances que les pionniers vont manquer d’énergie, tandis que des suiveurs tels que Microsoft apprendront de leurs erreurs et, avec une offre mieux ciblée, les dépasseront. La deuxième décision est d’accélérer ou non son entrée sur la marché. La décision de peser sur l’accélérateur, qu’on appelle en marketing une stratégie de pénétration, repose sur une réduction du prix, un déploiement rapide du réseau de distribution sur l’ensemble du marché, une promotion intense etc. L’avantage de cette stratégie est qu’elle accélère aussi les processus favorables aux entrants, tels que les économies d’échelle et d’apprentissage ainsi que les effets de réseau. Par contre elle nécessite un investissement de ressources beaucoup plus important, qui est plus risqué et plus difficile à réaliser pour les petites entreprises. La stratégie contraire, aussi appelée stratégie d’écrémage, consiste à garder un prix plus élevé et à réduire les investissements avant l’entrée des compétiteurs, obtenant ainsi des profits plus élevés. Une stratégie de pénétration semble préférable dans les marchés où il existe de forts effets du type « succès auto-renforçant », qu’on voit souvent, par exemple, dans la joute « navigateur d’architecture ». Finalement, une autre décision importante est celle de faire cavalier seul ou de collaborer avec d’autres firmes lors de l’entrée sur le marché et par la suite. Le choix d’y aller seul ou avec un minimum de partenaires peut être justifié si on pense qu’il n’y aura pas d’obstacles à la diffusion du produit sur le marché et qu’on pourra bien protéger son avantage face aux imitateurs et compétiteurs. L’avantage de cette stratégie est qu’on ne doit pas partager les profits avec d’autres. Toutefois, les partenaires peuvent partager les investissements requis pour la promotion et la légitimation du produit ainsi que pour le développement des infrastructures, produits complémentaires et applications nécessaires pour son essor. Ils peuvent aussi faire pencher la balance de notre côté lors d’une course entre technologies et standards dans des marchés avec effet auto-renforçant. Une stratégie axée sur les partenariats semble expliquer le succès du standard VHS de Matsushita sur le Betamax de Sony (dont le produit était considéré par plusieurs comme supérieur techniquement), dans le marché des systèmes à vidéocassette durant les années 1980. La leçon ayant été comprise, la récente bataille entre les standards Blu-ray (Sony) et HD DVD (Toshiba) pour systèmes vidéo à DVDs de haute définition s’est transformée dans une véritable course © Serghei Floricel à coopter plus de partenaires. Dans les secteurs du software et télécom, les entreprises adoptent des stratégies de standards ouverts (accessibilité pour utilisation et modification par d’autres compagnies), d’élaboration conjointe, et même de diffusion gratuite pour capter ce genre d’effet auto-renforçant. La stratégie de collaboration est basée donc sur la prémisse que les bénéfices seront plus grands si on partage un gâteau plus grand que si on garde pour soi un gâteau plus petit. Les mêmes thèmes se retrouvées généralement dans les décisions qui doivent être prises dans les autres phases du cycle de vie du produit (à ne pas confondre avec le cycle de vie du marché, qui peut inclure les cycles de vie de plusieurs générations de produits). Ces autres phases, communément appelés croissance, maturité et déclin, ainsi que les décisions qui leur correspondent normalement sont présentées dans la Figure 9.2. © Serghei Floricel