Corrigé weblettres

Transcription

Corrigé weblettres
de la population parisienne ». On peut également relever une accumulation de noms dépréciatifs qui désignent les habitants de ces lieux : « forçats libérés, escrocs, voleurs, assassins y
abondent ». Il existe un lien de proximité entre les faits effroyables qui se déroulent en ces lieux
et le langage de ses habitants. Les taverniers sont ainsi des « ogres » ou des « ogresses », cet
exemple illustrant les propos du narrateur à propos de l’argot de ce milieu : « Ces hommes ont
des mœurs à eux, des femmes à eux, un langage à eux, langage mystérieux, rempli d’images
funestes, de métaphores dégouttantes de sang. » Cette étude anthropologique a donc pour
fonction de faire frissonner le lecteur.
B. L’effet d’attente
Eugène Sue parvient alors à éveiller la peur du lecteur, et ainsi son intérêt, sans pour autant
rien dévoiler de l’intrigue qu’il va développer dans son roman. Pourtant, il annonce bien des
« scènes » à venir, mais il refuse d’en parler pour ne pas heurter le lecteur : « Nous abordons
avec une double défiance quelques-unes des scènes de ce récit. » Le narrateur accumule des
termes connotant l’horreur des faits à venir, qualifiés d’« épisodes repoussants », provoquant
une « douloureuse anxiété ». L’objectif est de susciter la « curiosité craintive » du lecteur, à
l’aide de « spectacles terribles », qui ne sont qu’annoncés pour l’instant. Le lecteur est donc
invité à trembler avant même que ne commence le récit.
Conclusion
Les Mystères de Paris sont donc caractéristiques du roman-feuilleton, puisqu’ils reposent sur un
effet d’attente, incitant les lecteurs à acheter le journal contenant le prochain épisode. Eugène
Sue parvient à rendre romanesque un monde sordide, dont la littérature s’était peu préoccupée
jusqu’au xixe siècle. Art populaire, le roman-feuilleton nécessite de la part de son auteur une
maîtrise du récit dont témoigne cet incipit, dans lequel il ne se passe pourtant aucune action.
Vers le bac - sujet blanc
Corpus (pages 332-3359)
Stendhal, Le Rouge et le Noir (1830)
Émile Zola, La Joie de vivre (1884)
Guy de Maupassant, Pierre et Jean (1888)
➔ Corrigé des questions
1. Stendhal commence Le Rouge et le Noir par la phrase suivante : « La petite ville de Verrières
peut passer pour l’une des plus jolies de la Franche-Comté. » Il présente donc d’abord le lieu de
son récit, qui semble idyllique, retardant la mention du personnage principal. Zola, au contraire,
dans La Joie de vivre, qui commence par la phrase : « Comme six heures sonnaient au coucou
de la salle à manger, Chanteau perdit tout espoir », introduit le nom du personnage, comme si
le lecteur le connaissait déjà. On peut parler d’un incipit in medias res, puisqu’un événement
a fait perdre tout espoir au personnage, sans que nous sachions ce dont il s’agit, ce qui crée
un effet d’attente. Enfin, Pierre et Jean de Maupassant commence par cette phrase : « “Zut !”
s’écria tout à coup le père Roland qui depuis un quart d’heure demeurait immobile, les yeux
fixés sur l’eau, et soulevant par moments, d’un mouvement très léger, sa ligne descendue au
fond de la mer. » Un homme, qui n’est pas l’un des deux personnages principaux annoncés par
le titre, est en train de pêcher, ce qui n’a a priori rien de romanesque : Maupassant retarde le
début de l’intrigue de son roman.
2. Stendhal retarde l’apparition du personnage, qui n’apparaît qu’à la dernière ligne de l’extrait,
désigné par le groupe nominal « un grand homme à l’air affairé et important », ce qui nous
donne peu d’information. On peut penser qu’il s’agit de monsieur le Maire, dont il est question
dans le paragraphe précédent. En revanche, le lieu est décrit avec précision : le narrateur donne
des détails géographiques, historiques et économiques à propos de Verrières, ce qui contribue
au réalisme de cet incipit.
L’incipit de La Joie de vivre nous informe également du lieu de l’action : Bonneville, en
Normandie. Nous apprenons des informations sur Chanteau, qui est certainement un bourgeois, puisqu’il a une bonne. Il est marié, a un fils, et recueille sa nièce, orpheline. Certaines
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de ces informations sont données directement par le narrateur, d’autres apparaissent dans le
dialogue entre Chanteau et Véronique.
On apprend peu de choses en revanche à propos du cadre de Pierre et Jean : la scène se passe
en mer, sans que soient données plus de précisions. On en sait peu à propos des personnages :
M. Roland, qui se prénomme Gérôme, est marié et a deux fils, Pierre et Jean, qui sont certainement les personnages principaux. La famille semble appartenir à la bourgeoisie : les époux
se vouvoient.
3. L’incipit du Rouge et le Noir ne donne pas d’indices sur l’action à venir. De même, il est difficile
de deviner ce qui va se passer à la suite de l’incipit de Pierre et Jean. En revanche, Zola crée un
effet d’attente : il pourrait être arrivé un malheur à madame Chanteau. L’arrivée de Pauline
Quenu peut aussi annoncer un changement dans la vie de cette famille.
4. L’incipit de Pierre et Jean est statique : aucun événement ne vient perturber la situation
initiale. Celui de La Joie de vivre est dynamique : les informations nous sont délivrées par
les actions et les paroles des personnages. Enfin, l’incipit du Rouge et le Noir est progressif, puisqu’il est composé selon une technique de rapprochement : chaque paragraphe nous
approche de plus en plus du personnage dont il sera question.
5. Stendhal crée un effet de réel par l’accumulation de précisions géographiques, historiques et
économiques à propos de Verrières. Zola cite de nombreux lieux réels et a calculé le temps qu’il
fallait pour rejoindre Bonneville depuis Paris, ce qui contribue à l’effet de réel de son incipit.
Le réalisme de l’incipit de Pierre et Jean se distingue de celui des deux autres textes. En effet,
aucun lieu réel n’est cité. En revanche, la description du panier de poissons crée un effet de
réel cru, puisque le narrateur donne des détails repoussants et réalistes à propos des poissons
dans la corbeille.
6. Le texte de Stendhal suscite la curiosité à propos de l’homme qui apparaît à la fin de l’extrait,
dont on ne sait rien à part qu’il a l’air affairé et important, ce qui pourrait faire penser qu’il
s’agit du maire de Verrières. Dans le texte de Zola, le lecteur attend l’arrivée de Pauline Quenu,
qualifiée de « morveuse » par la bonne à la fin de l’extrait : on peut deviner qu’elle perturbera la
vie tranquille de la famille. Enfin, Maupassant suscite une attente grâce au symbole du panier
de poissons, qui représente une sourde menace dans ce décor pourtant agréable.
➔ Écriture d’invention
Objectifs
•Écrire l’explicit d’un roman naturaliste.
•Repérer dans le texte de Zola les prolepses et les exploiter dans la rédaction de l’explicit.
•Créer un écho entre l’incipit et l’explicit et prendre conscience du lien qui unit ces deux
passages importants d’un roman.
Critères de notation
•Le texte est réaliste, le contexte géographique, historique et social est respecté. Il n’y a pas
d’anachronismes.
•L’élève a introduit des jeux d’écho avec l’incipit, en repérant les prolepses qui permettent
d’émettre des hypothèses sur le dénouement.
•La personnalité des personnages de l’explicit doit être cohérente avec les indices relevés dans
l’incipit.
Écriture de commentaire
Stendhal, Le Rouge et le Noir
Le Rouge et le Noir est un roman de Stendhal paru en 1830, portant en épigraphe une citation de Danton : « La vérité, l’âpre vérité. » Il s’agit pour l’auteur d’inscrire son récit dans un
contexte réaliste et de révéler une vérité humaine. L’incipit de ce roman présente une petite
ville de province, fictive mais dont l’existence semble réelle : Verrières. La description ressemble
presque à un guide destiné au voyageur. Ce lieu semble à première vue charmant, mais le
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