Texte 5: incipit de Claude Gueux, Victor Hugo

Transcription

Texte 5: incipit de Claude Gueux, Victor Hugo
Pour l’introduction
Victor Hugo né en 1802 et mort en 1885. C’est un écrivain faisant partie du mouvement du
romantisme. Il a écrit Le dernier jour d’un condamné en 1829, dans lequel il dénonce la peine de
mort. Claude Gueux est une œuvre du début de sa carrière (1834). Il y dénonce à nouveau la peine de
mort et le système judiciaire. Le récit du parcours du personnage éponyme s’inspire d’un fait divers
réel et préfigure Les Misérables. Il s’agit ici de l’incipit: il raconte ce qui a conduit le personnage principal en prison, puis en dresse le
portrait qui s’oppose à celui de MD, directeur d’atelier en prison. Prétendument objectif, cet incipit est en fait une démonstration, nous allons voir comment.
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Eléments pour la lecture analytique
– Le narrateur
Le narrateur est extérieur à l’histoire, il commente son récit et s’adresse aux lecteurs. Il se dit objectif
« je dis les choses comme elles sont », mais son récit est fortement modalisé, comme on le verra par
la suite.
Son rôle est en fait de guider le lecteur, dans une sorte de démonstration: « Poursuivons » et « on va
voir ce que la société en a fait ». C’est donc lui qui oriente la lecture des événements, même si son récit se veut objectif et précis. Il commente par des vérités générales « Clairvaux, abbaye dont on a fait une Bastille, cellule dont on a
fait un cabanon, autel dont on a fait un pilori »; donne son avis, « ce n’est pas l’atelier que je blâme »
et émet des jugements sur les personnage « l’ouvrier était capable, habile, intelligent… » ou au
contraire « en un mot, pas méchant, mauvais ». – Un récit exemplaire
Le récit des événements qui conduisent CG en prison est concis et précis. On peut noter les phrases
courtes, parfois nominales « un hiver l’ouvrage manqua. Pas de feu, ni de pain dans le galetas ».
L’absence de connecteur temporel ou logique: « L’homme, la fille et l’enfant eurent froid et faim.
L’homme vola. » L’absence de nom précis (« L’homme, la fille… » « l’ouvrier ») montre que l’histoire est exemplaire:
elle pourrait concerner tout le monde. Le narrateur met en avant la disproportion de la peine: « il résulta trois jours de pain et de feu pour la
femme et l’enfant, et cinq ans de prison pour l’homme. » avec l’opposition « trois jours » et « cinq
ans ». – Le double portrait
On retrouve les différentes fonctions de la description. Référentielle: le portrait est précis et permet de bien nous représenter les deux personnages. Le
visage de Claude Gueux est décrit dans ses moindres détails « front », « oeil », « menton », « lèvre »,
- ce qui n’est pas sans rappeler l’anthropométrie qui se développe durant le siècle (volonté de voir
dans les traits du visage, et leurs mesures des déterminations comportementales). On retrouve un
vocabulaire scientifique pour le portrait de MD « espèce », « variété dans l’espèce ». Narrative: la tête de CG est décrite avec soin, « c’était une belle tête », et cela annonce la fin, la
décapitation « on va voir ce que la société en a fait ». Madame Potter-Daniau – année scolaire 2014-2015
Première
Texte 5: incipit de Claude Gueux,Victor Hugo
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Questions possibles. Que veut montrer VH dans cet incipit? Quelles sont les caractéristiques de cet incipit?
Madame Potter-Daniau – année scolaire 2014-2015
Première
Et enfin argumentative: les deux portraits s’opposent. Le portrait de CG est laudatif « capable, habile,
intelligent, fort maltraité par l’éducation, fort bien traité par la nature, ne sachant par lire et sachant
penser ». On peut noter l’accumulation d’adjectifs et les deux antithèses qui mettent l’accent sur les
qualités innées de CG. Le portait de MD est péjoratif « un homme bref, tyrannique, obéissant à ses
idées, toujours à courte bride sur son autorité » - on note aussi l’accumulation et la progression. Les
termes positifs sont mis à distance par la précision « dans l’occasion » - c’est à dire pas de façon
continue- ou plus par « ce qui est devoir, non vertu », qui montre qu’au contraire, les qualités de MD
n’ont rien d’innée. C’est donc un paradoxe: le criminel en prison est la victime et le « mauvais »
homme est le gardien de prison…. – La visée argumentative: que veut montrer VH? Dans cet incipit sont énoncés les thèmes de l’oeuvre. D’abord la misère: faute de travail, la famille
souffre. Plus loin dans le portrait, le narrateur précise « il avait bien souffert ». CG, bon par nature, n’a
pas eu accès à l’éducation « ne sachant pas lire » et c’est la misère qui en fait un voleur: « CG,
honnête ouvrier naguère, voleur désormais » - l’opposition entre « naguère » et « désormais » est ici
expressive. C’est la société qui fait le crime. Ensuite, c’est la question de la justice: la peine de CG paraît disproportionnée, comme on l’a dit
précédemment. La prison est montrée comme le lieu de la contradiction. Dès la présentation de Clairvaux, cette idée
apparaît: un lieu religieux a été transformé en lieu de souffrance « Clairvaux, abbaye dont on a fait une
Bastille, cellule dont on a fait un cabanon, autel dont on a fait un pilori ». On peut noter les trois
oppositions entre les symboles de la religion et ceux de la répression qui montre que VH condamne
cette transformation du lieu saint. Ensuite, c’est le double statut de cachot et d’atelier que VH blâme
« on le mit dans un cachot pour la nuit et dans un atelier pour le jour », opposition que l’on retrouve
dans le portrait de MD « guichetier »/ « marchand », « une commande à l’ouvrier » / « une menace
au prisonnier », « l’outil aux mains » / « les fers aux pieds ». Ici encore elle est triplée et l’idée est bien
mise en avant: le travail est bon, mais ne peut cohabiter avec la contrainte carcérale. On ne peut mal
traiter des gens qui travaillent. A travers l’histoire, les personnages et les commentaires du narrateur, on commence donc à percevoir
la portée argumentative du récit. 

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