Chambre des fonctionnaires et employés publics (Chfep).

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Chambre des fonctionnaires et employés publics (Chfep).
022 » FOCUS
Auteur FGFC Rédacteur Marc Thill Photos Christof Weber, Chfep
Chambre des fonctionnaires
et employés publics (Chfep).
Missions, rôle,
fonctionnement.
Bien que l’adhésion à la Chambre des
­fonctionnaires et employés publics
(Chfep) soit obligatoire pour les presque
44.000 personnes faisant partie du secteur
public, cette institution et son fonctionne­
ment restent souvent méconnus pour le
grand public.
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www. chfep.lu
Lors d’une entrevue à l’aube des élections
de mars 2015 M. Georges Muller,
directeur de la Chfep, a expliqué le rôle de
la chambre professionnelle et a développé
pour le «FGFC mag’» les différentes missions
de la Chfep.
M. Muller, la Chfep est compétente pour
l’intégralité du secteur public. Toutefois
cette institution est rarement citée par
les médias et remplit ses missions plutôt
avec discrétion.
» 023 Le respect du fond et de la forme est plus
important que les apparences pour la
Chfep. Contrairement à d’autres chambres
professionnelles, surtout patronales, elle ne
croit pas utile de devoir organiser en per­
manence des conférences, des colloques
et autres «work-shops» pour se doter d’une
certaine image auprès du public. Elle se
contente d’accomplir avec discrétion les
missions qui lui sont confiées par la loi,
et qui concernent en effet l’intégralité du
secteur public au Luxembourg.
Si le législateur lui accorde une telle
importance pourquoi la Chfep fut
­seulement instaurée en 1964 ?
La Chfep fut créée par la loi du 12 février
1964, et donc avec 40 ans de retard sur la
chambre d’agriculture, la chambre de com­
merce, la chambre des métiers, la chambre
de travail et la chambre des employés
privés (ces deux dernières ayant été fusion­
nées en chambre des salariés en 2008),
qui existent en effet déjà depuis 1924. Le
Conseil d’État, qui jugeait à cette époque
les garanties accordées aux fonctionnaires
comme suffisantes, a reconnu en 1964 que
la situation avait bel et bien changé et don­
nait libre voie à la création d’une chambre
qui se chargeait de la défense des intérêts
des fonctionnaires publics.
Afin d’obtenir une représentativité
démocratique, les membres de la Chfep
sont élus par les fonctionnaires et
employés du secteur public.
La Chfep se compose de 27 membres ef­
fectifs et de 27 membres suppléants répar­
tis dorénavant en 8 catégories (voir cadre
explicatif ) pour garantir une représentation
équitable des différentes carrières. Les
premières élections ont eu lieu en 1965. Le
mandat des membres a toujours une durée
de 5 années et est purement honorifique.
Les membres sortants sont rééligibles.
L’électorat se compose donc de 8 groupes
afin d’éviter une prépondérance au
sein de la Chfep de l’une ou de l’autre
carrière. Cependant n’est-il pas remarquable d’observer que, abstraction faite
des carrières, les électeurs attribuent
26 des 27 sièges à des représentants des
syndicats CGFP et FGFC ?
Les membres de la Chfep sont librement
désignés par les fonctionnaires et employés
publics dans un scrutin secret et universel.
Je pense que la représentation prédomi­
nante de l’un ou l’autre syndicat au sein de
la Chfep exprime sans équivoque la volonté
des électeurs. Ceci dit, le rôle du directeur
de la Chfep ne consiste pas à émettre des
commentaires sur l’issue des élections, mais
de veiller sur le bon fonctionnement du
secrétariat de la chambre professionnelle
élue en bonne et due forme.
­ bligés de le respecter, à tel point qu’il
o
arrive qu’un règlement grand-ducal soit
soumis «pour avis» à la Chambre et ensuite
publié avant que celle-ci n’ait eu le temps
de se prononcer !
Ajoutons pour terminer que de nos jours,
l’affaire est encore compliquée davantage
par l’énorme quantité et le volume des
documents et la rapidité avec laquelle les
textes doivent être disponibles. L’exemple
le plus récent dans ce contexte sont le
­projet de budget de l’État pour l’exercice
2015 et le fameux «paquet d’avenir».
La Chfep dispose d’un droit d’initiative.
Vous avez précisé que les missions de la
Chfep ont été définies par le législateur.
D’autre part, la Chfep peut influencer
la procédure législative dans la limite
de ses compétences. Quelle est la ­portée
des missions confiées à la Chfep ?
L’éventail des missions est large, en
commençant par l’amélioration de la
condition sociale des fonctionnaires et
employés publics. Le rôle le plus important
revient aux avis que la Chfep est appelée
à formuler dans le cadre de l’élaboration
de nouvelles lois ou règlements. L’avis de
la Chfep doit être demandé sur toutes les
questions qui touchent les intérêts des
personnes appartenant au secteur public.
Il est cependant aussi demandé normale­
ment au sujet de textes d’intérêt général,
c’est-à-dire qui concernent l’ensemble des
citoyens (budget de l’État, réformes fiscales,
sécurité sociale etc.).
Contrairement au Conseil d’État, qui effec­
tue surtout un contrôle plutôt juridique
et formaliste des textes, la Chfep ne peut
exprimer une «opposition formelle» qui
retarderait l’entrée en vigueur d’une loi.
Par contre, la consultation de la Chambre
est obligatoire pour le pouvoir exécutif,
ce qui veut dire qu’un règlement grandducal (rentrant dans ses compétences bien
entendu) qui ne lui aurait pas été soumis
pour avis serait déclaré inapplicable par
les tribunaux.
L’avis doit donc être demandé, mais ni le
législateur ni le gouvernement ne sont
Effectivement un autre volet est le droit
d’initiative dont dispose la Chfep. La loi
réserve à la Chfep le droit de formuler des
propositions de loi ou de faire des contre­
propositions aux projets de loi en voie
d’élaboration. La résonance à ces proposi­
tions est cependant assez mince. Il est donc
plutôt rare que la Chfep fasse usage de ce
droit. En l’occurrence la dernière proposi­
tion de loi émise par la Chambre date de
plus de 10 ans.
La Chfep intervient dans certains litiges.
La Chfep se préoccupe également de la
sauvegarde des intérêts moraux et sociaux
des fonctionnaires et employés publics.
En effet, d’après sa loi organique, elle doit
«veiller à l’observation de la législation et
des règlements qui leur sont applicables».
024 » FOCUS
Les litiges ne peuvent toutefois pas concer­
ner des affaires étrangères au régime de
service ainsi que les affaires disciplinaires.
Sont aussi exclus les conflits personnels
entre deux ressortissants. L’intervention de
la Chfep se limite aux cas d’intérêt général,
c’est-à-dire des affaires où des difficultés
similaires pourraient se présenter au sein
d’autres carrières ou d’autres administra­
tions, et où il importe de provoquer une
jurisprudence pour les cas de l’espèce qui
se présenteraient ultérieurement.
La Chfep s’est donné une ligne de conduite
claire et ostensible en la matière : l’intéressé
est tenu d’informer d’abord le secrétariat
de la Chambre de son problème, en cas
d’accord de prise en charge il avancera
lui-même les honoraires demandés par
son avocat et la Chambre ne procédera
au remboursement qu’à l’issue du procès
ou lors de la clôture du dossier.
Le législateur avait initialement confié
le volet de la formation à la Chfep.
En effet, la loi prévoit que la Chfep prenne
des mesures en vue de promouvoir la
formation et le perfectionnement profes­
sionnels des fonctionnaires et employés
publics. Or, l’Institut national d’administra­
tion publique (INAP) remplit ce rôle, aussi
bien pour ce qui est de la formation des
stagiaires qu’en ce qui concerne la forma­
tion continue. À noter dans ce contexte
qu’un règlement grand-ducal de 1984
confère à la Chfep la mission de désigner
des observateurs aux examens, qui doivent
veiller à la conformité des procédures et
des questions de ceux-ci.
Les observateurs auprès des sessions
d’examens ne sont qu’une partie des
nombreuses représentations externes
de la Chfep.
A l’image des observateurs qui inter­
viennent dans le cadre des examens, la
Chfep est en effet représentée dans une
trentaine d’organismes, de commissions
et de conseils, dont notamment le Centre
commun de la sécurité sociale, l’Association
d’assurance accidents ou la Caisse nationale
de santé…
La participation au vote en mars 2015 est
donc d’autant plus importante. Jusqu’à
présent les représentants du secteur
public dans leurs caisses de maladie par
exemple furent déterminés par un vote par
correspondance à part ; maintenant l’enjeu
se limite à un seul tour de scrutin et ces
représentants seront par après désignés par
les membres élus de la Chfep.
Être capable de gérer efficacement
toutes ces missions présuppose
une ­organisation méticuleuse et
un ­personnel motivé.
Pour accomplir l’envergure du travail la
Chfep dispose d’une équipe forte de
7 personnes qui se compose d’un secré­
taire portant le titre de directeur de la
chambre, d’un juriste, d’un informaticien,
de deux rédacteurs, d’un expéditionnaire
et d’une employée. Le règlement d’ordre
interne précise que le directeur centralise
l’administration des services de la chambre
professionnelle et qu’il est sous les ordres
directs du président de la Chfep.
Les archives, qui remontent jusqu’aux
débuts de la Chfep en 1964, sont tenues
sous la forme traditionnelle en utilisant le
support classique, le papier. Les dossiers
plus récents, c’est-à-dire depuis une bonne
décennie, sont par contre également
archivés en version électronique. Les avis
sont classés d’après leur numéro courant et
en ordre chronologique. Le répertoire des
litiges tient compte des intervenants, des
cabinets d’avocats et de l’ordre chrono­
logique des dossiers. Une banque de don­
nées informatique permet é­ videmment
de retrouver très rapidement tel ou tel
avis ou litige, même s’il date de quelques
décennies déjà.
M. Muller, après 34 années de service
auprès de la Chfep, existe-t-il une expérience positive particulière que vous
voudriez citer pour nos lecteurs ?
Je me souviens d’un litige concernant
un fonctionnaire du domaine de la santé
publique qui désirait changer d’orientation
professionnelle pour s’occuper d’enfants au
» 025 comme eux bénéficier dans une telle
hypothèse d’un supplément de traitement
équivalent à la différence entre l’ancienne
et la nouvelle rémunération.
Quels sont vos regrets ?
Le directeur Georges Muller (milieu) entouré de ses employés :
(d.g.à.d.) Yannick Huberty, Claude Agnes, Georges Trauffler, Marc Poos, Eliane Bettoni et Roland Rinnen.
sein de l’éducation différenciée. Le chan­
gement d’administration fut refusé pour
raisons de formation initiale non compa­
rable entre les deux fonctions, de sorte que
l’agent a dû prendre un congé sans solde,
effectuer les études complémentaires
prévues pour la nouvelle carrière, se sou­
mettre à un nouvel examen-concours, faire
un nouveau stage et réussir à un nouvel
examen de fin de stage !
L’application du principe «dernière nomi­
nation équivaut à première nomination»
correspondait dans ce cas précis à une
perte de revenu mensuelle d’environ
1.500,- € pour l’intéressé ! Un recours subsé­
quent n’a rien changé à la situation puisque
la loi – qui ne prévoyait pas ce cas de
figure – avait été correctement appliquée !
Or, la Chfep est intervenue auprès du gou­
vernement pour imposer une modification
législative qui évite qu’une telle situation
puisse se reproduire à l’avenir : les fonc­
tionnaires sont aujourd’hui traités sur un
pied d’égalité avec les employés et salariés
(à tâche manuelle) publics et peuvent
En général, je déplore le courant qui règne
actuellement dans la procédure législa­
tive. D’un côté, la qualité des textes nous
soumis s’amenuise, les dossiers sont trop
souvent bâclés, les recherches et les réfé­
rences sont souvent vagues et les délais
pour la confection des avis courts. De
l’autre côté, nos avis sont parfois ignorés,
même s’ils signalent des erreurs maté­
rielles manifestes dans des projets ! Bref,
le respect des procédures et le souci du
travail bien fait a notablement souffert.
M. Muller je vous remercie pour cet
entretien intéressant.
Saviez-vous ?
Afin de représenter toutes les facettes du secteur public les mandataires de la chambre des fonctionnaires et employés étaient
depuis 1964 divisés en 7 catégories (dorénavant 8) :
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catégorie A (fonctionnaires des carrières supérieures) : 3 mandats ;
catégorie B (fonctionnaires des carrières moyennes) : 5 mandats ;
catégorie C (fonctionnaires des carrières inférieures) : 9 mandats ;
catégorie D (enseignants du fondamental) : 2 mandats ;
catégorie E (fonctionnaires et employés du secteur communal) : 5 mandats ;
catégorie F (ministres du culte catholique) : 1 mandat ;
catégorie G (employés, chargés de cours et volontaires de l’Armée et de la Police) : 2 mandats.
Une modification législative récente suite à un problème d’interprétation de la loi organique a subdivisé la catégorie A
(carrières supérieures, 3 mandats) en nouvelles catégories A (enseignement secondaire et supérieur, 2 mandats) et
A1 (autres carrières supérieures, 1 mandat), d’où l’augmentation des catégories de 7 à 8.
Par ailleurs, la loi prévoit qu’aucune administration de l’État ni aucun établissement public ne peut occuper plus de deux
­mandats pour les catégories B et C. Les fonctionnaires et employés du secteur communal sont représentés par les 5 manda­
taires de la catégorie E.