«Accouchement sous X» versus les «tours d`abandon» (2)
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«Accouchement sous X» versus les «tours d`abandon» (2)
actualité, info point de vue «Accouchement sous X» versus les «tours d’abandon» (2) Achevons l’exposé des termes de la nou velle donne qui prévaut sur cette déjà bien vieille pratique qu’est l’accouchement dans l’anonymat, suivi de l’abandon du nouveau né (par celle qui lui a donné la vie). Nous avons vu (Revue médicale suisse du 12 octobre 2011) quelques faits historiques marquants dans ce domaine – et notamment la création des «tours d’abandon du Moyen Age» ainsi que leur développement au fil des siècles. Qu’en estil aujourd’hui ? Tentons de répon dre à la lumière des éléments rapportés dans le dernier numéro de la Revue du Praticien (Tome 61, N° 7, septembre 2011) par le Pr Ro ger Henrion, spécialiste émérite de gynéco logieobstétrique, aujourd’hui membre hyper actif de l’Académie nationale française de médecine. Le premier constat qui s’impose est celui d’un phénomène aujourd’hui généralement oublié : la formidable diminution de ces pra tiques depuis l’époque où prévalait la prohi bition absolue de l’avortement et de la con traception. En France, au début des années 1970, on estimait à 300 000 (dont 40 000 à 80 000 pratiqués par des médecins) le nom 2052 42_45.indd 3 bre des interruptions volontaires annuelles de grossesse ; et diverses statistiques évo quent le chiffre de 50 000 enfants nés dans le secret entre 1941 et 1991. D’autres statisti ques évaluent à 400 000 le nombre des per sonnes aujourd’hui «privées de leur filiation maternelle» ou encore à environ 10 000 le flux annuel moyen d’enfants nés sous X avant les années 1980. Face à ces données chiffrées, les statistiques actuelles. La France recense chaque année en tant que «pupilles de l’Etat» (dont la majorité correspond à des accouche ments sous X) environ six cents enfants, un nombre en diminution constante depuis dix ans. «Cette réduction, extraordinaire en si peu de temps, résulte à l’évidence de la gé néralisation de la contraception, autorisée depuis plus de trente ans, du recours à l’in terruption volontaire de grossesse, légalisé depuis plus de vingtcinq ans, du fait que l’une comme l’autre sont totalement prises en charge par la Sécurité sociale, et surtout de l’évolution des mentalités, qui a largement fait admettre les naissances hors mariage, lesquelles représentent désormais plus du tiers du total annuel des naissances» souli Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 19 octobre 2011 14.10.11 10:24 se détériorent pas avec l’âge, nous promettent non seulement de soigner des maladies musculaires, mais également l’amélioration des muscles de personnes en bonne santé. Certaines tortues et certains poissons ne subissant pas les effets du vieillissement inspirent le travail de certains scientifiques pour stopper le vieillissement chez l’être humain. Certains penseurs techno-scientifiques nous promettent la création d’une nouvelle espèce descendant d’Homo sapiens : le post-humain. L’évolution darwinienne étant aveugle et cruelle, le post-humain décidera de sa propre évolution avec les progrès génétiques et technologiques. Hollywood l’a bien compris et regorge d’histoires où Homo sapiens rencontre le post-humain : X-men, Heroes, Splice, Surrogate, Terminator, Avatar. Bien que nous puissions être reconnaissants des progrès de la science, l’imagination hollywoodienne nous incite à nous demander si l’évolution vers le post-humain sera une véritable amélioration pour notre humanité ou sa propre déshumanisation. Johann A. R. Roduit Institute of Biomedical Ethics Pestalozzistrasse 24, 8032 Zürich [email protected] Bioethics Blog: www.botox4thebrain.com www.johannroduit.com D.R. gnent les auteurs d’un rapport d’informa tion annexé à une loi de 2002 qui, en France, définit les conditions d’accès aux origines des personnes adoptées et pupilles de l’Etat. Votée à l’unanimité des membres de l’As semblée nationale, cette loi visait à concilier des intérêts radicalement divergents. D’une part, ceux des femmes souhaitant abandon ner à la naissance – et sans laisser de traces – l’enfant dont elles venaient d’accoucher. De l’autre, ceux des mêmes enfants qui, deve nus majeurs, pourraient demander d’avoir accès à leurs origines biologiques. On peut le dire autrement : d’une part, le droit de chaque femme à «accoucher sous X» contre celui de savoir «d’où l’on vient» ; ce dernier droit s’inscrivant comme on le sait dans une forme de sacralisation de l’inné génétique sur les acquis culturels. C’est d’ailleurs cette même quête que l’on retrouve dans les ten tatives contemporaines récurrentes de lever l’anonymat des donneurs de sperme qui of frent leurs cellules sexuelles à des couples dont l’homme souffre de stérilité. Or si la loi du 22 janvier 2002 est toujours en vigueur, elle est aussi régulièrement con troversée dans l’Hexagone. Il faut préciser qu’elle ne modifie en rien la filiation et l’état civil (ne crée ni droit ni obligation, au profit ou à la charge de qui que ce soit) et qu’elle invite (et donc ne contraint pas) les femmes concernées à laisser des traces. En pratique, après l’accouchement, elles peuvent indiquer leur nom, prénom, date et lieu de naissance à l’intérieur d’une enveloppe cachetée. A l’ex térieur de cette même enveloppe figurent le(s) prénom(s) qu’elles auront éventuellement choisi(s) pour l’enfant ainsi que le sexe, la date, l’heure et le lieu de naissance de ce dernier. Ce pli est ensuite conservé – fermé – par les services de l’Aide sociale à l’enfance du département concerné. Il ne pourra, le cas échéant, être ouvert que par un membre du Conseil national pour l’accès aux origi nes personnelles. C’est dans ce contexte que viennent d’être publiés les résultats d’une étude menée par Catherine VilleneuveGokalp, chercheuse à l’Institut national français d’études démo graphiques. Ils nous apprennent que chaque année, en France, entre six cents et sept cents femmes demandent le secret de leur accou chement. L’auteure définit ici trois «profils» principaux : les «jeunes femmes dépendan tes de leurs parents» (25%), les «femmes in dépendantes» (25%), et les «femmes seules en situation de précarité» (15%). On apprend encore que 43% des femmes accouchent sous X à cause d’une séparation ou du fait du gé niteur (refus d’assumer la paternité, homme dépendant à l’alcool ou à d’autres psycho tropes, en prison). Les difficultés économi ques et sociales sont la cause de 20% de ces accouchements sous X et 19% sont dus à l’incapacité de la mère à s’«investir et assu mer un enfant parce qu’elle se sent trop jeune» ; 11% des grossesses sont cachées par crainte d’un rejet familial ou de la commu nauté. La grande majorité des grossesses sont découvertes tardivement et dans huit cas sur dix le délai légal permettant d’avoir re cours à une IVG est dépassé. On apprend enfin que, dans le délai légal de deux mois après la naissance, 14% des mères reprennent l’enfant. Les femmes qui reviennent le plus souvent sur leur décision sont celles qui ont dû se séparer de l’enfant sous la pression de contraintes familiales ou économiques. En revanche, l’accouchement secret est plus rare chez les femmes qui ont acquis leur indépendance économique ou qui vivent en couple. Revenir sur les dispositions de la loi de janvier 2002 ? Certains, en France, militent pour et déposent des propositions de loi pour contraindre les mères à lever le secret, la connaissance de ses origines devenant ainsi de facto un droit. Pour l’heure, ces initiatives sont réprouvées tant par les gynécologues obstétriciens que par l’Académie nationale de médecine. Pour le Pr Roger Henrion, la fin de l’anonymat de la mère exposerait imman quablement à une augmentation du nombre des infanticides. Ce spécialiste observe no tamment que, faute de dispositions législa tives spécifiques équivalentes à la loi fran çaise, plusieurs pays européens (Allemagne, Autriche, Suisse, Belgique, Italie, Républi que tchèque) ont recours à des équivalents modernes des «tours d’abandon du Moyen Age» pour pallier ces drames. «Une solu tion, ditil, qui ne protège malheureusement ni la mère ni l’enfant.» (Fin) Jean-Yves Nau [email protected] Ce texte reprend (pour partie) une chronique publiée sur le site d’information francophone Slate.fr Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 19 octobre 2011 42_45.indd 4 2053 14.10.11 10:24