L`accouchement sous X

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L`accouchement sous X
Christèle CLEMENT
Fiche de niveau 3. Droit de la famille / Filiation /
Juin 2007
L'accouchement sous X
L'accouchement sous X s'entend de la faculté ouverte à la femme enceinte de taire son
identité lors de son entrée dans l'établissement de soins choisi pour ses couches et de
maintenir ce silence lors de la déclaration de l'enfant à l'état civil. Il lui permet de mettre
au monde son enfant dans la plus stricte confidentialité et de faire obstacle à
l'établissement juridique de sa maternité. La pratique, fort ancienne, n'est pas largement
admise en Europe et elle reste d'un usage limité en France (environ 500 cas par an).
I. Mécanisme
La faculté d'accoucher sous X est ouverte à toute femme, quels qu'en soient la situation
matrimoniale et l'âge. Son usage relève d'un choix discrétionnaire de la seule mère et ne
requiert l'accord ou l'autorisation de nulle autre personne (représentants légaux de la
parturiente ou père de l'enfant).
Après avoir demandé d'accoucher dans le secret, la femme peut se rétracter et déclarer
l'enfant sous son nom. A défaut de revenir aussi rapidement sur sa décision, elle peut
toujours entreprendre de le récupérer en établissant sa maternité, si du moins l'enfant
n'a pas déjà été placé en vue de son adoption (ce qui survient au plus tôt dans les deux
mois de la remise à l'ASE) ou adopté.
La loi du 22 janvier 2002 a encadré la pratique de l'accouchement sous X par un
dispositif propre à libérer l'accès à la connaissance de ses origines par l'enfant. Elle a
ainsi prévu un système d'information de la mère quant aux conséquences de son acte et
à la possibilité de lever le secret sur son identité à tout moment. Elle aménage en outre
la collecte discrète d'informations la concernant, y compris son identité, et leur archivage
par le Conseil national pour l'accès à ses origines personnelles (CNAOP). L'enfant a
librement accès aux renseignements non identifiants ainsi conservés, à charge d'en faire
la demande au CNAOP. En revanche, s'agissant de l'identité de sa mère, il ne peut en
avoir connaissance que si cette dernière, consultée par le CNAOP à sa demande, y
consent ou ne s'y est pas opposée de son vivant. La loi française laisse donc la femme
accouchée sous X libre de lever le secret de son identité. En tout état de cause, cette
décision reste sans effet sur la filiation de l'enfant.
II. Effets
Depuis 1993, l'accouchement sous X produit l'effet d'empêcher l'établissement judiciaire
de la maternité de l'intéressée. Jusque lors, il se bornait à entraver en fait l'usage de
cette faculté, en rendant l'identification de la mère extrêmement difficile. Dans le but de
préserver le droit d'accoucher sous X, la loi du 8 janvier 1993, reprise sur ce point par
l'ordonnance de 2005, a attaché à son exercice l'effet d'élever une fin de non-recevoir à
l'action en recherche de maternité. Ainsi, même s'il parvient à identifier sa mère, l'enfant
né sous X ne peut agir en justice pour se rattacher juridiquement à elle.
Par ailleurs, l'usage de la faculté d'accoucher sous X risque de priver la reconnaissance
paternelle de l'enfant de toute efficacité. Valable à la supposer souscrite avant le
placement pré-adoptif de l'enfant, cette reconnaissance exige pour produire ses effets
l'identification de l'enfant qui en est bénéficiaire. Or, celle qui est souscrite prénatalement
vise l'enfant à naître d'une femme qui, en droit français, est censée n'avoir jamais
accouché. Faute de recoupement possible avec l'acte de naissance de l'enfant, elle ne
peut être transcrite sur les registres de l'état civil. Néanmoins, elle peut être réitérée ou
complétée après la naissance si l'enfant parvient à être identifié autrement que par
référence au ventre qui l'a porté. Cela suppose certes que son auteur connaisse la date
et le lieu de naissance de l'enfant, ce que la femme accouchée sous X lui cache le plus
souvent. Mais la loi de 2002 lui donne le droit de demander au Procureur de la
République de procéder à leur recherche. Toutefois, l'identification de l'enfant ne suffit
pas nécessairement à donner effet à la reconnaissance paternelle et à justifier la
restitution de l'enfant à son père. Dans le dernier état de sa jurisprudence, la Cour de
cassation décide qu'elle doit à cette fin avoir eu lieu avant tout consentement à l'adoption
de l'enfant, même si ce dernier a déjà été placé en vue de son adoption. En ce cas, la
reconnaissance a l'effet d'établir la filiation paternelle de l'enfant dès la naissance, de
sorte que seul le père peut consentir à son adoption (Civ.1ère, 7 avril 2006, D.2006
Tribune p.1177).
Bibliographie
- S. AUBIN, Les droits du père face à l'accouchement anonyme, in LPA 20 mars 2003
n°57 p.6.
- P. MALAURIE et H. FULCHIRON, Droit civil – La famille, Defrenois 2ème éd. 2006, n°1113
à 1126 p.434 et s.
- F. TERRE et D. FENOUILLET, Droit civil – Les personnes, la famille, les incapacités,
Précis Dalloz 7ème éd. 2005, n°797 à 801 p.730 et s.

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