Hyperplasie congénitale des surrénales à révélation tardive par
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Hyperplasie congénitale des surrénales à révélation tardive par
¶ 10-015-B-25 Hyperplasie congénitale des surrénales à révélation tardive par déficit partiel en 21-hydroxylase M.-B. Galand-Portier, F. Kuttenn L’hyperplasie congénitale des surrénales (HCS) à révélation tardive par déficit partiel en 21-hydroxylase est une des maladies à transmission autosomique récessive parmi les plus fréquentes et représente 95 % des blocs surrénaliens. La présentation usuelle est celle d’une virilisation tardive parapubertaire ou postpubertaire mais il existe un continuum phénotypique allant des formes cryptiques aux formes sévères où les signes de virilisations sont marqués. Cette variabilité d’expression est liée à la nature des mutations, avec le plus souvent une bonne corrélation entre le génotype et le phénotype, mais il existe d’autres facteurs pouvant moduler cette expression comme notamment la réceptivité périphérique aux androgènes. Le diagnostic positif repose sur l’élévation du taux de la 17-hydroxyprogestérone (17OHP, précurseur situé en amont du bloc) après stimulation par l’ACTH (adrenocorticotrophic hormone) avec une valeur seuil de 10 ng/ml. Lorsque le diagnostic est établi, la prise en charge doit passer par une étude moléculaire du gène CYP21B et une enquête familiale doit être proposée. À ce jour, plus de 50 mutations du gène ont été caractérisées ; le profil le plus fréquemment rencontré chez les sujets atteints est celui d’hétérozygotes composites avec présence dans deux tiers des cas d’au moins une mutation sévère. Lorsqu’une mutation sévère est présente, un dépistage systématique du conjoint doit être réalisé avant toute grossesse afin d’évaluer le risque de transmission d’une forme sévère de la maladie. Ce dépistage repose sur le dosage du 21-désoxycortisol (21-DF) après stimulation par l’ACTH, qui permet de déceler les hétérozygotes avec une meilleure sensibilité que le dosage de la 17OHP. La prise en charge thérapeutique n’est pas univoque et doit être adaptée au cas par cas en fonction de la sévérité du bloc, des signes cliniques et du contexte. Le traitement classique repose sur l’administration d’hydrocortisone à visée freinatrice sur l’axe corticotrope, mais lorsque l’hirsutisme est au premier plan, les antiandrogènes, parmi lesquels on peut retenir l’acétate de cyprotérone, apportent de meilleurs résultats. Même si les cas d’insuffisance surrénalienne aiguë sont exceptionnels, une information doit être donnée et une carte d’insuffisant surrénalien potentiel doit être remise au patient. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Bloc partiel en 21-hydroxylase ; Hirsutisme ; Hydrocortisone ; Acétate de cyprotérone ■ Introduction Plan ¶ Introduction 1 ¶ Prévalence 3 ¶ Présentation clinique 3 ¶ Diagnostic biologique 3 ¶ Déficit en 21-hydroxylase et liaison au système HLA 4 ¶ Analyse moléculaire 5 ¶ Corrélations génotype/phénotype 6 ¶ Traitement Moyens thérapeutiques Choix du traitement 7 7 7 ¶ Problème particulier de l’infertilité 8 ¶ Exploration du conjoint 8 ¶ Exploration de la famille ¶ Conclusion 9 10 Le déficit partiel en 21-hydroxylase entraîne une insuffisance de la sécrétion de cortisol, une augmentation de la sécrétion d’ACTH responsable de l’hyperplasie surrénalienne, de l’accumulation du précurseur en amont du bloc enzymatique, la 17OHP, et d’une production excessive d’androgènes (Fig. 1, 2). [1] L’identification de cette maladie, longtemps mal connue, a bénéficié des progrès successifs des techniques biochimiques de dosages et de la biologie moléculaire. Elle est caractérisée par son grand polymorphisme, et, à côté de la forme précoce dite « classique », due à un bloc complet ou majeur et qui se traduit par une ambiguïté sexuelle à la naissance avec ou sans perte de sel, il existe des formes « non classiques » à révélation plus tardive, voire parfois asymptomatiques (cryptiques), et alors diagnostiquées dans le cadre d’une enquête familiale [2-5]. Dans la forme tardive qui apparaît dans la littérature sous de très nombreuses dénominations, le déficit enzymatique est seulement partiel, et au prix d’une hyperplasie surrénalienne, la production de cortisol peut être suffisante. Le tableau clinique est le plus souvent celui d’une virilisation tardive, parapubertaire ou postpubertaire. [2-5] Endocrinologie-Nutrition © Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 13/08/2014 par F.Yassine 1 10-015-B-25 ¶ Hyperplasie congénitale des surrénales à révélation tardive par déficit partiel en 21-hydroxylase Cholestérol 20-22 hydroxylase 20-22 desmolase delta 5-prégnénolone Aldostérone Progestérone 17OH-prégnénolone 17-hydroxylase 17-20-desmolase 21-hydroxylase 11-hydroxylase Désoxycortisol Cortisol 11-hydroxydéshydrogénase 17-hydroxylase Désoxycorticostérone (DOC) Corticostérone Cortisone 3β -hydroxydéshydrogénase delta 4-5 isomérase DHA 17OH-progestérone 21-hydroxylase 11-hydroxylase 3β -hydroxydéshydrogénase delta 4-5 isomérase 17-20 desmolase delta 4-androstènedione Testostérone 17β -hydroxydéshydrogénase Aromatase Aromatase Œstrone Œstradiol 17β -hydroxydéshydrogénase Figure 1. Schéma de la biosynthèse des stéroïdes surrénaliens. ACTH Cholestérol Prégnénolone Aldostérone 17OH-prégnénolone 11 Corticostérone 21 Progestérone DOC DHA 11 F S-DHA 21 S 17OH-progestérone ∆4 T Figure 2. Conséquences du déficit en 21-hydroxylase sur l’axe corticotrope et la biosynthèse surrénalienne. 2 © Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 13/08/2014 par F.Yassine Endocrinologie-Nutrition Hyperplasie congénitale des surrénales à révélation tardive par déficit partiel en 21-hydroxylase ¶ 10-015-B-25 “ Points essentiels Histoire de l’identification de l’hyperplasie surrénalienne à révélation tardive 1910, Apert : virilisation surrénalienne 1912, Galais : syndrome adrénogénital 1930-1935 : observation de l’augmentation de l’élimination urinaire des androgènes dans ce syndrome 1950, Wilkins : freination des androgènes par la cortisone 1954, Bongiovani : constate l’augmentation d’élimination urinaire des 17-cétostéroïdes et du pregnanetriol 1956, Childs : maladie héréditaire transmise selon un mode autosomique récessif 1957, Wilkins : distingue HCS et syndrome de Cushing 1957, Decourt : description de l’HCS à révélation tardive 1977, Dupont : montre la liaison génétique entre HCS et le système HLA 1984, White : construit une sonde ADNc pour le gène de la 21-hydroxylase, qui s’avère être un gène CYP21B proche d’un pseudogène CYP21A, source des mutations survenant sur le gène B Le déficit partiel en 21-hydroxylase est responsable de plus de 95 % des hyperplasies congénitales des surrénales à révélation tardive. C’est une maladie génétique à transmission mendélienne selon le mode autosomique récessif, parmi les plus fréquentes, puisqu’elle atteint un individu sur 1 000 à 2 000 [1, 4, 5]. “ Points essentiels Différentes dénominations proposées pour la forme non classique de l’hyperplasie congénitale des surrénales À révélation tardive (late-onset) : Pollak, Am J Hum Genet, 1981 D’apparition retardée (delayed-onset) : Mahesh, JCEM, 1968 Apparition à l’âge adulte (adult-onset) : Blankstein, Am J Med, 1980 Acquise (acquired) : New JCEM, 1979 Atténuée (attenuated) : Rosenwaks, JCEM, 1979 Prépubère (pre-pubertal) : Santelli, JCEM, 1972 Postpubère (post-puberal) : Brooks, Br Med J, 1960 Modérée (mild) : New Adv Hum Genet, 1973 Inhabituelle (unusual) : Zackman, Acta Endocrinol, 1978 Cryptique (cryptic) : Levine, JCEM, 1980 Asymptomatique (asymptomatic) : Kohn, JCEM, 1982 ■ Prévalence La prévalence de la maladie parmi les femmes hyperandrogéniques varie selon les études entre 1 et 10 %, notamment en fonction de l’origine géographique et/ou ethnique des patientes considérées [4, 5] . Ainsi, la prévalence dans les populations anglo-saxonnes est de l’ordre de 1 à 2 %, alors qu’elle est entre 4 et 6 % en Europe (France, Italie, Espagne) et atteint 5 à 10 % chez les juives ashkénazes ou séfarades (probablement du fait d’un taux plus élevé de consanguinité). ■ Présentation clinique Généralement, les patientes ayant un déficit partiel en 21-hydroxylase présentent des signes cliniques d’hyperandrogénie apparaissant durant la période péripubertaire. Parmi ces signes, l’hirsutisme représente la manifestation la plus fréquente ; il peut être associé à d’autres signes cutanés comme une acné ou une hyperséborrhée. Devant un hirsutisme d’apparition postpubertaire, quelques éléments peuvent orienter le diagnostic vers un déficit en 21-hydroxylase : un morphogramme androïde avec hypertrophie musculaire chez une femme plutôt petite (par soudure prématurée des cartilages de conjugaison), un déroulement anormal de la puberté avec apparition tardive des règles et irrégularités menstruelles, et l’existence d’antécédents familiaux. L’hypersécrétion surrénalienne d’androgènes représente aussi une source continue de substrats androgéniques pour l’aromatisation en œstrogènes au niveau des tissus hépatiques et adipeux. En raison de cette production continue d’œstradiol, le pic de sécrétion ovarienne d’œstradiol préovulatoire vient se diluer dans le taux haut circulant permanent et perd ainsi son effet de signal cyclique positif sur la sensibilité hypophysaire à LHRH (luteinizing hormone-releasing hormone) et le déclenchement du pic de LH (luteinizing hormone). Cette production permanente d’œstrogènes est donc facteur de dysovulation ou anovulation, avec perte de la cyclicité, troubles des règles (spanioménorrhée, aménorrhée), et infertilité. Environ 40 % des patientes présentent un syndrome des ovaires micropolykystiques, qui peut être associé à un syndrome X (dans environ un quart des cas) et à une insulinorésistance. [6] Il semble donc exister chez certaines patientes un risque accru de développer un diabète type 2, une athérosclérose et des pathologies cardiovasculaires. Chez les patientes les plus jeunes, on peut également observer une pubarche ou une adrénarche prématurée, voire une puberté précoce iso- ou hétérosexuelle. Même si, par définition, il n’y a pas d’anomalies génitales, il peut exister une clitoridomégalie modérée qui illustre l’existence d’un continuum phénotypique entre les différentes formes de la maladie. Chez certaines patientes, l’hyperandrogénie n’a pas ou peu de traduction clinique, on parle alors de formes cryptiques de la maladie, le plus souvent diagnostiquées de ce fait à l’occasion d’enquêtes familiales [7, 8]. Le fait que l’on puisse retrouver parmi les membres d’une famille, ayant par conséquent les mêmes profils biologiques et génétiques, des formes symptomatiques et asymptomatiques, plaide en faveur d’autres mécanismes à l’origine de la variabilité de l’expression clinique. Chez le sujet de sexe masculin, le déficit partiel en 21-hydroxylase est le plus souvent asymptomatique mais peut être associé à une taille inférieure à la taille cible, [9] à une puberté avancée, à une gynécomastie prépubertaire. [10] Comme cela a été décrit chez les patients ayant un déficit sévère, on peut retrouver l’existence de « reliquats » surrénaliens à l’intérieur des testicules chez les sujets présentant un déficit partiel, qui seraient à l’origine d’une infertilité liée à une oligospermie. Ces lésions sont le plus souvent régressives sous traitement par glucocorticoïdes, qui améliore également la qualité du sperme [11, 12]. Sur le plan morphologique, les données concernant l’aspect des surrénales chez les sujets présentant une forme tardive de déficit en 21-hydroxylase restent très ponctuelles, quelques études rapportent l’existence d’hyperplasie surrénalienne avec ou sans composante nodulaire [13]. Par ailleurs, des données préliminaires semblent mettre en évidence une augmentation de la fréquence des adénomes surrénaliens non sécrétants chez les sujets hétérozygotes [14]. ■ Diagnostic biologique Le diagnostic positif de déficit en 21-hydroxylase repose sur le dosage plasmatique de la 17OHP, réalisé à 8 heures, en première partie de cycle. En effet, il existe une décroissance circadienne du taux de 17OHP parallèlement à celle de l’ACTH et du cortisol et un dosage au cours de la journée expose à un risque de faux négatif. De plus, les patientes doivent être explorées au cours de la phase folliculaire du cycle pour éviter la part de sécrétion de 17OHP par le corps jaune. Cependant, si le taux de base permet toujours le diagnostic dans les déficits complets, il peut n’être que modérément augmenté, voir normal dans les déficits partiels. Une analyse récente des données Endocrinologie-Nutrition © Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 13/08/2014 par F.Yassine 3 10-015-B-25 ¶ Hyperplasie congénitale des surrénales à révélation tardive par déficit partiel en 21-hydroxylase 17 OHP 102 ng/ml Normal (22) Hétérozygotes (53) µg/dl Homozygotes (33) F 25 Moyenne 20 10 15 1 10 5 Base ACTH Base ACTH Base Figure 3. Taux de la 17OHP plasmatique de base et réponse lors du test au Synacthène® (0,25 mg par voie intramusculaire) chez des patientes (•) présentant une forme tardive d’hyperplasie surrénalienne par déficit partiel en 21-hydroxylase et des membres de leur fratrie (C) ayant les deux mêmes mutations que le cas-index de leur famille et considérés comme homozygotes ou hétérozygotes composites pour la maladie. Les sujets (D : parents et fratrie) qui ont une mutation en commun avec le cas-index sont considérés comme hétérozygotes, et les membres de leur famille sans mutation (+) sont considérés comme normaux (d’après Kuttenn et al. [3]). concernant 112 patientes suivies à l’hôpital Necker a montré que dans 4,5 % des cas, le taux de base de la 17OHP était inférieur à 2 ng/ml (valeur proposée comme valeur seuil de diagnostic par différents auteurs). Dans ces cas, c’est l’élévation franche de la 17OHP, jusqu’à un taux supérieur à 10 ng/ml 60 minutes après stimulation par l’ACTH, qui affirme le diagnostic. En ce qui concerne ce test, il n’existe pas de consensus, et les valeurs de 20 ou 30 ng/ml ont été préconisées par différents auteurs comme valeur seuil après stimulation. Les taux seuils plus hauts (20 ou 30 ng/ml) limitent certainement le risque de réaliser une étude moléculaire à des sujets en fait hétérozygotes, mais exposent à un autre risque, celui de ne pas faire le diagnostic chez des sujets présentant réellement deux mutations (de l’ordre de 13 % à 27 % respectivement si l’on considère les données de la cohorte de patientes mentionnée ci-dessus), ce qui justifie le maintien d’un seuil de 10 ng/ml après stimulation. “ 1/5 ACTH Points essentiels Le diagnostic d’HCS par déficit enzymatique surrénalien en 21-hydroxylase est biologique et repose sur un taux de 17OHP > 10 ng/ml lors du test au Synacthène® (Fig. 3) La 17OHP étant un précurseur des androgènes surrénaliens, son excès de production est directement responsable d’une hypersécrétion d’androgènes. La delta 4-androstènedione est le principal androgène augmenté (jusqu’à trois à quatre fois la normale). La sécrétion surrénalienne de testostérone reste peu Base ACTH Figure 4. Taux de cortisol plasmatique (F) de base et après stimulation par ACTH (0,25 mg de Synacthène® par voie intramusculaire) chez des patientes atteintes de la forme tardive de l’hyperplasie congénitale des surrénales par déficit partiel enzymatique en 21-hydroxylase (Kuttenn, données personnelles). importante et la majeure partie de la testostérone circulante provient, comme chez la femme normale, de la conversion périphérique de la delta 4-androstènedione. La concentration plasmatique de testostérone, habituellement également élevée, peut être normale. En ce qui concerne la fonction glucocorticoïde, les taux plasmatiques de base du cortisol se situent dans les valeurs normales, mais la réponse à la stimulation par l’ACTH est en revanche modérément mais significativement inférieure à la normale [3, 4] (Fig. 4), témoignant d’une insuffisance surrénalienne potentielle en cas de stress, qu’il convient de connaître, et éventuellement de compenser dans les situations de stress majeur. Cependant, c’est davantage l’augmentation de la 17OHP après Synacthène® que les taux plasmatiques de cortisol qui informent de l’intensité du bloc. “ Points essentiels HCS à révélation tardive par déficit partiel en 21hydroxylase : diagnostic biologique Cortisol plasmatique : bas ou normal ACTH plasmatique : haute ou normale 17OHP (> 10 ng/ml), taux de base : haute ou normale, réponse explosive au Synacthène® ■ Déficit en 21-hydroxylase et liaison au système HLA Les études de recombinaison ont pu localiser le gène de la 21-hydroxylase tout près du gène HLA-B. Dans le cas du déficit en 21-hydroxylase, il ne s’agit pas d’une liaison entre un type 4 © Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 13/08/2014 par F.Yassine Endocrinologie-Nutrition Hyperplasie congénitale des surrénales à révélation tardive par déficit partiel en 21-hydroxylase ¶ 10-015-B-25 Tableau 1. Fréquence des antigènes HLA parmi les patients avec HCS tardive et les contrôles (d’après Kuttenn et al. [3]). Antigène HLA altèrent son expression et sa fonction. Les deux gènes CYP21B et CYP21A sont intercalés entre deux autres gènes homologues C4a et C4b qui codent pour le quatrième composant du complément. Le gène CYP21B code pour le cytochrome P450c21. La très courte distance qui sépare le pseudogène du gène fonctionnel, ainsi que la très forte homologie qui existe entre les gènes C4a/CYP21A d’une part, et C4b/CYP21B d’autre part, ont conduit ceux-ci à s’apparier de façon non homologue au cours de la méiose. Cet appariement peut donner lieu d’une part à une recombinaison inégale, et d’autre part à une conversion génique [18]. La recombinaison inégale est un « crossingover » faisant intervenir deux régions non allèles (par exemple deux régions homologues appartenant l’une au pseudogène CYP21A et l’autre au gène CYP21B). La conversion génique est le remplacement par transfert d’une certaine quantité d’ADN (acide désoxyribonucléique) par une autre qui lui est fortement homologue, n’entraînant pas de perte de matériel génétique. La recombinaison inégale et la conversion génique rendent compte de la plus grande partie des mutations responsables de la maladie, [19] en générant soit des délétions partielles ou complètes du gène CYP21B, soit des mutations ponctuelles transférées par conversion génique sur le gène CYP21B à partir du pseudogène CYP21A [20] . À ce jour, environ 95 % des anomalies génétiques responsables de la maladie ont été caractérisées, et plus de 50 mutations du gène CYP21 ont été rapportées : 29 mutations ponctuelles et plusieurs réarrangements de la région comme des délétions complètes ou partielles et des conversions du gène (Human Gene Mutation Database Cardiff) (Fig. 5). Des expériences de mutagenèse dirigée ont permis de déterminer in vitro l’activité enzymatique résiduelle en fonction de l’altération du gène, et de classer ces mutations en « sévères », lorsqu’elles donnent lieu à une activité enzymatique faible, inférieure à 5 % de la normale, ou « modérées ». Les mutations modérées sont associées à la forme non sévère de la maladie. Il s’agit de mutations ponctuelles (V281L, la plus fréquente, P30L et P453S, promoteur) associées à une activité enzymatique résiduelle de l’ordre de 30 à 40 % in vitro. Cependant, les sujets atteints d’un déficit en 21-hydroxylase peuvent être soit homozygotes, c’est-à-dire avoir deux allèles porteurs de la même anomalie, soit, le plus souvent, hétérozygotes composites, c’est-à-dire présenter deux anomalies distinctes sur les deux allèles. L’expression biologique est alors le plus souvent celle de l’anomalie génétique la moins sévère [21]. Ainsi, les sujets présentant un déficit partiel peuvent être porteurs de mutation(s) sévère(s) sur un de leurs allèles, et les données de la littérature montrent que deux tiers des patientes présentent au moins une mutation sévère [22, 23] Fréquence (en %) Patientes Contrôles Aw33 25 1,9 B14 75 11,7 Aw33, B14 21 0,6 Les allèles B14 et Aw33, B14 sont très fréquemment retrouvés. L’haplotype B14 est le plus souvent lié à la mutation V281L. HLA (human leucocytes antigen) et la susceptibilité à une maladie, mais d’une liaison génétique classique entre deux gènes qui ont une relation de voisinage et restent liés au cours de leur transmission héréditaire. Cette liaison, d’abord mise en évidence pour la forme précoce de la maladie, a été confirmée pour la forme à révélation tardive [15]. Dans la forme précoce, le déficit en 21-hydroxylase peut se trouver lié à n’importe lequel des antigènes HLA. En revanche, dans la forme tardive, le déficit est lié à l’antigène HLA-B14 chez plus de 75 % des sujets atteints, alors que cet antigène n’est présent que chez 6,5 % des individus non atteints (Tableau 1). La fréquence de cette association évoque un effet « fondateur » avec transmission simultanée de l’haplotype B14 et de la mutation « 21OH » dans sa forme tardive. L’haplotype B14 a été subdivisé par la suite en deux groupes sérologiques : B64 et B65, et c’est ce dernier qui est régulièrement associé au déficit en 21-hydroxylase à révélation tardive [16]. Cette liaison génétique étroite entre les gènes de la 21-hydroxylase et du système HLA peut représenter une aide au diagnostic lorsque l’analyse moléculaire ne retrouve pas de mutation (5 % des cas). ■ Analyse moléculaire Le déficit enzymatique est en rapport avec des lésions du gène codant pour le cytochrome P450c21. Le gène responsable de la maladie, a été localisé par Dupont et al. en 1977 et caractérisé pour la première fois en 1984. Il s’agit du gène CYP21B qui se trouve localisé sur le bras court du chromosome 6, dans la région HLA de classe III des gènes du complexe majeur d’histocompatibilité. Il est situé entre les loci HLA-B et HLA-DR (à 600 kb du locus HLA-B et à 400 kb du locus HLADR). Dans la région de classe III, ce gène CYP21B est situé en tandem avec un pseudogène, CYP21A, [17] c’est-à-dire un gène identique, mais rendu non fonctionnel par des mutations qui G291S FC avec PSC 1236N V237G M239L FC avec PSC 8 bp délétion FC avec PSC 1 P30L FNC 2 3 Int2 Épissage anormal FC ? 4 5 6 I172N FC sans PSC R483X GC ---> C FC avec PSC T insertion FC avec PSC Q318X FC avec PSC 7 8 V281L FNC 9 R356W FC 10 P453S FNC Mutations sévères entraînant une perte totale d'activité de l'enzyme et des déficits à la fois gluco- et minéralocorticoïdes avec syndrome de perte de sel (PSC). Mutations sévères laissant environ 2 % d'activité enzymatique, responsables de formes classiques (FC) virilisantes. Mutations modérées permettant 40 à 50 % d'activité enzymatique résiduelle, et responsables de formes à répétition tardive (FNC). Figure 5. Principales mutations du gène CYP21B. Endocrinologie-Nutrition © Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 13/08/2014 par F.Yassine 5 10-015-B-25 ¶ Hyperplasie congénitale des surrénales à révélation tardive par déficit partiel en 21-hydroxylase Tableau 2. Corrélation phénotype/génotype dans l’hyperplasie congénitale des surrénales en fonction de la combinaison des mutations « modérées » ou « sévères » (d’après Deneux et al. [22]). Groupes Corrélation phénotype/génotype Groupe A : modéré/modéré (n = 18) Groupe B : modéré /sévère (n = 33) Nombre de patients % 17OHP stimulé, Mean ± SD (min-max) (ng/ml) V281L/V281L 12 21,4 V281L/P453S 4 7,1 32,1 % 30,5 ± 12,8 (18,8-47) V281L/P30L 2 3,6 38,5 (19-58) V281L/intron 2 9 16,1 V281L/I172N 3 5,4 51,5 (38,5-64) V281L/Q318X 4 7,2 45,1 ± 18,9 (22-63) V281L/delB 5 8,9 69 ± 30,1 (33-107) V281L/R356W 2 3,5 71,6 (45,3-98) V281L/conversion large 2 3,5 52 (44-60) V281L/R483X 1 1,8 50 V281L/V281L + I172N 1 1,8 P453S/intron 2 2 3,5 34,6 (33,3-36) P453S/R356W + Q318X 1 1,8 23 P30L/I172N 1 1,8 52 L317M/intron 2 1 1,8 63 58,9 % 31,9 ± 13,9 (16,9-59) 47,2 ± 22,1 (19-95,5) R435C/Q318X 1 1,8 53 Intron 2/intron 2 1 1,8 36 I172N/I172N 1 1,8 50 Nouveau génotype 5’ conversion génique/5’ conversion génique 1 1,8 94 Hétérozygote Intron 2/modéré 2 3,6 13 (12-14) Group C : sévère/sévère (n = 2) Tableau 3. Combinaisons des mutations a modérées et/ou sévères observées chez 64 patientes par Deneux et al. [22]. Forme tardive Forme virilisante pure Forme avec perte de sel M/M SV/SV SW/SW M/SV SV/SW M/SW a L’expression phénotypique est généralement conditionnée par la moins sévère des deux mutations. M : mutation modérée ; SV : mutation sévère virilisante ; SW : mutation sévère avec perte de sel. (Tableau 2), l’expression phénotypique, clinique et biologique étant conditionnée par la moins sévère des deux mutations (Tableau 3). Ces mutations sévères sont transmissibles à la descendance avec le risque, notamment si le conjoint est hétérozygote, de donner naissance à un enfant porteur de deux mutations sévères et donc atteint de la forme classique de la maladie. La prévalence des sujets hétérozygotes pour la forme classique est estimée à 1 sur 50 dans la population générale [24]. La probabilité pour qu’un tel accident survienne est donc de 1 sur 200, et pour qu’il s’agisse d’un enfant de sexe féminin est de 1 sur 400. Ceci souligne la nécessité de réaliser une étude moléculaire chez les femmes présentant une forme à révélation tardive de la maladie afin de caractériser les mutations du gène CYP21B et de proposer une étude biologique (cf. infra) à leur conjoint si elles sont porteuses d’une mutation sévère. Si les résultats sont en faveur d’une hétérozygotie du conjoint (voire d’une homozygotie), les explorations doivent être complétées par la réalisation d’une étude moléculaire afin de pouvoir proposer un diagnostic anténatal s’il s’agit d’une mutation sévère (cf. infra). ■ Corrélations génotype/phénotype Les corrélations entre les mutations du gène CYP21B et l’expression phénotypique de la maladie n’ont pas été déterminées de façon aussi précise dans la forme à révélation tardive de la maladie que dans la forme classique. Généralement, une bonne corrélation est observée entre la sévérité de la mutation, “ Points essentiels Deux tiers des patientes avec une HCS à révélation tardive ont au moins une mutation sévère du gène de la 21-hydroxylase • Risque de survenue d’une forme classique chez les enfants • Nécessité d’une étude moléculaire précise chez leurs patientes avec forme non classique • Si mutation sévère, dépistage indispensable du conjoint (1 mutation/50 personnes dans la population générale) : désoxycortisol post-ACTH, étude moléculaire l’activité enzymatique et la sévérité du phénotype ; la grande variabilité clinique de la maladie résulte de variations alléliques du gène CYP21B, c’est-à-dire de la nature de ses mutations (sévères ou non sévères). Toutefois, plusieurs études ont retrouvé les mêmes mutations dans les formes classique et non classique, un certain nombre de malades étant hétérozygotes composites avec une mutation de sévérité différente sur chaque allèle [4, 22, 25]. Cependant, dans certains cas, les mutations ne rendent pas compte du phénotype observé, [19, 21] suggérant que d’autres facteurs (génétiques ou non), peuvent intervenir dans le phénotype clinique pour créer une variabilité individuelle, ce qui incite à une certaine prudence, notamment dans le cadre du conseil génétique. Ces résultats, associés à la coexistence de formes symptomatiques et asymptomatiques d’HCS à révélation tardive au sein des sujets d’une même famille, ayant les mêmes mutations de la 21-hydroxylase, plaident pour l’existence d’autres mécanismes pour expliquer la variabilité de l’expression phénotypique. Parmi ceux évoqués, la sensibilité périphérique aux androgènes, liée à l’activité de la 5a-réductase cutanée, semble jouer un rôle prépondérant. En effet, plusieurs travaux ont mis en évidence une diminution de l’activité 5a-réductase chez les membres de la fratrie des cas-index, homozygotes mais sans expression clinique, qui se traduit par un taux d’élimination du glucuronide des 3a-androstanediol (3a-diol) significativement plus bas 6 © Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 13/08/2014 par F.Yassine Endocrinologie-Nutrition Hyperplasie congénitale des surrénales à révélation tardive par déficit partiel en 21-hydroxylase ¶ 10-015-B-25 que chez les cas-index. [3, 26, 27] D’autres mécanismes ont été évoqués, comme des besoins différents en cortisol, dépendants de l’environnement et entraînant des variations individuelles dans la production d’androgènes, ou une différence dans la capacité des différentes voies métaboliques à partir de la 17OHP : vers les androgènes, le 21-DF, le pregnanetriol (sans inconvénient particulier). Enfin, certains gènes pourraient moduler la 21-hydroxylase surrénalienne, notamment des gènes de supplémentation comme le suggèrent les travaux de Zhou et al. qui ont montré l’existence d’une enzyme 21-hydroxylase extrasurrénalienne, présente au niveau des lymphocytes, dont le gène est différent du gène CYP21 [28]. ■ Traitement Moyens thérapeutiques (Fig. 6) Le traitement par l’hydrocortisone est indispensable dans l’HCS à révélation précoce et reste le traitement classique de l’HCS à révélation tardive, à moindre dose (15 à 20 mg/j, en deux prises). Il s’agit d’un traitement à visée à la fois substitutive d’une potentielle insuffisance en cortisol et freinatrice de la sécrétion d’ACTH et de l’hyperplasie surrénalienne. Il doit donc permettre de freiner l’hypersécrétion surrénalienne d’androgènes et de libérer l’axe gonadotrope des rétrocontrôles exercés par la sécrétion d’androgènes surrénaliens. Il faut noter que dans la littérature anglo-saxonne, la dexaméthasone, glucocorticoïde de synthèse qui présente des effets secondaires de type HTA (hypertension artérielle), troubles métaboliques glucidolipidiques et déminéralisation osseuse, est plus souvent citée, mais faute d’accès à l’hydrocortisone. En fait, dans la forme tardive de la maladie, la production de cortisol, au prix d’une hyperplasie surrénalienne, est normale et peut être suffisante, au moins dans les conditions basales. Toutefois, la surrénale est appelée à répondre au stress de la vie quotidienne par des pics de sécrétion sur un fond de rythme nycthéméral. Proposer un traitement glucocorticoïde à doses fixes, à titre substitutif d’une sécrétion éminemment variable, aboutit à ce que les patientes soient en permanence surdosées ou sous-dosées (Fig. 7). Ainsi, dans les périodes de stress et donc de sous-dosage, la production d’androgènes demeure élevée, stimulant la 5a-réductase cutanée et les follicules pilosébacés. Il 1. Environnement différent Besoins différents en cortisol 2. Prééminence des voies métaboliques de dégradation F 17OHP Delta-4 - androstènedione Prégnanétriol 3. Réceptivité périphérique aux androgènes différents 4. Gènes de modulation ou de compensation de la 21-hydroxylase Figure 6. Causes possibles de la variabilité de l’expression clinique de l’hyperplasie surrénalienne par déficit en 21-hydroxylase. Persistance d’une sécrétion d'androgène Besoins en cortisol Sous-dosage Surdosage Hydrocortisone 20 mg/j Figure 7. Difficultés d’équilibration du traitement cortisolique des blocs enzymatiques surrénaliens : la correction d’une sécrétion labile par un traitement fixe est forcément imparfaite. semble donc que l’on soit autorisé à proposer chez ces patientes, en l’absence de déficit à l’état basal de la production de cortisol et en dehors des périodes de stress, un traitement à visée antiandrogénique qui respecte la sécrétion surrénalienne tant cortisolique qu’androgénique, mais qui bloque l’action des androgènes au niveau cutané par un mécanisme d’inhibition compétitive. Les études réalisées semblent conforter cette hypothèse en montrant l’obtention de meilleurs résultats cliniques en termes de régression de l’hirsutisme sous traitement par Androcur® comparativement à l’hydrocortisone [29]. L’acétate de cyprotérone (Androcur®), est un progestatif dont les propriétés antiandrogéniques ont été mises en évidence lors des expérimentations animales de caractérisation de la molécule. Il agit essentiellement comme inhibiteur compétitif de la liaison de la dihydrotestostérone (DHT) à son récepteur [30]. Un effet inhibiteur de la sécrétion des androgènes surrénaliens a été rapporté chez l’animal, [31] et également chez des enfants recevant de fortes doses d’Androcur®. Cependant, cet effet inhibiteur sur la sécrétion d’ACTH, appelé effet « glucocorticoidlike », survient uniquement lors de l’administration de doses importantes (200 mg par jour). L’Androcur® possède en outre une action antigonadotrope qui permet de bloquer la sécrétion des androgènes d’origine ovarienne mais surtout d’assurer une contraception efficace, indispensable chez une femme jeune recevant un traitement antiandrogénique qui serait susceptible d’empêcher la virilisation d’un fœtus masculin. Dans la littérature, notamment anglo-saxonne, d’autres antiandrogènes sont proposés. Les plus fréquemment utilisés sont la spironolactone (Aldactone®) et le flutamide (Eulexine®), qui agissent également en inhibant la liaison de la DHT au récepteur des androgènes. Si leur efficacité reste peu documentée dans le cadre des HCS à révélation tardive, leurs effets secondaires sont marqués (hypotension artérielle, hyperkaliémie, sécheresse cutanée pour la spironolactone ; risque d’hépatite toxique potentiellement mortelle à forte dose pour le flutamide) et leur administration doit être impérativement associée à celle d’une contraception orale. L’ensemble de ces constatations nous conduit à privilégier le choix de l’Androcur®. Choix du traitement Le choix du traitement dépend de la sévérité du bloc enzymatique, notamment de l’existence ou non d’un déficit en cortisol, et des symptômes pour lesquels les patientes consultent : hirsutisme et/ou troubles des règles, désir exprimé de grossesse et/ou de contraception. Dans tous les cas, les patientes et les sujets atteints de leur famille doivent être porteurs d’une carte d’insuffisance surrénalienne potentielle car ils ne sont pas à l’abri d’une éventuelle décompensation surrénalienne (notamment en cas de stress, d’infection, lors d’un acte chirurgical, etc.) et doivent être informés de la conduite à tenir devant une telle situation. Androcur® Le traitement par Androcur® est particulièrement indiqué chez les patientes présentant un hirsutisme, sans signe d’insuffisance cortisolique (du moins dans les conditions basales), et sans désir de grossesse. Il est généralement proposé pour des périodes de 2 à 3 ans, l’efficacité clinique persistant dans la majorité des cas même après l’arrêt du traitement (sous couvert d’un traitement par hydrocortisone en relais). Le mode d’administration est une prise orale de 50 mg par jour, 21 jours par cycle, suivi d’une période d’arrêt de 7 jours et reprise. Il nécessite une combinaison thérapeutique avec de l’œstradiol, administré de préférence par voie percutanée, à la dose de 3 mg par jour, les 10 derniers jours de traitement par Androcur®. Cet apport d’œstrogènes permet de maintenir une bonne trophicité des tissus et la survenue de saignements menstruels. L’administration percutanée des œstrogènes permet d’éviter les effets de l’œstrogénothérapie orale. Un traitement esthétique (épilation électrique ou laser) peut être associé après 3 mois de traitement par Androcur® afin d’obtenir une amélioration plus rapide et de supprimer le poil ancien. Hydrocortisone L’hydrocortisone conserve une place thérapeutique de premier ordre en cas de troubles du cycle, lorsque l’hirsutisme est Endocrinologie-Nutrition © Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 13/08/2014 par F.Yassine 7 10-015-B-25 ¶ Hyperplasie congénitale des surrénales à révélation tardive par déficit partiel en 21-hydroxylase “ Points essentiels Traitements de l’HCS à révélation tardive Ils doivent tenir compte des symptômes (hirsutisme, troubles des règles, hypofertilité), du désir de grossesse ou de contraception, de l’intensité du bloc Traitements proposés • Hydrocortisone (OHF) : 15 à 20 mg/j en 2 prises à visée substitutive d’une potentielle insuffisance en cortisol et freinatrice de l’ACTH et de l’hypersécrétion d’androgènes • Acétate de cyprotérone : Androcur®, 50 mg/j, 21 jours sur 28 (5 e -25 e jour du cycle). Antiandrogène, antigonadotrope et progestatif, il bloque l’action des androgènes en périphérie, freine la sécrétion des androgènes ovariens et assure la contraception • Inducteurs de l’ovulation : Clomid®, 2 cp/j (100 mg), du 5e au 9e jour du cycle (1 cycle sur 2), en association avec OHF, lorsque OHF seule s’avère insuffisante pour rétablir des ovulations • Progestatifs 10 j/mois (Utrogestan®, Luteran®, etc.) ± en association avec OHF pour régulariser les cycles • Contraceptifs oraux : œstroprogestatifs (ou progestatifs) en relais d’un traitement par Androcur® ou en cas de désir de contraception, en l’absence d’hirsutisme • Abstention thérapeutique si forme asymptomatique Surveillance Clinique, taux de delta-4-androstènedione Inutile de vouloir normaliser la 17OHP En fonction de la demande • Régularité des cycles : hydrocortisone (un traitement progestatif peut lui être associé du 16e au 25e jour du cycle). Dose à augmenter si stress ou à augmenter progressivement si grossesse • Pilosité : Androcur ® , 1 cp pendant 21 jours sur 28 + œstradiol percutané ou per os associé à 10 mg d’hydrocortisone si bloc sévère • Désir de grossesse : hydrocortisone (15 à 25 mg en 2 prises). Si anovulation persistante, ajouter Clomid® 50 mg, 2 cp du 5e au 9e jour du cycle, 1 cycle sur 2 modéré ou absent, en cas de désir de grossesse, mais aussi lorsque le bloc est important. ■ Problème particulier de l’infertilité Les données de la littérature restent limitées en ce qui concerne la fertilité des patientes présentant une HCS à révélation tardive. Parmi celles identifiées comme ayant une HCS à révélation tardive, le motif de consultation est l’hypofertilité dans environ 10 % des cas. Cette hypofertilité, quand elle existe, semble être d’origine hormonale, de type dysovulatoire ou anovulatoire, et vraisemblablement en rapport avec l’hyperandrogénie plasmatique [32]. En effet, l’hypersécrétion tonique d’androgènes, aromatisés en œstrogènes, serait associée à un rétrocontrôle continu de ces stéroïdes sur l’axe hypothalamohypophysaire, entraînant une perte de la cyclicité de la sécrétion des gonadotrophines, d’où une perturbation de l’ovulation. De plus, cette hypersécrétion continue d’androgènes entraînerait au niveau hypophysaire une augmentation de la sensibilité à la GnRH (gonadotrophin releasing hormone), résultant en une libération accrue de LH, responsable d’une dysfonction ovarienne avec syndrome des ovaires polykystiques [33, 34]. En outre, les androgènes surrénaliens peuvent directement inhiber la folliculogenèse par un effet négatif de l’activité aromatase sur les cellules de la granulosa. [35] Par ailleurs, le maintien de taux élevés de progestérone au cours du cycle peut inhiber le développement de l’endomètre en phase proliférative et le rendre impropre à la nidation. Cependant, l’hypofertilité présentée par les patientes est relative et des grossesses spontanées peuvent survenir. Le taux de grossesses spontanées est de l’ordre de 50 % alors qu’il est de plus de 90 % après traitement par hydrocortisone. Toutefois, une fréquence plus élevée de fausses couches spontanées précoces a été rapportée en l’absence de traitement [36]. Cette proportion élevée pourrait s’expliquer par la mauvaise qualité des ovulations ou par la présence d’un corps jaune inadéquat responsable d’un environnement hormonal utérin inadapté. Le problème de l’infertilité chez ces patientes semble pouvoir être facilement résolu par un traitement à l’hydrocortisone. Par freination de l’hypersécrétion hypophysaire d’ACTH, l’hydrocortisone entraîne une baisse de la production surrénalienne d’androgènes. Dans une série de 20 patientes désirant une grossesse, l’administration de 15 à 20, parfois 30 mg par jour d’hydrocortisone en deux prises a permis la restauration de cycles ovulatoires et l’obtention d’une grossesse chez toutes les patientes sauf une. En cas de persistance d’une dysovulation malgré le traitement par hydrocortisone, un traitement par citrate de clomifène peut être proposé. Cette molécule, par son action antiœstrogénique, interrompt le rétrocontrôle positif permanent exercé sur l’axe hypothalamohypophysaire par les œstrogènes provenant de l’aromatisation des androgènes surrénaliens. Association hydrocortisone-Androcur® L’association de l’hydrocortisone et de l’Androcur ® est préconisée lorsque le bloc est sévère, car même si, au vu de notre expérience, cette association ne semble pas être plus efficace que l’Androcur® utilisé seul en termes de régression de l’hirsutisme, elle permet de garantir une sécurité chez ces patientes à risque de décompensation surrénalienne (dans ce cas, 10 mg d’hydrocortisone le matin peuvent souvent suffire). Traitement progestatif séquentiel Lorsque la symptomatologie consiste en une dysovulation isolée et qu’il n’y a pas de désir de grossesse, on peut proposer un traitement progestatif séquentiel 10 jours par mois (de type pregnane ou norpregnane) afin de compenser l’insuffisance lutéale et de régulariser les cycles. Dans cette situation, s’il existe un besoin de contraception, la durée du traitement progestatif peut être prolongée à 21 jours sur 28, ou bien on a recours à une contraception œstroprogestative. Abstention thérapeutique L’abstention thérapeutique est envisageable lorsque l’hirsutisme est absent ou discret, qu’il n’y a pas de déficit en cortisol, que les cycles sont réguliers. ■ Exploration du conjoint Comme exposé précédemment, l’exploration biologique du conjoint doit être effectuée préalablement à toute grossesse lorsqu’une mutation sévère est retrouvée lors de l’analyse moléculaire du gène CYP21B, afin d’évaluer le risque de transmission d’une forme sévère de la maladie et de proposer, s’ils existent, une prise en charge adaptée et un diagnostic anténatal. Outre le dosage du taux de 17OHP de base et après injection de Synacthène®, il convient d’effectuer le dosage du 21-DF de base. Le 21-DF résulte de l’action de la 11-hydroxylase sur la 17OHP, substrat inhabituel pour cette enzyme, mais devenu possible en raison de son accumulation en amont du bloc en 21-hydroxylase (Fig. 8). Les valeurs normales sont de 0,05 à 0,20 ng/ml de base et de 0,30 à 0,55 ng/ml après test au Synacthène®. Dès 1987, Gourmelen et al. [37] considéraient que la fréquence de l’élévation du taux plasmatique de 21-DF après Synacthène® chez les hétérozygotes en faisait un marqueur biologique intéressant dans la détection des sujets hétérozygotes pour le déficit en 21-hydroxylase. Fiet et al. en 1989 [38] ont proposé de considérer le 21-DF comme un nouveau marqueur de l’hyperandrogénie surrénalienne par déficit en 8 © Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 13/08/2014 par F.Yassine Endocrinologie-Nutrition Hyperplasie congénitale des surrénales à révélation tardive par déficit partiel en 21-hydroxylase ¶ 10-015-B-25 21-hydroxylase chez des patients hétérozygotes. Le taux de 21-DF post-Synacthène® est considéré comme plus discriminatif que le taux de 17OHP, et donc plus fiable pour dépister les hétérozygotes. Plusieurs études ont montré que le dosage radioimmunologique du 21-DF permet de détecter les porteurs sains du gène déficitaire (sujets hétérozygotes) dans la population générale avec une sensibilité supérieure à 90 %. [39] Un cut-off de 0,55 ng/ml a été proposé pour le 21-DF post-Synacthène® dans cette indication alors qu’il reste imprécis pour la 17OHP [40]. Lorsque les résultats sont en faveur d’une hétérozygotie (et a fortiori d’une homozygotie), les explorations doivent être complétées par l’étude moléculaire du gène de la 21-hydroxylase afin de caractériser la mutation en cause. Si la patiente et son conjoint ont tous deux une mutation sévère, ils ont un risque sur quatre d’avoir un enfant atteint de la forme précoce. Un traitement préventif et un diagnostic anténatal peuvent alors leur être proposés (Fig. 9). Prégnénolone 11 désoxyF «S» 11OH Progestérone 21OH 17OHP F 11OH T delta4 21OH 21 désoxyF « 21DF » . ■ Exploration de la famille Prégnagnétriol Elle repose sur la réalisation de dosages hormonaux de base après administration de Synacthène® (17OHP et 21-DF), complétée par l’étude moléculaire du gène CYP21B (Fig. 10). Figure 8. Situation du 21-désoxycortisol dans la voie de biosynthèse surrénalienne. Patiente 2 mutations modérées 1 modérée 1 sévère Conjoint Dosage 21-DF Test au Synacthène® Réponse < 0,55 ng/ml Réponse > 0,55 ng/ml Analyse moléculaire CYP21B 1 mutation modérée 1 mutation sévère Pas de désir de grossesse Couple : désir de grossesse Traitement patiente DXM 0,5 mg x 3 dès le début de la grossesse Diagnostic moléculaire du fœtus - sang maternel - biopsie trophoblaste - sexe - mutations (1? 2?, 0) Fille avec 2 mutations sévères Fille avec 1 mutation Garçon ± mutations Traitement jusqu'à la fin de la grossesse Arrêt du traitement Arrêt du traitement Figure 9. Arbre décisionnel. Mutation sévère chez la patiente et désir de grossesse. DXM : dexaméthasone. Endocrinologie-Nutrition © Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 13/08/2014 par F.Yassine 9 10-015-B-25 ¶ Hyperplasie congénitale des surrénales à révélation tardive par déficit partiel en 21-hydroxylase ■ Conclusion Réponse de 17-OHP > 10 ng/ml lors du test au Synacthène® - Typage HLA - Analyse moléculaire CYP21B Famille (fratrie, parents, descendants) + test au synacthène® - 17OHP - 21 désoxyF et conjoint Patient(e)s Figure 10. Enquête familiale à réaliser lors du diagnostic d’HCS à révélation tardive par déficit partiel en 21-hydroxylase chez un(e) patient(e). Elle permet de distinguer au sein des membres de la famille les homozygotes vrais et les hétérozygotes composites qui présentent deux mutations identiques à celles du cas-index, les hétérozygotes porteurs d’une seule mutation du cas-index, et les sujets sains dépourvus de toute mutation (Fig. 11). Lorsque les sujets sont homozygotes ou hétérozygotes composites, une prise en charge thérapeutique adaptée est proposée en fonction des symptômes éventuels, selon les mêmes modalités que chez les cas-index. Lorsqu’il s’agit de sujets de sexe masculin, il faut penser à leur remettre une carte d’insuffisant surrénalien potentiel et éventuellement les traiter par de petites doses d’hydrocortisone en cas de fatigue, d’hypotension (10 mg le matin ou 10 mg le matin et 5 mg le soir) et en cas de menace de décompensation. Il faut également les informer de la nécessité d’explorer leur conjointe préalablement à toute grossesse s’ils sont porteurs d’une mutation sévère. Cette dernière recommandation est également prodiguée chez les hétérozygotes simples porteurs d’une mutation sévère (quel que soit leur sexe). L’hyperplasie surrénalienne à révélation tardive par déficit partiel en 21-hydroxylase est une maladie distincte de la forme classique qui elle se révèle précocement à la naissance ou dans les premiers mois de la vie, par la virilisation d’un enfant de sexe féminin et/ou un syndrome de déshydratation avec perte de sel. Dans la forme précoce, les mutations héritées de chacun des parents sont toutes les deux sévères et ne laissent persister que peu ou pas d’activité de l’enzyme 21-hydroxylase. Dans la forme tardive, les deux mutations sont modérées dans un tiers des cas ; dans deux tiers des cas, une des mutations est sévère mais l’expression clinique tardive est permise par l’activité résiduelle (± 40 %) que permet la mutation modérée. L’HCS tardive se révèle généralement à la puberté, parfois des années plus tard. Le motif de consultation le plus fréquent est l’hirsutisme, et justifie de réaliser un test au Synacthène® avec dosage de 17OHP dans tous les cas d’hirsutisme avec hyperandrogénie biologique. Le diagnostic de « bloc enzymatique » repose sur un taux de 17OHP supérieur à 10 ng/ml après stimulation, et doit entraîner l’analyse moléculaire du gène de la 21-hydroxylase et une enquête familiale (parents, fratrie, enfants). Le dépistage du conjoint est aussi nécessaire (dosage de 21-DF lors d’un test au Synacthène®, et, s’il est supérieur à 0,55 ng/ml, recherche d’une mutation). En cas d’existence d’une mutation sévère chez la patiente et chez son conjoint, un quart des enfants peut hériter de ces deux mutations sévères ; un traitement préventif lors de la grossesse et un diagnostic anténatal sont possibles. Le traitement doit être adapté aux symptômes. Il est classiquement glucocorticoïde (l’hydrocortisone doit être préférée à la dexaméthasone) lorsqu’il existe des troubles du cycle menstruel ou un désir de grossesse. Le traitement antiandrogénique par l’acétate cyprotérone (Androcur®) est largement plus efficace en cas d’hirsutisme. Il peut être associé à de l’hydrocortisone en cas de bloc sévère ; il permet d’assurer la contraception quand elle est souhaitée. Dans tous les cas, une carte d’insuffisance surrénalienne potentielle doit être remise aux patients cas-index ou dépistés homozygotes ou hétérozygotes composites. 17 OH I a 1 (59) b d 2 (50) c 102 ng/ml II4 II9 II2 II10 II11 10 II 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 (10) (24) (21) (18) (16) (14) (12) (33) (30) (27) (26) 1 b a a a b b a b a a a d c d c c c d c c c c II11 II2 II4 II8 II9 II10 II1 II3 II5 II7 I2 II6 Base II8 II1 II5 II8 I2 I1 I1 II7 II3 ACTH ® Figure 11. Arbre généalogique et réponse au Synacthène chez une famille atteinte d’hyperplasie surrénalienne à révélation tardive par déficit partiel en 21-hydroxylase : les parents sont chacun porteurs d’une mutation (hétérozygotes), cinq des enfants ont deux mutations (hétérozygotes composites), quatre sont hétérozygotes, un seul est sain, dépourvu de toute mutation (d’après Kuttenn et al. [3]). 10 © Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 13/08/2014 par F.Yassine Endocrinologie-Nutrition Hyperplasie congénitale des surrénales à révélation tardive par déficit partiel en 21-hydroxylase ¶ 10-015-B-25 . ■ Références [1] [2] [3] [4] [5] [6] [7] [8] [9] [10] [11] [12] [13] [14] [15] [16] [17] [18] [19] [20] [21] New MI, Dupont B, Pollack MS, Levin LS. An update of congenital adrenal hyperplasia. Rec Prog Horm Res 1981;37:105-81. Decourt J, Jayle MF, Baulieu E. Virilisme cliniquement tardif avec excrétion de prégnanétriol et insuffisance de production de cortisol. 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