Jan Erik Schulte, Peter Lieb, Bernd Wegner (Hg

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Jan Erik Schulte, Peter Lieb, Bernd Wegner (Hg
Francia­Recensio 2016/3
19.‒21. Jahrhundert ‒ Époque contemporaine
Jan Erik Schulte, Peter Lieb, Bernd Wegner (Hg.), Die Waffen­SS. Neue Forschungen, Paderborn (Ferdinand Schöningh) 2014, 446 S., zahlr. Ill., graf. Darst. (Krieg in der Geschichte, 74), ISBN 978­3­506­77383­8, EUR 39,90.
rezensiert von/compte rendu rédigé par
Alexandre Zalojnov, Bielefeld
Peu de travaux ont étudié rigoureusement l’histoire de la Waffen­SS, cette armée politique parallèle à l’image contradictoire, branche militaire du principal appareil de terreur nazi condamnée pour crimes à Nuremberg ou au contraire troupe constituée de »soldats comme les autres« selon ses apologètes. Encore moins d’ouvrages ont rendu ces connaissances accessibles en français1. Un regain d’intérêt des chercheurs pour le sujet est pourtant visible, surtout outre­Rhin, comme le prouve le recueil édité par Jan Erik Schulte, Peter Lieb et Bernd Wegner2. Il rassemble 23 articles issus de deux conférences à l’origine distinctes qui ont eu lieu en 2010 à Dresde et 2011 à Wurtzbourg. Ce sont en grande partie soit des synthèses de travaux déjà publiés lors des conférences, soit des annonces de monographies de jeunes chercheurs publiées depuis ou à venir, travaux qui sont listés en fin de volume. Alors que la période traitée va des racines d’avant 1939 à 1990, les années de guerre et la phase principale de montée en puissance et d’expansion de la Waffen­SS entre 1943 et 1945 sont au cœur de la plupart des articles qui sont répartis en quatre blocs thématiques: »structures et acteurs, communautarisation et perception de soi, guerre et crimes, mise en scène et héritage«. Cette diversité correspond au profil de la série »La guerre dans l’histoire«, un instrument du renouveau en Allemagne d’une histoire militaire qui se veut ouverte à tous les questionnements et méthodes qu’offre l’historiographie moderne. Ainsi, les méthodes mises en œuvre vont de la comparaison d’unités de la Waffen­SS et de la Wehrmacht (Roman Töppel, Peter Lieb) à l’analyse de la propagande de et sur la Waffen­SS (Jochen Lehnhardt, Niels Weise) en passant par des approches biographiques (Kerstin von Lingen, Franz Josef Merkl), générationnelles (Jens Westemeier), l’histoire du genre (Jutta Une exception étant la thèse de Jean­Luc Leleu (codirigée par Bernd Wegner) publiée sous le titre »La Waffen­
SS. Soldats politiques en guerre«. Paris 2007. Parmi les ouvrages récents traduits, la biographie de Peter Longerich, Himmler. Biographie traduite de l’allemand par Raymond Clarinard, Paris 2010, replace la Waffen­SS dans l’histoire générale de la SS.
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Jan Erik Schulte a écrit sa thèse au sujet de l’Office central SS pour l’économie et l’administration (WVHA) et son chef Oswald Pohl: Jan Erik Schulte, Zwangsarbeit und Vernichtung. Das Wirtschaftsimperium der SS: Oswald Pohl und das SS­Wirtschafts­Verwaltungshauptamt 1933–1945. Mit einem Vorwort von Hans Mommsen, puis a dirigé la conception du musée consacré à la SS situé à Wewelsburg. Peter Lieb a consacré sa thèse à la nature de la guerre menée par les Allemands en France en 1943/1944, comprenant la lutte contre le maquis et les Alliés et le rôle joué par la SS et la Waffen­SS: Peter Lieb, Konventioneller Krieg oder NS­
Weltanschauungskrieg? Kriegführung
und Partisanenbekämpfung in Frankreich 1943/44, Berlin, Boston 2007 (Quellen und Darstellungen zur Zeitgeschichte, 69). Bernd Wegner est, quant à lui, l’auteur du tout premier travail universitaire consacré à la Waffen­SS en Allemagne qui comptait 9 rééditions dont la dernière date de 2010: Bernd Wegner, Hitlers Politische Soldaten: die Waffen­SS 1933–1945. Leitbild,
Struktur und Funktion einer nationalsozialistischen Elite, Paderbon, Munich, Vienne et al. 1982.
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Mühlenberg) ou la microhistoire pour l’étude des crimes (Carlo Gentile). Les perspectives choisies varient entre analyses macroscopiques de l’expansion (Jean­Luc Leleu), du recrutement (René Rohrkamp), des liens avec le système concentrationnaire (Stefan Hördler) ou d’une période donnée (Sven Keller sur le rôle de la Waffen­SS en 1945) et études de cas de sous­organisations (Christopher Theel sur la justice militaire SS, Jens Westemeier sur la formation des aspirants, Karsten Wilke sur les amicales de vétérans SS en RFA), d’unités (Thomas Casagrande, Martin Cüppers, Carlo Gentile, Niels Weise) et de groupes nationaux ou religieux de recrues (Toomas Hiio, Sigurd Sørlie, Claus Bundgård Christensen i. e., Paul Milata, Franziska Zaugg). Les auteurs, en combinant les méthodes et les perspectives à l’intérieur­même de leurs textes, dressent un tableau multidimensionnel de la Waffen­SS surprenant par sa complexité. Nous nous concentrerons donc sur les points qui nous ont semblés les plus importants dans ce livre que les éditeurs présentent non sans fierté comme le premier recueil scientifique sur la Waffen­SS.
L’introduction (p. 11–22) est un premier point fort. Après un résumé historiographique (p. 11–15) elle présente les articles tout en synthétisant les problématiques que le sujet a engendrées: Il y a d’abord les liens entre la Waffen­SS et le reste de l’appareil SS dont la mise à jour relègue toute idée de séparation hermétique au rang de légende. Se posent ensuite le problème de l’image d’élite raciale, idéologique et militaire que la Waffen­SS s’est donnée aussi bien pour assurer sa représentation extérieure que sa cohésion intérieure et la question de la compatibilité de cette image avec les réalités de l’organisation. Lorsqu’il s’agit de définir la spécificité de la Waffen­SS, les crimes de guerre et/ou idéologiques sont un critère central qui permet aussi de la différencier plus ou moins nettement de la Wehrmacht selon la région géographique étudiée. Tout aussi spécifiques, l’expansion de la Waffen­
SS au cours de la guerre et son évolution à partir d’une formation de volontaires vers une armée de plus en plus hétérogène l’ont amené à déployer des stratégies visant à limiter les dynamiques centrifuges, le dilemme crucial ayant été d’intégrer des recrues venues de toute l’Europe tout en conservant les hiérarchies raciales et l’ordre SS intacts. Enfin, l’histoire de la Waffen­SS ne s’arrête pas en 1945 mais continue à travers les effets à long terme de la propagande, la poursuite des crimes en justice et l’action des vétérans. Lire les articles dans l’ordre proposé dans l’introduction permettra de mieux tirer profit de ce travail de synthèse des éditeurs qui y définissent aussi les domaines où la recherche doit encore être poursuivie.
Un autre point remarquable est la dimension internationale du recueil, tant par les auteurs que par les sujets: Des experts estoniens, norvégiens et danois traitent des recrues de ces mêmes nationalités et partagent ainsi des connaissances inaccessibles sans la maîtrise de ces langues. L’absence d’auteurs anglo­saxons surprend cependant, l’intérêt du public ne semble pas avoir fait émulation chez les chercheurs. Sur les sept articles consacrés aux recrues extérieures au Reich, deux traitent des Allemands ethniques d’Europe centrale (Volksdeutsche) et deux des soldats musulmans. L’ambivalence de la position de ces recrues est bien mise en évidence: S’ils n’étaient pas toujours Lizenzhinweis: Dieser Beitrag unterliegt der Creative­Commons­Lizenz Namensnennung­Keine kommerzielle Nutzung­Keine Bearbeitung (CC­BY­NC­ND), darf also unter diesen Bedingungen elektronisch benutzt, übermittelt, ausgedruckt und zum Download bereitgestellt werden. Den Text der Lizenz erreichen Sie hier: https://creativecommons.org/licenses/by­nc­nd/4.0/
»volontaires«, ils n’étaient pas par autant des objets passifs d’une politique décidée ailleurs mais bel et bien des acteurs dont les motivations et intérêts n’ont pas forcément coïncidé avec les intentions de la direction SS.
Les autres études de cas sont, dans leur ensemble, plus proches de la »recherche sur les bourreaux« (Täterforschung) que d’une histoire militaire au sens strict. Elles sont, malgré leur qualité, le résultat d’une démarche de déconstruction des idées reçues sur la Waffen­SS a priori à charge. Les articles de Peter Lieb (p. 336–353) et Roman Töppel (p. 317–335), qui analysent l’engagement des formations blindées des Waffen­SS sur le front en Normandie et à Koursk, font exception à cette logique et permettent de nuancer la remise en cause totale du caractère »d’élite« avancée, par exemple, par Jens Westemeier ou les approches centrées essentiellement sur les crimes. Les éditeurs, conscients de cette controverse (p. 17), rappellent à juste titre la légitimité d’étudier non seulement l’organisation, la sociologie, les crimes mais aussi le rôle et le comportement de la Waffen­
SS sur le champ de bataille – domaine spécifique à l’histoire militaire qui ne doit pas disparaitre dans la multitude de perspectives nouvellement acquise, serions nous tentés d’ajouter. On ne saurait ignorer en effet que la perception de la Waffen­SS par les Alliés, également formatrice de l’image qu’on en garde aujourd’hui, n’a pas été uniquement gravée par la propagande nazie et les crimes, mais aussi par une expérience concrète des combats.
Malgré cette remarque le volume remplit pleinement sa fonction de bilan destiné à servir de point de départ à tout travail futur, c’est une lecture indispensable à ceux qui s’intéressent à la Waffen­SS et veulent en saisir la complexité sans forcément devoir se procurer toutes les monographies des contributeurs.
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