Ce recueil est la compilation de textes traduits par les

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Ce recueil est la compilation de textes traduits par les
Ce recueil est la compilation de textes traduits par les élèves de 1ère L1, 1ère L2 et Tle L1, pendant l’année 2006-2007. Après avoir
réfléchi aux différentes stratégies de traduction, après avoir échangé avec quatre traducteurs, les élèves se sont attelés à une
nouvelle jamais traduite. Ces nouvelles sont tirées de Modern British Short Stories édité par Malcolm Bradbury et de The O.Henry
prize stories 2006 édité par Laura Furman.
Les traductions présentées ne prétendent aucunement donner une version parfaite mais évoquent plutôt l’esprit du projet: découvrir
l’art de la traduction tout en prenant plaisir à trouver le mot juste, à respecter le style et le sens de l’auteur.
Mme Fontaine, M. Keruzoré Mme Meinnel, Mme Tripault
1/ William Trevor, "The Dressmaker's Child"
William Trevor was born in 1928 at Mitchelstown, County Cork, and spent his childhood in provincial Ireland. He has written many novels, including Fools of
Fortune, Felicia's Journey, and most recencty The Story of Lucy Gault. He is a renowned short-story writer and has published thirteen collections, from The
Day We Got Drunk on Cake to A Bit on the Side. Trevor lives in Devon, England.
In “The Dressmaker's Child,” the future seems predetermined for rural mechanic Cahal, until the preteen daughter of the village dressmaker runs at his car
with a stone in her hand ...
William Trevor The Dressmaker's Child (2005)
L'enfant de la couturière
Cahal sprayed WD-40 onto the only bolt his spanner wouldn't
shift. All the others had come out easily enough but this one was
rusted in, the exhaust unit trailing from it. He had tried to hammer it out,
he had tried wrenching the exhaust unit this way and that in the hope
that something would give, but nothing had. Half five, he'd told Heslin,
and the bloody car wouldn't be ready.
The lights of the garage were always on, because shelves had been
put up in front of the windows that stretched across the length of the
wall at the back. Abandoned cars, kept for their parts, and cars and
motorcycles waiting for spares, and jacks that could be wheeled about
took up what space there was on either side of the small wooden
office, which was at the back also. There were racks of tools, and
workbenches with vises along the back wall, and rows of new and
reconditioned tires, and drums of grease and oil. In the middle of the
garage there were two pits, in one of which Cahal's father was at the
moment, putting in a clutch. There was a radio, on which advice was
being given about looking after fish in an aquarium. "Will you turn that
stuff off?" Cahal's father shouted from under the car he was working
on, and Cahal searched the wave bands until he found music of his
father's time.
He was an only son in a family of girls, all of them older, all of them
gone from the town - three to England, another in Dunnes in Galway,
another married in Nebraska. The garage was what Cahal knew,
having kept his father company there since childhood, given odd jobs
to do as he grew up. His father had had help men, an old man who
was related to the family, whose place Cahal eventually took.
He tried the bolt again but the WD-40 hadn't begun to work yet. He
was a lean, almost scrawny youth, dark-haired: his long face usually
unsmiling. His garage overalls, over a yellow T-shirt, were oil-stained,
gone pale where their green dye had been washed out of them. He
was nineteen years old.
Cahal pulvérisa du dégrippant sur le seul boulon à écrou que sa clé n'arrivait
pas à débloquer. Tous les autres étaient sortis assez facilement, mais celui-ci était
rouillé et le pot d'échappement ne tenait plus qu'à un fil. Il avait essayé de le faire
sortir en le martelant, il avait essayé de tirer violemment le pot d'échappement dans
l'espoir que quelque chose cèderait, mais rien n'avait cédé. Il avait dit à Heslin cinq
heures et demie et la maudite voiture ne serait pas prête à cette heure-là.
Les lumières du garage étaient toujours allumées, parce que des étagères
avaient été apposées devant les fenêtres qui faisaient la longueur du mur au fond.
Des voitures abandonnées, conservées pour leurs pièces détachées, et des voitures
et des motos qui attendaient des pièces, et des crics mobiles, occupaient l'espace de
chaque côté du petit bureau en bois, qui était aussi au fond. Il y avait des porte-outils
et des établis avec des étaux le long du mur et des rangées de pneus neufs et
reparés et des bidons de graisse et de lubrifiant. Au milieu du garage il y avait deux
fosses: le père de Cahal était à ce moment-là dans l'une d'elle, en train d'installer un
embrayage. Il y avait une radio sur laquelle on donnait des conseils sur comment
soigner des poissons dans un aquarium. "Tu ne veux pas éteindre ce truc?" cria le
père de Cahal de la voiture sur laquelle il travaillait et Cahal rechercha les
fréquences jusqu'à ce qu'il ait trouvé de la musique en vogue du temps de son père.
Il était le seul fils dans une famille de filles, toutes plus âgées, toutes ayant
quitté la ville, trois en Angleterre, une autre chez Dunnes à Galway, une autre encore
mariée au Nebraska. Le garage était tout ce que Cahal connaissait, ayant tenu
compagnie à son père depuis son enfance, celui-ci lui donnant des petits travaux à
faire à mesure qu'il grandissait. Son père avait alors eu de l'aide,d'un vieil homme qui
était proche de la famille, dont Cahal avait ensuite pris la place.
Il essaya à nouveau d'enlever le boulon, mais le dégrippant n'avait pas
encore commencé à agir. C'était un jeune homme maigre, presque décharné, brun
avec un visage long habituellement sans sourire. Par dessus son T-shirt jaune, son
bleu de travail était taché d'huile, blanchi là où la teinture verte avait été lavée. Il avait
dix-neuf ans.
« Bonjour, » dit une voix. Un homme et une femme, des étrangers, étaient debout
dans l'embrasure de la porte grande ouverte du garage.
"Hullo," a voice said. A man and a woman, strangers, stood in the
wide-open doorway of the garage.
"Howya," Cahal said.
"It's the possibility, sir," the man inquired, "you drive us to the
sacred Virgin?"
"Sorry?" And Cahal's father shouted up from the pit, wanting to
know who was there. "Which Virgin's that?" Cahal asked.
The two looked at one another, not attempting to answer, and then it
occurred to Cahal that they were foreign people, who had not
understood. A year ago a German had driven his Volkswagen into the
garage, with a noise in the engine, so he'd said. "I had hopen it'd be
the big end," Cahal's father admitted afterward, but it was only the
catch of the bonnet gone a bit loose. A couple from America had had a
tire put on their hired car a few weeks after that, but there'd been
nothing since.
"Of Pouldearg," the woman said. "ls it how to say it?"
"The statue you're after?"
They nodded uncertainly and then with more confidence, both of them
at the same time.
"Aren't you driving, yourselves, though?" Cahal asked them.
"We have no car," the man said.
"We are traveled from Avila." The woman's black hair was silky,
drawn back and tied with a red-and-blue ribbon. Her eyes were brown,
her teeth very white, her skin olive. She wore the untidy clothes of a
traveler: denim trousers, a woolen jacket over a striped red blouse. The
man's trousers were the same, his shirt a nondescript shade of grayish
blue, a white kerchief at his neck. A few years older than himself,
Cahal estimated they'd be.
"Avila?" he said.
"Spain," the man said.
Again Cahal's father called out, and Cahal said two Spanish people
had come into the garage.
"ln the store," the man explained. "They say you drive us to the Virgin."
"Are they broken down?" Cahal's father shouted.
He could charge them fifty euros, Pouldearg there and back, Cahal
considered. He'd miss Germany
versus Holland on the television, maybe the best match of the Cup, but
never mind that for fifty
euros.
"The only thing," he said, "I have an exhaust to put in."
He pointed at the pipe and silencer hanging out of Heslin's old
« Salut, » dit Cahal.
« Est-ce possible, monsieur, » dit l'homme, « que vous nous conduisiez à la Vierge
sacrée ? »
« Qu'est-ce que c'est ? » cria le père de Cahal depuis la fosse, voulant savoir qui
était là.
« Quelle Vierge ? », demanda Cahal.
Les deux visiteurs échangèrent un regard, sans essayer de répondre, et soudain il
vint à Cahal l'idée que c'était des étrangers et qu'ils n'avaient pas compris.
Un an auparavant, un Allemand avait conduit sa Volkswagen dont le moteur faisait
un bruit étrange au garage. « J'avais espéré que ce serait une vraie panne» avait
avoué le père de Cahal plus tard mais c'était seulement la charnière du capot qui
était un peu lâche. Quelques semaines après, un couple venu d'Amérique était venu
faire remplacer un pneu sur leur voiture de location, mais il n'y avait rien eu depuis.
« De Pouldearg », répondit la femme. « Est-ce comme cela qu'on dit ? »
« Vous cherchez la statue ? »
Ils aquiescièrent avec hésitation, puis avec plus de confiance, tous deux en même
temps.
« Vous ne conduisez pas vous même, hein ? » leur demanda Cahal.
« Nous n'avons pas de voiture », dit l'homme.
« Nous venons d' Avila. » La femme avait des cheveux soyeux, tirés en arrière,
attachés d'un ruban rouge et bleu. Ses yeux étaient bruns, ses dents blanches, sa
peau mate. Elle portait les vêtements négligés d'un voyageur: un jean, une veste en
laine par dessus un corsage à bandes rouges. L'homme avait le même pantalon, une
chemise d'un ton indéfinissable de gris-bleu, un foulard blanc autour du cou. Cahal
estima qu'ils avaient quelques années de plus que lui.:
« Avila ? » demanda-t-il.
« En Espagne » dit l'homme.
De nouveau le père de Cahal l'appela et Cahal lui dit que deux Espagnols étaient
entrés dans le garage.
«Au magasin, expliqua l'homme, ils nous ont dit que vous nous conduiriez à la
Vierge »
« Sont-ils en panne? » cria le père de Cahal.
Cahal réfléchit qu'il pourrait leur faire payer cinquante euros l'aller-retour à
Pouldearg. Il raterait le match de l'Allemagne contre la Hollande à la télévision,
sûrement le meilleur de la Coupe, mais pour cinquante euros cela n'avait pas
d'importance.
« Un instant » dit-il « J'ai un pot d'échappement à poser »
Il désigna le tuyau et le silencieux qui pendaient de la vieille Vauxhall d'Heslin et ils
comprirent. Il leur fit signe de rester là où ils étaient une minute, et indiqua d'un geste
qu'ils ne devaient pas faire attention à l'agitation qui venait de la fosse. Tous deux
s'en amusèrent. Quand Cahal réessaya d'enlever le boulon, il commenca à tourner.
Vauxhhall, and they undersrood. He
gestured with his hands that theyshould stay where they were for a
minute, and with his palms held
flat made a pushing motion in the air, indicating that they should ignore
the agitation that was
coming from the pit. Both of them were amused. When Cahal tried the
boh again it began to turn
He made the thumbs-up sign when exhaust and silencer clattered to
the ground. "I could take you at
around seven," he said, going close to where the Spaniards stood,
keeping his voice low so that his
father would not hear. He led them to the forecourt and made the
arrangement while he filled the
tank of a Murphy's Stout lorry.
When Cahal's father had driven a mile out on the Bantry Road, he
turned at the entrance to the stud
farm and drove back to the garage, satisfied that the clutch he'd put in
for Father Shea was
correctly adjusted. He left the car in the forecourt, ready for Father
Shea to collect, and hung the
keys up in the office. Heslin from the courthouse was writing a check
for the exhaust Cahal had
fitted. Cahal was getting out of his overalls, and when Heslin had gone
he said the people who had come
wanted him to drive them to Pouldearg. They were Spanish people,
Cahal said again, in case his father
hadn't heard when he'd supplïed that information before.
"What they want with Pouldearg?"
"Nothing only the statue."
"There's no one goes to the statue these times."
"It's where they're headed."
"Did you tell them, though, how the thing was?"
"I did of course."
"Why they'd be going out there?"
"There's people takes photographs of it."
Thirteen years ago, the then bishop and two parish priests had put an
end to the cult of the
wayside statue at Pouldearg. None of those three men, and no priest
or nun who had ever visited the
crossroads at Pouldearg, had sensed anything special about the
Il fit un signe de victoire avec le pouce quand le pot d'échappement et le
silencieux tombèrent sur le sol.
« Je pourrais vous prendre vers sept heures » dit il en s'approchant de
l'endroit où les Espagnols attendaient, leur parlant à voix basse de façon à ce que
son père ne puisse entendre. Il les accompagna au parking et se mit d'accord avec
eux pendant qu'il remplissait le réservoir du camion de la brasserie Murphy.
Quand le père de Cahal eut parcouru un kilomètre et demi sur la route de
Bantry, il tourna à l'entrée du haras de la ferme et rentra au garage, satisfait que
l'embrayage qu'il avait mit sur la voiture du Père Shea soit correctement installé. Il
laissa la voiture dans la cour de devant, prête pour le Père Shea et posa les clefs
dans le bureau. Heslin qui revenait du tribunal était en train de faire un chèque à
Cahal pour le pot d'échappement qu'il avait installé. Cahal enlevait son bleu de
travail, et quand Heslin fut partit, il dit que des gens étaient venus pour aller à
Pouldearg. Ils étaient espagnols, dit-il à nouveau, au cas où son père n'aurait pas
entendu l'information qu'il lui avait donnée auparavant.
« Qu'est-ce qu'ils veulent avec Pouldearg? »
« Rien, seulement voir la statue. »
« Personne ne va voir cette statue de nos jours. »
« C'est là où ils voulaient aller. »
« Tu leur as dit, quand même, ce que c'était? »
« Bien sûr. »
« Qu'est-ce qu'ils vont faire là-bas? »
« Il y a des gens qui la prennent en photo. »
Il y a treize ans de cela, l'évêque et les prêtres de deux paroisses avaient mis un
terme au culte de la statue du bord de la route de Pouldearg. Aucun de ces trois
hommes, ni aucun prêtre ou nonne qui ait jamais vu le croisement de Pouldearg,
n'avait jamais remarqué quoi que ce soit de spécial au sujet de la statue; personne
n'avait été témoin des larmes qui, disait-on, s'échappaient de ces yeux baissés
quand les pénitents venaient demander le pardon de leurs péchés. La statue
devenant le sujet des conversations lors des messes et des publications religieuses,
les supplications qui lui étaient adressées furent condamnées comme des idioties.
Puis le curé de cette époque démontra que ce qui avait été remarqué par deux ou
trois personnes passsant régulièrement devant la statue – une certaine humidité
sous les yeux – n'était rien de plus que des gouttes de pluies piégées dans les
cavités creusées dans la pierre. La question fut réglée. Ceux qui avaient fermement
cru en ce qu'ils n'avaient jamais réellement vu, ceux qui n'avaient jamais remarqué
les feuilles dégoulinantes des branches qui surplombaient la statue, se sentirent
aussi stupides que leurs maîtres spirituels avaient prédit qu'ils le seraient un jour. En
une nuit, la Vierge Pleurante de Pouldearg redevint l'image peinte qu'elle avait
toujours été. On l'avait appelée un temps Notre Dame du Droit chemin.
statue; none had witnessed the
tears that were said to slip out of the downcast eyes when pardon for
sins was beseeched by
penitents. The statue became the subject of attention in pulpits and in
religious publications, the
claims made for it fulminated against as a foolishness. And then a
curate of that time demonstrated
that what had been noticed by two or three local people who regularly
passed by the statue – a
certain dampness beneath the eyes - was no more than raindrops
trapped in two overdefined
hollows. There the matter ended. Those who had so certainly believed
in what they had never
actually seen, those who had not noticed the drenched leaves of
overhanging boughs high above the
statue, felt as foolish as their spiritual masters had predicted they one
day would. Almost overnight
the Weeping Virgin of Pouldearg became again the painted image it
had always been. Our Lady of
the Wayside, it had been called for a while.
"I never heard people were taking photagraphs of it". Cahal's father
shook his head as if he
doubted his son, which he often did and usually with reason.
''A fellow was writing a book a while back. Going around all Ireland,
tracking down the weeping
statues."
"It was no more than the rain at Pouldearg."
"He'd have put that in the book. That man would have put the whole
thing down, how you'd find the
statues all over the place and some of them would be O.K. and some
of them wouldn't."
''And you set the Spaniards right about Pouldearg?"
"I did of course."
"Drain the juice out of young Leahy's bike and we'll weld his leak for
him."
'J'ai jamais entendu dire que des gens la prenaient en photo.' Le père de
Cahal secoua la tête comme s'il ne croyait pas son fils, ce qui était souvent le cas et
à juste titre.
'Un type écrivait un livre il y a quelque temps. Il parcourait l'Irlande à la
recherche de toutes les statues qui pleurent.'
'Ce n'était que la pluie à Pouldearg.'
'C'est sûrement dans son bouquin. Il a dû tout écrire, comment on peut
trouver des statues partout, certaines sont OK et d'autres non.'
'Et tu as renseigné les Espagnols sur Pouldearg?'
'Oui, bien sûr'.
'Vidange l'huile du vélo du petit Leahy et on va souder pour qu'il n'y ait plus
de fuite'.
Les doutes du père de Cahal étaient justifiées: la vérité n'avait joué qu'un petit rôle
dans ce que Cahal avait dit au couple à propos de Pouldearg. Pensant aux 50 euros,
il aurait considéré que c'était stupide de révéler que le miracle attribué à la statue de
Pouldearg était sans fondement.
Ils avaient entendu parler de la statue appelée Our Lady of Tears ainsi que
de Our Lady of the Wayside et de la Sainte Vierge de Pouldearg par un homme dans
un pub de Dublin avec qui ils avaient engagé la conversation.
Ils eurent à le répéter plusieurs fois avant que Cahal ne comprenne ce qu'ils
racontaient, mais en fin de compte, il pensa avoir tout saisi. Il ne serait pas difficile de
rallonger le trajet de quatre ou cinq miles, et s'ils étaient induits en erreur par les
noms qu'on donnait à la statue à Dublin cela ne le concernait pas. A sept heures
cinq, après avoir dîné et regardé la télévision, il se rendit dans la cour de l'hôtel de
Macey en voiture. Il attendit à cet endroit comme prévu. Ils apparurent presque
immédiatement.
Ils s'assirent l'un à côté de l'autre au fond. Avant qu'il ne redémarre le
moteur, Cahal les avertit du montant et ils répondirent que c'était d'accord. Il traversa
la ville qui retrouvait son calme comme elle le faisait toujours à cette heure-là.
Certains magasins étaient encore ouverts et allaient le rester quelques heures
encore -les marchands de journaux et les bureaux de tabac, les confiseries et petites
épiceries, le supermarché de Quilan, tous les pubs- mais les rues étaient plus
calmes.
« Vous êtes en vacances ? » demanda Cahal.
Il ne comprit pas grand chose à leur réponse. Ils parlaient en même temps,
The suspicions of Cahal's father were justified: the truth had no more se corrigeant l'un l'autre. Après un grand nombre de répétitions, ils semblèrent lui
dire qu'ils allaient se marier.
than slightly played a part in
« Eh bien, c'est magnifique. » répondit-il.
what Cahal had told the Spanish couple about Pouldearg. With fifty
Il tourna sur Loye Road. L'Espagnol parlait à l'arrière de la voiture. La radio ne
euros at the back of his mind,
he would have considered it a failure of his intelligence had he allowed marchait plus sinon il l'aurait allumée avant pour avoir une présence. La voiture était
himself to reveal that the
miracle once claimed for the statue at Pouldearg was without
foundation.
They had heard the statue called Our Lady of Tears as well as Our
Lady of the Wayside and the
Sacred Virgin of Pouldearg by a man in a Dublin public house with
whom they had drifted into
conversation.
They'd had to repeat this a couple of times before Cahal grasped what
they were saying, but he
thought he got it right in the end. It wouldn't be hard to stretch the
journey by four or five miles,
and if they were misled by the names they'd heard the statue given in
Dublin it was no concern of his.
At five past seven, when he'd had his tea and had had a look at the
television, he drove into the yard
of Macey's Hotel. He waited there as he'd said he would. They
appeared almost at once.
They sat close together in the back. Before he started the engine again
Cahal told them what the
cost would be and they said that was all right. He drove through the
town, gone quiet as it invariably
did at this time. Some of the shops were still open and would remain so
for a few more hours – the
newsagents' and tabacconists', the sweetshops and small groceries,
Quinlan's supermarket, all the
public houses - but there was a lull on the streets.
"Are you on holiday?" Cahal asked.
He couldn't make much of their reply. Both of them spoke, correcting
one another. After a lot of
repetition they seemed to be telling him that they were getting married.
"Well, that's grand," he said.
He turned out onto the Loye Road. Spanish was spoken in the back of
the car. The radio wasn't
working or he'd have put it on for company. The car was a black Ford
Cortina, a hundred and eighty
thousand miles on the dock, that his father had taken in part exchange.
They'd use it until the tax
sticker expired and then put it aside for spares. Cahal thought of telling
the passengers that in case
they'd think he hadn't much to say for himself,. but he knew it would be
une Ford Cortina noire. 290000 kilomètres au compteur et son père l'avait reprise. Ils
l'utiliseraient jusqu'à ce que la vignette arrive à expiration, puis ils récupèreraient les
pièces détachées. Cahal pensa le dire aux passagers au cas où ils penseraient qu'il
n'avait pas de conversation mais il réalisa que c'était trop comliqué. Les Frères
Chrétiens l'avaient catalogué comme n'ayant jamais rien à dire et c'était imprimé
dans sa mémoire, l'effrayant quelquefois à l'idée que les gens pourraient croire qu'il
était retardé. Dès qu'il le pouvait, Cahal essayait de faire mentir cela en faisant des
commentaires:
- « Vous êtes là depuis longtemps? » questionna-t-il. La fille dit qu'ils avaient
passé deux jours à Dublin. Il dit que lui même y était allé plusieurs fois. Il dit qu'à
partir de là, et jusqu'à leur arrivée à Pouldearg, l'environnement serait montagneux.
La fille dit que le paysage était magnifique.
Il prit l'embranchement au deux arbres morts, bien que continuer tout droit
les auraient menés au même endroit en plus de temps mais avec des nids de poule.
L'homme dit que c'était une bonne voiture pour les collines, Cahal répondit que
c'était une Ford, heureux qu'ils comprennent. On pourrait s'y habituer, à leur langue,
pensa-t-il, avec un peu plus de pratique, on arriverait à les comprendre.
'Comment diriez vous cela en espagnol?' dit-il par dessus son épaule. «Une
statue? »
' Estatua ' dirent-ils tous les deux ensemble. 'Estatua'dirent-ils.
' Estatua', répéta Cahal en passant une vitesse pour aborder les collines de
Loye.
La fille tappa dans ses mains , et il pouvait voir son sourire dans le
rétroviseur. Dieu, une femme comme ça, pensa-t-il. Donnez moi une femme comme
celle-ci, se dit-il et il imagina qu'il était seul avec elle dans la voiture, que cet homme
n'était pas là, qu'il n'était pas venu en Irlande avec elle et qu'il n'existait pas .
'Avez-vous entendu parler de Sainte Thérèse d'Avila? Entend-on parler d'elle
en Irlande?'
Il vit ses lèvres s'ouvrir et se refermer dans le rétroviseur, ses dents étincelèrent et
pendant un moment un bout de sa langue dépassa. Elle avait prononcé avec
beaucoup de clarté ce qu'elle lui avait demandé.
'Bien sûr que oui ' dit-il, confondant Sainte Thérèse d'Avila et la Sainte
Thérèse qui avait été réputée pour son humilité et son attention portée aux petites
choses. 'Magnifique' dit Cahal , 'vraiment magnifique'.
A son grand grand désarroi , les Espagnols continuaient de discuter. Il sortait
avec Minnie Fennelly, mais sans conteste, cette femme était mieux qu'elle.
Les deux visages apparurent côte à côte dans son imagination et il n'y avait pas de
comparaison possible.
Il passa les maisons au-delà du pont, la route faisant des virages ensuite
jusqu'au bout. Le météorologue avait annoncé à la radio, quelques temps plus tôt, le
passage d’une averse, mais pourtant rien ne la présageait et le crépuscule tombait
too difficult. The Christian
Brothers had had him labeled as not having much to say for himself,
and it had stuck in his memory,
worrying him sometimes in case it caused people to believe he was
slow. Whenever he could, Cahal
tried to give the lie to that by making a comment.
"Are you here long?" he inquired, and the girl said they'd been two
days in Dublin. He said he'd been
in Dublin himself a few times. He said it was mountainy from now on,
until they reached Pouldearg.
The scenery was beautiful, the girl said.
He took the fork at the two dead trees, although going straight would
have got them there, too,
longer still but potholes all over the place. It was a good car for the
hills, the man said, and Cahal
said it was a Ford, pleased that he'd understood. You'd get used to it,
he considered, with a bit
more practicing you'd pick up the trick of understanding them.
"How'd you say it in Spanish?" he called back over his shoulder. ''A
statue?"
''Estatua, "they both said, together. ''Estatua,'' they said.
''Estatua,'' Cahal repeated, changing gears for the hill at Loye.
The girl clapped her hands, and he could see her smiling in the
rearview mirror. God, a woman like that, he thought. Give me a woman
like that, he said to himself, and he imagined he was in the car alone
with her, that the man wasn't there, that he hadn't come to Ireland with
her, that he didn't exist.
"Do you hear about St Teresa of Avila? Do you hear about her in
Ireland?" Her lips opened and closed in the rearview mirror, her teeth
flashing, the tip of her tongue there for a moment. What she'd asked
him was as clear as anyone would say it.
"We do of course," he said, confusing St. Teresa of Avila with the St
Teresa who'd been famous for her humility and her attention to little
things. "Grand," Cahal said of her also. "Grand altogether."
To his disappointment, Spanish was spoken again. He was going with
Minnie Pennelly, but, no doubt about it, this woman had the better of
her. The two faces appeared side by side in his mind's eye and there
wasn't a competition.
He drove past the cottages beyond the bridge, the road twisting and
turning all over the place after that. It said earlier on the radio there'd
be showers but there wasn't a trace of one, the October evening
en cette soirée d'octobre sans brise .
« Plus qu’un kilomètre » dit-il, sans même tourner la tête, mais il n'entendait
que de l'espagnol.
En raison du temps, ils n’avaient aucune chance de prendre des photos s’ils avaient
prévu d'en faire en arrivant là-bas. Avec ses nombreux arbres, Pouldearg était sans
cesse plongée dans l’obscurité. Il se demanda si les Allemands avaient déjà marqué
un but, car si ses économies le lui avaient permis, il aurait parié sur eux.
Avant d’arriver à destination, Cahal conduisit la voiture sur le bord de la route
large et sèche. Il pensait qu’un de ces pneus était dégonflé. Après vérification, il
estima qu’il avait perdu cinq à six livres d’air.
« Ca me prendra pas plus d'une minute. » rassura Cahal. Il fouilla le coffre
où était entassé de vieux journaux, des outils, et des bidons vides de peinture afin de
prendre une pompe. Il pensa un instant qu'il ne la retrouverait pas, et se demanda ce
qu'il ferait si la roue de secours était à plat, ce qui était parfois le cas pour une voiture
d'occasion. Finalement, la pompe à la main, Cahal regonfla rapidement le pneu pour
ainsi continuer sa route. Il verrait ce qu'il en était quand la voiture arrivait au carrefour
de Pouldearg.
A leur arrivée, il n’y avait pas assez de lumière pour prendre une photo, mais
l'homme et la femme montèrent prés du Wayside Virgin, qui était plus de travers que
Cahal ne s'en souvenait en pensant à son dernier passage à peine un an avant. Le
pneu s’était encore dégonflé, et tandis que les passagers semblaient plus occupés,
Cahal changea le pneu ayant vu que le pneu de secours n'était pas à plat. Il avait
tout le loisir de les entendre parler espagnol, bien qu’ils ne parlent pas très fort.
Quand les touristes retournèrent à la voiture, elle était encore sur le cric et ils durent
attendre, postés sur la route près de lui. Cela ne semblait pas les déranger
grandement.
Il pourrait encore voir la plus grande partie de la seconde mi-temps, se dit
Cahal quand il reprit la voiture pour rentrer. On ne savait jamais combien de temps
ça durerait, combien de temps il faudrait attendre les touristes qui regardaient
partout.
« Elle vous convient? » leur demanda-t-il, en allumant les phares de la
voiture pour voir les plaques d'égoûts. Ils répondirent en espagnol, comme s’ils
avaient oublié que Cahal ne comprenait strictement rien. La statue se penche un peu
plus chaque jour, dit-il, mais ils ne comprirent pas. Le couple de touriste évoqua
l’homme qu’ils avaient rencontré dans le pub de Dublin. Ils tenaient un discours
incompréhensible, une sorte de charabia de mots anglais qui semblaient toujours
tourner autour du même leitmotiv, celui du mariage. A la fin, il sembla à Cahal que
l’homme du pub leur avait dit que les gens étaient bénits lorsqu’ils venaient à
Pouldearg comme pélerins
« Vous lui avez offert un verre ? » demanda-t-il en vain, ils ne comprenaient
toujours pas. Ils ne rencontrèrent pas d'autre voiture, même pas une simple
without a breeze, dusk beginning.
"Not more than a mile," he said, not turning his head, but the
Spanish was still going on. If they were planning to take photographs
they mightn't be lucky by the time they got there. With the trees,
Pouldearg was a dark place at the best of times. He wondered if the
Germans had scored yet. He'd have put money on the Germans if he'd
had any to spare.
Before they reached their destination, Cahal drew the car onto the
verge where it was wide and looked dry. He could tell from the steering
that there was trouble and found it in the left front wheel, the tire
leaking at the valve. Five or six pounds it would have lost, he
estimated.
"It won't take me a minute," he reassured his passengers,
rummaging behind where they sat, among old newspapers and tools
and empty paint tins, for the pump. He thought for a moment it mightn't
be there and wondered what he'd do if the spare tire was flat, which
sometimes it was if a car was a trade-in. But the pump was there and
he gave the partially deflated tire a couple of extra pounds to keep it
going. He'd see how things were when they reached Pouldearg
crossroads.
When they did, there wasn't enough light for a photograph, but the
man and woman went up close to the Wayside Virgin, which was more
lopsided than Cahal remembered from the last time he'd driven by it,
hardly longer than a year ago. The tire had lost the extra pressure he'd
pumped in, and while they were occupied he began to change the
wheel, having discovered that the spare tire wasn't flat. All the time he
could hear them talking in Spanish, although their voices weren't
raised. When they returned to the car it was still jacked up and they
had to wait for a while, standing on the road beside him, but they didn't
appear to mind.
He'd still catch most of the second half, Cahal said to himself when
eventually he turned the car around and began the journey back. You
never knew how you were placed as regards how long you'd be, how
long you'd have to wait for people while they poked about.
"Was she all right for you?" he asked them, turning on the
headlights so that the potholes would show up.
They answered in Spanish, as if they had forgotten that it wouldn't
be any good. She'd fallen over a bit more, he said, but they didn't
understand. They brought up the man they'd met in the public house in
Dublin. They kept repeating something, a gabble of English words that
still appeared to be about getting married. ln the end, it seemed to
bicyclette, alors qu'ils redescendaient. Il avait eu de la veine avec le pneu: ils
auraient bien pu dire qu’ils n’auraient pas payé s’ils avaient dû rester toute la nuit
dans les collines. Ils ne parlaient plus, quand Cahal regarda dans le rétroviseur le
couple était en train de s’embrasser, il ne voyait que leurs silhouettes enlacées, sur
la banquette arrière.
Ce fut juste après avoir passé les arbres morts, qu'une petite fille sortit en
courant, d’une petite maison bleue, et fila rapidement vers la voiture. Cahal avait déjà
entendu parler de cette petite fille. Cela ne lui était jamais arrivé mais on en parlait
souvent, c’était même la première fois qu’il voyait une enfant sur cette route. Il
entendit un bruit sourd pas plus d’une seconde après que les phares ont dessiné sur
le mur la robe blanche et puis lil y eut le mouvement brusque de la jeune fillette
Cahal ne s’arrêta pas. Dans son rétroviseur, la route était devenue sombre. Il
vit quelque chose de blanc, étendu à terre, mais Cahal se dit qu’il l’avait imaginé.
Cependant à l' arrière la Cortina l'étreinte se poursuivait.
La sueur dégoulinait sur la paume des mains de Cahal, le long de son dos et
de son front. Elle s’était jetée sur le coté de la voiture, juste contre sa portière et c’est
là où était le point d’impact. Sa mère était une femme célibataire qui vivait dans cette
petite maison bleue, Cahal en avait entendu souvent parler au garage. Fitzie Gill lui
avait montré les dégâts causés à sa voiture, et avait dit que la petite fille avait dû
avoir une pierre dans la main. Mais d’habitude il n’y avait aucun dégât et la petite
n'avait jamais été blessée.
Les bungalows annonçaient la ville, on pouvait voir la lumière dans chacun
d’entre eux. On parlait à nouveau espagnol et on lui demanda à quelle heure le bus
pour Galway partait. Il régna une grande confusion car lCahal pensa qu'ils voulaient
dire le soir même, mais il se rendit compte qu'ils parlaient du lendemain matin. Il leur
dit et en le payant dans la cour de Macey, ils lui tendirent un crayon et un petit
cahier. Il ne savait pas à quoi cela servirait mais ils le lui montrèrent, en gesticulant et
il nota l' horaire du bus. Ils lui serrèrent la main avant d’entrer dans l’hôtel.
Très tôt au petit matin, vers une heure et demie, Cahal se réveilla brusquement et ne
pu se rendormir de sitôt. Il essayait de se rappeler ce qu’il avait vu du football, les
mouvements, les arrêts, et les deux cartons jaunes que l’arbitre avait sortis. Mais rien
ne semblait coller totalement, comme si les images de la télévision et les fragments
de commentaire provenaient d’un rêve et il savait que ce n'était pas le cas. Il avait
examiné minutieusement le côté de sa voiture mais n'avait rien vu. Cahal avait éteint
les lumières du garage et lavaitfermé à clé. Il avait regardé l’équipe de Shannon
jouer mais n'avait pas vu la fin car il s’était désintéressé de ce match où il ne se
passait rien. Il aurait dû s’arrêter mais il ne savait pas pourquoi il ne l’avait pas fait. Il
n'arrivait pas à se rappeler s’il avait freiné. Il ne savait pas s’il avait essayé, ni s'il
avait eu assez de temps pour y arriver.
On avait vu la Ford Cortina partir puis revenir sur Loye Road. Son père
Cahal that this man had told them people received a marriage blessing
when they came to Pouldearg as penitents.
"Did you buy him drinks?" he asked, but that wasn't understood,
either.
They didn't meet another car, nor even a bicycle, until they were
farther down. He'd been lucky over the tire: they could easily have said
they wouldn't pay if he'd had them stranded all night in the hills. They
weren't talking anymore; when he looked in the mirror they were
kissing, no more than shadows in the gloom, arms around one another.
lt was then, just after they'd passed the dead trees, that the child ran
out. She came out of the blue cottage and ran at the car. He'd heard of
it before, the child on this road who ran out at cars. It had never
happened to himself, he'd never even seen a child there any time he'd
passed, but often it was mentioned. He felt the thud no more than a
second after the headlights picked out the white dress by the wall and
then the sudden movement of the child running out.
Cahal didn't stop. ln his mirror the road had gone dark. He saw
something white lying there but said to himself he had imagined it. ln
the back of the Cortina the embrace continued.
Sweat had broken out on the palms of Cahal's hands, on his back
and his forehead. She'd thrown herself at the side of the car and his
own door was what she'd made contact with. Her mother was the
unmarried woman of that cottage, many the time he'd heard that said
in the garage. Fitzie Gill had shown him damage to his wing and said
the child must have had a stone in her hand. But usually there wasn't
any damage, and no one had ever mentioned damage to rhe child
herself.
Bungalows announced the town, all of them lit up now. The Spanish
began again, and he was asked if he could tell them what time the bus
went to Galway. There was confusion because he thought they meant
tonight, but then he understood it was the morning. He told them, and
when they paid him in Macey's yard the man handed him a pencil and
a notebook. He didn't know what that was for, but they showed him,
making gestures, and he wrote down the time of the bus. They shook
hands with him before they went into the hotel.
ln the very early morning, just after half past one, Cahal woke up
and couldn't sleep again. He tried to recall what he'd seen of the
football, the moves there'd been, the saves, the yellow card shown
twice. But nothing seemed quite right, as if the television pictures and
snatches of the commentary had come from a dream, which he knew
connaissait le chemin qu'il avait emprunté, au-delà de la maison de la célibataire. Les
Espagnols auraient dit à l'hotel qu'ils étaient en partance pour Galway. Ils
pourraientnt être retrouvés là-bas pour être questionnés.
Dans la nuit, Cahal essaya de revisualiser la scène. Ils avaient dû entendre
le choc. Ils n'avaient pas su ce que c'était, mais ils l'avaient perçu alors qu'ils
s'embrassaient. Ils se souviendraient du temps qui séparait leur arrivée sur le parking
de Macey à l'incident en question. Soudain Cahal réalisa que ce qui trainait sur la
route n'était pas une robe blanche, elle était trop longue pour être une simple robe,
on aurait eu l'impression d'une chemise de nuit.
Il avait vu la célibataire qui vivait dans cette maison, plusieurs fois, adans les
magasins. On disait que c'était une couturière, trapue avec un regard sombre et
inquisiteur, une déformation qui la rendait moins attirante qu'elle aurait pu l'être.
Quand sa fille était née, le père était inconnu – même elle ne le connaissait pas –
c'est ce qui se disait, bien que ce fut une affirmation sans preuve. Les gens disaient
aussi qu'elle ne parlait pas de la naissance de son enfant.
Allongé dans l'obscurité Cahal résistait à son besoin de se lever pour
retourner là-bas et vérifier par lui même; de marcher vers cette maison bleue,
puisque reprendre la voiture aurait été stupide; de chercher sur la route pour voir ce
qui s'y trouvait. Souvent Minnie Fennelly et lui se levaient au beau milieu de la nuit
pour se voir dans la remise derrière sa maison. Ils s'allongeaient sur les filets de
pêche pour se susurrer des mots doux et se caresser pendant une bonne partie de la
nuit, ce qu'ils ne pouvaient faire nulle part ailleurs le jour. Le mieux qu'ils pouvaient
espérer pendant la journée était de se retrouver une demi - heure dans la Ford
Cortina, n'importe où dans la campagne. Ils pouvaient passer la moitié de la nuit
dans la remise.
Il calcula le temps qu'il lui faudrait pour aller à pied là où l'incident avait eu
lieu. Il voulait y être, ne rien trouver sur la route et en clore ses yeux de soulagement.
Parfois l'aube s'était levée quand il se séparait de Minnie Fennelly. Il s'imagina aussi,
que la lumière commencerait à poindre quand il rentrerait de la campagne à la ville,
se sentant à nouveau bien. Mais cela n'allait certainement pas être le cas.
« Un jour cette enfant se fera tuer. », entendit-il Fitzie Gill dire, et quelqu'un
d'autre dit que cette femme ne savait pas s'occuper de l'enfant. Elle était livrée à ellemême dans la maison, disait-on, même la nuit alors que cette femme se saoulait
chez Leahy, essayant de trouver un homme pour lui tenir compagnie.
Cette nuit là, Cahal ne se rendormit pas. Et toute la journée suivante il
attendit qu'une personne vienne au garage et dise qu'ils avaient trouvé quelque
chose. Mais personne ne le fit ce jour là, ni le lendemain, ni le surlendemain non
plus. Les Espagnols devaient maintenant avoir quitté Galway, et la mémoire des
gens qui, peut être, avaient remarqué la Ford Cortina commençait à être défaillante.
Cahal fit le compte des conducteurs qui avaient eu un accident similaire avec cette
enfant et se dit qu'aprés tout, peut être, avait-il été chanceux. Cependant il mettrait
they hadn't. He had examined the side of the car in the garage and
there'd been nothing. He had switched out the lights of the garage and
locked up. He'd watched the football in Shannon's and hadn't seen the
end because he lost interest when nothing much was happening. He
should have stopped; he didn't know why he hadn't. He couldn't
remember braking. He didn't know if he'd tried to; he didn't know if
there hadn't been time.
The Ford Cortina had been seen setting out on the Loye Road and
then returning. His father knew the way he'd gone, past the unmarried
woman's cottage. The Spaniards would have said in the hotel they'd
seen the Virgin. They'd have said in the hotel they were going on to
Galway. They could be found in Galway for questioning.
ln the dark Cahal tried to work it out. They would have heard the
bump. They wouldn't have known what it was, but they'd have heard it
while they were kissing. They would remember how much longer it was
before they got out of the car in Macey's yard. It hadn't been a white
dress, Cahal realized suddenly; it trailed on the ground, too long for a
dress, more like a nightdress.
He'd seen the woman who lived there a few times when she came
in to the shops, a dressmaker they said she was, small and wiry with
dark inquisitive eyes and a twist in her features that made them less
appealing than they might have been. When her child had been born to
her, the father had not been known-not even to herself, so it was said,
though possibly without justification. People said she didn't speak
about the birth of her child.
As Cahal lay in the darkness, he resisted che compulsion to get up
in order to go back and see for himself; to walk out to the blue cottage,
since to drive would be foolish; to look on the road for whatever might
be there, he didn't know what. Often he and Minnie Fennelly got up in
the middle of the night in order to meet in the back shed at her house.
They lay on a stack of netting there, whispering and petting one
another, the way they couldn't anywhere in the daytime. The best they
could manage in the daytime was half an hour in the Ford Cortina out
in the country somewhere. They could spend half the night in the shed.
He calculated how long it would take him to walk out to where the
incident had occurred. He wanted to; he wanted to get there and see
nothing on the road and to close his eyes in relief. Sometimes dawn
had come by the time he parted from Minnie Fennelly, and he
imagined that, too, the light beginning as he walked in from the country
feeling all right again. But more likely he wouldn't be.
"One day that kid'll be killed," he heard Fitzie Gill saying, and
un certain temps avant de reconduire au delà de cette maison, si jamais il y
retournait un jour.
Puis quelque chose se produisit qui changea tout. Un soir Minnie Fennelly lui
dit dans le Cyber Café: « Ne te retourne pas, quelqu'un te fixe. »
« C'est qui ? »
« La couturière, tu la connais? »
Les frites qu'ils avaient commandées arrivèrent juste après. Cahal ne disait rien,
mais il savait que tôt ou tard il ne pourrait pas s'empêcher de regarder autour de lui.
Il voulut demander si la femme était avec sa fille, mais en ville il l'avait toujours vu
seule et savait qu'elle ne pouvait pas être là. Si c'était le cas, il y aurait une chance
sur mille, pensait-il. L'appréhension qui l'avait hanté la nuit de l'incident submergeait
sa conscience et l'empêchait de penser à autre chose.
« Oh mon Dieu! J'en ai froid dans le dos! » murmura Minnie Fennelly en
mettant du vinaigre sur ses frites.
Cahal regarda autour d'eux. Il aperçut la couturière, seule, et se
retourna rapidement. Il pouvait sentir son regard dans son dos. Elle avait surement
été chez Leahy; la manière dont elle se tenait suggèrait qu'elle était ivre. Quand ils
eurent fini les frites et le café qu'on leur avait apporté alors qu'ils attendaient, il
demanda si elle était toujours là.
« Oui pour sûr. Tu la connais? Elle est déjà venue au garage? »
« Ah non, elle n'a pas de voiture. Elle n'y est jamais entrée. »
« Je ferais mieux de rentrer Cahal. »
Il ne voulait pas partir tant que la femme serait là. Mais s'ils
restaient, ils pourraient attendre des heures. Il ne voulait pas passer près d'elle mais
dès qu'il irait payer, il devrait le faire. Lorsqu'ils le firent, elle s'adressa à Minnie
Fennelly, pas à lui.
« Voulez-vous que je vous fasse votre robe de mariée? »
proposa la couturière. « Penserez-vous à moi lorsque vous en voudrez une? »
Et Minnie Fennelly rit et dit qu'en aucune manière elle n'était
prête à porter une robe de mariée.
« Cahal sait où me trouver. » dit la couturière. « Pas vrai
Cahal? »
« Je pensais que tu ne la connaissais pas. » dit Minnie Fennelly
lorsqu'ils furent dehors.
Trois jours plus tard, Mr Durcan laissa sa Riley d'avant-guerre au garage car le frein
marchait mal. Il avait tout arrangé pour revenir à quatre heures et avant de partir il
dit, « As-tu entendu parler de la fille de la couturière? »
Il n'était pas du genre à dire n'importe quoi. Exigeant, avec sa fine
moustache noire, sa Riley Sports - fierté de sa vie de célibataire-, il était aussi
ordonné dans ce qu'il disait que dans sa manière de s'habiller.
someone else said the woman wasn't up to looking after the kid. The
child was left alone. in the house, people said, even for a night while
the woman drank by herse!f in Leahy's, looking around for a man to
keep her company.
That night, Cahal didn't get back to sleep. And all the next day he
waited for someone to walk into the garage and say what had been
found. But no one did, and no one did the next day, either, or the day
after that. The Spaniards would have gone on from Galway by now, the
memories of people who had maybe noticed the Ford Cortina would be
getting shaky. And Cahal counted the drivers who he knew for a fact
had experienced similar incidents with the child and said to himse!f that
maybe, after all, he'd been fortunate. Even so, it would be a long time
before he drove past that cottage again, if ever he did.
Then something happened that changed all that. Sitting with Minnie
Fennelly in the Cyber Café one evening, Minnie Fennelly said, "Don't
look, only someone's staring at you."
"Who is it?"
"D'you know that dressmaker woman?"
They'd ordered chips and they came just then. Cahal didn't say
anything, but knew that sooner or later he wasn't going to be able to
preveny himself from looking around. He wanted to ask if the woman
had her child with her, but in the town he had only ever seen her on her
own and he knew that the child wouldn't be there. If she was, it would
be a chance in a thousand, he thought, the apprehension that had
haunted him on the night of the incident flooding his consciousness,
stifling everything e!se.
"God, that one gives me the creeps!" Minnie Fennelly. muttered,
splashing vinegar onto her chips.
Cahal looked round them. He caught a glimpse of the dressmaker,
alone, before he quickly looked back. He could still feel her eyes on his
back. She would have been in Leahy's; the way she was sitting
suggested drunkenness. When they'd finished their chips and the
coffee they'd been brought while they were waiting, he asked if she
was still there.
"She is, all right. D'you know her? Does she come into the garage?"
"Ah no, she hasn't a car. She doesn't come in."
''l'd best be getting back, Cahal."
He didn't want to go yet, while the woman was there. But if they
waited they could be here for hours. He didn't want to pass near her,
but as soon as he'd paid and stood up he saw they'd have to. When
they did she spoke to Minnie Fennelly, not him.
« Elle a disparu » dit-il alors. « La police est sur le coup »
C'était au père de Cahal qu'on l'avait signalé. Cahal, le système de
refroidissement du fourgon de pain de Gibney en pièces sur un établi, venait juste de
trouver où le tuyau était déterioré.
« Elle est arriérée, cette gosse » dit son père.
« Oui. »
« On raconte des histoires »
« Elle est partie d' elle même quelque part. Ils ont barrés deux routes, demandant si
elle avait été vue.»
Le malaise qui ne l'avait pas quitté depuis que le couturière était dans le
Cyber-Café recommença à embêter Cahal quand il entendit parler de ça. Il demanda
quelles questions la police avait posées; il se demanda quand l'enfant était parti;
malgré ses efforts, aucun élément ne collait.
« Cette femme n'est-elle pas elle-même arriérée? » remarqua son père
quand M. Duncan fut parti. « Mais, a-t-elle déjà levé le petit doigt pour s'occuper de
son enfant? »
Cahal ne dit rien. Il essaya de penser à son mariage avec Minnie Fennelly,
bien que rien n'était encore fixé, qu'aucun accord n'avait été passé entre eux. Ses
traits généreux et honnêtes devinrent vifs pendant un instant dans sa conscience, la
même rondeur dans ses bras et dans ses mains. Il avait toujours trouvé cela attirant,
depuis la première fois qu'il l'avait remarquée quand elle était encore chez les
soeurs. Il n'aurait pas dû penser à la fille espagnole, il n'aurait pas dû se laisser aller.
Il aurait dû leur dire que la statue n'était rien, que l'homme qu'ils avaient rencontré
s'était moqué d'eux pour se faire offrir à boire.
« Une fois, ta mère lui avait fait faire des rideaux pour la chambre du fond »
dit son père. « Est-ce que tu t'en rappelles? »
Cahal secoua de la tête.
« Ah, tu devait avoir dans les cinq ans en ce temps-là, peut-être même plus
jeune. Elle venait de se mettre couturière, son père était encore dans le cottage avec
elle. Les prêtres disaient de lui donner du travail car elle était nécessiteuse. Bon
sang, ils ne le diraient plus maintenant. »
Cahal alluma la radio et augmenta le son. Madonna chantait, et il l'imagina
dans la tenue qu'elle avait créée quelques années avant, une ligne de sousvêtements. Il l'avait trouvée géniale.
« Je prends la Toyota » dit son père, la sonnette retentit depuis la cour de
devant, quelqu'un attendait là pour se faire servir de l'essence. Cela ne le concernait
pas, se dit Cahal en allant
répondre. Ce qui s'est passé le soir du match
Allemagne/Hollande était quelque chose de totalement différent des nouvelles que
Mr Durcan avait apportées, il n'y avait aucun lien.
« Salut! » il héla le conducteur du bus scolaire à la pompe.
"Will I make your wedding dress for you?" the dressmaker offered.
"Would you think of me at all when it'll be the time you'd want it?"
And Minnie Fennelly laughed and said no way they were ready for
wedding dresses yet.
"Cahal knows where he'll find me," the dressmaker said. 'Amn't I
right, Cahal?"
"I thought you didn't know her," Minnie Fennelly said when they
were outside.
Three days after that, Mr. Durcan left his prewar Riley in because the
hand brake was slipping. He'd come back for it at four, he arranged,
and said before he left, "Did you hear that about the dressmaker's
child?"
He wasn't the kind to get things wrong. Fussy, with a thin black
mustache, his Riley Sports the pride of his bachelor life, he was as tidy
in what he said as he was in how he dressed.
"Gone missing," he said now. "The Gardai are in on it."
It was Cahal's father who was being told yhis. Cahal, with the
cooling system from Gibney's bread van in pieces on a workbench,
had just found where the tube had perished.
"She's backward, the child," his father said.
"She is."
"You hear tales."
"She's gone off for herself, anyway. They have a block on a couple
of roads, asking was she seen." The unease that hadn't left him since
the dressmaker had been in the Cyber Café began to nag again when
Cahal heard that. He wondered what questions the Gardai were
asking; he wondered when it was that the child had taken herself off;
although he tried, he couldn't piece anything together.
"lsn't she a backward woman herself, though?" his father remarked
when Mr. Durcan had gone. "Sure, did she ever lift a finger to tend that
child?"
Cahal didn't say anything. He tried to think about marrying Minnie
Fennelly, although still nothing was fixed, not even an agreement
between themselves. Her plump, honest features became vivid for a
moment in his consciousness, the same plumpness in her arms and
her hands. He found it attractive, he always had, since first he'd
noticed her when she was still going to the nuns. He shouldn't have
had thoughts about the Spanish girl, he shouldn't have let himself. He
should have told them the statue was nothing, that the man they'd met
had been pulling a fast one for the sake of the drinks they'd buy him.
On retrouva la fille de la couturière à l'endroit où elle était depuis plusieurs jours, au
fond d'un trou. Elle était à moitié recouverte de schiste, dans une carrière
abandonnée à quelques centaines de mètres de chez elle. Il y avait des années que
la dernière pierre avait été déplacée, et on avait posé des fils barbelés et signalé le
danger par deux panneaux. La fille avait dû ramper sous l'enchevêtrement de ces
fils, dit l'agent de police et un grillage remplaça les barbelés en un jour.
En ville, la couturière fut condamnée et blâmée derrière son dos pour la
tragédie qui venait de se dérouler. Que son propre père, qui l'avait élevée seul
depuis la mort de sa femme, fut aussi celui de l'enfant était une vraie calomnie. On
ne le disait pas avant mais cela venait à présent naturellement dans la pauvre
existence d'une enfant qui avait vécu et était morte de façon lamentable.
« Comment vas-tu Cahal? » Cahal entendit derrière lui la voix de la
couturière alors que, à l'aube d'un jour de novembre, il se dirigeait vers l'abri où lui et
Minnie Finnelly cédaient à quelques affections. Il n'était pas encore une heure et la
ville était sombre, hormis quelques rues où les lumières étaient allumées comme la
Rue Principale. « Voudrais-tu venir chez moi Cahal? Et si nous allions chez moi à
pied? »
Pendant qu'elle lui parlait, Cahal lui tournait le dos et continuait sa route. Il
savait qui était là. Il savait qui c'était mais ne se retourna pas.
« Laisse-moi tranquille » dit-il.
« Nombreuses sont les nuits où je me repose sur le bord du fleuve et nombreuses
sont celles où je te vois. Tu es toujours pressé, Cahal. »
« Et je le suis aussi maintenant. »
« Une heure du matin! A d'autres, Cahal! »
« Je ne te connais pas. Je n'ai aucune envie de te parler. »
« Elle avait disparue depuis cinq jours avant que j'aille voir la police. Ce n'était pas le
première fois que ça se passait. Il n'y avait pas une seule minute sans qu'elle soit
dehors, sur la route. »
Cahal ne dit rien. Sans même se retourner, il pouvait sentir l'odeur d'alcool,
âcre et éventée, qui la suivait.
« Je n'y suis pas allée plus tôt de peur qu'ils trouvent des indices frais... Tu
me comprends Cahal? »
Cahal s'arrêta. Il se retourna et elle faiilit se cogner à lui. Il lui ordonna de
partir.
« La route comptait beaucoup pour elle et la première chose qu'elle faisait le
matin était d'aller courir jusqu'aux voitures sans même prendre la peine d'avaler
quelque chose. Puis, elle quittait la route pour se rendre à la statue de la Vierge. Elle
s'agenouillait alors à ses pieds toute la journée jusqu'à ce qu'un vieillard la trouve et
me la ramène. Il la prenait par la main et ils marchaient tous deux jusqu'à la porte.
Oh maintes fois, Cahal. N'était-ce pourtant pas le premier endroit o^les policiers
avaient vérifié lorsque j'en avais parlé au sergent ? N'importe quelle femme aurait fait
"Your mother had that one run up curtains for the back room," his
father said. "Would you remember that, boy?"
Cahal shook his head.
"Ah, you wouldn't have been five at the time, maybe younger yet.
She was just after setting up with the dressmaking, her father still there
in the cottage with her. The priests said give her work on account she
was a charity. Bedad, they wouldn't say it now!"
Cahal turned the radio on and turned the volume up. Madonna was
singing, and he imagined her in the getup she'd fancied for herself a
few years aga, suspenders and items of underclothes. He'd thought
she was great.
'I'm taking the Toyota out," his father said, and the bell from the
forecourt rang, someone waiting there for petrol. It didn't concern him,
Cahal told himself as he went to answer it. What had occurred on the
evening of Germany and Holland was a different thing altogether from
the news Mr. Durcan had brought, no way could it be related.
"Howya," he greeted the school-bus driver at the pumps.
The dressmaker's child was found where she'd lain for several days, at
the bottom of a fissure, half covered with shale, in the exhausted
quarry half a mile from where she'd lived. Years ago the last of the
stone had been carted away and a barbed-wire fence put up, with two
warning notices about danger. She would have crawled in under the
bottom strand of wire, the Gardai said, and a chain-link fence replaced
the barbed wire within a day.
ln the town the dressmaker was condemned, blamed behind her
back for the tragedy that had occurred. That her own father, who had
raised her on his own since her mother's early death, had himself been
the father of the child was an ugly calumny, not voiced before, but
seeming now to have a natural place in the paltry existence of a child
who had lived and died wretchedly.
"How are you, Cahal?" Cahal heard the voice of the dressmaker
behind him when, early one November morning, he made his way to
the shed where he and Minnie Fennelly indulged their affection for one
another. It was not yet one o' clock, the town lights long ago
extinguished except for a few on Main Street. "Would you come home
with me, Cahal? Would we walk out to where l am?"
All this was spoken to his back while Cahal walked on. He knew
who was there. He knew who it was; he didn't have to look.
"Leave me alone," he said.
"Many's the night I rest myself on the river seat and many's the night l
tout pour les siens
« Vas-tu me laisser tranquille ! »
« Il était sept heures quand elle est partie, peut-être vingt passés. J'avais ouvert ma
porte pour aller chez Leahy et j'ai vu la voiture noire passer et tu étais à l'intérieur.
On remarque toujours une voiture dans la soirée, seulement après, je suis rentrée
tard de chez Leahy et elle était déjà partie. Tu m'as compris Cahal? »
« Ca n'a rien à voir avec moi ! »
Cahal je me suis dit qu'il était revenu de la même manière qu'il était parti, mais je ne
l'ai pas mentionné aux policiers. Etait-elle en train d'errer dans sa chemise de nuit?
C'était ce qu'ils m'ont demandé et je leur ai dit qu'elle serait derrière la porte avant
qu'on ne s'en rende compte. Est-ce qu'on va à la maison, Cahal?
_ Je n'irais nulle part avec toi.
_ Je ne te ferai aucun reproche, Cahal.
_ Il n'y a rien à me reprocher. J'avais des personnes dans la voiture ce soir-là.
_ Je jure devant Dieu que ce qui s'est passé est fini. Rentre avec moi tout de suite
Cahal.
_Rien ne s'est passé, rien n'est fini. Pendant tout ce temps il y avait des Espagnols
dans la voiture. Je les ai conduits jusqu'à Pouldearg puis nous sommes revenus à
l'hôtel de Macey.
_Minnie Fennelly ne te sert à rien Cahal.
Il n'avait jamais vu la couturière de si près auparavant. Elle était plus jeune qu'il ne
l'avait cru jeune mais cependant elle avait l'air de ce qu'elle était - elle semblait un
peu plus âgée que lui, peut être de douze ou treize ans. Les rides qui marquaient
son visage n'étaient pas laides, mais ce qui avait fait autrefois le charme de son
visage avait disparu, et il se souvenait de la beauté impeccable de la jeune
Espagnole et de la nature soyeuse de ses cheveux. Les cheveux de la couturière
étaient noirs également mais sauvages et emmêlés, mal-coiffés et tombant sur ses
épaules. Ces yeux qui l'avaient regardé fixement et intensément dans le Cyber Café
étaient troubles. Ces lèvres pulpeuses s'étiraient en un sourire, une de ses dents
était légèrement ébréchée. Cahal s'éloigna et elle ne le suivit pas.
Ce fut le début et non la fin. En ville, bien que jamais la nuit, elle était
toujours là: Cahal savait que c'était une impression tellement sa présence était
importante pour lui. Elle soignait son image; elle portait des vêtements noirs ce qui
amenait les gens à penser qu'elle faisait le deuil de son enfant et qu'elle avait cessé
de fréquenter le pub de Leahy. Elle avait été vue peignant dans les mêmes nuances
de bleu le devant de sa petite maison et entretenir son jardin plein de broussailles.
Elle revenait des magasins de la ville à pied et ne faisait jamais d'auto-stop.
En continuant ses réparations quotidiennes et en servant l'essence, Cahal ne
parvenait pas à chasser de son esprit le lien qui l'unissait à la couturière et dont elle
lui avait fait part quand elle l'avait suivi cette nuit-là et il savait les raisons de sa peur
dorénavant ancrée en lui. Cahal avait peur sans savoir réellement de quoi il avait
see you. You'd always be in a hurry, Cahal."
'I'm in a hurry now."
"One o'clock in the morning! Arrah, go on with you, Cahal!"
"I don't know you. l don't want to be talking to you."
"She was gone for five days before l went to the Guards. It wouldn't
be the first time she was gone off. A minute wouldn't go by without she
was out on the road."
Cahal didn't say anything. Even though he still didn't turn round he
could smell the drink on her, stale and acrid.
"I didn't go to them any quicker for fear they'd crack down the way it
was when the lead would be fresh for them. D'you understand me,
Cahal?"
Cahal stopped. He turned round and she almost walked into him. He
told her to go away.
"The road was the thing with her. First thing of a morning she'd be
running at the cars without a pick of food inside her. The next thing is
she'd be off up the road to the statue. She'd kneel to the statue the
whole day until she was found by some old fellow who'd bring her back
oa me. Some old fellow'd have her by the hand and they'd walk in the
door. Oh, many's the time, Cahal. Wasn't it the first place the Guards
looked when l said that to the sergeant? Any woman'd do her best for
her own, Cahal."
"Will you leave me alone!"
"Gone seven it was, maybe twenty past. l had the door open to go
in to Leahy's and l seen the black car going by and yourself inside if.
You always notice a car in the evening time, only the next thing was l
was late back from Leahy's and she was gone. D'you understand me,
Cahal?"
"It's nothing to do with me."
"He'd have gone back the same way he went out, l said to myself,
but l didn't mention it to the Guards, Cahal. Was she in the way of
wandering in her nightdress? was what they asked me and l told them
she'd be out the door before you'd see her. Will we go home, Cahal?"
'I'm not going anywhere with you."
"There'd never be a word of blame on yourself, Cahal."
"There's nothing to blame me for. l had people in the car that
evening. "
"I swear before God, what's happened is done with. Come back with
me now, Cahal."
"Nothing happened, nothing's done with. There was Spanish people
in the car the entire time. l drove them out to Pouldearg and back again
peur et quand il essaya de le comprendre il fut tout abasourdi. Il commenca à aller à
la messe, à se confesser plus souvent qu'auparavant. Son père remarqua lui aussi
qu'il était moins causant avec les clients qui passaient à la pompe ou qui lui
laissaient leurs voitures. Sa mère s'était demandée d'où venait son état anémique et
lui donna alors des pilules de fer. En revenant deux ou trois jours sa soeur qui vivait
encore en Irlande dit que ses ennuis devaient certainement avoir quelque chose à
voir avec Minnie Fennelly.
Pendant tout ce temps -de façon tout à fait normale - l'enfant était hissée de
la fissure dans les rochers, en chemise de nuit comme quand Cahal l'avait vue,
emmitouflée et enveloppée comme les morts sont enveloppés. S'il n'avait pas dû
changer la roue il serait passé devant la maison de campagne à un autre moment et
elle ne se serait pas jetée sur la route, n'aurait pas eu envie de le faire. S'il avait
expliqué aux Espagnols que les pleurs de la Vierge n'était que de la pluie, il n'aurait
pas été sur la route du tout.
La couturière ne chercha même pas à lui parler à nouveau mais il savait que
cette nouvelle peinture bleue, et ces habits de deuil qui n'étaient pas, avec le temps,
abandonnés, que les fleurs qui étaient venues remplir le petit jardin de devant étaient
toutes pour lui. Quand un peu plus d'une année fut passée depuis la soirée où il avait
conduit le couple d' Espagnols à Pouldearg, il assista au mariage de Minnie Fennelly
à Des Downey, un vétérinaire d'Athenry.
La couturière ne l'avait pas dit, mais voilà ce qu'il y avait entre eux dans les
rues obscures: il y était retourné comme il en avait eu envie au lieu de rester au lit
durant toute la nuit sans parvenir à dormir. Son enfant était là où elle était tombée
sur la route et il l'avait porté jusqu'à la carrière. Et Cahal savait que c'était la
couturière, et non lui, qui l'avait fait.
Il rendait visite à la Vierge en espérant toujours qu'elle soit là. Il se mettait à
genoux et ne demandait rien. Il se parlait à lui même en jurant de réparer sa faute et
en promettant d'accepter tout ce qui pourrait être dit sur lui pour s'être associé aux
moqueries de l'homme que les Espagnols avaient rencontré par hasard à Dublin,
pour s'être moqué de la silhouette de travers sur la route, pour avoir pris cinquante
euros. Il les avait regardés s'embrasser. Il avait pensé à Madonna en tenue d'Eve,
sans s'offusquer du nom qu'elle s'était choisi.
Un jour qu'il était à Pouldearg , Cahal remarqua ce qui avait été pris
auparavant pour des larmes sur la joue de la Vierge. Il toucha le creux où l'humidité
s'était accumulée et porta son doigt mouillé à ses lèvres. Cela n'avait pas un goût de
sel, mais c'était sans importance. En faisant marche arrière, il passa devant la petite
maison de la couturière, il la vit dans le jardin, soignant ses parterres de fleurs. Bien
qu' elle ne leva pas les yeux vers lui, il avait l'envie d'aller chez elle et iIl savait qu'un
jour il irait.
Anne, Krista, Laura, Mona, Eloïse, Enora, Gwendoline,
to Macey's Hotel."
Cassandre, Lucile, Edward, Audrey, Thomas, Lucie, Anne, Paulène, Mona, Morgane,
"Minnie Fennelly's no use to you, Cahal."
He had never seen the dressmaker up close before. She was Elénie, Cécile, Juliette, Juliette, Chloé, Salomé, Lucile
younger than he'd thought, but still looked what she was-a fair bit older
1°L, année 2007
than himself, maybe twelve or thirteen years. The twist in her face
wasn't ugly, but it spoilt what might have been beauty of a kind, and he
remembered the flawless beauty of the Spanish girl
2/ Terese Svoboda, "80's Lilies"
Terese Svoboda's won awards and grants in essay, translation, playwriting, fiction, poetry, and video. Her most recent novel is Tin God. Svoboda
lives in New York City.
In "80's Lilies", we can see an attempt to seek out a sheltered, idyllic Garden of Eden to escape all the world's problems.
T. Svoboda: "In 1983, the USSR shot down a Boeing 747, killing all 269 passengers flying from the United States to Seoul via Anchorage. The flight,
numbered 007, was suspected of espionage because it had veered off course over secret Russian installations. At the time, the Cold War felt very hot. My
husband and I had been too young to do anything other than duck and coyer during the Cuban Missile Crisis and now we had a new baby to protect. Perhaps
we overreacted, but we maxed our gold card and fled to New Zealand. This was just months before Carl Sagan announced the realities of nuclear winter,
which knocked out any idea of real escape.
For fifteen years afer our return to the United States, I puzzled over my fevered impressions of New Zealand, trying to articulate why we didn't stay.
Slowly I realized it wasn't just that immigration wanted only plumbers and nurses or that world politics had quieted down. It took another five years to convince
myself that the story had indeed found its shape".
Terese Svoboda - '80s Lilies ( 2004 )
THE CALLA LILIES in New Zealand say we are
dead, just step off the jade-strewn, rimed high-tide
line here and a wave will rise up like Trigger, like
some silent-movie stallion, and suck us under,
suck us beneath a continental shelf stuck out so
far the waves whiten before they break. So too the
calla lilies, all white and willd like that, all about to
break in the greeny drizzle that the wind whips, all
these wild calla lilies that will bear us away.
l see the lilies and l say, Let's get off the bus.
Then the bus's burring keeps on without us as we
stand at the upper ridge of lilies, before they spill
off the grave mounds corraled by wooden fences
and multiply right onto the waves. Lilies from old
settlers' tombs, l say into the silencing wind with
you tucking the baby onto my back, and as far as
we can see, green drizzle, jade beaches, white
cups in clumps flattened by wind.
Mind the waves, she says. They will jump the
Lis des années 80.
Les arums des années 1980.
Les lis de Calla en Nouvelle-Zélande disent
que nous sommes morts, éloignez-vous de
quelques pas de la frange bordée de givre et
parsemée de jade de la marée haute et une vague
se cabrera tel Trigger, tel un étalon dans un film
muet, et nous aspirera par dessous, nous aspirera
en dessous d’une plaque continentale qui s'avance
si loin que les vagues blanchissent avant de se
fracasser. Il en va de même pour les lis de Calla,
tous blancs et sauvages, tous prêts à rompre dans
la bruine qui tire sur le vert, que le vent bat, tous
ces lis de Calla sauvages qui nous emporteront au
loin.
Je vois les lis et je dis, Descendons du bus.
Puis le bourdonnement du bus continue sans nous,
qui surplombons les lis, avant qu’ils ne se
répandent sur les monticules funéraires ceints par
des barrières en bois et qu’ils ne se multiplient
juste au niveau des vagues. Des lis des tombes
des anciens colons, dis-je dans le vent qui atténue
ma voix alors que tu me mets le bébé sur le dos, et
aussi loin que porte notre regard, de la bruine
verte, des plages de jade, des calices blancs en
bosquets aplatis par le vent.
En Nouvelle-Zélande, les arums symbolisent la
mort. Ils sont une cascade de jade sur la bordure
d’estran, s’élevant comme une vague à la façon de
Trigger, l’étalon de film muet, en nous aspirant
sous un plateau continental, là où les vagues
blanchissent avant de se briser. C’est ainsi que les
arums blancs et sauvages, surgissent dans le
crachin verdâtre que le vent fouette pour nous
emporter avec eux.
Attention aux vagues, dit-elle. Elles vont
Fais attention aux vagues, dit-elle. Elles
En les voyant je suggère de quitter le bus
.Celui ci s’éloigne alors, nous laissant là, au-dessus
des arums, avant qu’ils ne traversent des clôtures
en bois et ne se répandent sur les monticules des
tombes, se multipliant comme des vagues.
Ce sont les arums sur les tombes
d’anciens colons, dis-je dans le vent silencieux,
tandis que tu plaçais le bébé correctement sur
mon dos. Nous pouvions alors apercevoir au loin,
le crachin, les plages de jade, les coupes blanches
aplaties par le vent.
beach and pull you in.
She comes abreast of us, nearly green-skinned
in the green mist with a small-sized boy, just as
green, tugging at the end of her arm. Does she
mean for us to mind those waves-or for him, the
green monkey among the lilies?
l hold up a rock. Jade? Really jade? l ask.
Tourists, she says in a tone that can't be
confused. Tourists don't come here, she says.
Really? They skip this bit? l thumb toward all
that various beauty.
Those terrible taurists.
She laughs and my husband and l say all the
little things against the wind that makes her lean
toward us down the length of the beach until we
are at her car that she unlocks and leaves in,
waving. We wave back, a few more little things on
our lips.
The baby takes away our wonder at the place
and its people, the baby has his wants. At the end
of the road the woman has driven away from sits a
pub, curiously free of all the lilies, as if bulldozed
free. We order pints there, then we ask after rooms
since the green mist can only give way to dark.
They have rooms.
We remark on the sheep smell of these rooms,
and the drizzle-colored pub interior, its darts bent
and broken, the dark growlings and the stares from
the pub fiends, two steamy goldminers, silent and
filthy in their mining gear, flakes of dirt, green not
gold, falling from them onto their table, and we
order another pint.
Going to the ladies', with the baby asleep, milk
lip aquiver, l trip over huge bones in the corridor,
vastly gnarled, prehistoric big gray bones that must
be the source of the sheep stink. The dog that
gnaws at such bones, as terrible an animal as he
must be, thumps and growls from inside some
further door when l shut mine, but he's quiet when l
emerge, as if he has plans.
déferler sur la plage et vous entraîner.
Elle vient à notre hauteur, la peau presque
verte dans la brume verte avec un garçon de petite
taille, tout aussi vert, accroché à son bras. Est-ce à
nous qu’elle dit de faire attention aux vagues – ou à
lui, le gamin vert parmi les lis ?
Je ramasse une pierre. Du jade ? Vraiment
du jade ? demandai-je.
Les touristes, dit-elle sur un ton sans
équivoque. Les touristes ne viennent pas ici, ditelle.
Vraiment? Ils évitent ce coin? Je montre du
pouce toute cette beauté luxuriante.
Ces effroyables touristes !
Elle rit et mon mari et moi parlons un peu
avec le vent de face, ce qui fait qu’elle s'incline
vers nous pour nous entendre tandis que nous
longeons la plage jusqu'au bout, jusqu'à ce qu’on
soit à sa voiture, qu’elle déverrouille et y prenne
place, nous faisant des signes de la main. Nous lui
répondons de la même façon, quelques mots
encore sur les lèvres.
Le bébé met fin à notre émerveillement
pour ce lieu et ses habitants, le bébé a ses envies.
Au bout du chemin par où la femme est partie se
trouve un pub, curieusement sans aucun lis,
comme s'ils avaient été retirés par un bulldozer.
Nous commandons des pintes là-bas, puis nous
demandons s’ils ont des chambres, puisque seule
la nuit peut succéder à la brume.
Ils ont des chambres.
Nous faisons des commentaires sur l’odeur
de mouton des chambres, la couleur de bruine du
pub, ses fléchettes tordues et cassées, les
grondements et les regards sombres des monstres
du bar, deux chercheurs d’or humides, silencieux et
sales dans leurs habits de travail, des résidus de
saleté -vertes et non d’or- dégoulinant d’eux sur
leur table, et nous commandons une autre pinte.
Je vais aux toilettes, avec le bébé endormi,
la lèvre tremblante en attendant du lait, je trébuche
vont passer sur la plage et t’emporter. Elle arrive à
côté de nous, avec la peau presque verte à cause
de la brume, tirant à bout de bras un petit garçon
presque aussi vert qu’elle. Est ce nous qu’elle met
en garde, ou s’adresse-t-elle alors à l’enfant petit
singe vert au milieu des arums ?
Je ramasse une pierre par terre .Du
jade ?c’est vraiment du jade ? Demandais-je.
Vous êtes des touristes, dit-elle, les
touristes ne viennent jamais par ici.
Vraiment ? Ils sont passés à côté ? Je
montrais du doigt le paysage de rêve. Ces touristes
sont terribles.
Elle rit, et, mon mari et moi disons tout
plein de petites choses, ce qui la fit avancer avec
nous tout le long de la plage, jusqu’à ce que nous
arrivions à la voiture. Elle l’ouvre et nous quitte en
nous faisant des signes. Nous lui répondons,
laissant quelques petites choses de plus sur nos
lèvres.
Le bébé nous ramène alors à la réalité du
monde et des gens, il a ses exigences. Au bout de
la route que la femme a prise, il y a un pub,
bizarrement, dépourvu d’arums comme si il avait
été rasé par un bulldozer. Nous y commandons des
pintes, puis nous demandons des chambres car la
bruine verte annonce la nuit.
Ils ont des chambres.
Nous remarquons qu’elles sentent le
mouton, que le pub lui-même est couleur crachin,
que les fléchettes sont tordues et cassées, que
l’on entend des grognements sombres et que les
habitués du pub, deux chercheurs d’or, humides,
silencieux et sales dans tout leur équipement de
mineurs et dont la table est recouverte d’une saleté
verte et triste, nous jettent des coups d’œil .
Nous commandons une autre pinte.
En allant aux toilettes, alors que bébé dort
I' haven't. l haven't said yes yet to the room or to
another pint. l just want to talk about those bones
but at our seat there's no one to note my near miss
with the bone-guarding dog, no man or child.
One of the two miners nods to the window. Out
there, he says. She has them in her car.
Where e1se would you be putting up but here?
she shouts over new pell-mell rain. l have tea, she
says.
We rode the ferry that sinks, the ferry with a crèche
where the children are roped to rockers through
the big waves that slap the island apart, the ferry
that, however, did not sink when we crossed, but
allowed us, vomitous, to board that bus.
That ferry's no problem, she says. Look in the
phone book.
sur de gros os dans le corridor très noueux, de
gros os gris et préhistoriques qui doivent être la
cause de la puanteur de mouton. Le chien qui
ronge de tels os, si terrible qu’il puisse être, frappe
et grogne à l’intérieur d’une pièce voisine, quand je
ferme ma porte, mais il ne fait plus de bruit quand
je sors, comme s’il avait des intentions
particulières.
Pas encore. Je n’ai pas encore dit oui pour
la chambre ou pour une autre pinte. Je veux juste
parler de ces os mais à nos places il n'y a
personne pour remarquer ma rencontre avortée
avec le chien gardien d'os, pas d’homme ou
d’enfant.
Un des mineurs fait un signe de la tête vers
la fenêtre. Dehors, dit-il. Elle les a pris dans sa
voiture.
Où d'autre seriez-vous allés sinon ici? criet-elle à travers l'abondante pluie qui a repris. J'ai du
thé, dit-elle.
l open the phone book and the first page lists all
Nous avons voyagé sur le ferry qui sombre,
the calamities: tidal wave, earthquake, floods, le ferry avec une crèche où les enfants sont
volcanic eruptions, and numbers to call.
attachés par des cordes aux fauteuils à bascules
lorsque le navire fend les grosses vagues qui
Such a safe place, I say they say. So safe for pétrissent violemment l’île, le ferry qui, quoi qu’il en
children.
soit, n’a pas coulé lorsque nous traversions, mais
We are fleeing, we explain, to some safe place. nous a permis, nauséeux, de prendre place à bord
We're sure this time they'll drop. it. We thought, du bus.
Ce ferry ne présente pas de danger, ditHere's a place we'll be safe, and gave the airlines
elle. Regardez dans l’annuaire.
our gold card.
J’ouvre l’annuaire et la première page liste
They don't laugh, she and her husband. Just toutes les calamités: raz de marée, tremblements
the way she doesn't laugh at the green rock I pull de terre, inondations, éruptions volcaniques et les
out of my bag, the rock that must be worth money. numéros à appeler. C'est un endroit est si sûr, disTheir house is full of toys my baby knows and je. Si sûr pour les enfants.
toys my husband can feel the remote of, and
Nous expliquons que nous fuyons, jusqu’à
books I have read and admired.
un endroit sûr. On est sûrs cette fois qu’ils vont la
larguer. On se disait qu'ici on serait en sécurité, et
Her husband has my husband's charm, and on dépensé tout notre argent en billets d'avion..
why not? They do nothing similar for work but
Elle et son mari ne rient pas. De la même
du lait aux lèvres, je chemine dans le corridor pardessus d’énormes os immensément noueux, de
gros os gris, préhistoriques, qui doivent être la
cause de cette puanteur de moutons. Le chien qui
ronge de tels os, qui doit être un terrible animal,
cogne et grogne derrière une porte, tandis que je
ferme la mienne ; pourtant quand je sors il reste
calme, comme ‘il avait une idée.
En ce qui me concerne je n’en ai pas. Je
n’ai pas encore dit oui ni à la chambre ni à une
autre pinte. Je voudrais juste parler des ces os,
mais à notre table, il n’y a personne pour
remarquer ma rencontre loupée avec le chien
gardien des os. Personne. Ni homme ni enfant.
Un des deux mineurs, hoche la tête en
regardant par la fenêtre. Ils sont dehors, il dit, dans
sa voiture.
Bien-sur, où veux tu qu’ils soient
sinon ?répond elle. Elle ajoute qu’il lui reste du thé.
On a pris le ferry ,celui qui coule régulièrement,
dans lequel il y a une crèche où l’on attache les
enfants pour éviter qu’ils ne tombent à travers les
grosses vagues qui frappent les îles, ce ferry qui
contre toutes attentes n’a pas coulé quand nous
avons traversé, et qui nous a permis, vomissant, de
rejoindre le bus.
Il n’y a aucuns problèmes avec ce ferry,
assure-t- elle, regarde dans l’annuaire.
J’ouvre l’annuaire, et vois que la première
page n’est qu’une liste toutes les calamités : raz de
marée, tremblement de terre, inondations,
éruptions volcaniques, et numéros d’urgence.
Un endroit si sûr, je dis avec ironie, surtout
pour les enfants. Nous nous enfuyons en leur
expliquant que l’on cherche un endroit plus sûr. On
a pensé, Voici un endroit où on sera en sécurité, et
on a donné notre carte de crédit aux compagnies
aériennes.
charm makes the men match.
The baby inspects all the toys their boy brings
so I can talk while she cooks, because cooking is
the point of visiting, isn't it, she says, a place
where everyone meets. Then you can go back, if
you like. After tea.
I look out into the pell-mell greeny rain and,
even in the looking, smell sheep, hear that growl.
When real night falls about two drinks after tea what is surely dinner - when the rain isn't seen but
felt, they won't let us go, they make up beds.
Their boy bounces a ball off the baby's head and
the baby smiles.
We all visit a gold mine in the morning, their idea.
Maybe they wanted to have sex, I whisper to
my husband as he settles a hard hat onto his
head.
A little late, he says.
We walk deep into the mines posted Do Not
Enter and they say, Don't mind the signs, the baby
is fine.
This is where we're going when it happens,
says her husband. And he explains what he heard
on TV yesterday, how it will blow ash all over the
globe in ways nobody knew. Everywhere will be
caught in the grip of its terrible winter.
Winter-you are obsessed with having seasons
that don't match ours, I say. I look at my husband.
So here is not safe either is our glance exchanged.
We walk along in the dark.
I expect a room of gold all aglitter at the end,
jutting ore burnished to a sun's strength. What we
get to is a small cave lit with mirrors that leave little
flashes of faraway light on the dull rock.
Our faces facing the mirrors are just one gray
façon qu’elle ne se moque pas du caillou vert que
je tire de mon sac, le caillou qui doit valoir de
l’argent. Leur maison est pleine de jouets que mon
bébé connaît, et qui rappellent à mon mari un
lointain passé, et de livres que j’ai lus et admirés.
Son mari a le charme du mien, et pourquoi pas? ils
n'ont pas le même métier mais ils se ressemblent
car ils ont le même charme.
Le bébé inspecte tous les jouets que leur
garçon apporte donc je peux parler pendant qu’elle
cuisine, parce que l’intérêt d’une visite est de faire
la cuisine, n’est-ce pas, un endroit, dit-elle, où tout
le monde se rencontre. Vous pourrez repartir après
le thé.
Je jette un coup d’œil sur la pluie verdâtre
brouillée et, ne serait-ce que dans ce coup d'oeil, je
sens le mouton et j’entends ce grognement. Quand
la nuit noire tombe, environ deux verres après le
thé – ce qui est sûrement le dîner – quand on ne
voit plus la pluie mais qu'on la sent, ils ne veulent
pas nous laisser pas repartir, ils préparent des lits.
Leur fils fait rebondir une balle sur la tête
du bébé et le bébé sourit.
Ils ne rient pas, elle et son mari. De la
même façon qu’elle ne rit pas non plus quand elle
voit les cailloux verts que j’ai sortis de mon sac, à
savoir ces pierres qui doivent valoir de l’argent.
Leur maison est pleine de jouets que mon
bébé connait, et de jouets dont mon mari se
souvient aussi, ainsi que des livres que j’ai moimême lus et admirés.
Son mari a le charme du mien, et cela n’a
rien d’étonnant. Ils ne font pas du tout le même
travail mais leur charme fait qu’ils se ressemblent.
Le bébé inspecte tout les jouets que leur
garçon lui apporte, et ainsi je peux parler pendant
qu’elle cuisine, parce que cuisiner est le but de
toute visite, n’est-ce pas ? dit-elle, la cuisine est un
endroit où tout le monde se rencontre. Ensuite, on
peut s’en aller, si on veut. Après le thé.
Je regarde dehors, à travers la pluie
verdâtre, et même avec mes yeux J’arrive à sentir
l’odeur de mouton et à entendre le grognement.
Quand la véritable nuit tombe, à peu près deux
verres après le thé – ce qui est surement le dîner –
alors que l’on ne voit plus la pluie mais qu’on la
Leur idée est que l'on visite une mine d'or le ressent encore, je comprends qu’ils ne vont pas
nous laisser partir : ils nous préparent les lits.
lendemain matin.
Leur garçon fait rebondir une balle sur la
Peut-être qu’ils voulaient faire l’amour,
chuchotai-je à mon mari tandis qu’il se met un tête de bébé, et bébé sourit.
casque sur la tête.
On va tous visiter une mine d’or le matin,
Trop tard, dit-il.
On s’enfonce profondément dans la mine c’est leur idée.
Peut être qu’ils voulaient faire l’amour,
où il y a un panneau où on lit Ne Pas Entrer et ils
disent, Ne faîtes pas attention aux panneaux, le chuchotais-je à mon mari tandis qu’il met un
casque sur la tête.
bébé ne court aucun risque.
C’était un peu tard, me répondit-il
C’est là que nous irons quand ça arrivera,
Nous marchons longtemps dans des mines
dit son mari. Et il explique qu’il a entendu à la télé
hier, comment des cendres vont être soufflées tout affichant « Entrée Interdite » et ils nous disent : Ne
autour du globe d’une façon inconnue de qui que faîtes pas attention au panneau, le bébé peut venir.
ce soit. Tout sera pris dans l’étreinte de son terrible
hiver.
L’hiver – vous êtes obsédés par le fait
C’est ce qui nous attend, dit son mari .Et il
d’avoir des saisons qui ne correspondent pas aux
nôtres, dis-je. Je regarde mon mari. Ici on n’est pas
à l'abri non plus, nous disons-nous en échangeant
un regard.
Nous cheminons dans le noir.
Je m'attends à une pièce avec de l’or tout
scintillant au bout, du minerai protubérant bruni par
We stay one more night. We stay up late and my la force du soleil mais ce dans quoi nous arrivons
husband says, Maybe the threat will blow over.
est une petite grotte éclairée par des miroirs qui
Blow over. We all laugh, drinking the wine from laissent des petites tâches d’une lumière lointaine
the grapes that grow among the lilies. Then we talk sur la pierre terne.
movies, all the same ones we have seen as if
together.
Nos visages faisant face aux miroirs ne
sont qu’une boule grise, puis une autre.
We really came to see you, I say. Does it
Leur garçon laisse tomber une pierre dans
matter ifwe flee if you are here?
un puit, et elle ne touche pas le fond. Pendant que
nous attendons, le bruit retentissant de la pierre
réveille le bébé, et ses pleurs se répercutent en
ln the morning they tell us they do not write, they écho tout au long du tunnel. On fait le chemin du
will not. No letters.
retour avec ses pleurs, c’est très physique.
Consider them written, says my husband.
We take the next bus, a dark cave filled with more
On reste une nuit de plus. On reste éveillés
miners abandoning mines. The settlers we leave
tard et mon mari dit, Peut-être que la menace va
behind, such settlers as they are, wearing our
disparaître.
clothes nearly exactly, franchise for franchise, who
Disparaître. Nous rions tous, buvant le vin
wave as our bus burrs off past the lilies, the big
des grappes qui poussent parmi les lis. Puis nous
waves behind them lapping and reaching.
parlons films, tous les mêmes comme si nous
étions allés les voir ensemble.
On est vraiment venu vous voir, dis-je.
Cela ne vous dérange pas si on file pendant que
vous restez ici?
ball, then another.
Their boy drops a rock down a shaft and it
doesn't hit bottom. While we wait, the baby wakes
as if the rock hits hard, and his wails echo all
down the tunnel. We walk back through his wails,
it's that physical.
explique ce qu’il a entendu à la télé hier, comment
cela projettera de la cendre partout autour du globe
comme personne n’a jamais connu. Tout sera sous
l’emprise de ce terrible hiver.
Hiver – Vous voulez absolument avoir des
saisons qui ne correspondent pas aux nôtres, je
dis. Je regarde mon mari. Alors ici ça n’est pas sûr
non plus, se disent nos regards.
Nous marchons côte à côte dans
l’obscurité.
Je devine une pièce d’or toute brillante,
resplendissante de minerais flamboyants comme
des soleils. On y entre par une petite caverne,
éclairée par des miroirs qui reflètent la lumière
lointaine sur une roche terne.
Nos visages face aux miroirs ne deviennent
plus alors qu’une balle grise, puis une autre. Leur
garçon fait tomber un caillou dans un puits, et celuici ne touche pas le fond. Tandis que nous
attendons, le bébé se réveille comme si le caillou
avait frappé fort, et ses pleurs font écho jusqu’au
bout du tunnel. Nous rebroussons donc chemin à
travers ses cris, ce qui finalement s’avère faisable.
Nous restons une nuit de plus. Nous
restons éveillés tard et mon mari dit, « Peut- être
que ça va tout faire sauter. »
Tout faire sauter. Nous rions tous, en
buvant le vin issu des vignes qui poussent parmi
les arums. Quand on parle de films, on réalise
Dans la matinée ils nous disent qu’ils qu’on a tous vu les même, comme si nous avions
n’écrivent pas, qu’ils ne le feront pas. Pas de été ensemble
On est venu vous voir, je dis. Est ce
lettres.
important, que nous fuyions du moment que vous
Considèrez-les écrites, dit mon mari.
Nous prenons le bus suivant, qui est êtes ici.
comme une grotte sombre remplie d’autres
Le matin, ils nous disent qu’ils n’écrivent
mineurs qui abandonnent les mines. Les colons
que nous laissons derrière nous, quels qu’ils pas, et ils ne nous écriront pas non plus. Pas de
soient, portent pratiquement les mêmes habits que lettres.
nous, marque pour marque; ils font des signes de
Considérez-les comme écrites, dit mon
la main tandis que notre bus dépasse les lis en mari.
bourdonnant; les grosses vagues derrière eux
Nous prenons le premier bus, soit une
clapotent et s’étirent.
caverne sombre remplie d’autres mineurs
abandonnant les mines. Nous laissons les colons
derrière nous, aussi colons soient-ils, portant
Adèle,
Morgane, presque les même vêtements que nous, et qui
nous font des signes de la main tandis que notre
Semyon
bus abandonne, après les arums, les grandes
1°L, année 2007
vagues qui s’allongent puis se brisent derrière eux.
Trigger: nom du cheval du cow-boy Roy Rogers
Elise Courtois 1L2
Justine Heautot
3/ V.S Pritchett (1900. 1997) “A Family Man”
Victor Sawdon Pritchett was born on December 16, 1900 in Ipswich, Suffolk, the first of four children of Walter Sawdon Pritchett and Beatrice Helena (née
Martin). His father, a London businessman in financial difficulties, had come to Ipswich to start a shop selling newspapers and stationery. When his father
went to fight in World War I, Pritchett left school.
Pritchett's first book described his journey across Spain (Marching Spain 1928) and Clare Drummer (1929) was about his experiences in Ireland. He published
five novels but he claimed not to enjoy their creation. His reputation was established by a collection of short stories (The Spanish Virgin and Other Stories
1932). "A Family Man" is about a middle-aged husband who also has a young mistress. As the story opens, his wife visits the mistress and accuses her. The
husband had described his wife as beautiful, which she is not, and this suddenly devalues him, as well as the affair, in his mistress's eyes. Up to here, the
development is reasonably promising.
But then it turns out that the husband is having an affair with another woman as well. Mr. Pritchett loads the story with miscellaneous circumstances, and the
original situation loses its tension. It is difficult, amid so many multiplying and petty considerations, to feel anything for anyone.
A Family Man V.S.Pritchett
Un Chef de famille
Late in the afternoon, when she had given him up and had even changed out
of her pink dress into her smock and jeans and was working once more at her
bench, the doorbell rang. William had come, after all. It was in the nature of
their love affair that his visits were fitful: he had a wife and children. To show
that she understood the situation, even found the curious satisfaction of
reverie in his absences that lately had lasted several weeks, Berenice
dawdled yawning to the door. As she slipped off the chain, she called back
into the empty flat, `It's all right, Father. I'll answer it.'
William had told her to do this because she was a woman living on her own:
the call would show strangers that there was a man there to defend her.
Berenice's voice was mocking, for she thought his idea possessive and
ridiculous; not only that, she had been brought up by Quakers and thought it
wrong to tell or act a lie. Sometimes, when she opened the door to him, she
would say, `Well! Mr Cork', to remind him he was a married man. He had the
kind of shadowed handsomeness that easily gleams with guilt, and for her this
gave their affair its piquancy.
But now - when she opened the door - no William, and the yawn, its hopes
and its irony, died on her mouth. A very large woman, taller than herself, filled
the doorway from top to bottom, an enormous blob of pink jersey and green
skirt, the jersey low and loose at the neck, a face and body inflated to the
point of speechlessness. She even seemed to be asleep with her large blue
eyes open.
`Yes?' said Berenice.
En fin d'après-midi, quand elle eut abandonné l'idée qu'il vienne et
qu'elle eut échangé sa robe rose contre une veste et un jean, alors qu'elle
s'était remit à travailler à son banc, la sonnerie retentit.
William était venue, finalement.
Il était dans la nature de leur liaison que ses visites soient irrégulières : il avait
une femme et des enfants. Pour montrer qu'elle comprenait la situation ; et
qu'elle en tirait même une curieuse satisfaction de rêverie en ses absences
qui récemment avaient duré plusieurs semaines, Bérénice se traîna en
baillant vers la porte. Alors qu'elle ouvrait le loquet, elle se retourna vers
l'appartement vide et dit :« C'est bon, père. Je vais répondre. » William lui
avait recommandé de faire cela car elle vivait seule : l'appel montrait aux
étrangers qu'il y avait un homme pour la défendre. La voix de Bérénice raillait,
car elle trouvait son idée possessive et ridicule ; surtout qu'elle avait été
élevée par les Quakers et trouvait immoral de mentir ou de faire semblant.
Parfois, lorsqu'elle lui ouvrait la porte, elle avait envie de dire : « Bon, Mr Cork
», pour lui rappeler qu'il était marié.
Il avait cette beauté ténébreuse qui vous rend facilement coupable, et pour
elle cela donnait du piquant à son histoire.
Mais maintenant -quand elle ouvrit la porte- pas de William, et ses espoirs et
son ironie s'envolèrent. Une très grande femme, plus grande qu'elle-même,
remplissait l'embrasure de la porte de haut en bas, vêtue d'un pull rose et
d'une jupe verte - un léger pull, qui laissait voir son cou, un visage et un corps
enflés. Elle semblait même endormie avec ses grands yeux bleus ouverts.
The woman woke up and looked unbelievingly at Berenice's feet, which were
bare, for she liked to go about barefoot at home, and said, `Is this Miss
Foster's place?'
Berenice was offended by the word `place'. `This is Miss Foster's residence. I
am she.'
`Ah,' said the woman, babyish no longer but sugary. `I was given your address
at the College. You teach at the College, I believe? I've come about the
repair.'
`A repair? I make jewellery,' said Berenice. `I do not do repairs.'
`They told me at the College you were repairing my husband's flute. I am Mrs
Cork.'
Berenice's heart stopped. Her wrist went weak and her hand drooped on the
door handle, and a spurt of icy air shot up her body to her face and then
turned to boiling heat as it shot back again. Her head suddenly filled with
chattering voices saying, Oh, God. How frightful! William, you didn't tell her?
Now, what are you, you, you going to do. And the word `Do, do' clattered on in
her head.
`Cork?' said Berenice. `Flute?'
`Florence Cork,' said the woman firmly, all sleepy sweetness gone.
`Oh, yes. I am sorry. Mrs Cork. Of course, yes. Oh, do come in. I'm so sorry.
We haven't met, how very nice to meet you. William's - Mr Cork's - flute! His
flute. Yes, I remember. How d'you do? How is he? He hasn't been to the
College for months. Have you seen him lately - how silly, of course you have.
Did you have a lovely holiday? Did the children enjoy it? I would have posted
it, only I didn't know your address. Come in, please, come in.'
`In here?' said Mrs Cork and marched into the front room where Berenice
worked. Here, in the direct glare of Berenice's working lamp, Florence Cork
looked even larger and even pregnant. She seemed to occupy the whole of
the room as she stood in it, memorizing everything - the bench, the pots of
paintbrushes, the large designs pinned to the wall, the rolls of paper, the sofa
covered with papers and letters and sewing, the pink dress which Berenice
had thrown over a chair. She seemed to be consuming it all, drinking all the
air.
But here, in the disorder of which she was very vain, which indeed fascinated
her, and represented her talent, her independence, a girl's right to a life of her
own, and above all, being barefooted, helped Berenice recover her breath.
`It is such a pleasure to meet you. Mr Cork has often spoken of you to us at
the College. We're quite a family there. Please sit. I'll move the dress. I was
mending it.'
But Mrs Cork did not sit down. She gave a sudden lurch towards the bench,
and seeing her husband's flute there propped against the wall, she grabbed it
“Oui ? » dit Bérénice.
La femme se réveilla et regarda, incrédule, les pieds de Bérénice ; ils étaient
nus, car celle-ci aimait se promener sans chaussures chez elle. Elle demanda
:
“Est-ce la maison de Miss Foster ? »
Bérénice fut offensée par le mot « maison ».
“Il s'agit bien de la résidence de Miss Foster. C'est moi. »
“Ah » dit la femme, non plus sur un ton infantile mais mielleux. « On m'a
donné votre adresse à l'Université. Vous enseignez bien à l'Université ? Je
suis venue au sujet de la réparation. »
“Une réparation ? Je créé des bijoux », répondit Bérénice. « Je ne fais pas de
réparations. »
« On m'a dit à l'Université que vous répariez la flûte de mon mari. Je suis
Mme Cork,”
Le coeur de Bérénice cessa de battre. Son poignet devint faible et sa main
tomba sur la poignée de la porte, et un souffle d'air glacial augmenta
rapidement la chaleur de son corps et son visage. Sa tête se remplit soudain
de chuchotements de voix qui disaient :« Oh mon dieu. C'est épouvantable !
William, tu ne lui as pas dit ? Maintenant qu'est-ce que tu vas faire ? »
Et le mot « faire » résonna dans sa tête.
“Cork ?» dit Bérénice. « Une flûte ?»
“Florence Cork » dit fermement la femme, sans plus aucune douceur
somnolente dans la voix.
“Oh oui, je suis désolée. Mme Cork. Bien sûr, oui. Oh, allez-y, entrez. Je suis
désolée. Nous ne nous sommes pas présentées. Comme c'est aimable de
vous rencontrer ! La flûte de William -Mr Cork ! Sa flûte. Oui, je me souviens.
Comment allez-vous ? Comment va-t-il ? Il n'est pas venu à l'Université
depuis plusieurs mois. L'avez-vous vu récemment ? Que je suis bête, bien sûr
que oui. Avez-vous passé de bonnes vacances ? Les enfants ont-ils apprécié
? Je voulais vous la poster, seulement j'ignorais votre adresse. Entrez, je vous
en prie, entrez. »
“Ici ? » dit Mme Cork en marchant vers la salle où Bérénice travaillait. Ici,
sous la lueur directe de la lampe de travail de Bérénice, Florence Cork
paraissait encore plus grande et encore plus enceinte. Elle semblait occuper
la totalité de la salle, se tenant ainsi et mémorisant tout de la pièce : les pots
de peinture, les grandes conceptions accrochés au mur, les rouleaux de
papier, le canapé couvert de papiers, de lettres et d'affaires à couture, ainsi
que la robe rose que Bérénice avait jeté sur une chaise. La femme semblait
être absorbée par tout ça. Mais ici, dans le désordre dans lequel elle était
dominatrice, qui la fascinait et représentait son talent, son indépendance, être
une femme vivant par ses propres moyens et par dessus tout, être nu pieds,
and swung it above her head as if it were a weapon.
`Yes,' said Berenice, who was thinking, Oh, dear, the woman's drunk, `I was
working on it only this morning. I had never seen a flute like that before. Such
a beautiful silver scroll. I gather it's very old, a German one, a presentation
piece given to Mr Cork's father. I believe he played in a famous orchestra where was it? - Bayreuth or Berlin? You never see a scroll like that in
England, not a delicate silver scroll like that. It seems to have been dropped
somewhere or have had a blow. Mr Cork told me he had played it in an
orchestra himself once, Covent Garden or somewhere . . .'
She watched Mrs Cork flourish the flute in the air.
`A blow,' cried Mrs Cork, now in a rich voice. `I'll say it did. I threw it at him.'
And then she lowered her arm and stood swaying on her legs as she
confronted Berenice and said, `Where is he?'
`Who?' said Berenice in a fright.
`My husband!' Mrs Cork shouted. `Don't try and soft-soap me with all that
twaddle. Playing in an orchestra! Is that what he has been stuffing you up
with? I know what you and he are up to. He comes every Thursday. He's been
here since half past two. I know. I have had this place watched.'
She swung round to the closed door of Berenice's bedroom. `What's in there?'
she shouted and advanced to it.
`Mrs Cork,' said Berenice as calmly as she could. `Please stop shouting. I
know nothing about your husband. I don't know what you are talking about.'
And she placed herself before the door of the room. `And please stop
shouting. That is my father's room.' And, excited by Mrs Cork's accusation,
she said, `He is a very old man and he is not well. He is asleep in there.'
`In there?' said Mrs Cork.
`Yes, in there.'
`And what about the other rooms? Who lives upstairs?'
`There are no other rooms,' said Berenice. `I live here with my father.
Upstairs? Some new people have moved in.'
Berenice was astonished by these words of hers, for she was a truthful young
woman and was astonished, even excited, by a lie so vast. It seemed to glitter
in the air as she spoke it.
Mrs Cork was checked. She flopped down on the chair on which Berenice had
put her dress.
`My dress, if you please,' said Berenice and pulled it away.
`If you don't do it here,' said Mrs Cork, quietening and with tears in her eyes,
`you do it somewhere else.'
`I don't know anything about your husband. I only see him at the College like
the other teachers. I don't know anything about him. If you will give me the
flute, I will pack it up for you and I must ask you to go.'
tout cela aida Bérénice à retrouver son souffle.
“C'est un tel plaisir de vous rencontrer. Mr Cork ne parle que de vous à
l'Université. Nous sommes comme une famille. Asseyez-vous. Je vais enlever
cette robe. Je la réparais. »
Mais Mme Cork ne s'assit pas. Elle donna une brusque embardée vers le
banc, et vit la flûte de son mari appuyée contre le mur ; elle l'empoigna et la
brandit audessus de sa tête comme une arme.
“Ok » se dit Bérénice, tout en réfléchissant. « Oh, ma chère, cette femme a
bu”.
“J'ai commencé à travailler sur la flûte seulement ce matin. Je n'avais jamais
vu une telle flûte auparavant, avec un aussi beau rouleau d'argent ! Je
présume qu'il est très ancien, une pièce de collection allemande qui a du être
donné au père de Mr Cork. Je crois qu'il a joué dans un orchestre célèbre- où
était-ce ? Beyreuth ou Berlin ? On ne verra jamais ce genre de rouleau en
Angleterre, pas un aussi délicat rouleau en tout cas. Il semble qu'elle soit
tombée quelque part ou qu'elle ait reçu un coup. Mr Cork m'a dit qu'il avait
joué dans un orchestre une fois, Covent Garden ou quelque part... »
Elle regarda Mme Cork faire un grand geste avec la flûte.
“Un coup » cria t-elle, d'une vive voix. « Je vous dirais que oui, elle a reçu un
coup. Je l'ai jetée sur mon mari. »
Puis elle abaissa son bras et continua à se balancer sur ses jambes tandis
qu'elle se confrontait à Bérénice, puis elle demanda : « Où est-il ?”
“ Qui ? » répondit Bérénice, avec effroi.
“Mon mari ! » cria Mme Cork. « N'essayez pas de m'amadouer avec tout ce
bavardage. Jouer dans un orchestre ! C'est ce qu'il vous a dit pour vous
séduire ? Je sais où vous en êtes. Il vient tous les jeudis. Il est ici depuis deux
heures et demi. Je le sais. Je vous surveille. »
Elle se tourna vers la porte de la chambre de Bérénice : « Qu'y a-t-il ici ? »
cria t-elle en s'avançant .
“Mme Cork », dit Bérénice le plus calmement possible. « Je vous en prie
arrêtez de crier. Je ne sais rien à propos de votre mari. Je ne sais pas de quoi
vous parlez. » Et elle se plaça devant la porte de la chambre. « Et je vous en
prie arrêtez de hurler. C'est la chambre de mon père. » Et, excitée par
l'accusation de Mme Cork, elle ajouta : « C'est un très vieil homme et il ne va
pas bien. Il dort.
“II dort? » demanda Mme Cork.
“Oui”.
“Et les autres chambres ? Qui vit en haut ?”
“Il n'y a pas d'autres chambres », dit Bérénice. « Je vis ici avec mon père. En
haut ? Des nouveaux locataires y habitent. »
Bérénice était abasourdie par ses propres mots, car c'était une jeune femme
`You can't deceive me. I know everything. You think because you are young
you can do what you like,' Mrs Cork muttered to herself and began rummaging
in her handbag.
For Berenice one of the attractions of William was that their meetings were
erratic. The affair was like a game: she liked surprise above all. In the
intervals when he was not there, the game continued for her. She liked
imagining what he and his family were doing. She saw them as all glued
together as if in some enduring and absurd photograph, perhaps sitting in
their suburban garden, or standing beside a motorcar, always in the sun, but
William himself, dark-faced and busy in his gravity, a step or two back from
them.
`Is your wife beautiful?' she asked him once when they were in bed.
William in his slow serious way took a long time to answer. He said at last,
`Very beautiful.'
This had made Berenice feel exceedingly beautiful herself. She saw his wife
as a raven-haired, dark-eyed woman and longed to meet her. The more she
imagined her, the more she felt for her, the more she saw eye to eye with her
in the pleasant busy middle ground of womanish feelings and moods, for as a
woman living alone she felt a firm loyalty to her sex. During this last summer
when the family were on holiday she had seen them glued together again as
they sat with dozens of other families in the aeroplane that was taking them
abroad, so that it seemed to her that the London sky was rumbling day after
day, night after night, with matrimony thirty thousand feet above the city, the
countryside, the sea and its beaches where she imagined the legs of their
children running across the sand, William flushed with his responsibilities, his
wife turning to brown her back in the sun. Berenice was often out and about
with her many friends, most of whom were married. She loved the look of
harassed contentment, even the tired faces of the husbands, the alert looks of
their spirited wives. Among the married she felt her singularity. She listened to
their endearments and to their bickerings. She played with their children, who
ran at once to her. She could not bear the young men who approached her,
talking about themselves all the time, flashing with the slapdash egotism of
young men trying to bring her peculiarity to an end. Among families she felt
herself to be strange and necessary -a necessary secret. When William had
said his wife was beautiful,
she felt so beautiful herself that her bones seemed to turn to water.
But now the real Florence sat rummaging in her bag before her, this balloonlike giant, first babyish and then shouting accusations, the dreamt-of Florence
vanished. This real Florence seemed unreal and incredible. And William
himself changed. His good looks began to look commonplace and shady: his
seriousness became furtive, his praise of her calculating. He was shorter than
honnête, et elle était étonnée, même excitée par un aussi gros mensonge. Il
semblait s'inscrire en lettres scintillantes devant elle tandis qu'elle parlait.
Mme Cork s'effondra sur la chaise sur laquelle Bérénice avait jeté sa robe.
“Ma robe, s'il vous plaît », dit Bérénice en l'écartant d'elle.
“Si vous ne faites pas ça ici, dit Mme Cork, apaisée mais toujours les larmes
aux yeux, vous le faites ailleurs”.
“Je ne sais rien de votre mari. Je le vois seulement à l'Université comme les
autres enseignants. Je ne connais rien de lui. Si vous me donnez la flûte, je
vous l'enverrai mais à présent allez-vous en”.
“Vous ne pouvez pas me tromper. Je sais tout. Vous pensez que parce que
vous êtes jeune vous pouvez faire ce que vous voulez », murmura Mme Cork
en commençant à fouiller dans son sac à main.
Pour Bérénice, une des choses qui la séduisait le plus chez William était que
leurs rendez-vous étaient erratiques. Leur liaison était comme un jeu : elle
aimait les surprises à propos de tout. Dans les moments où il n'était pas là, le
jeu continuait pour elle. Elle aimait imaginer ce que lui et sa famille faisaient.
Elle les voyait tous ensemble, regroupés comme pour prendre une photo,
peut-être assis dans leur jardin de banlieue, où encore debout près d'une
automobile, toujours sous le soleil, mais William, bronzé et perdu dans ses
pensées, un pas ou deux en arrière.
« Ta femme est-elle belle ? » lui avait-elle demandé une fois qu'ils étaient au
lit. William, mit du temps à répondre. Il dit enfin : « très belle ».
Cette réponse la fit se sentir excessivement belle. Elle imaginait la femme
ayant les cheveux noirs corbeau, les yeux sombres et elle était pressée de la
rencontrer.
Plus elle l'imaginait, plus elle la comprenait, grâce à sa compassion féminine,
ainsi elle arrivait à comprendre ses sentiments et ses humeurs. Durant l'été
dernier, quand la famille fut partie en vacances, elle les avait également
imaginés ensemble avec une douzaine d'autres familles dans l'avion qui les
emmenait à l'étranger. Il lui avait semblé que le ciel de Londres grondait jour
après jour, nuit après nuit, avec des mariages trente mille pieds au-dessus de
la ville, la campagne, la mer et ses plages où elle imaginait les jambes de
leurs enfants courant sur le sable ; William préoccupé par ses responsabilités,
sa femme se bronzant au soleil.
Bérénice sortait souvent avec ses amis, qui étaient pour la plupart mariés.
Elle aimait le regard insistant des hommes, même les visages fatigués des
maris, le regard en alerte des vives épouses. La plupart des couples mariés
lui semblaient être ennuyeux. Elle écoutait leurs mots tendres. Parfois, elle
jouait même avec leurs enfants, qui couraient vers elle. Elle ne pouvait
supporter les jeunes hommes qui l'approchaient, parlant toujours d'euxmêmes, draguant avec leur ego négligé de jeune homme pour parvenir à
his wife, his face now looked hang-dog, and she saw him dragging his feet as
obediently he followed her. She resented that this woman had made her tell a
lie, strangely intoxicating though it was to do so, and had made her feel as
ugly as his wife was. For she must be, if Florence was what he called
`beautiful'. And not only ugly, but pathetic and without dignity.
Berenice watched warily as the woman took a letter from her handbag.
`Then what is this necklace?' she said, blowing herself out again. `What
necklace is this?' said Berenice. `Read it. You wrote it.'
Berenice smiled with astonishment: she knew she needed no longer defend
herself. She prided herself on fastidiousness: she had never in her life written
a letter to a lover - it would be like giving something of herself away, it would
be almost an indecency. She certainly felt it to be very wrong to read anyone
else's letters, as Mrs Cork pushed the letter at her. Berenice took it in two
fingers, glanced and turned it over to see the name of the writer.
`This is not my writing,' she said. The hand was sprawling; her own was
scratchy and small. `Who is Bunny? Who is Rosie?'
Mrs Cork snatched the letter and read in a booming voice that made the
words ridiculous: "'I am longing for the necklace. Tell that girl to hurry up. Do
bring it next time. And darling, don't forget the flute!!! Rosie." What do you
mean, who is Bunny?' Mrs Cork said. `You know very well. Bunny is my
husband.'
Berenice turned away and pointed to a small poster that was pinned to the
wall. It contained a photograph of a necklace and three brooches she had
shown at an exhibition in a very fashionable shop known for selling modern
jewellery. At the bottom of the poster, elegantly printed, were the words
Created by Berenice
Berenice read the words aloud, reciting them as if they were a line from a
poem: `My name is Berenice,' she said.
It was strange to be speaking the truth. And it suddenly seemed to her, as she
recited the words, that really William had never been to her flat, that he had
never been her lover, and had never played his silly flute there, that indeed he
was the most boring man at the College and that a chasm separated her from
this woman, whom jealousy had made so ugly.
Mrs Cork was still swelling with unbelief, but as she studied the poster,
despair settled on her face. `I found it in his pocket,' she said helplessly.
`We all make mistakes, Mrs Cork,' Berenice said coldly across the chasm.
And then, to be generous in victory, she said, `Let me see the letter again.'
Mrs Cork gave her the letter and Berenice read it and at the word `flute' a
doubt came into her head. Her hand began to tremble and quickly she gave
the letter back. `Who gave you my address - I mean, at the College?' Berenice
accused. `There is a rule that no addresses are given. Or telephone numbers.'
leurs fins. Parmi les familles elle se sentait étrange et nécessaire - un secret
nécessaire-. Quand William lui avait dit que sa femme était belle, elle se
sentait elle même si jolie que ses os se liquéfièrent.
Mais maintenant que la vraie Florence était en train de fouiller dans son sac,
ce « ballon géant », cette femme puérile criant haut et fort ses accusations, la
légende FLORENCE s'envolait. Cette vraie Florence semblait irréelle et
incroyable. William lui-même avait changé. Son look irréprochable
commençait à devenir banal et sombre. Son sérieux devenait sournois, l'éloge
qu'elle faisait de lui s'estompait. Il était plus petit que sa femme, son visage
semblait maintenant celui d'un petit chien, et elle l'imaginait traînant les pieds
avec obéissance en la suivant. Cette femme l'avait poussée à mentir, d'une
façon étouffante. C'était du moins ce qu'elle pensait, si Florence était ce qu'il
appelle « belle ». Et pas seulement laide, mais pathétique et sans dignité.
Bérénice regarda avec prudence la femme prendre une lettre de son sac à
main. « Alors, c'est quoi ce collier ? » dit-elle, essoufflée.
“Quel collier ? » répondit Bérénice.
“Lisez ça. Vous l'avez écrit. »
Bérénice sourit avec étonnement : elle savait qu'elle n'aurait plus besoin de se
défendre. Elle se félicita: elle n'avait jamais écrit de lettre à un homme de sa
vie -ce serait comme se donner entièrement à un homme-, ce serait presque
comme être immoral. Mme Cork poussait la lettre vers elle. Bérénice la prit
entre deux doigts, y jeta un regard et la retourna pour voir le nom de l'auteur.
“Ce n'est pas mon écriture » déclara t-elle.
Sa main s'allongea ; la sienne était striée et petite. « Qui est Bunny ? Qui est
Rosie ? »
Mme Cork saisit la lettre et lut d'une voix rude qui déforma les mots d'une
manière ridicule : « Je désire ardemment le collier. Dis à cette fille de se
dépêcher. Apporte-le la prochaine fois. Et chéri, n'oublie pas la flûte ! Rosie. »
“Qu'est-ce que vous voulez dire ? Qui est Bunny ? », demanda Mme Cork. «
Vous le savez très bien en fait. Bunny est mon mari. »
Bérénice se retourna et se plaça devant une petite affiche accrochée au mur.
C'était une photographie d'un collier et de 3 broches qu'elle avait montré lors
d'une exposition moderne de bijoux. En bas de l'affiche, imprimés avec soin,
étaient écrits les mots suivants:
Créé par Bérénice
Bérénice lut les mots à haute voix, les récitant comme si c'était un vers d'un
poème : « Mon nom est Bérénice », dit-elle. C'était étrange pour elle de parler
aussi franchement. Et soudain, il lui sembla que William n'avait jamais été son
amant, et qu'il n'avait jamais joué de cette stupide flûte chez elle; qu'il était
l'homme le plus ennuyeux de l'Université et qu'un abîme la séparait de cette
femme, dont la jalousie accentuait la laideur.
`The girl,' said Mrs Cork, defending herself. `Which girl? At Enquiries?'
`She fetched someone.'
`Who was it?' said Berenice.
`I don't know. It began with a W, I think,' said Mrs Cork. `Wheeler?' said
Berenice. `There is a Mr Wheeler.'
`No, it wasn't a man. It was a young woman. With a W Glowitz.'
`That begins with a G,' said Berenice.
`No,' said Mrs Cork out of her muddle, now afraid of Berenice. 'Glowitz was
the name.'
'Glowitz,' said Berenice, unbelieving. `Rosie Glowitz. She's not young.'
`I didn't notice,' said Mrs Cork. `Is her name Rosie?'
Berenice felt giddy and cold. The chasm between herself and Mrs Cork closed
up.
`Yes,' said Berenice and sat on the sofa, pushing letters and papers away
from herself. She felt sick. `Did you show her the letter?' she said.
`No,' said Mrs Cork, looking masterful again for a moment. `She told me you
were repairing the flute.'
`Please go,' Berenice wanted to say but she could not get her breath to say it.
`You have been deceived. You are accusing the wrong person. I thought your
husband's name was William. He never called himself Bunny. We all call him
William at the College. Rosie Glowitz wrote this letter.' But that sentence,
`Bring the flute', was too much - she was suddenly on the side of this angry
woman, she wished she could shout and break out into rage. She wanted to
grab the flute that lay on Mrs Cork's lap and throw it at the wall and smash it.
`I apologize, Miss Foster,' said Mrs Cork in a surly voice. The glister of tears in
her eyes, the dampness on her face, dried. `I believe you. I have been worried
out of my mind - you will understand.'
Berenice's beauty had drained away. The behaviour of one or two of her
lovers had always seemed self-satisfied to her, but William, the most unlikely
one, was the oddest. He would not stay in bed and gossip but he was soon
out staring at the garden, looking older, as if he were travelling back into his
life: then, hardly saying anything, he dressed, turning to stare at the garden
again as his head came out of his shirt or he put a leg into his trousers, in a
manner that made her think he had completely forgotten. Then he would go
into her front room, bring back the flute and go out to the garden seat and play
it. She had done a cruel caricature of him once because he looked so comical,
his long lip drawn down at the mouthpiece, his eyes lowered as the thin high
notes, so sad and lascivious, seemed to curl away like wisps of smoke into
the trees. Sometimes she laughed, sometimes she smiled, sometimes she
was touched, sometimes angry and bewildered. One proud satisfaction was
Mme Cork était encore incroyablement enflée, mais pendant qu'elle étudiait
l'affiche, le désespoir se lisait sur son visage. « Je l'ai trouvé dans sa poche »
dit-elle, à bout de force.
« Nous faisons tous des erreurs, Mme Cork » dit Bérénice, froidement. Et
puis, pour être généreuse dans sa victoire, elle ajouta : « laissez-moi voir
encore une fois la lettre. »
Mme Cork lui donna la lettre et Bérénice la lut : au mot « flûte », un doute la fit
hésiter. Sa main commença à trembler et elle rendit rapidement la lettre. «
Qui vous a donné mon adresse- je veux dire, à l'Université ? » accusa
Bérénice.C'est interdit de transmettre les adresses à un inconnu. Ou les
numéros de téléphone”.
“La fille » dit Mme Cork pour se défendre.
« Quelle fille ? Aux enquêtes ?”
“Elle cherchait quelqu'un.”
“Qui était-ce ? » demanda Bérénice.
“Je l'ignore. Ca commence par un W je crois » dit Mme Cork.
“Wheeler ? » questionna Bérénice. « Il y a un Mr Wheeler. »
“Non, ce n'était pas un homme. C'était une jeune femme. Avec un W- Glowitz.
»
“Ca commence par un G » fit remarquer Bérénice.
“Non » répliqua Mme Cork, toute confuse, maintenant effrayée par Bérénice.
“Glowitz c'était le nom de famille ».
“Glowitz », dit Bérénice, n'y croyant pas. « Rosie Glowitz, elle n'est pas jeune.
»
“Je n'y ai pas fait attention », répondit Mme Cork. « Rosie, c'est son nom ? »
Bérénice se sentit mal. L'abîme entre elle et Mme Cork s'était refermé.
“Oui » dit Bérénice, puis elle s'assit sur le canapé, poussant les lettres et les
papiers loin d'elle. Elle ne se sentait pas bien. « Lui avez-vous montré la lettre
? » demanda t-elle.
“Non » dit Mme Cork, d'un air autoritaire pendant un moment. « Elle m'a dit
que vous répariez la flûte”.
“Je vous en prie, partez », voulut dire Bérénice mais elle ne put reprendre son
souffle pour le dire. « On vous a trompé. Vous accusez la mauvaise
personne. Je croyais que le nom de votre mari était William. Il ne s'appelle
pas Bunny. Nous l'appelons tous William à l'Université. Rosie Glowitz a écrit
cette lettre. » Cependant, cette phrase « apporte la flûte » était de trop. Elle
était tout à coup à la place de cette femme en colère, elle avait envie de crier
et de faire éclater sa fureur.
“Je m'excuse, Mlle Foster. », dit Mme Cork d'une voix hargneuse. Le filet de
larmes dans ses yeux, l'humidité de son visage, séchèrent. « Je vous crois.
J'étais inquiète et je n'avais pas l'esprit tranquille- vous comprendrez. » La
that the people upstairs had complained.
She was tempted, now that she and this clumsy woman were at one, to say to
her, `Aren't men extraordinary! Is this what he does at home, does he rush out
to your garden, bold as brass, to play that silly thing?' And then she was
scornful. `To think of him going round to Rosie Glowitz's and half the gardens
of London doing this!'
But she could not say this, of course. And so she looked at poor Mrs Cork with
triumphant sympathy. She longed to break Rosie Glowitz's neck and to think
of some transcendent appeasing lie which would make Mrs Cork happy again,
but the clumsy woman went on making everything worse by asking to be
forgiven. She said `I am truly sorry' and `When I saw your work in the shop I
wanted to meet you. That is really why I came. My husband has often spoken
of it.'
Well, at least, Berenice thought, she can tell a lie too. Suppose I gave her
everything I've got, she thought. Anything to get her to go.Berenice looked at
the drawer of her bench, which was filled with beads and pieces of polished
stone and crystal. She felt like getting handfuls of it and pouring it all on Mrs
Cork's lap.
`Do you work only in silver?' said Mrs Cork, dabbing her eyes.
`I am,' said Berenice, `working on something now.'
And even as she said it, because of Mrs Cork's overwhelming presence, the
great appeasing lie came out of her, before she could stop herself. `A
present,' she said. `Actually,' she said, `we all got together at the College. A
present for Rosie Glowitz. She's getting married again. I expect that is what
the letter is about. Mr Cork arranged it. He is very kind and thoughtful.'
She heard herself say this with wonder. Her other lies had glittered, but this
one had the beauty of a newly discovered truth.
`You mean Bunny's collecting the money?' said Mrs Cork.
`Yes,' said Berenice.
A great laugh came out of Florence Cork. `The big spender,' she said,
laughing. `Collecting other people's money. He hasn't spent a penny on us for
thirty years. And you're all giving this to that woman I talked to who has been
married twice? Two wedding presents!'
Mrs Cork sighed.
`You fools. Some women get away with it, I don't know why,' said Mrs Cork,
still laughing. `But not with my Bunny,' she said proudly and as if with alarming
meaning. `He doesn't say much. He's deep, is my Bunny!'
`Would you like a cup of tea?' said Berenice politely, hoping she would say no
and go.
`I think I will,' Mrs Cork said comfortably. `I'm so glad I came to see you. And,'
she added, glancing at the closed door, `what about your father? I expect he
beauté de Bérénice s'envola.
Le comportement de ses amants passés avait toujours semblé la satisfaire
jusqu'ici, mais William, le plus probable de tous, était le plus unique. Il ne
restait pas dans son lit à bavarder mais regardait fixement le jardin, paraissant
ainsi plus vieux, comme s'il avait travaillé toute sa vie : ensuite, en disant à
peine un mot, il s'habillait. Il se dirigeait vers l'autre pièce, prenait sa flûte et
en jouait dans le jardin. Elle avait fait une cruelle caricature de lui car il
paraissait si drôle avec sa longue lèvre basse de sa bouche, ses yeux
abaissés comme des notes basses, si tristes et si lascifs, qui semblaient se
courber comme une traînée de fumée le long des arbres. Parfois elle riait,
parfois elle souriait, parfois elle était touchée, parfois encore en colère ou se
plaignant. Elle était tentée, maintenant
qu'elle et cette femme étaient face à face, elle était tentée de lui dire : « Les
hommes ne sont-ils pas extraordinaires ! Fait-il cela à la maison ? Est-ce qu'il
se précipite dans votre jardin pour jouer de cette chose débile ? » Et ensuite
elle devint méprisante : » Dire qu'il tourne ainsi autour du jardin de Rosie
Glowitz et de la moitié des femmes de Londres pour jouer de la flûte! » Mais
elle ne pouvait pas dire cela bien sûr. Elle regarda la pauvre Mme Cork avec
un air de triomphe et de sympathie. Elle eut envie de tordre le cou de Rosie
Glowitz et de penser à un mensonge d'apaisement transcendent qui aurait pu
rendre Mme Cork heureuse, mais la femme maladroite continua à rendre la
situation encore plus désagréable. Elle dit : « Je suis sincèrement désolée »,
et
quand je vous ai vu travailler au magasin j'ai eu envie de vous rencontrer.
C'est ce pourquoi je suis venue en fait. Mon mari m'a beaucoup parlé de
vous. » Bon, au moins, pensa Bérénice, elle aussi est capable de mentir. Il
faut que je me débrouille pour la faire partir.
Bérénice regarda le tiroir de son banc, qui était rempli de perles et de
morceaux de pierres et de cristal. Elle pensa prendre les poignées du tiroir et
à le vider dans les poches de Mme Cork.
“Travaillez-vous seulement avec de l'argent ? » demanda Mme Cork, en
tamponnant ses yeux.
“Je suis » commença Bérénice, “je suis en train de travailler sur un nouveau
projet. » Et même pendant qu'elle disait cela, à cause de la présence
accablante de Mme Cork, le mensonge lui échappa avant qu'elle ne puisse
s'arrêter.
“Un cadeau » dit-elle. « Actuellement », reprit-elle, « Nous nous sommes tous
réunis à l'université. Un cadeau pour Rosie Glowitz. Elle va se remarier. Je
pense que c'est ce dont parle la lettre. Mr Cork l'a arrangée. Il est très gentil et
très consciencieux. »
Elle s'écoutait parler avec satisfaction. Ses autres mensonges s'étaient
could do with a cup.'
Mrs Cork now seemed wide awake and it was Berenice who felt dazed,
drunkish, and sleepy.
`I'll go and see,' she said.
In the kitchen she recovered and came back trying to laugh, saying, `He must
have gone for his little walk in the afternoon, on the quiet.'
`You have to keep an eye on them at that age,' said Mrs Cork.
They sat talking and Mrs Cork said, `Fancy Mrs Glowitz getting married again.'
And then absently, `I cannot understand why she says "Bring the flute."'
`Well,' said Berenice agreeably, `he played it at the College party.' `Yes,' said
Mrs Cork. `But at a wedding, it's a bit pushy. You wouldn't think it of my
Bunny, but he is pushing.'
They drank their tea and then Mrs Cork left. Berenice felt an enormous kiss on
her face and Mrs Cork said, `Don't be jealous of Mrs Glowitz, dear. You'll get
your turn,' as she went.
Berenice put the chain on the door and went to her bedroom and lay on the
bed.
How awful married people are, she thought. So public, sprawling over
everyone and everything, always lying to themselves and forcing you to lie to
them. She got up and looked bitterly at the empty chair under the tree at first
and then she laughed at it and went off to have a bath so as to wash all those
lies off her truthful body. Afterwards she rang up a couple called Brewster who
told her to come round. She loved the Brewsters, so perfectly conceited as
they were, in the burdens they bore. She talked her head off. The children
stared at her.
`She's getting old. She ought to get married,' Mrs Brewster said. `I wish she
wouldn't swoosh her hair around like that. She'd look better if she put it up.'
révélés inefficaces, mais celui-ci avait la beauté d'une vérité nouvellement
découverte.
“Vous voulez dire que Bunny donne de l'argent ? » demanda Mme Cork.
“Oui » dit Bérénice.
Un grand rire sortit de la bouche de Florence Cork. « Le gros dépensier » ditelle en riant. « Il fait une collecte. Il n'a jamais dépensé un seul centime pour
nous en trente ans. Et vous tous allez donner de l'argent pour cette femme
qui se marie une seconde fois ? Deux cadeaux de mariage ! » Mme Cork
soupira.
“ Vous ne me ferez pas croire cela. D'autres femmes se seraient satisfaites de
cet argument, pas moi. », dit Mme Cork, toujours en riant. « Non pas mon
Bunny », ditelle fièrement, comme alarmée. « C'est mon Bunny”
“Voulez-vous une tasse de thé ? » demanda poliment Bérénice, espérant
qu'elle dirait non et qu'elle partirait.
“Volontiers » répondit-elle à l'aise. « Je suis si heureuse d'être venue vous
voir. Et », ajouta t-elle, jetant un regard à la porte fermée, « A propos de votre
père ? Je pense qu'il peut prendre une tasse de thé. » Mme Cork semblait
maintenant totalement réveillée et c'était Bérénice qui semblait s'endormir.
“Je vais aller le voir » dit-elle.
Elle se reprit en main et revint en essayant de rire, en disant : « Il a du partir
faire sa petite promenade de l'après-midi, dans le calme.
Vous devez garder un oeil sur eux à cet âge là » dit Mme Cork. Elles
s'assirent et continuèrent à parler. Mme Cork dit
“Mme Glowitz va se remarier. » Et d'un air absent : « Je ne comprends pas
pourquoi elle dit « amène la flûte ».
“Bien » dit Bérénice agréablement, « il va en jouer à la fête de l'université.
“Oui » dit Mme Cork. « Mais à un mariage, c'est un peu ambitieux. Vous
n'auriez jamais pensé cela de mon Bunny, mais il a de l'ambition. » Elles
burent leurs thés et Mme Cork s'en alla.
Bérénice sentit un énorme baiser sur son visage, et Mme Cork lui dit : « Ne
soyez pas jalouse de Mme Glowitz, ma chère. Se sera bientôt votre tour »,
tandis qu'elle partait.
Bérénice ferma la porte et alla dans sa chambre, pour s'étendre sur son lit.
Les gens mariés peuvent être terribles, pensa t-elle. Ils se croient au-dessus
de tout et de chacun, toujours en train de se mentir et vous forçant à leur
mentir. Elle se leva et regarda amèrement la chaise vide sous l'arbre. Elle alla
prendre un bain pour laver ces mensonges qui avaient sali son corps
d'habitude si véridique. Puis elle se rendit chez un couple d'amis appelé
Brewster, qui lui avait dit de passer. Elle adorait les Brewsters, aussi
embêtants qu'ils fussent avec leurs problèmes. Elle parlait, la tête ailleurs. Les
enfants la regardaient fixement.
“Elle vieillit. Elle devrait se marier », dit Mme Brewster. « J'espère qu'elle ne
laissera pas ses cheveux comme ça autour de son visage. Elle serait mieux
les cheveux relevés. »
Barbara Cottais
Marine Rob
Lorlay Valéro
1L2
4/ Graham Greene (1904.1991) “The Invisible Japanese Gentlemen”
Henry Graham Greene was born on October 2, 1904 in Berkhamsted, Hertfordshire. The fourth of six children, Greene was a shy and sensitive youth. He
disliked sports and was often truant from school in order to read adventure stories by authors such as Rider Haggard and R. M. Ballantyne. These novels had
a deep influence on him and helped shape his writing style.
The recurring themes of treachery and betrayal in Greene's writing stem from his troubled school years where he was often tormented for being the
headmaster's son. After several suicide attempts, Greene left school one day and wrote to his parents that he did not wish to return. This culminated in his
being sent to a therapist in London at age fifteen. His analyst, Kenneth Richmond, encouraged him to write and introduced him to his circle of literary friends
which included the poet Walter de la Mare.
The Invisible Japanese Gentlemen is a short story written in 1965.
The story takes place in Bentley's, a restaurant in London. The narrator is sitting at a table, seemingly alone, and observes a group of eight Japanese
gentlemen having dinner together, and beyond them a young British couple. They provide a mildly farcical and carnivalesque background to the main focus of
the narrator's attention, the couple. Although they sit farthest away, the narrator catches their conversation. Throughout the story, he makes sarcastic or
cynical comments about the young woman's ambition and youthful enthusiasm. He sounds embittered, being probably in his forties or fifties, and certainly past
his days of glory. He knows about the publishing business and is aware of the gap between a young author's expectations and the harsher, down-to-earth
realities of a literary career. He is both jealous of the girl, because she is at the beginning of something and still has the ability to dream her future, and
sympathetic, because she's young enough to be his daughter and he would like to communicate his experience to her so as to preserve her from
disappointments.
Graham Greene The Invisible Japanese
Gentlemen ( 1965 )
There were eight Japanese gentlemen having
a fish dinner at Bentley's. They spoke to each other
rarely in their incomprehensible tongue, but always
with a courteous smile and often with a small bow.
All but one of them wore glasses. Sometimes the
pretty girl who sat in the window beyond gave them
a passing glance, but her own problem seemed too
serious for her to pay real attention to anyone in
the world except herself and her companion.
She had thin blonde hair and her face was
pretty and petite in a Regency way, ovall ike a
miniature, though she had a harsh way of speaking
- perhaps the accent of the school, Roedean or
Cheltenham Ladies' College, which she had not
long ago left. She wore a man's signet-ring on her
Des Japonais transparents
Huit Japonais dégustaient un plat de
poisson chez Bentley. Ils ne se parlaient que
rarement dans leur langue incompréhensible, mais
toujours avec un sourire respectueux et souvent un
petit salut. Tous portaient des lunettes, sauf un.
Parfois, la jolie jeune femme qui était assise de
l'autre côté, leur adressait un regard furtif. Mais son
problème semblait trop sérieux pour qu’elle prêtât
attention à n’importe qui d’autre au monde qu’à
elle-même et à son compagnon.
Elle avait des cheveux blonds et fins, son
visage était joli et petit, de style Regency, ovale
comme une miniature bien qu’elle parlât rudement
– peut-être était-ce l’accent de l’université de filles
Roedean ou de Cheltenham qu’elle venait de
quitter. Elle portait une chevalière d’homme à
Un mariage et un livre.
Il y avait, dans le restaurant Bentley, huit Japonais
en déjeuner d'affaires. Ils se parlaient rarement
dans leur langue incompréhensible, mais ils le
faisaient toujours avec un sourire courtois,
accompagné d'un léger hochement de tête. Tous
les hommes, sauf un, portaient des lunettes.
Parfois, la jolie jeune femme assise quelques
tables plus loin, leur lançait des regards, mais elle
semblait si préoccupée par son problème qu'elle ne
pouvait prêter attention à quiconque, mis à part elle
et son compagnon.
Elle avait les cheveux blonds et fins, son visage
était joli, ovale et aussi fin que celui d'une poupée
de porcelaine, bien que sa façon de s'exprimer fut
sévère - peut-être l'accent de l'école Roedan ou du
collège pour jeunes filles de Cheltenham, qu'elle
engagement finger, and as l sat down at my table,
with the Japanese gentlemen between us, she
said, 'So you see we could marry next week.'
'Yes?'
Her companion appeared a little distraught. He
refilled their glasses with Chablis and said, 'Of
course, but Mother ... ' l missed some of the
conversation then, because the eldest Japanese
gentleman leant across the table, with a smile and
a little bow, and uttered a whole paragraph like the
mutter from an aviary, while everyone bent towards
him and smiled and listened, and l couldn't help
attending to him myself.
The girl's fiancé resembled her physically. l
could see them as two miniatures hanging side by
side on white wood panels. He should have been a
young officer in Nelson's navy in the days when a
certain weakness and sensitivity were no bar to
promotion.
She said, 'They are giving me an advance of
five hundred pounds, and they've sold the
paperback rights already.' The hard commercial
declaration came as a shock to me; it was a shock
too that she was one of my own profession. She
couldn't have been more than twenty. She
deserved better of life.
He said, 'But my uncle .. .'
'You know you don't get on with him. This way
we shall be quite independent.'
'You will be independent,' he said grudgingly.
'The wine-trade wouldn't really suit you, would
it? I spoke to my publisher about you and there's a
very good chance ... if you began with some
reading .. .'
'But I don't know a thing about books.'
'I would help you at the start.'
'My mother says that writing is a good crutch ...
'
'Five hundred pounds and half the paperback
rights is a pretty solid crutch,' she said.
l'annulaire et alors que j’étais assis à ma table, les
Japonais entre nous, elle dit « Donc tu vois, on
pourrait se marier la semaine prochaine ? »
« Ah bon ? »
Son compagnon sembla un peu pris au
dépourvu. Il remplit à nouveau leurs verres de
Chablis et dit « Naturellement, mais ma mère… ».
Je perdis ensuite le fil de la conversation puisque le
plus vieux des Japonais se pencha au-dessus de la
table avec un sourire, un petit salut et débita un flot
de paroles comme dans une volière pendant que
tout le monde se penchait vers lui, lui souriait et
l’écoutait. Je ne pouvais pas m'empêcher non plus
de faire attention à lui.
Le fiancé de la jeune femme lui ressemblait
physiquement. Je les voyais comme deux
miniatures côte à côte sur des panneaux de bois
blancs. Il aurait dû être un jeune officier de marine
de Nelson à l'époque où faiblesse et sensibilité
n’étaient pas incompatibles avec cette promotion.
Elle dit: « Ils me donnent une avance de
500 livres et ils ont déjà vendu les droits d’édition
pour le livre de poche ». Cette déclaration
commerciale me fit l’effet d’un choc; c’était
surprenant qu’elle ait le même travail que moi. Elle
n'avait pas plus de vingt ans. Elle méritait mieux de
la vie.
Il dit: « Mais mon oncle... ».
« Tu sais que tu ne t’es jamais bien entendu avec
lui. De cette façon, nous serons totalement
indépendants ».
« Toi, tu sera indépendante», lui dit-il à
contrecoeur.
« Le commerce du vin ne te réussirait pas, non ?
J’ai parlé de toi à mon éditeur et il y a une très
bonne chance…si tu te mettais un peu à lire… ».
« Mais je ne connais rien à la littérature».
« Je t’aiderais au début ».
« Ma mère dit qu’écrire est une bonne chose».
« 500 livres pour les droits d'auteur et la moitié des
ventes des livres de poche aussi », lui dit-elle.
venait juste de quitter. Elle portait une chevalière à
son annulaire gauche. Quand je me suis assis, la
table des Japonais me séparait d'elle. La jeune
femme dit :
" Tu vois, on pourrait se marier la semaine
prochaine ".
" Quoi ?! "
Son compagnon parut un peu affolé. Il remplit leurs
verres de Chablis.
" Bien sûr, mais ma mère… "
Ensuite, un morceau de la conversation m'échappa
car un Japonais se pencha sur sa table, avec un
sourire et un petit salut. Il prononçait un discours
évoquant un bruit de volière, pendant que tout le
monde l'écoutait en souriant. Moi-même ne pouvais
me détourner de lui.
Les amoureux se ressemblaient physiquement. Je
les voyais comme deux poupées côte à côte, sur
un panneau en bois blanc. Lui pouvait être un
jeune officier de Marine, où faiblesse et sensibilité
ne sont pas une barrière à la carrière.
Elle lui dit :
" Ils me donnent une avance de cinq cent livres, et
ils vendent déjà les droits d'édition. "
Cette terrible déclaration fut comme un choc pour
moi; c'était un choc aussi car elle avait la même
profession que moi. Elle ne devait pas avoir plus de
vingt ans. Elle méritait mieux.
Il lui répondit :
" Mais mon oncle… "
" Tu sais que tu ne t'entends pas avec lui. Si on
continue comme ça, on sera indépendant. "
" Tu seras indépendante ", lui répondit-il à
contrecœur.
" Le commerce du vin ne t'intéresse pas vraiment,
n'est-ce pas? J'ai parlé de toi à mon éditeur, et il y
a une grande chance…Si tu commençais avec
quelques lectures… "
" Mais, je n'y connais rien en livres. "
" Je t'aiderai au début. "
" Ma mère dit qu'écrire est un bon soutien… "
'This Chablis is good, isn't it?'
'I daresay.'
I began to change my opinion of him-he had
not the Nelson touch. He was doomed to defeat.
She came alongside and raked him fore and aft.
'Do you know what Mr Dwight said?'
'Who's Dwight?'
'Darling, you don't listen, do you? My
publisher. He said he hadn't read a first novel in the
last ten years which showed such powers of
observation. '
'That's wonderful,' he said sadly, 'wonderful.'
'Only he wants me to change the title.'
'Yes?'
.'He doesn't like The Ever-Rolling Stream. He
wants to call it The Chelsea Set.'
'What did you say?'
'I agreed. I do' think that with a first novel one
should try to keep one's publisher happy.
Especially when, really, he's going to pay for our
marriage, isn't he?'
'I see what you mean.' Absent-mindedly he
stirred his Chablis with a fork - perhaps before the
engagement he had always bought champagne.
The Japanese gentlemen had finished their fish
and with very little English but with e1aborate
courtesy they were ordering from the middle-aged
waitress a fresh fruit salad. The girl looked at them,
and then she looked at me, but I think she saw only
the future. I wanted very much to warn her against
any future based on a first novel called The
Chelsea Set. I was on the side of his mother. It was
a humiliating thought, but l was probably about her
mother's age.
l wanted to say to her, Are you certain your
publisher is telling you the truth? Publishers are
human. They may sometimes exaggerate the
virtues of the young and the pretty. Will The
Chelsea Set be read in five years? Are you
prepared for the years of effort, 'the long defeat of
doing nothing well'? As the years pass writing will
« Il est bon ce Chablis, non? ».
« Absolument».
Je commençais à changer d’avis à propos
du fiancé – il n’avait pas l'étoffe des officiers de
marine de Nelson. Il était voué à l’échec. Elle se
rapprocha de lui et lui caressa le bras. « Sais-tu ce
que Monsieur Dwight a dit ? ».
« Qui est Dwight ? ».
« Chéri, tu ne m’écoutes donc pas ? C’est mon
éditeur. Il a dit qu’il n’avait pas lu un premier roman
ces dix dernière années avec un tel pouvoir
d’observation ».
« C’est merveilleux, dit-il, merveilleux ».
« Seulement il veut que je change le titre ».
« Ah oui ? ».
« Il n’aime pas The Ever-Rolling Stream Il voudrait
l’appeler The Chelsea Set ».
« Qu’as-tu dit ? ».
« Que j’étais d’accord et je pense qu’un premier
roman doit satisfaire l’éditeur. D'autant qu'en fait il
va payer notre mariage, qu'en dis-tu? ».
« Je vois ce que tu veux dire ». Distraitement, il
remua son Chablis avec une fourchette - peut-être
avait-il l’habitude d’acheter du champagne, avant
les fiançailles. Les Japonais avaient fini leur
poisson et, dans un anglais hésitant mais d’une
courtoisie exemplaire, ils commandaient à une
serveuse entre deux âges une salade de fruits
frais. La jeune femme les observa puis ce fut vers
moi qu’elle dirigea son regard, mais je présume
qu’elle ne pensait qu’à son avenir. Je voulais
vraiment la mettre en garde contre ce qui suivrait
après un premier roman intitulé The Chelsea
set. J’étais du même avis que la mère du fiancé.
C’était une pensée humiliante, mais j’avais
probablement l’âge de sa mère.
Je voulais lui dire : Etes-vous certaine que
votre éditeur vous dise la vérité ? Les éditeurs sont
des humains. Il se peut qu'ils exagèrent les vertus
des jolies jeunes filles. The Chelsea Set sera-t-il
encore lu dans cinq ans ? Etes-vous prête à faire
" Cinq cent livres et la moitié des droits d'édition
sont des soutiens solides ", lui rétorqua-t-elle.
" Ce chablis est bon, tu ne trouves pas ? "
" Sans doute. "
Je commençais à changer d'opinion sur lui. Il
n'avait pas l'allure d'un officier de la Nelson . Il était
destiné à être vaincu. Elle se mit à côté de lui.
" Sais-tu ce que Mr Dwight dit ? "
" Qui est Mr Dwight ? "
" Chéri, tu ne m'écoutes pas, si ? Mon éditeur. Il dit
qu'il n'a pas lu un roman, ces dix dernières années,
avec de tels pouvoirs d'observation. "
" C'est merveilleux ", lui répondit-il tristement, "
merveilleux . "
" Il veut seulement que je modifie le titre. "
" Ah oui ? "
" Il n' aime pas le titre : des vagues dans le
ruisseau. Il veut l'appeler the Chelsea set. "
" Qu' as-tu répondu ? "
" Que j'étais d'accord. Je pense qu'avec un premier
roman, on doit essayer de satisfaire un éditeur.
Notamment quand il paie notre mariage, non ? "
" Je vois ce que tu veux dire. "
L'esprit ailleurs, il remuait son chablis avec sa
fourchette- peut-être qu'avant ses fiançailles, il
achetait du champagne. Les Japonais avaient fini
leurs conversations, et avec un petit accent
anglais, mais poliment, ils commandaient une
salade de fruits frais, à la serveuse qui avait une
cinquantaine d'années. La jeune fille les regarda,
puis me regarda, mais à mon avis, elle pensait au
futur. Je voulais l'avertir contre un futur construit
sur un premier roman appelé the chelsea set.
J'étais du côté de sa mère. C'était une pensée
humiliante, mais je devais avoir à peu près le
même âge qu'elle. Je voulais lui dire, êtes-vous
sûre que votre éditeur vous dit la vérité ? Les
éditeurs sont humains. Ils peuvent quelquefois
exagérer les vertus des jeunes. The chelsea set
sera-t-il lu dans cinq ans ? Etes-vous préparée
pour des années d'effort ? Quand les années
not become any easier, the daily effort will grow
harder to endure, those 'powers of observation' will
become enfeebled; you will be judged, when you
reach your forties, by performance and not by
promise.
'My next novel is going to be about St Tropez.'
'I didn't know you'd ever been there.'
'I haven't. A fresh eye's terribly important. l
thought we might settle down there for six months.'
'There wouldn't be much left of the advance by
that time.'
'The advance is only an advance. l get fifteen
per cent after five thousand copies and twenty per
cent after ten. And of course another advance will
be due, darling, when the next book's finished. A
bigger one if The Chelsea Set sells well’.
'Suppose it doesn't.'
'Mr Dwight says it will. He ought to know.'
'My uncle would start me at twelve hundred.'
'But, darling, how could you come then to St
Tropez?'
'Perhaps we'd do better to marry when you
come back.'
She said harshly, 'I mightn't come back if The
Chelsea Set sells enough.'
'Oh.'
She looked at me and the party of Japanese
gentlemen. She finished her wine. She said, 'ls this
a quarrel?'
'No.'
'l've got the title for the next book - The Azure
Blue.'
'I thought azure was blue.'
She looked at him with disappointment. 'You
don't really want to be married to a novelist, do
you?' 'You aren't one yet.'
'I was born one - Mr Dwight says. My powers
face à des années d’effort, le « grand échec de
n’avoir rien fait de bien » ? Au fil des ans, écrire ne
deviendra pas plus facile, les efforts quotidiens
seront de plus en plus éprouvants et ce « pouvoir
d’observation » s’affaiblira. Vous ne serez jugée,
quand vous aurez atteint la quarantaine, que sur
vos résultats et non ce qu'on espère de vous.
« Mon prochain roman sera sur SaintTropez ».
« Je ne savais pas que tu y étais déjà allée ».
« Non, jamais. Un oeil neuf est très important. Je
pensais que nous pourrions y séjourner six mois ».
« A ce rythme-là, il ne te restera plus grand-chose
de ton avance ».
« Une avance n’est qu’une avance. Je gagne
quinze pour cent sur cinq cents ventes et vingt pour
cent sur cent. Et bien sûr, j’aurai une autre avance,
chéri, quand mon prochain livre sera terminé. Une
plus grosse , si The Chelsea Set se vend bien.
« Supposons que non ».
« Monsieur Dwight dit qu’il se vendra bien et il s’y
connaît ».
« Mon oncle lui, me ferait commencer à mille deux
cents livres ».
« Mais chéri, comment ferais-tu alors pour venir à
Saint-Tropez ? ».
« Peut-être que l’on devrait se marier quand tu
rentreras ».
« Je ne reviendrai peut-être pas si The Chelsea Set
se vend bien », lui répondit-elle sèchement.
« Ah ».
Elle me regarda, ainsi que le groupe de
Japonais. Elle finit son verre de vin et dit « Est-ce
une dispute ? ».
« Non ».
« J’ai le titre de mon prochain livre The Azure Blue
».
« Je pensais que l’azur ne pouvait être que bleu».
Elle le regarda, déçue « Tu ne veux pas vraiment
épouser une romancière, hein? ».
« Tu ne l’es pas encore ».
passées à écrire ne deviendront pas faciles, l'effort
quotidien sera rude, ces 'pouvoirs d'observation'
deviendront faibles, quand vous approcherez les
quarante ans, vous serez jugée sur des
performances et non sur des promesses.
" Mon prochain roman sera sur St Tropez. "
" Je ne savais pas que tu étais déjà allée là-bas. "
" Je n'y suis jamais allée. Un regard neuf est
vraiment important. Je pensais que nous pourrions
nous installer là-bas pendant six mois. "
" Il ne restera pas grand-chose de l'avance. "
" L'avance n'est qu'une avance. J'obtiens quinze
pour cents après cinq mille copies, et vingt pou
rcents après dix mille. Et bien sûr une autre
avance, quand le prochain livre sera terminé. Une
plus grosse avance si the chelsea set se vend bien.
"
" Suppose qu'il ne se vende pas bien. "
" M.Dwight dit que si. Il est bien placé pour le
savoir. "
" Mon oncle me fait débuter à douze cents . "
" Mais chéri, comment viendras-tu ensuite à St
Tropez ? "
" Peut-être que l'on ferait mieux de se marier
quand tu reviendras. "
Elle lui répondit rudement :
" Je ne reviendrai peut-être pas, si the chelsea set
se vend assez. "
" Oh. "
Elle me regarda ainsi que les Japonais. Elle finit
son verre de vin. Elle lui demanda :
" C'est une dispute ? "
" Non. "
" J'ai trouvé le titre du prochain livre : Le bleu azur.
"
" Je pensais que l'azur était bleu . "
Elle le regarda déçue.
" Tu ne veux vraiment pas être marié à une
écrivain, si ? "
" Tu n'en es pas encore une. "
" M.Dwight dit que je suis née écrivain. Mes
of observation ... '
'Yes. You told me that, but, dear, couldn't you
observe a bit nearer home? Here in London.'
'l've done that in The Chelsea Set. l don't want
to repeat myself.'
The bill had been lying beside them for some
time now. He took out his wallet to pay, but she
snatched the paper out of his reach. She said, 'This
is my celebration.'
'What of?'
'The Chelsea Set, of course. Darling, you're
awfully decorative, but sometimes - well, you
simply don't connect.'
'I'd rather ... if you don't mind .. .'
'No, darling, this is on me. And Mr Dwight, of
course.'
He submitted just as two of the Japanese
gentlemen gave tongue simultaneously, then
stopped abruptly and bowed to each other, as
though they were blocked in a doorway.
I had thought the two young people matching
miniatures, but what a contrast in fact there was.
The same type of prettiness could contain
weakness and strength. Her Regency counterpart,
I suppose, would have borne a dozen children
without the aid of anaesthetics, while he would
have fallen an easy victim to the first dark eyes in
Naples. Would there one day be a dozen books on
her shelf? They have to be born without an
anaesthetic too. I found myself hoping that The
Chelsea Set would prove to be a disaster and that
eventually she would take up photographic
modelling while he established himself solidly in
the wine-trade in St James's. I didn't like to think of
her as the Mrs Humphrey Ward of her generation not that I would live so long. Old age saves us from
the realization of a great many fears. I wondered to
which publishing firm Dwight belonged. I could
imagine the blurb he would have already written
about her abrasive powers of observation. There
« C'est inné chez moi, Monsieur Dwight me l’a dit.
Mon pouvoir d’observation…».
« Oui tu me l'as déjà dit, mais chérie ne pourrais-tu
pas observer un peu plus près de chez nous ? Ici,
à Londres ».
« C'est ce que j'ai fait pour The Chelsea Set. Il faut
que je me renouvelle».
L'addition avait été posée sur la table
depuis quelque temps déjà. Il sortit son porte-feuille
pour payer, mais elle s'empara de l'addition. Elle lui
dit « C'est moi qui offre ».
« En quel honneur ? ».
« The Chelsea Set, bien sûr. Chéri tu es
terriblement beau, simplement parfois tu as du mal
à suivre les évènements ».
« J'aimerais mieux payer ... si tu veux bien... ».
« Non chéri, c'est pour moi et Monsieur Dwight
évidemment ».
Il accepta alors que deux Japonais
donnèrent de la voix, puis s'arrêtèrent brusquement
et se saluèrent l'un l'autre comme s'ils étaient
bloqués dans l'embrasure de la porte.
J'avais pensé que les deux jeunes gens
ressemblaient aux miniatures, mais en réalité ils
étaient complètement différents. Le même type de
beauté pouvait très bien cacher à la fois de la
faiblesse ou de la force. Je suppose que son
homologue Regency aurait pu mettre au monde
une douzaine d'enfants sans anesthésie, tandis
que son fiancé aurait été une proie facile pour une
épidémie à Naples. Y'aurait-il, un jour, une
douzaine de livres sur son étagère ? Il faut qu'elle
les écrivent sans anesthésie non plus. Je me suis
surpris à espérer que The Chelsea Set soit un
désastre et que finalement elle se mette à
photographier des mannequins pendant que son
mari réussirait dans le commerce du vin à SaintJames's. Je ne pensais pas qu'elle était la Madame
Humphrey Ward de sa génération – non pas que je
ne vivrai aussi longtemps. Le grand âge nous
protège de la réalisation de beaucoup de nos
pouvoirs d'observation… "
" Oui. Tu me l'as dit, mais chérie, tu ne pourrais
pas observer un peu plus près de chez nous ? Ici,
à Londres. "
" Je l'ai fait dans the chelsea set. Je ne veux pas
me répéter. "
L'addition se trouvait à côté d'eux depuis un petit
moment. Il sortit son portefeuille pour payer, mais
elle saisit le papier et le mit hors de sa portée. Elle
lui dit :
" C'est moi qui t'invite. "
" En l'honneur de quoi ? "
" De the chelsea set, évidemment. Chéri, tu es très
mignon, mais parfois…tu as du mal à suivre "
" J'aimerais mieux…si tu n'y vois pas
d'inconvénient… "
" Non chéri, c'est pour moi. Et M.Dwight
évidemment. "
Il se soumettait juste, quand deux Japonais tiraient
la languette de leur chaussure simultanément, ils
arrêtèrent soudainement et se saluèrent.
J'ai pensé que les deux jeunes personnes se
ressemblaient, mais quel contraste. Le même type
de beauté pouvant renfermer faiblesse et force.
L'équivalent de la jeune femme, je suppose,
pourrait avoir porté une douzaine d'enfants sans
l'aide d'anesthésiques, alors que le jeune homme
pourrait être une victime facile des premières
chemises noires à Naples. Aura-t-elle un jour écrit
une douzaine de livres ? Ils doivent naître aussi
sans anesthésique. J'espèrais presque que the
chelsea set se révèle être un désastre et
qu'éventuellement elle se mette à la photographie
alors que lui s'est installé dans le commerce du vin
à St James. Je n'aime pas l'imaginer comme la
madame Humphrey Ward de sa génération- je
vivrais trop longtemps. Les personnes âgées nous
sauvent par la réalisation de grandes peurs. Je me
demandais à quelle maison d'édition Dwight
appartenait. Je pourrais imaginer la publicité qu'il
aurait déjà écrite à propos de son pouvoir
would be a photo, if he was wise, on the back of
the jacket, for reviewers, as well as publishers, are
human, and she didn't look like Mrs Humphrey
Ward.
I could hear them talking while they found their
coats at the back of the restaurant. He said, 'I
wonder what all those Japanese are doing here?'
'Japanese?' she said. 'What Japanese,
darling? Sometimes you are so evasive I think you
don't want to marry me at all.'
craintes. Je me demandais à quelle maison
d'édition Dwight appartenait. Je pouvais imaginer
tout ce qu'il avait déjà écrit à propos de son pouvoir
d'observation. Il y aurait une photo, s'il était habile,
sur la dernière de couverture car les critiques
comme les éditeurs sont humains. Et elle ne
ressemblait pas à Madame Humphrey Ward.
Je les entendais parler en enfilant leurs
manteaux au fond du restaurant. Il dit « Je me
demande ce que tous ces Japonais font ici ? ».
« Des Japonais ? lui dit-elle, quels Japonais chéri
? Parfois tu es si rêveur que je pense que tu ne
veux vraiment pas te marier avec moi ».
d'observation. Il pourrait y avoir une photo, s'il était
malin, au dos de la couverture, pour les critiques,
aussi bien les éditeurs, humains, et elle ne
ressemblait pas à Mme Humphrey Ward.
Je les entendais alors qu'ils prenaient leurs
manteaux à l'arrière du restaurant. Il lui disait :
" Je me demande ce que font tous ces Japonais
ici. "
" Japonais ? ", l'interrogea-t-elle. " Quels japonais
chéri? Parfois tu es très évasif. Je pense que tu ne
veux pas du tout te marier avec moi. "
Salomé Barbe
Ludmilla Even
Pauline Le Berre
1L 2
Benjamin, Lucile, Maud
1°L, année 2007
Graham Greene The Invisible Japanese
Gentlemen ( 1965 )
There were eight Japanese gentlemen having
a fish dinner at Bentley's. They spoke to each other
rarely in their incomprehensible tongue, but always
with a courteous smile and often with a small bow.
All but one of them wore glasses. Sometimes the
pretty girl who sat in the window beyond gave them
a passing glance, but her own problem seemed too
serious for her to pay real attention to anyone in
the world except herself and her companion.
She had thin blonde hair and her face was
pretty and petite in a Regency way, ovall ike a
miniature, though she had a harsh way of speaking
- perhaps the accent of the school, Roedean or
Cheltenham Ladies' College, which she had not
long ago left. She wore a man's signet-ring on her
LES INVISIBLES MESSIEURS JAPONAIS
LES INVISIBLES MESSIEURS JAPONAIS
Huit messieurs japonais dégustaient un
plateau de crustacés chez Bentley's. Ils se
parlaient rarement dans leur langue
incompréhensible, mais avec un sourire courtois, et
souvent avec une légère inclination de la tête.
Tous, sauf l'un d'entre eux, portaient des lunettes.
Parfois, la jolie fille assise à la vitrine derrière eux
leur lançait un bref regard, mais son propre
problème lui semblait trop sérieux pour qu'elle
puisse prêter la moindre attention à qui que se soit
autour d'elle, à l'exception d'elle-même et de son
compagnon.
Elle avait de fins cheveux blonds et son visage était
joli et raffiné, très féminin, ovale comme une
poupée de porcelaine ; pourtant, elle parlait de
Huit messieurs japonais dînaient de crustacés
chez Bentley's. Ils se parlaient rarement dans leur
langue sibylline, mais toujours avec un sourire
courtois et souvent avec une petite révérence.
Tous, à l'exception d'un, portaient des lunettes.
Parfois, la jolie fille assise à la fenêtre derrière eux
leur lançait un bref regard, mais son problème
personnel lui semblait trop sérieux pour pouvoir
prêter attention à quiconque hormis son
compagnon.
Elle avait de fins cheveux blonds et son visage était
joli et petit, dans le style Régence, ovale comme
une poupée de porcelaine; elle avait une façon
stridente de parler - peut-être l'accent de son
université de filles Roedean ou Cheltenham, qu'elle
engagement finger, and as l sat down at my table,
with the Japanese gentlemen between us, she
said, 'So you see we could marry next week.'
'Yes?'
Her companion appeared a little distraught. He
refilled their glasses with Chablis and said, 'Of
course, but Mother ... ' l missed some of the
conversation then, because the eldest Japanese
gentleman leant across the table, with a smile and
a little bow, and uttered a whole paragraph like the
mutter from an aviary, while everyone bent towards
him and smiled and listened, and l couldn't help
attending to him myself.
The girl's fiancé resembled her physically. l
could see them as two miniatures hanging side by
side on white wood panels. He should have been a
young officer in Nelson's navy in the days when a
certain weakness and sensitivity were no bar to
promotion.
She said, 'They are giving me an advance of
five hundred pounds, and they've sold the
paperback rights already.' The hard commercial
declaration came as a shock to me; it was a shock
too that she was one of my own profession. She
couldn't have been more than twenty. She
deserved better of life.
He said, 'But my uncle .. .'
'You know you don't get on with him. This way
we shall be quite independent.'
'You will be independent,' he said grudgingly.
'The wine-trade wouldn't really suit you, would
it? I spoke to my publisher about you and there's a
very good chance ... if you began with some
reading .. .'
'But I don't know a thing about books.'
'I would help you at the start.'
'My mother says that writing is a good crutch ...
'
'Five hundred pounds and half the paperback
rights is a pretty solid crutch,' she said.
façon très rude; sans doute était-ce dû à l'accent
l'université pour fille, Roedean ou Cheltenham
qu'elle venait à peine de quitter.Elle portait une
chevalière à l'annulaire, et lorsque je me suis assis
à la table derrière celle des messieurs japonais,
elle dit : « Alors, tu vois, nous pourrions nous
marier la semaine prochaine. »
« Ah oui ? »
Son compagnon paraissait un peu désemparé. Il
remplit à nouveau leurs verres de Chablis et dit: «
Bien sûr, mais Mère... » J'ai alors manqué une
partie de la conversation, car le plus âgé des
messieurs japonais se pencha en travers de la
table, avec un sourire et une petite inclination, et
prononça un paragraphe entier, comme les
murmures d'une volière tandis que tout le monde
se tournait vers lui, souriait et écoutait. Et je ne
pouvais pas moi-même m'empêcher de lui prêter
attention.
Le fiancé de la fille lui ressemblait physiquement.
Je les voyais tous deux tels deux pantins, se tenant
côte à côte sur des panneaux de bois blanc. Lui
avait dû être jeune officier de la marine de Nelson,
à cette époque où la faiblesse et la sensibilité ne
constituaient pas des obstacles à la promotion.
Elle dit : « Ils me donnent une avance de cinq cent
livres, et ils ont déjà vendu les droits du livre de
poche. »Cette déclaration m'est apparue tel un
choc; c'était également un pincement au coeur
d'apprendre qu'elle avait la même profession que
moi. Elle ne devait pas avoir plus de vingt ans. Elle
méritait mieux.
Il dit: « Mais mon oncle... »
« Tu sais, tu ne te maries pas avec lui. Nous
devons être assez indépendants. »
« Toi, tu seras indépendante », dit-il à contre coeur.
« Le commerce du vin ne te conviendrait pas, n'estce pas ? J'ai parlé de toi à mon éditeur, et il y a une
grande chance... Si tu commençais par faire des
relectures... »
« Mais je ne connais rien aux livres. »
avait certainement quittée depuis peu. Elle portait
une chevalière à l'annulaire, et quand je me suis
assis à ma table, avec les messieurs japonais entre
nous, elle dit
“Alors tu vois nous pourrions nous marier la
semaine prochaine. »
“Pardon ? »
Son compagnon paraissait un peu distrait. Il remplit
à nouveau leurs verres de Chablis et dit : « Bien
sûr, mais Mère... » J'ai alors manqué une partie de
la conversation, parce que le plus vieux des
messieurs japonais s'appuya sur la table, avec un
sourire et une petite révérence, et prononça un
paragraphe entier, comme le murmure d'une
volière, pendant que tout le monde se penchait
vers lui et souriait et attendait : je ne pouvais pas
moi-même m'empêcher de lui prêter attention.
Le fiancé de la fille lui ressemblait physiquement.
Je les voyais comme deux petites poupées de cire,
se tenant côte à côte sur des panneaux de bois
blanc. Il avait dû être jeune officier dans la marine
de Nelson, pendant la période où une certaine
faiblesse et sensibilité n'étaient pas des obstacles
à une promotion.
Elle dit : « Ils me donnent une avance de cinq cents
livres, et ils ont déjà vendu les droits de poche. »
Cette déclaration commerciale me choqua; c'était
également un choc d'apprendre qu'elle exerçait la
même profession que moi. Elle ne pouvait pas
avoir plus de vingt ans. Elle méritait mieux. Il dit : «
Mais mon oncle... »
“Tu sais, tu ne te maries pas avec lui. Pour cela,
nous devons être assez indépendants. »
“Toi, tu seras indépendante », dit-il à contre cceur.
“Le métier du vin ne te convient pas vraiment,
n'est-ce pas ? J'ai parlé de toi à mon éditeur, et il y
a de très fortes chances... Si tu commençais avec
des lectures... »
“Mais je ne connais rien à la littérature. »
“Je pourrais t'aider au début. »
“Ma mère dit qu'écrire est une bonne béquille... »
'This Chablis is good, isn't it?'
'I daresay.'
I began to change my opinion of him-he had
not the Nelson touch. He was doomed to defeat.
She came alongside and raked him fore and aft.
'Do you know what Mr Dwight said?'
'Who's Dwight?'
'Darling, you don't listen, do you? My
publisher. He said he hadn't read a first novel in the
last ten years which showed such powers of
observation. '
'That's wonderful,' he said sadly, 'wonderful.'
'Only he wants me to change the title.'
'Yes?'
.'He doesn't like The Ever-Rolling Stream. He
wants to call it The Chelsea Set.'
'What did you say?'
'I agreed. I do' think that with a first novel one
should try to keep one's publisher happy.
Especially when, really, he's going to pay for our
marriage, isn't he?'
'I see what you mean.' Absent-mindedly he
stirred his Chablis with a fork - perhaps before the
engagement he had always bought champagne.
The Japanese gentlemen had finished their fish
and with very little English but with e1aborate
courtesy they were ordering from the middle-aged
waitress a fresh fruit salad. The girl looked at them,
and then she looked at me, but I think she saw only
the future. I wanted very much to warn her against
any future based on a first novel called The
Chelsea Set. I was on the side of his mother. It was
a humiliating thought, but l was probably about her
mother's age.
l wanted to say to her, Are you certain your
publisher is telling you the truth? Publishers are
human. They may sometimes exaggerate the
virtues of the young and the pretty. Will The
Chelsea Set be read in five years? Are you
prepared for the years of effort, 'the long defeat of
doing nothing well'? As the years pass writing will
« Je t'aiderai au début. »
« Ma mère dit qu'écrire est une bonne béquille... »
« Cinq cents livres plus les droits en livre de poche
est une jolie et solide béquille en effet. », dit-elle.
« Ce Chablis est bon, tu ne trouves pas ?»
« Ma foi, tu as raison. »
Je commençais à changer mon opinion vis à vis de
lui. Il n'avait pas la touche Nelson. Il était destiné à
la défaite.
Elle l'accosta. « Tu sais ce que M. Dwight a dit ?»
« Qui est M. Dwight ? »
« Chéri, tu n'écoutes rien ou quoi ? M.Dwight est
mon éditeur. Il m'a dit qu'il n'avait pas lu un seul
roman, durant ces dix dernières années, qui
comportait de tels pouvoirs d'observation. »
« C'est merveilleux, dit-il tristement, merveilleux. »
« Seulement, il veut que je change le titre. »
«Vraiment ?”
« Il n'aime pas Fleuve Éternel. Il veut l'appeler The
Chelsea Set. »
« Qu'est-ce que tu lui as dit ? »
« J'ai accepté. Je pense que quand on écrit son
premier roman, il faut savoir faire plaisir à son
éditeur. Surtout quand, il paie notre mariage, tu
vois ce que je veux dire ? »
« Oui, tout à fait».
Distraitement, il mélangea son Chablis avec une
fourchette - peut-être qu'il avait acheté le
champagne avant les fiançailles. Les messieurs
japonais avaient fini leur plat, et avec un anglais
pauvre mais assez élaboré pour être courtois, ils
commandèrent une salade de fruits frais à la
serveuse. La fille assise à la table les regarda, puis
me regarda, mais je pense qu'elle ne voyait là que
son avenir. Je voulais la mettre en garde : un
premier roman intitulé The Chelsea Set ne pouvait
en aucun cas constituer les bases du futur. Je
partageais le même avis que sa mère, et pensée
humiliante, probablement aussi le même âge.
Je voulais lui dire, es-tu certaine que ton éditeur te
dit la vérité ? Les éditeurs sont humains. Ils
« Cinq cents livres et la moitié des droits en poches
est une jolie et solide béquille », dit-elle.
“Ce Chablis est bon, tu ne trouves pas ? »
“Sans doute. »
J'ai commençé à changer mon opinion envers lui il n'avait pas la touche Nelson. Il était condamné à
la défaite. Elle le taquina. « Tu sais ce que Mr.
Dwight a dit ? »
“Qui est Mr. Dwight ? »
“Chéri, tu n'écoutes pas, pas vrai ? C'est mon
éditeur. Il a dit qu'il n'avait pas lu un premier roman,
ces dix dernières années, qui montrait autant de
pouvoirs d'observation. »
« C'est magnifique, dit-il tristement, magnifique. »
“Seulement, il veut que je change le titre. »
“Quoi ? »
« Il n'aime pas The Ever-Rolling Stream. Il veut
l'appeler The Chelsea Set. »
“Qu'est-ce que tu lui as dit ? »
“ Que j'étais d'accord. Je pense vraiment que pour
un premier roman, on doit satisfaire son éditeur.
Surtout quand il paie notre mariage, n'est-ce pas ?
»
“Je vois ce que tu veux dire. » Distraitement, il
mélangea son Chablis avec une fourchette - peutêtre qu'avant de se fiancer, il n'avait acheté que du
champagne. Les messieurs japonais avaient fini
leurs crustacés, et avec un anglais pauvre mais
avec une courtoisie élaborée, ils commandèrent à
la serveuse une salade de fruits frais. La fille assise
à la table les regarda puis me regarda, mais à mon
avis elle pensait déjà au futur. Je voulais vraiment
la mettre en garde contre un avenir basé sur un
premier roman appelé The Chelsea Set. J'étais
d'accord avec sa mère. C'était une pensée
humiliante, mais j'étais probablement du même âge
que sa mère.
Je voulais lui dire, es-tu certaine que ton éditeur te
dit la vérité ? Les éditeurs sont humains. Ils
peuvent parfois exagérer les vertus des jeunes et
jolies filles. The Chelsea Set sera-t-il lu dans cinq
not become any easier, the daily effort will grow
harder to endure, those 'powers of observation' will
become enfeebled; you will be judged, when you
reach your forties, by performance and not by
promise.
'My next novel is going to be about St Tropez.'
'I didn't know you'd ever been there.'
'I haven't. A fresh eye's terribly important. l
thought we might settle down there for six months.'
'There wouldn't be much left of the advance by
that time.'
'The advance is only an advance. l get fifteen
per cent after five thousand copies and twenty per
cent after ten. And of course another advance will
be due, darling, when the next book's finished. A
bigger one if The Chelsea Set sells well’.
'Suppose it doesn't.'
'Mr Dwight says it will. He ought to know.'
'My uncle would start me at twelve hundred.'
'But, darling, how could you come then to St
Tropez?'
'Perhaps we'd do better to marry when you
come back.'
She said harshly, 'I mightn't come back if The
Chelsea Set sells enough.'
'Oh.'
She looked at me and the party of Japanese
gentlemen. She finished her wine. She said, 'ls this
a quarrel?'
'No.'
'l've got the title for the next book - The Azure
Blue.'
'I thought azure was blue.'
She looked at him with disappointment. 'You
don't really want to be married to a novelist, do
you?' 'You aren't one yet.'
'I was born one - Mr Dwight says. My powers
peuvent parfois exagérer les vertus des jeunes et
jolies filles . The Chelsea Set sera-t-il lu dans cinq
ans ? Es-tu préparée aux années d'efforts, « à
l'angoisse de la feuille blanche? » Les années
passant, écrire ne deviendra pas plus facile ;
l'effort quotidien sera de plus en plus dur, ces «
pouvoirs d'observation » s'amenuiseront ; tu seras
jugée, quand tu atteindras les quarante ans, sur ton
talent, pas sur tes promesses.
« Mon prochain roman va parler de St Tropez. »
« Je ne savais pas que tu y étais déjà allée. »
« Jamais, en effet. Mais un regard neuf, c'est
important. Je pensais que nous pourrions nous y
installer pour six mois. »
« Il ne nous restera plus beaucoup des cinq cents
livres alors. »
« L'avance est seulement une avance. Je perçois
15 % après cinq mille copies, 20 % après dix mille.
Et bien sûr on me devra une nouvelle avance,
chéri, quand le prochain livre sera terminé. Une
bien plus importante si The Chelsea Set se vend
bien. »
« Suppose que non. »
« M. Dwight dit qu'il se vendra bien. Il sait de quoi il
parle »
« Mon oncle voudrait me lancer à mille deux cents.
»
« Mais chéri, comment viendrais-tu alors à St
Tropez ? »
« Peut-être ferions-nous mieux de nous marier
quand tu reviendras »
Elle dit avec une voix stridente : « Je ne reviendrai
peut-être pas si The Chelsea Set se vend bien. »
Oh. »
Elle me regarda, ainsi que la table des Japonais.
Elle finit son vin. Elle dit : « Est-ce une dispute ? »
« Non. »
« J'ai le titre pour le prochain livre - L'Azur Bleu. »
« Je pensais que l'azur était bleu. »
Elle le regarda, déçue. « Tu ne veux vraiment pas
te marier à une romancière, n'est-ce pas ? »
ans ? Es-tu préparée aux années d'efforts, « la
longue défaite où l'on ne fait rien de bien » ? Avec
les années qui passent, écrire ne deviendra pas
plus facile, l'effort quotidien deviendra de plus en
plus insupportable, ces « pouvoirs d'observation »
s'émousseront. Tu seras jugée, quand tu atteindras
les quarante ans, sur ton talent et non sur tes
promesses de débutante.
“Mon prochain roman va parler de St Tropez. »
“Je ne savais pas que tu y étais déjà allée, »
“ Jamais, en effet. Un nouvel oeil est vraiment
important. Je pensais que nous pourrions nous y
installer pour six mois. »
« Il ne restera plus beaucoup de ton avance alors.
»
« L'avance est seulement une avance. Je perçois
15 % après cinq mille copies, 20 % après dix. Et
bien sûr on me devra une nouvelle avance, chéri,
quand le prochain livre sera terminé. Une plus
importante si The Chelsea Set se vend bien. »
« Suppose que non. »
“M. Dwight dit qu'il se vendra bien. Il est du métier
quand même”.
“Mon oncle voudrait me lancer à mille deux cents. »
“Mais chéri, comment viendrais-tu alors à St
Tropez ? »
« Peut-être ferions-nous mieux de nous marier
quand tu seras revenue. »
Elle dit avec une voix stridente : « Je ne reviendrai
peut-être pas si The Chelsea Set se vend assez. »
“Oh. »
Elle me regarda, puis et la table des Japonais. Elle
finit son vin. Elle dit : « Est-ce une querelle ? »
“Non. »
« J'ai le titre pour le prochain livre - L'azur bleu. »
“Je pensais que l'azur était bleu. »
Elle le regarda avec déception. « Tu ne veux
vraiment pas te marier à une romancière, n'est-ce
pas ? »
“Tu n'en es pas encore une. »
“Je suis née romancière - dit M. Dwight. Mes
of observation ... '
'Yes. You told me that, but, dear, couldn't you
observe a bit nearer home? Here in London.'
'l've done that in The Chelsea Set. l don't want
to repeat myself.'
The bill had been lying beside them for some
time now. He took out his wallet to pay, but she
snatched the paper out of his reach. She said, 'This
is my celebration.'
'What of?'
'The Chelsea Set, of course. Darling, you're
awfully decorative, but sometimes - well, you
simply don't connect.'
'I'd rather ... if you don't mind .. .'
'No, darling, this is on me. And Mr Dwight, of
course.'
He submitted just as two of the Japanese
gentlemen gave tongue simultaneously, then
stopped abruptly and bowed to each other, as
though they were blocked in a doorway.
I had thought the two young people matching
miniatures, but what a contrast in fact there was.
The same type of prettiness could contain
weakness and strength. Her Regency counterpart,
I suppose, would have borne a dozen children
without the aid of anaesthetics, while he would
have fallen an easy victim to the first dark eyes in
Naples. Would there one day be a dozen books on
her shelf? They have to be born without an
anaesthetic too. I found myself hoping that The
Chelsea Set would prove to be a disaster and that
eventually she would take up photographic
modelling while he established himself solidly in
the wine-trade in St James's. I didn't like to think of
her as the Mrs Humphrey Ward of her generation not that I would live so long. Old age saves us from
the realization of a great many fears. I wondered to
which publishing firm Dwight belonged. I could
imagine the blurb he would have already written
about her abrasive powers of observation. There
« Tu n'en es pas encore une. »
« Je suis née romancière - dit M. Dwight. Mes
pouvoirs d'observation... »
« Oui. Tu m'as dit cela, mais chérie, tu ne pourrais
pas observer un peu plus près de chez nous ? Ici,
à Londres. »
« Je l'ai déjà fait pour The Chelsea Set. Je ne veux
pas me répéter. »
L'addition était posée devant eux depuis quelques
temps maintenant. Il sortit son portefeuille pour
payer, mais elle attrapa le papier, le mit en dehors
de la portée de son compagnon. Elle dit : « C'est
moi qui offre. »
« En quel honneur ? »
« The Chelsea Set, bien sûr. Chéri, tu es mignon à
regarder mais parfois... tu oublies de réfléchir.»
« Je préférerais ... Si ça ne te dérange pas... »
« Non, chéri, c'est moi. Et M. Dwight bien sûr. »
Il se soumit, quand deux des messieurs japonais
prirent la parole simultanément, puis s'arrêtèrent
brusquement et se firent une révérence, comme
s'ils s'étaient gênés dans l'embrasure d'une porte.
J'avais pensé que les deux jeunes gens
s'assortissaient comme deux poupées de
porcelaine, mais en fait il y avait un fort contraste.
Le même type de beauté pouvait contenir de la
faiblesse et de la sévérité. Elle, je suppose, pourrait
avoir fait naître une douzaine d'enfants sans l'aide
d'anesthésistes, pendant que lui pourrait avoir été
une victime facile des premières chemises noires à
Naples. Est-ce qu'il y aurait un jour une douzaine
de livres d'elle dans sa bibliothèque ? Ces derniers
devront également voir le jour sans anesthésie. Je
me surpris à espérer que The Chelsea Set soit un
désastre, et qu'éventuellement elle prendrait des
mannequins en photo, pendant que lui s'intégrerait
dans les métiers du vin chez St James. Je n'aimais
pas penser à elle en tant que Mme Humphrey
Ward de sa génération - non pas que je voudrais
vivre si longtemps. Le troisième âge nous sauve
d'un grand nombre de peurs. Je me demandais à
pouvoirs d'observation... »
“Oui. Je sais tout cela mais chérie, tu ne pourrais
pas observer un peu plus près de chez nous ? Ici,
à Londres.»
“Je l'ai déjà fait pour The Chelsea Set. Je ne veux
pas me répéter. »
L'addition était posée devant eux depuis quelques
temps maintenant. Il sortit son porte-feuille pour
payer, mais elle attrapa le papier, le mit hors de la
portée de son compagnon. Elle dit : « C'est moi qui
offre. »
“En quel honneur ? »
“The Chelsea Set, bien sûr. Chéri, tu es vraiment
mignon à regarder, mais parfois... tu as du mal à
imprimer ce qu'on te dit. »
“J'aimerais plutôt... Si tu n'y vois pas
d'inconvénient... »
“Non, chéri, c'est moi. Et M. Dwight naturellement.
»
Il se résigna au moment où deux des messieurs
japonais prirent la parole simultanément, puis
s'arrêtèrent brusquement et se firent une
révérence, comme s'ils s'étaient gênés devant une
porte.
J'avais pensé que les deux jeunes gens
s'assortissaient comme deux poupées de
porcelaine, mais en fait il y avait un fort contraste.
Le même type de gentillesse pouvait contenir de la
faiblesse et de la sévérité. Son côté Régence à
elle, je suppose, aurait pu accoucher une douzaine
d'enfants sans l'aide
d'anesthésistes, pendant que lui aurait pu être la
proie facile des premières chemises noires à
Naples. Est-ce qu'il y aurait un jour une douzaine
de livres d'elle chez lui ? Ces derniers devraient
également naître sans anesthésie. Je me surpris à
espérer que The Chelsea Set soit un désastre, et
qu'éventuellement elle prendrait des mannequins
en photo, pendant que lui s'établirait solidement
dans les métiers du vin chez St James. Je n'aimais
pas penser à elle en tant que Mme Humphrey
would be a photo, if he was wise, on the back of
the jacket, for reviewers, as well as publishers, are
human, and she didn't look like Mrs Humphrey
Ward.
I could hear them talking while they found their
coats at the back of the restaurant. He said, 'I
wonder what all those Japanese are doing here?'
'Japanese?' she said. 'What Japanese,
darling? Sometimes you are so evasive I think you
don't want to marry me at all.'
quelle maison d'édition appartenait M. Dwight. Je
pouvais imaginer le résumé publicitaire qu'il avait
déjà écrit à propos de ses abrasifs pouvoirs
d'observation. Il devait y avoir une photo, s'il était
prudent, sur la quatrième de couverture, pour les
critiques, qui, comme les éditeurs, sont humains, et
elle ne ressemblait pas à Mme Humphrey Ward.
Je les entendais parler tandis qu'ils prenaient leurs
manteaux au fond du restaurant. Il dit : « Je me
demande ce que font tous ces Japonais ici ? »
« Japonais ? dit-elle. Quels Japonais, chéri ? Tu as
tellement l'art de la dérobade que parfois j'en arrive
à penser que tu ne tiens pas du tout à te marier
avec moi. »
Ward de sa génération - non pas que je voudrais
vivre si longtemps. Le vieil âge nous sauve de la
réalisation d'un grand nombre de peurs. Je me
demandais à quelle maison d'édition appartenait M.
Dwight. Je pouvais imaginer le message qu'il avait
déjà écrit sur la quatrième de couverture à propos
de ses abrasifs "pouvoirs d'observation". Il devait y
avoir une photo, au dos de la chemise, pour les
critiques, qui, comme les éditeurs, sont humains,
non elle n'avait pas l'air de Mme Humphrey Ward.
Je les entendais parler pendant qu'ils prenaient
leurs manteaux au fond du restaurant. Il dit : « Je
me demande ce que font tous ces Japonais ici ? »
« Japonais ? dit-elle. Quels japonais, chéri ?
Quelques fois tu es si évasif que je pense que tu
ne veux pas du tout te marier avec moi. »
Johanna Saravanaradjou
Marie Vannier
Lucie Jamin 1 L 2
Audrey Marteau
1L2

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