Le développement des ventes en ligne : la distinction

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Le développement des ventes en ligne : la distinction
Le développement des ventes en ligne : la distinction entre ventes
volontaires et courtage aux enchères
De Clarens, courtier spécialisé en assurances auprès des Commissaires-Priseurs, a le plaisir
de vous adresser le quatrième numéro de sa lettre d’information, portant sur le
développement des ventes aux enchères en ligne, règlementées ou non et les conséquences
pour les consommateurs.
Deux types de ventes aux enchères en ligne doivent être distingués : les ventes aux enchères
publiques sous forme dématérialisée et le courtage aux enchères en ligne.
La notion de courtage aux enchères en ligne est apparue dans la loi du 10 juillet 2000, lorsque le
législateur a tenté d’encadrer le développement de cette pratique. A l’époque déjà, il était question
de savoir si les sites d’enchères en ligne relevaient de la règlementation sur les ventes aux enchères
publiques règlementées ou non. Le législateur avait alors tranché en faveur de ces dernières,
accordant à elles seules un statut privilégié.
L’évolution des technologies et des pratiques commerciales au cours de la décennie passée a relancé
cette polémique. Il était donc utile que la loi du 20 juillet 2011 vienne préciser à nouveau les
contours du courtage aux enchères en ligne.
Les enjeux de la distinction entre courtage aux enchères en ligne et vente aux enchères publiques
sont en effet de taille : les obligations attachées à la vente en ligne, la responsabilité de
l’organisateur de la vente, la protection accordée au consommateur…
Les critères de distinction des ventes aux enchères en ligne :
Par la loi du 20 juillet 2011, le législateur confirme sa position en maintenant les critères de
distinction entre ventes aux enchères publiques et courtage aux enchères. Ces critères sont
énumérés à l’article L 321-3 du code de commerce : « Les opérations de courtage aux enchères
réalisées à distance par voie électronique se caractérisant par l'absence d'adjudication au mieuxdisant des enchérisseurs et d'intervention d'un tiers dans la description du bien et la conclusion de la
vente ne constituent pas des ventes aux enchères publiques au sens du présent chapitre.
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L’activité de courtage aux enchères consiste donc en la simple mise en relation des deux parties à la
vente et se caractérise par :
 L’absence d’intervention d’un tiers dans la présentation des biens vendus et dans la
conclusion de la vente.
 L’absence d’adjudication au mieux-disant des enchérisseurs. Sur un site de courtage aux
enchères, l’enchérisseur peut, sous certaines conditions, se retirer de la vente. De plus, le
principe du double clic pour confirmer l’achat permet à l’enchérisseur de se rétracter, ce qui
vide de sa substance la notion d’enchère « au mieux-disant des enchérisseurs ».
A contrario, comme le souligne le même article, « le fait de proposer, en agissant comme mandataire
du propriétaire, un bien aux enchères publiques à distance par voie électronique pour l’adjuger au
mieux-disant des enchérisseurs constitue une vente aux enchères publiques par voie électronique ».
Le législateur reconnaît donc la possibilité pour l’opérateur de ventes volontaires (OVV) de vendre en
ligne tout en gardant son statut de vente aux enchères publiques. Dans ce cas, la vente devra remplir
tous les critères requis par le code de commerce pour une vente physique. L’OVV doit notamment
conclure un mandat de vente avec le vendeur, authentifier le bien, l’estimer, en faire une
présentation et une description exacte et précise.
Les conséquences de la distinction pour les consommateurs :
On peut constater que 40% des ventes aux enchères en ligne se soldent par un objet non livré ou non
payé. Dans 37% des cas, l’objet ne correspond pas à la description qui en a été faite et dans 8% il
s’agit même de contrefaçon.
La distinction entre ventes aux enchères publiques et courtage aux enchères en ligne est alors très
importante en ce qu’elle détermine le régime de protection du consommateur : le courtage est
soumis au droit de la consommation, tandis que les ventes aux enchères publiques bénéficient des
dispositions spécifiques du code de commerce.
Les dispositions protectrices du code de la consommation mettent à la charge de tout vendeur
professionnel des obligations renforcées visant à garantir au consommateur un acte d’achat éclairé
et protégé (article L121-16 et suivants du Code de la Consommation). Il s’agit notamment de
l’information précontractuelle, de la protection du paiement, de l’exécution de la commande et des
recours en cas de litige, du délai légal de rétractation…
Tout est donc mis en œuvre en matière de vente à distance pour garantir au consommateur une
protection optimale à la condition exclusive que le vendeur soit un professionnel.
Les dispositions du droit de la consommation ne s’appliquent pas aux ventes aux enchères publiques.
Elles bénéficient d’un régime légal spécifique. N’ayant pas le même fonctionnement qu’une vente
classique, il fallait mettre en œuvre des dispositions dérogatoires. Le droit de rétraction prévu par le
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Code de la Consommation en est l’illustration majeure. Un des critères déterminant de la vente aux
enchères est la présence d’une adjudication au dernier enchérisseur. Toute possibilité de rétractation
doit donc être totalement exclue. C’est ainsi que les sites de ventes en ligne qui accordent un droit
de rétractation sous conditions aux parties et qui pratiquent le « double clic », laissant à
l’enchérisseur le pouvoir de se rétracter au dernier moment, relèvent automatiquement de la
catégorie des coutiers aux enchères.
Les règles applicables aux ventes aux enchères publiques émanent du code de commerce et leur
confèrent un caractère hautement sécurisé, tant pour l’acquéreur que pour le vendeur. En effet,
pèsent sur l’OVV de nombreuses obligations susceptibles de mettre en jeu sa responsabilité (articles
L320-1 et suivants du Code de Commerce).
La responsabilité des organisateurs de ventes aux enchères en ligne :
Le régime de responsabilité qui pèse sur l’OVV présente de nombreux avantages pour l’acquéreur.
1er avantage : un cocontractant sérieux et solvable
A l’occasion d’une vente aux enchères publiques, le vendeur donne mandat à l’OVV de le représenter
et d’agir en son nom. L’acquéreur va donc pouvoir se retourner contre l’OVV en sa qualité de
cocontractant pour toutes fautes commises lors de l’exécution de sa mission, y compris celles de
l’expert puisqu’il existe une solidarité entre expert et OVV en vertu de l’article L321-30 du Code de
Commerce. C’est un grand confort pour le consommateur qui, sauf action en nullité contre le
vendeur directement, se confronte à un interlocuteur unique et solvable.
Cela n’est pas le cas lorsqu’il s’agit d’un courtier. En effet, au regard de l’article L 321-3 du code de
commerce, ce dernier se contente de mettre en relation les parties et n’entre pas dans la relation
contractuelle. Le courtier n’engage donc sa responsabilité que sur cette intermédiation entre les
parties, en aucun cas sur la présentation de l’objet ou même sur la conclusion de la vente. En cas de
litige sur l’objet ou sur la réalisation de la vente, l’acquéreur devra mettre en cause le vendeur, c’està-dire le propriétaire de l’objet directement, ce qui s’avérera plus difficile lorsqu’il s’agit d’un
particulier. Des études montrent que 64% des acheteurs en ligne ont déjà rencontré des difficultés
face au vendeur et 39% d’entre eux ont même abandonné leurs démarches.
2ème avantage : une responsabilité légale
Les articles L320-1 et suivants du code de commerce mettent à la charge des OVV des obligations
impactant directement sa responsabilité civile professionnelle : publicité obligatoire portant sur
l’objet vendu, son prix, son authentification ; compétence professionnelle de l’opérateur ;
déclaration de son activité au Conseil des Ventes ; établissement des registres et rédaction de
procès-verbaux des ventes pour leur traçabilité ; obligation de contrôler l’assurance de l’expert…
Au-delà de ce formalisme, les juges considèrent que l’OVV a rempli ses obligations lorsqu’elle a
délivré des informations claires et accessibles quant au service proposé ainsi que des mises en garde
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sur les risques de fraude. Il revient ensuite aux consommateurs d’user de prudence dans la
conclusion de la vente et d’être vigilant.
Autant de dispositions qui garantissent au consommateur la qualité et la provenance du bien, ce que
ne garantit jamais le site de courtage, celui-ci n’intervenant ni dans la description du produit, ni dans
l’acte de vente.
Certains sites de courtage aux enchères profitent de la réputation attachée à la pratique des ventes
aux enchères publiques en adoptant une communication floue sur la nature réelle de leurs services.
Pourtant, ils n’offrent aucune des garanties légales attachées aux ventes régulées et ne supportent
pas les contraintes auxquelles sont astreints les opérateurs de ventes volontaires.
Il est donc indispensable que les sites de courtage aux enchères soient suffisamment clairs sur la
nature de leur intervention pour qu’aucune confusion ne soit possible dans l’esprit du
consommateur et qu’il puisse déterminer la responsabilité qui incombe à l’organisateur. C’est
pourquoi le législateur a tenté d’encadrer cette communication en imposant au courtier de porter
clairement à la connaissance des consommateurs des clients la nature exacte des services proposés
(L321-3 du code de commerce).
Un projet de loi est actuellement en discussion afin de renforcer cette protection du consommateur
et devrait voir le jour avant fin 2014. Celui-ci prévoit notamment la création d’une appellation
« vente aux enchères » contrôlée qui permettrait de faire la distinction. D’autre part, le projet
envisage de compléter l’article L 321-3 du code de commerce et d’étendre la possibilité au CVV de
saisir le tribunal en cas d’atteinte à la protection du consommateur.
3ème avantage : Les garanties offertes
Afin de garantir aux consommateurs un recours efficace contre l’OVV l’article L 321-6 du Code de
Commerce impose aux opérateurs de ventes volontaires de contracter au moins deux polices
d’assurance :
 La Responsabilité Civile Professionnelle garantissant les conséquences pécuniaires de
toute réclamation portée à son encontre suite à une erreur, une faute, une omission, un
retard, un défaut de conseil…
 La Garantie Financière garantissant la représentation des fonds, effets ou valeurs détenus
pour le compte des mandants.
L’OVV engage également sa responsabilité vis-à-vis de l’objet qui lui est confié à compter du jour où il
les détient. Il est responsable vis-à-vis des tiers des dommages causés par les choses dont il a la garde
en vertu de l’article 1384 du Code Civil, mais il doit également maintenir en bon état les objets qu’il
détient en vertu d’un mandat.
Les assureurs offrent à l’OVV la faculté de souscrire à un contrat « Objets confiés » garantissant les
dommages que ces biens pourraient subir pendant toute la durée de leur détention par l’OVV, y
compris en salle des ventes, chez l’expert ou en cours de transport.
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L’usage d’internet se généralise dans les ventes aux enchères
Les ventes aux enchères règlementées se développent considérablement sur internet (augmentation
des ventes de 88% entre 2009 et 2012). Internet devient donc un marché à part entière et un outil
indispensable dans le développement de l’activité des OVV (le montant des adjudications réalisées
en ligne a atteint 373 millions d’euros en 2012).
Les ventes en lignes se décomposent en 2 catégories : les ventes en ligne adossées à des ventes
physiques : appelées « live auctions », qui permettent d’enchérir sur internet et de suivre la vente à
distance et les ventes entièrement dématérialisées, dites « online », réalisées uniquement sur
internet.
La majorité des ventes en ligne réalisées sur 2012 sont des ventes « online », soit 76,5% et
concernent les ventes de véhicules d’occasion. D’ailleurs, 85 % de ces ventes sont réalisées par
internet.
Le développement de ce marché sur internet va faire naître d’autres risques contre lesquels l’OVV
devra se protéger : la perte de données enregistrées sur les vendeurs et les acquéreurs, les fraudes
au paiement, l’usurpation d’identité ou encore la cybercriminalité.
Les opérateurs de ventes en ligne devront donc être très prudents et développer de nouvelles
stratégies pour protéger le consommateur. Tout porte à croire que la législation en la matière va
s’étoffer. Va-t-elle alors conserver des règles spécifiques aux ventes aux enchères publiques ou au
contraire rapprocher les régimes applicables aux ventes en ligne ?
Pour répondre à vos interrogations, nous sommes à votre disposition
Hélène POLIPHEME
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