Positionnement et stratégies prix des acteurs de l`e-tourisme

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Positionnement et stratégies prix des acteurs de l`e-tourisme
Business School
WORKING PAPER SERIES
Working Paper
2014-258
Positionnement et stratégies prix des
acteurs de l’e-tourisme
Lubica Hikkerova
Jean-Michel Sahut
http://www.ipag.fr/fr/accueil/la-recherche/publications-WP.html
IPAG Business School
184, Boulevard Saint-Germain
75006 Paris
France
IPAG working papers are circulated for discussion and comments only. They have not been
peer-reviewed and may not be reproduced without permission of the authors.
Positionnement et stratégies prix des acteurs
de l’e-tourisme
Lubica Hikkerova
IPAG Business School, Paris
Université Matej Bel (Banska Bystrica, Slovaquie)
Jean-Michel Sahut
IPAG Business School Paris.
Cerege-Université de Poitiers
Résumé
L’effet le plus marquant lorsqu’on s’intéresse à l’impact des TIC sur le secteur touristique est celui
sur la distribution car elle implique des échanges croisés à tous les stades de la vente entre les
fournisseurs, les intermédiaires et les clients qui peuvent être dématérialisés. L’avènement d’Internet
a donc modifié la structure d’intermédiation de cette industrie avec l’arrivée de nouveaux acteurs, le
repositionnement des acteurs traditionnels comme les agences de voyage du fait la diminution de leur
importance dans la chaine de valeur et le développement des ventes directes pour les producteurs. Ce
nouveau schéma de la distribution a amené les acteurs à revoir leurs stratégies de prix afin de rester
compétitif, et ce phénomène est d’autant plus exacerbé avec la présence des infomédiaires qui
permettent une meilleure comparaison des offres.
Abstract
The most import effect of ICT on the tourism sector is on distribution because it involves exchanges,
during all the stages of sales, between suppliers, intermediaries and clients that can be dematerialized.
Thus, Internet has changed the structure of intermediation in this industry with the entrance of new
players, the repositioning of traditional players like travel agencies because of their declining
importance in the value chain and the development of direct sales for producers. This new pattern of
distribution has prompted the players to review their pricing strategies to remain competitive, and this
phenomenon is exacerbated by the presence of infomediaries who allow a better comparison of
offers.
Post Print : Gestion 2000, n°1, Janv-février, 2009, pp 51-66.
1
Introduction
Le marché du voyage sur Internet connaît une forte croissance en Europe rattrapant peu à peu
les USA. En 2007, avec 49,4 milliards d’euros, il représentait 19,4% du marché global du
voyage en Europe, contre 7,3% en 20041. Certains marchés sont plus matures que d’autres
puisque la part en Angleterre du marché du voyage en ligne atteint 30% tandis qu’aux USA
51% des réservations pour des destinations intérieures se firent en ligne en 2007.
L’effet le plus marquant lorsqu’on s’intéresse à l’impact des TIC sur le secteur touristique est
celui sur la distribution car elle implique des échanges croisés entre les fournisseurs, les
intermédiaires et les clients qui peuvent être dématérialisés. L’exploitation d’Internet s’opère
dans les différentes phases de la vente et bouleverse ainsi la gestion de la relation client; dans
la phase amont d’avant-vente par la diffusion d’informations sur les offres, dans celle de la
vente via des systèmes interactifs d’échange et de réservation, et dans la phase d’après vente
lors de la modification des réservations, de la vente de prestations complémentaires et les
actions de fidélisation notamment (Raffour, 2003). Du côté des fournisseurs et intermédiaires,
Internet présente trois avantages principaux ; il permet de d’accéder plus facilement aux
clients, de créer des offres personnalisées et de baisser les coûts de distribution. En effet, ces
coûts sur ce canal sont réduits de 50 à 90 % avec la dématérialisation des transactions et
preuves de réservation dont le ticket électronique (Geyskens, Gielens et Dekimpe, 2002). Les
compagnies aériennes « low cost » en ont d’ailleurs fait leur canal de vente quasi exclusif
avec le téléphone.
Pour les clients, Internet est un moyen de diminuer le coût d’achat (coût de la recherche
d’information et prix de vente) par une comparaison et accession aux offres accrues. Ces deux
effets conjugués expliquent l’importance de la variable prix sur ce canal.
1
Trends in European Internet Distribution of Travel and Tourism Services, Centre for Regional and Tourism
Research, Denmark, January 2008
2
En fait, on assiste à une véritable recomposition de la distribution dans ce secteur.
Auparavant, l’architecture de la distribution était relativement simple. Les agences de voyage
accédaient via des GDS (Global Distribution System) ou des systèmes de réservation
centralisés aux produits des différents producteurs (compagnies aériennes, tours opérateurs,
hôtels, etc.) qu’elles se contentaient de vendre en percevant au passage une commission. La
création des GDS a d’ailleurs été initiée par les compagnies aériennes à partir des années 60 :
Sabre (1960), Galileo (1971), Amadeus (1987). Ils se positionnaient comme des concepteurs
d’outils techniques pour mettre en relation les producteurs et les distributeurs, et étaient alors
des centres de profit pour les compagnies aériennes. Les différents acteurs (producteurs, GDS,
agences de voyage) agissaient plutôt comme des partenaires que des concurrents même si
certains producteurs distribuaient déjà certains produits en direct. En particulier, les
compagnies aériennes vendaient déjà, dans les années 80, 15 à 30% de leurs billets d’avion en
direct via leurs centres d’appel et boutiques physiques (Datamonitor, 2005).
L’arrivée d’Internet a modifié la structure d’intermédiation de cette industrie avec l’arrivée de
nouveaux acteurs, le repositionnement des acteurs traditionnels comme les GDS et le
développement des ventes directes pour les producteurs. On s’interroge donc dans cet article
sur les conséquences d’Internet sur la distribution de produits touristiques et les stratégies des
acteurs de l’e-tourisme en particulier en matière de prix.
1. Caractéristiques de la vente de produits touristiques en ligne
Le rapport du CNUCED2 sur le commerce électronique montre que l’un des principaux
changements apportés par le tourisme électronique tient à la baisse de l’importance des
intermédiaires traditionnels au sein de la chaîne de valeur du tourisme notamment à cause de
l’apparition de nouveaux intermédiaires (« cybermédiaires » ) et la possibilité accrue pour les
fournisseurs de vendre leurs produits directement. Ces cybermédiaires ont des stratégies
2
CNUCED, Rapport sur l'Economie de l'Information 2005.
3
différenciés : ils concurrencent directement les agences traditionnelles, lesquelles ont
également évolués vers la vente par Internet, exploitent des niches spécifiques ou se
spécialisent autour de certaines fonctions (Bailey et Bakos, 1997 ; Brousseau, 2002). Les
relations entre les acteurs de ce secteur varient entre la concurrence et la coopération, d’où le
concept de « co-opétition » illustrant le caractère paradoxal de leurs interactions3. En effet,
une compagnie aérienne et une agence virtuelle s’affrontent pour vendre un vol sec tandis
qu’elles coopèrent pour distribuer un package, l’agence jouant alors un rôle d’assembleur de
produits (vols, nuitées, circuit touristique, etc.) lors de la vente. En fait, cette réintermédiation
aboutit à une concurrence accrue (Neysen, Wautelet et Achbany 2007), mais ne signifie pas
une disparition des intermédiaires.
Les produits touristiques, à part les produits individuels comme les vols secs, sont
généralement complexes. Un voyage complet comprend le transport (y compris les transferts
à l’aéroport en cas de transport aérien), les nuitées, les repas, les circuits touristiques, etc.
L’offre très diversifiée des catalogues est alors difficile à mettre en ligne ne serait-ce que pour
des problèmes d’ergonomie, de choix d’options multiples (caractéristique de la chambre par
exemple) et de mise à jour. De plus, les clients souhaitent souvent être assistés dans leur
processus d’achat que ce soit en face à face ou par téléphone.
Un autre critère important dans la décision d’achat en ligne est la confiance du consommateur
dans le triptyque : vendeur / produit ou service / moyen de paiement. La confiance dans le
vendeur ou le produit est plus importante pour les marques reconnues (Arkantos, 2005). Par
exemple, une transaction concernant un vol d’Air France vendu sur le site d’Air France
inspirera davantage confiance que le même vol vendu par un intermédiaire en ligne peu
connu. Les ventes en ligne dépendent également de la confiance des consommateurs dans les
3
Ben Haj Youssef et Ouziel, (2002) citent en exemple l’écosystème d’affaires autour du standard technologique
Windows de Microsoft .
4
solutions de paiement proposées. Plus généralement, le développement du commerce sur
Internet est lié au degré de confiance des consommateurs dans les systèmes de paiement en
ligne (Wales, 2003).
Enfin, l’après vente revêt une importance cruciale car les demandes sont nombreuses et
influent fortement sur la qualité de service globale. Elles concernent principalement la
modification ou l’annulation de la réservation, ainsi que la demande de prestations
complémentaires.
En France, les clients préfèrent encore utiliser le téléphone malgré la montée en puissance
d’Internet par habitude et facilité. Mais dès qu’il s’agit de trouver un meilleur tarif, le canal
Internet semble s’imposer que ce soit en recherchant sur le site d’une agence de voyage
virtuelle (exemple Booking.com) ou directement sur celui de fournisseur (hôtel ou compagnie
aérienne). Ce résultat montre une certaine déconnexion entre les canaux pour rechercher le
meilleur tarif et celui pour réserver. Le téléphone domine encore car il est plus facile d’usage
et ancré dans les habitudes. En revanche, Internet est préféré pour la recherche d’information
tarifaire mais cela n’induit pas que la réalisation de la transaction s’effectue par ce canal
(Chapuis et Sahut, 2006). Par exemple, si les consommateurs trouvent un tarif comparable par
téléphone, ils réservent alors par ce biais. Quelques entretiens semi directifs avec des
consommateurs nous permettent de supposer que le téléphone apparaît encore comme plus
sécurisé et facile d’utilisation qu’Internet pour réaliser des transactions.
2. Les acteurs de l’e-tourisme
Dans cette section, nous nous proposons de recenser les différents acteurs de l’e-tourisme,
montrer leur rôle et avantages comparatifs par rapport aux acteurs traditionnels afin de mieux
comprendre les enjeux que représente Internet dans la distribution de produits touristiques. En
5
fait, on a identifié huit catégories d’acteurs (schéma n°1) qui se positionnent soit comme des
fournisseurs, des intermédiaires ou des infomédiaires (Behr, 2001) :
Les fournisseurs
Pour les fournisseurs (transporteurs, hôtels, loueur de voiture, organisateur de circuits
touristique, etc.) la distribution directe de leurs produits en ligne apporte plusieurs avantages
en leur permettant :
-
de réduire les coûts de distribution et en particulier ceux d’émission de billet
(exemple : les compagnies Low cost comme SkyEurope ou l’hôtellerie économique
telle que la chaîne Formule 1). Il n’y a plus de commission à payer aux intermédiaires
sur ce type de vente. Mais les coûts d’investissements importants pour créer
l’infrastructure de vente et la maintenir ainsi que les coûts d’exploitation sont loin
d’être négligeables,
-
de préserver l’intégrité de la marque par le contrôle du processus de vente et des
services associés. Par exemple, la commande de certains menus est impossible dans la
réservation d’un vol par une agence en ligne,
-
de mieux contrôler les prix de vente et limiter la dépendance via à vis des
intermédiaires et en particulier des agences discount qui négocient fortement les prix
et les commissions,
-
d’assurer une meilleure promotion des ventes (exemple : Ibéria),
-
d’attirer des clients plus aisés par une présentation enrichie de l’offre, et mettant
mieux en valeur le produit.
Certains transporteurs comme la SNCF ont créé une agence virtuelle (Voyages.sncf.com) sous
forme de filiale afin de distribuer par Internet ses billets de train mais d’enrichir également
leur offre. Cette société est une joint venture avec la firme InterActivCorp, propriétaire
6
d’Expedia.En 2007, c’était le quatrième site de e-commerce en France en termes d’audience
(19,8% de part de marché)4.
Les GDS
Créés par les compagnies aériennes, leur objectif initial était de concevoir et commercialiser
un outil technique permettant aux agences de réserver des billets d’avion en ayant accès aux
différents tarifs et disponibilités.
Les technologies Internet ont remis en cause leur rôle puisque les compagnies aériennes ont
pu distribuer leurs produits en direct, et les tour-opérateurs ont ouvert des sites web à
destinations des agences traditionnelles de voyage. Ils ont alors investi le web en devenant des
partenaires des agences en line, créant leur propre agence en ligne ou rachetant des agences
virtuelles lesquelles cherchaient des capitaux pour assurer leur croissance. Galileo a fait
l’acquisition des agences en ligne GTA, OctopusTravel, Ebookers, CheapTicket et Orbiz.
Sabre possède Travelcity, Odysia, Lastminute et Zuji. Amadeus détient Opodo, Karavel et
Vivacances. Ils se sont également diversifiés dans le marché des voyages d’affaires en offrant
aux entreprises la possibilité d’accéder aux GDS via le web pour organiser leurs voyages.
Ils n’ont pas pour autant abandonner leur cœur de métier et leur diversification leur a permis
d’étendre les fonctionnalités et les contenus de leurs outils techniques de réservation. Grâce à
l’acquisition de GTA, Galileo propose maintenant plus de 20 000 hôtels à la réservation à
travers le monde.
Les tour-opérateurs
4
Baromètre de la FEVAD - fédération du e-commerce et de la vente à distance- novembre 2007. Les trois
premiers sites sont eBay, la Fnac et la Redoute.
7
Ils composent des voyages qu’ils revendent sous leur propre marque. Ils ont à la fois un rôle
de producteur, d’intégrateur et de vendeur. Ils fabriquent sous leur propre marque des
packages de produits et services même s’ils font appels à divers fournisseurs et sous traitants.
Ces packages sont alors soit vendus en direct, soit par des agences de voyage.
Les agences traditionnelles de voyage
Les agences de voyage traditionnelles appartenant à des groupes ou faisant partie de réseaux
ont toutes intégré Internet dans leur stratégie pour essayer de conserver leur part de marché
face à de nouveaux entrants très agressifs en matière de tarification. Seules les agences
indépendantes locales ou très spécialisées utilisent Internet que comme une vitrine qui renvoie
à l’agence physique et/ou un moyen pour répondre par email aux sollicitations de leurs
clients. Leur stratégie sur ce canal est alors similaire à celle des agences virtuelles.
Les agences virtuelles de voyage
Ces « méga-agences », telles que « Ebookers », « Orbitz », « Expedia » ou « Voyagessncf.com , sont des distributeurs vendant essentiellement par Internet et téléphone. En
proposant un grand choix de produits, elles permettent de comparer les offres des différents
fournisseurs et de choisir la meilleure offre. Elles distribuent également les produits de tours
opérateurs, vendent leurs propres packages (billet de train ou d’avion, nuitées, location de
voiture etc.), et offrent la possibilité aux clients de composer eux-mêmes leur voyage
(package dynamique). Le package dynamique est en fait un produit sur-mesure qui permet
une différenciation de l’offre.
8
Les agences de voyage virtuelles attirent généralement les consommateurs par des offres
exclusives ou des prix moins élevés que chez les prestataires traditionnels. Elles fonctionnent
principalement sur le même modèle économique que les agences traditionnelles (vente des
produits des fournisseurs moyennant une commission) en utilisant des techniques de vente et
des stratégies de prix spécifiques (spécialiste du discount ou ventes aux enchères ou par
exemple). Certaines agences adoptent également pour certains produits le modèle économique
des courtiers, lequel consiste à acheter en masse des produits, comme un grossiste, puis à les
revendre au détail. Les revenus générés par cette activité sont plus risqués (risque de perte
sèche en cas de non revente ou de revente à un prix inférieur au coût complet du produit) que
ceux issus de l’activité d’intermédiation où l’agence perçoit des commissions sur les ventes.
La problématique principale des agences virtuelles est leur manque de visibilité auprès des
internautes étant donné l’immensité du réseau Internet. Cette situation est d’autant plus
préoccupante pour elles que le client a accès par un simple clic de souris à une offre de
produits touristiques riche et variée. Cette situation les contraint à investir en publicité pour
développer leur image, et à conclure des partenariats avec des sites générateurs d’audience ou
des intermédiaires apporteurs d’affaires.
Les sites spécialisés
Cette catégorie comprend des acteurs divers, comme les courtiers et les communautés, dont la
spécialisation les distingue des agences de voyage même si leurs activités peuvent se
recouper.
Les courtiers achètent aux fournisseurs (transporteurs, hôtels, organisateur de spectacles, etc.)
ou aux agences virtuelles des produits qu’ils revendent ensuite aux clients. Leur rôle
d’intermédiaire est plus risqué que celui des autres intermédiaires puisqu’ils achètent en
grande quantité des produits à différents producteurs qu’ils revendent au détail souvent sous
9
forme de package. Leur viabilité dépend de leur pouvoir de négociation vis à vis de leurs
fournisseurs, car en contrepartie du risque qu’ils assument, ils ont besoin d’avoir une marge
substantielle. Pour cela, ils doivent générer un volume d’affaires important.
Leur modèle est économique est cependant différent des tours opérateurs puisqu’ils se
contentent de revendre au détail des produits ou packages sans intégration de l’offre sous leur
propre marque.
Les communautés virtuelles sur le tourisme (exemples : voyagexperiences.com ou
bedycasa.com) visent à fédérer un groupe d’internautes autour d’une thématique sur le
tourisme via un site web, ce groupe étant considéré comme un élément du contenu de ce
dernier. Joseph Licklider, précurseur d'internet, dénommait ces communautés de
communautés d'intérêt. Elles peuvent être initiées par un individu (notamment avec le web 2.0
qui rend cela techniquement plus facile) ou une société qui va chercher à monétiser la
communauté qu’elle a constituée en servant d’infomédiaire entre les membres de la
communauté et les distributeurs de produits touristiques. Les communautés permettent de
segmenter les clients de part les nombreuses informations échangées sur le site entre les
membres (Brodin 2000).
Les quoters
Leur objectif consiste à agréger et comparer l’offre des différents distributeurs. Les « quoters
», contrairement aux courtiers, ne réalisent pas la transaction, ce sont des infomédiaires qui
agissent uniquement dans un but informatif. Ceci est à relativiser car on distingue dans les «
quoters » ceux qui sont orientés vers les distributeurs et ceux orientés vers les clients. La
première catégorie joue le rôle d’apporteur d’affaires, à l’image de MonNuage.fr. L’avantage
pour le client est qu’il n’a pas besoin de saisir plusieurs demandes de voyage auprès des
différents distributeurs. Il remplit une demande par laquelle MonNuage.fr. interroge ses
10
partenaires. Le site transmet alors au prospect plusieurs offres qu’il peut comparer.
L’inconvénient principal pour les clients de ce type d’approche est l’indépendance de ces
intermédiaires par rapports aux distributeurs. Il existe la tentation de privilégier un
distributeur si ce dernier verse une meilleure commission, et ils ne transmettent les demandes
des clients qu'à leurs partenaires (problème d’exhaustivité de l’offre).
En revanche, les « quoters » orientés vers les clients, sites comparateurs de prix comme
Trouvtoo-voyages.com ou agents intelligents, cherchent la meilleure offre existant sur
Internet selon les préférences des utilisateurs. Ici les problèmes rencontrés sont d’une autre
nature. D’une part, les distributeurs peuvent bloquer l’accès à leur site aux agents intelligents.
En effet, certains distributeurs ne souhaitent pas de se retrouver sur le même linéaire que leurs
concurrents. Mais ce facteur de risque est peu probable, car cela est techniquement difficile à
réaliser, et par cette action, ils s’excluent automatiquement d’un marché potentiel. D’autre
part, la viabilité économique de cette approche est loin d’être évidente car le client doit payer
soit directement, soit indirectement (publicité ou vente de produits liés) le service rendu.
Les portails
Des sites comme Aol, Altavista, Yahoo ou Netscape ont popularisé le concept de portail. Pour
ces sites web, il s’agit de mettre en ligne un bouquet de services dans le but d’attirer et de
fédérer les usagers d’Internet. Générateur de trafic, ils offrent la possibilité d’acheter des liens
(ou mots clés) pour rediriger les internautes vers des sites marchands vers l’annonceur. Par
exemple, l’achat de mots-clés sur Google pour Last Minute.com était jusqu’à septembre 2007,
le point central de leur politique marketing5. Cette situation conduit les sites de e-commerce à
une certaine dépendance vis-à-vis de Google dont la politique de prix a fortement évolué à la
hausse ces dernières années.
5
Patrick Hoffstetter : « Enfin au niveau du mix-marketing, nous avons arrêté depuis le 1er septembre l'achat de
mots-clés sur Internet. Nous souhaitons éviter d'avoir une google dépendance, surtout que le coût d'acquisition
est en pleine inflation. », Tour Mag 15/09/08
11
Fournisseurs : transporteur, hôtel, etc
Tour-opérateurs
Agences classiques
Agences virtuelles de voyage
Site web de vente en ligne
Sites spécialisés
Quoters
Portails
Schéma n°1 : La distribution en ligne de produits touristiques
3. Les stratégies de prix
La détermination des prix est au cœur de la théorie économique car les prix permettent
d’équilibrer l'offre et la demande sur les différents marchés conduisant ainsi à un équilibre
général. Sur le marché des biens et services, la demande augmente avec la diminution des prix
et inversement pour l’offre. Leur confrontation aboutit à la définition d’un prix et d’une
quantité optimaux d’échange (processus walrassien). Ce modèle théorique suppose, outre la
rationalité des agents, une parfaite information afin que les consommateurs puissent comparer
les offres des producteurs et l’absence de toute friction ou imperfection de marché. Internet de
part sa capacité à mettre en relation les acheteurs et les vendeurs à un faible coût et partager
l’information sur les prix réduit les imperfections de marché. Il permet également de mettre en
place des stratégies de prix innovantes, comme les ventes aux enchères, qui sont plus
12
difficiles à mettre en place dans le modèle réel car il faut réunir les acheteurs et vendeurs dans
un même lieu.
La typologie d’Elmaghraby et Keskinocak (2003) aboutit à l’identification de deux types de
mécanisme de fixation des prix : le mécanisme des prix affichés et celui de découverte des
prix. Dans le premier cas, le vendeur détermine le prix qu’il ajuste durant la période de vente
(price maker) en fonction de la demande et de la durée de vie restante du bien ou du service.
Plus le produit est périssable, plus l’ajustement de son prix est rapide comme dans le cas des
produits touristiques (nuitées pour un hôtel, places pour un vol, etc). Dans le deuxième cas, le
prix résulte d’une confrontation entre l’offre et la demande au travers d’enchères. Les ventes
aux enchères ascendantes ont été popularisées sur Internet par le site de e-commerce eBay. Le
prix varie en temps réel durant toute la période de vente en fonction des motivations du/des
acheteurs comparativement à celles du/des vendeurs. Le vendeur est preneur de prix (price
taker) mais il peut s’assurer d’un prix minimal de vente en fixant un prix de réserve (caché ou
non) afin de couvrir ses coûts.
Dans le cas où ils élaborent les prix, les vendeurs dans le tourisme utilisent largement les
techniques de Yield Management (YM). Selon Capiez (2002) « le Yield management a pour
objectif de maximiser les recettes de l’entreprise de service. Il identifie des segments de
marché, en évalue les potentialités et fixe des prix. Il crée des règles de réduction de tarifs et
de déplacement pour établir un processus avancé de réservation. Il en contrôle l’efficacité et la
mise en œuvre. Il assure la gestion de la capacité disponible par une tarification et une offre
de services adaptées à la spécificité de chaque segment identifié. ».
Ainsi, le YM est un système de gestion ayant pour objectif l'optimisation du chiffre d'affaires
d’un service précis (chambres en hôtellerie, sièges dans le transport aérien…) en jouant sur les
prix et les capacités par type de client. L’application des techniques du YM, nécessite donc au
13
préalable la mise en place de trois fonctions : la prévision de la demande, la maximisation du
profit et le contrôle des ventes (Daudel et Vialle, 1995).
Les compagnies de transport aérien ont commencé à s’initier aux techniques de YM après la
libération de l'industrie dans les années 70 puis les ont raffinées. Aujourd'hui, toutes les
compagnies aériennes pratiquent le YM pour maximiser l'utilisation de leur capacité, leur
revenu global et par conséquent leur résultat d’exploitation (Donaghy et al, 1995). L'industrie
hôtelière, a adopté plus tard, dans les années 80, les principes du YM. Comme les compagnies
aériennes, les hôtels utilisent le YM comme une technique de maximisation des bénéfices, qui
vise à augmenter le rendement net par l'attribution prévue de la capacité disponible des
chambres aux segments de marché prédéterminés à un prix optimum (Huyton et Peters, 1997).
Même si cette mise en œuvre a été plus tardive, les directeurs d'hôtels employaient depuis
longtemps diverses stratégies de prix pour maximiser leurs bénéfices en prenant en compte la
demande saisonnière des chambres et la limitation de capacité dans un équilibre (Choi et Cho,
2000).
Internet donne un écho particulier à la politique de prix des producteurs fondé sur le YM, que
ces derniers vendent ou non en direct, puisque les clients finaux sont ainsi instantanément
informés des changements de prix. Toutefois, ces techniques ne permettent pas de prendre en
compte certains segments de consommateurs. En particulier, comme les prix augmentent avec
le taux de remplissage, des prospects qui réservent tardivement risquent de ne pas commander
s’ils sont très sensibles au prix. La non prise en compte de ce segment se traduit pour le
fournisseur pas une perte potentielle de revenu, mais la vente directe à prix discount comporte
des risques en termes d’image et d’intégrité de la marque. C’est pourquoi, les fournisseurs
recourent généralement à des agences de voyage spécialisées dans le discount.
14
Les stratégies de prix discount (ou de « bas prix ») quelles mettent en œuvre visent les
consommateurs plus sensibles au prix, qu’à la destination ou aux autres attributs du produit
touristique. On distingue quatre types de stratégie non exclusive :
-
la vente de produits « low cost » repose une sélection limitées de produits les moins
chers avec un niveau de qualité minimal (comme les vols de compagnie charter), ou
des produits de fournisseurs peu connus avec lesquelles les distributeurs négocient
davantage les prix,
-
la vente de produits « dégriffés » est fondée sur des produits à liquider car l’échéance
est très proche (moins d’une quinzaine de jours) ou de produits peu demandés à
certaines périodes de l’année (exemple : hôtel en Tunisie l’hiver). Le choix est limité
mais les réductions sont significatives, atteignant quelques fois 70% (exemples :
Lastminute.com, Anyway.com, Travelprice.com),
-
la vente de produits opaques : les produits dont certaines caractéristiques sont cachées
(comme la compagnie opérant le vol, le nombre d’escales, le lieu exact du séjour, etc.)
sont vendus à un prix de liquidation. Après la vente, toutes les caractéristiques du
produit sont révélées (exemples : Hotwire.com, Priceline.com). Le consommateur doit
faire un choix dans une situation d’information imparfaite sur le produit qui peut
conduire à des insatisfactions si la qualité perçue du produit diverge trop de la qualité
délivrée (Teboul 1999), la vente aux enchères avec un prix initial très faible. Mais au
final, l’enchère peut conduire soit à un prix très bas (surtout s’il n’y a pas de prix de
réservation fixé par le vendeur), ou à un prix comparable à celui des autres canaux de
distribution si la concurrence entre les acheteurs est grande.
Cet impact du prix sur les comportements d’achat des consommateurs peut être modulé par la
vente de paquets de voyage (Travel Packages). Ce phénomène explique en partie leur forte
15
évolution en particulier pour la distribution en ligne. Ils représentent environ un tiers des
dépenses de voyage en Europe et aux Etats-Unis (William et al., 2007). Plus précisément, les
paquets de voyage constituent un ensemble de deux ou plusieurs produits qui pourraient être
achetés séparément mais qui sont combinés à la vente vente, habituellement à un seul prix
(Stremersch et Tellis, 2002).
Internet a clairement révolutionné le marché des paquets de voyage6 en donnant aux agences
de voyage, et aux destinations la possibilité de les créer et distribuer. Le consommateur peut
ainsi choisir, via des intermédiaires, des paquets déjà constitués ou les composer eux-mêmes
(package dynamique). S’il offre l’avantage du sur-mesure, l’empaquetage dynamique
comporte de nombreuses contraintes. Il commence par un contrôle en temps réel des stocks et
de la tarification de chaque catégorie de service, évalue l’approvisionnement puis évalue le
paquet entier en réponse aux demandes d'un client.
Ce processus exige un système d’information performant en particulier au niveau des
interfaces temps-réel entre l’offreur des paquets et tous les fournisseurs impliqués, connexions
réalisées par des « switchers » tels que Pegasus. Cette contrainte est primordiale pour les
fournisseurs afin de garder la main sur leurs stocks et leurs prix. Ainsi, le développement des
systèmes de conditionnement dynamiques a engendré une nouvelle manière de vendre les
stocks périssables de voyage à travers les liaisons directes entre les fournisseurs et les
vendeurs (Green 2007).
Enfin, les consommateurs sont d’autant moins sensibles au prix que le degré de
complémentarité des éléments d'un paquet est perçu comme un élément différenciant.
Généralement plus la complémentarité entre les éléments du paquet est grande, plus
l'excédent transféré au client est important et moins le prix influe. Par exemple, un casino qui
6
Pour une typologie des parquets de voyage : Stefan Stremersch et Gerard J. Tellis, “Strategic Bundling of
Products and Prices: A New Synthesis for Marketing”, Journal of Marketing, , Vol. 66, January 2002, p. 57
16
propose un paquet (intégrant les nuitées, les repas, les admissions aux salles de divertissement
et les services de navette d'aéroport) offre non seulement une expérience intégrée pour les
clients, mais réduit également leurs coûts de recherche et augmente ainsi leur confort.
En conclusion, l’avènement d’Internet a bouleversé la distribution de produits touristiques, en
donnant davantage de pouvoir aux clients finaux qui peuvent plus facilement comparer les
offres et aux fournisseurs par la vente directe au détriment des intermédiaires. Cela ne signifie
pas leur disparition mais une réintermédiation reposant sur une baisse des coûts de
distribution et une recomposition de l’offre. Ce nouveau schéma de la distribution amène ainsi
les acteurs à revoir leurs stratégies de prix afin de rester compétitif, et ceux d’autant plus que
des infomédiaires permettent une meilleure comparaison des offres.
Le web 2.0 renforce encore plus le pouvoir des clients de par le partage d’information et
d’expérience qu’il permet. La guerre des prix entre les acteurs de l’e-tourisme est donc loin
d’être terminée, même si la bonne utilisation des techniques de gestion comme le YM en
limite les effets.
Bibliographie
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intermediaries», International Journal of Electronic Commerce 1-3.
Baye M.R., et Morgan J., 2001, « Information Gatekeepers on the Internet and the Competitiveness of
Homogeneous Product Markets », American Economic Review, 91(3).
Brousseau, E., 2002 , « Governance of Transaction by Commercial Intermediaries: An Analysis of the
Re-engineering of Intermediation by Electronic Commerce », International Journal of the Economics
of Business, vol. 9, N° 3, Nov.
17
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