Tobie et al
Transcription
Tobie et al
ACTIVITE CRYOVOLCANIQUE A LA SURFACE DE TITAN : OBSERVATION, EXPERIMENTATION ET MODELISATION DANS LE CADRE DE LA MISSION CASSINIHUYGENS : G. Tobie1, M. Choukroun, O. Grasset, M. Hirtzig, S. LeMouelic1, J. Lunine2, P. Rannou3, S. Rodriguez1, C. Sotin1 CNRS, Univ. Nantes, UMR-6112 Planétologie et Géodynamique, 2, rue de la Houssinière, BP 92208, 44322 Nantes cedex 03 ([email protected]), 2University of Arizona, Lunar and Planetary Laboratory, 1629 E University Blvd. Tucson AZ 85721, USA. Introduction: Comprendre l’origine du méthane dans l’atmosphère de Titan, la plus grosse lune de Saturne, est l'un des grands challenges de la mission internationale ESA/NASA/ISA Cassini-Huygens. Le méthane est en permanence détruit dans la haute atmosphère de Titan suite à des réactions photochimiques induites par les ultraviolets solaires [1], ce qui implique qu’il devrait disparaître totalement de l’atmosphère en quelques dizaines de millions d’années si aucun renouvellement ne se produit. Avant que la mission Cassini-Huygens n’atteigne l’environnement de Saturne, des mers d’hydrocarbures liquides, dispersées à la surface de Titan, avaient été proposées comme réservoirs à partir desquels le méthane serait renouvelé sur des échelles de temps géologiques [2]. Les premières données récoltées par CassiniHuygens [3,4,5] rejettent l’existence de grandes étendues d’hydrocarbures liquides à la surface, ce qui suggère qu’une autre source de méthane doit exister. Une hypothèse alternative serait que le méthane soit dégazé de l'intérieur par des éruptions cryovolcaniques. Le présent projet a pour objectif de rechercher et de modéliser des signatures d'activité cryovolcanique à la surface de Titan, et de les confronter à des modèles d'évolution et de dynamique de la croûte glacée de Titan afin de contraindre les mécanismes de dégazage. Un premier aspect de ce travail consiste à la mise au point de modèle 1D de l’intérieur de Titan afin d’évaluer les évolutions à long terme des réservoirs internes de méthane et autres volatiles. Un second aspect consiste à modéliser la dynamique de la croûte et les mécanismes de dégazage à l’aide de modèles thermo-mécanique en géométrie 2D et 3D, afin de comparer avec les données hyperspectrales (VIMS) acquises sur la surface de Titan par la sonde Cassini. Enfin, un dernier aspect consiste à étudier l’impact du dégazage de méthane sur la climatologie de Titan et d’en rechercher des signatures observables par Cassini. clathrates d’hydrate de méthane. Les clathrates d’hydrate sont des structures constituées de molécules d’eau formant des cages au sein desquelles une molécule gazeuse, notamment le méthane, peut être piégée. Les clathrates sont notamment connus pour avoir des propriétés thermomécaniques très différentes de la glace d’eau [7]. En prenant en compte les variations de propriétés thermodynamiques induites par la présence de clathrate de méthane dans l’intérieur de Titan, nous montrons que l'évolution thermique de l'intérieur et la cristallisation de l'océan conduisent naturellement à la déstabilisation du réservoir de clathrate se formant au-dessus d’un océan d’eau enrichi en NH3 suite à la différentiation du satellite. Ceci se traduit par trois grands épisodes de dégazage [8]: • un premier juste après la formation du noyau et l'accumulation des clathrates à la surface, • un second lorsque la convection thermique s’initie dans le noyau silicaté, • un troisième tardif, dans lequel se trouve actuellement Titan, induit par des instabilités thermiques dans la croûte glacée. Ces grands épisodes de dégazage sont en mesure de contrebalancer le taux de destruction du méthane par photolyse et ainsi de maintenir plusieurs pourcents de CH4 dans l'atmosphère (Fig. 1). Modèle d’évolution à long terme: Implications pour le dégazage de méthane. Les travaux expérimentaux sur les mélanges méthane-eau, notamment ceux effectuées au laboratoire de Planétologie et Géodynamique [6], montre que le méthane se combine naturellement avec les molécules d’eau dans les conditions de pression et de température de l’intérieur de Titan pour former des FIGURE 1 : Evolution de l’intérieur et du dégazage de Titan, d’après [8]. ACTIVITE CRYOVOLCANIQUE SUR TITAN: G. Tobie et al. Dynamique de la croûte et dégazage: modélisation et observations. Un second aspect du projet concerne les modélisations de la dynamique de la croûte et des processus de dégazage [6,9] et leur confrontation avec les données infra-rouges recueillies par le spectroimageur VIMS (Visual Infrared Mapping Spectrometer) à bord de Cassini [3]. L’objectif de ce travail est de fournir des modèles dynamiques cohérents permettant d’intégrer les données expérimentales sur la stabilité des clathrates [6,10] et la rhéologie des matériaux, et d’interpréter les morphologies d’édifices observées par VIMS (Fig. 2). la formation de systèmes nuageux. Une comparaison entre la distribution des nuages observés par VIMS au cours de la mission et la distribution simulée avec ou sans injection de méthane permettra de distinguer les formations nuageuses résultant naturellement de la dynamique globale de l’atmosphère de celles impliquant une source supplémentaire de méthane. FIGURE 3 : Image composite VIMS indiquant des nuages au pole sud de Titan, prise durant le premier survol du 26 octobre 2004. FIGURE 2 : Evolution de l’intérieur et du dégazage de Titan Les premiers résultats indiquent que les clathrates de méthane pourraient être dissociés au-dessus de panaches de glace chaude remontant à environ 1 km sous la surface, et que cette dissociation serait favorisée par la présence de fluides enrichis en ammoniaque et dioxyde de carbone. L’incorporation de rhéologie plus élaborée prenant en compte le caractère fragile de la croûte est actuellement en cours afin de mieux simuler la signature en surface de remontées de panache de glace et leur effet sur le dégazage d’éléments volatiles. Recherche de signatures d’éruptions cryovolcaniques et rôle du dégazage interne sur la climatologie de Titan : Un dernier aspect concerne l’impact du dégazage de méthane sur l’atmosphère, sur des courtes échelles de temps observables au cours de la mission Cassini-Huygens, ainsi que sur des échelles de temps géologiques. A partir de modèle de circulation générale de l’atmosphère de Titan [11, 12], nous proposons de déterminer le temps de résidence du méthane suite à une éruption majeure et son effet sur Un second objectif est de simuler l’influence des variations du taux de dégazage sur la stabilité à long terme de l’atmosphère. Il s’agit notamment de déterminer l’équilibre atmosphérique atteint durant les périodes ou le taux de dégazage n’est pas en mesure de maintenir quelques pourcents de méthane dans l’atmosphère. De telles conditions auraient pu se produire il y a plus de quelques centaines de millions d’années, avant le déclenchement de la dernière période de dégazage (fig. 1 ; [8]). Conclusion : L’objectif de ce travail est de combiner les données hyperspectrales VIMS-Cassini, les données expérimentales sur les matériaux glacés (glace d’eau, hydrocarbures, hydrate, clathrate etc.) et les modèles de croûte et d’atmosphère de Titan, afin de contraindre le cycle du méthane et son rôle sur la stabilité de l’atmosphère. Nos modèles d’évolution de l’intérieur montrent que le dégazage de méthane n’est pas un processus continu au cours de l’histoire de Titan. La confrontation des données Cassini à nos modèles dynamiques de croûte et d’atmosphère permettra de comprendre comment le dégazage de méthane affecte l’évolution de la surface et de l’atmosphère de Titan. [1] Yung et al (1984) Astrophys. J. Suppl. Ser. 55, 465-506; [2] Lunine & Stevenson (1983) Science 222, 1229-1230 ; [3] Sotin et al. (2005) Nature 435, 786-789 ; [4] Elachi et al. (2005) Science 308, 970-974 ; [5] Porco et al. (2005) Nature 434, 159168 ; [6] Choukroun et al. (2006) LPSC XXXVI; [7] Sloan (1998) Clahtrates ; [8] Tobie et al. (2006) Nature 440, 61-64 ; [9] Tobie et al. (2006) LPSC XXXVI ; [10] Grasset & Pargamin (2005) PSS 53, 371-384 ; [11] Rannou et al. (2002) Nature 418, 853-856 [12] Rannou et al. (2006) Science 311, 201-205.