La nouvelle organisation du Conseil de l`Union Européenne : un

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La nouvelle organisation du Conseil de l`Union Européenne : un
La nouvelle organisation du Conseil de
l’Union Européenne : un recul ou une opportunité pour
la coopération au développement de l’Union Européenne ?
Anne Simon
Document de réflexion ECDPM n° 46
European Centre for Development Policy Management
Centre européen de gestion des politiques de développement
Le Centre européen de gestion des politiques de développement (ECDPM) est une
fondation indépendante créée en 1986.
Le Centre européen de gestion des politiques de développement (ECDPM) vise à
améliorer la coopération internationale entre l’Europe et les pays d’Afrique, des Caraïbes
et du Pacifique (ACP).
L’ECDPM est une fondation indépendante créée en 1986. Son objectif est double :
•
renforcer les capacités des acteurs publics et privés des pays ACP et d’autres pays
moins avançés ; et
•
améliorer le dialogue et la coopération entre partenaires du développement
européens et de la région ACP.
Le Centre met l’accent sur quatre thèmes étroitement liés :
•
•
•
•
les acteurs des partenariats ;
les relations commerciales ACP-UE ;
les dimensions politiques de la coopération ACP-UE ;
la réforme interne des bailleurs de fonds.
Le Centre coopère avec d’autres organismes et dispose d’un réseau de collaborateurs en
Europe et dans les pays ACP. Les connaissances, les idées et l’expérience tirées du
dialogue, du travail en réseau, des recherches et consultations sur le terrain, sont
largement partagées avec les publics cibles des pays ACP et de l’UE grâce à des
conférences internationales, à des réunions d’experts, aux médias électroniques et à
diverses publications.
Documents de réflexion de L’ECDPM
Les Documents de réflexion de l’ECDPM font le point sur les activités en cours au Centre
européen de gestion des politiques de développement. Ils sont diffusés aux personnes de
terrain, chercheurs et décideurs, dont l’apport et les commentaires sont les bienvenus.
Prière d’envoyer tous commentaires, suggestions ou demandes d’exemplaires
supplémentaires à l’adresse ci-dessous. Les opinions exprimées n’engagent que leur
auteur, et ne reflètent pas nécessairement la position de l’ECDPM ou de ses partenaires.
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La nouvelle organisation du Conseil de l'Union Européenne:
un recul ou une opportunité pour la coopération au
développement de l'Union Européenne ?
Anne Simon
Cette étude a été effectuée à la demande et avec le soutien de l'ICP (Institut de coopération portugais)
L'ECDPM souhaite remercier tous les représentants des Institutions Européennes, et des Représentations
permanentes des Etats Membres pour leur participation franche et constructive à cette étude. L’auteur,
Anne Simon, est Consultante associée à ECDPM basée au Cabinet Gressard.
janvier 2003
2
Table des matières
SIGLES UTILISES............................................................................................................................................... 4
PREAMBULE ....................................................................................................................................................... 5
INTRODUCTION................................................................................................................................................. 6
UNE REFORME AU CONSEIL DANS UNE PHASE DE TRANSITION PROFONDE ET GLOBALE
DE LA COOPERATION EUROPEENNE ................................................................................................... 8
LA DISPARITION DU CONSEIL DEVELOPPEMENT, CONSEQUENCE D'UN MOUVEMENT GLOBAL DE REFORMES ....... 8
LEÇONS DE L'EXPERIENCE, ATOUTS ET LIMITES DU CONSEIL DEVELOPPEMENT ................................................. 9
LES LEÇONS DES PREMIERS CONSEILS "INTEGRES"............................................................................................ 11
CONSEQUENCES METHODOLOGIQUES : COMMENT ABORDER L'ANALYSE?......................................................... 12
DES OPPORTUNITES ET DES RISQUES POUR LA COOPERATION AU DEVELOPPEMENT ....... 13
LA NOUVELLE ORGANISATION DESSINE DES FENETRES D’OPPORTUNITES .......................................................... 13
RISQUES ET CONTRAINTES................................................................................................................................. 15
COMMENT UTILISER LA NOUVELLE FORMATION DE FAÇON OPTIMALE ? OPTIONS ET
CONDITIONS POUR QUE LA COOPERATION AU DEVELOPPEMENT BENEFICIE DE CES
OPPORTUNITES ......................................................................................................................................... 16
PISTES OPERATIONNELLES ........................................................................................................................ 19
ENJEUX ET DEBATS POUR LA POURSUITE DES REFORMES DE LA COOPERATION ................ 20
CONCLUSIONS ................................................................................................................................................. 23
RÉFÉRENCES.................................................................................................................................................... 25
3
Sigles utilisés
AFET
CIG
CSP
DCE:
CE
DEV
EM
ECOFIN
Europe Aid
GAC :
GAERC :
PE
PESC :
PVD
RELEX:
UE
Affaires Etrangères
Conférence inter-gouvernementale
Stratégie pays (Country Strategy Paper)
Délégation de la Commission Européenne
Commission Européenne
Développement
Etats membres
Economique et Financier (Conseil)
Office Européen de coopération (AIDCO en interne à la Commission Européenne)
Conseil Affaires Générales
Conseil Affaires Générales et Relations Extérieures
Parlement européen
Politique extérieure et de sécurité commune
Pays en Développement
Relations extérieures (Direction Générale de la Commission Européenne)
Union Européenne
4
Préambule
La coopération au développement de l'Union européenne est une construction complexe mais
essentielle pour l’aide internationale au développement1. Depuis la signature du traité de Maastricht
elle repose sur la difficile complémentarité des actions communautaires et des coopérations bilatérales
des Etats membres. Elle est ainsi, en parallèle, de nature intergouvernementale (à travers le fonds
européen de développement - environ 3 milliards d'EURO par an - auquel contribuent volontairement
les Etats membres et dont la gestion est confiée à la Commission Européenne), et de nature
communautaire (à travers un budget communautaire annuel d'environ 6 milliards d'EURO, géré par la
Commission). Elle est actuellement en pleine mutation. Cette double nature contribue à alourdir le
fonctionnement et la nature des mécanismes décisionnels.
Sur le plan politique, la coopération au développement communautaire est également particulière dans
la mesure où elle est supportée par plusieurs bases: un socle de coopération financière et technique
remontant aux premiers jours de la Communauté européenne2, une composante politique de plus en
plus important comme par exemple dans les Accords de Cotonou et un volet commercial d'autant plus
fort que la Commission est par ailleurs mandatée par les Etats membres pour les négociations
commerciales internationales. Ces trois bases de la coopération au développement communautaire sont
d'importance inégale selon les zones et régions du monde avec lesquelles la Commission entretient des
relations de coopération. Cette construction semble évoluer vers une harmonisation du traitement
accordé à ces différentes zones.
Au niveau exécutif, la coopération communautaire est confiée à un centre unique de gestion, fruit
d'une récente réforme institutionnelle qui n'est pas achevée, puisqu'elle se poursuit entre autres dans un
mouvement de déconcentration vers les Délégations. Mais ce centre unique de gestion continue de
gérer un budget dont la conception est héritée des structures antérieures, et dont il n'est pas impossible
qu'il continue d'être fortement modifié dans les années qui viendront.
Enfin et surtout la coopération au développement européenne est confrontée aux mêmes questions
lancinantes que toutes les coopérations du monde. Comment faire parvenir une aide publique
importante, de la façon la plus efficace, directe ou indirecte aux sociétés et aux individus dits
partenaires ou bénéficiaires pour que leur niveau de vie, leur accès aux droits humains essentiels, leur
avenir, leur soient garantis avec le même niveau d’exigence que celui des citoyens des pays nantis ?
Ce "débat sur l'efficacité de l'aide" revient sans cesse au cœur des différentes instances d'évaluation,
d'orientation, de contrôle des différentes coopérations au développement.
Ce rapide panorama de la coopération au développement européenne montre combien cette politique
est complexe et en pleine mutation. Elle pourrait dans les années à venir être amenée à jouer un rôle de
premier plan dans la politique extérieure de l'Union européenne. En effet, la paupérisation d’une part
croissante de la planète génère des tensions sociales, des mouvements de populations à l’échelle
mondiale et fait le lit des extrémismes. Cette instabilité s'est cristallisée depuis le 11 septembre 2001
dans une surenchère d'attentats terroristes et de réactions bellicistes. Dans un contexte si fragile, la
coopération au développement pourra-t-elle trouver sa place stratégique dans la politique et l'action
extérieure de l’Union Européenne pour la paix et la croissance mondiale ? C'est dans ce contexte que
nous mènerons la présente étude sur la place de la coopération au développement au sein du Conseil
de l'Union Européenne.
1
2
La coopération de l'Union européenne (Commission Européenne et Etats membres) représente 55% de l'aide publique
mondiale au développement.
Elle est inscrite dans le Traité de Rome, avec l’ancêtre de l’actuel fonds européen de développement.
5
Introduction
L'évolution historique de l'Union Européenne et les perspectives d'élargissement ont rendu nécessaire
une adaptation en profondeur des structures et mécanismes décisionnels. Même si les avancées ont été
minimes, le Conseil de Nice a décidé des mesures visant à préparer l'Union à gérer ces nouveaux défis.
Par ailleurs le développement progressif de la PESC depuis 1992, avec ses avancées et ses limites, a
conduit l'Union Européenne à vouloir se définir comme un acteur mondial sur le plan politique. Mais
cette politique étrangère européenne dans un monde globalisé s'est trouvée, à plusieurs reprises, piégée
dans ses ambitions par l’insuffisance et l’inefficacité des mécanismes de décision et d'application de
ces décisions3. Afin d'accroître l'efficacité décisionnelle de l'UE, la réorganisation du Conseil a porté,
sur la réduction du nombre de ses formations de 16 à 9 et sur l'organisation du processus de
planification stratégique et opérationnel au niveau du Conseil européen4.
Dans cette nouvelle configuration, le Conseil des Affaires Générales a vu ses compétences élargies et
précisées dans le cadre d'un Conseil des Affaires Générales et des Relations Extérieures (GAERC). Ce
nouveau Conseil est chargé de politiques clés des relations extérieures de l'Union dans sa globalité. A
savoir, les Affaires Etrangères, la Politique de Défense, le Commerce Extérieur, la Coopération au
Développement et l'Aide Humanitaire. Le Conseil Développement qui se réunissait deux fois par an,
est donc par conséquent aboli.
Encadré 1 : Mesures concernant la structure et le fonctionnement du Conseil,
Conclusions de la Présidence, Sommet de Séville 21 et 22 juin 2002
L’actuelle formation “Affaires Générales” du Conseil est désormais dénommée Conseil “Affaires générales et
relations extérieures”. Afin d’organiser les travaux de façon optimale au regard des deux principaux domaines
d’activités couverts par cette formation, celle-ci tiendra des sessions distinctes (avec des ordres du jour séparés et
éventuellement des dates différentes), consacrées respectivement:
à la préparation et au suivi du Conseil européen (...) à la conduite de l’ensemble de l’action externe de l’Union à
savoir la politique étrangère et de sécurité commune, la politique européenne de sécurité et de défense, le
commerce extérieur, ainsi que la coopération au développement et l’aide humanitaire.
[Suite la liste des formations du Conseil]
(...) S’agissant du Conseil Affaires générales et relations extérieures, chaque gouvernement se fait représenter
lors des différentes sessions de cette nouvelle formation par le ministre ou le secrétaire d’Etat de son choix.
Conformément au rôle que lui donne le traité pour la définition des orientations politiques générales de l’Union,
le Conseil européen adopte sur la base d’une proposition conjointe des présidences concernées établie en
consultation avec la Commission, et sur recommandation du Conseil Affaires Générales, un programme
stratégique pluriannuel pour les trois années qui suivent. Le premier programme stratégique sera adopté en 2003.
Le Conseil “ Affaires Générales ” est saisi d’un programme opérationnel annuel des activités du Conseil (...)
La disparition du Conseil Développement a été perçue comme un inquiétant signal aussi bien par les
instances décisionnelles (Commissaire chargé du développement, formation spécialisée du Conseil,
Commission idoine au Parlement) qu'au sein des organisations de la société civile. A juste titre, car au
premier abord, elle minimise le niveau de représentation politique dans les discussions sur le
développement donc sur l'impact politique des décisions, et elle risque d'assujettir la coopération au
3
4
Ces insuffisances fonctionnelles résultent également de décisions politiques des Etats signataires des Traités.
Conclusions de la Présidence, Séville, les 21 et 22 juin 2002, annexe 2.
6
développement aux autres politiques concernées par les affaires extérieures de l'Union Européenne.
Mais d'un autre côté, cette nouvelle formation chargée des affaires extérieures aura un poids et une
visibilité accrue. N'y aurait-il donc pas au-delà de ce signal négatif, une opportunité pour rendre la
coopération au développement européenne plus efficace, plus reconnue et mieux coordonnée ? Quels
sont les risques d’affaiblissement de cette politique que l'on doit cependant attendre ? Quelles sont les
options pour que les opportunités éventuelles soient concrétisées ? Quelles pistes opérationnelles peuton proposer dans ce sens ? Finalement parmi les évolutions à venir quels sont les principaux défis
auxquels pourra être confrontée la coopération au développement de l'Union Européenne dans les
années à venir ?
Effectuée à la demande de l'Institut de coopération portugais (ICP)5, la présente étude cherchera à
apporter une première réponse à ces questions. Elle a été réalisée dans le cadre d'un programme de
travail sur les réformes institutionnelles et politiques de la coopération européenne entreprise par
ECDPM depuis trois ans. La méthodologie suivie est basée sur les critères habituels de neutralité et de
confidentialité. Une série d'une vingtaine d'entretiens a été conduite. Les analyses et propositions qui
en sont issues ont été croisées avec une analyse documentaire.
5
En début 2003, alors que ce rapport allait en publication, l’ICP a été fusinoné avec une autre service gouvernmentale et
renommé l’IPAD, Institut portugais pour l’aide au développement.
7
Une réforme au Conseil dans une phase de transition profonde et
globale de la coopération européenne
La
disparition
du
Conseil
Développement,
conséquence
d'un
mouvement global de réformes
La réforme du Conseil, de nature technique, signe l’avancée du processus d'intégration européenne et
de la politique étrangère et de sécurité commune. La question des formations décisionnelles de
l’Union européenne touche au cœur même de la vision européenne. Si l’on schématise, pour les
fédéralistes, le Conseil pourrait être un organe permanent, législateur pour les politiques
communautaires6 . Pour les défenseurs de la nature intergouvernementale de l’UE, le Conseil réunit de
façon ponctuelle des représentants des gouvernements des Etats membres pour définir des orientations
coordonnées aux politiques communautaires. La réforme adoptée lors du Conseil de Séville ne prend
pas partie dans ce débat, puisque qu’elle se fait à Traité constant dans l’optique de préparer le Conseil
en vue de l’élargissement. Elle répond tout d’abord, par la limitation du nombre de formations et des
Conseils informels à une logique de rationalisation technique et financière des moyens disponibles7.
Ensuite, elle cherche à apporter une réponse au développement des relations extérieures de l’UE8.
Dans ce but, elle considère de façon spécifique le cas du Conseil Affaires Générales qui traite depuis
1999, d’une part, “ les questions horizontales ” et d’autre part “ les relations extérieures ”. A ces deux
“ fonctions ” s’ajoute de facto la fonction de préparation des Conseils européens. Avec
l’alourdissement et la complexification de l’agenda de la politique extérieure de l’Union, il devenait
difficile de remplir ces différentes fonctions avec une efficacité maximale. L’idée proposée9 de créer
d’une part, un Conseil Affaires Générales et d’autre part un Conseil “ Relations extérieures ” n’a pas
été - à ce stade - retenue10, par contre, les relations extérieures ont été reconnues formellement comme
étant de la compétence de ce nouveau Conseil élargi (puisqu’il intègre désormais le commerce
international, le développement, l’aide humanitaire).
Une décision rapide et peu transparente. Bien préparé au niveau réglementaire avant le moment de la
décision au cours du Sommet, cet exercice de rationalisation n’a semble-t-il pas été fait en consultation
avec les groupes de travail ou commissions spécialisées du Conseil concernées. La décision a
finalement été prise par les chefs d’Etat et de Gouvernement. Ce manque de consultation ou en tous
cas perçu comme tel a accentué le choc de l’annonce de la disparition des formations spécialisées au
sein desquelles figure la coopération au développement. Cette politique n'a pas été visée en tant que
telle mais elle a été absorbée par cette logique plus globale. La rapidité avec laquelle cette réforme a
été menée n'a pas permis d'évaluer les conséquences fonctionnelles sur l'organisation interne du
Conseil (en particulier sur le grand nombre de groupes de travail et de comités, dont les compétences
se recoupent parfois). Par conséquent, les difficultés d'organisation du travail du Conseil dans sa
nouvelle forme pourraient créer de nouvelles sources de lourdeur administrative, de manque
d'efficacité voir de blocage.
Un cadre général en pleine mutation. Entreprise également suite au Conseil européen de Séville, la
Convention constitutionnelle sur l’avenir de l’Europe continue ses travaux. L’année prochaine, la CIG
précisera ensuite les modifications des Traités qui en découleront. Les résultats de ces travaux risquent
de modifier profondément le cadre inter-institutionnel qui régira les Affaires Extérieures de l'Union (et
6
7
8
9
10
Cf. projet Spinelli
Le Conseil Européen d’Helsinki en décembre 1999 a décidé que le nombre de formations du Conseil devait être réduit de
22 à 15.
Le traitement des relations extérieures de l’Union par le Conseil Affaires Générales est hérité du passé (avant 1992, les
relations extérieures de l’Union ne constituaient pas une politique en tant que telle).
Voir “Measures to prepare the Council for Enlargment”, CUE, 13 june 2002
Dans le groupe de travail "action extérieure", les membres de la Convention ont proposé que cette distinction soit
concrétisée dans deux Conseils séparés. Voir document de travail 21.
8
par voie de conséquence les dispositions qui viennent d'être prises pour la coopération au
développement). Parallèlement le processus de réforme administrative et financière interne à la
Commission Européenne sera poursuivi (intégration possible de la Direction Générale du
Développement dans la DG RELEX ou dans EUROPE AID etc.).
Finalement, la réorganisation du Conseil semble avoir été décidées sans qu’aucune analyse n’ait été
réalisée sur les conséquences que cela entraînerait pour les politiques comme la coopération au
développement.
Leçons de l'expérience, atouts et limites du Conseil Développement
Les atouts et limites du Conseil Développement ont été soulignés lors des entretiens.
Atouts du Conseil Développement:
Le Conseil Développement a constitué un lieu d'impulsion politique et d’initiation des politiques
sectorielles. C’est le cas de la politique de développement de la Communauté européenne11 qui
constitue depuis 2000 le cadre stratégique européen de lutte contre la pauvreté (dans les pays
bénéficiaires, concentration sectorielle dans six secteurs, coordination entre les Etats membres et la
Commission). Plus récemment à l’occasion de la Conférence de Monterrey, le Conseil Développement
de l’UE a permis que l'Union Européenne affirme de façon assez inattendue d'une voix unique un
engagement en faveur de la coopération au développement dans le monde12, constituant un pas
important vers une plus grande intégration13. L'analyse du processus de décision, montre le rôle
essentiel que le Conseil Développement a joué dans un jeu complexe de négociations entre instances
formelles et informelles du système de coopération européen pour aboutir à une décision qui était loin
de faire l'unanimité14.
Il offrait un espace de débat privilégié pour l'intégration de la coopération européenne via les
représentants des coopérations des Etats membres (Ministres des Affaires Etrangères ou ministres du
Développement et de la Coopération) L’existence de cette formation dite “ secondaire ” s’est avérée
essentielle pour faire avancer la complémentarité et la coordination entre la politique communautaire
et les politiques de coopération des Etats membres qui avaient été introduites dans le Traité de
Maastricht. Les rencontres ont permis également de faire avancer par étapes, des idées sur la
coopération qui ne trouvaient pas par ailleurs de consensus au niveau européen où les traditions de
coopération internationales sont ancrées dans des histoires économique, religieuse et socio-culturelle
très variés. Elles ont dans certaines circonstances (comme lors de la préparation de Monterrey)
renforcé la position des Ministres chargés de la coopération au sein de leurs propres gouvernements
par un effet de solidarité et de groupe. Les observateurs reconnaissent que l’occasion de ces rencontres
au niveau ministériel est essentielle dans les débats techniques ou les dossiers difficiles. Les rencontres
informelles se sont avérées parfois tout autant efficaces si ce n'est plus qu'au niveau formel des
réunions du Conseil (Cas des rencontres informelles de Berlin, d’Evian ou de Lisbonne15). Elles sont
ainsi devenues assez régulières. Elles ont été organisées de façon a assurer la qualité des débats et les
possibilités d'aboutir à des résultats.
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12
13
14
15
Déclaration conjointe du Conseil et de la Commission sur la politique de développement de la Communauté européenne
SEC(2001)1817 du 26/07/2001
Cet engagement s’est traduit par un engagement financier de l’Union Européenne à élever sa contribution à l'aide
publique au développement à 0.39 % de son PNB en 2006 contre 0.33 % en 2002 (en contribution moyenne pour les
Etats membres).
Jan Orbie, the EU identity towards the South: hegemonic benevolence ? Case-study Monterrey. p 6.
Jan Orbie, Ibid. L'auteur analyse en détail ce processus de décision qu'il met en perspective dans le cadre des relations
extérieures de l'UE. Les débats et décisions du Conseil Développement ont été relayés par la CE, des réunions
informelles de haut niveau, le GAC, le Conseil Ecofin puis au niveau du Sommet européen.
Lors de la rencontre informelle de Lisbonne en 2000, les ministres de la coopération au développement ont eu des
discussions productives sur la prévention des conflits. Les conclusions en ont été reprises par la Présidence par la suite.
9
En ouvrant une scène de niveau “ européen ” à des débats dont la portée dépasse le niveau des Etats
membres, il pouvait favoriser des effets d’entraînement. C’est ainsi que la Commission devait
régulièrement (deux fois par ans) mener des réflexions, présenter les avancées ou justifier de son
action dans un domaine sectoriel donné (pour la lutte contre la pauvreté, les micro-finances etc.). De
façon plus limitée, ces débats pouvaient faire évoluer la politique de l’un ou l’autre Etat membre
(politiques dont la prise en compte est très hétérogène dans l'UE comme l’approche genre, l’éducation
au développement).
Ces différentes opportunités d’affirmation de “ politiques de coopération au développement ” au
niveau européen ne sont donc pas toutes directement liées à la tenue d’un Conseil Développement
formel mais parfois simplement à l'occasion de rencontre entre hauts responsables européens.
Limites :
L ‘impact du Conseil Développement est restée cependant très limité:
Le Conseil Développement était un lieu de débat technique de qualité inégale, faiblement suivi par les
responsables gouvernementaux et par les médias. La qualité des débats techniques était très variable.
Les Etats Membres n'étaient pas systématiquement représentés au niveau ministériel, parfois seuls
quelques ministres faisaient le déplacement. Sa fréquence ne lui permettait pas de traiter de questions
d'actualité liées au développement (crise dans un pays partenaire de coopération par exemple), ni de
suivre dans le temps et de façon continue la mise en œuvre d’une politique thématique. L’organisation
des débats, ainsi que le calendrier limitait les capacités de réponse de cette formation (comme dans le
cas de la communication de la Commission sur la politique de coopération au développement pour
laquelle le temps laissé au Conseil pour réagir a été trop court pour apporter une réponse
circonstanciée). Sa visibilité était relativement limitée, victime du manque d’intérêt des médias grand
public pour la coopération au développement.
Il intervenait comme structure d’orientation politique au pouvoir décisionnel limité et au caractère
non normatif. Les décisions concernant les politiques de développement étaient prises à l’unanimité.
Elles étaient en général de caractère orientatif, avec plus rarement une valeur normative. Les questions
liées au groupe ACP (Accords de Cotonou) relevaient pour leur préparation des groupes de travail
ACP et ACPFin, puis du Conseil Affaire Générales. Les règlements financiers étaient adoptés par le
GAC. Le Conseil Développement se positionnait donc plus sur le plan des orientations, sans réels
moyens d’influencer directement la traduction de ces politiques en instruments et modalités de mise en
œuvre (par exemple, peu d’influence sur les moyens budgétaire voir ci-dessous). Par contre, les Etats
membres par le biais des comités de gestion exercent une influence au niveau des décisions des
financements des programmes et projets, sans que la cohérence avec les orientations politiques du
Conseil ne puisse forcément être clairement affichée.
Enfin, depuis quelques années, le rôle d’orientation politique a commencé à être rempli par le GAC :
les orientations de la politique extérieure annuelle sont débattues depuis 1999 en février au sein du
GAC, même si certains éléments concernent la coopération au développement.
Cette formation ne jouait pas de rôle direct dans les processus d'élaboration du budget et ne disposait
pas d’outils de suivi de l’exécution des budgets alloués à la coopération. L’agenda des travaux du
Conseil Développement, ainsi que ses attributions ne lui permettaient pas de traduire directement ses
orientations politiques dans le budget annuel de la Commission, ou dans les priorités pluriannuelles de
l’Union16 Il ne disposait pas des outils permettant de suivre et de contrôler la mise en œuvre de la
coopération. Le premier rapport d’activité sur l’action extérieure de l’UE élaboré par la Commission a
16
Par exemple, les perspectives financières fixées dans l’Agenda 2000, déterminant les enveloppes financières allouées à la
coopération avec les différentes régions du monde (y compris avec les pays candidats).
10
été transmis et discuté au GAC en automne 2001 alors que le Conseil Développement existait
encore17.
Son organisation interne était complexe, source de lenteur et parfois d'inefficacité. Il existe encore
aujourd'hui des nombreux cas d'overlapping dans les compétences entre les nombreux groupes de
travail du Conseil18 (groupe ACP/ groupe Afrique, groupe ACP/ groupe ACP fin, groupe DEV/ groupe
ACP ) mais également entre groupes de travail et comités de gestion (comité FED/ groupe ACP,
comité FED/ groupe Afrique). Cet état de fait permet au Conseil de traiter des sujets très variés et
nécessitant des compétences techniques très spécifiques. Cependant, il alourdit les travaux de
préparation du Conseil, les rend parfois obscurs et peu transparents. Il ralentit le système et limite les
capacités d'intervention rapide (politique). Il surcharge les travaux des représentations permanentes.
Cette complexité est parfois utilisée volontairement. Par exemple, pour faire “ passer plus aisément
une décision ” en la confiant à un groupe de travail dont la position va dans le sens attendu.
Les leçons des premiers Conseils "intégrés"
Les exemples de Conseils "intégrés" traitant de coopération au développement de façon significative
ne sont pas encore suffisamment nombreux pour que l'on puisse en tirer des conclusions définitives.
Nous ne donnerons à ce stade que quelques éléments d'appréciation, en se référant par exemple au
GAERC du 18-19 Novembre 2002
Encadré 2: La coopération au développement dans le GAERC du 18-19 Novembre 2002
Cinq points de l'ordre du jour concernaient la coopération au développement. L'organisation de l'agenda les a
réparti (de façon discontinue):
- Le premier jour : le rapport annuel 2001 de la Commission sur la coopération au développement, et la
décision du Conseil sur la communication sur les peuples indigènes.
- Le second jour: à cheval sur l'heure du déjeuner, des points à débat; les conclusions sur la communication
commerce et développement, le suivi de Monterrey et une première discussion sur la communication de la
Commission sur le déliement de l'aide.
- Après annulation du dîner informel des ministres de la coopération la veille, le déjeuner aurait dû le
remplacer, ce qui n'a pas été finalement possible.
Points positifs
- six ministres de la coopération ont fait le déplacement;
- les ministres des affaires étrangères également en charge de la coopération ont pu participer de façon
efficace;
- des premières conclusions sur le lien entre commerce et développement.
Points négatifs
- les débats sont insuffisants (trop de points à l'ordre du jour: trop peu de temps alloué aux différents thèmes;
retards dans la préparation des documents). Le déliement de l'aide19 n'a pas réellement fait l'objet d'un débat;
- certains ministres de la coopération ont hésité à faire le déplacement (modifications de dernière minute pour
la rencontre informelle, points de l'ordre du jour dispersés dans l'agenda puis modifications en cours de
journée par des priorités des relations extérieures).
17
18
19
A l'origine, ce rapport aurait dû être discuté par le Conseil Développement, mais le retard de sa parution, a reporté les
débats au GAC. C'est ainsi que la lecture menée au sein d’instances formées de diplomates non formés particulièrement
aux enjeux de la coopération (Ambassadeurs au COREPER II) est restée alors globale et peu ciblée.
Dans le cadre de cette étude, seuls de membres des groupes de travail développement et ACP ont été interviewés. Pour
avoir une vue plus complète de ces questions, il faudrait également rencontrer des membres des autres groupes de travail
concernés.
La communication avait été adoptée la veille par la Commission
11
Conséquences méthodologiques : comment aborder l'analyse?
La récente réorganisation du Conseil n'est que la partie émergée (et provisoire !) de l’iceberg. Cette
réforme institutionnelle ne fait qu’amorcer le changement organisationnel qui serait nécessaire pour
permettre à l’Union européenne de jouer dans le monde le rôle politique que son poids économique la
mettrait en droit d’attendre. La question centrale de notre analyse est celle de la place de la
coopération au développement par rapport à cette future politique extérieure de l’Union Européenne.
La transition va continuer dans les années à venir selon des échéances très proches. La CIG formulera
et approfondira en 2003-2004 les avancées obtenues par la Convention. Puis 2004 verra l'accélération
de cette profonde mutation de l'Union Européenne et sa politique extérieure avec l'adhésion des
nouveaux Etats membres, les élections au Parlement Européen, la mise en place de la nouvelle
Commission Européenne.
Pour analyser la réorganisation du Conseil, il faut donc avoir une approche assez globale et historique,
qui puisse prendre en compte:
les leçons du passé;
- les débats en cours sur la coopération au développement (efficacité de l'aide, nouveaux
instruments tels que l'aide programme/aide budget) ;
- les questions clés traitées en cours à la Convention (présidence de l'UE, exercice des
responsabilités sur la politique étrangère);
- les scénarii possibles d'évolution institutionnelle dans la Commission Européenne et au Parlement
(éventualité de l’intégration des fonctions de la DG DEV au sein de Europe Aid et/ou Relex,
fusion des commissions DEV et AFET au PE).
12
Des opportunités et des risques pour la coopération au
développement
Le choc provoqué par la disparition du Conseil Développement pourrait jouer un rôle de catalyseur
pour lancer une dynamique de réaction au sein du Conseil. Ce momentum de changement peut être
une chance de saisir les différentes fenêtres d’opportunités offertes pour accroître la qualité et l’impact
des décisions de la politique de développement.
La nouvelle organisation dessine des fenêtres d’opportunités
Opportunité de cohérence : améliorer la cohérence et la coordination pour le système européen de
coopération à différents niveaux
•
Cohérence entre les logiques de “ développement ” et celles d’ordre géostratégique liés à la
PESC. Les services chargés de la mise en œuvre se sont trouvés confrontés à des injonctions
politiques aux priorités politiques parfois divergentes20. Par exemple en ce qui concerne les
modalités d’application de la lutte contre la pauvreté selon les PVD. Dans les pays ACP, les
allocations budgétaires de la coopération UE sont importantes par rapport aux budgets de ces pays.
Par conséquent, il a été possible d’appliquer la concentration sectorielle - dans les transports et
dans les secteurs sociaux21 - visant à assurer par un effet de levier financier, un plus grand impact
dans la lutte contre la pauvreté. Le contexte est différent dans le cas de la stratégie de coopération
de l'UE avec les pays méditerranéens. D’autres objectifs comme la sécurité, le contrôle des flux
migratoires et l'établissement d’une zone de libre échange influencent la mise en œuvre de la
coopération. Dans ce cas, la lutte contre la pauvreté se traduit plutôt par un volet social visant à
limiter les effets négatifs du libre échange dans les secteurs économiques les plus touchés. La
concentration sur les secteurs sociaux est plus limitée mais complétée par d’autres instruments22.
La possibilité de penser de façon stratégique et cohérente les adaptations de la politique de lutte
contre la pauvreté selon les caractéristiques géostratégiques des zones pourrait en améliorer
l’efficacité.
•
Cohérence entre les trois “ piliers ” de la coopération au développement : relations politiques,
commerce et coopération financière et technique. Les accords de coopération (sous leurs
différentes formes, accords d’association, accords régionaux) présentent tous à des degrés
variables ces trois composantes. La mise en place de zones de libre-échanges, ou l’ouverture des
marchés selon des modalités favorables aux PVD compatibles avec l’OMC domine la dimension
commerciale des partenariats. Le respect des Droits de l’Homme et de l’Etat de Droit guide le
chapitre politique des accords. Enfin la coopération financière et technique est mise en œuvre
selon un cadre stratégique pays ou région, qui a été harmonisé dans les différentes zones du
monde. La signature et la gestion des accords de coopération pourraient donc être simplifiées par
les nouvelles compétences formelles du GAERC. Les relations de l’Union Européenne avec
l’Union Africaine et ses relations avec les accords de Cotonou pourraient être traitées avec plus de
cohérence. De même pour préparer et conduire des sommets politiques (par exemple, le Sommet
20
Ceci sans minimiser l'effet des "cultures institutionnelles" différentes au sein des DG DEV et RELEX
D’après le Rapport annuel 2001 sur la mise en œuvre de la coopération communautaire. Les priorités directes pour la
santé et l’éducation, et l’accès à l’eau s’élèvent à 17, 5 % de montants programmés sur le 9eme FED (auxquels il faut
rajouter 21 % pour l’appui macroéconomique dont une grande part est allouée aux secteurs sociaux). Le secteur des
transports couvre lui 31 %.Au total l’ensemble de ces secteurs totalise 69.5 %
En termes de volumes, dans la programmation 2002-2004 pour les pays méditerranéens, 47,8% des ressources sont
allouées aux infrastructures sociales et à l’appui macroéconomique.
21
22
13
UE-Afrique) ou encore pour gérer les relations étroites qui existent entre commerce et
développement23.
•
Cohérence du message émanant de l’UE vis à vis des pays partenaires. Le traitement des
réactions politiques (consultations politiques en cas de manquement aux principes des droits de
l’homme ou de l’Etat de Droit) et techniques (programmation de la stratégie de coopération) sera
sous la responsabilité de la même structure, limitant ainsi les possibilités de contradictions24.
•
Coordination opérationnelle étendue. Une décision de coordination opérationnelle entre la
Commission et les Etats membres a été prise par le GAC de janvier 2002. L’application de cette
décision a été confiée à la Direction Générale RELEX, responsable de toutes les DCE. Ce qui
pourrait favoriser sa mise en œuvre.
Opportunité d’influence : augmenter le poids relatif de la coopération au développement dans les
décisions de l'Union. Dans le passé, les décisions concernant le Groupe des pays ACP étaient prises au
niveau du GAC qui disposait de peu de temps pour en discuter. Ces sujets “ ACP ” (préparés par le
groupe de travail ACP du Conseil) étaient faiblement considérés au sein de ce Conseil, de même que
les orientations de “ développement ”. De nouveaux événements tels que la préparation du sommet de
Monterrey ont montré tout d’abord l’intérêt politique international porté aujourd’hui à la coopération
au développement. Ils ont montré également l’efficacité d’un groupe de décideurs de la coopération
(ministres pour la plupart) pour mobiliser le Conseil “ Affaires Etrangères ” et le Conseil Eco-Fin afin
d’aboutir à des résultats tangibles. La nouvelle formation pourrait permettre de traiter ainsi à un niveau
plus pertinent (ou en position plus favorable par rapport au Conseil Eco-fin) des questions urgentes
comme la diminution/annulation de la dette, le financement du développement ou de négocier un
équilibrage entre politique de développement et des politiques communautaires comme l’Agriculture
ou la Pêche (avec l’équivalent de Conseil “ Jumbo ”). Enfin, ce ne sont pas uniquement les autres
politiques qui pourront influencer la coopération au développement, l’inverse sera également possible.
Opportunité de pilotage : Construire le lien entre les politiques de développement et les moyens
budgétaires à mettre en œuvre. Aujourd'hui les Ministres de Développement, n'ont pas d'influence
institutionnelle en ce qui concerne le budget de développement. Le Parlement Européen est par contre
beaucoup mieux organisé pour ce faire25. La réorganisation du Conseil a créé un momentum de
changement qu'il faudrait saisir26 pour améliorer la précision des orientations politiques, les modalités
de préparation du budget afin d’intégrer les priorités stratégiques qui en découlent sur le plan annuel.
Cet exercice pourrait logiquement s’accompagner de la définition des outils et modalités de suivi et de
mesure des résultats et de l'impact des actions de coopération.
Opportunité médiatique : Augmenter la visibilité de la coopération au développement européenne. La
couverture médiatique du GAERC est plus importante que celle dont bénéficiait le Conseil
Développement. En reliant la coopération au développement à de nombreuses questions majeures
auxquelles l'Union Européenne est confrontée aujourd'hui (place de l'Europe dans le Monde/ paix, flux
de personnes, globalisation), la visibilité médiatique de la coopération au développement pourrait être
améliorée.
Opportunité d’ouverture : Redonner des possibilités de réaction et d’innovation. Enfin, en mettant la
coopération au contact de débats sur d'autres politiques, en systématisant le croisement des
23
24
25
26
Ce thème qui est analysé dans une communication de la Commission Européenne, a déjà fait l’objet d’un premier
échanges de vues lors du GAERC du 30 septembre 2002.
Ce type de contradiction a été perçu au Zimbabwe. Le décalage entre les positions des Etats Membres dans le dialogue
politique en cours, s'est produit en même temps que la programmation technique du 9ème FED.
Cf. l’enjeu de l’équilibre interinstitutionnel décrit dans le chapitre 5
En particulier l’introduction par la décision de Séville, d’un programme stratégique trisannuel des activités du Conseil
d’un programme opérationnel annuel pourrait être utilisée dans ce sens. Voir l’encadré n° 1 pour la description des
conclusions de Séville.
14
thématiques, la nouvelle organisation pourrait favoriser l'éclosion de nouvelles idées et contribuer à la
rénovation de la nature et de la portée de la coopération au développement européenne.
Risques et contraintes
Mais aux côtés de cette vue assez optimiste, cette nouvelle configuration présente de nombreux
risques. Ils tiennent à la fois à des questions institutionnelles (faiblesses du nouveau Conseil,
dysfonctionnements inter institutionnels) ou à des questions plus globales (par exemple adhésion des
nouveaux Etats Membres, évolution de la coopération etc.)
Risque de virtualisation : Prédominance du niveau politique (d'orientation et de réglementation) ne
tenant pas compte de la mise en œuvre et des effets concrets de la coopération. Le suivi/évaluation de
la mise en œuvre demande en effet des discussions plus techniques qui nécessitent que du temps et de
l’importance leur soient consacrés dans la préparation du Conseil et lors de son déroulement. Le
déroulement du GAERC de septembre 2002 donne déjà quelques signaux négatifs à cet égard27.
Le suivi de actions de coopération devrait également comprendre l'analyse des conséquences pratiques
des décisions : Par exemple les conséquences de l’adoption d’un règlement financier28 sur les
modalités de coopération, d’une base légale sur le type d'action financées ou de la réforme de l’aide
extérieure sur la taille et la nature des programmes.
Enfin, la qualité des travaux du Conseil repose également sur l’organisation des groupes de travail et
comités du Conseil. Si ceux-ci ne sont pas organisés pour se concentrer sur des questions de fond et
disposer du temps et des compétences nécessaires, il est à craindre que cet aspect crucial de la mesure
de la mise en œuvre de la coopération ne puisse être traité de façon adéquate.
Risque d’assujettissement: Perte d'autonomie. L’intégration de l’agenda du développement dans celui
des Affaires Extérieures constitue une perte d'autonomie pour la coopération au développement
(reconnaissance d'une politique communautaire, stratégie et agenda propre). Elle confirme une
tendance déjà amorcée dans les Etats membres. Cette perte d'autonomie sera préjudiciable si la
politique extérieure de l'Union n'est pas basée sur des principes clairs de solidarité internationale et de
respect, de confiance envers les Etats et les sociétés partenaires, et de lutte contre la pauvreté sous ses
différentes formes. Enfin, la primauté des relations extérieures de l’UE dirigées aujourd’hui
essentiellement par un agenda à court terme de type événementiel risque de limiter la prise en compte
de la réalité de la coopération au développement qui est basée sur le long terme.
Risque de renationalisation de “ la vision ” de la coopération européenne. Les rencontres régulières
des responsables ministériels ont eu, avec le temps, des effets en termes de coordination entre Etats
membres, mais aussi de “ mise à niveau ” sectoriel, d’échanges. Même si ces acquis restent encore
insuffisants, ils sont à la base de la notion de coopération au développement européenne. Si la nouvelle
organisation ne permet pas de continuer ces rencontres régulières à haut niveau entre Commission et
Etats membres, il est à craindre que cette fragile construction en pâtisse.
27
28
L’échange de vues sur “ commerce et développement ” a été réduit à quelques dizaines de minutes en raison d’un retard
sur l’agenda de l’après-midi. Voir également l'encadré 1 page 9.
Le nouveau règlement financier ALA sera prochainement à l’ordre du jour du Conseil.
15
Comment utiliser la nouvelle formation de façon optimale ?
Options et conditions pour que la coopération au développement
bénéficie de ces opportunités
Les opportunités et contraintes majeures ne sont pas simplement liées à la nouvelle structure, elles sont
également parfois l’héritage du fonctionnement antérieur ou liées au fonctionnement du système
interinsitutionnel.
Une option minimaliste serait donc d’adapter simplement le nouvel agenda et d’apporter des légères
adaptations par rapport à l’ancien système ; de considérer qu’il s’agit juste d’intégrer le mieux possible
l’ancien Conseil Développement dans le GAERC, sans en modifier la nature des décisions et l’impact
dans les pays partenaires.
Option de base : Réorganiser au mieux l'agenda du développement au sein du GAERC en combinant
les avantages des deux formations:
La préparation de l’Agenda pourrait permettre de combiner deux approches :
• D'une part, favoriser la discussion à haut niveau sur la coopération au développement (deux
“conseils développement”au sein du GAERC par an).
• D'autre part, permettre les réactions à l'actualité en inscrivant des questions de développement de
façon suffisamment fréquente ou en intégrant ces questions de façon horizontale dans les
différents points de l’ordre du jour (afin d’assurer que les objectifs de la coopération au
développement ne sont pas contrecarrés par les décisions qui sont prises par ailleurs).
• Enfin, rendre systématiques et régulières les rencontres informelles des Ministres chargés de la
coopération29. D'autres formules de rencontre thématique et techniques pourraient être également
recherchées (initiative d'un Etat ou d'un groupe d'Etats membres invitant les autres ministres,
préparation d'évênements internationaux) etc.
Ces différentes approches supposent des modalités de préparation distinctes (organisation et
coordination des groupes de travail du Conseil) qui reposent dans les mains de la Présidence.
Des options plus ambitieuses pourraient être envisagées, pour dépasser les contraintes de l’ancienne
formation et donner corps aux nouvelles opportunités. C’est à dire pour améliorer la qualité et la
portée des orientations politiques de la coopération européenne et pour assurer qu’elles aient un impact
opérationnel. Dans cette optique, une série de conditions de portée plus large devraient accompagner
ce mouvement de “ réformes ” au niveau du Conseil.
Organisation et coordination au sein des Etats membres. D’une façon globale, cet effort de
coordination devrait être important à la fois dans les capitales et à Bruxelles.
• Coordination au niveau intra-gouvernemental. Les ministres de la coopération qui auront été à
priori mandatés par les ministres des Affaires Etrangères ou des Finances, de l’Agriculture auront
plus de poids dans les discussions avec leurs pairs au Conseil. De même, si c’est le Ministre des
Affaires Etrangères qui se déplace au GAERC, il ne pourra défendre les intérêts spécifiques de la
Coopération au développement que si les services ont été efficacement coordonnés auparavant.
• Cette coordination est également importante pour la cohérence des groupes de travail. Par
exemple, la question se pose de la coordination entre les services des Finances et du Trésor dont
sont issus nombre de membres du groupe ACPfin, et ceux issus des administrations du
développement.
29
Le Conseil d'Helsinki avait restreint ce type de rencontre à des rencontres entre Ministres qui ne se rencontrent pas dans
une formation propre. Cette méthode n'a pas été modifiée dans les décisions du Sommet de Séville.
16
•
La qualité de cette coordination repose bien entendu sur la responsabilité de chaque Etat
membre30. In fine, ces responsabilités individuelles influencent la qualité globale du débat
européen.
Meilleures conditions de fonctionnement des groupes de travail du Conseil pour améliorer la
préparation des décisions. La situation risque de devenir encore plus complexe avec le traitement
horizontal de la politique extérieure de l’UE. La multiplication des politiques et la prise en compte
d'un plus grand nombre d'avis entraîneront un besoin accru de coordination entre les groupes de travail
d’horizons différents. Par exemple, entre le groupe développement et le comité 133 pour les questions
liées au commerce et développement. Il paraît crucial qu’une rationalisation des groupes de travail soit
entreprise pour s'adapter à cette complexification de l'agenda. En particulier, le découpage entre
certains groupes comme le groupe ACP (Ier pilier) et groupe Afrique (IIème pilier) pourraient être revus.
Il sera nécessaire de faire un choix géostratégique sur la priorité à donner au groupe des Etats ACP
partenaire de l'UE (et aux accords de Cotonou) ou au contraire à une approche plus continentale
considérant l'enjeu de l'Unité Africaine, comme étant primordial. La première option pourrait voir un
groupe ACP élargi aux questions politiques. La seconde, un groupe Afrique traitant à la fois le Ier pilier
et le IIème pilier. Les questions concernant les Caraïbes seraient traitées avec le groupe Amérique
latine, et le Pacifique éventuellement avec le groupe Asie.
"Agenda unifié" de coopération au développement. La nouvelle organisation pourrait permettre de
définir un Agenda unifié de coopération au développement. Cet agenda pourrait distinguer :
• Un cadre temporel adapté aux enjeux de la coopération: le temps de la coopération est un temps
"long" (en termes d'impact et d'effets des politiques sectorielles, des programmes d'intervention,
de changement durable des conditions de vie des populations etc.). Dans le cadre des Relations
extérieures de l'UE par contre, le temps de réaction est souvent très court en lien réactif avec les
événements. L'agenda unifié de coopération devrait tenir compte de cette particularité de la
politique de développement, en distinguant des niveaux d'objectifs à long, moyen et court terme31.
• Une stratégie globale horizontale intégrant les aspects politiques, commerciaux et techniques de la
coopération au développement: Des mécanismes permettant d’assurer la cohérence de la conduite
de cette stratégie devraient être proposés. Les responsables de la coopération au développement
devraient avoir un droit de réaction et de négociation lorsque les orientations prises dans les autres
domaines de la Politique Extérieure s’avéreraient contraires aux intérêts de la coopération au
développement (de même pour les responsables des autres politiques).
Cohérence et continuité entre orientations politiques, stratégies, outils de pilotage et de suivi de la
mise en œuvre (moyens et utilisation de ces moyens). Elaborer un tel Agenda unifié pourrait conduire à
préciser les résultats attendus et mesurables des différents objectifs stratégiques. La traduction
budgétaire de ces orientations stratégiques devrait alors être réalisée. Ceci signifie un travail conjoint
avec les structures chargées de l’élaboration du budget. Il faudrait également définir des outils de
mesure des résultats32, d’écoute des partenaires, d’information pour les travaux du Conseil.
L’utilisation des instruments existants tels que le rapport annuel sur l’aide extérieure, les différents
rapports d’évaluation de la Commission, pourrait être optimisée. Le calendrier des travaux en
découlerait également selon un chronogramme à redéfinir (dates de sortie du rapport annuel, fonction
du débat d'orientations par rapport à ce document etc33.). Enfin, l’organisation des groupes de travail
pourrait être adaptée à un tel changement. Ne serait-il pas possible d’envisager une simplification des
groupes de travail géographique et la création de groupes de travail spécialisés dans la mise en œuvre
(par exemple : suivi des stratégies pays et des résultats et de l’impact des programmes pluriannuels).
30
31
32
33
De sa responsabilité, et de ses capacités liées entre autres à la taille de son administration.
L'agenda devrait par exemple comporter des lignes d’orientation à long terme (par exemple : impact quantitatif et
qualitatif de la mise en œuvre des CSP ou mise en œuvre d’une résolution thématique sur 5-10 ans ou plus), des lignes
d’orientation à court terme (résultats des mid-term reviews à terme 2,5 ans , performances de la réforme de l’aide
extérieure en termes de gestion financière de Europe Aid, avec un terme de 1-3 ans), des prévisions annuelles (par
exemple portant sur le budget de l’aide extérieure ou des prévisions annuelles pour le FED).
Outils de planification, de reporting, d'évaluation et de contrôle de la mise en œuvre de ces orientations.
Ces questions sont étudiées actuellement au sein du groupe développement
17
La concrétisation de ces options plus ambitieuses supposerait une grande prise de responsabilité des
Présidences dans cette volonté réformatrice. C’est en effet à ce niveau :
• que la conception de l’Agenda unifié pourrait être envisagée puis mise en œuvre (en l’intégrant
dans le programme de travail glissant),
• que la réorganisation des groupes de travail pourrait être amorcée.
Il n’est pas impossible que la CIG décide une telle rationalisation ; il serait pertinent de s’y préparer.
En tout état de cause, même pour l’organisation de l’agenda des prochains Conseils, le rôle de la
présidence sera fondamental.
Enfin, nous retiendrons une dernière condition qui concerne également d’autres Institutions où la
réflexion est plus ou moins entamée. La Commission Européenne, chargée de la mise en œuvre de la
coopération, est l’institution qui a initié la réforme de l’aide extérieure. Au Parlement, il ne semble pas
y avoir encore de réflexion formelle sur la nécessité d’adapter les modalités de travail en fonction de
cette réforme.
Cohérence de la logique au niveau décisionnel (organisation au niveau du Conseil, nouvelles
relations avec le Parlement) avec l'organisation opérationnelle. L’agenda unifié de développement
verrait son impact limité si les structures exécutives perdurent dans une coupure "culturelle" et
pratique au sein des Institutions.
• Poursuite de la réforme de la Commission (en particulier ré-équilibrage du traitement des ACP).
Longtemps favorisé en ce qui concerne la mise en œuvre de la coopération financière et technique,
le secteur ACP souffre aujourd'hui d'une carence en ressources humaines au sein de Europe Aid34,
d'une faiblesse des compétences politiques des personnels géographiques35, d'une déconcentration
moins avancée36.
• Poursuite des réflexions informelles menées au Parlement sur l'efficacité du découpage actuel des
sous-commissions liées au affaires étrangères (le commerce international est traité au fond dans
la commission commerce et industrie, la Commission du Développement n’est pas compétente au
fond pour les accords avec les pays non-ACP), ainsi que remise en perspective de l'Assemblée
plénière (C'est au niveau de cette assemblée, sans que cela ne soit discuté dans les Commissions
compétentes que sont traitées les questions d'urgence y compris celles qui peuvent concerner la
coopération au développement).
34
35
36
Les Bureaux d'Assistance Technique (BAT) ont été intégrés dans EUROPE AID, renforçant d'autant les ressources
humaines de l'Office. Cependant la plupart des BAT étaient actifs en Méditerranée, Asie et Amérique latine. La direction
C de Europe Aid n'a donc quasiment pas bénéficié de ce renforcement de personnel.
Liée à la tradition institutionnelle de la coopération UE-ACP, très liée à l'origine à la coopération financière et technique
La troisième phase de la déconcentration en 2003 corrigera ce déséquilibre.
18
Pistes opérationnelles
Quelques actions prioritaires peuvent être proposées pour les mois à venir :
Etablir un code de conduite pour la coopération au développement, assorti d'un mécanisme
d'équilibrage. Afin de cadrer la place de la coopération au développement au sein du nouveau Conseil,
il pourra être utile de s’entendre sur un “ gentleman's agreement ”, informel qui définirait les modalités
de fonctionnement du nouveau Conseil en termes d’agenda, des conditions de préparation, du temps
minimum à allouer à la politique de coopération au développement. Un tel code de conduite pourrait
se baser sur les principes de base la coopération au développement de l'UE. Il pourrait mentionner les
réformes à entreprendre ainsi que le mécanisme permettant d'assurer un bon équilibre du traitement
des différentes politiques. Ce mécanisme devrait permettre d'assurer que les principes soient
systématiquement pris en compte dans toute décision liée aux relations extérieures (PESC, coopération
au développement, commerce). Ce mécanisme devrait prévoir un droit de réaction lorsque dans l'un
des domaines, les décisions politiques s'avéreraient contraires aux objectifs de développement socioéconomique des pays partenaires.
Suivre et analyser dans la durée le déroulement du GAERC. Les premières indications sur la façon
dont la politique de coopération au développement est prise en compte au Conseil ne sont pas
suffisantes. Il serait utile d'analyser la succession des GAERC dans ce sens et de voir dans quel mesure
ce gentleman's agreement est pris en compte.
Faire l'analyse des compétences précises en termes de développement des différents groupes de
travail afin de préparer la rationalisation du fonctionnement des groupes de travail. Il pourra être utile
de faire un exercice de remise à plat des différents groupes de travail traitant de la coopération au
développement (concernés, de façon directe on indirecte), de leurs fonctions formelles et pratiques.
L’expérience de la fusion des groupes du premier et deuxième pilier pour l’Amérique latine et l’Asie
en 1999 a montré des avantages en termes de coût/efficacité, de cohérence entre politique et
développement. Mais elle a montré également combien il était complexe de modifier ne serait - ce que
de façon partielle des habitudes administratives (variations dans la présidence de ces groupes, fusion
partielle etc.). Avant que de lancer une fusion du même type entre le groupe Afrique et le Groupe ACP
(ce qui ne manquera pas de créer de nouvelles complexités liées à la différente de couverture
géographique), il semblerait pertinent de faire l’analyse plus globale de tous les groupes concernés en
fonction de l’élargissement des thématiques qui a commencé afin de proposer in fine des solutions
viables et efficaces. Cette analyse serait un préalable pour faire évoluer les modalités de travail au sein
du Conseil.
Etudier les conditions et options possibles pour un Agenda unifié de la coopération au développement.
Cette étude proposerait également des modalités d’organisation et des chronogrammes pour les
activités annuelles et pluriannuelles du GAERC concernant la coopération au développement
Organiser une discussion informelle entre les Ministres de la Coopération sur les enjeux de la
poursuite de la réforme de la coopération au développement au sein du Conseil. Les ministres de la
coopération pourraient être alertés sur ces questions qui paraissent de prime abord assez technique,
mais qui touchent les fondements de la politique européenne de coopération au développement.
L’ordre du jour de leurs discussions pourrait porter sur les pistes opérationnelles et les grands enjeux
de la poursuite de la réforme amorcée au Conseil. Leur niveau d’implication dans ce nouveau chantier
constituera un signal positif de leur intérêt pour la coopération européenne. Pratiquement, il serait
possible d’établir un agenda de discussions lors d’un prochain GAERC ou d’une rencontre informelle
des ministres et secrétaires d’Etat chargés de la coopération.
19
Enjeux et débats pour la poursuite des réformes de la
coopération
“ Il faut marquer l’essai ”. Cette formule empruntée au rugby illustre que le changement institutionnel
qui vient de se produire n’est qu’un premier pas. Le mouvement de réformes qui a été amorcé d’abord
au sein de la Commission Européenne puis au niveau du Conseil devra être poursuivi pour donner à la
coopération au développement les moyens d’être une politique efficace et de premier plan dans les
relations extérieures de l’Union Européenne. Elle devra fait face à une série de défis et de grands
débats qui la conditionneront dans les années à venir. Faire avancer la coopération au développement
reposera sur la capacité de les prendre en compte et d’y apporter une réponse.
Reconnaître les objectifs spécifiques de la coopération et des moyens/modalités nécessaires à la
réalisation de ces objectifs dans la révision des Traités. Ce débat a commencé dans le groupe de
travail Action Extérieure de la Convention Constitutionnelle. Il sera poursuivi en plénière. De
nombreuses questions portant sur les institutions et les structures ont été analysées et ont fait l'objet de
propositions. Mais il ne semble pas qu'il y ait eu débat sur leurs conséquences sur la politique de
coopération.
• Une part essentielle des travaux du groupe de travail a porté sur les équilibres et préséances entre
les institutions européenne. D’après les conclusions de ces travaux, un "Ministre" européen des
Affaires Etrangères37 pourrait être nommé. Si celui-ci pouvait utiliser les moyens du budget38,
qu'adviendra-t-il de l'autonomie de gestion de la coopération par rapport aux questions purement
politiques des affaires étrangères ? Quelles seront alors les conditions à assurer pour la
coopération reste autonome du point de vue budgétaire ?
• De qui dépendra la conduite de l'agenda de la politique extérieure et de la coopération au
développement ? C'est la structure retenue qui sera alors responsable de la qualité de l'agenda
coopération au développement. Que se passera-t-il si cette structure ne considère pas les besoins
spécifiques de la coopération au développement ?
• Y aura-t-il une représentation unique de l’Union Européenne dans des instances internationales
comme le Conseil de Sécurité des Nations Unies ou dans le Board de la Banque mondiale39 ?
Le rapport final du groupe de travail considère que la politique de développement est un élément de la
stratégie globale de l'Union vis à vis des pays tiers40.En ce qui concerne la coopération au
développement, les recommandations du rapport sont limitées à la simplification des instruments
administratifs et au support à la budgétisation du FED. Par ailleurs, il “ insiste sur la nécessité
d'assurer la cohérence entre coopération au développement et d'autres aspects de l'action extérieure de
l'UE, ainsi que les aspects extérieures des politiques internes41 ”.
Enfin, il est parvenu à un accord sur le texte définissant les principes et objectifs de l'action extérieure
de l'Union européenne. Par contre, il n'y a pas de consensus sur le statut de ce texte dans le futur
Traité.
37
38
39
40
41
La Convention travaille sur l'évolution des rôles actuels du Haut représentant et du Commissaire chargé des Relations
Extérieures. Le groupe de travail Relations extérieures a travaillé sur plusieurs options pour le nouveau représentant
européen, qui pourrait être à la fois mandaté par et responsable devant le Conseil, et Membre de la Commission. Une
nouvelle formule hybride, inédite dans l'histoire institutionnelle européenne.
Voir "financing CFSP p 27-28 du rapport du groupe de travail Relations Extérieures de la Convention
L'idée de représentation au Conseil de sécurité des Nations Unies proposée par certains au début des travaux du groupe a,
semble-t-il, été totalement écartée. Par contre, en ce qui concerne les institutions financières internationales, il est
proposé d'analyser la question plus en détail.
Rapport final p 9.
Dans une note du 13 novembre 2002 sur la coopération au développement et la politique extérieure dans l’Europe future,
Mirjam van Reisen souligne les dangers de démantèlement du principe de cohérence.
20
Encadré 3: Recommandations du groupe de travail “ action extérieure de l'UE ”
Principes et objectifs de l'action extérieure de l'UE
L'action de l'Union sur la scène internationale s'inspirera des valeurs fondamentales suivantes qui ont présidé à
sa création, à son développement et à son élargissement et qu'elle visera à promouvoir dans le reste du monde: la
démocratie, l'Etat de droit, l'universalité et l'indivisibilité des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les
principes de la dignité humaine, de l'égalité et de la solidarité et le respect du droit international conformément
aux principes de la Charte des Nations Unies. L'union s'efforcera de développer des relations et de construire des
partenariats avec les pays et avec les organisations régionales ou mondiales qui partagent ces valeurs. Elle
favorisera des solutions multilatérales aux problèmes communs, en particulier dans le cadre des Nations Unies.
L'Union européenne définira des politiques communes et des actions de l'Union et œuvrera pour assurer un degré
de coopération maximale dans tous les domaines des relations internationales afin de:
• Sauvegarder les valeurs communes, les intérêts fondamentaux, l'indépendance, et l'intégrité de l'Union
• Consolider et soutenir la démocratie; l'Etat de droit, les droits de l'homme, et les principes du droit
international
• Préserver la paix, prévenir les conflits et renforcer la sécurité internationale, conformément aux principes de
la Charte de Nations Unies
• Soutenir le développement économique et social durable des pays en développement dans le but essentiel
d'éradiquer la pauvreté, en particulier dans les pays à faible revenu
• Encourager l'intégration de tous les pays dans l'économie mondiale, y compris par la suppression
progressive des obstacles au commerce international
• Elaborer des mesures internationales pour préserver l'environnement et les ressources naturelles mondiales
et assurer un développement durable
• Aider les populations , les pays et les régions confrontées à des catastrophes d'origine humaine ou naturelle
• Promouvoir un système international basé sur une coopération multilatérale renforcée et une bonne
gouvernance mondiale.
Assurer que le poids politique accordé à la coopération au développement sera confirmé au niveau
financier. La primauté de “ l’ordre financier ” sur “ l’ordre politique ” peut être constatée à différents
niveaux:
• Au niveau de l'Union: lorsque les perspectives financières de l’Union prévoient une part
décroissante du budget alloué aux ACP par rapport aux montants réservés pour d’autres régions.
• Au niveau du Conseil: par exemple entre GAC et ECOFIN, légalement le GAC a pour mission de
préparer un sommet européen, et donc se trouve dans une position plus favorable que le Conseil
ECOFIN ; dans les faits, c’est ce dernier qui fait les arbitrages sans forcément tenir compte des
besoins de la coopération. Cette préséance se retrouve également dans les choix faits lors de
l’élaboration du budget communautaire.
• Au sein des Etats membres: Au niveau national les Ministres des Affaires Etrangères n’ont pas un
pouvoir financier à la mesure de leur place protocolaire.
• Au sein des institutions financières internationales: Ce sont les ministres de finances qui siègent
dans les instances d’orientation et de décision de ces institutions, pas les ministres des Affaires
Etrangères ou de la coopération.
Développer un pôle d'excellence de la coopération européenne, à la mesure de ses capacités
d'intervention. Dans le système de coopération internationale, les institutions de Bretton Woods,
jouent un rôle de moteur pour l’établissement de relations avec un PVD, dans la définition des
modalités générales de coopération (types de réformes économiques, type d’aide aide sectorielle par
exemple, stratégie de lutte contre la pauvreté - PRSP- etc). Etant donné la place des pays de l'UE dans
ces institutions, une coopération européenne intégrée et coordonnée pourrait constituer un pôle
d'innovation qui pourrait orienter la coopération internationale. Le groupe de travail action extérieure
de la Convention, donne un premier signal encourageant dans cette direction. Ses Membres Eurozone
21
ont exprimé leur appui pour une représentation unique des pays de l'Eurozone dans les institutions
financières internationales. La Commission est invité à analyser cette question et formuler des
propositions42.
Dans les prochaines années, le défi sera pour les décideurs en charge de la coopération au
développement de trouver dans le nouveau paysage institutionnel, les moyens d’influencer plus
directement les choix budgétaires que ce soit par le biais du processus d’élaboration du budget comme
nous l’avons vu, mais aussi dans les perspectives financières de l’Union, dans l’éventuelle
budgétisation du FED.
Veiller à la cohérence et à l’équilibre fonctionnel des institutions dans la conduite de la coopération
au développement. Les résultats de la Convention redéfiniront peut être ces équilibres.
• Aujourd’hui, dans la pratique le Conseil semble avoir plus d’influence que le Parlement Européen
sur les orientations thématiques (policy) de la coopération mais sans réels moyens d’assurer le
pilotage et le contrôle de sa mise en œuvre. Le Parlement a, de son côté, tenté d’influencer les
politiques par des marquages sectoriels dans le budget de la coopération43.
• Le Parlement dispose, lui, d’une plus grande marge de manœuvre (dans ses commissions
spécialisées - en particulier la Commission Développement et Coopération) pour influencer la
répartition budgétaire (les moyens des politiques) et les appuis plus ciblés qui peuvent initier des
politiques qui viendront par la suite44.
• La troisième clé des futurs équilibres se trouve au sein des Etats membres. Les Ministères de la
coopération sont de plus en plus fréquemment intégrés au Ministère des Affaires Etrangères. Au
delà de cet enjeu de coordination intra-gouvernementale qui a été évoquée plus haut45, la prise en
compte du rôle des Parlements Nationaux constitue un nouveau défi pour la visibilité de la
coopération européenne vis à vis des opinions publiques nationales46.
L’équilibre inter-institutionnel est un des points centraux des débats actuels sur l’avenir de l’Europe. Il
revêt une importance d’autant plus cruciale que l’arrivée des nouveaux Etats membres modifiera
considérablement la situation. Il pourrait changer profondément la définition et la mise en œuvre des
politiques de coopération.
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45
46
En particulier sur les modalités d'articulation entre une représentation unique et les obligations incombant aux Etats
Membres
Tentative de 2002 qui n’a pas abouti
Par exemple c’est le Parlement qui a porté la création de la ligne budgétaire Droits de l’Homme
Voir chapitre 3.
Qui reçoivent dans certains pays des messages contradictoires ou dépréciatifs sur la coopération européenne, par le biais
de leurs propres ministres.
22
Conclusions
La réorganisation du Conseil décidée au Sommet de Séville a entraîné la disparition du Conseil
Développement de l'Union Européenne. La décision, prise sans consultation, a généré une frustration
d'autant plus grande qu'elle s'inscrit dans un mouvement plus vaste de réorganisation qui semble
affirmer la primauté de la nouvelle politique étrangère européenne. Primauté qui s'exerce au détriment
de cette politique "traditionnelle" et ancrée dans l'histoire de l'intégration communautaire.
Cependant, cette réorganisation peut être aussi l'occasion de faire un bilan du Conseil Développement
"ancienne formule" . Les éléments forts de cette formation (force d'impulsion des politiques, espace de
débat qui a permis la constitution progressive de la notion de coopération européenne) devront être
reconduits et étendus à l'avenir, sous une forme ou sous une autre. Par contre la nouvelle organisation
devra permettre d'en dépasser les limites (qui portaient essentiellement sur son faible pouvoir et son
impact limité au niveau de l’élaboration et le suivi de la mise en œuvre et du budget communautaire).
Elle peut offrir des perspectives d’influence et de visibilité de la coopération au développement dans
les décisions politiques de l’Union. Elle ouvre des fenêtres d'opportunités pour renforcer l'efficacité de
la politique de coopération par le biais de la cohérence (entre politiques, entre volets de la coopération
etc.). Il serait également possible d'en tirer partie pour développer les capacités de pilotage stratégique
(lien entre les stratégies de coopération et les moyens de les mettre en œuvre, moyens de
suivi/évaluation) au sein d'une enceinte renouvelée plus propice aux échanges et mieux couverte par
les médias.
Ceci étant, le risque d'un assujettissement de la coopération au développement, une politique forte ou
potentiellement forte (première coopération du monde), à une politique extérieure encore faible47 est
réel (en termes d'agenda, de priorité donnée au court terme au détriment du structurel, de priorités
budgétaires, de balance entre coopération communautaire et coopération billatérales). Il s'y ajoute le
risque de ne pas parvenir à adapter cette structure politique afin qu’elle soit apte à suivre et évaluer la
réalisation concrète des orientations qu'elle prône.
Les modalités de réorganisation du nouveau Conseil (préparation, agenda etc.) reposent sur la prise de
responsabilité de la Présidence. Les travaux en cours de la Convention puis de la CIG devront
proposer des modalités de fonctionnement de la Présidence qui seront les plus efficaces dans une
Europe élargie. Quelle qu'en soient in fine les conclusions, la Présidence portera la responsabilité de la
place de la coopération au développement dans le Conseil Relations Extérieures48. C'est à son niveau
que devront être prises certaines des mesures préconisées dans ce rapport. Ceci étant, certaines des
mesures proposées peuvent être prises à d'autres niveaux (par un ou plusieurs Etats membres par
exemple).
Tout d'abord, ces mesures sont proposées sous forme d'options "minimales" portant sur les modalités
d'organisation de l'agenda des rencontres formelles et informelles. Ensuite, l'approche pourrait être
plus pro-active, avec une meilleure organisation au sein des Etats membres, une meilleure
correspondance entre logiques décisionnelles et opérationnelles (réorganisation de l'agenda, du
reporting etc.), une réorganisation des groupes de travail au Conseil, voire des réorganisations dans les
autres institutions.
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"politique souvent dictée par la position la moins ambitieuse d'un EM", draft intermediate report du groupe de travail
relations extérieures de la Convention . (8.11.2002)
Si le Conseil Affaires Générales et Affaires Extérieures est effectivement scindé en deux Conseils. Sinon, la
responsabilité s'appliquera dans le cadre du Conseil Affaires Générales et Relations Extérieures.
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Enfin, le rapport propose une série d'actions prioritaires pour l'année qui vient: L'établissement d'un
code de conduite pour la coopération au développement au sein du nouveau Conseil; le lancement
rapide de deux analyses, l'une pour préparer la nécessaire réorganisation des structures internes du
Conseil, l'autre pour lancer un nouvel agenda unifié de la coopération au développement. Ces mesures
(ou certaines d'entre elles) pourraient être débattues rapidement entre les ministres de la coopération.
***
Des défis de taille continuent d'hypothéquer l'avenir de la coopération européenne. La Convention
constitutionnelle offre, pour l'instant, un espace approprié pour commencer à y répondre.
Malheureusement, les premiers résultats, en particulier ceux du groupe de travail action extérieure,
montrent combien la coopération au développement est restée marginale dans les débats. Une
consultation ouverte avec la société civile, les milieux professionnels et en particulier ceux issus des
pays bénéficiaires de l’aide extérieure aurait peut-être permis d’aller plus loin. Les travaux de la
Convention ne sont pas clos, la Conférence Intergouvernementale débutera en 2003, est-il encore
temps de donner à la coopération eu développement européenne son rôle moteur dans la politique
étrangère de l'Union Européenne ?
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Références
Council of the European Union, Measures to prepare the Council for Enlargement, report by the
presidency to the European Council (drawn up with the Secretariat of the Council). Brussels,
9939/2, 13 juin 2002 (14.06) (OR.fr) 11 pages
Conclusions de la Présidence, Conseil Européen de Séville, 21 et 22 juin 2002, SN 200/02
The European Commission, COM (2002) 247 final. Communication de la Commission , un projet
pour l’union européenne, Bruxelles, le 22 mai 2002.
The European Convention, the secretariat, Working group VII -External action. Working document 21
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The European Convention, the secretariat, Mandate of working group VII on external action, Working
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Constitutionnel, CONV 369/02
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University, Belgium, Department of Political Science, Paper for 1st Pan-European Conference on
European Union Politics, 26-28 septembre 2002.
Van Reisen, Mirjam. Redefining Europe’s role in the world, Development cooperation and external
policy in a future Europe. Presentation prepared for the Round table on the future of EU
Development Co-operation by Eurostep/CLONG Bruxelles, le 13 novembre 2002.
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