Quand la langue d`origine rencontre la forme scolaire - Projet Pluri-L

Transcription

Quand la langue d`origine rencontre la forme scolaire - Projet Pluri-L
Quand la langue d’origine rencontre la forme scolaire : le cas
du tahitien en Polynésie française.
Marie SALAÜN
Université Paris Descartes et
Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux (Sciences
sociales, Politique, Santé)1.
Pour l’observateur extérieur, la situation de la langue tahitienne en
Polynésie française est pour le moins paradoxale. « Plus de prestige,
moins de locuteurs », tel était le constat réalisé il y a quelques années
par deux linguistes (Paia, Vernaudon, 2002) à propos du reo Tahiti.
Langue des débats à l’Assemblée locale, langue d’une élite lettrée,
langue dont une maîtrise minimale est obligatoire pour se présenter aux
concours de la fonction publique… le tahitien est aussi en passe de
devenir si ce n’est une langue « en danger », du moins une langue dont
la transmission dans le cadre familial n’est plus assurée. Une enquête
menée sur les îles de Tahiti et Moorea en septembre 2009 concernant
110 enfants de CP a montré que seulement 8% des mères choisissaient
de s’adresser uniquement en tahitien à leur enfant, 16,5% dans un
mélange de français et de tahitien, le reste, soit une large majorité, ne
communiquant qu’en français (Nocus et al., 2010). Dès lors, les bonnes
raisons d’enseigner le tahitien en contexte scolaire ne manquent pas.
Que l’on envisage la promotion d’un patrimoine linguistique autrement
menacé (Fishman 1991, Skutnabb-Kangas 2000), la promotion de la
réussite scolaire par le développement d’un bilinguisme additif
(Bialystok 2001, Cummins 2000), ou encore, la démocratisation de
l’accès à une ressource en passe de devenir rare, notamment par la
maîtrise de l’écrit dans la langue (Pambrun 2003, Salaün 2011).
De fait, les Langues et Culture Polynésiennes sont inscrites à l’horaire
obligatoire de l’enseignement primaire depuis 1982 à raison de 2h40
hebdomadaires. Plus récemment, une nouvelle impulsion a été donnée à
cet enseignement, qui s’est traduite, entre autres, par la réalisation de
deux expérimentations : une première entre 2005 et 2008 visant à
mesurer les effets d’un volume horaire de 5 heures hebdomadaires en
maternelle, suivie d’une seconde, entre 2009 et 2011, auprès d’une
cohorte d’élèves de CP et de CE1, l’accent étant mis cette fois sur
l’entrée dans l’écrit simultanée en français et en tahitien.
Les données empiriques qui vont être présentées dans cet article sont
1
Unité mixte de recherche 8156-997 CNRS, Inserm, EHESS, Paris
[email protected]
181
issues d’une enquête qualitative menée auprès de parents impliqués
dans le cadre de la seconde expérimentation, dont l’évaluation a été
financée par l’ANR dans le cadre d’un projet intitulé ECOLPOM (pour
Ecole plurilingue outre-mer2). La justification d’une telle enquête est
simple : comme toute innovation, l’introduction du tahitien à l’école ne
se réalisera qu’à condition de rencontrer l’adhésion des agents de
l’institution elle-même (les équipes pédagogiques notamment) et celle
des familles. S’il n’y a pas « d’inversion du changement linguistique »
(Fishman, 1991) sans soutien des familles, on sait désormais aussi que
les inégalités devant l’école résident davantage dans les différenciations
d’ordre social et familial que dans les disparités d’ordre matériel ou
pédagogique entre les établissements : la réussite scolaire est corrélée à
l’intérêt porté aux études et aux encouragements reçus des les parents
beaucoup plus qu’à toute autre variable (matérielle ou « culturelle » –
position socioéconomique, niveau d’instruction des parents, etc.,
(Coleman et al. 1966, Cherkaoui 1978). Le problème ici est qu’on ne
peut préjuger en rien de cette adhésion des parents, dans la mesure où
leur propre expérience en tant qu’élève a été marquée par l’association
entre la réussite (scolaire et professionnelle) et la maîtrise de la langue
française et d’elle seule. Il n’est pas évident non plus que ces parents
aient fait le deuil d’une représentation des fonctions de l’école qui lui
assigne pour tâche de transmettre « des savoirs [que les élèves] ne
peuvent acquérir ailleurs qu’à l’école » (Charlot, Bautier, Rochex 1992 :
25). Si les analyses institutionnelles mettent spontanément en avant des
discontinuités culturelles entre la famille et l’institution pour expliquer
la prévalence de l’échec scolaire (pour un exemple de ce type de
perspective voir Inspection Générale de l’Education Nationale 2007),
force est de constater que le rapport à l’école des familles polynésiennes
est resté un point aveugle. Lever le voile sur les représentations
parentales est donc une priorité. Dans un contexte caractérisé par un
cloisonnement entre langue dominante/langues locales, langue
officielle/langues de l’intimité, langue écrite/langues de l’oralité,
l’accession de la langue d’origine au statut de langue d’enseignement,
au-delà du processus de normalisation/standardisation qu’elle impose,
pose un certain nombre de questions (Salaün, à paraître). Ce texte
abordera deux d’entre elles. En quoi la présence de la langue d’origine à
l’école se traduit-elle par une révision des pratiques linguistiques
familiales ? En quoi la scolarisation de la langue et la formalisation de
l’informel, notamment celle des « savoirs autochtones », change-t-elle
le rapport à l’école ?
Ces questions seront abordées en trois temps. On s’intéressera pour
2
http://www.ecolpom.univ-nantes.fr/
182
commencer aux justifications de la non-transmission du reo Tahiti à la
maison, en l’interprétant en termes d’exclusion des enfants. On verra
ensuite comment ce qui se fait à l’école revient à la maison, en évoquant
l’incidence d’une présence renforcée de la langue à l’école sur les
échanges entre parents et enfants. On interrogera ensuite un malentendu
autour de la nécessité de rendre l’école « familière » : primo mobile de
la prise en compte des langues et culture d’origine, cet attendu des
réformes en cours est probablement moins consensuel qu’on ne
l’imagine.
Section 1. Des enfants exclus du tahitien
Paia et Vernaudon ont qualifié la situation linguistique polynésienne de
« contrastée » (Paia, Vernaudon, 2002). Alors que « les instances
politiques et scientifiques contemporaines de Polynésie française se
plaisent à saluer la vitalité du tahitien » (Ibid. : 395), les auteurs
soulignent que les estimations mettant en avant la vitalité du tahitien
« ne s’appuient cependant sur aucune véritable enquête linguistique »
(Ibid. : 396). Et d’ajouter « il nous semble qu’un test de compétence
révèlerait une grande hétérogénéité de niveaux, avec sans doute une
forte proportion de semi-linguisme ». Le volet sociolinguistique du
programme ECOLPOM n’avait aucunement l’intention de pallier cette
absence de données empiriques quantitatives au sens où la rencontre
avec les parents des élèves de CP impliqués dans le dispositif
expérimental de 5 heures de tahitien par semaine visait moins à
renseigner les pratiques, qu’à identifier la trace d’une « politique »
linguistique familiale et à voir si les échos de ce qui se fait à l’école
incitaient à mettre en place une telle politique (quand elle était absente)
ou à l’infléchir (quand elle existait). Les questions posées aux familles
dans le cadre d’entretiens visaient donc moins à faire un « état des
lieux » qu’à chercher les signes d’une évolution dans la transmission du
tahitien en famille, transmission dont on sait par ailleurs qu’elle est à la
fois la plus efficace quand les parents sont capables de transmettre une
langue qu’ils maîtrisent eux-mêmes et aussi la plus compromise, en
pratique, si l’on considère l’érosion de la pratique du tahitien comme
langue première au bénéfice du recours systématique à la langue
française, ou plutôt à une langue « mélangée » parmi les jeunes
générations. Paia et Vernaudon insistent : « Les parents dont la langue
première est le tahitien ont donc une lourde responsabilité : c’est d’eux,
de leur détermination à parler la langue qu’ils connaissent le mieux à
leurs enfants et de leur vigilance normative, que dépend véritablement
la pérennité du tahitien. Ce choix, anonyme et discret, renouvelé lors de
chaque échange avec l’enfant, dessinera le paysage linguistique de
183
demain. » (2002 : 400).
Ce « choix » ne relève pas pour autant de décisions strictement
« privées », au sens où il peut être guidé, encouragé, étayé, par les choix
politiques en matière de langues d’enseignement.
L’échantillon — non représentatif puisque la cinquantaine de familles
rencontrées l’a été sur la base du volontariat — confirme la complexité
du paysage linguistique : seules deux familles peuvent être considérées
comme « monolingues », au sens où, d’origine métropolitaine toutes
deux, elles ont déclaré n’utiliser qu’une seule langue à la maison, le
français. Les plus nombreux (33) déclarent que l’enfant entend à la
maison du français et du tahitien. Une dizaine sont trilingues (français,
tahitien + paumotu3 ; français, tahitien + rapa ; français, tahitien +
anglais ; français, tahitien + chinois ; français, tahitien + mangarévien).
Le dernier cas possible (3) consistant en une situation bilingue
français/langue non originaire de la Polynésie française : français et
futunien (1 cas), français et anglais (1 cas), français et chinois (1 cas).
Dans la plupart des entretiens, la question qui venait directement après
celle sur les langues entendues par l’enfant à la maison portait sur les
circonstances d’usage de telle ou telle langue. Il convient de rappeler ici
la faiblesse méthodologique d’une enquête qui a consisté en un recueil
de discours épilinguistiques. Gumperz soulignait en ces termes les
limites méthodologiques de « l’auto-relevé » des pratiques : « On peut
demander à un bilingue de rendre compte directement de formes
particulières d’alternances employées au cours d’une conversation. […]
Les tentatives visant à expliciter les auto-relevés décrivant l’usage
bilingue montrent avec régularité un net décalage entre la description
que font les locuteurs de leur propre usage et les études empiriques de
textes enregistrés au magnétophone. » (Gumperz, 1989 : 60). Comptetenu de cette réserve méthodologique, la description des situations
d’alternance qui vont être décrites ci-après n’a donc pas vocation à
théoriser l'alternance codique, en dégageant les motivations de cette
alternance, en conceptualisant les usages, pour atteindre un niveau
théorique général. Elle n’a aucunement l’ambition de produire une
contribution à l’étude des formes et fonctions de l’alternance codique à
Tahiti aujourd’hui. L’objet est ailleurs : les questions sur les
circonstances du recours à telle ou telle langue visent à entrevoir le
degré de conscience des pratiques linguistiques, envisagé comme un
indicateur d’insécurité ou de sécurité linguistique4. La question est donc
3
Les Polynésiens parlent des langues malayo-polynésiennes orientales, réparties
en cinq familles : reo tahiti, reo pa'umotu, reo 'enata, reo tuha'apae et reo
ma'areva.
4
On peut ici sans doute rappeler les définitions suivantes. « On parle de sécurité
184
moins de donner un modèle général de l’alternance codique que de
répondre à la question : y a-t-il une « vigilance » des parents quant à
leurs propres pratiques de transmission ? Et dans quelle mesure la
participation de leur enfant à un dispositif d’enseignement du tahitien
renforcé modifie-t-elle les termes de cette « vigilance » ?
Globalement, nous nous trouvons typiquement devant des alternances
situationnelles caractéristiques de la situation de diglossie : « Dans la
diglossie, l’alternance codique est essentiellement du type situationnel
(Blom & Gumperz, 1972). Des variétés distinctes s’emploient dans
certains contextes (la maison, l’école, le travail) associés à un type
d’activités distinct et limité (discours en public, négociations,
cérémonies spéciales, joutes verbales, etc.) ou selon la catégorie
d’interlocuteurs à qui l’on parle (amis, famille, étrangers, subordonnés,
personnalités du gouvernement, etc. […] Lorsqu’on a affaire à une telle
compartimentation de l’usage langagier, les normes de sélection du code
tendent à être relativement stables » (Gumperz, 1989 : 59).
Interrogés sur les circonstances dans lesquelles l’enfant a l’occasion
d’entendre du tahitien à la maison, les parents en font d’abord une
affaire de personnes : c’est à l’occasion de la visite de parents, oncles,
tantes, cousins, etc. qu’une autre langue que le français peut s’imposer
comme langue de la conversation. Les grands-parents sont souvent cités
comme ceux avec qui le recours au tahitien s’impose. Dans des cas plus
rares (et essentiellement à Moorea), ce sont les parents eux-mêmes qui
s’expriment « chacun dans leur langue ».
Voici un autre bel exemple d’alternance en situation trilingue (français,
tahitien, rapa) où chacun est sur sa langue… mais tous sont en français :
« Moi : quelles langues entend-elle à la maison, Teheiura5 ?
Le père : Elle entend le français, le tahitien, et rapa aussi, c’est moi.
Moi, je lui parle en rapa. Elle comprend. Sa maman lui parle en
tahitien.
Moi : qui parle en français ?
Le père : Nous deux [sa mère et moi], pareil. Tout le monde. Elle a trois
linguistique lorsque, pour des raisons sociales variées, les locuteurs ne se
sentent pas mis en questions dans leur façon de parler, lorsqu’ils considèrent
leur norme comme la norme. À l’inverse, il y a insécurité linguistique lorsque
les locuteurs considèrent leur façon de parler comme peu valorisante et ont en
tête un autre modèle, plus prestigieux, mais qu’ils ne pratiquent pas »
(Calvet, 2011 : 50). « L’insécurité linguistique est la manifestation d’une quête
de légitimité linguistique, vécue par un groupe social dominé, qui a une
perception aiguisée […] des formes linguistiques à acquérir pour progresser
dans la hiérarchie sociale ». (Francard, 1997 : 171-172).
5
Tous les prénoms sont fictifs.
185
sœurs et un frère : une grande, à l’école Papao, une plus grande ici, et
deux plus petits.
Moi : Ils parlent en quoi les enfants ?
Le père : Moi, je parle en tahitien, eux, ils parlent en français.
Moi : Quand ils ont commencé à parler…
Le père : C’était en français… C’est la maman qui les gardait.
Moi : ils parlent tahitien ?
Le père : Ouais, des fois, ils nous parlent en tahitien. Ils parlent bien, en
tahitien, même en rapa.
Moi : Votre femme, elle comprend le rapa ?
Le père : Oui.
Moi : Et quand vous êtes tous ensemble ?
Le père : quand on se parle tous les deux, [ma femme et moi], ma
femme, elle parle en tahitien, moi en rapa. Quand on est avec les
enfants… en français. Trois langues.
Moi : Vous parlez en français avec eux ?
Le père : Oui, oui, quand on se met à table.
Moi : Pourquoi les enfants parlent en français ?
Le père : C’est la langue habituelle…
Moi : Mais c’est pas la vôtre… ?
Le père : Non. »
Dans un nombre de cas assez conséquent, le recours au tahitien devant
les enfants se justifie quand on veut dire des choses qu’ils ne doivent
pas comprendre… notamment entre conjoints…
« La mère : Il y a des moments où on se parle en tahitien.
Moi : quand ?
La mère : Par exemple, quand je suis énervée contre lui [son concubin]
et que je n’ai pas envie que mon fils comprenne… je lui parle en
tahitien. [Rire]. »
Autre famille : « Moi : Quelles occasions vous avez de parler tahitien ?
La mère : Je parle tahitien avec le papa de Katy par exemple quand on
veut pas que les enfants comprennent ce qu’on est en train de dire…
Moi : Vous êtes sûrs qu’ils ne comprennent pas… ???
La mère : Voilà, c’est ça [le problème maintenant]… On a une façon…
De toute façon, on parle très vite… Si on parle doucement peut-être que
ma grande va comprendre… peut-être que ma grande [14 ans] va
comprendre… Katy, je ne pense pas encore. Ma grande, elle fait pas de
tahitien au collège ... mais ma maman lui parle tahitien… elle comprend
des mots… mais elle ne peut pas comprendre des phrases entières… »
Je serais tentée de parler d’un déplacement des champs d’usage, et
d’une modification profonde des représentations de ce que Gumperz
186
appelait en son temps (1989) le « code nous » et le code « eux » : « Au
niveau le plus général, on peut dire que les traits grammaticaux qui
distinguent les deux codes que pratique un bilingue sont le reflet ou le
signe direct de styles culturels et de normes d’évaluation contrastées
qu’ils rencontrent lors de l’interaction quotidienne. On a tendance à
considérer la langue minoritaire, ethniquement spécifique, comme le
« code nous » en l’associant aux activités familières internes au groupe,
à utiliser par ailleurs le code majoritaire comme le « code eux », lors
d’interactions plus formelles, plus rigides et moins personnelles en
dehors du groupe ». (Gumperz, 1989 : 60).
Chez les parents des enfants impliqués dans les classes ECOLPOM,
dont on fera l’hypothèse qu’ils sont représentatifs d’une certaine
génération, il y a un nouveau code « nous » (les adultes - en tahitien ou
en français, selon les circonstances) et un nouveau code « eux » (les
enfants - en français exclusivement), ou plutôt un déplacement de la
frontière de l’usage des deux codes qui ne connote plus une frontière
entre
dedans/dehors,
famille/monde
extérieur,
privé/public,
intime/étranger, etc. mais une frontière intergénérationnelle au sein de
l’espace domestique.
Un des effets de la réévaluation symbolique – notamment dans la sphère
publique — dont a été l’objet la langue tahitienne depuis une vingtaine
d’années est que les parents n’assument plus cette nouvelle frontière :
les entretiens révèlent qu’après la description des pratiques à la maison,
c’est immédiatement sur le registre de la justification qu’ils se placent,
témoignant d’une conscience assez nette de leur rôle dans la nontransmission linguistique, quoiqu’exclusivement vécue, semble-t-il, sur
le mode de la culpabilité. Cet extrait est symptomatique de ce mode de
la culpabilité, puisque cette mère dit qu’elle a fait une « bêtise » :
« Moi : Avec vos propres enfants, vous avez fait un choix [de langue]
aussi ?
La mère : Non, c’est par habitude que j’ai parlé en français, tout en
sachant pertinemment que je faisais une bêtise, quoi ! Tout en sachant
que je contribue à faire disparaître ma langue. C’est la solution de
facilité. Je parle en français parce que c’est plus facile. Et on pense que
les enfants comprennent plus facilement parce que c’est du français.
Enfin, c’est des a priori. J’ai l’impression qu’ils vont pas me
comprendre et que dans la transmission du message, ça va m’embêter
qu’ils ne saisissent pas tout de suite.
Moi : … C’est comme si eux avaient choisi le français ?
La mère : Voilà. Alors que c’est moi qui pense qu’ils ont choisi le
français… si je ne leur propose que ça aussi… »
187
On peut approximativement identifier trois registres de la justification
de l’omniprésence du français dans les échanges avec les enfants :
- Le français s’est imposé parce que c’était le choix des enfants euxmêmes. J’ai souvent entendu des parents dire : « les enfants ne veulent
plus entendre le tahitien », insistant sur le fait que ce sont les enfants
eux-mêmes qui demandent à ce qu’on leur traduise en français. Du
moins telle était leur attitude avant d’être dans la classe ECOLPOM, car
un des effets majeurs de l’expérimentation est d’avoir modifié ce
comportement. Nous y reviendrons dans la section suivante de ce texte.
- Le français s’est imposé parce que les enfants ne comprennent plus le
tahitien. On peut ici parler de cercle vicieux du non-apprentissage : « les
enfants ne savent pas parler leur langue, alors on ne peut pas leur
parler dans cette langue, on leur parle en français » (Barnèche, 2004 :
144).
- Les parents, très majoritairement, et très spontanément, renvoient à
leur propre histoire avec les langues. La justification du choix du
français, la description d’un cercle vicieux dans lequel ils se sont laissé
entraîner, s’enracinent profondément dans leur propre expérience.
Ces parents d’élèves de CP, ayant en moyenne entre 25 et 35 ans, ont
déjà eu eux-mêmes une expérience de non-transmission ou de
transmission partielle, et déjà « compartimentée » (« les parents
parlaient en tahitien quand ils étaient énervés…6 » ; « c’est avec les
grands-parents qu’on parlait tahitien ») et d’une grande insécurité
linguistique. Le tahitien n’était déjà plus vraiment la langue première
pour nombre d’entre eux. Ils sont eux-mêmes les descendants d’une
génération à qui l’on a interdit de s’exprimer en tahitien à l’école, et qui
a de fait associé l’insertion économique et l’acquisition d’un certain
niveau social à la maîtrise de la langue française. Ils sont trop jeunes
pour avoir connu les brimades, châtiments physiques, port du symbole,
etc. qui seront officiellement interdits au début des années 1980. Ils
n’ont pas été personnellement l’objet de tout l’arsenal des techniques
disciplinaires mises en œuvre dans l’espace public, et notamment à
6
Aujourd’hui encore, le recours non pas au tahitien en tant que tel, mais à des
« petits mots » selon l’expression des parents (en pratique, des verbes d’action
utilisés sur le mode de l’injonction) est également systématique quand on arrive
à la limite des efforts pour se faire obéir en français. Le constat n’est pas
nouveau. Ainsi Duro Raapoto écrivait-il en 1988 (45) : « Pourquoi les parents
exprimeraient-ils leur amour pour leurs enfants, dans une langue d’emprunt ?
C’est-à-dire, pourquoi ainsi les tromper ? Ils manifestent leur amour en français,
et leur colère en langue mā’ohi. Ainsi, leurs enfants pensent que les Mā’ohi ne
savent pas aimer, qu’ils ne connaissent que la colère et l’emportement. » Cité
par Saura, 2008 : 196.
188
l’école, pour faire respecter l’hégémonie de la langue française au nom
du « progrès » ou du « développement économique ».
Ces parents semblent cependant des victimes collatérales des politiques
assimilationnistes mises en œuvre de manière agressive après
l’accession de la Polynésie française au statut de TOM dans l’immédiat
après-guerre. Ils sont fortement imprégnés des récits de leurs propres
parents concernant les effets du monolinguisme d’État (on m’a souvent
évoqué des anecdotes vécues à la génération des grands-parents) et ils
ont surtout eux-mêmes bénéficié d’une socialisation langagière dans
laquelle les deux langues, quoique présentes à la maison, n’étaient pas
traitées sur un plan d’égalité :
« Moi : [le tahitien] C’est votre langue maternelle ?
La mère : Pas vraiment… disons que quand j’ai commencé à parler,
c’était en français. J’étais entourée de mes parents qui parlaient en
tahitien. Mais à nous, ils nous ont toujours parlé en français. Mais j’ai
toujours entendu du tahitien. J’ai appris… j’étais protestante… mes
parents étaient protestants très pratiquants… j’ai grandi à la lecture et
à l’écriture du tahitien. A l’école du dimanche. Mais je ne parlais pas.
Mais je comprenais très très bien et j’écrivais très très bien. Mon papa
parlait très bien français, ma maman couci-couça… et mes grandsparents, français couci-couça. Mon papa, il a travaillé au CEP, et il
lisait énormément…, il lisait beaucoup, beaucoup. Il a côtoyé beaucoup
de métros, hein !
Moi : Est-ce que c’était une stratégie de vous parler en français… ???
La mère : Ben oui, ça faisait partie… avant, tu ne parles pas en tahitien,
il fallait parler français… à l’école, l’école, c’est le français… A la
maison… il nous poussait à l’école… il nous parlait en français dans
l’optique qu’on travaille bien en français. Il s’adressait à nous
exclusivement en français, sauf quand il était fâché [rire], là c’était en
tahitien. Mais sinon, c’était exclusivement en français. »
Le « choix » qu’ils ont fait de s’exprimer en français avec leurs enfants
est en ce sens parfaitement en continuité avec celui de leurs propres
parents, puisque si ces derniers ont continué à leur parler en tahitien, ils
les ont aussi au final encouragés à s’exprimer en français à la maison,
faisant d’eux, non des « bilingues », mais bien des locuteurs passifs
dans le meilleur des cas. Car c’est bien leur incompétence en tahitien en
production qu’ils mettent en avant pour justifier leur usage du français
et qui explique, comme on va le voir, que leur attente par rapport à
l’école est précisément qu’on donne à leurs enfants les outils de
communication dont ils ont été eux-mêmes privés.
189
Section 2 : Le tahitien à l’école tel que vu depuis la maison
Interroger les parents sur ce qui a changé chez leurs enfants depuis
qu’ils font une heure de reo tahiti tous les jours appelle immédiatement
trois réserves méthodologiques. On pourra tout d’abord objecter qu’on
est typiquement devant ce que Pierre Bourdieu appelait une
« imposition de problématique », cette distorsion de l’enquête qu’il
présentait dans les termes suivants : « Dans le simple fait de poser la
même question à tout le monde se trouve impliquée l'hypothèse qu'il y a
un consensus sur les problèmes, autrement dit qu'il y a un accord sur les
questions qui méritent d'être posées » (Bourdieu, 1973 : 1292). La
meilleure réponse à cette objection est d’indiquer que sur l’ensemble de
l’échantillon concerné, environ le tiers s’est exprimé en disant qu’il n’y
avait pas d’effet notable. La question était donc effectivement sans objet
pour un nombre important de parents… mais on peut considérer qu’elle
faisait sens pour un nombre deux fois plus important. La deuxième
réserve vient immédiatement : eu égard à ce que la littérature
scientifique internationale nous dit de la lenteur d’acquisition de la
compétence bilingue, il est douteux que les quelques mois qui
séparaient la rentrée des classes du moment de l’enquête (9 mois en
pratique) soient à même de livrer des conclusions définitives. On peut
faire l’hypothèse que ces premiers effets perçus par les famillessont
appelés à s’accentuer, et surtout à se diffuser dans l’échantillon des
enfants au fur à et mesure du déroulement d’une expérimentation qui
dure deux années scolaires. La troisième réserve se pose sous forme
d’une interrogation : qu’est-ce qui, dans les changements décrits par les
parents, provient d’une exposition plus intensive à la langue tahitienne,
et qu’est-ce qui est imputable à autre chose ? L’année de CP est une
année charnière dans le développement d’un enfant, notamment en
terme d’acquisition du « métier d’élève ». Nombre des dispositions
scolaires acquises par les enfants cette année l’auraient probablement
été que l’enfant ait été, ou non, dans une classe renforcée, ce qui a été
partiellement confirmé a posteriori puisque les élèves du groupe
contrôle ont également progressé en tahitien, quoique dans des
proportions moindres (Nocus et al., 2011 ).
Interrogés sur les effets de ces 5 heures hebdomadaires tels que vus
depuis la maison, les parents évoquent d’abord les compétences en
tahitien : les enfants « parlent bien » ; ils « font des phrases entières »,
par opposition aux « petits mots » (expression consacrée pour désigner
l’absence de fluidité dans la conversation). Par ailleurs, ces enfants
hésitent moins que les autres de leur âge à répondre en tahitien quand on
s’adresse à eux dans cette langue. Est évoquée la qualité de leur langue,
notamment sa rigueur, mesurée à la « prononciation », qui renvoie elle-
190
même à leur aptitude à « bien placer les accents ». Les progrès réalisés
par les enfants étonnent (ce qui confirme l’hypothèse d’une relégation
des enfants aux marges du tahitien dans l’esprit des adultes) et sont
l’objet de fierté :
La mère : La lecture en tahitien, c’est très bien. Même j’ai été étonnée.
Parce qu’avec lui, je ne faisais pas à l’écrit, je ne faisais qu’à l’oral. Et
puis un jour, il m’avait sorti son cahier, et il m’a lu et j’ai été étonnée…
j’ai trouvé très bien… mais j’avais pensé qu’il aurait du mal…
finalement, il faisait très bien. »
« La mère : Lorsque ma petite est rentrée et qu’elle m’a dit : ‘ah,
maman, on a appris ça en tahitien… ‘. Et quand je l’ai vue… - j’ai
quelques livres en tahitien… - quand je l’ai vue lire à haute voix, c’était
pas saccadé, c’était fluide… et elle lisait… et elle comprenait ce qu’elle
lisait… ça m’a impressionnée. »
« La mère : Oui, il sait lire en tahitien. Ça m’a impressionnée. Comme
le samedi, je fais la catéchèse. Dans la catéchèse, c’est plutôt le
français qu’on parle, on fait les enseignements. Parfois, on leur passe
des petits versets en tahitien. Et lui, il arrivait à lire. Et moi, je savais
pas [qu’il savait lire en tahitien]. Et quand je l’ai entendu dire ces
petites lignes… ce petit verset… il me demande : ‘maman, comment on
dit ça ?’. Alors j’ai relu, et il a relu la phrase jusqu’à la fin. J’étais
contente. »
Au-delà des « performances » des enfants, les effets visibles à la maison
sont unanimement exprimés en termes de changements dans l’attitude
des enfants par rapport à leur langue d’origine : les enfants sont « plus
curieux », plus « ouverts ». Ils ne supportent plus de ne pas comprendre
ce qui se dit en tahitien devant eux. Plus généralement, les parents
décrivent ce que j’appellerais un effet désinhibiteur de la présence du
tahitien au quotidien à l’école :
« Moi : Quelles sont les langues parlées à la maison chez Heremoana ?
La mère : Plus couramment le français. Il y a le tahitien en plus.
Moi : Qui est-ce qui lui parle tahitien ?
La mère : C’est plutôt mamie. Moi aussi je parle en tahitien.
Moi : Quand est-ce que vous lui parlez français, tahitien ?
La mère : Si tu veux, chez nous, on mélange un peu le français et le
tahitien en parlant. Je vois que Heremoana, si tu veux, il s’intéresse.
Quand je dis un mot en tahitien, il me demande la signification et tout.
Ça s’est beaucoup développé depuis qu’il est dans ce CP. Il a envie de
comprendre. »
« La mère : Son attitude [a changé] aussi. Il est moins gêné de parler
en tahitien. Lui, quand il se trompait… après, c’est fini, il n’a plus envie
191
de recommencer… il arrête… avant, c’était comme ça… alors que
maintenant, non, il recommence, il essaie. Avant, quand je lui parlais en
tahitien, c’était : ‘ maman, arrête de me parler en tahitien , parle-moi
en français’. Maintenant, non, il est d’accord. Je lui demande de me
répondre en tahitien. S’il ne sait pas comment dire, je lui dis, et après il
répète. Avant, non, c’était pas comme ça. »
A ce stade de l’expérimentation, les enfants sont présentés comme
exprimant spontanément, et de manière inédite par rapport à leur
attitude dans le passé, des demandes de traduction, qui peuvent être
dans les deux sens :
« La mère : En fait des fois, je sais que mon fils, depuis qu’il fait plus de
tahitien à l’école, il parle beaucoup plus en tahitien… donc, on est bien
obligés de lui répondre en tahitien [rire]. Et il sort plus de mots en
tahitien… dès qu’il revient de l’école, dès qu’il a des devoirs en
tahitien… il les fait tout de suite…
Moi : Quelles occasions il a d’entendre du tahitien à la maison ?
La mère : Le ve’a – journal télévisé en tahitien - le soir.
Moi : Il comprend tout ?
La mère : Oui, ça va. Dès qu’il comprend pas, il demande. Par rapport
à son grand frère et sa grande sœur… Le petit se débrouille mieux. Je
trouve qu’il prononce bien, c’est vraiment nouveau... parce qu’avant…
Maintenant, il fait des phrases…. Des fois, avec son grand-père, il y a
des mots en tahitien qu’il ne comprend pas… et il ose demander :
‘grand-père, qu’est-ce que tu viens de dire ?’. Son frère et sa sœur, à
son âge, ils avaient plus de mal à demander.
« La mère : Maintenant, même que ça lui arrive de parler en tahitien à
son papa, de petites phrases… Il lui dit que c’est bien, en français. Mais
ça lui arrive de temps en temps de lui parler en tahitien, pour voir si
elle comprend… c’est rare… Elle est plus curieuse par rapport au
tahitien. Ça lui arrive de demander ce que ça veut dire… des fois ça lui
arrive de voir un mot en français et de demander comment ça se dit en
tahitien… »
Pour ceux des parents qui ont constaté des changements depuis le début
de l’année de CP, un effet majeur des 5 heures de tahitien à l’école est la
multiplication des occasions pour l’enfant de s’exprimer en tahitien à la
maison : les enfants posent des questions, répètent ce qu’ils viennent
d’entendre dans une conversation ou à la télévision, corrigent la
prononciation, évoquent les nouveaux mots appris en classe, etc.
Le tahitien est de retour… mais il convient de mettre un bémol à ces
prémices d’inversion du changement linguistique. Il faut insister sur le
192
fait que nombre des descriptions faites par les parents des circonstances
dans lesquelles l’enfant ramène du tahitien à la maison révèlent un
rapport très scolaire à la langue. Les enfants réinvestissent surtout ce
qu’ils ont vu en classe, que cela soit en termes de lexique ou en termes
de construction grammaticale (réutilisation des phrases-types). Ils
« jouent à la maîtresse » en tahitien avec leurs cadets. Ils corrigent la
prononciation (ou la graphie) comme ils ont été eux-mêmes corrigés en
classe. Il est difficile de savoir de quoi participe ce rapport scolaire à la
langue, et tout à fait prématuré de tirer quelque conclusion que ce soit
quant aux effets que produira sur leur rapport à la langue le fait d’avoir
été instruits scolairement.. En tout état de cause, si la question est celle
des conditions dans lesquelles l’enseignement des langues et cultures
d’origine favorise les apprentissages à l’école, je soutiendrai que
l’assimilation du tahitien à une « discipline » scolaire « comme les
autres » peut être un facteur favorable.
Habituellement, la valeur ajoutée d’un enseignement en langue
d’origine à de jeunes enfants est envisagée essentiellement par les
enseignants et leur hiérarchie comme relevant d’un supplément de
« motivation » (Tetahiotupa et al., 2007 pour la Polynésie française et
Salaün, 2005b pour la Nouvelle-Calédonie). On évoque un changement
du « regard » sur l’école. C’est bien la prévalence du registre de
l’affectif qui domine dans les entretiens avec les enseignants : les
enfants sont « heureux », « épanouis », ils ont du « plaisir ». Ici, dans les
représentations des adultes, la « motivation » serait inversement
proportionnelle à l’aspect proprement « scolaire » : moins une activité
est associée par l’élève à l’école, plus elle est « motivante », plus elle y
est au contraire associée, moins elle l’est. Si cette hypothèse devait se
confirmer, on comprend combien elle remettrait en cause l’effet de
levier attendu de l’introduction des langues d’origine : si, en dépit des
efforts faits par l’institution pour en faire une matière « comme les
autres », une telle dichotomie entre activités « scolaires » et activités
« en langue » — assimilées à des activités récréatives ou « d’éveil » —
est maintenue, on peut légitimement se demander ce qu’on peut attendre
de l’introduction du reo Tahiti pour améliorer les performances dans
toutes les matières, et, en priorité, en français. Si transferts d’ordre
« méta » (linguistiques, cognitifs…) il y a vers les autres activités
scolaires, comment les expliquer alors même que parents et enseignants,
loin d’établir de la continuité, renvoient l’image d’une discontinuité
entre les types d’enseignements ? La résolution de ce paradoxe ne me
semble pouvoir passer que par une analyse de la valeur « scolaire » de
ces différents enseignements telle qu’appréciée par les élèves euxmêmes, valeur mise en relation avec la difficile question des ressorts de
la mobilisation de l’élève. Eu égard à mes premières enquêtes réalisées
193
auprès des enfants, mais surtout à ce que j’ai pu observer de leur
comportement en classe, il ne me semble pas que l’on puisse identifier
une spécificité du « travail » requis en tahitien et dans les autres
matières qui relèverait d’une rupture. Les représentations de l’élève ne
reproduisent pas la hiérarchie mise en œuvre par les adultes entre
matières « scolaires » et matières « moins scolaires », dont ferait partie
cet enseignement en reo Tahiti (du moins, pas encore, nous ne sommes
qu’en CP…). Du point de vue des représentations des élèves, un double
pari a probablement été gagné : celui de faciliter la différenciation entre
les deux langues (et, partant, l’acquisition d’un bilinguisme additif), tout
en favorisant l’établissement d’une grande continuité dans les
représentations de la valeur scolaire (et la nature du « travail » requis
pour « réussir ») du reo Tahiti et des champs disciplinaires.
Section 3. Autour d’un malentendu : rendre l’école « familière »
Le programme de recherche ECOLPOM reposait également sur un autre
pari : celui d’une réconciliation des familles avec l’institution scolaire.
La question était : dans quelle mesure l’enseignement des langues
d’origine oeuvre-t-il à une réconciliation entre les familles et l’école,
condition sine qua non de la réussite scolaire, si on prend au sérieux
l’hypothèse du poids prépondérant du soutien parental ?
Parler de réconciliation revient à postuler qu’il existe un contentieux
entre l’École et les familles. Ce postulat est a priori audacieux
s’agissant de la Polynésie française. Contrairement à la NouvelleCalédonie, où ce contentieux a pris une forme tout à fait tangible, par
exemple lors du boycott scolaire organisé par le Front de Libération
Nationale Kanak et Socialiste et la création d’écoles parallèles, les
Écoles Populaires Kanak, pendant les « événements », en 1985 (Salaün,
2000), l’existence d’un tel contentieux est ici totalement refoulée. Plus
généralement, l’éventualité de discriminations ethniques à l’école reste
un sujet tabou pour la classe politique (à l’exception des
indépendantistes du Tāvini) et un « non-sujet » pour les médias. On
pourrait presqu’aller jusqu’à parler de tentatives de minimisation de
cette réalité, voire une invisibilisation de la prégnance de l’échec
scolaire pour certaines catégories de la population. Reste le constat, à
partir de résultats globaux, d’un « différentiel » très important davec la
Métropole : « La comparaison avec les résultats métropolitains fait
toujours apparaître un différentiel très important, y compris avec les
seuls résultats des zones d'éducation prioritaire; c'est ainsi qu'en 2005,
les scores moyens en Polynésie française pour le français et les maths
étaient inférieurs respectivement de 15 et 15,5 points au score national
(73,5% et de 69,5%), et restaient au-dessous des taux de réussite des
194
seules ZEP, accusant un retard respectivement de 6,2 et de 5,6 points »
(Inspection Générale de l’Education Nationale, 2007 : 23).
L’invisibilisation des disparités est facilitée par l’absence de statistiques
« ethniques » officielles, qui n’empêche d’ailleurs pas les
commentateurs de se livrer « en privé » à l’élaboration de leurs propres
statistiques ethniques « sauvages », sur la base des noms de famille des
élèves des meilleures classes des lycées de Papeete, ou encore sur leur
perception personnelle du poids de telle ou telle ethnie à l’Université de
la Polynésie française.
Ce refoulement de la réalité des inégalités est le contrepoint d’une
tendance générale à la non-reconnaissance de la conflictualité latente
(ou parfois bien réelle, en témoignent les émeutes de Faa’a en 1995
suite à l’annonce de la reprise des essais nucléaires à Moruroa et
Fangataufa) d’une société polynésienne séculairement présentée comme
harmonieuse, opulente et indolente, à l’image de ses paysages et de ses
vahine. Du point de vue de l’institution, l’introduction des langues et de
la culture polynésienne à l’école est freinée par un certain nombre de
problèmes « techniques » : la difficulté à choisir une graphie, l’absence
d’outils, notamment de manuels, de méthodes de lecture, etc. On fait
comme s’il y avait consensus sur le fait que le rôle de l’école est de
transmettre la culture, comme s’il y avait une demande sociale d’une
prise en compte de l’environnement culturel des enfants. Je soutiendrai
pourtant que rien n’est moins évident. Pour le dire d’une manière
provisoire, l’enquête auprès des parents a révélé un malentendu
fondamental : en décalage avec le primo mobile de l’adaptation du
curriculum polynésien qui est de prendre en compte le « vécu » des
enfants, la demande de ces parents est moins celle d’une école plus
« familière », que d’une école qui permettrait à leurs enfants de
« réussir ». Là où discours institutionnel et académique se rejoignent
désormais pour invoquer « l’étrangeté » de l’école à la française comme
cause des difficultés scolaires, cette allochtonie de l’institution est vue
par les parents, notamment par les moins dotés en capital scolaire,
comme une nécessité. Ces parents polynésiens des classes populaires,
dont l’expérience personnelle est très majoritairement celle d’une
scolarité « difficile » et dont ils n’ont pas gardé de bons souvenirs,
semblent tenir à un cloisonnement, un clivage, entre l’école et la vie,
entre ce qu’on doit apprendre à l’école (et dont ils n’ont finalement
qu’une idée très floue), et ce qu’on doit apprendre hors de l’école, dans
un souci d’autonomie (et probablement d’authenticité) de deux sphères
d’activités, scolaires et sociales, que les réformes en cours et les
discours dominants proposent justement de faire se rencontrer. L’idée
que je soutiendrai ici est la suivante : que les Polynésiens n’aient pas
compris le sens de l’école, ce dont le fait qu’ils répondent
195
(objectivement) mal aux attentes scolaires serait le symptôme, ne veut
pas dire qu’ils proposent de lui donner une fonction différente. Or il me
semble que lui donner une fonction différente est précisément ce qui se
passe inévitablement quand on prend au sérieux la proposition de faire
rentrer langues et culture autochtones à l’école.
Premier enseignement de cette enquête par entretiens avec des familles,
on retrouve ici ce qu’Ogbu (1987) a déjà montré en son temps à propos
des Afro-américains aux États-Unis : contrairement aux thèses
dominantes sur leur faible niveau d’aspiration sociale, les familles
disent attacher une très grande importance à l’école, qui permet
d’accéder à une bonne situation. Les discours sont étonnamment
similaires également avec ceux recueillis en banlieue parisienne par
Bautier, Rochex et Charlot : réussir à l’école, c’est obtenir un diplôme
qui permettra d’avoir un travail, une situation, de l’argent, une « belle
vie » (1992). En jeu ici, et de manière en quelque sorte exacerbée par
rapport à la métropole, c’est l’accès au salariat dont il est question, c'està-dire l’accès à des ressources monétaires, dans une économie locale
sinistrée dans laquelle d’importantes fractions de la population survivent
essentiellement de transferts (prestations familiales surtout,
l’indemnisation du chômage n’existant pas en Polynésie française).
Interrogés sur la nature de l’aide qu’ils prodiguent à leurs enfants, la
réponse type des parents est : « Je lui dis toujours qu’il faut bien
travailler à l’école ». Il est par contre très difficile d’aller au-delà de
cette affirmation, notamment lorsque l’on cherche à déterminer ce que
« bien travailler » recouvre à leurs yeux, car les modalités mêmes du
« travail » scolaire ne sont explicitées que sous la forme du respect des
conventions en usage dans l’institution : être à l’heure, être sage,
respecter le matériel, faire ce que la maîtresse a dit, etc. Il est encore
plus difficile de les faire parler de la manière dont ils conçoivent leur
rôle en tant que parents, et de la nature de « l’aide » qu’ils apportent en
pratique, bref, des modalités de l’incitation. On ne parle pour ainsi dire
jamais, dans une majorité de familles, de ce qui se fait à l’école, et il ne
viendrait en fait à l’idée de personne de demander à l’enfant de raconter
sa journée, ou de décrire ce qu’il a appris. Il est remarquable à cet égard
que l’enquête ait montré qu’une présence quotidienne du tahitien à
l’école donne lieu à des échanges dans la famille, notamment avec les
grands-parents, témoignant d’une curiosité inédite pour ce qui se fait à
l’école. Cette impression de retrait est renforcée par une grande
résistance à s’impliquer dans la scolarité des enfants, aux dires des
enseignants, et dont témoignerait l’absentéisme aux réunions de parents
d’élèves, ou la difficulté à rencontrer les parents lorsqu’on les convoque
individuellement. On est donc face à un hiatus entre d’une part
l’affirmation de l’importance de l’école (voire ce qu’on pourrait appeler
196
un « désir d’école ») et d’autre part des attitudes de retrait qui, en
pratique, ne sont pas pour faciliter la réussite des enfants car on pourrait
y voir, en première approximation, le signe d’un désintérêt. Trois
hypothèses au moins méritent d’être posées. On peut d’abord expliquer
ce hiatus en le mettant sur le compte d’un sentiment de disqualification,
lui-même lié à des difficultés du processus de parentalisation pour les
plus jeunes d’entre eux, et ceux dont la situation socioéconomique est la
plus précaire (Salaün 2005a). On peut ensuite incriminer l'absence d'un
système de références dans lequel figure des exemples de « réussite »
scolaire et professionnelle, les parents eux-mêmes ne pouvant faire
figure que de contre-référence, ou de référence négative à cet égard. Il
faut, me semble-t-il, envisager enfin que pour une très grande majorité
d’entre eux, ce qui se fait à l’école n’a ni sens ni valeur. Il faut
relativiser le caractère contradictoire de discours explicitant le désir
d’une réussite sociale largement idéalisée et d’attitudes témoignant a
contrario d’un apparent désintérêt pour ce qui se passe en pratique à
l’école, à partir du moment où l’école — via sa fonction certifiante
essentiellement — est vue essentiellement comme un moyen, le moyen
en fait, d’accéder à une vie meilleure, aussi flou soit le projet de cette
« belle vie ». Pour prendre une image, l’école, fréquentée depuis
désormais de nombreuses générations, reste en fait un coffre fermé dont
ils n’auraient pas la clef, quelque chose de hautement désirable, mais
qui reste fondamentalement « une affaire de popa’ā ou de demis7 ».
Le fait qu’ils témoignent d’une vision instrumentale de la scolarité ne
signifie en rien qu’ils n’ont pas une opinion sur ce que l’école est censée
transmettre. Cela apparaît très clairement, quoiqu’en creux, quand on les
interroge sur les vertus de la présence de leur culture et de leurs langues
à l’école désormais. « La culture [ mā'ohi] à l’école, c’est bien », mais
dans le même temps, leurs réponses montrent qu’ils pensent avoir
affaire à des activités qui ressemblent à du travail scolaire mais dont le
sens ultime n’est pas celui d’un travail scolaire, des activités de
formation de la personne qui exigent effort et attention sans déboucher
sur des savoir-faire ou des savoirs en quelque sorte échangeables (ou
même tout simplement vraiment valorisés dans le cursus scolaire,
autrement que sous forme de « points » en option au baccalauréat…).
La fonction de l’école qui ne fait pas problème est celle de l’intégration
à la société globale, via l’insertion économique essentiellement. Ce qui
semble faire problème, pour ces parents, c’est son rôle dans la
confortation de la culture mā'ohi. C’est ce que disent en tout cas les
7
Les deux termes désignant respectivement un étranger de race blanche et un
métis vivant à l’occidental (Saura 1997, Troadec 1992). Sur la genèse des
catégories ethniques en Polynésie française on lira Trémon 2010.
197
doutes qu’ils expriment quant à l’opportunité de transformer en
« travail » (scolaire) ce qui peut être ressenti d’une part comme n’étant
pas du ressort de l’école, d’autre part comme n’ayant pas à relever d’un
« travail »… Cet extrait, qui révèle une conception innéiste de
l’acquisition de la langue, en témoigne :
« Le père : maintenant on dit qu’il faut que les enfants parlent le
tahitien. Il faut que les enseignants aussi leur fassent comprendre qu’il
faut parler le tahitien. Mais je pense que la langue tahitienne est plus
facile pour les enfants qui vivent dans leur famille… C’est pas la langue
tahitienne qu’il faut apprendre maintenant à l’école. Il faut apprendre
l’anglais. C’est une langue internationale. Pour que les enfants puissent
contacter des gens de l’extérieur, dans leur avenir. C’est pour ça que je
dis que le tahitien, je ne suis pas tout à fait d’accord qu’on l’apprenne
aux petits enfants à l’école … Déjà, notre langue tahitienne à nous,
celle qu’on apprend à parler tout le temps avec nos enfants… eux, ils
l’ont tellement dans leur tête… qu’à l’école, il vaudrait mieux qu’on
leur parle le français plutôt que le tahitien… Le tahitien, c’est ta langue
originaire… tu peux pas ne pas savoir parler ta langue tahitienne…
parce que tu es originaire du Fenua (pays). »
À l’extrême, on peut recueillir une réticence face à la scolarisation de la
langue et de la culture, opposition justifiée par la crainte d’une
dépossession. On entend ainsi souvent que les enfants des
fonctionnaires métropolitains installés pour quelques années à Tahiti
deviendraient meilleurs que les enfants du Fenua en tahitien. On entend
parfois aussi que les « étrangers » sont en train de s’approprier la
langue : « Mon papa me disait qu’autrefois, le tahitien était interdit à
l’école… Ma maman elle dit : ‘tiens, on essaie de ramener le tahitien à
l’école alors qu’autrefois c’était interdit ‘. D’autres disent : ‘peut-être
c’est trop tard…. Pour la génération de maintenant…’. Les enfants de
maintenant, c’est vrai qu’ils ne savent plus parler le tahitien… moi
aussi j’ai un peu peur… c’est toujours le français… il y a même un
chanteur qui a écrit cette chanson qui dit que ce sont les Français… ce
sont les étrangers qui viennent apprendre notre langue, alors que nous,
nous ne la connaissons même pas… »
On suivra ici Bayart et Bertrand (2006) nous rappelant que l’imaginaire
politique contemporain des ex-colonisés est fortement balisé par
l’expérience qu’ils ont eue de la situation coloniale et de ses
aménagements possibles. Il n’est pas seulement question ici de
« mémoire » de la colonisation et de ses institutions, dont l’école, mais
bien de la structuration de l’intimité des collectivités politiques locales.
198
Car si les trajectoires des sociétés autochtones ont été considérablement
infléchies par le colonialisme, elles ont su garder une historicité propre,
dans leur tentative de traverser le moment colonial au mieux de leurs
intérêts matériels et spirituels, selon des stratégies compatibles avec
leurs propres répertoires moraux. La question se pose donc de la
possibilité même d’une préservation de la culture reposant sur une
institution, l’école, qui lui est fondamentalement étrangère et lui a été
pendant longtemps profondément hostile.
Dans cette perspective, scolariser la langue et la culture, c’est aussi se
donner les moyens de faire tomber le dernier rempart qui a pu protéger
le peuple Mā’ohi de l’aliénation coloniale.
Conclusion
L’expérience scolaire, en Polynésie française, est-elle d’autant plus
« difficile » que certains enfants cumulent des traits dont on sait, sur
d’autres terrains, notamment celui des classes populaires, qu’ils
« handicapent » les élèves ? Est-ce « simplement » parce qu’ils sont
démunis matériellement, enfants de familles dans lesquelles il n’y a pas
d’exemple de réussite scolaire et professionnelle, et qu’ils sont victimes
de ce qu’Ogbu appelle la « déficience institutionnelle » de l’école outremer que les enfants mā’ohi ont des difficultés scolaires ? La question est
ici celle de la possibilité de transposer des modèles théoriques conçus
pour décrire d’autres situations (celles des minorités immigrées, ou des
classes populaires). Est-ce que ce qui vaut pour « ailleurs » vaut pour
ici ? Ma réponse est qu’il faut continuer de créditer le cas polynésien
d’une spécificité dont ne rendent qu’insuffisamment compte les modèles
existants, spécificité qui commence par (mais ne se résume pas à) la
spécificité des savoirs qu’il s’agit de demander à l’école de transmettre.
Il est frappant de constater qu’au moment du vote des textes législatifs,
ou plus tard, dans les commandes faites aux rédacteurs de programmes
et aux formateurs des enseignants, on fait « comme si », la question de
la transformation des savoirs autochtones en savoirs scolaires ne posait
de problèmes somme toute que techniques. Or les véritables problèmes
sont ailleurs et ils sont, si ce n’est sans équivalent, du moins exacerbés
comparativement aux termes dans lesquels ils se posent ailleurs. Je n’en
prendrai qu’un exemple. En conclusion d’un article sur les malentendus
socio-cognitifs que provoque l’entreprise scolaire en contexte
métropolitain, Bautier et Rochex (1997) interrogent la pertinence d’une
pédagogie visant à répondre aux conceptions que se font les élèves de
l’école et du savoir par une « finalisation » étroite des activités
d’apprentissage et par leur plus grande proximité avec l’univers des
élèves. Je serais tentée de les suivre lorsqu’ils écrivent que les
199
démarches visant à prendre en compte cette expérience peuvent se
révéler des leurres, si elles font trop bon marché de la spécificité des
contenus et activités d’apprentissage (1997 : 121). Ici, la question se
pose de manière d’autant plus radicale que le « vécu » qu’il s’agit de
mobiliser pour l’apprentissage scolaire résiste, en quelque sorte, à la
transposition didactique, et une fois qu’on l’a fait répondre aux
nécessités de cette transposition, il peut s’en trouver largement
déconnecté de l’expérience des élèves. Cette tension recoupe ici deux
questions. Poser la question de la commensurabilité entre ces deux types
de savoir revient d’abord à se demander ce qu’on faità la culture
autochtone quand on l’enseigne. Ou plutôt, il s’agit ici de prendre au
sérieux les effets que peut avoir tout changement dans le système de
transmission des savoirs sur leur contenu lui-même. La transmission des
savoirs autochtones s’est faite jusqu’à présent hors de l’école : quelles
peuvent être les conséquences sur la nature de ces savoirs du fait qu’ils
soient transmis désormais par l’école ? Cela revient ensuite à se
demander ce qu’on fait à l’école quand on y fait rentrer une culture
particulière : jusqu’où peut-on le faire dans le respect de la forme
scolaire et jusqu’où peut-on le faire sans transformer radicalement cette
fonction de l’école qui est de transmettre ceux des savoirs que les écoles
ne peuvent acquérir ailleurs ?
On le constate, une caractéristique majeure de la prise en compte des
langues et cultures autochtones à l’école est qu’elle relève de points de
vue très hétérogènes épistémologiquement et qu’il est a priori très
difficile de faire dialoguer. Pourtant il faudra bien s’efforcer de tenir
ensemble ces points de vue, car il n’est en rien suffisant de « décréter »
(y compris au sens juridique du terme) qu’il faut que la réforme ait lieu
pour qu’elle rencontre l’adhésion dans l’institution scolaire, et en
dehors d’elle, pour des raisons qui tiennent à la fois aux rapports
persistants d’inégalité entre culture dominante et cultures dominées, et
au fonctionnement propre de l’institution. Dit autrement, on ne peut
soutenir, à tous les sens du terme, l’adaptation de l’enseignement aux
réalités culturelles des publics scolaires seulement au nom de la justice
(politique, sociale… ou cognitive), il faut toujours aussi pouvoir le faire
en regard des finalités propres de l’école.
Bibliographie
Barnèche, S., 2004, L’identité linguistique et culturelle des jeunes de
Nouméa. Une étude des pratiques langagières dans la cité de
Riverstar (Rivière Salée), thèse de doctorat nouveau régime en
sociolinguistique, dirigée par Claude Caitucoli et Véronique Fillol,
Université de Rouen.
200
Bautier, E., Rochex, J.-Y. (1997). Apprendre : des malentendus qui font
la différence. In J.P. Terrail, (Ed.). La scolarisation de la France,
(pp. 105-122). Paris : La Dispute.
Bayart, J.-F., Bertrand, R. (2006). De quel ‘legs colonial’ parle-t-on ?
Esprit, décembre 2006, 134-160.
Bialystok, E. (2001). Bilingualism in Development : Language, Literacy
and Cognition. Cambridge : Cambridge University Press.
Blom, J.-P., Gumperz, J. J. (1972). Social meaning in linguistic
structures : Code switching in northern Norway. In J. J. Gumperz &
D. Hymes. Directions in Sociolinguistics. (pp. xx-xx). New York :
Holt, Rinehart, and Winston.
Bourdieu, P. (1973). L’opinion publique n’existe pas. Les temps
modernes, 318, 1292-1309.
Calvet, L.-J. (2011). La sociolinguistique. Paris : P.U.F. Que sais-je,
7ème édition.
Charlot, B., Bautier, E., Rochex, J.-Y. (1992). École et savoir dans les
banlieues... et ailleurs. Paris : Armand Colin.
Cherkaoui, M. (1978). Sur l'égalité des chances scolaires : à propos du
« Rapport Coleman », Revue française de sociologie, 19-2, 237-260.
Coleman, J. S. & al. (1966). Equality of Educational Opportunity,
Washington DC, U.S. Department of Health, Education and
Welfare.
Cummins, J. (2000). Language, Power and Pedagogy – Bilingual
Children in the Crossfire, Clevedon, Multilingual Matters.
Fishman, J. (1991). Reversing Language Shift : Theoretical and
Empirical Foundations of Assistance to Threatened Languages,
Clevedon, Multilingual Matters.
Gumperz, J. (1989. Engager la conversation. Introduction à la
sociolinguistique interactionnelle. Paris : Éditions de Minuit.
Inspection Générale de l’Education Nationale (2007). Rapport de
mission en Polynésie française, 87 p., non publié.
Nocus, I., Guimard, P., Florin, A., Vernaudon, J. & Paia, M. (2010).
Résultats de l’évaluation psycholinguistique en Polynésie française.
Début et fin CP, programme ANR ECOLPOM, 88 pages, non
publié.
— (2011). Impact du dispositif Langues et Culture polynésienne sur le
développement du langage, la réussite scolaire et le développement
conatif d’élèves de CP suivis au CE1. Résultats d’une évaluation
psycholinguistique réalisée en Polynésie française, programme
ANR ECOLPOM, 125 pages, non publié.
Ogbu, J. U. (1987). Variability In Minority School Performance : A
Problem in Search of an Explanation. Anthropology and Education
Quarterly, 18, 312-334.
201
Paia, M., Vernaudon, J. (2002). Le tahitien : plus de prestige, moins de
locuteurs », Hermès, 32-33, 395-402.
Pambrun, J.-M. (2003). De l’illettrisme en langue polynésienne, Tahiti
Pacifique Magazine, 13.150 (octobre), 36-40.
Raapoto, D. (1988). Te rautiraa i te parau a te Atua, Papeete, Eglise
évangélique de Polynésie française.
Salaün, M. (2000). Les Kanak et l’école. Sociohistoire de la
scolarisation des Mélanésiens de Nouvelle-Calédonie (1853-1998),
Thèse de doctorat de sociologie. École des Hautes Études en
Sciences Sociales. École Normale Supérieure Ulm.
— (2005a). De la mentalité primitive au choc des cultures. L’échec
scolaire kanak et son étiologie : état des lieux (communs). In V.
Fillol & J. Vernaudon, Stéréotypes et représentations en Océanie,
(pp. 129-144). Nouméa : Corail/Grain de sable.
— (2005b). Les langues kanak à la maternelle. Contribution à
l’évaluation de l’expérimentation DENC/IFMNC. Aspects
sociolinguistiques. Nouméa, Gouvernement de la NouvelleCalédonie, Direction de l’Enseignement, 80 pages + annexes.
Rapport de recherche non publié.
— (2011). Renforcer l’enseignement des langues et cultures
polynésiennes à l’école élémentaire. Contribution à l’évaluation de
l’expérimentation ECOLPOM en Polynésie française : aspects
sociolinguistiques, Rapport de recherche, ANR Ecole Plurilingue
Outre-mer, 182 p.
— à paraître, Penser la décolonisation de l’école. La France et les
Etats-Unis
à
l’épreuve
de
l’autochtonie.
NouvelleCalédonie/Hawai’i.
Saura, B. (1997). Des Tahitiens, des Français, leurs représentations
réciproques d'aujourd'hui. Papeete : Christian Gleizal éditeur.
— (2008). Tahiti Mā’ohi. Culture, identité, religion et nationalisme en
Polynésie française. Papeete : Au Vent des Îles.
Skutnabb-Kangas T. (2000). Linguistic genocide in education – or
worldwide diversity and human rights? Mahwah, New Jersey &
London : Lawrence Erlbaum Associates.
Tetahiotupa, E. & al. (2007). Enquête sur l’expérimentation renforcée
des langues polynésiennes à l’école primaire, Ministère de
l’Education de la Polynésie française, 98 p. + annexes, non publié.
Trémon, A.-C. (2010). Chinois en Polynésie française. Nanterre :
Société d’ethnologie.
Troadec, B. (1992). Demi-Tahitien : Tahitien et Demi à la fois ? Une
approche psychologique de l'identité polynésienne d'aujourd'hui.
Journal de la Société des Océanistes, 95-2, 227-236.
202