Manga MAKRADA MAINA Doctorant HTPS/HERITECHS Adresse

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Manga MAKRADA MAINA Doctorant HTPS/HERITECHS Adresse
1 Manga MAKRADA MAINA
Doctorant HTPS/HERITECHS
Adresse : 14 rue du Port aux meules 77260 - La Ferté sous Jouarre - France
Tel. +33 6 14 95 84 33
[email protected]
2 Le patrimoine Sao : enjeu culturel et développement économique
Sao, patrimoine, valorisation, enjeu
Sao, heritage, development, issue
El Patrimonio de los Sao, tanto material como inmaterial es, con mucho, el más
conocido y representativo de Chad. Los Sao fueron los primeros ocupantes de la zona de
Chad y han dejado un patrimonio, natural y cultural, rico y fascinante. Una mejor política de
valorización y de gestión sería beneficiosa para las poblaciones y el Estado de Chad. Este
patrimonio puede ser preservado y puesto en valor para construir la identidad nacional y el
desarrollo económico. Es posible utilizar el patrimonio mediante el impulso a las creaciones
artísticas y al sector turístico para el bien de las poblaciones implicadas.
En este trabajo presentamos el patrimonio sao, resaltando las ventajas y los beneficios que
puede aportar al gobierno de Chad y las poblaciones locales.
The heritage of Sao, whether material or immaterial is by far the best-known and most
representative heritage of the people of Chad. The people of Sao who are conveniently the
first occupants of the geographical area now known as Chad, has left a rich and fascinating
cultural and natural heritage. A better policy aimed at the valorization and management of this
heritage could be beneficial to both the people and the government of Chad. This heritage
may be enhanced in order to promote the creation of national identity and also for socioeconomic development. For the benefit of the people of Chad, it is possible to use this
heritage for the development of artistic creation and tourism.
In this paper, the heritage of the people of Sao is presented, with emphasis on the advantages,
which both the government and the local population could derive from its proper conservation
and management.
3 En Afrique, tout patrimoine cache derrière soi, une fonction immatérielle. Si en occident
la tendance est de s’interroger sur le « pourquoi » des choses, l’africain lui, à cela, se
questionne sur le « pour qui ? ». Il est lié à un objet (masque, statuette, arbre..) ou à un lieu
(forêt, montagne, cours d’eau, case…) qu’il faut entretenir, protéger et transmettre à ses
descendants. Un patrimoine est attaché à la fois à la croyance, à la mémoire et à une
appartenance à une communauté donnée. Le patrimoine africain prend en compte donc deux
éléments: le matériel, palpable et l’immatériel invisible. Dans les sociétés traditionnelles
africaines, ces deux éléments sont tous si importants qu’ils sont indissociables. Sa protection
revient à toute la communauté pour laquelle il a une signification. Généralement, un héritage
culturel a un caractère beaucoup plus communautaire car, la notion de bien individuel n’est
pas trop développée dans les sociétés traditionnelles africaines. Au Tchad, le patrimoine
culturel le plus connu et étudié est celui des Sao. Il est constitué des sites, paysages naturels,
objets et aussi des éléments immatériels légendes, contes, chants…). Malgré cette richesse et
son importance d’un point de vue culturel, ce patrimoine peine à trouver sa place dans les
préoccupations des autorités. Il pourrait pourtant être utilisé pour une construction de
l’identité nationale et aussi, à travers le tourisme culturel, il peut contribuer à l’amélioration
des conditions de vie des populations locales.
Dans cet article, nous abordons le patrimoine sao, sa place et ce qu’il représente comme enjeu
culturel et économique au Tchad.
1. Qui sont les Sao ?
Les Sao sont un peuple à la fois légendaire et historique qui a occupé le bassin du Lac
Tchad c'est-à-dire, le Tchad, le nord du Cameroun et le l’extrême nord-est Nigeria. Les Sao
sont ceux que Malraux1 qualifiait le jour de la proclamation de l’indépendance du Tchad : vos
gaulois.2 Ils sont connus pour être d’après les légendes qui ont circulé depuis le moyen-âge,3
comme étant des personnes de grande taille, dotées de force surhumaine. Les Sao restent
conventionnellement, les premiers occupants du Tchad, du moins du bassin du Lac Tchad où,
ils développèrent une brillante civilisation caractérisée par l’utilisation et la fabrication
1
André Malraux est un ancien ministre français. C’est lui que le Président De Gaule chargea pour le représenter
lors des indépendances des anciennes colonies françaises d’Afrique. 2
Chapelle (1986), p.31.
3
Batouta (1982), pp 312-322.
.
4 d’objets en argile, d’où le terme : civilisation née de l’argile. Dans ce bassin du Lac Tchad où
ils vécurent jusqu’à leur disparition à partir du XIXe siècle 4, les Sao bâtirent des cités
forteresses sur des buttes (photo 1 : site de Lamadji) de terre pour se protéger, à la fois de
l’inondation que de leurs ennemis traditionnels qui sont des groupes ethniques islamisés dont
principalement, les arabes, les Kanembus, et les Boulala. Les fouilles archéologiques réalisées
dans le bassin du lac Tchad, sur les anciens sites sao ont permis aux chercheurs de mettre au
jour plusieurs jarres funéraires, ce qui confirme les informations véhiculées depuis le moyenâge faisant état de cette pratique particulière à ce peuple (photo 2 : jarres funéraires). Sur ces
sites, l’équipe de l’ethnologue français converti par passion à la question sao, en archéologue,
découvrit plusieurs objets composés de jarres, assiettes (ustensiles) des figurines
anthropomorphiques (photo 3). Les proximités de ces figurines avec les cimetières montrent
qu’elles ont plus que des fonctions d’artistiques. Derrière ces objets sao, se cache une fonction
immatérielle.
C’est à partir du 19e siècle que les explorateurs occidentaux comme Barth et Nachtigal
mentionnent dans leurs écrits,5 ceux que l’Italien Annania, Ibn Batuta et Léon l’Africain
évoquèrent dans leurs récits au moyen-âge. C’est avec les Français Marcel Griaule et surtout
Jean Paul Lebeuf (GRIAULE, Marcel, 1943, Les Sao légendaires, Paris, Gallimard, 172 p ;
LEBEUF, Jean Paul et Annie 1977 : Les arts des Sao. Cameroun, Tchad, Nigeria, Paris,
Chêne, 205p ; LEBEUF, Jean Paul, 1945, Quand l’or était vivant, Paris, J. Susse, (rééd. en
1950, Je Sers) que les Sao commencèrent par sortir du monde jusque là, « mythologique »
pour entrer dans le « monde réel », grâce aux fouilles archéologiques réalisées sur les sites
qu’ils occupaient. Alors que les Sao étaient perçus par le reste du monde y compris par les
Tchadiens eux-mêmes, comme purs objets de légendes, avec Lebeuf, des éléments palpables
viennent élider ces perceptions. Ces preuves matérielles permettent ainsi de parler des Sao
comme des êtres historiques. Une reconstitution du passé des Sao peut donc se faire en se
basant sur les sources orales et surtout les résultats des fouilles. Block écrivait à ce propos:
Tout ce que l’homme dit ou écrit, tout ce qu’il fabrique, tout ce qu’il touche peut renseigner
6
sur lui .
4
Bauzou (2007), Toumaï action n°7.
5
Nachtigal (1987)
6
Block (1974), p.63.
5 2. Le patrimoine sao
Culturellement, le patrimoine le plus représentatif et le plus étudié, les Sao sont une
partie très importante du passé de l’espace tchadien. Même si de nos jours, seuls les Kotoko et
Bouduma réclament être leurs descendants, tous les Tchadiens ont néanmoins conscience
d’avoir d’une manière ou d’une autre, une relation directe ou indirecte avec les prétendus
premiers occupants de leur pays. Très tôt après l’indépendance, les autorités ont entamé une
politique de réintroduction du passé des populations tchadiennes. Cette prise de conscience et
volonté manifeste, en plus des
nombreuses preuves matérielles, n’ont pas empêché les
Tchadiens de percevoir les Sao comme des mythes. Beaucoup sont ceux qui pensent encore
que les Sao n’ont jamais existé. C’est pour faire revivre ce passé que les équipes nationales
de football et basketball ont été baptisées : les Sao du Tchad. Un des principaux boulevards
de la capitale tchadienne, porte le nom de Sao (Boulevard Sao). Sur le plan culturel ou
artistique, deux groupes musicaux portent aussi ce nom (Sao junior et Hirondelle Sao). A
Gaoui, un village kotoko et ancienne cité sao, a été construit à l’initiative de la population
locale, un musée appelé : Musée Sao-kotoko de Gaoui (photo 4). Celui-ci est situé à une
dizaine de kilomètres de N’djamena. Leur patrimoine est constitué d’éléments matériels,
immatériels, naturels et des sites archéologiques à pleine vue à N’djamena, ses environnants
et dans tout le bassin du Lac Tchad.
2.1. La tradition orale et les légendes
Les légendes, mythologies sont un patrimoine immatériel très important pour la
connaissance des Sao. Elles ne peuvent pas être sous estimées ou ignorées pour toute
reconstitution
précaution,
du passé des Sao. Si l’histoire en tant que science les appréhende avec
elles
doivent
être
considérées
entièrement
dans
tout
processus
de
patrimonialisation. Les légendes apparaissent donc comme un patrimoine non négligeable
dans le cas des Sao. Elles les présentent comme des géants, forts, ingénieux. Elles racontent
qu’un Sao pouvait tuer et transporter à lui tout seul un éléphant ou un hippopotame
C’est aussi grâce à la tradition orale et aux multiples légendes que les nouvelles
concernant les sao ont traversé des siècles et des continents. Ces traditions orales présentent
les sao comme des géants invincibles. Certains contes racontent même que les Sao seraient
descendants de deux jumeaux incestueux qui viendraient d’Irak et que leur arche se serait
6 échouée près de Moussoro après le déluge biblique. Dans son livre intitulé : « Les Sao
Légendaires », Marcel Griaule rapporte quelques-unes des légendes racontées sur ce peuple.7
2.2. Le bassin et le Lac Tchad
Il y a eu une relation d’amour entre les Sao et le Lac Tchad (Photo 5). Les Sao ne
peuvent être évoqués sans le bassin du Lac Tchad où ils s’installèrent et développèrent une
civilisation. Ce lac qui était le deuxième d’Afrique, riche en poisson était propice pour la
pêche et l’élevage. Les abords du Lac Tchad pendant la période de décrue, bien arrosés, leur
offraient de terres riches pour l’agriculture. D’après les légendes, les Sao attiraient les
convoitises de leurs voisins, en ce sens que tout leur était favorable. La relation Sao/lac
Tchad est la même que celle que les Egyptiens entretenaient avec le Nil. C’est tout autour de
ce lac que les Sao se sont installés jusqu’à leur disparition. Aujourd’hui, le Lac Tchad a perdu
ses eaux et ses abords ont perdu de leur fertilité elle aussi légendaire, mais la mémoire et les
souvenirs des Sao y sont restés.
2.3. Les sites sao
A ce jour, plus de 841 sites ont été répertoriés dont 442 au Cameroun et 140 au Nigeria
et 250 au Tchad. Le nombre de sites répertoriés au Tchad est largement inférieur car depuis
les années 70, aucune carte archéologique n’a été faite et les informations n’ont pas été mises
au jour. Les autorités tchadiennes se basent encore sur les données fournies par Jean Paul
Lebeuf dans son livre intitulé: Carte archéologique des abords du Lac Tchad.8 La capitale
N’Djamena, anciennement Fort Lamy, a été fondé en 1900, sur des sites sao qu’elle engloutie
avec l’expansion démographique. Dans plusieurs quartiers de N’Djamena, on peut encore
remarquer des maisons construites sur un site (photo 6 : Site de Madjorio) et un autre
transformé en champs (photo 7 : Site de Madaga). Ceci explique les relations entre les Sao et
les populations actuelles. Même s’ils ont physiquement disparu, les Sao sont présents
quotidiennement dans la vie de tchadiens.
7
« [...] Les Sao étaient si hauts de taille que leurs bois d’arc étaient fait de palmiers entiers, que leurs gobelets,
grands comme des jarres funéraires, pouvaient contenir deux hommes assis. Ils pêchaient sans filet en barrant de
leurs mains les rivières. Ils prenaient à la main les hippopotames et les dévoraient comme des poulets. Ils
annonçaient en criant d’une cité à l’autre leur tour de pêche et leur voix roulait jusqu’au Tchad comme un
tonnerre, faisant fuir tous les oiseaux des arbres. Leurs ongles étaient si épais qu’ils ont résisté à la pourriture et
qu’on en déterrerait aujourd’hui dans les buttes [...]. Dans leur chevelure, on trouvait des nids de rapaces. »
8
Lebeuf (1969) 7 Sur ces sites, entre 1935 et 1940, Lebeuf et son équipe de chercheurs ont découvert des
jarres funéraires avec des squelettes, des palais, des poteries, des statues, et aussi, bracelets,
pendentifs, bijoux, pipes, statues, pièces de monnaie, etc. Ils y trouvèrent aussi bien d’autres
objets en terre cuite dont des ustensiles ménagers, des jarres (photo 8), des colliers et
statuettes en bronze ou en cuivre (photo 9).9
3. Enjeu culturel et identitaire
Dans un pays aussi divisé comme le Tchad, et où les considérations ethniques sont si
présentes, il est possible d’utiliser le patrimoine comme élément fédérateur et facteur d’une
reconquête identitaire. Etant donné que les Sao sont le patrimoine le plus représentatif du pays
et que d’une manière ou d’une autre, ils ont laissé des traces dans le quotidien des tchadiens, il
est possible de les utiliser comme point d’union. Le patrimoine sao est de loin le plus
représentatif dans ce Tchad multiethnique et multiconfessionnel. Même si seuls les Kotoko se
réclament encore être les descendants des Sao, tous les tchadiens admettent volontiers avoir
une relation avec ces ancêtres semi mythiques qui procurent une sorte de fierté perdue. Très
vite l’indépendance du Tchad, avec la ferveur de la liberté retrouvée, l’Etat tchadien avait
décidé prendre en main son patrimoine à travers la Loi 14-60 du 2 novembre 196010. En
réalité, même si elle aborde la question des sites archéologiques et les objets pillés, elle met
un accent sur le patrimoine bâti. On parlait à cette époque de réappropriation des biens qui
reviennent aux tchadiens mais aussi du concept : tchaditude11. La connaissance et
l’acceptation de son passé détermine le chemin à suivre pour le futur. A ce propos, Marcus
Garvey disait :
« Un peuple sans passé, est un peuple sans avenir ».
La période coloniale est venue non pas bouleverser le cours de l’histoire des populations
tchadiennes, mais elle a
donné l’impression de dérouter celles-ci de leur passé. C’est
pourquoi, il était question après l’indépendance de se réapproprier le patrimoine tchadien sans
9
http://clubrpc.com/les_sao.htm 10
Loi n° 14-60 du 2 novembre 1960 ayant pour objet la protection des monuments et sites naturels, des sites et
monuments de caractère préhistorique, archéologique, scientifique, artistique ou pittoresque, le classement des
objets historiques ou ethnographiques et la réglementation des fouilles.
11
Concept développé par le premier président tchadien François Ngarta Tombalbaye qui vise encourager les
tchadien à un vrai retour vers leurs sources. 8 mettre un accent sur sa gestion. Le patrimoine est essentiel pour un peuple, pour sa maturité et
pour son développement. Il contribue à sa quête ou au renforcement de son identité. Au
moment où l’on se demande de plus en plus, si les tchadiens sont une nation ou simplement
des groupes hétéroclites réunis dans un espace qu’est le Tchad, les Sao et leur héritage
peuvent être utilisés par les autorités pour la construction d’une nation, gage de stabilité et de
cohésion nationale. Il s’agira dans cette construction identitaire de trouver l’élément
fédérateur à tous les Tchadiens, en mettant en exergue cette symbolique qui sont les Sao.
Ainsi, les Sao patrimonialisés pourront être associés au quotidien de la population au point de
devenir l’un de ses symboles, c’est-à-dire de participer à définir l’identité sociale et nationale
du Tchad12. Sur quels éléments se baser pour cette quête d’une identité commune ? En
quelques mots, quel héritage les Sao ont-ils laissé au tchadiens ?
4. Patrimoine sao et développement économique
L’industrie du patrimoine culturel et naturel n’a pas encore trouvé sa place au Tchad.
Le secteur patrimonial quel qu’il soit, ne représente pas une préoccupation des autorités
tchadiennes.
Le patrimoine sao, qu’il soit immatériel ou matériel est de loin le plus représentatif du
Tchad. Les Sao occupent, comme nous ne cessons de souligner, une place très importante
dans la perception du Tchad culturel. C’est d’ailleurs pour mieux les connaitre et les
appréhender que l’exploration scientifique non marchande du Tchad a été engagée par les
explorateurs et chercheurs occidentaux.13 La patrimonialisation ou la réorganisation à but
lucratif, culturel ou identitaire est une sorte de réinvestissement. La patrimonialisation peut
être définie comme un processus de réinvestissement, de revalorisation d’espaces
désaffectés14. Depuis un certain temps, la patrimonialisation en se « modernisant », cesse de
plus en plus d’être un élément de rappel des souvenirs et se socialise en incluant les
aspirations actuelles. La patrimonialisation rejoint l’idéologie du développement durable sans
12
Ripoll, Veschambre (2005), p.11.
13
Makrada Maina, (2010)
14
NOROIS (2000), 173 p.
9 rien perdre de sa philosophie.15 Certains pays africains comme le Sénégal ou la Maroc ont su
mettre un accent sur leur potentiel touristique avec un accent particulier sur la culture.
Les dirigeants tchadiens n’ont pas compris la nécessité de diversifier les sources
financières. L'industrie des biens culturels, le tourisme peuvent contribuer à la
redynamisation de l’économie nationale en contribuant efficacement dans la lutte pour le
développement social et économique. Nous conviendrons avec Ripoll que le patrimoine est
sorti du cadre purement historique, culturel, monumental ou de revendication en élargissant
ses frontières et en se donnant une définition mise à jour pour devenir un enjeu tout à fait
différent16, comme pour dire : nous avons notre héritage tant réclamé, que peut-il nous
rapporter et comment en tirer profit sans pour autant le céder. Les textes de protection et de
proposition de meilleure gestion du patrimoine sont là, il suffit de les appliquer à bon
escient.17 Il est donc tout à fait possible d’utiliser le patrimoine immatériel comme ressource
supplémentaire au développement économique. Celui-ci peut contribuer dans la politique de
diversification des économies et à l'autonomie des communautés et territoires. Au même titre
que les richesses naturelles, les éléments constitutifs du patrimoine immatériel sont des
ressources à développer et à exploiter. Les ressources du patrimoine constituent un potentiel
économique souvent ignoré.18
Dans un pays comme le Tchad où le patrimoine d’une manière générale ne trouve pas sa
place parmi les multiples préoccupations qui sont la santé, l’éducation et la question
sécuritaire, il est important de faire un travail de sensibilisation préalablement à l’endroit des
autorités. Car, pour qu’il y ait patrimonialisation et pour qu’une importance puisse être
accordée à l’héritage des Sao, il ne suffit généralement pas que l’héritage ciblé ait acquis du
sens pour un groupe, une collectivité et qu’il y ait une légitimation « scientifique » par les
spécialistes du patrimoine : il faut également que l’objet patrimonial puisse acquérir une
valeur économique. Afin de permettre un renforcement de l’économie tchadienne à l’instar
des autres pays du monde et pour éviter de ne compter que sur les ressources du pays qui sont
15
Di Méo (2007) « Processus de patrimonialisation et construction des territoires » Colloque "Patrimoine et
industrie en Poitou-Charentes : connaître pour valoriser", Poitiers-Châtellerault : France
16
Ripoll, Veschambre (2002), Calenge (dirs.), pp. 261-288. 17
Audrerie (2000), p.9.
18
http://www.mcccf.gouv.qc.ca/index.php?id=1913
10 traditionnellement, le pétrole, le bétail et le coton, l’Etat devrait songer à développer le secteur
touristique. Il faudrait donc convaincre les autorités que la culture peut engendrer
l’économie.19 Il est aussi possible d’encourager les créations artistiques (peinture, sculpture,
céramique) autour des Sao. Ceci pourrait stimuler les créations artistiques et exporter les
créations tchadiennes surtout que d’après La Conférence des Nations Unies sur le commerce
et le développement (CNUCED), la demande mondiale de produits culturels a plus que
doublé, ce qui représente une opportunité pour redynamiser les économies des pays en
développement face à la récession mondiale.20 En effet, le développement économique et la
valorisation du patrimoine peuvent se renforcer mutuellement et la promotion du tourisme
dans les cas des sites permettrait d'assurer le développement local en passant par la création
d’emplois et d’activités génératrices de revenus, qui pourraient à leur tour être utilisés dans la
gestion de site. D’après Jeff Morgan21, Les pays en développement perdent plusieurs milliards
de dollars de revenus (liés au tourisme et aux emplois) en négligeant leurs sites de patrimoine
culturel.
L’Etat tchadien peut mettre en place une politique touristique qui permettra aux
populations d’acquérir une certaine autonomie financière et d’être moins dépendantes de
l’Etat. Le tourisme culturel peut en effet, contribuer efficacement à créer des emplois,
favoriser le développent et stimuler les créations artistiques. Ce tourisme culturel autour des la
culture
et des sites sao impliquera leur patrimoine matériel et immatériel. L’UNESCO
conscient des avantages du secteur touristique pour les pays en voie de développement s’est
engagé à aider les Etats à :
-
à concevoir des stratégies nationales pour la sauvegarde à long terme du patrimoine
culturel;
-
à mieux promouvoir et faire connaître le patrimoine culturel;
-
à favoriser des échanges interculturels constructifs entre la population locale et les
voyageurs, ce qui contribuerait au développement économique, social et culturel.
19
Pinçon-Charlot (2005), p.18. 20
21
CNUCED « Le rapport de l'économie de la création 2010 »
Directeur exécutif du Global Heritage Fund, un groupe à but non lucratif basé en Californie et qui a publié le
rapport baptisé « Sauver notre Héritage en Déclin » 11 L’héritage des sao a des valeurs très importantes pour les Tchadiens d’un point de vue
culturel et historique. Celui-ci peut-être utilisé dans la construction identitaire et comme une
valeur ajoutée pour l’économie tchadienne. Pour cela, il faut une réelle volonté politique et
une mise en place des stratégies soutenues de mise en valeur de ce patrimoine culturel et
naturel le plus important du Tchad. Pour y parvenir, la valorisation de ce patrimoine doit
s’appuyer sur des synergies locales et concilier les logiques de protection et de mise en valeur
patrimoniale avec le développement artisanal, artistique et touristique basé sur les richesses
scientifiques des sites, respectueux des identités locales et conciliables avec les enjeux du
développement durable.
Bibliographie
AUDRERIE, Dominique (2000) : La protection du patrimoine culturel dans les pays
francophones, Paris, ESTEM, 112p.
BATOUTA, Ibn (1982) : Voyages III. Inde, Extrême-Orient, Espagne et Soudan, Traduction
de l’arabe de C. Defremery et B.R. Sanguinetti (1858), Paris, Collection FM/La Découverte,
381p.
BAUZOU, Thomas (2007) : « L’art et les cultures Sao » in Toumaï action, n°007
CHAPELLE, Jean (1986) : Le peuple tchadien : ses racines, sa vie quotidienne et ses
combats, Paris, Harmattan, 304p.
1
Charte Internationale Du Tourisme Culturel (1999) : « La Gestion du Tourisme aux Sites de
Patrimoine Significatif » Adoptée par ICOMOS à la 12è Assemblée Générale au Mexique,
Octobre 1999.
DI MEO, Guy (2007) : « Processus de patrimonialisation et construction des territoires »
Colloque "Patrimoine et industrie en Poitou-Charentes : connaître pour valoriser", PoitiersChâtellerault : France
BLOCH, Marc (1974) : Apologie pour l’Histoire, 1ère éd. 1949, Paris, Colin, 155p.
GRIAULE, Marcel, (1943), Les Sao légendaires, Paris, Gallimard, 172 p.
LEBEUF, Jean Paul (1969) : Carte archéologique des abords du Lac Tchad (Cameroun,
Nigéria, Tchad), CNRS, Paris, 2 vol. 171p.
LEROI GOURHAN, André (2000) : L’Homme et la matière, Paris, Science d’aujourd’hui,
348p.
PINÇON-Charlot, Monique, PINÇON Michel (2005) : Châteaux et châtelains, Paris, Editions
Anne Carrière, 291 p.
12 NACHTIGAL, Gustav (1987) : Sahara and Sudan, vol. III, The Chad Basin and Bagirmi,
Londres / Humanities Press International, Atlantic Highlands (New Jersey), XXII + 519 p., 3
cartes hors texte.
NOROIS, 2000 : « Patrimoine et environnement : les territoires du conflit », n° 185, tome 47,
173 p.
RIPOLL, Fabrice, VESCHAMBRE, Vincent (2005) : « L’appropriation de l’espace comme
problématique », Norois, n° 195-2005/2, PUR, pp. 7-15.
1
MAKRADA MAINA, Manga (2010) : Le patrimoine culturel des Sao du Bassin du Lac
Tchad : connaissances et mise en valeur, Master TPTI, Evora, 168p.
RIPOLL, VESCHAMBRE (2002) : Jean Y., Calenge C. (dirs.), Lire les territoires, Collection
perspectives « villes et territoires », n° 3, pp. 261-288.
RIPOLL Fabrice, VESCHAMBRE Vincent (2002) : « Face à l’hégémonie du territoire :
éléments pour une réflexion critique », 2002, dans Jean Y., CALENGE C. (dirs.), Lire les
territoires, Collection perspectives « villes et territoires », n° 3, pp. 261-288.
13 Illustrations
Photo 1 : Site de Lamadji (Source Makrada Manga)
Photo 2 : Jarres funéraires (ph. J.P Lebeuf)
14 Photo 3 : tête antropomorphique (ph. Darbois)
Photo 4 : Musée Sao-Kotoko de Gaoui. (Ph.Makrada Manga)
15 Photo 5 : Le Lac Tchad (ph. Larousse)
Figure 6 : Le site sao occupé de Madjorio (ph. Makrada Manga)
16 Photo 7 : Site sao de Madaga occupé par les habitation et le champs (Ph. Makrada Manga)
Photo 8 : Jarre sao (Ph. Darbois)
17 Photo 9 : Cavalier sao en bronze mis en vente sur le site http://afrikshop.fr/bronze/21-cavalier-saobronze.html

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