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Les enfants de la detresse MÉMOIRES DE LA MISSION MÉDICALE CUBAINE AU PAKISTAN Les enfants de la detresse memoires de la mission medicale cubaine au pakistan Tarek William Saab www.medicoscubanosenpakistan.com A Chávez et à Fidel, deux géants de la libération et de la rédemption de nos peuples. Vrais héritiers des enseignements de Bolívar, de Martí et du Che. À ces deux bâtisseurs de la nouvelle civilisation. Aux enfants de la détresse qui vivront en mon cœur jusqu’à mon dernier souffle. Aux survivants du séisme d’octobre 2005 du Pakistan dont le courage incite à vivre dans la dignité et l’honnêteté. Aux mes loyaux compagnons Bruno Rodríguez, Iván Mora, Rolando Gómez, Douglas Saab et à tous ceux qui ont contribué à adoucir cette belle traversée vers la résurrection. À la mémoire de mon père bon, Nemer Saab. À ma mère, à mes frères, à ma femme et à mes enfants, foyer dans le bonheur. Une reconnaissance particulière à Douglas, pour sa précieuse contribution photographique et son soutien humain. Et tout spécialement à la brigade médicale cubaine Henry Reeve, protagoniste d’une épopée historique en faveur de l’humanité. Responsable Maquette Photographies Pré-presse Lilian Sabina Roque Ernesto Niebla Chalita Douglas Saab Juvenal Balán Enrique Medero Cambeiro Photo de couverture : L’auteur dans le camp de réfugiés de Jilalabad, à côté de Gulan Rubani. Devant, de petits orphelins. © Tarek William Saab, 2006 © Sur la présente édition: Ediciones Plaza, 2006 ISBN 959-7177-10-2 Ediciones Plaza Calle 17, número 552, esq. a D, Vedado, La Habana, Cuba. Téléphone: (537) 55 1858, Télécopieur: (537) 57 4578 Pour contact avec l’auteur : [email protected], [email protected] Téléphone: (0058) 414 2910602 Prologue Le 8 octobre 2005, l’écho d’un frémissement colossal provenant d’abîmes insondables épouvanta les populations de la cordillère qui s’élève jusqu’à l’Himalaya. Ce n’est qu’aux premières lueurs de l’aube qu’il fut possible de comprendre l’ampleur de la tragédie. Des villages et des localités innombrables avaient été ensevelis, et les survivants déambulaient, tâchant à tâtons de retrouver les leurs dans la brume, les ruines et les décombres. La nouvelle se répandit largement grâce aux médias et agences de presse du monde et, des jours durant, les puissants États européens, les Nations Unies et d’autres organismes internationaux eurent l’attention fixée sur le Pakistan. Sous d’autres latitudes, des gens bons et généreux prirent part à la douleur des enfants de ce pays lointain. En fait, à peine quelques temps avant, une série de calamités avait réclamé l’attention de l’humanité, entre autres – pour n’en citer que quelques-unes – le tsunami en Asie du Sud-Ouest, les cyclones insolites qui avaient ravagé l’Amérique centrale, le golfe du Mexique et les Antilles, la guerre en Irak, ou le conflit séculaire de Palestine… 11 Un drame pire d’une ampleur incalculable : le dilemme de la pauvreté et de la faim, la menace de pandémies et les changements climatiques nous font contempler le début du millénaire avec autant de saisissement et de crainte que si nous lisions l’Apocalypse. Le moment précédent la fin des temps serait-il donc advenu ? Sommes-nous à deux doigts du heurt des cultures et des civilisations, ou est-ce que s’ouvre devant nous un précipice qui permet de sonder l’abîme que le génie de Michel-Ange a dessiné sur les fresques du Jugement dernier ? Face à ce doute qui assaille les esprits les plus sereins, la douleur d’un peuple nous incite à réfléchir au-delà de la compassion qui tente de sécher les larmes de ceux qui souffrent et pleurent : au-delà, se dresse la Foi qui est capable de déplacer les montagnes ; l’Espérance, qui triomphe sur la mort et l’oubli ; la Charité réparatrice et solidaire… toutes vertus nécessaires pour transformer l’ordre injuste et meurtrier que la société de consommation, la banalité et l’égoïsme imposent au monde. Qui lit ces lignes pensera peut-être qu’il s’agit là d’un plaidoyer romantique, totalement dépourvu du pragmatisme indispensable. Un biographe de Vladimir Illich Oulianov me racontait que durant une causerie avec un ami, Lénine avait affirmé : « Les révolutions ne sont pas du tout romantiques, mais je me méfie profondément des révolutionnaires qui ne le seraient pas. » Cette belle anecdote vient à ma mémoire en lisant ce témoignage passionnant sur les médecins cubains au Pakistan. L’auteur a suivi leurs traces pour raconter l’histoire non seulement de la brigade qui porte le nom du mambi étasunien tombé à vingt-sept ans à Yaguaramas, dans la province actuelle de Matanzas, le 4 août 1867, Henry Reeve, un jeune qui, épris de la liberté et admirateur de la lutte épique du peuple cubain, laissa sa terre natale et périt dans un combat inégal. Il faut dire que, constitué de médecins et de travailleurs de la santé, le contingent Henry Reeve a été formé après que le cyclone Katrina eut ravagé la côte sud des Etats-Unis, dont le 12 gouvernement refusa malheureusement l’offre généreuse du peuple cubain de porter secours aux sinistrés. Dotée d’une conception chevaleresque de la vie et d’une vision qui atteint l’avenir, Fidel Castro a encouragé les médecins à perfectionner leur formation pour aider n’importe quel autre peuple de la Terre. Inutile de dire que plusieurs milliers de ces compagnons ont répondu à l’appel ou aux besoins d’autres nations. Nous devons Les Enfants de la détresse au poète et écrivain vénézuélien Tarek William Saab, militant inlassable de la Révolution bolivarienne, élu gouverneur de l’Etat d’Anzoátegui, orateur charismatique capable de prendre des heures au sommeil – en soi déjà si bref et inquiet – pour s’adonner à la lecture et s’étancher aux sources de la sagesse… En louant ses qualités, j’ai placé au premier rang la poésie, parce qu’elle exalte et rend digne, soutient l’âme en haut, fait voir dans la nuit noire… Elle est présente dans la prose éblouissante de Simón Bolívar, dans « Mon délire du Chimborazo », dans le « Serment du mont sacré » ou dans ses paroles troublées et belles au seuil de la mort. William Saab ne se sent pas moins ému devant les souffrances de ces pasteurs au visage buriné et au profil altier, ceux-là même qu’Alexandre le Grand contempla dans son pas rapide vers les confins du monde connu, ceux-là même qui ont préféré s’accrocher avec rage à leurs ruines plutôt que de se convertir en parias dans les grandes cités. À forte tradition islamique, ils sont aujourd’hui les destinataires de cette nouvelle expression de la solidarité cubaine. Il n’existe pas de frontières religieuses pour cet exemple d’humanisme qui, comme image faite de poésie et de mot, guide la plume en répétant l’ancien proverbe écrit sur un toit ignoré de La Havane : « La main écrit ce que le cœur commande. » Quand le monde tourne le dos à des appels urgents, quand les promesses s’oublient, quand un vieillard est capable, devant la perte de tout ce qu’il avait de matériel, de tourner les yeux au 13 ciel et de s’écrier : « Je n’ai pas de maison, je n’ai rien, mais que la volonté de Dieu soit faite », ce livre doit perdurer non seulement pour les générations futures, mais pour tous ceux qui aspirent à un monde meilleur. Car ce vibrant témoignage servirait largement à valider la profondeur philosophique de la pensée de José Martí quand il s’écriait résolument : « Soulevonsnous pour que nos enfants aient un jour une tombe ! Et mettons autour de l’étoile, sur le nouveau drapeau, cette formule d’amour triomphant : Avec tous et pour le bien de tous. » Si les médecins cubains se trouvent dans les quartiers populaires de Caracas et dans tout le Venezuela bolivarien, s’ils ont été capables de parler les langues ancestrales des Mayas, les accents cadencés du créole… de s’adapter à tant de peuples du monde et de vivre avec eux, conduits par une inspiration apostolique, c’est parce qu’ils ont appris le concept internationaliste qui anime l’idée qu’un monde meilleur est possible, accent cardinal dans la pensée de Fidel Castro. Aujourd’hui que nous assistons à la renaissance des idées dans notre Amérique, il vaut la peine de lire Les Enfants de la détresse, nous arrêter sur ses pages, maintenant qu’on recommence à traire les troupeaux dans ce lointain pays, malgré l’hiver qui tombe déjà avec son manteau de neige sur les hautes cimes où le pasteur peut néanmoins voir passer dans le ciel une étoile filante. Eusebio Leal Spengler 25 janvier 2006 14