Louer son logiciel de relation client

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Louer son logiciel de relation client
SAVOIR-FAIRE
MARKETING-VENTE
Louer son logiciel
de relation client
Informatique. La location d'application hébergée devient une alternative crédible à l'achat de
licences. Les offres et les technologies atteignent leur maturité et le système s'adapte bien
aux modes de travail des commerciaux.
N’achetez plus vos logiciels.
Louez-les ! Le concept a fait fureur
lors de son lancement en 2000
avant de tomber aux oubliettes. Il
revient au goût du jour, principalement dans le domaine de la gestion
de la relation client (CRM, pour
customer relationship management
en anglais). L'idée d'opter pour la
souplesse de la location et de
l'accès via Internet à un logiciel
hébergé chez un tiers est
réhabilitée. D'autant que les freins
liés aux performances des réseaux
et à la sécurité ont presque tous été
levés. Bien adaptée au quotidien
des commerciaux itinérants, la
location d'application hébergée (ou
ASP pour application service
provider) est même soutenue par
certains éditeurs de CRM habitués
à la vente de licences, dont Siebel,
le leader du secteur.
Deux approches à étudier
« L'option ASP pour la mise en
œuvre d'un projet CRM constitue
une formidable opportunité qui
n'existait pas il y a quelques années. Elle n'est pas pour autant la
réponse à tous les besoins », rappelle Thierry Aubert, consultant du
cabinet conseil Tioga Venture. Il
faut d'abord distinguer deux types
d’ASP. Une première approche
concerne des logiciels conçus dès
le départ pour être hébergés sur des
serveurs mutualisés et donc
partagés par plusieurs entreprises.
L'étanchéité des données est
assurée,
la
personnalisation
logiciel de relation client contre
une version web en location
possible, les mises à jour
communes, mais les fonctionnalités
parfois limitées. Cette solution est
bien adaptée aux petites équipes
commerciales, très mobiles, et aux
projets qui n'ont pas besoin d'une
intégration poussée avec les autres
logiciels de l'entreprise. « Même si
cela est techniquement possible,
nous n'avons pas connecté
l'application de relation client à
notre système informatique interne.
Nous sommes obligés de ressaisir
une partie des dossiers clients »,
reconnaît Annick Soto, directrice
commerciale de Stypen.
L'autre approche consiste à
passer en mode ASP une
application
client
serveur
paramétrée selon les besoins de
l'entreprise. C'est l'option retenue
par Bernard Crueghe, directeur de
Speig,
filiale
de
services
informatiques du groupe de B-TP
Colas. « Nous n'avons pas changé
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de logiciel, Nous avons juste
changé de mode d'utilisation et
sommes passés en ASP pour nous
affranchir des problèmes de mise à
jour sur les portables de 75
commerciaux du groupe. »
Avec des loyers compris entre 40
et 100 euros par mois et par
utilisateur, l'ASP est souvent
présenté comme plus économique
qu' un équipement classique. « Sur
quatre ans, cette solution revient
10 % moins cher que l'achat de
licences, du matériel et des services
d'intégration et de support », a
calculé
Emmanuel
Olivier,
directeur général d'Esker Software,
un éditeur de logiciels. La mise en
œuvre est surtout beaucoup plus
rapide : trois mois dans le cas
d'Esker, qui a abandonné son
logiciel Siebel pour équiper ses
180 commerciaux répartis dans le
monde avec la solution de
Saleforces.com.
Un peu moins cher que l'achat
L'ASP n'est souvent perçu que
comme une solution transitoire.
« La location n'est pas adaptée aux
projets stratégiques de cinq à dix
ans », résume Nicolas Saint-Cast,
responsable CRM de la société de
services informatiques Devoteam.
A moins que le rachat des licences
soit envisageable au bout d'un
certain temps, le mode locatif peut
en effet revenir cher sur le long
terme. « L'éditeur Eudoweb m'a
proposé de passer en mode intranet
lorsque je le souhaiterai », raconte
Laurent Estrour, directeur général
de l'agence de communication
nantaise PGO, qui a choisi il y a
six mois de troquer son vieux
« Il faut bien définir les
modalités financières dès le départ,
conseille Thierry Aubert, de Tioga
Venture. Outre les mensualités, il
faut notamment tenir compte d'un
éventuel
engagement
initial.
Certains
éditeurs
demandent
jusqu'à un an de loyer d'avance ». Il
faut aussi prévoir dès le départ les
conditions
d'élargissement
et
surtout de réduction du périmètre,
rarement évoquées. Un loyer
mensuel minimum est souvent
imposé. Les conditions de sortie du
contrat doivent également être
étudiées avec soin, notamment en
terme de migration des données
vers un autre système.
Les aspects financiers ne sont
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pas les seuls à devoir être
examinés. Un contrat d'ASP est
passé avec un éditeur, mais aussi
avec un hébergeur - qui peut être le
même - pour le système de
connexion, le matériel et le support
technique. Il est donc indispensable
d'analyser la plateforme sur
laquelle fonctionnera le logiciel en
terme de sécurité des données et
des accès d'une part, de niveau de
service d'autre part. Il est donc
important
de
prévoir
des
indicateurs de qualité, la fréquence
des rapports et de fixer des clauses
de pénalité en cas de dépassement
de seuils. On peut ainsi fixer des
taux de disponibilité, les temps de
résolution de problèmes ou des délais maximum pour la réalisation
de certaines opérations, comme
l'affichage d'une fiche client par
exemple.
Il faut aussi garder en mémoire
que l'ASP exige du haut débit.
« L'usage en situation de mobilité
n'est pas forcément aussi souple car
il faut être connecté au réseau pour
travailler. Or la connexion à
Internet n'est parfois possible que
via le réseau mobile, en GPRS.
D'où des possibles problèmes de
confort d'utilisation suivant la
qualité de la couverture », rappelle
Bernard Grueghe du groupe Speig.
Dépasser les freins
psychologiques
Le choix de l'ASP n'est pas
forcément du goût de tout le
monde. De prime abord, les
services informatiques internes,
lorsqu'ils existent, s'avèrent très
réticents. Ils évoquent des raisons
de sécurité. Une fois les
inquiétudes techniques levées - les
serveurs des hébergeurs étant
souvent mieux protégés que ceux
des entreprises -, les informaticiens
sont finalement soulagés de ne plus
avoir à assumer le retour sur
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investissement de ces solutions
CRM difficiles à mettre en place et
lourdes à administrer. « L'ASP
modifie aussi la nature du rapport
avec l'équipe qui gère la solution,
explique Thierry Aubert. D'un
rapport hiérarchique avec les
responsables informatiques, les
utilisateurs passent à un rapport de
client - fournisseur avec l'éditeur
ou l'hébergeur. Ce changement
peut entraîner un sentiment de
perte
de
contrôle.»
C'est
notamment le cas pour les mises à
jour. Lorsqu'elle a acquis une
licence, l'entreprise choisit si elle
souhaite installer les nouvelles
versions. En ASP, c'est l'éditeur qui
met en place les nouvelles
fonctionnalités. Il faut donc se faire
préciser si les mises à jour sont
synchronisées ou non pour tous les
clients et si des tests préalables
sont bien effectués. « Pour réduire
les risques, mieux vaut s'assurer
que l'entreprise est bien dans le
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cœur de cible de l’éditeur. Les
évolutions à venir auront plus de
chance de correspondre aux
besoins des utilisateurs », conseille
encore Thierry Aubert.
Il faut aussi accepter que les
données
soient
stockées
et
contrôlées par une tierce partie.
Pour limiter les risques, il faut
penser à exiger des sauvegardes
régulières. Il faut aussi s'apprêter à
limiter ses exigences en terme de
configuration
et
de
personnalisation par rapport aux
besoins
de
l'entreprise.
La
mutualisation tend en effet à
réduire les possibilités. En
échange, elle assure une mise en
œuvre et des mises à jour plus
rapides. « Il faut parfois savoir
restreindre ses désirs pour que tout
ce passe bien », conclut Emmanuel
Olivier d'Esker Software.
AURELIE BARBAUX