Sam - OIP
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MINEURS DÉTENUS « Il y avait des bastons, souvent » Sam a passé sept mois de détention provisoire à l’EPM de Meyzieu pour agression à main armée, accusation qu’il récuse. Près de dix-mois après sa sortie, il est toujours sous contrôle judiciaire, dans l’attente de son procès. Si la prise en charge éducative proposée à l’EPM lui a semblé adaptée, il témoigne d’un quotidien marqué par la violence entre les jeunes. Quel a été votre parcours judiciaire ? Quelles étaient vos relations avec les éducateurs ? J’ai passé sept mois en EPM, de mars à octobre 2013. J’avais alors 17 ans, je n’allais plus au collège depuis un an, j’habitais chez mes parents. Je n’avais jamais eu de problème avec la justice. J’ai été mis en garde a vue après avoir été dénoncé, puis déféré devant le juge. L’audience devant le juge des libertés et de la détention n’a pas duré trois minutes. Je suis rentré, il m’a dit « je t’incarcère », je suis parti direct à l’EPM de Meyzieu. L’avocat a obtenu ma remise en liberté, mais l’affaire n’est toujours pas jugée. Je suis sous contrôle judiciaire. On voit les éducs le week-end et pendant les repas, ils mangent avec nous. Le reste du temps, ils ne sont pas avec nous, on a un entretien avec eux toutes les deux à trois semaines. Il y a un éducateur référent pour l’unité, il t’encourage, il te dit de ne pas lâcher. Comment s’est déroulée votre arrivée à l’EPM ? La première semaine, c’est compliqué, tu restes en cellule arrivant. Tu rencontres le psychologue, les éducateurs et les matons. Ils nous expliquent l’emploi du temps, comment ça se passe. On reçoit un paquetage, des produits pour nettoyer la cellule, du papier toilettes, shampoing, gel douche… Après, tu t’y fais, tu passes en unité, tu commences à connaître du monde. Je n’avais pas peur, j’étais plutôt en colère, parce que je n’ai rien fait dans l’affaire. Je suis resté trois mois dans l’unité deux, et j’ai fait une demande pour être à l’unité six, où on a plus de privilèges. On a du sport et des activités en plus. Ça a été accepté parce que je me tenais correctement. Comment se déroulent les journées ? Le réveil est à 7 heures. Ils ouvrent la porte, ils tapent dessus ou te demandent si tu es là et ils referment. Un jour sur deux, on descend prendre les repas, l’autre groupe mange en cellule, et le lendemain c’est l’inverse. A la six, tout le monde descend. Le socio [activités au secteur socio-éducatif] commence à 9 heures, jusqu’à midi, puis on reprend pour deux heures l’après-midi. On n’est que cinq ou six par classe, ils ont le temps de nous prendre, de nous expliquer, c’est très bien. J’ai passé mon certificat de formation générale et mon brevet premiers secours. Comment décririez-vous l’ambiance au sein de l’EPM ? Avez-vous subi ou été témoin de violences ? Il y avait des bastons souvent, deux à trois fois par semaine. Violent. Ça se finit toujours au mitard, et après tu passes en conseil de discipline. Ils peuvent t’en rajouter ou te retirer la télé pendant 15 jours ou un mois. La télé, on a le droit de la regarder jusqu’à 23 heures, ensuite ils la coupent, pour tout le monde. Ça, c’est dégueulasse. C’est ça qui engendre les insultes toute la nuit. Ils mettent le feu à un drap, ils le lâchent et balancent des papiers. Ça dure jusqu’à 6 heures du matin parfois. Moi j’avais des mandats, heureusement. Ceux qui n’en avaient pas, ils avaient 20 euros par mois. Du coup, il y avait des rackets. Il y avait des « chauds », pratiquement tous tombés pour des meurtres… Ils disaient donne-moi du coca, donne-moi ça… Il y avait des gangs qui se faisaient. Par exemple, Lyon et Grenoble vont être plutôt ensemble, contre les Marseillais. Je me suis battu, mais je n’ai jamais été racketté. Je n’ai jamais fait de mitard parce que quand tu ne mets pas le premier coup, tu ne vas pas au mitard. Quelles étaient les relations avec les surveillants ? A l’unité six, on n’avait que des biens, surtout un qui jouait du violon et nous faisait sortir un peu plus. C’est plutôt des jeunes. Certains sont plus compréhensifs que d’autres, ils laissent faire quand tu fumes, d’autres vont faire un rapport. Ceux qui te cherchent, on les insulte. J’ai déjà vu des violences de surveillants, quand il y a des bastons, ils en profitent. La seule action que j’ai vu : ils ont voulu emmener quelqu’un au mitard, il n’a Dedans Dehors N°87 Avril 2015 47 dossier Deux jeunes dans le réfectoire, EPM de Meyzieu, mars 2008 pas voulu, ils l’ont défoncé dans la cellule. Ça je l’ai vu. Avec le bouclier, tout ça… Quand tu ne veux pas sortir, ils mettent les équipements, ils te menottent aux pieds et aux mains, et ils te prennent comme ça et t’emmènent jusqu’au mitard. ma sortie, je suis allé à la mission locale, on a direct postulé auprès de plusieurs patrons, on a été les voir. J’ai été pris un mois à l’essai, puis embauché juste derrière. Avez-vous pu maintenir les liens avec votre famille dans de bonnes conditions ? Je pointe toutes les semaines à la police, je suis interdit de séjour sur le territoire de la commune où j’habitais, mes parents ont dû déménager. Ma mère venait tous les 15 jours, parce que ça faisait loin pour 45 minutes de parloir. J’arrivais parfois à avoir des parloirs doubles. Mes frères aussi venaient. Trois potes ont fait des demandes, refusées. J’étais fouillé après. A nu. Tout le monde, tout le temps. Tu descends tout, tu te baisses, tu fais un demitour. Pour le téléphone, tu n’as pas le droit d’appeler après 18 heures J’appelais 10-15 minutes tous les 2-3 jours, parce que ça coûte cher. Dans quel état d’esprit êtes-vous sorti de prison ? Et dans quelle situation sociale, familiale, psychologique… ? Cette sortie avait-elle été préparée ? Mon avocat a fait une demande de mise en liberté, qui a été acceptée au bout de dix jours. Ils sont venus le matin, ils m’ont dit « tu sors demain matin à 11 heures ». Ils viennent te chercher en cellule, tu prépares tes affaires, tu sors et voilà. La première chose que j’ai faite en sortant, j’ai fumé une clope. Je n’ai pas eu d’accompagnement. Pendant les entretiens avec l’éduc, on parlait de nos projets, mais on ne mettait rien en place, il me disait qu’il ne trouvait pas de projet pour moi. A Dedans Dehors N°87 Avril 2015 48 Quelles obligations avez-vous ? Vous êtes sorti depuis un an et demi, pensez-vous encore à la prison ? Sept mois de prison, ça marque. Personne n’est au courant que j’ai fait de la tôle. J’essaye d’oublier. Je ne sais pas ce qui m’a le plus marqué. L’enfermement, tu ne vois plus rien, tu es coupé du monde. Je suivais les infos et le journal si j’arrivais à l’avoir – il n’y en a qu’un par unité. Par rapport à votre parcours, pensez-vous qu’une autre réaction de la justice aurait été plus appropriée ? Un bracelet ou une semi-liberté auraient été mieux. Pour une histoire banale comme ça, ce n’est vraiment pas nécessaire, la personne a eu 2 ou 3 jours d’ITT. Ça c’est passé un samedi soir, le lundi les flics étaient là. Je n’ai jamais compris comment une enquête peut être faite en 2 jours. Pourquoi de la prison ferme direct ? Je n’ai pas eu d’explication. Recueilli par Amid Khallouf et Barbara Liaras