P.#06 Paris - Théâtre de l`Odéon

Transcription

P.#06 Paris - Théâtre de l`Odéon
P.#06 Paris
Tragedia endogonidia - VI episode
de
ROMEO CASTELLUCCI
SOCÌETAS RAFFAELLO SANZIO
18 › 31 oct. 03
Odéon-Théâtre de l’Europe aux Ateliers Berthier - Grande Salle
Photo : SRS
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Service de Presse
Odéon-Théâtre de l’Europe aux Ateliers Berthier : Lydie Debièvre, Melincia Pecnard
tél 01 44 85 40 57 - fax 01 44 85 40 56 - [email protected]
Festival d’Automne à Paris - Rémi Fort, Margharita Mantero :
tél 01 53 45 17 13 - [email protected] et [email protected]
dossier également disponible sur http://www.theatre-odeon.fr
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Location 01 44 85 40 40
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Prix des places
(série unique)
de 13€ à 26€
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Horaires
du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 15h.
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Odéon-Théâtre de l’Europe
aux Ateliers Berthier
8 Bld Berthier - 75017 Paris
Métro Porte de Clichy - ligne 13
(sortie av de Clichy / Bd Berthier – côté Campanile)
RER C : Porte de Clichy (sortie av. de Clichy) - Bus : PC, 54, 74
> Le bar des Ateliers Berthier vous propose chaque jour,
1h30 avant le début de la représentation et après le spectacle,
une carte de vins choisis et une restauration rapide.
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P.#06 Paris
Tragedia endogonidia - VI episode
mise en scène, scénographie, lumières et costumes
composition dramatique, sonore et vocale
trajectoires et écritures
musique originale
avec
production : Socìetas Raffaello Sanzio, Festival d´Avignon,
Hebbel Theater-Berlin, KunstenFESTIVALdesArts Bruxelles/Brussel,
Bergen International Festival,
Odéon-Théâtre de l´Europe avec le Festival d´Automne à Paris,
Romaeuropa Festival, Le Maillon-Théâtre de Strasbourg,
LIFT (London International Festival of Theatre),
Théâtre des Bernardines avec le Théâtre du Gymnase à Marseille
en collaboration avec Emilia Romagna Teatro Fondazione-Modena
avec le soutien du Programme Culture 2000 de l´Union Européenne
Les 19 et 26 octobre, à 17h, dans la Grande Salle :
projection du film retraçant les 5 épisodes précédents du cycle
de Tragedia endogonidia : C.#01 Cesena, A.#02 Avignon, B.#03
Berlin, BR.#04 Bruxelles/Brussel, BN.#05 Bergen.
Entrée libre, dans la limite des places disponibles.
Cycle filmique de la Tragedia Endogonidia
par Cristiano Carloni et Stefano Franceschetti
sons et musiques originaux de Scott Gibbons
EPITAPH : Un livre de textes et de photos couleurs de Romeo
Castellucci, présentant son travail et son univers.
29€. En vente à la librairie du Théâtre.
Romeo Castellucci
Chiara Guidi
Claudia Castellucci
Scott Gibbons
Alessandro Bedosti
Luca Nava
Sergio Scarlatella
Silvano Voltolina
Patricia Zanco
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Après Il Combattimento et Genesi (2000) et Giulio Cesare (2001), l’Odéon-Théâtre de l’Europe accueille
pour la troisième fois la Socìetas Raffaello Sanzio. Le travail de Romeo Castellucci et de son équipe
est sans équivalent sur nos scènes. Il tient du théâtre d’images, du rituel ésotérique, de la performance d’avant-garde. Provocant, mystérieux, troublant, il s’offre comme expérience à traverser, non
comme spectacle à contempler. P.#06 Paris est le sixième moment, encore inédit, d’un ambitieux projet en plusieurs étapes qui sillonne l’Europe. La Socìetas y travaille, selon ses membres, en amont de
la tragédie, comme pour réinventer le théâtre dans le suspens de toutes ses traditions. Les
spectateurs qui ont assisté, à Cesena, en Avignon, à Berlin, à Bruxelles ou à Bergen aux premières
manifestations de cet « auto-engendrement intérieur d’une forme tragique », y ont retrouvé la puissance évocatoire, les chocs et le trouble, l’étrangeté radicale qui font de la marque la Socìetas.
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La Tragedia Endogonidia est un système dramatique conçu par Romeo Castellucci et assimilé
par la Socìetas Raffaello Sanzio. L’objectif est de représenter la tragédie, en la repensant maintenant et à nouveau, ici, dans le temps et l’espace où nous nous situons. La création n’est pas
un acte originel, mais quelque chose qui s'étend sur toute la durée du cycle dramatique, lequel
est formé de onze Episodes distincts, chacun lié à une ville européenne différente ; et c’est du
sigle de ces villes qu’ils prennent leur nom. Le cycle est conçu comme un processus dramatique en évolution, et les Episodes constituent les stades de son changement.
La Tragedia Endogonidia associe deux termes antithétiques. D’une part, « Endogonidia » fait
allusion aux êtres vivants simples, qui intègrent en leur sein la coexistence des gonades, qui
permettent de se reproduire à l’infini, suivant un principe effectif d’immortalité qui exige, toutefois, un dédoublement continu de soi. De l’autre, « Tragedia » suppose la mort (du héros), qui
depuis toujours fait partie intégrante de chaque présence de vie.
Dans la Grèce antique, les Episodes étaient les parties de la tragédie qui ne représentaient que
les faits, sans commentaires (qui à l’époque étaient assurés par le Chœur). Dans le cas présent,
nous avons imaginé une tragédie sans Chœur, sans discours ni explications. Les Episodes sont
les faits mêmes, qui, dans l’Antiquité, représentaient des actions exemplaires, réalisées par des
héros. Ici, les Episodes ne puisent leur inspiration à aucun mythe reconnaissable. L’histoire et
le passé entrent en scène à travers des relations énigmatiques, sans la garantie exégétique
d’un précédent qui fasse autorité. Nous sommes confrontés à un nouveau début, où tout doit
encore être inventé de manière cohérente. Les Episodes sont souvent peuplés de figures de
base qui se répètent ; des thèmes et des concepts de la tragédie qui alimentent la prise de
conscience du spectateur en tant que tel.
La Tragedia Endogonidia se développera sur trois ans dans dix villes différentes ; chacune
assistera à la représentation d’un Episode, dont le titre est formé du sigle de la ville en question et d’un numéro d’ordre.
Calendrier général de la TRAGEDIA ENDOGONIDIA
C.#01 CESENA/Socìetas Raffaello Sanzio 25 -26 Janvier 2002
A.#02 AVIGNON/Festival d’Avignon
7-15 juillet 2002
B.#03 BERLIN/Hebbel Theater
15-18 janvier 2003
BR.#04 BRUXELLES/BRUSSEL/
Kunsten Festival des Arts
4-7 mai 2003
BN.#05 BERGEN/
International Festival Norway
22-25 mai 2003
P.#06 PARIS/Odéon Théâtre de l'Europe
avec le Festival d'Automne
18-31 octobre 2003
R.#07 ROMA/Romaeuropafestival
21-30 novembre 2003
S.#08 STRASBOURG/
Le Maillon Théâtre de Strasbourg
17-20 février 2004
L.#09 LONDON/ London
International Festival of Theatre
13-16 mai 2004
M.#10 MARSEILLE/Les Bernardines
avec le Théâtre du Gymnase
septembre 2004
C.#11 CESENA/
Socìetas Raffaello Sanzio
octobre 2004
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L’étape de Paris, qui représente le VI ème Episode, entre de plein fouet dans le monde des figures et
des fantômes, désormais fréquents dans la Tragedia Endogonidia. Nous assistons à une discontinuité et à une rupture par rapport à la régularité, quoique minime, des personnages qui l’ont peuplée jusqu’à présent, et autour desquels nous avons commencé à ancrer des pensées. C’est
comme si la Tragedia endogonidia envisageait de mettre fin à la pensée dès que celle-ci s'arcboute sur quelque chose ; c’est comme si elle insistait sur une fuite dépourvue de sens et de destination, pourvu qu’il s’agisse d’une véritable fuite ; c’est comme si, pour terminer, elle ressentait
le besoin d’écarter d’elle-même le principe de tradition le plus infime.
C’est pour cette raison que P.#06 PARIS se manifeste avec toute la violence d’une accélération,
dans une force propulsive qui mène à la collision, avec l’écho d’un acte définitif qui n’engendre que
des pensées. L’écho, encore vif du passé, demande à connaître le sens propre de ces pensées.
Orpheline des figures qui avaient commencé à peupler la famille de la Tragedia Endogonidia, l’étape de Paris ouvre ses portes aux personnages de l’Histoire et du Mythe. Ils ont des noms, une
continuité et une suite propres. Ici le sens tragique côtoie les thèmes de la communauté civile, de
la ville organisée, de la politique militaire, ainsi que les concepts de nation et d’ennemi. C’est là
qu’une ouverture se produit dans l’entrepôt immense du passé historique, qui jette dans l’actualité le pouvoir de ses projections à l’œuvre. La Mère Anonyme, la femme qui supporte et qui a mené
jusqu'ici la Tragedia Endogonidia, rencontre maintenant l’Histoire et la formation de la societas
humaine.
La Tragedia Endogonidia comprend aussi un Cycle Filmique et le Journal des déplacements
«Idioma, Clima, Crono».
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Lieux, Figures et Passages principaux des premiers Episodes :
Dans C.#01 Cesena :
Voyager
L’Epileptique
La Chambre d’Or
La Mère Anonyme
L’Arc mécanique
La Machine des lettres
L’Oracle
Les Tables de la Loi
Les Trois Encapuchonnés (ou Larves Occidentales)
Carlo Giuliani, le jeune homme tué par un carabinier à Gênes, le 20 juillet 2001
Le Carabinier
Dans A.#02 Avignon :
Voyager
Les Epileptiques
Les Ambassadrices du Bouc, qui parlent la langue inventée par l’animal
La Chambre d’Or
Les Soldats de la Conception
L’Enfant Juge
Le Clown qui vient de la ville
La Mère Anonyme
Les Tables de la Loi
L’Arc mécanique
Carlo Giuliani, le jeune homme tué par un carabinier à Gênes, le 20 juillet 2001
Le Carabinier
Dans B.#03 Berlin :
Le public des Lapins (ma place est déjà occupée)
Le rideau
Le gris
La Mère Anonyme
Les femmes soldats de la Conception
Le Polygone de Tir
Le Fantôme
Les Tables de la Loi
Tremblement de Terre
San Paolo
Les Trois Etres Polaires (ou Larves du Nord)
La Fillette morne
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Chaque travail possède une qualité organique, il satisfait à son animalité spécifique. Chaque travail peut se résumer à une forme animale. […] Un bon morceau de théâtre doit pouvoir se condenser dans une image, qui est l’image d’un organisme, d’un animal : avec cet esprit. Cet animal est
une présence, très souvent un fantôme, qui traverse la matière, et moi avec lui. Le problème est
d’être pèlerin dans la matière. La matière est l’ultime réalité. C’est la réalité finale qui a pour limites la respiration et la chair du cadavre. C’est un pèlerinage que nous faisons dans la matière.
C’est, donc, un théâtre des éléments. Les éléments ne sont que ce qu’il y a de plus purement communicable, comme la plus petite communication possible. C’est ce qui m’intéresse : communiquer
le moins possible. Et le plus petit degré de communication possible se trouve dans la surface de la
matière. Dans ce sens-là, et paradoxalement, c’est un théâtre superficiel, fait de surface, parce
que c’est un théâtre qui recherche l’émotion.
Romeo Castellucci : Les Pélerins de la matière,
Besançon, Les Solitaires Intempestifs, 2001
(propos recueillis par Yan Ciret et traduits par Karin Espinosa)
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Le théâtre ne doit pas être une restitution mais une rencontre avec des figures inconnues qui
trouvent un écho en chacun de nous.
Romeo Castellucci
La Societas Raffaello Sanzio est fondée en 1981 à Cesena, entre Rimini et Bologne, par deux couples de frères et soeurs : Romeo et Claudia Castellucci, Chiara et Paolo Guidi. Les premiers spectacles de la compagnie, marqués par la rencontre avec Carmelo Bene et une lecture très personnelle de Stanislavski, s’appuient sur ses activités de recherche, de réflexion et d’écriture. Entre
1985 et 1991, la Societas élabore un théâtre qualifié dans ses écrits de “néoplatonicien iconoclaste”. “Néoplatonicien” dans la mesure où Platon fut le premier grand penseur critique de la représentation, et le premier à dénoncer le “poète” en tant que signataire de mythes jusque-là collectifs. “Iconoclaste” (ou, dans l’acception étymologique du terme, “briseur d’images”), en ce sens
que Platon déjà dénonçait la représentation comme duplication, masque et dégradation d’une
réalité qu’elle prétend supplanter. En 1985, Santa Sofia Teatro Khmer inaugure ce versant des
recherches de la Societas. Quatre ans plus tard s’ouvre un cycle de travaux autour de grandes figures mythologiques issues de cultures non occidentales. Avec La descente d’Innana, en 1989, suivi
de Gilgamesh, d’ Isis et Osiris (1990) et d’Ahura Mazda (1991), tous spectacles conçus par Romeo
Castellucci, la compagnie de Cesena présente trois machines de guerre contre la tragédie, considérée comme prototype d’un théâtre “littéraire” à l’origine d’une soumission du théâtre à la lettre
et à l’Auteur.
1992 marque un tournant radical dans le travail de la troupe. La Societas Raffaello Sanzio décide
d’affronter directement la grande tradition européenne. Avec Hamlet. La véhémente extériorité de
la mort d’un mollusque, la compagnie opère une descente aux enfers du langage qui se double
d’une réflexion sur le mythe de l’acteur. Toujours en 1992, la Societas ouvre une autre voie, peutêtre plus inattendue encore, d’exploration subversive de la tradition : le théâtre pour enfants.
Prenant pour exemples certains jeux mimétiques enfantins, dépourvus de tout présupposé “représentatif”, la compagnie élabore des spectacles où tout est exposé à son jeune public de la façon la
plus littérale possible.
La recherche entamée avec Hamlet se prolonge, du côté du mythe de l’acteur, avec Masoch. Les
triomphes du théâtre comme puissance passive, faute et défaite (1993), et du côté de la réflexion
sur les rapports entre texte, corps, langage et tradition, avec L’Orestie (1995). Ce spectacle, où la
présence physique de l’acteur et la technologie nouent des rapports nouveaux, est accueilli sur de
nombreuses scènes européennes et obtient au Québec en 1997 le Prix Masque d’Or du meilleur
spectacle étranger de l’année. Revenant ensuite à Shakespeare, Castellucci s’attaque à son Jules
César. Nourrie d’une réflexion sur les prestiges de la rhétorique en tant que discours du pouvoir,
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la mise en scène donne à voir, par la projection de gros plans, la naissance de la voix à même la
racine de la langue. Tous les personnages sont incarnés par des corps blessés, usés, souffrants,
errant dans un monde dévasté par le vide de la parole politique. Présenté au Festival d’Avignon en
1998, puis à l’Odéon-Théâtre de l’Europe en novembre 2001, le spectacle fait sensation. La Societas
revient en Avignon deux ans plus tard avec un concerto intitulé Voyage au bout de la nuit, d’après
le roman de Céline, où la déconstruction de la langue est poussée encore plus loin, décomposée
jusqu’aux élements sonores - rythmes, bruits, inventions vocales - par lesquels affleure le sens.
Toujours à l’Odéon, Romeo Castellucci a présenté son oeuvre peut-être la plus ambitieuse à ce jour :
Genesi – from the museum of sleep, qui fut l’un des chocs du Festival d’Automne 2000.
Installée depuis 1995 au Teatro Comardini, une ancienne école de mécanique située au centre de
Cesena et qu’elle a restaurée elle-même, la compagnie a publié plusieurs ouvrages de théorie
théâtrale et animé de 1988 à 1999 l’Ecole de Théâtre de la Descente, qui proposait des cours aux
enfants et aux jeunes. Récompensée à plusieurs reprises et à divers titres par le prix UBU, la
Societas a été distinguée en 2000 par le septième Prix Europe - Nouvelles Réalités Théâtrales,
décerné par l’Union des Théâtres de l’Europe et la Convention Théâtrale Européenne.
A LIRE...
Claudia et Romeo Castellucci : Les pélerins de la matière. Théorie et praxis du théâtre, traduit de
l’italien par Karin Espinosa, Les Solitaires Intempestifs, 2001.
Romeo Castellucci : To Carthage then I came, édition établie par Claire David, Actes Sud, 2002.
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Pour la troisième fois, l’Odéon-Théâtre de l’Europe et le Festival d’Automne à Paris accueillent la
Societas Raffaello Sanzio, dont le travail sans équivalent éprouve, interroge, ébranle la plupart des distinctions établies sur lesquelles reposent, encore aujourd’hui, la production et la réception d’œuvres
théâtrales. Dans sa relation au répertoire, tout d’abord. La Societas ne met pas en scène des textes
classiques, elle remonte pour ainsi dire plus haut. L’impulsion que, faute de mieux, l’on dira dramatique,
n’est pas ce qui doit ressusciter à partir d’une trace écrite, mais ce qui dépose cette trace après soi,
comme un serpent ses mues. Romeo Castellucci et son équipe n’ont jamais abordé d’œuvres classiques qu’en vue de dégager en elles le noyau de vertige dont elles ont surgi, opérant ainsi une véritable conversion de l’origine. Celle-ci n’est plus, pour reprendre leurs termes, tournée vers le passé, mais
doit s’enraciner dans l’avenir, et se nourrir ainsi à son tour du temps qu’elle inaugure. Aussi le terme
de " pré-tragique " revient-il souvent dans leur réflexion, qui est aussi une quête de la puissance et de
l’effroi que la tragédie attique, à leurs yeux, a fixés mais aussi adultérés en leur donnant la forme représentative qu’a recueillie la tradition théâtrale d’Occident. Par delà la représentation et la " communication ", la Societas vise à en retrouver les matériaux et à réveiller le niveau nerveux, organique, où
conceptuel et sensible, mental et perceptif, émotion et intellect hésitent encore à distinguer leurs voies.
Pour y parvenir, Castellucci et ses compagnons pratiquent un rapport très particulier aux images, aux
interprètes, à leurs propres oeuvres.
Aux images : évocatrices ou provocatrices, le plasticien iconoclaste qu’est Castellucci, en les mettant au
point, semble doser finement des archétypes profondément enfouis avec des éléments empruntés à la
technologie contemporaine. Le clinique et le corrompu, le pur et l’obscène, le rituel et le dérisoire
paraissent parfois s’y greffer l’un sur l’autre pour produire des créatures scéniques inouïes.
Aux interprètes : on le sait, la Societas a souvent donné à voir des corps (malades, blessés, souffrants,
difformes) dont la censure est si profondément ancrée dans nos habitudes et nos modes traditionnels
de représentation qu’elle semble aller de soi. Ce retour de l’organique, subvertissant le primat du " beau
corps " de l’être humain adulte, rationnel et doué de langage, se complète naturellement d’une présence accrue de l’animal ou de l’enfantin. " Le geste polémique que nous avons à l’égard de la tragédie
attique ", écrit Castellucci, " est de ramener sur scène l’animal en faisant un pas en arrière. Repasser
la charrue sur ses propres pas, voir un animal en scène, signifie se rapprocher de la racine théologique
et critique du théâtre. Un théâtre prétragique renvoie, tout d’abord, à un théâtre enfantin ".
Enfin, la remise en cause et l’examen critique de toutes les fondations de l’art théâtral, tel que l’opèrent
les membres de la Societas, passent également par un approfondissement de leurs propres pratiques.
De ce point de vue, le titre même de la Tragedia endogonidia annonce déjà un déplacement de la perspective, que confirment les textes de Claudia Castellucci : le " prétragique " investit dans ce nouveau
projet la tragédie même, qu’il s’agit en quelque sorte de produire à partir d’elle-même en la repliant
autour de sa propre origine, pour ensuite la redéployer, à chaque fois à nouveaux frais, dans chacune
des villes d’Europe qui jalonnent le projet, selon un processus cumulatif que la Societas compare tantôt à une parthénogenèse, tantôt à une mitose, tantôt à une dissémination de spores. Il n’est donc pas
possible de prédire quelle forme (la sixième) la Tragedia assumera à l’Odéon. Mais les spectateurs qui
ont assisté, à travers l’Europe, aux premières manifestations de cet " auto-engendrement intérieur
d’une forme tragique " y ont retrouvé la puissance évocatoire, les chocs et le trouble, l’étrangeté radicale qui font la marque de la Societas.